Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté son renvoi en cours de stage en alléguant qu’elle a été victime de discrimination, en violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch.H-6 (la << LCDP >>) - ses griefs ont été renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la << LRTFP >>), qui traite des mesures disciplinaires - l’employeur a soulevé une objection préliminaire à la compétence d’un arbitre de grief de la Commission d’entendre l’affaire au motif que le renvoi en cours de stage était une mesure administrative et non disciplinaire - l’employeur a également fait valoir que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas fait valoir la mesure disciplinaire pendant la procédure de règlement des griefs et qu’elle n’avait pas bénéficié du soutien de son agent négociateur, comme l’exige le paragraphe 209(2) de la LRTFP lorsqu’il est question d’une allégation de violation de la convention collective - les parties ont convenu de reporter l’audience en attendant une décision d’un arbitre de grief de la Commission dans une affaire connexe, soit Chamberlain c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 115 (<< Chamberlain 2013 >>) - il a été statué dans cette décision qu’un arbitre de grief n’avait pas compétence pour instruire un grief fondé uniquement sur allégation de violation de la LCDP - les parties ont été invitées à formuler des observations sur les conséquences de cette décision sur la présente affaire - les deux parties ont fait valoir que l’arbitre de grief n’avait pas compétence - l’arbitre de grief a statué que, tel qu’il a été conclu dans Chamberlain 2013, le paragraphe 209(1) de la LRTFP constituait un disposition préliminaire à l’exercice des pouvoirs en vertu du paragraphe 226(1) de la LRTFP - la fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait faire valoir l’argument de la mesure disciplinaire, car elle ne l’avait pas soulevée pendant la procédure de règlement des griefs et ne pouvait le faire à l’audience (Burchill) - elle ne pouvait soulever l’argument de la violation de la convention collective, car elle n’avait pas l’appui de son agent négociateur - l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour instruire ses griefs parce qu’ils n’avaient pas été renvoyés à l’arbitrage conformément aux exigences de l’article 209 de la LRTFP. Fermeture du dossier de grief.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-10-29
  • Dossier:  566-02-6260
  • Référence:  2013 CRTFP 132

Devant un arbitre de grief


ENTRE

RUHAINA REMTULLA

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence de la santé publique du Canada)

employeur

Répertorié
Remtulla c. Conseil du Trésor (Agence de la santé publique du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant léséE:
Alayna Miller, avocate

Pour l'employeur:
Joshua Alcock, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 18 et le 31 octobre et le 14 novembre 2012 et le 1er et le 9 octobre 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Ruhaina Remtulla, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), occupait le poste d’éducatrice en services d’urgence à l’Agence de la santé publique du Canada (l’employeur). Le 22 mars 2011, l’employeur a signifié à la fonctionnaire son renvoi en cours de stage. Le 11 avril 2011, la fonctionnaire a déposé deux griefs alléguant que l’employeur avait enfreint l’article 18 (Congés – généralités) de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’agent négociateur de la fonctionnaire, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’agent négociateur) pour le compte du groupe Enseignement et bibliothéconomie, arrivant à échéance le 30 juin 2011 (la convention collective). Bien que la fonctionnaire ait invoqué l’article 18, il ressort clairement des détails contenus dans l’un de ses griefs que son intention était de renvoyer à l’article 16 (Élimination de la discrimination) de la convention collective, ce que l’employeur a reconnu dans sa réponse au troisième palier de la procédure de règlement des griefs et la correspondance subséquente.

2 Dans un de ses griefs, la fonctionnaire a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je souhaite déposer un grief aux termes de la clause 18.01 de la convention collective et de l’ensemble des articles s’appliquant à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’endroit des personnes handicapées. » Elle a demandé ce qui suit à titre de mesure corrective :

[Traduction]

Je souhaite réintégrer mon poste avec pleins avantages rétroactivement et au même niveau qu’à la date de mon renvoi. Je souhaite également qu’on donne suite à mes demandes de mesures d’adaptation et qu’on m’accorde tout autre avantage auquel j’ai droit.

3 Dans son deuxième grief, la fonctionnaire a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je souhaite déposer un grief aux termes de la clause 18.01 de la convention collective et de tous les autres articles s’appliquant au renvoi injustifié. » À titre de mesure corrective, la fonctionnaire a demandé de réintégrer son poste et de recevoir les pleins avantages rétroactivement.

4 Le 9 novembre 2011, les deux griefs ont été renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), portant sur une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire.

5 Comme la fonctionnaire invoquait également une violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (LCDP), elle en a donné avis à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), en vertu du paragraphe 210(1) de la LRTFP, qui se lit comme suit :

210. (1) La partie qui soulève une question liée à l’interprétation ou à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne dans le cadre du renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel en donne avis à la Commission canadienne des droits de la personne conformément aux règlements.

6 Comme l’indique la lettre d’accompagnement que l’avocate de la fonctionnaire a envoyée à la CCDP, la fonctionnaire avait communiqué auparavant avec la CCDP et la CCDP avait informé l’employeur des allégations pesant contre lui, à savoir qu’il avait fait preuve de discrimination à l’endroit de la fonctionnaire pour des motifs de déficience. Le 17 novembre 2011, la CCDP a avisé la Commission qu’elle n’entendait pas présenter d’arguments dans cette affaire.

II. Objection préliminaire de l’employeur et contexte

7 La Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) a inscrit l’affaire au rôle pour audition du 26 au 28 novembre 2012. Dans une lettre du 18 octobre 2012 adressée au greffe de la Commission, l’employeur a soulevé une objection préliminaire contestant la compétence de la Commission à instruire l’affaire au motif que le rejet en cours de stage de la fonctionnaire était de nature administrative et non disciplinaire. L’employeur a aussi fait valoir que, même si la fonctionnaire alléguait une violation de la convention collective, comme elle n’avait pas reçu l’approbation de son agent négociateur, comme l’exige le paragraphe 209(2) de la LRTFP, elle ne pouvait pas renvoyer ses griefs à l’arbitrage.

8 Dans une lettre datée du 31 octobre 2012, l’avocate de la fonctionnaire a soutenu que la fonctionnaire estimait que son renvoi en cours de stage portait atteinte à ses droits de la personne et que l’employeur n’avait pas pris les mesures d’adaptation nécessaires eu égard à sa déficience. L’avocate a invoqué la décision de la Cour fédérale dans Chamberlain c. Canada (procureur général), 2012 CF 1027 (Chamberlain CF), dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision rendue par un arbitre de grief de la Commission dans Chamberlain c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CRTFP 130 (Chamberlain 2010).

9 Dans sa décision, la Cour a accueilli partiellement la demande de contrôle judiciaire et a renvoyé le grief à l’arbitre de grief pour qu’il se prononce sur la compétence d’un arbitre de grief agissant en vertu de la LRTFP à instruire un grief au seul motif que la fonctionnaire avait allégué une violation de la LCDP.

10 Selon mes instructions, une téléconférence préparatoire avec les parties a eu lieu le 8 novembre 2012. Par la suite, dans une lettre adressée à la Commission le 14 novembre 2012, l’avocat de l’employeur et l’avocate de la fonctionnaire ont reconnu conjointement que, comme la fonctionnaire n’avait pas soulevé d’allégation de mesure disciplinaire au cours de la procédure de règlement des griefs et comme elle ne pouvait pas avancer une telle allégation plus tard dans la procédure, elle n’était pas autorisée à invoquer la mesure disciplinaire au moment de l’arbitrage. Par ailleurs, comme la fonctionnaire n’avait pas obtenu l’appui de son agent négociateur, les deux avocats s’entendaient pour dire qu’elle ne pouvait pas, en vertu de la LRTFP, renvoyer à l’arbitrage ses griefs alléguant des violations à la convention collective. Les avocats m’ont demandé d’annuler les dates d’audience et de rendre une décision relativement à la compétence sur la foi du dossier devant moi.

11 Une deuxième téléconférence préparatoire a eu lieu le 19 novembre 2012. Il a alors été question de la décision que l’arbitre de grief dans Chamberlain 2010 devait rendre relativement au caractère arbitrable des présumées violations de la LCDP en vertu de la LRTFP. Comme cette décision aurait une incidence sur les griefs de la fonctionnaire, son avocate a demandé de reporter les audiences jusqu’à ce que l’autre décision de l’arbitre de grief ait été rendue. L’avocat de l’employeur a donné son accord, et j’ai donc reporté l’audience en conséquence.

12 L’arbitre de grief  a rendu sa décision le 23 septembre 2013; voir Chamberlain c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 115 (Chamberlain 2013). J’ai demandé au greffe de la Commission d’envoyer une lettre aux deux avocats, en y joignant une copie de la décision, pour leur demander de formuler des observations sur la question de savoir pourquoi je ne devrais pas exercer ma compétence en vertu de l’article 227 de la LRTFP pour rendre une décision sur la foi du dossier devant moi, en tirant notamment des conclusions de faits et de droit. Les deux avocats ont avancé que je devrais me pencher sur l’objection préliminaire de l’employeur et trancher la question en me fondant sur les documents dont je disposais.

III. Positions des parties

13 Cette affaire est inusitée du fait que les deux parties s’entendent sur le fait que je n’ai pas la compétence pour instruire ces griefs.

14 Dans ses arguments, la fonctionnaire a déclaré que ses griefs n’étaient pas arbitrables en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP,parce qu’elle n’avait pas allégué de mesure disciplinaire dans la procédure de règlement des griefs et que son agent négociateur n’avait pas appuyé ses allégations relatives à la violation de la convention collective.

15 Par ailleurs, la fonctionnaire a soutenu que ses griefs alléguaient que l’employeur avait omis de prendre des mesures d’adaptation eu égard à sa déficience et que son renvoi était discriminatoire. Par conséquent, il y a eu violation de la LCDP. Selon la fonctionnaire, les faits en l’espèce sont similaires à ceux de Chamberlain 2013. Dans les deux cas, les griefs ne sont pas arbitrables et reposent sur de présumées violations de la LCDP. La fonctionnaire a avancé que, si j’ordonnais la fermeture de son dossier, elle donnerait suite à la plainte déposée antérieurement auprès de la CCDP. À cet égard, les arguments de la fonctionnaire confirmaient que celle-ci [traduction] « […] s’était assurée qu’elle respectait les délais afin de pouvoir poursuivre sa plainte auprès de la CCDP ».

16 Dans ses arguments, l’employeur a souscrit au point de vue de la fonctionnaire, à savoir que la Commission n’a pas la compétence pour instruire les griefs renvoyés à l’arbitrage. L’employeur a rappelé la lettre du 14 novembre 2012, dans laquelle les deux parties convenaient que, comme la fonctionnaire n’avait pas avancé d’allégation de mesure disciplinaire à aucune étape de la procédure de règlement des griefs, elle ne pouvait pas invoquer une telle allégation plus tard dans la procédure, du fait que le principe établi dans l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] C.F. 109 (C.A.), s’applique en l’espèce. Par ailleurs, puisque pendant la procédure de règlement des griefs la fonctionnaire a prétendu avoir fait l’objet de discrimination et d’un manquement à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, en invoquant une violation de la clause sur l’élimination du harcèlement de la convention collective, et qu’elle n’a pas obtenu l’appui de son agent négociateur, elle ne peut demander le renvoi de ses griefs à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP. L’employeur a aussi fait valoir qu’aucune autre disposition de l’article 209 de la LRTFP ne s’applique aux griefs :

[Traduction]

Le présent grief ne soulève aucune allégation visée aux sous‑alinéas 209(1)c)(i) ou (ii) de la [LRTFP] parce qu’il ne renvoie pas à une rétrogradation ou un licenciement aux termes des alinéas 12(1)d) ou e) de la Loi sur la gestion des finances publiques ou à une mutation, sans le consentement de l’employé, aux termes de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Il ne soulève pas non plus d’allégation en vertu de l’alinéa 209(1)d) de la [LRTFP] parce que l’Agence de la santé publique du Canada n’est pas un employeur distinct visé au paragraphe 209(3).

IV. Motifs

17 L’article 209 de la LRTFP se lit comme suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

(3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct.

18 Comme cette affaire avait été suspendue jusqu’à ce qu’une décision soit rendue dans Chamberlain 2013, je me penche maintenant sur l’analyse présentée dans cette décision. Il convient de mentionner dès le début que dans Chamberlain 2010,l’arbitre de grief avait déclaré que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas établi une preuve prima facie que l’employeur lui avait imposé une mesure disciplinaire. Cette conclusion a été désignée comme étant raisonnable dans Chamberlain CF.

19 Dans Chamberlain 2013, le paragraphe 75 présente la question devant être tranchée comme suit :

[75] La présente décision va déterminer si la LRTFP confère à un employé le droit de renvoyer un grief alléguant une violation de la LCDP se présentant indépendamment d’une convention collective. Un grief est-il arbitrable au seul motif qu’il allègue une violation de la LCDP et en l’absence de conclusions factuelles qui donneraient lieu à une procédure d’arbitrage de griefs en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP?

20 L’arbitre de grief a procédé à une analyse minutieuse en traitant de chacune des questions soulevées par la Cour fédérale dans Chamberlain CF. L’essentiel de son raisonnement est résumé dans les extraits suivants de Chamberlain 2013 :

[…]

[82] Ensuite, aux paragraphes 74 et 75 de la décision, la Cour fédérale fait référence aux alinéas 226(1)g) et h) de la LRTFP et affirme que ces alinéas peuvent habiliter les arbitres de griefs à interpréter et à appliquer la LCDP. Avec le plus grand respect, je dois m’opposer à cette affirmation.

[83] Selon moi, le paragraphe 226(1) de la LRTFP s’applique seulement aux arbitres de grief nommés pour instruire les griefs qui ont été jugés arbitrables en vertu du paragraphe 209(1) de la LRTFP. Ces pouvoirs, qui comprennent l’habilité à interpréter et à appliquer la LCDP, sont conférés aux arbitres de grief seulement lorsque les affaires renvoyées à l’arbitrage sont prévues au paragraphe 209(1) de la LRTFP. Par conséquent, le paragraphe 209(1) constitue une disposition préliminaire à l’exercice du pouvoir en vertu du paragraphe 226(1).

[84] Comme il a été mentionné précédemment, le paragraphe 226(1) de la LRTFP est restreint, plus fondamentalement, aux affaires dûment renvoyées devant un arbitre de grief, à mon avis. Ce paragraphe dit ceci :

226. (1) Pour instruire toute affaire dont il est saisi, l’arbitre de grief peut,

[…]

g) interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de celle-ci sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, ainsi que toute autre loi fédérale relative à l’emploi, même si la loi en cause entre en conflit avec une convention collective;

h) rendre les ordonnances prévues à l’alinéa 53(2)e) et au paragraphe 53(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne […]

[Les passages en évidence le sont dans l’original] 

[85] Je suis d’avis qu’aucune compétence n’est seulement fondée sur le libellé du paragraphe 226(1) de la LRTFP. Le libellé « pour instruire toute affaire dont il est saisi » doit bien signifier quelque chose. Selon moi, ce libellé signifie que, pour qu’un arbitre de grief puisse appliquer le paragraphe 226(1) de la LRTFP, l’affaire en cause doit pouvoir être dûment renvoyée à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1) de la LRTFP.

[86] Le paragraphe 226(1) confère un large pouvoir aux arbitres de grief à l’égard de la LCDP, mais seulement lorsqu’il s’agit de griefs ou d’affaires renvoyés à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1) de la LRTFP.

[87] En d’autres termes, la condition préalable pour qu’un arbitre de grief puisse prendre en considération un recours en vertu du paragraphe 226(1) de la LRTFP est que l’affaire soit renvoyée à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1) de la LRTFP.

[…]

[93] Selon moi, le paragraphe 226(1) de la LRTFP doit être interprété selon le contexte, en prenant en considération les faits particuliers de chaque cas. Une interprétation du paragraphe 226(1) de la LRTFP selon laquelle serait conféré aux arbitres de grief le pouvoir d’interpréter et d’appliquer les dispositions de la LCDP même s’il n’y a pas de grief pouvant être renvoyé à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1) de la LRTFP aurait pour effet d’empêcher les fonctionnaires fédéraux de présenter un recours en vertu de la LCDP (à l’exception des litiges en matière d’équité salariale).

[94] Une telle interprétation aurait plus directement pour effet de déduire de ce paragraphe un motif recevable de renvoi à l’arbitrage qui n’est pas prévu par le paragraphe 209(1) de la LRTFP.

[95] Je suis d’avis que si le législateur avait voulu légiférer dans le sens de ces deux résultats, il l’aurait manifesté par un libellé clair.

[…]

[121]  Je conclus que si le législateur avait voulu que tous les différends concernant des affaires liées à l’emploi et des allégations de discrimination soient tranchés par renvoi à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1) de la LRTFP, il lui fallait un libellé clair. En d’autres termes, si le législateur avait voulu que tout employé visé par la LRTFP ait recours à un arbitre de grief nommé en vertu de la LRTFP pour que ce dernier se prononce sur les droits de l’employé en vertu de la LCDP (une loi à laquelle un statut quasi constitutionnel a été donné), peu importe si les droits en question sont autrement arbitrables en vertu du paragraphe 209(1) de la LRTFP, il faudrait que le libellé soit clair et univoque.

[…]

21 L’arbitre de grief a ensuite renvoyé aux arguments de la CCDP comme suit :

[122]  Je ne saurais le dire mieux que l’avocat de la CCDP, qui a dit ceci, auquel je souscris :

[Traduction]

Le paragraphe 209(1) de la LRTFP exprime la volonté du législateur selon laquelle seuls certains griefs individuels peuvent être renvoyés à l’arbitrage. Interprété en contexte, le paragr. 226(1) de la LRTFP n’allonge pas la liste des différends arbitrables. Au contraire, le paragr. 226(1) décrit les pouvoirs qu’un arbitre de grief peut exercer, lorsqu’il examine une affaire qui a dûment été renvoyée à l’arbitrage.

En termes pratiques, lorsqu’un employé soulève des allégations de discrimination dans un contexte factuel qui relève du paragr. 209(1), la revendication pourrait être soumise soit au moyen d’un recours à l’arbitrage en vertu de la LRTFP, soit par l’intermédiaire d’une plainte fondée sur les droits de la personne en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « LCDP »). Autrement dit, il y a compétence concurrente. Cependant, dans de telles circonstances, la Commission exerce sa discrétion en vertu de l’art. 41(1)b) de la LCDP afin d’exiger que l’employé engage d’abord une procédure devant un arbitre de grief, qui a compétence en vertu du paragr. 226(1) de la LRTFP pour appliquer la LCDP et pour adjuger certaines réparations.

Lorsqu’un employé dépose un grief qui comprend des allégations fondées sur les droits de la personne, mais qu’il le fait dans un contexte factuel qui n’est pas visé par le paragr. 209(1), la LRTFP ne confère pas compétence à l’arbitre de grief pour qu’il instruise le grief. L’employé ne se voit toutefois pas refuser l’accès à un arbitrage indépendant. Dans de telles circonstances, l’employé peut présenter à la Commission une plainte fondée sur les droits de la personne, qui devra être instruite en vertu de la LCDP.

22 L’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait pas la compétence pour entendre le grief parce que, bien que le grief ait été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, l’employeur n’avait pas pris de mesure disciplinaire. Il a également conclu à son absence de compétence du fait que le grief était fondé uniquement sur des allégations de violation de la LCDP.

23 Je suis d’accord avec l’arbitre de grief quand il dit que « […] le paragraphe 209(1) constitue une disposition préliminaire à l’exercice du pouvoir en vertu du paragraphe 226(1) ».

24 J’étudierai maintenant l’application de Chamberlain 2013 à l’affaire devant moi.

25 La fonctionnaire a renvoyé ses griefs en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, qui porte sur les mesures disciplinaires ou les sanctions pécuniaires. Les parties ont convenu que la fonctionnaire n’avait pas avancé d’allégation de mesure disciplinaire à aucune étape de la procédure de règlement des griefs, ce que confirme le dossier devant moi. Selon le principe établi dans Burchill, la fonctionnaire ne peut pas modifier ses griefs au moment du renvoi à l’arbitrage. Pour ce motif, les griefs ne sont pas arbitrables.

26 La fonctionnaire a aussi allégué une violation de l’article 16 (Élimination de la discrimination) de la convention collective fondée sur la discrimination et le manquement à prendre des mesures d’adaptation. Cependant, elle n’avait pas obtenu l’approbation de son agent négociateur, comme l’exige le paragraphe 209(2) de la LRTFP. Ses griefs ne peuvent donc pas être renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP et ne sont pas arbitrables.

27 Par conséquent, je conclus que je n’ai pas la compétence pour entendre les griefs de la fonctionnaire, parce qu’ils n’ont pas été renvoyés à l’arbitrage conformément aux exigences énoncées à l’article 209 de la LRTFP.

28 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

29 J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 29 octobre 2013.

Traduction de la CRTFP

Steven B. Katkin,
arbitre de grief

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