Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que l’employeur avait, à deuxégards, enfreint la Directive sur la réinstallation intégrée du Conseil national mixte, laquelle est réputée faire partie de sa convention collective - elle a d’abord allégué que l’employeur aurait dû calculer certaines de ses indemnités de réinstallation en fonction du salaire de son conjoint, qui était plus élevé que le sien - elle a ensuite allégué que l’employeur n’avait pas le droit de recouvrer un trop-payé de son indemnité de transfert - tant la fonctionnaire s’estimant lésée que son conjoint vivaient auparavant à Halifax et ont accepté des offres d’emploi pour une période indéterminée à Ottawa, où ils se sont réinstallés - la fonctionnaire s’estimant lésée a été la première des deux à accepter son offre d’emploi - aux fins de la Directive sur la réinstallation, la fonctionnaire s’estimant lésée était considérée comme étant la fonctionnaire qui se réinstallait, et son mari comme étant son conjoint - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas nié qu’elle était au courant de cet ordre des choses au moment des faits - la fonctionnaire s’estimant lésée avait utilisé la plus grande partie de la somme reçue pour acheter une réduction d’intérêts hypothécaires - elle a prétendu qu’elle ne l’aurait pas fait si elle avait reçu moins d’argent - la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas lu la Directive et s’était fiée à une discussion avec un conseiller en réinstallation - la Directive comprenait une disposition explicite ordonnant le remboursement de tout trop-payé - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de son allégation que l’indemnité aurait dû être calculée en fonction du salaire de son conjoint - le principe de préclusion ne s’appliquait pas, car la fonctionnaire n’a pas démontré que l’erreur lui avait porté préjudice - la fonctionnaire avait fait une erreur en ne s’informant pas de ses indemnités et n’avait pas droit à ce que son employeur y renonce - la fonctionnaire s’estimant lésée était assujettie à la disposition de remboursement du trop-payé de la Directive. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-09-24
  • Dossier:  566-02-5655
  • Référence:  2013 CRTFP 116

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JULIA MURPHY

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Pêches et des Océans)

employeur

Répertorié
Murphy c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésée:
Kim Patenaude, avocate

Pour l'employeur:
Joshua Alcock, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 9 septembre 2013.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel envoyé à l’arbitrage

1 Le 31 mars 2010, Julia Murphy, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») a déposé un grief dans lequel elle allègue que le ministère des Pêches et des Océans (l’« employeur ») a enfreint la Directive sur la réinstallation intégrée du Conseil national mixte (CNM) (la « directive sur la réinstallation »), réputée faire partie de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour l’unité de négociation du groupe Services techniques (date d’expiration : le 21 juin 2011) (la « convention collective »).

2 En septembre 2008, la fonctionnaire a été promue du poste qu’elle occupait à Halifax à un nouveau poste de niveau plus élevé, à Ottawa. À cette même époque, son conjoint a aussi été promu à un poste de niveau plus élevé auprès de l’employeur, également à Ottawa. La fonctionnaire a allégué que l’employeur aurait dû calculer certaines de ses indemnités de réinstallation en fonction du salaire de son conjoint, dont le salaire était plus élevé que le sien. Cette première réclamation, contestant le fait que l’employeur ait établi son indemnité de transfert en fonction du salaire de la fonctionnaire au lieu de celui de son conjoint, s’élève à une somme de 475,38 $. La fonctionnaire a allégué de plus que l’employeur n’avait pas le droit de récupérer à même son salaire le trop-payé qui lui avait été versé, soit la somme de 2 328,59 $, en raison d’une erreur commise dans le calcul de son indemnité de transfert. Elle réclame le remboursement de cette somme.

Résumé de la preuve

3 Les parties ont présenté un énoncé conjoint des faits accompagné de 20 documents. Elles ont de plus déposé en preuve cinq autres documents. La fonctionnaire a témoigné. Elle a également fait entendre son conjoint, Gary Ivany en tant que témoin. L’employeur n’a fait entendre aucun témoin.

4 M. Ivany avait commencé une affectation auprès de la Garde côtière canadienne (GCC) à Ottawa vers le début de l’année 2008. Il était alors en service commandé et touchait les indemnités prévues à cet égard en vertu de la Directive sur les voyages du CNM. En juillet 2008, l’employeur a informé verbalement la fonctionnaire qu’on lui proposerait une offre pour un poste à durée indéterminée au sein de la GCC à Ottawa. L’employeur et la fonctionnaire ont alors convenu qu’il serait dans l’intérêt de la fonctionnaire de retarder cette offre de quelques semaines pour que soit prolongée l’affectation en service commandé de son conjoint et pour accorder plus de temps à la fonctionnaire et à son conjoint pour planifier leur réinstallation à Ottawa.

5 Le 26 août 2008, la fonctionnaire a reçu l’offre d’emploi pour un poste à Ottawa, son entrée en fonction prenant effet le 2 septembre 2008. Elle a accepté l’offre le même jour. Cela a déclenché le processus de réinstallation ainsi que l’application de la directive sur la réinstallation. Les services fournis aux fonctionnaires dans le cadre de la directive sur la réinstallation sont rendus par un fournisseur de services de réinstallation externe, en l’occurrence la société Brookfield Global Relocation Services (« Brookfield »).

6 Le 27 août 2008, la fonctionnaire a reçu un courriel de Brookfield renfermant des renseignements d’ordre général au sujet de sa réinstallation imminente. La directive sur la réinstallation était jointe à ce courriel. La version de 2008 de la directive comportait 77 pages. La fonctionnaire n’a pas lu ce document. Elle était davantage préoccupée à l’époque par les divers préparatifs en vue de son déménagement et les tractations avec l’agent immobilier en vue de la vente de sa résidence. Il lui restait à peine une semaine avant de commencer son nouvel emploi à Ottawa le 2 septembre 2008.

7 Le 28 août 2008, la fonctionnaire et M. Ivany ont eu un entretien au téléphone avec Chris Hiltz, un conseiller en réinstallation chez Brookfield, lequel leur a fourni des conseils au sujet des avantages qui leur étaient offerts dans le cadre de la directive sur la réinstallation. À la suite de cette conversation, la fonctionnaire a signé une liste de vérification en guise de confirmation qu’elle avait obtenu des conseils au sujet de tous les éléments figurant à cette liste, notamment au sujet de son admissibilité à l’indemnité de transfert et du montant de cette indemnité.

8 Le 4 septembre 2008, M. Ivany a reçu et accepté le même jour une offre écrite pour un poste d’une durée indéterminée auprès de la GCC à Ottawa. Aux fins de la directive sur la réinstallation, la fonctionnaire était considérée comme étant la personne visée par la réinstallation, et M. Ivany était considéré à titre de conjoint de cette dernière. Selon les documents produits en preuve, le dossier de réinstallation ainsi que la documentation s’y rapportant étaient établis au nom de la fonctionnaire; le nom de M. Ivany figurait toutefois également dans certains courriels. On ne retrouve dans la preuve présentée aucun élément permettant de croire que la fonctionnaire ait manifesté quelque désaccord avec le fait qu’elle était la bénéficiaire du soutien procuré dans le cadre de la réinstallation et que M. Ivany était considéré comme étant son conjoint aux fins des indemnités.

9 La fonctionnaire et son conjoint ont reçu les fonds prévus, notamment l’indemnité de transfert, conformément au paragraphe 3.4.2.1.1 de la directive sur la réinstallation. Cette indemnité est calculée conformément à la section pertinente de ce paragraphe, qui se lit comme suit :

  • Les employés autres que les EX/GC reçoivent une indemnité de transfert équivalant à deux (2) semaines de traitement. Le calcul de cette indemnité est basé sur le traitement annuel à la date de nomination au nouveau lieu de travail.

10  Toutefois, lors du traitement du dossier de réinstallation de la fonctionnaire, des erreurs ont été commises dans le calcul de l’indemnité de transfert, entraînant un trop-payé de 2 328,59 $. Brookfield avait versé à la fonctionnaire une indemnité correspondant à un mois de salaire plutôt que deux semaines de salaire. De plus, il avait employé aux fins du calcul le dernier échelon de l’échelle salariale au lieu de l’échelon applicable en principe à la fonctionnaire. En raison de ces erreurs, Brookfield a versé une somme de 5 440,00 $ à la fonctionnaire au lieu de la somme à laquelle elle avait réellement droit.

11 En octobre 2009, Brookfield a effectué une vérification du dossier de réinstallation de la fonctionnaire, dans le cadre de la procédure de fermeture du dossier. Le fournisseur de services s’est alors rendu compte que des erreurs avaient été commises dans le calcul de l’indemnité de transfert. Il a demandé à la fonctionnaire de lui rembourser le trop-payé, lui rappelant alors les dispositions du paragraphe 2.2.2.10 de la directive sur la réinstallation, lequel se lit comme suit :

2.2.2.10 S’il y a eu avance de fonds et que, au moment de clore le dossier, on établit que ces fonds n’auraient pas dû être fournis, l’employé restitue la totalité des fonds au tiers fournisseur de services dès qu’il reçoit un avis à cet égard.

12 La fonctionnaire n’était pas d’accord avec le fait qu’elle devait rembourser une partie de l’indemnité de transfert qui lui avait déjà été versée. Elle a fait part de son désaccord à cet égard tant auprès de Brookfield qu’auprès de son employeur. Elle n’a pas remboursé le trop-payé et a continué à soutenir qu’elle avait pris ses décisions financières et au sujet de sa réinstallation en se fondant sur les renseignements erronés que lui avaient fournis tant l’employeur que les experts-conseils du fournisseur de services de réinstallation. Elle s’était fiée à l’avis de ces experts. Elle a fait valoir à l’employeur qu’elle n’aurait pas pris les mêmes décisions si on lui avait fourni les bons renseignements à cet égard. Par conséquent, elle ne devrait pas être tenue responsable à l’égard des sommes en litige. Le 30 mars 2010, le service de la rémunération de l’employeur a avisé la fonctionnaire que le trop-payé serait défalqué de ses deux chèques de paie du mois d’avril 2010. Cette décision a toutefois été révisée par la suite; il a alors été décidé à la place de défalquer le trop-payé des 10 prochaines paies de la fonctionnaire à compter du 14 avril 2010 jusqu’au 18 août 2010.

13 En octobre 2008, la fonctionnaire a employé un montant de 4 700,00 $ sur les 5 440,00 $ reçus à titre d’indemnité de transfert afin d’acheter une réduction d’intérêts hypothécaires. Grâce à cette transaction, la fonctionnaire et son conjoint ont pu obtenir une hypothèque sur cinq ans sur l’achat de leur nouvelle résidence à Ottawa à un taux d’intérêt fixe inférieur au taux qu’ils auraient pu obtenir à cette époque s’ils n’avaient pas effectué cette transaction. Selon le témoignage de la fonctionnaire, l’achat de la réduction d’intérêts hypothécaires leur a permis d’obtenir une réduction du taux d’intérêt hypothécaire de l’ordre de deux ou trois dixièmes de pour cent. Si elle avait su à l’époque qu’elle avait droit à une indemnité de transfert beaucoup plus basse, elle n’aurait pas acheté la réduction d’intérêts hypothécaires sur une hypothèque fermée de cinq ans auprès de l’institution financière. Selon la fonctionnaire, cela n’aurait pas valu la peine de le faire avec une indemnité de transfert moins importante.

Résumé de l’argumentation

14 La fonctionnaire a soutenu que l’indemnité de transfert aurait dû être calculée en fonction du salaire de son conjoint, plus élevé que le sien. Les deux avaient déménagé en même temps. Les deux avaient obtenu un emploi permanent à Ottawa au début de septembre 2008. En calculant l’indemnité en fonction du salaire de la fonctionnaire, l’employeur avait privé la fonctionnaire et son conjoint d’une somme de 475,38 $.

15 La fonctionnaire m’a renvoyé à diverses clauses de la directive sur la réinstallation énonçant les responsabilités incombant à l’employeur, au fonctionnaire visé de même qu’au fournisseur de services de réinstallation. Selon la fonctionnaire, l’employeur et le fournisseur de services de réinstallation ne lui avaient pas clairement expliqué ce à quoi elle avait droit. Ils ne s’étaient pas acquittés des obligations qui leur incombaient.

16 La fonctionnaire a également fait valoir qu’elle s’était fiée à l’employeur et avait pris des décisions financières en fonction de ce qu’on lui avait dit au sujet des prestations auxquelles elle avait droit. Elle s’est fiée aux montants qui lui avaient été versés. Avoir su qu’elle n’y avait pas droit, elle n’aurait pas pris les mêmes décisions financières.

17 La fonctionnaire a aussi soutenu que le principe de préclusion s’appliquait en l’espèce. Le fournisseur de services de réinstallation avait expliqué à la fonctionnaire qu’elle avait droit à une indemnité de transfert de 5 440,00 $. Elle a agi en se fondant sur ces renseignements et a ainsi acheté un taux d’intérêt plus avantageux pour son hypothèque. En l’absence de ces renseignements, elle aurait agi autrement. La fonctionnaire a fait valoir que la jurisprudence plaide en faveur de l’application de la préclusion à la présente affaire.

18 La fonctionnaire m’a renvoyé à la section 2:2200 de l’ouvrage de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition. Elle m’a de plus renvoyé aux décisions suivantes : Defoy c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-25506 (19941025); Molbak c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Impôt), dossier de la CRTFP 166-02-26472 (19950928); Canada (Procureur général) c. Molbak, [1996] C.A.F. no 892; Conlon et al. c. Conseil du Trésor (Travaux Publics et Services gouvernementaux Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-25629 à 25631 (19970604); Murchison c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CRTFP 93; Lapointe c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 57.

19 L’employeur a admis qu’une erreur avait été commise dans le calcul de l’indemnité de transfert de la fonctionnaire. Il a toutefois soutenu que le principe de  préclusion ne s’appliquait pas en l’espèce. Si la fonctionnaire avait consulté la directive sur la réinstallation, elle aurait su alors qu’elle avait uniquement droit à deux semaines de salaire à titre d’indemnité de transfert, et non pas à 5 440,00 $. L’employeur a fait valoir qu’il n’avait pas été promis à la fonctionnaire que le paragraphe 2.2.2.10 de la directive sur la réinstallation ne s’applique pas à elle et qu’elle soit exonérée du remboursement du trop-payé qui lui avait été versé.

20 L’employeur a également affirmé que la fonctionnaire n’a subi aucun préjudice du fait de l’erreur de calcul sur son indemnité de transfert. Elle avait employé l’argent afin d’acheter un taux d’intérêt plus bas sur une hypothèque à taux fixe. Même si elle était obligée de rembourser une partie de l’indemnité, elle continuait néanmoins à bénéficier du taux d’intérêt fixe en question.

21 L’employeur a également fait valoir que la fonctionnaire n’avait présenté aucune preuve afin d’étayer sa prétention que l’indemnité de transfert aurait dû être calculée en fonction du salaire de son conjoint. La fonctionnaire était la personne visée par la réinstallation, alors que le conjoint de la fonctionnaire était réputé être le conjoint visé par la réinstallation. La fonctionnaire n’a jamais indiqué à l’époque qu’elle voulait que ce soit son conjoint qui soit la personne visée par la réinstallation et qu’elle soit considérée comme étant sa conjointe aux fins de la réinstallation. L’employeur a soutenu que l’indemnité devait être calculée en fonction du salaire de la fonctionnaire, et non en fonction du salaire de son conjoint.

22 L’employeur m’a renvoyé aux cas suivants : Maracle c. Travellers Indemnity Company of Canada, [1991] 2 R.C.S. 50; Canada (Conseil du Trésor) c. Association canadienne du contrôle du trafic aérien, [1984] 1 C.F. 1081 (C.A.); Salie c. Canada (Procureur général), 2013 CF 122; Dubé c. Canada (Procureur général), 2006 CF 796; Telus Communications Inc. v. Telecommunications Workers Union, 2010 BCSC 1429; Watson c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2012 CRTFP 105; Pilon c. Agence du revenu du Canada, 2012 CRTFP 62; Baranyi c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2012 CRTFP 55; Prosper c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 140; Lapointe; Pronovost c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 93; Bolton c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), 2003 CRTFP 39.

Motifs

23 La fonctionnaire a demandé que son indemnité de transfert soit calculée en fonction du salaire de son conjoint. De plus, invoquant la doctrine de préclusion, elle a demandé que l’employeur lui rembourse le trop-payé de 2 328,59 $ que l’employeur a récupéré à même son salaire en 2010 à la suite d’erreurs constatées dans le calcul de son indemnité de transfert.

24 Je rejette la prétention de la fonctionnaire selon laquelle l’employeur aurait dû calculer son indemnité de départ en fonction du salaire de M. Ivany. La fonctionnaire n’a présenté aucune preuve au soutien de cette prétention. La réinstallation a été effectuée sous le nom de la fonctionnaire, et non sous le nom de son conjoint. Il était alors considéré comme étant le conjoint de la fonctionnaire visée par la réinstallation. La fonctionnaire n’a pas demandé quelque changement à cet égard à l’époque. Il était trop tard pour le faire en mars 2010, au moment de présenter son grief. Je me dois de souligner qu’elle a été réinstallée à Ottawa le 2 septembre 2008 et que son conjoint a été réinstallé à Ottawa le 4 septembre 2008.

25 Selon les dispositions du paragraphe 2.4.1 de la directive sur la réinstallation, si les conjoints sont réinstallés au même endroit, la directive s’applique comme s’il s’agissait d’un seul fonctionnaire, l’autre étant considéré comme étant le conjoint du fonctionnaire réinstallé. La directive ne s’applique pas comme s’il s’agissait de deux fonctionnaires. Et même si le fonctionnaire et son conjoint étaient réinstallés la même journée, rien n’obligerait l’employeur à utiliser le salaire le plus élevé pour calculer l’indemnité de transfert à verser. J’ajouterais ici que la fonctionnaire n’a pas invoqué quelque jurisprudence au soutien de son allégation que l’employeur aurait enfreint la directive sur la réinstallation ou la convention collective à cet égard. Elle n’a pas non plus invoqué une disposition particulière de la directive au soutien de sa prétention.

26 Il n’est contesté par aucune des parties que la fonctionnaire avait droit à une indemnité de transfert correspondant à deux semaines de salaire, et non à un mois de salaire comme il lui a été versé. Malgré leur différend quant au salaire devant servir au calcul de l’indemnité de transfert, les parties s’entendent pour dire que le trop-payé recouvré auprès de la fonctionnaire s’élevait à 2 328,59 $. La seule question qu’il reste donc à trancher est de savoir si le principe de préclusion s’applique au présent cas; en d’autres termes, l’employeur était-il empêché par préclusion de recouvrer le montant de 2 328,59 $ de la fonctionnaire en raison du fait qu’il lui avait dit qu’elle avait droit à cette somme.

27 Appliquant le principe de préclusion à l’affaire dont elle était saisie, la Cour fédérale dans Molbak a statué qu’un employé ayant reçu un trop-payé peut contester la décision de recouvrer le trop-payé en question s’il ou elle est en mesure d’établir une créance préjudiciable induite par l’erreur. Dans le présent cas, la preuve établit clairement qu’il avait été promis à la fonctionnaire une indemnité de transfert au montant de 5 440,00 $, qui lui a d’ailleurs été versée. Elle a pris par la suite des décisions de nature financière sur la foi de ce versement de 5 440,00 $ qu’elle a reçu. Elle a affirmé qu’elle aurait pris des décisions différentes si on lui avait versé un montant inférieur. L’employeur lui a ainsi fait une promesse de nature contractuelle. Or, pour que le principe de préclusion s’applique, il ne suffit pas d’établir qu’il y a eu promesse, ni d’alléguer que les décisions prises auraient pu être différentes si l’erreur n’avait pas été commise. La fonctionnaire doit aussi établir que la promesse erronée lui a porté préjudice.  

28 Dans Defoy, l’arbitre de grief a accueilli le grief en s’appuyant sur le principe de préclusion, l’employeur ayant promis de consentir à la fonctionnaire s’estimant lésée un prêt-relais, alors que sans ce prêt elle n’aurait pas pu acheter la résidence qu’elle avait achetée en se fondant sur cette promesse. Elle avait alors été placée dans une situation financière plus difficile qu’elle l’aurait été autrement. Dans Molbak, le grief a été accueilli en s’appuyant sur le principe de préclusion parce que la fonctionnaire s’estimant lésée avait acheté une résidence en croyant qu’elle recevrait un certain taux de rémunération pendant une période d’une année. Par la suite, l’employeur avait réduit son salaire, ce qui a fait en sorte qu’il lui était difficile de respecter ses obligations financières. Dans Murchison, le grief a également été accueilli en s’appuyant sur le principe de préclusion. Dans ce cas, l’employeur réclamait une somme de plus de 11 000 $ pour des crédits de congé annuel accordés par erreur sur une période de sept ans. L’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait causé des graves difficultés à la fonctionnaire s’estimant lésée et que cela était déraisonnable. Dans Lapointe, le grief a aussi été accueilli en s’appuyant sur la doctrine de préclusion. Dans ce dernier cas, le fonctionnaire s’estimant lésé avait reçu un salaire établi à un taux erroné pendant une période de quatre ans, entraînant un trop-payé de près de 10 000 $. Il avait contracté des obligations financières dont il ne pouvait se dégager à partir du salaire qu’il recevait.

29 Dans le présent cas, Brookfield, agissant pour le compte de l’employeur, a commis une erreur de 2 328,59 $ dans le calcul de l’indemnité de transfert à laquelle la fonctionnaire avait droit. En octobre 2008, la fonctionnaire avait écoulé une grande partie de l’indemnité de transfert qui lui avait été versée, y compris le trop-payé, afin d’acheter une réduction du taux d’intérêt hypothécaire fixe auprès d’une institution financière. En octobre 2009, Brookfield a passé en revue le dossier de réinstallation de la fonctionnaire et a constaté qu’un trop-payé lui avait été versé. Les processus de recouvrement du trop-payé ont été engagés peu après.

30 La fonctionnaire a témoigné qu’elle aurait agi différemment si elle n’avait pas reçu le trop-payé en question. Elle a néanmoins bénéficié d’un taux d’intérêt réduit sur son hypothèque à taux fixe grâce à ce trop-payé. Elle estime que cela représentait une réduction du taux d’intérêt hypothécaire de l’ordre de deux ou trois dixièmes de pour cent. Elle ne peut donc pas soutenir que, comme dans les décisions citées précédemment, l’erreur lui a porté préjudice. Elle a pris l’argent et l’a investi dans son hypothèque. Au cours des soixante (60) mois suivants, elle a payé un taux d’intérêt réduit grâce à cet investissement. Bien que la fonctionnaire ait prétendu qu’elle aurait pris une décision différente si elle n’avait pas obtenu ce montant excédentaire, cette affirmation ne peut par elle-même constituer une preuve de créance préjudiciable. La fonctionnaire n’a pas présenté quelque preuve établissant que la décision erronée lui a porté préjudice, contrairement à la situation dans Defoy, Murchison et Lapointe.

31 La fonctionnaire n’a pas lu la directive sur la réinstallation, en particulier le paragraphe 3.4.2.1.1 de celle-ci, qui énonce la formule servant à calculer l’indemnité de transfert. Il s’agit pourtant d’une formule très simple. Si elle avait pris connaissance de la directive à l’époque, elle aurait réalisé qu’une erreur avait été commise. Elle ne pouvait pas, au moment de l’arbitrage, blâmer uniquement l’employeur pour ne pas lui avoir expliqué en détail les prestations auxquelles elle avait droit. Il me semble que les parties étaient pressées par le temps étant donné le court délai dans lequel il fallait procéder à la réinstallation de la fonctionnaire.

32 J’ajouterais également qu’on ne peut faire fi entièrement du paragraphe 2.2.2.10 de la directive sur la réinstallation. En vertu de cette disposition, le ou la fonctionnaire est tenu de restituer les fonds qui n’auraient pas dû leur être versés. Cela n’empêche pas pour autant que le principe de préclusion puisse s’appliquer aux demandes de remboursement faites par l’employeur à cet égard. Cependant, cela sert de mise en garde à savoir qu’en l’absence de la préclusion, le ou la fonctionnaire sera tenu de restituer les sommes versées en trop. S’il ne fait aucun doute que l’employeur (par l’entremise de Brookfield) a commis des erreurs, il en va de même de la fonctionnaire, puisqu’elle ne s’est pas renseignée au sujet des indemnités auxquelles elle avait droit en vertu de la directive. Étant donné les circonstances en l’espèce, elle n’a pas droit à ce que l’employeur y renonce et elle est assujettie à l’application du paragraphe 2.2.2.10 de la directive.

33 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

34 Le grief est rejeté.

Le 24 septembre 2013.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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