Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé deux plaintes alléguant que le défendeur avait violé la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la << LRTFP >>) en bloquant la communication par courriel qu’elle envoyait à ses membres à leur adresse électronique du bureau et en ordonnant à ces membres de retirer un courriel de réponse automatique d'absence du bureau de leurs courriels sortants - le courriel avait été rédigé par la plaignante et informait les destinataires que puisque l'unité de négociation était en droit de déclarer la grève, le délai de réponse pourrait être plus long - lors de la première journée de l'audience, la plaignante a appris que le défendeur avait mis en place une surveillance électronique des interactions entre ses membres et elle - la plaignante a demandé de modifier la plainte du dossier 561-02-616 afin d'y ajouter une allégation selon laquelle le défendeur s’était immiscé dans l'administration de la plaignante et la représentation de ses membres et qu'il avait omis de négocier de bonne foi - le défendeur s'est opposé à la demande de modification de la plainte - la convention collective du Service extérieur (FS) est venue à échéance, et les membres de l'unité de négociation étaient en droit de déclarer la grève - le défendeur a décidé de bloquer les communications entre la plaignante et ses membres envoyées à leur adresse électronique du bureau puisqu'il considérait que certaines de ces communications étaient contraires à ses intérêts - les communications entre la plaignante et ses membres à leur adresse électronique du bureau avait fait l’objet de plaintes antérieures présentées à la Commission par la plaignante, lesquelles ont été retirées - la plaignante savait que le défendeur estimait qu’il lui fallait une autorisation préalable pour qu’elle puisse envoyer des courriels à ses membres à leur lieu de travail, mais elle n'a pas accepté les arguments du défendeur - la formation de la Commission a accepté la demande de modification de la plainte - la plaignante aurait pu déposer une nouvelle plainte et demander qu'elle soit ajoutée à la plainte actuelle et qu'elles soient instruites simultanément - le défendeur n’en subirait aucun préjudice - ni l’article5 de la convention collective ni le protocole d’entente signé en vertu de la convention collective ne s’appliquent à cette affaire, car ils portent sur l’utilisation des biens du défendeur par la plaignante - le défendeur avait le droit de restreindre l’utilisation de ses ressources électroniques par les fonctionnaires - le droit à la liberté d'expression n’a pas été violé - la restriction quant aux moyens de communication n'a d'aucune façon empêché la plaignante de communiquer avec ses membres - les droits selon la Charte canadienne des droits et libertés sont inhérents au contenu expressif d'un message, mais pas à leur emplacement - le défendeur a violé le paragraphe 186(1) de la LRTFP en surveillant secrètement les courriels que la plaignante envoyait aux fonctionnaires à leur lieu de travail et en n’informant pas préalablement la plaignante qu’il allait bloquer les courriels provenant de la plaignante - le défendeur avait le droit de demander aux fonctionnaires de retirer le courriel de réponse automatique d’absence du bureau, et il était raisonnable d’agir ainsi. Plainte561-02-617 rejetée. Plainte561-02-616 accueillie en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-09-16
  • Dossier:  561-02-616 et 617
  • Référence:  2013 CRTFP 111

Devant une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique


ENTRE

ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DES AGENTS DU SERVICE EXTÉRIEUR

plaignante

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DU COMMERCE ET DU DÉVELOPPEMENT)

défendeur

Répertorié
Association professionnelle des agents du service extérieur c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement)

Affaire concernant des plaintes visées à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour la plaignante:
David Yazbeck, avocat

Pour le défendeur:
Richard Fader, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
le 30 avril et du 17 au 19 juillet 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plaintes devant la Commission

1 L’Association professionnelle des agents du service extérieur (APASE ou la « plaignante » ou l’« agent négociateur ») est l’agent négociateur des employés qui sont membres de l’unité de négociation du groupe Service extérieur (FS). La convention collective du groupe FS entre l’agent négociateur et le Conseil du Trésor (la « convention collective ») a expiré le 30 juin 2011. Les membres de l’unité de négociation du groupe FS sont en situation de grève légale depuis le 2 avril 2013.

2 Le 15 avril 2013, l’agent négociateur a déposé deux plaintes contre le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (le « défendeur » ou MAECD). Dans la plainte 561-02-616, l’agent négociateur a prétendu que le défendeur a contrevenu au paragraphe 186(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») en bloquant les courriels de l’agent négociateur destinés aux membres de l’unité de négociation du groupe FS. Dans la plainte 561-02-617, l’agent négociateur a prétendu que le défendeur a contrevenu à l’article 106, plus précisément au paragraphe 186(1) et au sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi en ordonnant aux membres de l’unité de négociation du groupe FS de retirer un courriel de réponse automatique d’absence du bureau de leurs courriels sortants et en menaçant par des conséquences disciplinaires ceux qui n’obtempéraient pas. Le courriel de réponse automatique d’absence du bureau se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Je vous remercie pour votre message. En raison d’une rupture des négociations collectives avec le gouvernement du Canada, les membres de l’Association professionnelle des agents du service extérieur sont maintenant en situation de grève légale. Par conséquent, il peut y avoir un retard dans le traitement de votre demande. Nous nous excusons des désagréments que cette situation peut vous causer. Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter le lien http://www.pafso.com/fs_action_fr.php.

[…]

3 Le 3 juillet 2013, à la suite de la première journée d’audience de cette affaire, l’agent négociateur a informé la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») qu’il souhaitait modifier sa plainte du dossier 561-02-616. Il voulait ajouter une allégation selon laquelle le défendeur a empiété sur l’administration de l’agent négociateur et sur la représentation de ses membres, et a omis de négocier de bonne foi. L’agent négociateur a fondé son allégation sur le fait que le défendeur a mis en place une surveillance électronique généralisée d’interactions précises entre l’agent négociateur et ses membres en ce qui concerne de nombreuses questions, dont une stratégie de moyen de pression au travail et les négociations collectives.

4 Le défendeur s’est opposé à la modification de la plainte. J’ai demandé aux parties de procéder comme si la plainte avait été modifiée, et je les ai informées que j’ai remis à plus tard le prononcé de ma décision d’accepter ou non la modification.

5 Les deux plaintes mettent en cause les dispositions suivantes de la Loi :

[…]

106.Une fois l’avis de négociation collective donné, l’agent négociateur et l’employeur doivent sans retard et, en tout état de cause, dans les vingt jours qui suivent ou dans le délai éventuellement convenu par les parties :

a) se rencontrer et entamer des négociations collectives de bonne foi ou charger leurs représentants autorisés de le faire en leur nom;

b) faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective.

[…]

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

186. (1) Il est interdit à l’employeur et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, qu’il agisse ou non pour le compte de l’employeur :

a) de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale ou d’intervenir dans l’une ou l’autre ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci;

b) de faire des distinctions illicites à l’égard de toute organisation syndicale.

(2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, que ce dernier agisse ou non pour le compte de l’employeur :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(i) elle adhère à une organisation syndicale ou en est un dirigeant ou représentant — ou se propose de le faire ou de le devenir, ou incite une autre personne à le faire ou à le devenir —, ou contribue à la formation, la promotion ou l’administration d’une telle organisation,

(ii) elle a participé, à titre de témoin ou autrement, à toute procédure prévue par la présente partie ou la partie 2, ou pourrait le faire,

(iii) elle a soit présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie, soit déposé un grief sous le régime de la partie 2,

(iv) elle a exercé tout droit prévu par la présente partie ou la partie 2;

b) d’imposer — ou de proposer d’imposer —, à l’occasion d’une nomination ou relativement aux conditions d’emploi, une condition visant à empêcher le fonctionnaire ou la personne cherchant un emploi d’adhérer à une organisation syndicale ou d’exercer tout droit que lui accorde la présente partie ou la partie 2;

[…]

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

b l’employeur ou l’agent négociateur a contrevenu à l’article 106 (obligation de négocier de bonne foi);

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[…]

191. (3) La présentation par écrit, au titre du paragraphe 190(1), de toute plainte faisant état d’une contravention, par l’employeur ou la personne agissant pour son compte, du paragraphe 186(2), constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

[…]

6 Comme le démontreront les éléments de preuve, les plaintes mettent également en cause l’article 5 de la convention collective, qui se rapporte à l’utilisation des moyens de communication du défendeur. L’article 5 se lit comme suit :

5.01 Les moyens de communication de l’Employeur ont pour objet d’aider à l’exécution des programmes gouvernementaux. Néanmoins, dans les situations circonscrites par les paragraphes 5.03 et 5.04 et sous réserve des nécessités du service, l’Employeur accepte de coopérer en fournissant certains moyens de communication entre l’Association et les fonctionnaires en affectation à l’étranger.

5.02 L’Association convient d’indemniser l’Employeur et de le mettre à couvert de toute réclamation ou responsabilité découlant de l’application du présent article.

5.03 Service de distribution du courrier des Affaires étrangères

En dépit de toutes restrictions de l’utilisation du service du courrier du gouvernement, les services du courrier interne ministériel peuvent être utilisés pour les communications entre l’Association et les fonctionnaires en affectation à l’étranger, conformément aux politiques de l’Employeur qui s’y appliquent, telles qu’amendées de temps à autre.

5.04 Systèmes de courrier électronique ministériels

  1. Les ministères permettent à l’Association d’utiliser le réseau informatique ministériel pour distribuer de l’information aux membres de l’Association, conformément aux sous-alinéas 5.04a) (i), (ii) et (iii);

    i. L’Association s’efforce d’éviter de présenter des demandes de distribution d’avis d’informations que l’Employeur pourrait raisonnablement considérer comme préjudiciables à ses intérêts ou à ceux de ses représentants. Le ministère doit donner son approbation avant la distribution d’informations.

    ii. L’Association doit fournir au représentant autorisé une copie papier et une copie électronique (prête à transmettre) des documents qu’elle désire distribuer.

    iii. Cette approbation est obtenue du directeur ou de son délégué au niveau national ou son délégué; elle n’est pas refusée sans motif valable.

    iv. Le ministère s’efforcera de transmettre l’information ainsi approuvée au moyen de son réseau informatique au plus tard deux jours ouvrables (en excluant les samedis, dimanches et jours fériés désignés payés) après réception de la demande. La personne qui approuve la distribution de l’information est aussi responsable d’en assurer la distribution.
  2. Le ministère établit un hyperlien au site internet de l’Association à partir de son intranet (Infonet).

5.05 Tableaux d’affichage

Un espace raisonnable sur les tableaux d’affichage, dans des endroits accessibles, y compris les babillards électroniques s’ils sont disponibles, est mis à la disposition de l’Association pour y apposer des avis officiels de l’Association. L’Association s’efforcera d’éviter de présenter des demandes d’affichage d’avis que l’Employeur pourrait raisonnablement considérer comme préjudiciables à ses intérêts ou à ceux de ses représentants. L’Employeur doit donner son approbation avant l’affichage d’avis ou d’autres communications, à l’exception des avis concernant les affaires syndicales de l’Association, y compris des listes des représentants de l’Association et des annonces d’activités sociales et récréatives. Cette approbation ne doit pas être refusée sans motif valable.

II. Résumé de la preuve

7 Le défendeur a cité Claude Houde, Francis Trudel, Jocelyn Côté et Ariel Delouya comme témoins. M. Houde est directeur des relations en milieu de travail pour le défendeur depuis 2008 et M. Trudel est directeur général des opérations en ressources humaines depuis juin 2012. M. Côté est directeur des techniques informatiques pour le MAECD aux Services partagés Canada. M. Delouya est directeur exécutif de l’inspection pour le MAECD. L’agent négociateur a cité Ron Cochrane et Timothy Edwards comme témoins. M. Cochrane est le directeur exécutif de l’APASE depuis 2001 et M. Edwards est le président national depuis octobre 2011. Les parties ont soumis en preuve trois classeurs de documents.

8 Le groupe FS compte environ 1 350 membres. La plupart d’entre eux travaillent dans trois ministères : le MAECD (70 % des FS), le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (24 %) et l’Agence des services frontaliers du Canada (3,5 %). Tous les fonctionnaires concernés par ces plaintes travaillent pour le MAECD.

9 Les membres du groupe FS travaillent dans trois principaux domaines : les relations commerciales et économiques et les politiques commerciales, les relations politiques et économiques, et les affaires de l’immigration. En outre, le groupe FS comprend également des postes dans le secteur des affaires juridiques. Les membres du groupe FS n’ont pas ce qu’on appelle communément un poste d’attache auquel ils sont nommés à un emplacement précis pour une période indéterminée. Ils sont plutôt nommés à un niveau et affectés à l’une des quelque 150 missions du Canada à l’étranger (45 % des FS) ou à des postes du groupe FS à l’administration centrale du MAECD à Ottawa (55 %). Les affectations sont faites pour une période déterminée de deux à quatre ans, selon la difficulté de la mission. Par conséquent, la plupart des membres du groupe FS sont constamment en déplacement et n’ont pas d’adresse domiciliaire permanente à long terme. La majorité des missions compte moins de cinq membres du groupe FS et un tiers des missions comptent seulement un membre de ce même groupe. De ce fait, communiquer avec les membres du groupe FS affectés à l’étranger présente un défi de plus.

A. Les courriels envoyés par l’APASE et destinés à l’adresse électronique de ses membres au bureau

10 Le 25 mars 2013, la plaignante s’est aperçue que ses messages destinés aux membres du groupe FS travaillant au MAECD ou ses messages au MAECD lui-même avaient été bloqués. Le 27 mars 2013, Danielle Dauphinais, directrice de la Section des Relations de travail du MAECD, a avisé M. Edwards que la MAECD avait décidé de bloquer tous les courriels provenant de l’agent négociateur, car certains allaient à l’encontre des intérêts du défendeur.

11 Les courriels entre l’agent négociateur et ses membres à leur adresse électronique du bureau et l’utilisation des ressources du défendeur par l’agent négociateur dans le but de joindre ses membres ont été l’objet d’un litige pendant longtemps. En 2002, l’agent négociateur a déposé une plainte à la Commission contre la position prise par défendeur à ce sujet. En 2006, une plainte semblable a été déposée. Dans les deux cas, l’agent négociateur a retiré les plaintes après être parvenu à une entente avec le Conseil du Trésor quant au renouvellement de la convention collective du groupe FS.

12 Avant le dépôt de la plainte de 2006, plus précisément le 4 mai 2006, le directeur des Relations de travail de l’époque a écrit à l’agent négociateur pour exprimer ses préoccupations concernant l’utilisation [traduction] « inacceptable » du réseau du défendeur par l’agent négociateur, qui avait envoyé deux courriels à ses membres à leur lieu de travail. Le directeur des Relations de travail estimait que l’agent négociateur avait enfreint la convention collective en envoyant ces courriels sans en en demander l’autorisation préalable au défendeur. Le 10 mai 2006, M. Cochrane a répondu que la convention collective n’empêchait pas l’agent négociateur d’envoyer des courriels à ses membres de son bureau à leur lieu de travail. Il a déclaré que l’autorisation du défendeur était nécessaire seulement pour les messages envoyés à partir du système de diffusion générale Signet du MAECD. Ce système est généralement utilisé pour la distribution massive de renseignements à tous les fonctionnaires du MAECD. M. Cochrane a ajouté que par le passé, l’agent négociateur avait demandé au défendeur la permission d’utiliser ce système pour envoyer des messages liés au perfectionnement professionnel des membres du groupe FS.

13 L’interprétation de l’article 5 de la convention collective (qui était l’article 4 en 2002 et en 2006) n’est pas la seule question contractuelle à trancher entre les parties. Les parties interprètent également d’une manière différente le protocole d’entente (PE) qu’elles ont signé en décembre 2005 relativement à l’utilisation que fait l’agent négociateur des installations du défendeur. L’entente se lisait comme suit :

[Traduction]

Objectif

Conformément au paragraphe 186(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, cette entente énonce les pratiques établies entre le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada et l’Association professionnelle des agents du service extérieur en lien avec l’utilisation des installations de l’employeur pour tenir des réunions syndicales.

Pratique

Assemblée générale annuelle

  1. Le bureau national de l’APASE enverra une demande au directeur des Relations de travail et de la Santé et de la Sécurité afin de tenir l’Assemblée générale annuelle dans les locaux de l’employeur.
  2. La demande sera approuvée dans les cinq (5) jours ouvrables suivants la réception de la demande dans la mesure de la disponibilité des lieux, étant entendu que la réservation peut être annulée si les lieux sont requis pour des affaires internes imprévues du ministère.

Autres réunions

  1. Le bureau national de l’APASE enverra au directeur des Relations de travail et de la Santé et de la Sécurité une demande pour organiser des réunions syndicales dans les locaux de l’employeur pour approbation.
  2. La demande sera faite par écrit (lettre ou courriel) par le bureau national de l’APASE et mentionnera l’objet, le lieu, la date et la durée.
  3. Le directeur des Relations de travail et de la santé et de la sécurité répondra dans les cinq (5) jours ouvrables suivants la réception de la demande.
  4. Dans la mesure où les locaux sont libres et que la réunion ne va pas à l’encontre des intérêts de l’employeur ou des intérêts d’un de ses représentants, le directeur des Relations de travail et de la Santé et de la Sécurité approuvera la demande. L’employeur ne doit pas refuser son approbation sans motif valable.
  5. La réservation de la salle de réunion ne sera pas annulée une fois réservée, à moins que l’espace soit requis pour des affaires internes imprévues du ministère.

[…]

14 Selon M. Houde et M. Trudel, l’agent négociateur doit obtenir l’autorisation du défendeur avant d’envoyer un courriel du bureau de l’agent négociateur à ses membres à leur adresse électronique du MAECD. Selon eux, l’article 5 de la convention collective oblige l’agent négociateur à agir de cette façon. Ils considèrent également que le PE de décembre 2005 s’applique aux courriels envoyés aux adresses électroniques du bureau des fonctionnaires du MAECD, puisque ce type de communication nécessite l’utilisation des locaux du défendeur, c’est-à-dire son réseau informatique. M. Houde a affirmé que l’APASE n’a pas besoin d’obtenir une autorisation préalable pour envoyer un courriel individuel à un de ses membres au travail pour des questions portant sur un problème précis ou un grief.

15 M. Cochrane a affirmé que, comme il l’a déclaré dans le grief de 2006, la convention collective n’empêche pas l’agent négociateur d’envoyer des courriels à ses membres de son bureau à leur lieu de travail, et que l’autorisation du défendeur est nécessaire seulement pour les messages envoyés sur le système de diffusion générale Signet du MAECD. Cependant, M. Houde a déclaré que, entre 2007 et 2012, l’agent négociateur a toujours demandé au défendeur l’autorisation préalable d’envoyer des courriels à ses membres à leur lieu de travail. Le défendeur approuvait les demandes dans la mesure où elles n’avaient pas un effet défavorable sur le défendeur.

16 M. Cochrane et, dans une moindre mesure, M. Edwards ont affirmé que l’agent négociateur disposait de trois différentes façons de communiquer électroniquement avec ses membres. D’abord, il pouvait demander l’autorisation du défendeur pour envoyer le message sur le système de diffusion générale Signet. L’agent négociateur utilise cette méthode pour des messages d’ordre professionnel. Puis, l’agent négociateur peut envoyer des courriels à ses membres directement à leur lieu de travail en utilisant une liste qui a été dressée à l’aide des noms des cotisants qui figurent sur sa liste de paye et en ajoutant l’extension « international.gc.ca ». Cette liste doit être mise à jour constamment pour tenir compte du roulement du personnel au MAECD. M. Cochrane a affirmé que l’agent négociateur a utilisé cette méthode de communication avec ses membres pendant une longue période sans demander l’autorisation du MAECD. L’agent négociateur a également une troisième façon d’envoyer des courriels à ses membres. Il dispose d’une liste d’environ 1 000 adresses électroniques personnelles de ses membres. Cette liste doit être mise à jour constamment puisque ces membres se déplacent et changent parfois leurs adresses électroniques. Souvent, les membres du groupe FS ne fournissent pas leur nouvelle adresse électronique. Cette liste est utilisée, par exemple, pour transmettre des précisions concernant des moyens de pression au travail en particulier. Elle devrait être utilisée pour réduire les risques que le message soit envoyé au défendeur ou vu par le défendeur. M. Edwards et M. Cochrane ont tous deux déclaré que les messages envoyés par l’intermédiaire du réseau de l’employeur finissent souvent dans les mains de l’employeur.

17 Le 26 octobre 2012, l’agent négociateur a envoyé un courriel de son bureau à ses membres à leur adresse électronique du bureau pour leur demander de répondre à un sondage en ligne qui pourrait être utilisé, selon l’agent négociateur, pour renforcer le lobbyisme de l’agent négociateur et ses efforts de consultation et pour aider à établir les priorités relatives aux principales préoccupations de ses membres. Le 29 octobre 2012, M. Trudel a écrit à M. Edwards pour exprimer ses préoccupations en lien avec le fait que l’agent négociateur n’avait pas demandé l’autorisation préalable du défendeur avant d’envoyer le courriel, ce qui selon M. Trudel, allait à l’encontre de l’article 5 de la convention collective. Ce même jour, M. Edwards a répondu à M. Trudel que l’agent négociateur n’avait pas agi en contravention de la convention collective, car l’agent négociateur n’avait pas utilisé le réseau du défendeur pour envoyer ses courriels. Dans son témoignage, M. Edwards a également déclaré que les communications qui porteraient sur les aspects pratiques et la planification des moyens de pression au travail seraient préjudiciables aux intérêts du défendeur et devraient être traitées différemment. M. Edwards et M. Trudel ont eu une brève discussion informelle à ce sujet peu après. Ils ont reconnu être en désaccord.

18 M. Trudel a souligné dans son témoignage que l’agent négociateur n’a pas déposé de grief pour contester la façon dont le défendeur interprétait l’article 5 de la convention collective. M. Cochrane a affirmé qu’il n’était pas nécessaire de le faire puisque le sujet en question ne portait pas sur l’article 5. Il a également déclaré que l’agent négociateur n’avait pas soumis de proposition en vue du processus de négociation pour modifier l’article 5, car il était satisfait du libellé de cet article.

19 Le 5 décembre 2012, l’agent négociateur a envoyé un message, portant en objet [traduction] « Négociation collective – Lettres aux SMA », à ses membres à leur adresse électronique du bureau. Dans ce message, l’agent négociateur décrivait en des mots assez négatifs l’attitude du Conseil du Trésor à la table de négociation. L’agent négociateur a demandé à ses membres d’écrire à leur sous-ministre adjoint (SMA) respectif afin de convaincre le SMA d’[traduction] « intervenir énergiquement » dans le processus. Le 10 décembre 2012, l’agent négociateur a envoyé un rappel à ses membres pour qu’ils envoient les lettres aux SMA.

20 Le défendeur a également produit en preuve des courriels envoyés en mars 2013 du bureau de l’agent négociateur à l’adresse électronique de bureau de ses membres, courriels intitulés [traduction] « Mise à jour sur les moyens de pression au travail ». Ces courriels critiquaient les arguments présentés par le Conseil du Trésor à la table de négociation et informaient les membres du groupe FS sur la prise d’un vote de grève, sur une prochaine rencontre dans un pub après le travail, sur les services essentiels et sur le résultat du vote de grève. Un des messages indiquait qu’aucun moyen de pression au travail ne serait pris avant le 2 avril 2013.Ce même courriel demandait aux membres du groupe FS de répondre à un court sondage permettant de recueillir des renseignements sur l’emplacement de chaque membre du groupe FS et de constituer un groupe de volontaires pour assurer une bonne circulation de l’information.

21 Le 3 décembre 2012, M. Houde a envoyé une note de service à l’unité de la sécurité des renseignements du MAECD demandant que le personnel de cette unité surveille le système électronique interne pour examiner le contenu des communications électroniques en provenance de l’APASE et destinées à toutes les adresses désignées. M. Houde a écrit que cette surveillance était nécessaire, car certains signes portaient à croire que l’APASE envoyait des renseignements à ses membres du MAECD en utilisant le réseau informatique du défendeur sans autorisation. M. Houde a déclaré que sa demande était particulièrement importante dans le contexte de la négociation collective et de possibles moyens de pression au travail ou grèves imminents. L’unité de la sécurité des renseignements du MAECD a accepté la demande de M. Houde. L’agent négociateur a produit en preuve un document contenant 513 pages de données recueillies par l’unité de la sécurité des renseignements du MAECD à la suite de la demande de M. Houde le 3 décembre 2012. Une grande partie de ces pages consiste en des courriels identiques envoyés du bureau de l’APASE à ses membres. Les messages sont d’ordre général et ne concernent aucun grief individuel ou conseil sur des problèmes précisément liés au lieu de travail. Ils portent principalement sur un sondage, sur des mises à jour de la négociation collective et sur des moyens de pression au travail. L’agent négociateur n’a pas été avisé que ses communications sur le réseau du défendeur allaient être surveillées. L’agent négociateur a appris à l’audience du 30 avril 2013 qu’une surveillance avait été exercée.

22 M. Houde a affirmé qu’il avait reçu les données de l’unité de la sécurité des renseignements peu avant le 22 mars 2013. Il a examiné ces données et a, par la suite, demandé au chef du service des technologies de l’information que l’accès au réseau du MAECD soit bloqué pour toute communication en provenance du domaine de l’APASE. Il a également demandé que le site Web utilisé par l’APASE pour son sondage ainsi que les liens vers les comptes Twitter et Facebook de l’APASE ne soient pas accessibles au moyen du réseau du MAECD. La demande de M. Houde a été acceptée et l’accès a été bloqué dans la soirée du 22 mars 2013.

23 Comme je l’ai mentionné plus tôt, le 25 mars 2013, l’agent négociateur s’est aperçu que ses messages destinés aux membres du groupe FS travaillant au MAECD ou ses messages au MAECD lui-même avaient été bloqués. Aucun avertissement n’a été donné à l’agent négociateur indiquant que ses courriels seraient bloqués. Plus tard, le blocage a été modifié pour laisser passer les messages de l’APASE destinés à l’unité des relations de travail du MAECD.

24  M. Houde a rencontré M. Edwards le 28 mars 2013 pour discuter de la situation. Il a expliqué que les messages liés aux moyens de pression au travail allaient à l’encontre des intérêts du défendeur et que le défendeur ne permettrait pas que ces messages soient distribués sur son réseau. Il a dit à M. Edwards qu’il autoriserait l’envoi d’un message de l’APASE sur le réseau du MAECD, si ce message servait à inviter les membres du groupe FS travaillant pour le MAECD à donner leur adresse électronique personnelle à l’APASE. Ce message n’a jamais été envoyé, car les parties ne pouvaient pas s’entendre sur son contenu. M. Houde a affirmé qu’un message semblable est envoyé tous les six mois aux fonctionnaires du MAECD qui sont membres de deux autres agents négociateurs. M. Delouya a souligné que les membres du groupe FS travaillant à l’étranger ont accès à un ordinateur et à une connexion Internet dans la maison où ils habitent. Toutefois, il a ajouté que de telles connexions peuvent être très chères. M. Delouya et M. Trudel ont admis que dans certains pays, les fournisseurs d’accès Internet ne sont pas aussi efficaces que ceux du Canada même s’ils sont généralement fiables.

25 M. Côté a affirmé que l’extension « international.gc.ca » est un domaine appartenant à l’État. Il s’agit d’un réseau de courriel du MAECD. Il a expliqué que le MAECD a la capacité de bloquer l’accès à ce réseau à toute personne qu’il souhaite bloquer. M. Côté a déclaré qu’environ 70 % de ce qui est envoyé au réseau est bloqué et ces messages ne se rendent pas à leur destinataires du MAECD. Il a donné l’exemple des pourriels et des virus qui ne peuvent entrer dans le réseau.

26 À l’appui de son argumentation, le défendeur a également soumis en preuve sa Politique relative à l’utilisation acceptable du réseau et la Politique d’utilisation des réseaux électroniques et les Lignes directrices sur l’utilisation des installations de l’employeur du Conseil du Trésor.

B. Le courriel de réponse d’absence du bureau

27 Le 2 avril 2013, l’agent négociateur a demandé à ses membres d’aviser par courriel les personnes communiquant avec eux que l’unité de négociation était en situation de grève légale. L’agent négociateur a également demandé à ses membres de mettre en place un courriel de réponse automatique d’absence du bureau indiquant que les membres de l’unité de négociation étaient en situation de grève légale et que, par conséquent, il pouvait y avoir un retard dans le traitement des demandes. Le message proposait également de visiter le site Web de l’APASE pour obtenir de plus amples renseignements. Le courriel de réponse automatique d’absence du bureau s’énonce comme suit :

[Traduction]

Je vous remercie pour votre message. En raison d’une rupture des négociations collectives avec le gouvernement du Canada, les membres de l’Association professionnelle des agents du service extérieur sont maintenant en situation de grève légale. Par conséquent, il peut y avoir un retard dans le traitement de votre demande. Nous nous excusons des désagréments que cette situation peut vous causer. Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter le lien http://www.pafso.com/fs_action_fr.php.

28 Le 4 avril 2013, le défendeur a envoyé un message à tous les membres du groupe FS travaillant au MAECD pour leur ordonner de cesser immédiatement d’utiliser le courriel de réponse automatique d’absence du bureau. Le défendeur a alors déclaré que [traduction] « si une telle utilisation abusive de la messagerie électronique se poursuit, des mesures administratives ou disciplinaires pourront en résulter, pouvant notamment aller jusqu’au licenciement ».

29 M. Houde a affirmé que certains membres du groupe FS utilisaient également le courriel de réponse automatique d’absence du bureau pendant qu’ils étaient au travail à leur bureau. En contre-interrogatoire, il a admis que la réponse d’absence du bureau ne contenait aucune fausse information. Il a également admis que certains membres du groupe FS portaient au travail des macarons sur lesquels était inscrit [traduction] « Même travail, même salaire ». Ces employés n’ont pas reçu de demande de retirer leurs macarons.

30 M. Trudel a affirmé que le courriel de réponse automatique d’absence du bureau avait des répercussions négatives sur les activités du défendeur, de ses intervenants et de ses clients, car ce courriel suggérait que le service pouvait ne pas être reçu et qu’il pouvait y avoir un retard dans le traitement des demandes. Cependant, M. Trudel ne pouvait pas quantifier les répercussions.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

31 Les parties ont convenu que le défendeur devrait présenter ses arguments en premier, car il pourrait avoir le fardeau de la preuve en vertu du paragraphe 191(3) de la Loi du fait que les plaintes contiennent une allégation de violation du paragraphe 186(2) de la Loi.

32 Le défendeur a fait valoir que ce cas ne peut pas traiter de liberté d’expression, car cette question n’a pas été soulevée dans les plaintes. Il ne s’agit pas de piquetage ou de [traduction] « piquetage en ligne » comme les plaignants l’affirment. Ce cas se rapporte plutôt à l’utilisation du réseau informatique du défendeur par la plaignante. Il ne s’agit pas des messages envoyés, mais plutôt de l’utilisation du réseau en soi.

33 L’agent négociateur ne s’est jamais plaint de l’interprétation que le défendeur faisait de l’article 5 de la convention collective. Le défendeur a soutenu qu’une violation alléguée du paragraphe 186(1) de la Loi ne peut pas être fondée sur des actes qui sont dans la logique des dispositions particulières de la convention collective lorsque ces dispositions traitent de l’objet de la plainte. Manifestement, le défendeur ne faisait rien de plus que ce qui est prévu dans la convention collective, soit d’exiger une autorisation préalable d’utilisation du réseau et de bloquer toute donnée qu’il pourrait raisonnablement considérer comme préjudiciable à ses intérêts.

34 En 2002 et en 2006, l’agent négociateur a déposé des plaintes de pratique déloyale de travail contre le défendeur en lien avec l’utilisation du système électronique du défendeur. Le défendeur a déclaré que le libellé y afférent dans la convention collective est demeuré inchangé. Le défendeur a soutenu que ces retraits successifs devaient servir de préclusion contre les plaintes en question. Les parties ont clairement défini leur position à ce moment-là, les plaintes ont été retirées par un haut responsable de l’APASE, et rien dans le dossier ne suggère que le retrait ait été fait sous toutes réserves. On devrait au moins tirer une conclusion négative du fait que ces plaintes ont été retirées.

35 Le défendeur a soutenu que l’agent négociateur devait connaître la position prise par de défendeur sur l’utilisation de son réseau informatique et la façon dont le défendeur interprétait l’article 5 de la convention collective. En 2006, le directeur des Relations de travail a clairement rappelé à l’agent négociateur qu’il devait demander une autorisation préalable avant d’utiliser le réseau informatique du défendeur. En mars 2012, des renseignements ont également été échangés entre M. Houde et M. Edwards sur ce même sujet, et en octobre 2012, entre M. Trudel et M. Edwards. Par voie de conséquence, l’agent négociateur était bien informé de la position du défendeur et des exigences de la convention collective.

36 Le défendeur a soutenu que la convention collective ne contenait aucune obligation pour le défendeur de fournir à l’agent négociateur un accès à son réseau, et le refus du défendeur de fournir un tel accès ne peut pas être considéré comme contrevenant au paragraphe 186(1) de la Loi. L’agent négociateur pouvait communiquer avec ses membres à leur adresse de domicile ou à leur adresse électronique de la maison. Selon les éléments de preuve, ils ont accès à Internet lorsqu’ils sont affectés à l’étranger. En outre, le défendeur a donné à l’agent négociateur l’occasion d’envoyer un message à tous ses membres pour les inviter à lui fournir leur adresse électronique personnelle.

37 Le défendeur a soutenu que, selon la jurisprudence, un employeur a le contrôle exclusif de ses systèmes ou renseignements électroniques, hormis quelques restrictions précises de la convention collective. Dans le présent cas, la convention collective ne donne pas concrètement le droit à l’agent négociateur d’utiliser le réseau du défendeur, et si l’agent négociateur désire l’utiliser, il doit d’abord demander l’autorisation du défendeur.

38 Subsidiairement, le défendeur a fait valoir que les données que l’agent négociateur souhaitait envoyer à ces membres nuisaient aux activités et à la réputation du défendeur et justifiaient les mesures prises. La majeure partie des données portaient sur les moyens de pression au travail ou sur la préparation des moyens de pression au travail. Manifestement, l’utilisation du système de courriel du défendeur était abusive, et un observateur prudent et avisé pourrait conclure que cette utilisation pourrait causer des dommages à la réputation du défendeur et perturber les activités de celui-ci. Bien que des moyens de pression au travail puissent être légitimes pendant une grève, il n’est pas approprié de les planifier par l’intermédiaire du système électronique du défendeur.

39 Le défendeur a fait valoir que sa réaction à l’égard de l’agent négociateur était mesurée et équilibrée. Lorsque le défendeur s’est rendu compte que la plaignante ne respectait pas la convention collective, il a empêché les communications de la plaignante d’entrer dans le système. Cependant, il a invité l’agent négociateur à se conformer à la convention collective en ce qui a trait à l’envoi de courriels de masse à ses membres. Il a également donné à l’agent négociateur l’occasion d’envoyer un message à ses membres par l’intermédiaire du réseau du défendeur pour recueillir leurs renseignements personnels. L’agent négociateur a rejeté cette offre.

40 Le défendeur a soutenu que sa position sur l’utilisation de son réseau informatique s’appliquait également à l’outil d’absence du bureau et à toute fonction de réponse automatique de son système de courriels. Les employés, pendant leur temps personnel et sur leur propre système, peuvent communiquer électroniquement le même message qu’ils ont tenté de communiquer en l’espèce. Par contre, lorsque les employés utilisent le système du défendeur et un outil particulier sur le système du défendeur pour communiquer ces renseignements, ils ne sont plus dans leur droit. Quel que soit son contenu, la réponse automatique est un élément officiel de correspondance professionnelle et il est inapproprié pour des employés d’y joindre un quelconque message personnel. Aucun droit de la sorte n’est fourni ni dans les lois ni dans la convention collective.

41 Le défendeur a soutenu que son refus de permettre à la plaignante d’utiliser ses biens dans le but de communiquer les messages de l’agent négociateur n’est pas une violation de la liberté d’expression. La Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte ») s’applique au contenu expressif du message, mais pas à son emplacement. La Charte ne confère pas un droit de libre expression dans les espaces privés, tels que le réseau informatique du défendeur. Le MAECD exerce un contrôle strict sur l’envoi de messages sur son réseau, et cette réalité historique indique qu’il ne s’agit pas d’un lieu public au sens où ce terme est utilisé dans la jurisprudence.

42 Les mesures du défendeur sont prévues par la loi, car les restrictions imposées par le défendeur découlent de la convention collective et également de l’autorité du défendeur en vertu des articles 7 et 11 de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C (1985), ch. F-11). Ces dispositions ont traditionnellement été interprétées pour permettre au défendeur, agissant dans sa fonction de gestion, de faire ce qui n’est pas  limité de façon spéciale par la loi ou la convention collective.

43 Subsidiairement, le défendeur a soutenu que les restrictions qu’il a imposées à l’agent négociateur satisfaisaient aux critères en quatre parties établis par la Cour suprême du Canada dans R c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103. Le défendeur a également soutenu que ses arguments et ses actions ne violaient pas l’alinéa 2d) de la Charte sur la liberté d’association. Je n’ai pas jugé utile de résumer ces arguments. D’abord, comme je l’expliquerai plus tard, je ne suis pas d’avis que le défendeur a violé les droits de liberté d’expression de l’agent négociateur. Ensuite, l’agent négociateur n’a allégué aucune violation de la liberté d’association.

44 Enfin, le défendeur s’est opposé à la demande de l’agent négociateur déposée le 3 juillet 2013 dans le but de modifier la plainte. Les témoins de l’agent négociateur ont affirmé que le défendeur a l’habitude de surveiller le réseau informatique. Il est illogique qu’ils affirment maintenant que ces gestes constituent une pratique déloyale de travail. De plus, l’agent négociateur ne doit pas s’attendre à ce que ses données soient confidentielles lorsqu’il envoie des courriels sur le réseau du défendeur, puisque la convention collective déclare que l’approbation préalable du défendeur est requise. De plus, le défendeur ne flânait pas en regardant des communications privées. Il cherchait des courriels de masse envoyés par l’APASE au sujet de moyens de pression au travail.

45 Le défendeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Almeida c. Canada (Conseil du Trésor), [1990] A.C.F. no 929 (CAF); Babcock v. Canada (Attorney General), 2005 BCSC 513; Beamish c. Lunney, dossiers de la CRTFP 161-2-276 à 278 (19830623); Bernard c. Procureur général du Canada et Institut professionnel de la fonction publique du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2012 CAF 92; Brescia et al. c. Canada (Conseil du Trésor) et la Commission canadienne des grains, 2005 CAF 236; Convention Centre Corp. v. Canadian Union of Public Employees, Local 500 (1997), 63 L.A.C. (4e) 390; Heffernan and White v. Treasury Board (Post Office Department) (1981), 3 L.A.C. (3e) 125; Kinectrics Inc. v. Power Workers’ Union (2008), 179 L.A.C. (4e) 288; Merriman et Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada (UCCO-SACC-CSN) c. MacNeil et Justason, 2011 CRTFP 87; Public Service Alliance of Canada v. Canada (Canadian Grain Commission), [1986] F.C.J. No. 498; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 106; Pacific Western Airlines Ltd. v. Canadian Airline Employees’ Association (1981), 29 L.A.C. (2e) 1; Peck c. Canada (Parcs Canada), 2009 CF 686; Institut professionnel de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor et Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 13; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2011 CRTFP 34; Quan v. Canada (Treasury Board), [1990] F.C.J. No. 148 (FCA); Pepsi-Cola Canada Beverages (West) Ltd. c. S.D.G.M.R, section locale 558, 2002 CSC 8; Saint-Gobain Abrasives v. Communications, Energy and Paperworkers’ Union of Canada, Local 12 (2003), 120 L.A.C. (4e) 73; Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] A.C.S. no 124; Montréal (Ville) c. 2952-1366 Québec Inc., [2005] 3 R.C.S. 141; Compagnie générale des établissements Michelin – Michelin & Cie c. Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), [1997] 2 C.F. 306; Toronto Coalition to Stop the War c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 957; Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 SSC 27; Dunmore c. Ontario (Procureur général), [2001] CSC 94; R. c. Sharpe, [2001] CSC 2; Lavigne c. Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario [1991] A.C.S. no 52; Greater Vancouver Transportation Authority v. Fédération canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, 2009 SCC 31; Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Ministre de la Justice), 2000 CSC 69; Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6; Canada (Procureur général) c. JTI-Macdonald Corp., 2007 CSC 30; Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37; Insurance Corp. of British Columbia v. Canadian Office and Professional Employees Union, Local 378, 2012 BCSC 1244; Vancouver (City) v. Vancouver Municipal and Regional Employees’ Union, [1994] B.C.J. No. 1825; Office canadien de commercialisation des oeufs c. Richardson, [1998] 3 A.C.S. 157; Fraser c. Canada (Commission des relations de travail dans la fonction publique), [1985] A.C.S. no 71; Telus Communications Inc. v. Telecommunications Workers Union (2010), 195 L.A.C. (4e) 3.

B. Pour la plaignante

46 La plaignante a affirmé qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’une revendication de l’agent négociateur à l’accès aux biens du défendeur. La présente affaire porte sur le fait que le défendeur empêche l’agent négociateur d’exercer un de ses droits. Pendant longtemps, l’agent négociateur a communiqué avec ses membres au moyen de leur adresse électronique « international.gc.ca ». Le défendeur empêche maintenant l’agent négociateur d’envoyer des courriels à ses membres, à leur travail, parce que certains courriels ont pour but de faciliter les activités liées aux moyens de pression au travail autorisés par la Loi. L’unique intérêt du défendeur est de rendre plus difficile la tâche précitée de l’agent négociateur.

47 Rien dans la convention collective n’empêche l’agent négociateur d’envoyer des courriels de son bureau à ses membres, à leur travail. C’est bien la convention collective qui traite des demandes de l’agent négociateur pour faire envoyer des messages par le défendeur à tous les membres de l’agent négociateur. De plus, le PE de 2005 ne contient rien en ce qui concerne les courriels échangés entre l’agent négociateur et ses membres. Le PE porte sur l’utilisation des locaux du défendeur aux fins de réunions.

48 L’agent négociateur a admis avoir déposé des plaintes en 2002 et en 2006 à propos de problèmes semblables et les avoir retirées à un certain moment. Cependant, il n’accepte pas les arguments du défendeur voulant que l’agent négociateur soit maintenant empêché par préclusion de déposer une nouvelle plainte ou qu’une conclusion négative doive être tirée du fait que ces plaintes antérieures ont été retirées. L’agent négociateur avait des raisons de retirer ces plaintes antérieures. En outre, selon le principe, il est évident que le défendeur ne peut pas se servir de la préclusion comme [traduction] « épée ».

49 L’agent négociateur a soutenu n’avoir rien fait d’illégal. Ses messages sur les moyens de pression au travail étaient légaux et renvoyaient aux moyens de pression au travail autorisés par la Loi. Si le défendeur souhaitait empiéter sur les droits légaux de l’agent négociateur, il aurait dû avoir un motif pour le faire, mais il n’en avait pas. Le défendeur savait que les moyens de pression au travail étaient imminents et son intention était d’empêcher l’agent négociateur d’exercer ses droits légaux. Pendant des semaines, le défendeur a espionné l’agent négociateur pour trouver comment ce dernier allait organiser la grève. Le défendeur n’a pas communiqué avec l’agent négociateur et ne lui a pas parlé de ce qui le préoccupait. Il a plutôt décidé d’espionner les communications de l’agent négociateur. Cet acte nuit aux bonnes relations de travail.

50 L’agent négociateur a soutenu que toute personne de l’extérieur du MAEDC a le droit d’envoyer des courriels aux membres du groupe FS au bureau. L’agent négociateur ne devrait pas être traité différemment. Il ne demande pas au défendeur d’envoyer ses courriels. L’agent négociateur les envoie à partir de son propre réseau. En bloquant l’accès aux courriels en provenance de l’agent négociateur, le défendeur a entravé la conduite des activités de l’agent négociateur et l’a empêché d’exercer ses droits. La capacité d’un agent négociateur de communiquer avec ses membres est inhérente à son accréditation

51 L’agent négociateur a fait valoir que lorsque les membres du groupe FS ont commencé à utiliser le courriel de réponse automatique d’absence du bureau en cause dans ce cas, ils étaient dans une situation de grève légale. La déclaration qu’ils ont faite était modérée et ne contenait rien qui n’était pas vrai. Le défendeur n’a soumis aucune preuve pour appuyer sa déclaration voulant que le message eût des répercussions négatives sur ses activités. Cependant, le défendeur a ordonné aux fonctionnaires de ne pas utiliser le courriel de réponse automatique d’absence du bureau en cause et les a menacés de leur imposer des mesures disciplinaires s’ils ne respectaient pas l’ordre. Le défendeur n’avait pas le droit d’agir comme il l’a fait.

52 L’agent négociateur a soutenu que le défendeur a porté atteinte à sa liberté d’expression en bloquant les messages de l’agent négociateur par l’intermédiaire d’un pare-feu et en menaçant les employés de leur imposer des mesures disciplinaires s’ils utilisaient la réponse automatique d’absence du bureau en cause. L’agent négociateur et ses membres ne faisaient qu’exercer leurs droits accordés par la loi.

53 L’agent négociateur a soutenu que la Commission devrait accepter d’entendre la modification que l’agent négociateur a soumise au début de juillet 2013. L’agent négociateur a appris que le défendeur l’avait espionné pendant la première journée de l’audience en avril 2013 et avait reçu les données plus tard. En acceptant d’entendre la modification, la Commission ne porterait pas atteinte au défendeur. De surcroît, l’agent négociateur aurait pu déposer une nouvelle plainte et aurait pu demander que la nouvelle plainte soit instruite avec les deux plaintes initiales. Cela aurait mené au même résultat.

54 L’agent négociateur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Merriman; Pepsi-Cola Canada Beverages (West) Ltd.; Quan; Air Canada v. Canadian Air Line Employees’ Assn. (1980), 27 L.A.C. (2e) 289; Andres et al. c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 36; Société Radio-Canada, [2003] CCRI no 250; Canadian General Electric Company (Re) (1952), 3 L.A.C. 909; Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale et section locale 147 de l’Association nationale des travailleurs correctionnels fédéraux c. Service correctionnel du Canada, 2006 CRTFP 76; Association professionnelle des agents du service extérieur c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires extérieures), dossiers de la CRTFP 169-2-413 et 148-2-110 (19850903); Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 106; Association canadienne des pilotes de lignes aériennes c. Time Air Inc. (1989), 3 CLRBR (2e) 233; Plainsfield Children’s Home v. Service Employees Union, Local 183 (1985), 19 LAC (3e) 412; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 105; Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations du travail), [1996] 1 R.C.S. 369; Travailleurs et travailleuses unies de l’alimentation et du commerce, section locale 1518 c. Kmart Canada Ltd., [1999] 2 R.C.S. 1083; Canada Post Corporation v. Canadian Union of Postal Workers, [1993] C.L.A.D. No. 922; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2011 CRTFP 34; Ontario Public Service Employees Union v. Alcohol and Gaming Commission of Ontario, [2002] O.L.R.D. No. 120; CAW-Canada v. Millcroft Inn Limited, [2000] O.L.R.D. No. 2581; United Food and Commercial Workers Union, Local No. 401 v. Gateway Casinos G.P. Inc., [2007] A.L.R.B.D. No. 111; A.F.P.C. c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] A.C.F. no 240.

IV. Motifs

55 Dans ses plaintes, l’agent négociateur a allégué que le défendeur a violé plusieurs dispositions de la Loi en bloquant les courriels que l’agent négociateur a envoyés à ses membres du MAECD et en leur ordonnant de retirer un courriel de réponse automatique d’absence du bureau de leurs courriels sortants. Le courriel de réponse automatique d’absence de bureau comprenait un paragraphe informant les lecteurs qu’il y avait une rupture des négociations collectives, que les membres du groupe FS étaient dans une situation de grève légale et qu’il pouvait y avoir un retard dans le traitement des demandes.Le 3 juillet 2013, l’agent négociateur a demandé de modifier sa première plainte afin d’y ajouter une allégation selon laquelle le défendeur avait violé la Loi en mettant en place une surveillance électronique et en accédant aux interactions entre l’agent négociateur et ses membres.

56 J’accepte la demande de l’agent négociateur de modifier sa plainte pour les motifs qu’il a allégués dans ses arguments. D’abord, l’agent négociateur a été mis au courant de la surveillance le 30 avril 2013 et a reçu les données plus tard. Lorsque l’agent négociateur a demandé que la plainte soit modifiée, le délai de 90 jours prescrit par la Loi n’était pas échu, et il aurait pu déposer une nouvelle plainte. Pour des motifs évidents, il était plus efficace de modifier la plainte existante. Si une nouvelle plainte avait été déposée, j’aurais proposé aux parties de la faire instruire avec les deux plaintes existantes, étant donné qu’elles se rattachent au même sujet général et aux mêmes dispositions de la Loi et qu’elles font appel aux mêmes parties et presque aux mêmes personnes. De plus, le défendeur n’a pas soumis d’éléments de preuve ou d’arguments qui pourraient me porter à croire qu’il a subi un préjudice du fait que la plainte a été modifiée. En effet, aucune demande d’ajournement n’a été faite par le défendeur afin de lui permettre de se préparer à continuer l’audience.

57 Les parties m’ont renvoyé à plus de 50 décisions. Je les ai toutes étudiées avec soin. La plupart d’entre elles se rapportent à des séries de faits qui sont complètement différents des faits exposés dans ces plaintes. À quelques exceptions près, je ne me reporterai pas à ces décisions en particulier, même si je considère et respecte la logique juridique sur laquelle elles sont fondées.

A. Le blocage des courriels de l’agent négociateur par le défendeur

58 Pour cette partie des plaintes, les faits sont très simples. Le défendeur a appris que l’agent négociateur envoyait des courriels à ses membres, à leur lieu de travail, sans autorisation préalable et a conclu qu’il s’agissait d’une violation de l’article 5 de la convention collective. Le défendeur a estimé que certains de ces courriels pouvaient être préjudiciables à ses intérêts et, le 22 mars 2013, il a utilisé le pare-feu pour empêcher tout courriel en provenance de l’agent négociateur d’entrer dans le réseau du MAECD.

59 Les éléments de preuve montrent clairement que les parties interprètent différemment le PE, qu’elles ont signé en décembre 2005, relativement à l’utilisation des installations du défendeur et à l’article 5 de la convention collective.

60 Selon l’agent négociateur, le PE ne s’applique pas aux communications électroniques, mais plutôt à l’utilisation des installations pour des réunions. Je suis d’accord. Le PE ne fait mention d’aucune forme de communications, même pas des courriels. Il ne mentionne que les réunions. Il énonce la pratique de l’utilisation que doit faire l’agent négociateur des locaux du défendeur à des fins de réunions. J’estime que le PE n’est simplement pas pertinent dans le présent cas.

61 La position de l’agent négociateur veut que l’article 5 de la convention collective ne s’applique pas à la présente situation. Selon l’agent négociateur, pour que l’article 5 soit applicable, les courriels devraient être envoyés d’une adresse électronique du MAECD à une autre adresse électronique du MAECD. Dans ce cas, les courriels provenaient du domaine de l’APASE et étaient envoyés à des adresses électroniques du MAECD. Le défendeur n’est pas d’accord avec cette interprétation. Selon le défendeur, lorsque l’APASE envoie des courriels de masse de son domaine à des membres à leur adresse électronique du bureau, l’APASE utilise le réseau informatique du ministère et, dans une telle situation, la procédure prévue par l’article 5 doit être respectée. Les éléments de preuve ont démontré que ce différend quant à l’interprétation de l’article 5 existait déjà en 2002 et en 2006. Il semble qu’il n’a jamais été résolu.

62 Les parties auraient pu régler ce différend. Si elles ne le pouvaient pas, elles auraient pu déposer des griefs de principe afin d’obtenir une décision exécutoire d’une tierce partie, ce qu’elles n’ont pas fait non plus. Elles ont plutôt choisi chacune de ne pas tenir compte du point de vue de l’autre et d’imposer à l’autre sa façon de penser. L’agent négociateur a agi ainsi en créant et en mettant à jour des groupes de courriels de ces membres à leur travail et en utilisant ces groupes pour communiquer des renseignements sur la négociation collective et sur les moyens de pression au travail sans d’abord demander l’autorisation du défendeur. Le défendeur, à son tour, a agi de cette façon en empêchant l’accès au réseau à tout ce qui provenait de l’APASE, comme il le fait avec les virus et les pourriels.

63 Les relations de travail ne devraient pas être entretenues de cette façon. Dans un souci de bonne entente dans le monde du travail, de civilité et de stabilité, conformément aux traditions et aux règles canadiennes sur les relations de travail, les parties ont généralement recours aux tribunaux administratifs ou aux cours pour régler les différends liés à leurs droits et obligations, et n’imposent pas unilatéralement leur volonté à l’autre par leur pouvoir.

64 Cela étant dit, je vais aborder maintenant le problème en question, qui est le blocage des courriels de l’APASE par le défendeur. Il est d’abord important, vu la position prise par les parties, de définir la question à trancher. La plaignante affirme que cette affaire ne concerne pas l’utilisation du système du défendeur, mais plutôt le fait que le défendeur a empêché la plaignante d’exercer ses droits de communiquer avec ses membres. Bien que les mesures de l’employeur aient empêché la plaignante de communiquer avec ses membres d’une manière précise, il s’agit essentiellement dans la présente affaire du refus du défendeur de permettre à la plaignante d’utiliser le réseau informatique du défendeur pour ses communications. Au fond, cette plainte porte sur la revendication du défendeur de contrôler ses ressources électroniques.

65 Je dois me prononcer sur deux questions. D’abord, en se fondant sur la loi ou la convention collective, le défendeur peut-il bloquer les courriels destinés aux fonctionnaires et provenant de l’agent négociateur? La deuxième question est de savoir si, au regard de la Charte, un tel blocage constitue une violation de la liberté d’expression de la plaignante.

66 Comme il a été mentionné plus tôt dans cette décision, j’ai jugé que ni l’article 5 de la convention collective ni le PE signé en vertu de la convention collective ne sont applicables dans l’affaire en question. L’article 5 et le PE ont tous deux pour object d’obliger l’employeur à permettre à l’agent négociateur d’utiliser les biens de l’employeur pour certains motifs donnés. Comme mentionné dans Merriman, le corollaire de ces dispositions veut que, généralement, une organisation syndicale n’ait pas le droit d’utiliser les biens de l’employeur pour communiquer avec ses membres et que lorsque ce droit existe, il soit habituellement le résultat d’une négociation collective. Je suis également d’avis qu’aucune disposition de loi ne m’a été citée, mis à part la Charte, qui empêcherait le défendeur d’agir comme il l’a fait. Effectivement, le défendeur a cité des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques qui, selon lui, appuyaient son droit d’agir comme il l’a fait dans l’exercice de son pouvoir de gestion, tandis que le demandeur n’a rien fait de la sorte.

67 D’une manière générale, un employeur a le droit de restreindre l’utilisation que ses employés font de ses ressources électroniques. L’employeur a, par exemple, le droit de bloquer l’accès à des films ou à des sites de réseautage social, de refuser aux employés la permission d’envoyer ou de recevoir des courriels personnels au travail, et de restreindre l’usage d’Internet à des motifs liés au travail seulement. La question dans ce cas est donc de savoir si le présent contexte modifie ce droit pour le défendeur. Je suis d’avis qu’il ne le modifie pas. Comme la Commission l’a déclaré récemment au paragraphe 162 de IPFPC, il n’est pas approprié pour l’agent négociateur d’utiliser les installations de l’employeur pour ses activités et la capacité de l’agent négociateur de communiquer avec ses membres au travail est nettement limitée.

68 Ce qui a surtout retenu l’attention de l’APASE, c’est le fait que, vu la nature de l’emploi des membres, la communication de la plaignante à ses membres à l’extérieur du travail était difficile. Bien que je sois prêt à prendre ce fait en considération, ce fait à lui seul ne change pas, selon moi, la limitation ci-dessus et la plaignante ne m’a soumis aucune jurisprudence pour appuyer une telle position.

69 La plaignante a soutenu qu’elle n’avait rien fait d’illégal en envoyant les messages qu’elle a envoyés. Je suis d’accord avec le point de vue factuel du syndicat à ce sujet. Cependant, les employeurs ont la capacité de bloquer bien plus que des messages illégaux. La plaignante semblait faire valoir que si les messages qu’elle envoyait par l’intermédiaire des ressources du défendeur n’étaient pas illégaux ni préjudiciables aux intérêts du défendeur, le défendeur n’avait donc aucun droit de les bloquer. Comme il a déjà été mentionné, je rejette l’argument de la plaignante à cet égard. Je rejette également l’argument de la plaignante quant à la question du préjudice à l’employeur, puisque cette question se rapporte à la grande question du droit d’accès de la plaignante au réseau informatique du défendeur. Les cas qui m’ont été cités sur la question du préjudice à un employeur concernaient le port de macarons ou de vêtements, ou l’affichage de slogans dans le lieu de travail et sont, par conséquent, des décisions qui concernent la liberté d’expression, un aspect de ce cas sur lequel je me pencherai plus tard dans ces motifs.

70 La plaignante a également prétendu que tout le monde à l’extérieur du ministère a le droit d’envoyer des courriels aux employés à leur adresse du MAECD. C’est vrai. En règle générale, n’importe qui peut envoyer un courriel à n’importe qui d’autre, tant que l’un a l’adresse électronique de l’autre. Cela ne signifie toutefois pas que ces courriels seront lus par le destinataire s’ils sont envoyés à leur adresse du travail. La question ici n’est pas de savoir si le syndicat pouvait envoyer les courriels qu’il souhaitait envoyer, mais plutôt de savoir si le défendeur a le droit d’empêcher ses employés de recevoir ces courriels sur les ressources du défendeur, et j’estime que ni la convention collective ni la loi ne l’empêchent de le faire.

71 La plaignante a fait valoir que le défendeur a empiété sur sa liberté d’expression en empêchant ses courriels de passer par le pare-feu et en menaçant les employés de mesures disciplinaires s’ils utilisaient la réponse automatique d’absence du bureau pour faire passer un message sur l’état des négociations. Les éléments de preuve démontrent que le défendeur a bloqué ces courriels et qu’il a menacé ses employés de mesures disciplinaires s’ils utilisaient la fonction de réponse automatique à ces fins. Le défendeur a affirmé que l’expression en cause était préjudiciable à ses intérêts, qu’elle était exercée pendant les heures de bureau et sur son propre équipement, et qu’elle ne saurait prévaloir sur l’intérêt légitime du défendeur. La question en cause est de déterminer si ces mesures ont empiété sur le droit à la liberté d’expression garanti par l’alinéa 2d) de la Charte. Ce paragraphe se lit comme suit :

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

a) liberté de conscience et de religion;

b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

c) liberté de réunion pacifique;

d) liberté d’association.

72 Selon moi, limiter un moyen de communication est bien différent d’empêcher tout contact. Ici aussi, comme il est mentionné dans Merriman, une distinction doit être faite entre la communication elle-même et le mécanisme ou le moyen de communication. Dans le cas présent, le défendeur a privé la plaignante d’un moyen particulier de communication avec ses membres, mais n’a pas privé la plaignante de la capacité de communiquer avec ses membres comme elle le souhaitait

73 Je souscris à l’argument du défendeur selon lequel son refus de permettre à l’agent négociateur d’utiliser ses biens pour transmettre des messages n’est pas une violation de la liberté d’expression. La protection de la Charte s’attache au contenu expressif du message, mais pas à son emplacement. La protection de la Charte n’accorde pas à l’agent négociateur ni à ses membres, dans le cas des courriels de réponse automatique d’absence du bureau, de droits de libre expression sur le réseau informatique du défendeur. Ce réseau n’est pas un lieu public, mais plutôt une propriété privée du défendeur. Cela ne change rien si le défendeur est un organisme public. Le défendeur possède à titre privé son réseau de communication interne, et a le contrôle exclusif des fonctions pour lesquelles ce réseau peut être utilisé. À ce dernier sujet, la Cour suprême du Canada a écrit au paragraphe 64 de Montréal (Ville) :

64. L’argument défavorable à l’application de la protection de l’al. 2b) à l’intérieur d’au moins certaines propriétés appartenant à l’État est, à l’opposé, axé sur la distinction entre l’usage public et l’usage privé de la propriété. Indépendamment du fait que l’État soit propriétaire d’un endroit et de ce fait, le contrôle, de nombreuses propriétés de l’État sont essentiellement privées et à leur usage. Certains espaces situés dans des propriétés appartenant à l’État sont maintenant reconnus comme des endroits publics où la population a le droit de s’exprimer. Mais d’autres endroits, comme des bureaux privés et différents endroits affectés aux affaires de l’État, n’ont jamais été considérés comme des lieux ouverts à l’expression publique. Toujours selon cet argument, il est impossible que les rédacteurs de la Charte canadienne aient eu l’intention de conférer un droit prima facie à la liberté d’expression dans ces endroits essentiellement privés et d’imposer à l’État le fardeau de justifier l’exclusion de l’expression publique dans des endroits d’où celle-ci est depuis toujours et incontestablement exclue et qui ne pourraient remplir efficacement leur fonction s’ils étaient ouverts au public.

74 Ce qui est en litige ici, ce n’est pas l’interdiction de diffuser le message, mais plutôt l’interdiction d’utiliser les biens du défendeur comme moyen de transmettre ce message. Le défendeur n’a pas interdit aux employés de porter un message pour appuyer la position de l’agent négociateur à la table des négociations. Le défendeur leur a plutôt interdit l’utilisation de son équipement électronique pour agir de cette façon.

75 Même si j’ai déjà conclu que le défendeur était en droit de bloquer les communications en litige, je conclus néanmoins que le défendeur s’est ingéré dans l’administration de l’APASE en contravention du paragraphe 186(1) de la Loi, non parce qu’il a empêché l’accès des communications de l’APASE à son réseau, mais parce qu’il ne l’a fait ni au bon moment, ni de la bonne façon. Un agent négociateur n’est pas un organisme externe avec lequel on n’a pas de contact, ou un virus ou un pourriel, et le défendeur ne devrait pas le traiter de la sorte. Avant de prendre la décision de bloquer l’accès à son réseau informatique, le défendeur aurait dû avoir une discussion sérieuse avec l’agent négociateur, confronter l’agent négociateur avec le fait qu’il entrait dans le réseau du MAECD sans autorisation préalable et enfin avertir l’agent négociateur qu’à une date précise, le défendeur empêcherait les communications de l’agent négociateur d’entrer dans son réseau si l’agent négociateur continuait à agir de la sorte. Cette approche aurait été raisonnable dans ces circonstances. Cette approche aurait donné le temps à l’agent négociateur de s’ajuster et n’aurait pas fait obstacle à l’administration de l’agent négociateur. Cependant, bloquer l’accès sans donner quelque forme de préavis que ce soit constitue une ingérence, particulièrement au moment critique du cycle de la négociation collective, à l’administration de l’agent négociateur.

76 Dans sa plainte, l’agent négociateur a allégué que, par ses actes,  le défendeur a manqué à son obligation de négocier de bonne foi, en contravention de l’article 106 de la Loi. La plaignante ne m’a pas convaincu de cette allégation. Ce n’est pas parce que ces incidents ont lieu à un moment où les parties négociaient le renouvellement de la convention collective que toute violation de la Loi aurait été considérée comme une violation de l’article 106. Il aurait au moins fallu me présenter certains éléments de preuve ou arguments selon lesquels l’envoi de courriels par l’APASE à ses membres constituait une partie du processus de négociation pour faire présumer de l’obligation de négocier de bonne foi. Aucun élément de preuve ou argument de ce genre n’a été présenté.

77 Les faits de ce cas diffèrent de la plupart des cas auxquels les parties ont renvoyé. Dans certains de ces cas, le défendeur refusait l’accès à ces locaux ou refusait de donner au syndicat les renseignements dont celui-ci avait besoin pour desservir ses membres ou pour communiquer avec eux. Ce n’est pas ce qui est en litige dans le cas présent. Le défendeur n’a pas refusé de donner à l’agent négociateur les adresses postales ou les renseignements personnels de ses membres. En fait, le défendeur a donné à l’agent négociateur l’occasion d’envoyer un message à ses membres à leur adresse électronique du travail pour leur demander de donner leur adresse électronique personnelle à l’agent négociateur. Ce cas porte plutôt sur l’utilisation du matériel informatique du défendeur par les employés pour recevoir des renseignements de l’agent négociateur. Ce cas concerne également un différend entre les parties sur l’interprétation de la convention collective.

B. La surveillance électronique des courriels de l’agent négociateur faite par le défendeur

78 Les faits liés à la surveillance électronique des courriels de l’agent négociateur par le défendeur ne sont pas contestés. Le 3 décembre 2012, M. Houde a demandé à l’unité de la sécurité des renseignements du MAECD de surveiller le système électronique interne pour examiner le contenu des communications électroniques de l’APASE à ses membres. M. Houde a estimé que cette surveillance était nécessaire, car il avait des raisons de croire que l’APASE utilisait le réseau informatique du défendeur sans autorisation préalable. L’unité de sécurité des renseignements a accepté la demande de M. Houde. De ce fait, pendant plus de trois mois, le défendeur a surveillé 513 pages de renseignements que l’APASE a envoyés à partir de son bureau national à ses membres à leur adresse électronique du travail. L’agent négociateur n’a pas été avisé que ses communications sur le réseau du défendeur étaient ou allaient être surveillées. L’agent négociateur a appris que ces communications avaient été surveillées après coup, soit le premier jour de l’audience, le 30 avril 2013.

79 J’estime que, dans des circonstances particulières, les actes du défendeur ont violé le paragraphe 186(1) de la Loi de manière à constituer une ingérence dans l’administration de l’agent négociateur et sa représentation de ses membres. Bien que je sois d’avis que le blocage par le défendeur des courriels émanant de l’APASE ne constitue pas une violation de la Loi, la surveillance subreptice de ces courriels constitue une telle violation en ce sens qu’elle intervient dans l’administration de l’agent négociateur et dans sa représentation de ses membres.

80 Je ne doute pas que l’APASE se livrait à des activités d’administration d’une organisation syndicale et de représentation des employés par cette organisation, au sens de l’alinéa 186(1)a), en envoyant des courriels comme l’agent négociateur l’a fait. Les éléments de preuve que j’ai sous les yeux sont suffisants pour établir le fait que les actes du défendeur, par lesquels il a bloqué subrepticement et surveillé les courriels entrants de l’APASE, si on les considère d’un point de vue pratique, ont bien entravé les efforts de la plaignante pour administrer son organisation et représenter ses membres.

81 Comme il est mentionné dans ANACF, l’objectif général de l’article 186 est « d’assurer que l’employeur n’intervienne pas dans les affaires internes des organisations syndicales, d’équilibrer les chances en matière de relations du travail et de maintenir la direction et l’agent négociateur à distance lorsqu’il est question de certaines activités syndicales licites ». Plutôt que de bloquer subrepticement et d’examiner toutes les correspondances par courriel des membres de l’APASE sur son système, le défendeur aurait simplement dû bloquer les courriels et avertir l’APASE qu’il allait bloquer ses courriels. Une telle approche aurait été dans la logique de la Loi et aurait servi les intérêts légitimes du défendeur sans porter atteinte aux droits légitimes de l’APASE, qui sont particulièrement importants vu le fait que ce différend est survenu pendant un moment crucial dans le cycle des négociations collectives. Bien que le défendeur puisse avoir eu des raisons d’affaires suffisantes pour bloquer les courriels de l’APASE, aucune raison d’affaires valable en ce qui concerne la collecte furtive de courriels n’a été avancée par le défendeur.

82 Enfin, en ce qui a trait à l’argument fondé sur la préclusion avancé par le défendeur, je ne vois pas le besoin de trancher cette question, vu ma décision rejetant la plainte au sujet du blocage des courriels. Bien que j’aie donné gain de cause à la plaignante sur la question de la surveillance électronique du défendeur des courriels envoyés par l’APASE, il s’agit d’une question nouvelle à laquelle le principe de préclusion ne s’applique pas.

C. Le courriel de réponse automatique d’absence du bureau

83 La fonction de réponse automatique d’absence du bureau fait partie du logiciel de courriel. Elle permet à une personne qui est absente d’informer de son absence les personnes qui communiquent avec elle. Il est bien connu que la réponse automatique d’absence du bureau doit comprendre la date de retour de son auteur, ou le nom de la personne avec qui il faudrait communiquer pour recevoir les services généralement fournis par l’auteur ou tout autre renseignement pertinent qui pourrait être utile dans les circonstances.

84 Utiliser cette fonction pour informer les clients, les intervenants ou toute personne qui communique avec les employés du MAECD qu’il y a une rupture des négociations collectives, que les membres du groupe FS sont en situation de grève légale et qu’il peut y avoir un retard dans le traitement des demandes constitue une utilisation de la fonction de réponse automatique pour faire passer un message différent de la fonction habituelle du courriel de réponse automatique d’absence du bureau. Dans ce contexte-ci, il n’est pas excessif de la part du défendeur de décider de ce qu’il ne convient pas d’écrire dans ces messages.

85 Le défendeur était parfaitement en droit d’ordonner à ses employés de retirer ces messages de leur courriel de réponse automatique et d’assurer la conformité en menaçant d’imposer une mesure disciplinaire aux employés qui n’obéissaient pas. En agissant ainsi, le défendeur n’a pas violé la Loi, ne s’est pas ingéré dans l’administration de l’agent négociateur et n’a pas menacé d’imposer une mesure disciplinaire aux employés qui participaient à ses affaires ou exerçaient leurs droits en vertu de la Loi, et n’a pas négocié de mauvaise foi. Il a simplement ordonné à ses employés de ne pas utiliser le message de réponse automatique à des fins personnelles, puisque ce n’est pas pour cet usage qu’il a été conçu.

86 L’agent négociateur a soutenu que les renseignements contenus dans le message étaient vrais. Dans le cas présent, cela n’est pas important. Ce qui importe, c’est que le défendeur soit autorisé à exercer une forme de contrôle sur ce que les employés écrivent dans ces messages. Le critère n’est pas l’exactitude du message, mais plutôt de savoir si le défendeur a agi de manière raisonnable lorsqu’il a empêché l’affichage d’un contenu particulier dans un courriel de réponse automatique d’absence du bureau. J’ai déjà jugé que le défendeur était raisonnable dans ce cas.

87 Il existe une différence importante entre utiliser une réponse automatique d’absence du bureau et porter des macarons préparés par le syndicat dans le lieu de travail pour porter un message sur les relations de travail lié aux difficultés et aux problèmes à la table des négociations. Ce moyen de communication n’implique pas l’utilisation du matériel du défendeur dans un but qui n’est pas celui pour lequel ce matériel a été mis en place. Dans un tel cas, les employés portent un message en utilisant du matériel qui leur appartient. Dans le cas présent, les employés ont utilisé le matériel du défendeur pour faire passer leur message. Le défendeur a entièrement le droit de donner des directives ou d’imposer des restrictions sur la façon dont son propre matériel est utilisé.

88 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

89 La plainte du dossier 561-02-616 est accueillie en partie.

90 Le défendeur a enfreint l’alinéa 186(1)a) de la Loi en surveillant secrètement les courriels envoyés par l’agent négociateur à ses membres à leur adresse électronique du travail entre décembre 2012 et mars 2013.

91 Le défendeur a contrevenu à l’alinéa 186(1)a) de la Loi en omettant d’aviser l’agent négociateur qu’il allait bloquer unilatéralement l’accès de ce dernier à son réseau de courriel le 22 mars 2013.

92 La plainte dans le dossier 561-02-617 est rejetée.

Le 16 septembre 2013.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique

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