Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Au cours d’une année financière, la fonctionnaire s’estimant lésée avait pris un congé personnel rémunéré en vertu de sa convention collective alors applicable avant d’accepter un nouveau poste auprès de son employeur - son nouveau poste se trouvait dans une unité de négociation différente représentée par un agent négociateur différent - l’employeur a refusé sa demande de congé personnel rémunéré aux termes de sa nouvelle convention collective pendant la même année financière - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait droit aux conditions d’emploi de sa nouvelle convention collective et que, contrairement aux autres clauses de cette convention collective, son droit à un congé personnel rémunéré ne faisait l’objet d’aucune restriction. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-11-01
  • Dossier:  566-34-3487
  • Référence:  2013 CRTFP 133

Devant un arbitre de grief


ENTRE

STEPHANIE DELIOS

fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Delios c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
David P. Olsen, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésée:
Neil Harden et Maria Jordan, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Pierre-Marc Champagne, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits,
déposés les 1er et 27 février et le 14 mars 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 La présente affaire porte sur un grief déposé par Stephanie Delios, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») le 28 mars 2008, contestant la décision de son employeur, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC » ou l’« employeur »), de refuser sa demande d’une journée de congé personnel rémunéré, conformément à la clause 17.21 de la convention collective conclue entre l’Agence des douanes et du revenu du Canada et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada pour l’unité de négociation du groupe Vérification, finances et sciences, venant à échéance le 21 décembre 2007 (la « convention collective ARC-IPFPC »). Lorsqu’elle a présenté son grief, la fonctionnaire occupait un poste de vérificatrice de l’impôt sur le revenu. Elle était classifiée au groupe et niveau AU-01, et ses conditions d’emploi étaient prévues par la convention collective ARC-IPFPC.

II. Résumé de la preuve

2 Les parties ont convenu des faits, et l’affaire a été instruite au moyen d’arguments écrits. L’exposé conjoint des faits est ainsi libellé :

[Traduction]

[…]

  1. La fonctionnaire, Stephanie Delios, a occupé un poste de vérificatrice de l’impôt (PM-02) du 14 novembre 2005 au 31 octobre 2007 à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »). Le 1er novembre 2007, le poste a été converti à un poste classifié au groupe et niveau SP-05.
  2. Le poste SP-05 de la fonctionnaire était visé par la convention collective des Services des programmes et de l’administration conclue entre l’ARC et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») (la « convention collective ARC-AFPC »). Cette convention collective est entrée en vigueur le 3 décembre 2007, et venait à échéance le 31 octobre 2010. Un exemplaire de la convention collective ARC-AFPC est joint à la présente, à titre de pièce A.
  3. L’année financière 2007-2008 s’échelonnait du 1er avril 2007 au 31 mars 2008 inclusivement.
  4. Le 4 janvier 2008, alors qu’elle était classifiée au groupe et niveau SP-05, la fonctionnaire a pris 7,5 heures de congé personnel (le jour de congé personnel prévu à la clause 54.02 de la convention collective ARC-AFPC).
  5. La fonctionnaire a accepté un poste de vérificatrice de l’impôt sur le revenu (AU-01) à l’ARC à compter du 29 janvier 2008. La lettre d’offre d’emploi, datée du 22 janvier 2008, est jointe à la présente, à titre de pièce B. Ce poste était visé par la convention collective du groupe Vérification, finances et sciences (VFS) conclue entre l’ARC et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« IPFPC ») (la « convention collective ARC-IPFPC »). Cette convention collective, jointe à la présente, à titre de pièce C, expirait le 21 décembre 2007, mais est demeurée en vigueur pendant les négociations collectives.
  6. Le 20 mars 2008, la fonctionnaire a envoyé un courriel à Brian Arnold, chef d’équipe de la Vérification, qui était alors le chef d’équipe de la fonctionnaire, pour lui demander un jour de congé personnel en date du 31 mars 2008 en vertu de la clause 17.21 de la convention collective ARC-IPFPC. M. Arnold a fait suivre le courriel à Chris Dudek, gestionnaire de la vérification, et lui a demandé de répondre à la demande de la fonctionnaire. Un exemplaire de cette correspondance est joint à la présente, à titre de pièce D.
  7. Le 25 mars 2008, M. Dudek a envoyé un courriel à la fonctionnaire et à d’autres personnes, avec copie conforme à M. Arnold, dans lequel il refuse la demande de la fonctionnaire visant à obtenir un congé personnel d’une journée le 31 mars 2008. Un exemplaire de cette correspondance est joint à la présente, à titre de pièce E. (Les personnes qui ont été copiées lors de cet échange sont Les Zilkie, gestionnaire, Vérification; Ron Klippenstein, conseiller technique en impôt sur le revenu (délégué syndical de l’IPFPC); Rick Hewson, directeur adjoint, Vérification; et Denis Kuharski, gestionnaire, Vérification).
  8. La fonctionnaire a déposé un grief contestant la décision concernant sa demande de congé personnel en date du 28 mars 2008. Un exemplaire de ce grief est joint à la présente, à titre de pièce F.
  9. En réponse au grief, l’ARC a confirmé sa décision comme suit :
    1. Réponse à un grief au premier palier datée du 25 avril 2008, dont une copie est jointe à la présente, à titre de pièce G.
    2. Réponse à un grief au troisième palier donnée le 19 juin 2008, dont une copie est jointe à la présente, à titre de pièce H.
    3. Réponse à un grief au quatrième et dernier palier datée du 5 janvier 2010, dont une copie est jointe à la présente, à titre de pièce I.
  10. Voici les documents ayant fait l’objet d’une entente conjointe :
    • Convention collective ARC-AFPC, désignée « pièce A »
    • Lettre d’offre d’emploi, désignée « pièce B »
    • Convention collective ARC-IPFPC, désignée « pièce C »
    • Correspondance par courriel datée du 20 mars 2008, désignée « pièce D »
    • Correspondance par courriel datée du 25 mars 2008, désignée « pièce E »
    • Présentation de grief, désignée « pièce F »
    • Réponse de l’ARC au grief au premier palier, désignée « pièce G »
    • Réponse de l’ARC au grief au troisième palier, désignée « pièce H »
    • Réponse de l’ARC au grief au quatrième et dernier palier, désignée « pièce I »

[…]

En l’espèce, il s’agit de déterminer si la fonctionnaire avait droit à 7,5 heures de congé personnel payé en vertu de la clause 17.21 de la convention collective ARC-IPFPC, et ce, malgré le fait qu’elle avait déjà pris un jour de congé personnel en vertu de la convention collective ARC-AFPC au cours de la même année financière.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire

3 En résumé, le représentant de la fonctionnaire a signalé qu’aux termes de la définition d’« employé » de la convention collective ARC-IPFPC, la fonctionnaire a commencé à être visée par ses conditions au moment de sa nomination au poste de vérificatrice de l’impôt sur le revenu, classifié au groupe et au niveau AU-01, en date du 29 janvier 2008.

4 Il est prévu par la clause 17.21 de la convention collective qu’un congé personnel payé doit être accordé si les trois conditions sont remplies : (i) être un employé visé par la convention collective, (ii) donner un préavis de cinq jours à l’employeur, et (iii) choisir une date de congé qui convient à la fois à l’employé et à l’employeur. Contrairement aux autres types de congés prévus par la convention collective, la disposition sur le congé personnel n’est pas fondée sur le cumul de [traduction] « crédits acquis » de congé. Il s’agit plutôt d’un droit à une journée chaque année financière. Les autres dispositions de la convention collective, comme la clause 14.08, reflètent l’accord spécifique des parties d’exclure les crédits acquis de congé qui ont déjà été portés au crédit en vertu d’une autre convention collective ou d’un autre document, de manière à éviter qu’un employé cumule des crédits en double. Il en va de même en ce qui concerne les clauses 17.11 (congés pour obligations personnelles) et 17.14 (congés pour obligations familiales), en vertu desquelles un employé a droit à un tel congé « une (1) seule fois » pendant la période totale d’emploi de l’employé dans la fonction publique.

5 De telles restrictions ne sont pas incluses dans la clause 17.21 de la convention collective. Il convient d’appliquer le libellé clair et simple de cette disposition. Le fait que la fonctionnaire ait déjà obtenu un congé personnel payé aux termes d’une disposition similaire de la convention collective ARC-AFPC n’est pas pertinent eu égard au droit que lui confère la convention collective ARC-IPFPC et ne donne pas lieu à un résultat absurde ou, par ailleurs, inacceptable.

6 À l’appui de sa position selon laquelle la convention collective doit se voir attribuer son sens ordinaire et qu’un arbitre de grief ne peut aller au-delà du sens des mots lorsque le libellé est clair et sans équivoque, le représentant de la fonctionnaire m’a renvoyé à : Alliance de la Fonction publique du Canada c. Centre de la sécurité des télécommunications, 2009 CRTFP 121; S.E.I.U., Loc. 268 v. U.S.W.A., Loc. 5481 (1991),43 L.A.C. (4e) 76; Klock c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 99; United Nurses of Alberta, Local 121-R v. Calgary Regional Health Authority (2000),93 L.A.C. (4e) 427. En ce qui concerne la distinction devant être établie entre les congés acquis quotidiennement, comme les vacances ou les congés de maladie, et les congés acquis, comme les congés personnels, le représentant de la fonctionnaire m’a renvoyé à : Canada (Procureur général) c. King, 2003 C.F. 593; Breitenmoser et autres c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel) (Citoyenneté et Immigration Canada) (Développement des ressources humaines Canada) (Défense nationale), 2004 CRTFP 103; Stockdale et al. c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada),2004 CRTFP 4; Julien c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2008 CRTFP 67.

B. Pour l’employeur

7 Selon l’employeur, la restriction énoncée à la clause 17.21 de la convention collective ARC-IPFPC, qui limite le droit de l’employé à un congé personnel à 7,5 heures par année financière, est propre à la fonction publique et non à une unité de négociation. Lorsqu’un employé obtient ce droit, peu importe où dans la fonction publique, il n’y a plus droit au cours de la même année financière.

8 L’avocat de l’employeur a souligné qu’il fallait interpréter la convention globalement et dans son intégralité. Il faut aller au-delà du sens ordinaire de la convention collective si le libellé n’est pas clair, afin de faire ressortir l’intention des parties. L’employeur a fait valoir que l’expression « au cours de chaque année financière » devait être interprétée comme si elle prévoyait un [traduction] « droit unique » qui ne peut être réclamé par un employé qu’une seule fois par année financière. Le fait de permettre à un employé de profiter de 15 heures de congés personnels payés au cours d’une année financière seulement parce que cet employé est affilié à une nouvelle unité de négociation donne lieu à un résultat injuste et va à l’encontre des valeurs et des principes d’équité, d’intégrité et d’efficacité énoncés dans le préambule de la convention collective. Au bout du compte, le résultat obtenu n’est manifestement pas celui que les parties envisageaient lors de la négociation de la convention collective.

9      Selon l’employeur, l’injustice est de nouveau démontrée lorsque les arguments de la fonctionnaire sont appliqués à la clause 17.13 de la convention collective. Le libellé de cette clause est semblable à celui de la clause 17.21 de la convention collective visant à accorder aux employés jusqu’à 37,5 heures de congé pour obligations familiales par année financière, ou à la clause 17.22 de la convention collective portant sur le congé pour bénévolat. Il est manifeste que l’intention des parties n’était pas qu’un employé puisse profiter d’un maximum de 105 heures de congé en vertu de ces dispositions.

10 Enfin, l’avocat de l’employeur m’a renvoyé à Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 46, à l’appui de sa position selon laquelle le congé en question est un congé unique et qu’il s’agit d’une disposition qui s’applique à l’ensemble de la fonction publique.

C. Réfutation de la fonctionnaire

11 Le représentant de la fonctionnaire a réfuté chaque paragraphe des observations de l’employeur et a, pour l’essentiel, réitéré ses arguments principaux. Il a souligné que le pouvoir d’un arbitre de grief était d’interpréter et d’appliquer les modalités de la convention collective et que, ce faisant, il ne pouvait les modifier, même si une disposition pouvait lui sembler injuste (Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112). En ce qui concerne le préambule de la convention collective, le représentant de la fonctionnaire a fait valoir qu’il s’agissait d’une disposition générale qui ne créait pas de droits fondamentaux et qu’elle ne contribuait en rien à la position de l’employeur.

12 Le représentant de la fonctionnaire a établi une distinction entre l’affaire en l’espèce et Institut professionnel de la fonction publique du Canada aux motifs que la question en litige dans cette affaire avait trait au cumul de crédits de congé annuel et non au droit à un congé. Il a de plus souligné que l’arbitre de grief avait relié la clause sur les congés annuels à des facteurs applicables à l’ensemble de la fonction publique en vertu du libellé de cette convention, une approche non étayée par le libellé de la convention collective ARC-IPFPC.

IV. Motifs

13 La question soulevée par le grief en l’espèce est relativement simple. Je dois décider si la fonctionnaire a droit aux 7,5 heures de congé personnel prévues par la clause 17.21 de la convention collective ARC-IPFPC alors qu’elle a déjà profité de ce congé en vertu d’une disposition équivalente de la convention collective ARC-AFPC au cours de la même année financière (2007-2008).

14 La clause 17.21 est ainsi formulée :

17.21 Congé personnel

  1. Sous réserve des nécessités du service déterminées par l’Employeur et sur préavis d’au moins cinq (5) jours ouvrables, l’employé se voit accorder, au cours de chaque année financière, sept virgule cinq (7,5) heures de congé payé pour des raisons de nature personnelle.
  2. Ce congé est pris à une date qui convient à la fois à l’employé et à l’Employeur. Cependant, l’employeur fait tout son possible pour accorder le congé à la date demandée par l’employé.

15 D’abord, il n’est pas contesté que la définition d’« employé » dont il est question à la clause 2.01h) de la convention collective s’applique à la fonctionnaire :

2.01 Aux fins de l’application de la présente convention :

[…]

h) « employé » désigne l’employé tel que l’entend la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et qui fait partie de l’unité de négociation […]

16 La fonctionnaire est une telle employée. Elle est assujettie aux modalités prévues par la convention collective ARC-IPFPC depuis sa nomination, le 29 janvier 2008, à un poste de vérificatrice de l’impôt sur le revenu, classifié au groupe et au niveau AU-01, en vertu de la clause 4.01 de cette convention collective. Les autres conditions régissant le droit à ce congé, à savoir le préavis de cinq jours et le moment qui convient aux deux parties, ne sont pas remises en question. La décision relative à ce grief repose par conséquent sur l’interprétation de l’expression « au cours de chaque année financière » qui se trouve à la clause 17.21a) de la convention collective. Cette expression doit-elle être interprétée comme si elle imposait une restriction au droit au congé personnel allant au-delà de l’application stricte de la convention collective et comme important la notion qu’elle s’applique à [traduction] « l’ensemble de la fonction publique », comme l’affirme l’employeur?

17 Après un examen approfondi de la convention collective et des observations des parties, je suis d’avis que la position mise de l’avant par l’employeur n’est pas fondée et que le grief doit être accueilli pour les motifs énoncés ci-après.

18 Premièrement, la référence en ce qui concerne le congé personnel est la convention collective ARC-IPFPC. Par conséquent, l’expression « au cours de chaque année financière », dans la clause 17.21a) de la convention collective, se rapporte au droit à un congé prévu par cette disposition, lequel s’applique à tous les employés visés par la convention collective. Le fait que la fonctionnaire ait bénéficié d’un type de congé similaire prévu par une convention collective dont elle faisait l’objet antérieurement au cours de l’année financière n’est pas pertinent pour statuer sur son droit à l’avantage énoncé dans la clause 17.21 de la convention collective ARC-IPFPC.

19 Deuxièmement, dans les cas où les parties entendaient limiter le cumul des droits à des congés en vertu de la convention collective, elles l’ont fait assez explicitement. À titre d’exemple, la clause 14.08 de la convention collective illustre une telle approche :

14.08 L’employé n’acquiert aucun crédit de congés en vertu de la présente convention collective au cours d’un mois à l’égard duquel un congé a déjà été porté à son crédit en vertu des conditions d’une autre convention collective à laquelle l’Employeur est partie, ou en vertu des autres règles ou règlements édictés par l’Employeur.

[Nous soulignons]

20 Cette clause vise manifestement à éviter les situations où un employé qui a acquis des crédits de congés aux termes d’une convention collective qui s’appliquait antérieurement à lui ou à elle pourrait obtenir des congés en double lorsqu’il ou elle est nommé(e) à un poste qui fait partie de l’unité de négociation Vérification, finances et sciences, et qu’il ou elle est assujetti(e) à la convention collective actuelle. L’employeur m’a invité à interpréter le libellé de la clause 17.21 de la convention collective dans le même sens. Je ne peux souscrire à cet argument. À mon avis, le congé personnel prévu à la clause 17.21 n’est pas un « crédit de congé » au sens de la clause 14.08 de la convention collective. Il s’agit plutôt d’un droit à un congé qui s’applique à un employé parce qu’il est couvert par la convention collective. Les restrictions énoncées dans la clause 14.08 ne s’appliquent tout simplement pas au droit à un congé personnel prévu par la clause 17.21.

21 De même, les droits à un congé prévus par les clauses 17.11c) et 17.14b) de la convention collective sont rédigés de manière à limiter expressément l’avantage à une seule occasion au cours de la durée totale d’emploi de l’employé dans la fonction publique. Ces clauses sont ainsi formulées :

17.11 c) L’employé a droit à un congé non payé pour les obligations personnelles une (1) seule fois en vertu de chacun de a) et b) de la présente clause pendant la durée totale de son emploi dans la fonction publique […]

[…]

17.14 Sous réserve des nécessités du service, un congé non payé pour besoins familiaux sera accordé à l’employé selon les modalités suivantes :

[…]

b) Sous réserve du paragraphe a), jusqu’à cinq (5) ans de congé non payé pendant sa période d’emploi totale dans la fonction publique pourra être accordé à l’employé pour les soins de longue durée d’un membre de sa famille […]

[Nous soulignons]

22 Je comprends de cette comparaison des libellés que dans les cas où les parties à la négociation collective ont convenu d’imposer une limite temporelle ou autre au droit à un congé prévu par une convention collective, elles l’ont fait explicitement. Comme ce n’est pas ce qu’ont fait les parties en ce qui concerne la clause 17.21 de la convention collective, je n’ai aucun motif d’aller au-delà du sens ordinaire dont les parties ont convenu dans cette clause. Aucun fondement solide n’est ressorti de la convention collective et encore moins dans le préambule de la convention collective, comme l’a fait valoir l’employeur, qui me convaincrait d’en venir à une autre conclusion. De même, je ne peux interpréter cette disposition comme si elle renfermait une limite implicite qui aurait le même effet que les clauses citées précédemment.

23 L’employeur a invoqué Institut professionnel de la fonction publique du Canada pour me convaincre d’interpréter la clause 17.21 de la convention collective comme comprenant la notion selon laquelle elle renferme un avantage [traduction] « pour l’ensemble de la fonction publique » qui ne peut s’appliquer qu’une fois par année financière, sans égard à la convention collective ou à l’instrument dont découle l’avantage. J’estime que l’issue dans ce cas reposait sur l’examen, par l’arbitre de grief, de facteurs qui sont absents du cas présent. La question en litige consistait à déterminer si l’avantage expressément décrit comme un crédit de congé annuel de 37,5 heures accordé [traduction] « une seule fois » pouvait être obtenu plus d’une fois en vertu de conventions collectives différentes prévoyant un tel congé. Dans ses motifs, l’arbitre de grief a signalé que cette clause avait remplacé la disposition sur le « congé de mariage » se trouvant dans toutes les conventions collectives précédentes conclues entre l’employeur et cet agent négociateur, à la suite d’une entente intervenue au cours de la même série de négociations collectives. Par conséquent, il a clairement souligné l’importance de ce contexte dans l’interprétation du libellé choisi par les parties. De plus, le fait que les parties aient utilisé un libellé précis pour établir que le crédit de congé n’était accordé qu’ [traduction] « une seule fois », ainsi que le fait qu’un employé puisse conserver ce crédit si celui-ci a été acquis en vertu d’une autre convention collective comportant un libellé similaire constituent tous des facteurs ayant amené l’arbitre de grief, dans sa réflexion sur l’intention des parties, à conclure que l’interprétation de cette clause visait l’ensemble de la fonction publique, conclusion que l’employeur me prie de tirer en l’espèce. Toutefois, aucune de ces caractéristiques ne figure dans le cas en l’espèce.

24 Si j’acceptais la position de l’employeur, je devrais conclure que la clause 17.21 de la convention collective comprend des restrictions qui n’y figurent pas, ce qui équivaudrait à modifier le libellé de la convention collective. Il est bien établi dans l’article 229 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique qu’il m’est interdit d’agir comme tel. L’employeur a fait valoir que le résultat de l’interprétation de la fonctionnaire en ce qui concerne la clause 17.21 créait une situation inéquitable et injuste puisqu’il faisait en sorte que la fonctionnaire bénéficierait de deux congés personnels au cours d’une même année financière. C’est peut-être le cas, mais il ne s’agit pas, à mon avis, d’un motif valable de ne pas appliquer le sens ordinaire du libellé de la convention collective. Toute injustice ou iniquité apparente qui découle de l’application de la convention collective devrait être réglée à la table de négociation.

25 Je conclus que l’employeur a appliqué incorrectement la convention collective lorsqu’il a refusé d’accorder un jour de congé personnel à la fonctionnaire comme elle l’avait demandé pour le 31 mars 2008. Par conséquent, le grief est accueilli.

26 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

27 Le grief est accueilli.

28 L’employeur devra rémunérer à la fonctionnaire une journée de congé payé au taux salarial applicable au moment du grief. Je demeure saisi de la présente affaire au cas où une question serait soulevée quant à l’application de mon ordonnance.

Le 1er novembre 2013.

Traduction de la CRTFP

David P. Olsen,
arbitre de grief

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