Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant s’est plaint que son agent négociateur lui avait indûment conseillé de déposer une réclamation auprès de la commission provinciale de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail et que cela avait entraîné une perte de salaire parce qu’il s’agissait d’un recours voué à l’échec, ce que son agent négociateur aurait dû savoir - l’agent négociateur s’est opposé à la compétence de la Commission en ce qui concerne l’examen de tout devoir de représentation équitable relatif à des procédures qui ne sont pas visées par la Loi - la Commission a conclu que la preuve était insuffisante pour maintenir l’objection - la Commission n’a pas reçu de preuve relative aux procédures qui ont eu lieu devant la commission provinciale de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail - la Commission a conclu que la preuve déposée indiquait que l’agent négociateur collaborait avec le plaignant et tentait de lui fournir de l’aide au sujet d’un certain nombre de problèmes liés au milieu de travail. Objection rejetée. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-11-08
  • Dossier:  561-02-623
  • Référence:  2013 CRTFP 136

Devant une formation de la
Commission des relations de
travail dans la fonction publique


ENTRE

JONATHAN DELGADO-LEVIN-TURNER

plaignant

et

SYNDICAT DES DOUANES ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

Répertorié
Delgado-Levin-Turner c. Syndicat des douanes et de l’immigration

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour le défendeur:
Sherrill Robinson-Wilson, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 30 avril, le 6 juin et le 17 juillet 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 30 avril 2013, Jonathan Delgado-Levin-Turner (le « plaignant ») a déposé une plainte contre le Syndicat des douanes et de l’immigration (le « SDI » ou le « défendeur ») en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la« Loi »). Les détails de cette plainte sont les suivants : le défendeur a conseillé au plaignant de déposer une réclamation à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) de l’Ontario relativement au stress causé par le harcèlement dont il était victime par son employeur; un problème de santé du plaignant s’est aggravé en raison de ce harcèlement. Selon le plaignant, la CSPAAT a rejeté sa réclamation et les appels interjetés contre cette décision ont eux aussi été rejetés. Le plaignant a soutenu que le défendeur lui avait conseillé à tort de déposer une réclamation à la CSPAAT alors qu’il savait ou aurait dû savoir que celle-ci serait infructueuse.

2 Le plaignant a déclaré qu’en raison des actions du défendeur, il a perdu le montant de 6 489,63 $ en salaire, dont il demande le paiement à titre de mesure de réparation.

3 Le 6 juin 2013, le défendeur a déposé une réponse à la plainte, dans laquelle il a écarté celle-ci et déclaré que, bien qu’il ait su que le plaignant avait déposé une réclamation à la CSPAAT, il n’avait pas aidé ce dernier dans cette démarche, ni ne connaissait-il quelque détail que ce soit de la réclamation. Le 17 juillet 2013, le plaignant a déposé une réfutation à la réponse et déclaré que certains des documents qu’il avait au dossier réfutaient clairement la position du défendeur.

4 Le 13 août 2013, le greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a écrit aux parties pour les informer que la formation de la Commission avait décidé de procéder par la présentation d’arguments écrits et pour leur donner plus particulièrement les instructions suivantes :

[Traduction]

[…]

  1. le plaignant présentera ses arguments écrits à la Commission et en remettra une copie à l’autre partie au plus tard le 3 septembre 2013;
  2. le défendeur présentera ses arguments écrits à la Commission et en remettra une copie à l’autre partie au plus tard le 24 septembre 2013;
  3. le plaignant présentera une réfutation écrite à la Commission et en remettra une copie à l’autre partie au plus tard le 1er octobre 2013.

Les parties sont appelées à joindre à leurs arguments toute preuve documentaire dont elles pourraient être en possession. Lorsque les arguments écrits auront été échangés, l’affaire sera renvoyée à la formation de la Commission, qui pourrait rendre une décision fondée sur les arguments déposés et du dossier existant. Si la formation de la Commission a besoin d’arguments supplémentaires ou conclut que la tenue d’une audience est requise, les parties en seront informées.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

5 Le 4 septembre 2013, le plaignant a écrit à la Commission pour confirmer qu’il comprenait que la date limite du dépôt de ses arguments était le 3 septembre 2013 et pour demander une prorogation de ce délai jusqu’au vendredi 6 septembre 2013 afin de déposer des arguments.

6 Cette demande a été accueillie et, le 10 septembre 2013, les parties ont été informées par courriel de ce qui suit :

[Traduction]

[…]

  1. Le plaignant présentera ses arguments écrits à la Commission et en remettra une copie à l’autre partie au plus tard le 6 septembre 2013[…]
  2. Le défendeur présentera ses arguments écrits à la Commission et en remettra une copie à l’autre partie au plus tard le 27 septembre 2013;
  3. Le plaignant présentera sa réfutation écrite à la Commission et en remettra une copie à l’autre partie au plus tard le 4 octobre 2013.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

7 Le 24 septembre 2013 à 7 h 54, le défendeur a envoyé à la Commission un courriel, avec copie au plaignant, indiquant qu’il était incapable de présenter ses arguments à la Commission, puisqu’il n’avait pas encore reçu les arguments du plaignant.

8 Le même jour, à 8 h 10, le plaignant a répondu au courriel du 24 septembre 2013 et déclaré qu’il avait envoyé ses renseignements par courriel le 7 septembre 2013. Il a aussi demandé à la Commission si elle les avait reçus.

9 Le 24 septembre 2013 à 8 h 20, le greffe de la Commission a écrit au plaignant, avec copie au défendeur, pour confirmer que la Commission n’avait pas encore reçu ses arguments, lui ordonner de les envoyer de nouveau, et signaler que si la taille des arguments était supérieure à deux mégaoctets, il devrait peut-être les répartir en des courriels moins volumineux.

10 Le 27 septembre 2013 à 11 h 19, le greffe de la Commission a écrit au plaignant, avec copie au défendeur, pour faire suite à son courriel du 24 septembre 2013 et demander au plaignant s’il avait de nouveau envoyé ses arguments, l’informant que la Commission n’avait encore rien reçu de lui.

11 Conformément aux instructions que je lui avais données, l’agent du greffe de la Commission chargé de la plainte a appelé le plaignant au numéro de téléphone fourni à la Commission avec sa plainte.

12 Le 2 octobre 2013 à 8 h 58, l’agent du greffe de la Commission chargé de la plainte a écrit au plaignant par courriel, avec copie au défendeur, pour lui dire ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Hier, soit le 1er octobre 2013, j’ai appelé aux deux numéros de téléphone que nous avons au dossier pour vous et je vous ai laissé un message vous demandant de me rappeler avant la fin de la journée. Lorsque vous m’avez rappelé, je vous ai informé que nous n’avions pas encore reçu vos arguments écrits, que vous avez envoyés initialement le 7 septembre par courriel; vous avez dit que vous me rappelleriez lorsque vous arriveriez à la maison, et que vous tenteriez d’envoyer de nouveau vos arguments.

À ce moment-ci, nous n’avons pas encore reçu vos arguments.

La formation de la Commission à qui cette affaire a été confiée m’a demandé de vous informer des faits suivants. Vous êtes prié de remettre vos arguments à la Commission et au défendeur au plus tard le 4 octobre 2013 à 16 h. La formation de la Commission déclare en outre que si vous omettez de déposer vos arguments, la Commission pourrait prendre une décision dans cette affaire sans aucun autre argument.

Vos arguments peuvent être déposés auprès de la Commission de l’une des manières suivantes :

Par courriel : mail.courrier@pslrb-crtfp.gc.ca
Par télécopieur : (613) 990-1849
Par la poste : C.P. 1525, Succursale B, Ottawa (ON), K1P 5V2

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

13 Le plaignant n’a pas communiqué avec la Commission depuis la discussion dont il est fait mention dans le courriel de la Commission daté du 2 octobre 2013, au cours de laquelle il a déclaré qu’il communiquerait avec la Commission et tenterait d’envoyer ses arguments de nouveau; le défendeur n’a pas non plus déposé d’arguments.

14 La présente décision repose sur les documents et les arguments contenus dans la plainte, la réponse à la plainte et la réfutation du plaignant.

II. Résumé de la preuve

15 Le plaignant paraît avoir été un employé de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« employeur ») à Toronto, et être membre du SCI.

16 Pendant toutes les périodes pertinentes, Mark Weber était le président de la section locale 024 du SCI, tandis que Richard Sutcliffe en était le premier vice-président, et Robert Borg était membre du SCI; le poste qu’il occupait au sein de la section locale 024 du SCI ne ressortait pas clairement de la documentation.

17 La seule preuve qui m’a été fournie tient en des copies de courriels ou de fils de courriels et en un document de deux pages qui paraît être une reproduction d’écran d’une série de messages textes divers, et qui porte la mention, au bas de chacune des deux pages, de « iMessage ».

18 Le nom de M. Weber figure dans la partie supérieure des deux pages du  document comportant le iMessage, où l’on peut voir l’heure également, soit 22 h 46 sur la première page et 20 h 02 sur la deuxième page. Y figurent plusieurs dates allant du 29 mars 2012 au 2 août 2012, et le texte des discussions est indiqué au moyen de bulles. Les interlocuteurs ne sont pas identifiés par les bulles, et la première série de discussions ou de commentaires est désignée comme s’étant produit avant la première date indiquée, le 29 mars 2012. L’existence d’une fonction de modification est clairement indiquée dans la partie supérieure des deux pages.

19 Le iMessage était le suivant :

[Traduction]

Je m’en occupe mon gars.

Va-t-en chez toi.
CSPAAT pour stress.
Prends la nuit pour y penser.
Ne la laisse pas t’atteindre.

Le 29 mars 2012, 20 h 23

Stanley Mo s’occupe de la CSPAAT et du
formulaire 7 et je vais à l’hôpital ce soir
ou dès qu’un médecin pourra
m’examiner demain.

D’accord. Est-ce que
quelqu’un t’accompagne?
Ne t’en fais pas pour
demain. Murray et moi
nous en occupons.

Merci mon gars.

Le 30 mars 2012, 9 h 07

Je viens de t’envoyer un courriel.

Le 4 avril 2012, 20 h 23

Allo Mark. Qu’est-ce qui se passe dans
mon dossier avec Bev et Dave Mayo?

Je n’ai encore eu aucune nouvelle non
plus du SCRS…

Le 5 avril 2012, 14 h 23

Allo Mark… T’as des nouvelles?

Le 10 avril 12 h 38

Mark… appelle-moi s’il-vous-plaît

Le 2 août 2012, 11 h 23

20 J’ignore si les courriels ou le iMessage ont été modifiés.

21 L’unique preuve dont je dispose relativement à la réclamation déposée à la CSPAAT est celle dont il est fait mention dans le iMessage.

22 On ne m’a fourni aucun des documents se rapportant à la réclamation déposée à la CSPAAT ou à un appel s’y rapportant; et j’ignore s’il en existe.

23 On ne m’a fourni aucun détail ni aucune preuve pour ce qui est de savoir si ou comment le plaignant a perdu 6 489,63 $ au titre de son salaire.

24 Il y a une série de fils de courriels divers dont les dates vont du 12 juin 2012 au 2 janvier 2013, et qui ont été envoyés soit par le plaignant à M. Weber, M. Sutcliffe ou M. Borg, soit par M. Weber, M. Sutcliffe ou M. Borg au plaignant. Aucun de ces courriels ne renvoie à une réclamation déposée à la CSPAAT ou à un appel; il n’y a aucune mention non plus de la perte d’un salaire.

25 Les fils de courriels qui ont été joints à la plainte paraissent faire état de discussions concernant des problèmes que le plaignant avait avec son employeur, tout particulièrement en ce qui concerne une entrevue se rapportant à une cote de sécurité secret et de vagues allégations de harcèlement. Il y a très peu de détail, et le dernier courriel que le plaignant a envoyé à M. Weber le 2 janvier 2013 à 11 h 42 n’était pas clair non plus. M. Weber a répondu à ce courriel le même jour, à 13 h 16, et a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je ne peux dire avec certitude ce que tu souhaites que nous fassions à cet égard – il y a tant de choses.

En ce qui concerne la demande visant à ce que le syndicat se retire du dossier, j’ai parlé avec les représentants nationaux, qui m’ont dit que cela ne peut se faire.
En outre (et j’ai déjà vu cela à quelques reprises maintenant), un juge demandera si tous les mécanismes internes ont été épuisés. Si tu réponds par la négative – tu as probablement perdu avant même de commencer.

Voici ce dont j’ai besoin de ta part.
A – Quels griefs en sont à quel palier?
B – Qu’est-ce que tu veux obtenir?

[…]

Si tu souhaites que nous (perdions) rapidement dans le dossier du harcèlement – prends la voie de l’enquête par le DGR.
Peu importe quels sont les faits, nous ne gagnons jamais dans de tels dossiers et tu obtiendras une réponse beaucoup plus rapidement que par la voie d’un grief.

[…]

Dis-le moi et je confierai ton dossier à une personne qui travaillera avec toi.

[…]

26 Le courriel de M. Weber daté du 2 janvier 2013 à 13 h 16 constitue la dernière communication entre les parties que j’ai obtenue.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le plaignant

27 Le plaignant n’a déposé aucun argument écrit même s’il a obtenu une prorogation du délai pour le faire lorsqu’il en a fait la demande. Les seuls arguments dont je dispose sont ceux qui sont tirés de la plainte.

28 Le plaignant a déclaré que, par ses actions, le défendeur a contrevenu à l’alinéa 190(1)g) de la Loi, car le président de la section locale 024 du SCI, M. Weber, lui a conseillé de déposer à la CSPAAT une réclamation que la CSPAAT a rejetée et qui a été rejetée en appel également. En raison du conseil qu’il a ainsi reçu, le plaignant fait valoir qu’il a perdu le montant de 6 489,63 $ au titre de son salaire.

29 Le plaignant a déclaré que M. Weber aurait dû savoir que la réclamation serait rejetée, car elle ne satisfaisait pas aux critères énoncés dans la loi de la CSPAAT.

B. Pour le défendeur

30 Le plaignant n’ayant déposé aucun argument écrit, le défendeur ne pouvait y répondre. Les arguments du défendeur sont contenus dans sa réponse à la plainte.

31 Le défendeur avance trois arguments à l’appui de sa demande que la plainte soit rejetée. Premièrement, il soutient que la Commission n’a pas la compétence pour instruire la plainte, deuxièmement, que le plaignant n’a pas produit une preuve prima facie, et troisièmement, qu’il n’a pas aidé ni n’a-t-il été appelé à aider le plaignant à déposer une réclamation à la CSPAAT.

i. Compétence

32 Le défendeur a déclaré que la portée du devoir de représentation équitable tel que celui-ci est énoncé dans la Loi ne s’applique qu’aux affaires qui découlent de l’application de la Loi ou de la convention collective pertinente. À l’appui de cet argument, le défendeur a invoqué la décision Brown c. Syndicat des employés du Solliciteur général et Edmunds, 2013 CRTFP 48, dans laquelle la Commission a déclaré ce qui suit au paragraphe 52 :

[52] Compte tenu du mandat de la Loiet de l’endroit où figure l’article relatif au devoir de représentation équitable, je suis d’avis que le législateur n’avait pas l’intention d’accorder à la Commission une compétence illimitée pour examiner toutes les actions des organisations syndicales et des agents négociateurs. Il est logique que la compétence de la Commission d’entendre et de trancher les plaintes de manquement au devoir de représentation équitable doive d’une certaine façon découler des paramètres de la Loi ou de la convention collective pertinente.

33 Le défendeur a invoqué également Elliot c. Guilde de la marine marchande du Canada et al., 2008 CRTFP 3, où l’on peut lire ce qui suit au paragraphe 188 :

[188] […] je considère que le devoir de représentation juste qui est prévu à l’article 187 de la LRTFP concerne les droits, obligations et questions énoncés dans la LRTFP, qui se rapportent à la relation entre les fonctionnaires et leur employeur. En d’autres termes, la « représentation » que mentionne cet article est la représentation du fonctionnaire dans des affaires ayant trait à la relation prévue dans la convention collective ou à la LRTFP, par exemple la représentation dans la négociation collective et la présentation de griefs en vertu de la Loi.

34 Le défendeur a déclaré que, bien que les représentants de la section locale aient pu avoir donné des conseils au plaignant et que le gros de ces conseils se soient rapportés aux obligations qui découlent de la convention collective pertinente ou de la Loi, la présentation possible d’une réclamation à la CSPAAT pour stress ne relève ni de la convention collective pertinente, ni de la Loi, de sorte que la Commission n’a pas la compétence pour se prononcer sur l’affaire.

ii. Absence de preuve prima facie

35 Le défendeur a fait valoir que, dans Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107, la Commission a déclaré ce qui suit au paragraphe 31 :

[31] Dans une plainte fondée sur l’article 187, c’est le fonctionnaire qui a le fardeau de présenter des faits suffisants pour établir que le syndicat a manqué à son devoir de représentation équitable.

36 Dans Jackson c. Syndicat des douanes et de l’immigration et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 31, la Commission a déclaré ce qui suit au paragraphe 67 :

[67] Pour établir une preuve prima facie d’une violation de l’article 187 de la LRTFP, il doit y avoir une preuve que les défendeurs ont agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. La plaignante n’a pas produit une telle preuve.

37 Le défendeur a fait valoir que l’unique preuve produite, à savoir le iMessage obscur, est tout simplement insuffisante pour satisfaire au critère de la preuve prima facie.

iii. Refus de la demande d’aide

38 Le défendeur a déclaré que le plaignant ne s’est pas adressé à M. Weber pour obtenir de l’aide en ce qui concerne le dépôt d’une réclamation à la CSPAAT.

C. Réplique du plaignant

39 Dans sa réplique à la réponse du défendeur, le plaignant a déclaré qu’une preuve documentaire pouvait établir le bien-fondé de ses prétentions.

IV. Motifs

40 Le défendeur a contesté la compétence de la Commission, faisant valoir que l’article 187 de la Loi ne s’appliquait pas aux affaires qui sont exclues de la portée de la Loi ou de la convention collective pertinente.

41 En contestant la compétence de la Commission, il incombait au défendeur de produire une preuve suffisante pour me convaincre que cette affaire est clairement exclue de la portée de la Loi ou de la convention collective pertinente. Les documents mis à ma disposition sont insuffisants à cet égard et, pour cette raison, l’objection à la compétence de la Commission doit être écartée.

42 La plainte déposée sous le régime de l’alinéa 190(1)g) de la Loi allègue une pratique déloyale de travail au sens de l’article 185, qui prescrit ce qui suit :

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

43 La portion de l’article 185 de la Loi à laquelle se rapporte la plainte est l’article 187, aux termes duquel l’organisation syndicale est tenue à un devoir de représentation équitable, et qui prescrit ce qui suit :

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

44 Pour que la plainte soit accueillie, le plaignant devait établir que le défendeur ou ses dirigeants ou représentants avaient agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation.

45 Ainsi qu’il est indiqué dans Ouellet et Jackson, le plaignant a le fardeau d’établir qu’il y a eu pratique déloyale de travail. Les documents et les faits qu’il a présentés n’établissent pas l’existence d’un manquement à l’article 187 de la Loi.

46 Le 30 avril 2013, le plaignant a déposé sa plainte, dans laquelle il a allégué que, sur le fondement des conseils que lui a donnés M. Weber, du SCI, il a déposé à la CSPAAT une réclamation qui, en bout de ligne, a été rejetée sur le fondement de ses observations initiales et, par la suite, en appel. Il a déclaré qu’il avait perdu le montant de 6 489,63 $ au titre de son salaire, et il a allégué que le défendeur savait qu’il ne satisferait pas à certains critères et qu’il [traduction] « […] aurait dû mieux savoir ». Il a joint à sa plainte un éventail de courriels et des fils de courriels. Il a joint également un document de deux pages qui ne paraît pas être un courriel ou un fil de courriels, mais plutôt une forme d’instantané d’écran d’un message texte. Au bas des deux pages de ce document figure le terme « iMessage ».

47 Le iMessage est reproduit intégralement au paragraphe 19 de la présente décision. Bien que ce iMessage renvoie à la CSPAAT, la discussion paraît tenir en une série de très brefs messages qui sont sans rapport les uns avec les autres ou qui, très franchement, n’ont aucun sens. J’ignore s’il y a un fil de conversation en particulier ou plusieurs, j’ignore si le document a été modifié, et je ne dispose d’aucun contexte relativement au document.

48 Les autres courriels ou fils de courriels fournis en même temps que la plainte indiquent certainement qu’il existe une relation continue entre le plaignant et le défendeur et certains de ses dirigeants, dont M. Weber, M. Sutcliffe et M. Borg. Il est clair à mes yeux que le plaignant continue de reprocher certaines choses à son employeur en ce qui concerne une entrevue qui est menée ou qui a été menée par le Service canadien du renseignement de sécurité au sujet d’une cote de sécurité secret. Il y a de vagues allégations de harcèlement. Malheureusement, les détails de ce que le plaignant reproche à son employeur ne ressortent pas clairement de la documentation qu’il a jointe. Il ressort toutefois clairement des pièces jointes que le défendeur et ses dirigeants paraissent travailler avec le plaignant et paraissent vouloir l’aider; il semble cependant exister un fossé entre le plaignant et les représentants du défendeur, ainsi que le courriel suivant, envoyé par M. Weber au plaignant le 11 décembre 2012 à 16 h 35, l’indique :

[Traduction]

Bonjour Jonathan,

La dernière communication que j’ai eue avec toi remonte au 26 septembre. Tu m’as demandé si le syndicat était disposé à se retirer. Lorsque je t’ai demandé de quoi exactement tu souhaitais que nous nous retirions, je n’ai obtenu aucune réponse.

D’après les dernières nouvelles que j’ai obtenues de Murray il t’a laissé un message le 15 novembre.
J’ignore si tu lui as parlé depuis.
À cette date, tu n’avais pas encore présenté ta plainte fondée sur les droits de la personne.

[…]

S’il y a des nouvelles, je n’en ai pas été informé. Si ces problèmes sont les mêmes qu’ils étaient auparavant – je croyais que tu avais choisi la voie des droits de la personne?

[…]

49 Le dernier fil de courriels joint à la plainte renferme un courriel que M. Weber a adressé au plaignant le 2 janvier 2013 à 13 h 16. Il est reproduit au paragraphe 25 de la présente décision. Il ressort clairement de ce courriel que le défendeur est en cause et qu’il tente de déterminer auprès du plaignant ce que ce dernier souhaite que le syndicat fasse au sujet d’un éventail de questions. Il ressort clairement des questions qui sont posées au plaignant que le défendeur veut savoir quels griefs ont atteint quel palier et ce que le plaignant souhaite obtenir. Cela ne constitue pas du tout la preuve qu’un agent négociateur a contrevenu à l’alinéa 190(1)g) de la Loi. C’est plutôt le contraire.

50 Aucun des courriels ou fils de courriels joints à la plainte ne renvoie à une réclamation déposée à la CSPAAT ou à un accident de travail, à l’exception d’une mention très limitée figurant dans le iMessage envoyé avant le 29 mars 2012 à 20 h 23.

51 Il n’y a rien qui concerne la CSPAAT ou un appel. Il n’y a aucune autre documentation. Il n’y a rien qui étaye la prétention selon laquelle le plaignant a effectivement déposé une réclamation à la CSPAAT, que cette demande a été rejetée initialement ou en appel, qu’il a perdu le salaire qu’il soutient avoir perdu et, plus important encore, que le défendeur avait quelque chose à voir avec cela.

52 Il ressort de la documentation limitée qui a été fournie que le défendeur avait des rapports avec le plaignant, et il semble qu’il ait tenté de lui fournir de l’aide en ce qui concerne un certain nombre de difficultés qu’il éprouvait au travail. Sans aucun autre fait, la plainte ne révèle aucun bien-fondé, et elle doit être rejetée.

53 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

54 L’objection à la compétence est rejetée.

55 La plainte est rejetée.

Le 8 novembre 2013.

Traduction de la CRTFP

John G. Jaworski,
une formation de la Commission des
relations de travail dans la fonction publique

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