Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé une plainte contre une succursale de son agent négociateur (le <<défendeur>>), se fondant sur l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - elle a allégué que le défendeur avait manqué à son devoir de représentation équitable en refusant de la représenter - la plaignante a allégué avoir été victime de harcèlement et a déposé plusieurs griefs - lors du refus de la représenter, la succursale a indiqué que la plaignante n’était jamais contente de la représentation qu’on lui donnait et que la succursale manquait de ressources - environ un mois plus tard, la succursale, à la suite de l’intervention du défendeur, a avisé la plaignante qu’elle l’a représenterait - la plaignante a fait référence à plusieurs incidents datant de plus de 90 jours avant le dépôt de la plainte - le délai pour déposer une plainte est de rigueur - cette preuve peut aider l’arbitre de grief à comprendre le contexte de la situation mais ne peut constituer des pratiques déloyales de travail - selon l’arbitre de grief, la preuve a révélé que la succursale avait refusé de représenter la plaignante parce qu’elle était devenue une cliente difficile, ce qui n’est pas un motif valide et ne respecte pas le devoir de représentation équitable - l’agent négociateur n’est pas obligé de représenter ses membres en tout temps, mais il ne peut refuser de représenter, pour des raisons arbitraires, des membres avec qui il ne s’entend pas ou avec qui il ne partage pas les mêmes opinions - il peut refuser d’accorder une représentation au motif qu’il n’est pas d’accord avec le grief ou si le membre ne coopère pas avec lui - la plaignante n’a pas à prouver que le refus lui a causé un préjudice quelconque ou qu’il était lié à une demande particulière de sa part - une déclaration de violation était suffisante comme redressement. Plainte accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-02-12
  • Dossier:  561-02-526
  • Référence:  2013 CRTFP 13

Devant une formation de la
Commission des relations de
travail dans la fonction publique


ENTRE

CATHERINE PERRON

plaignante

et

SYNDICAT DES DOUANES ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

Répertorié
Perron c. Syndicat des douanes et de l’immigration

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour la plaignante:
Elle-même

Pour le défendeur:
Chantal Homier-Nehme

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 21 et 23 janvier 2013.

I. Plainte devant la Commission

1 Le 15 août 2011, Catherine Perron (la « plaignante ») a déposé une plainte contre la succursale de l’administration centrale (la « succursale ») du Syndicat des douanes et de l’immigration (le « SDI » ou le « défendeur »), un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’ « AFPC »). La plaignante fonde sa plainte sur l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Elle prétend que le défendeur a manqué au devoir de représentation équitable que lui impose la Loi. Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent à cette plainte :

[…]

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

[…]

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[…]

2 Dans sa plainte, la plaignante écrit que Francine Stuart, présidente de la succursale, l’a informée le 16 mai 2011 que la succursale ne la représenterait plus et qu’elle devrait s’adresser au bureau national du SDI. La plaignante prétend que la décision de la succursale de ne plus la représenter était arbitraire et motivée par des sentiments d’hostilité à son égard.

II. Résumé de la preuve

3 La plaignante a témoigné. Elle a aussi présenté 15 documents en preuve dont certains comprennent plusieurs courriels qu’elle a écrits ou qu’elle a reçus. Le défendeur a appelé Michelle Tranchemontagne et Bruno Loranger à témoigner. Mme Tranchemontagne est directrice du bureau national et avocate-conseil du SDI. M. Loranger est agent en relations de travail pour le SDI. Le défendeur a présenté huit documents en preuve, chacun incluant des échanges écrits avec ou au sujet de la plaignante.

4 En novembre 2009, la plaignante a contacté Annie Rochon, représentante syndicale de la succursale, pour lui faire part de problèmes qu’elle vivait au travail avec des collègues de travail. Selon la plaignante, Mme Rochon ne l’a pas aidé et a refusé de la représenter. De plus, en mars 2010, Mme Rochon a déposé une plainte contre la plaignante auprès de l’employeur; elle en a déposé une seconde le 13 juin 2011. La plaignante prétend aussi que Mme Rochon l’a « exclue » de la représentation syndicale en février 2010. La plaignante a aussi déposé une plainte de harcèlement auprès de l’employeur contre Mme Rochon.

5 Le 7 juin 2010, la plaignante a contacté Ron Moran qui était alors le président national du SDI. Elle a informé M. Moran qu’elle était victime de harcèlement au travail de la part de collègues et que l’employeur l’avait affecté à d’autres fonctions ce qui impliquait pour elle une perte de bénéfices. Elle l’a aussi informé qu’elle ne bénéficiait d’aucune représentation syndicale. Plus tôt, le même jour, la plaignante dit avoir parlé à Mme Stuart pour obtenir une représentation syndicale, ce qu’elle dit n’avoir pu obtenir. Mme Stuart était alors la présidente de la succursale.

6 Le 13 octobre 2010, la plaignante s’est adressée à Robert LaFortune, un représentant syndical de la succursalepour qu’il la représente. M. LaFortune a refusé de représenter la plaignante au motif qu’il n’était pas le représentant syndical attitré pour l’édifice où la plaignante travaillait. Selon la plaignante, M. LaFortune représentait d’autres employés de ce même édifice.

7 Le 28 octobre 2010, Lynn Smith-Doiron, une représentante syndicale de la succursale, a informé la plaignante que Mme Stuart lui avait demandé de la représenter. Le 3 novembre 2010, Mme Smith-Doiron a rencontré la plaignante. Cette dernière voulait que Mme Smith-Doiron dépose un grief en son nom ou l’aide à le faire. À la place, Mme Smith-Doiron a envoyé un courriel à l’employeur pour lui faire part d’une partie des préoccupations de la plaignante.

8 Le 26 octobre 2010, la plaignante a contacté Mme Tranchemontagne pour se plaindre qu’elle ne recevait pas de représentation par le SDI et qu’elle commençait à être assez frustrée. Le 18 novembre 2010, la plaignante a écrit à Mme Tranchemontagne et lui a communiqué de façon détaillée les problèmes qu’elle vivait au travail et l’impossibilité d’obtenir de l’aide des représentants de la succursale. Elle l’a aussi informée qu’elle avait besoin de représentation syndicale pour une rencontre disciplinaire qui devait avoir lieu le 23 novembre 2010. Un peu plus tard, la plaignante et Mme Tranchemontagne ont eu une longue discussion téléphonique. Au cours de cette discussion, la plaignante dit que Mme Tranchemontagne lui a dit qu’elle « devrait se compter chanceuse d’avoir encore un emploi ». Mme Tranchemontagne nie avoir tenu de tels propos.

9 En octobre et novembre 2010, la plaignante a tenté à maintes reprises de joindre Mme Smith-Doiron afin de déposer un grief dans les délais prescrits. Sans réponse, la plaignante a écrit à M. Moran et Mme Tranchemontagne le 23 novembre pour leur demander de l’aide. Le jour même, M. Moran a transféré la demande de la plaignante à Mme Smith-Doiron qui lui a donné suite le 24 novembre 2010. Mme Smith-Doiron a suggéré à la plaignante de remplir elle-même le formulaire de grief et d’y inscrire le nom de Mme Smith-Doiron comme représentante.

10 La plaignante a été convoquée à une rencontre disciplinaire qui devait avoir lieu le 19 janvier 2011. La rencontre a été reportée au 24 janvier 2011. La plaignante a demandé à Mme Smith-Doiron de la représenter. Cette dernière n’a pas contacté la plaignante avant la rencontre, mais elle y a assisté. Selon la plaignante, Mme Smith-Doiron était très mal préparée pour faire face à l’employeur. Selon la plaignante, Mme Smith-Doiron avait une attitude déplaisante à son égard et elle se rangeait du côté de l’employeur plutôt que du sien comme elle aurait dû le faire. Comme résultat, la plaignante a fait l’objet d’une mesure disciplinaire et n’a pu déposer de grief, faute de représentation syndicale.

11 Entre mars et mai 2011, la plaignante a eu plusieurs échanges avec la succursale ou le SDI au sujet de deux griefs qui étaient au palier final de la procédure interne de règlement des griefs. Le 27 avril 2011, M. Loranger a écrit à la plaignante que les griefs au dernier palier étaient entendus selon un ordre de priorité qui favorisait les licenciements, les suspensions et les griefs liés aux droits de la personne. Le 29 avril 2011, M. Loranger a écrit à la plaignante que ses griefs ne faisaient pas partie des priorités. Le 11 mai 2011, la plaignante s’est plainte à M. Moran que ses griefs n’étaient pas prioritaires pour le SDI et elle a demandé qu’ils soient traités le plus tôt possible. M. Moran a transféré sa demande à Mme Tranchemontagne.

12 À partir de mars 2011, M. Loranger s’est occupé des griefs de la plaignante au dernier palier de la procédure de griefs. Il a fait la représentation des griefs auprès de l’employeur en juin ou juillet 2011. À la suite du rejet des griefs par l’employeur, M. Loranger a fait le lien avec l’AFPC pour qu’ils soient renvoyés à l’arbitrage, ce qui fut fait en octobre 2011. M. Loranger a témoigné que parmi ses fonctions, il devait représenter les membres de la succursale au dernier palier de la procédure interne de griefs. Il ne refuse jamais de parler à un membre de la succursale qui demande des conseils ou de l’aide. M. Loranger a témoigné qu’il gardait des notes de ses discussions avec les membres du SDI et qu’il n’avait aucune note concernant des discussions qu’il aurait pu avoir avec la plaignante entre mai et août 2011. Il en a conclu que la plaignante ne l’avait jamais appelé pour lui demander de l’aide, exception faite d’échanges qu’ils ont pu avoir au sujet de ses griefs au dernier palier.

13 Le 11 mai 2011, la plaignante a demandé à Michel Renaud s’il était encore représentant syndical. Ce dernier lui a répondu qu’elle devait communiquer avec Mme Stuart qui déciderait quel représentant lui serait affecté. Le 13 mai 2011, la plaignante a demandé à Mme Stuart de lui affecter M. Renaud comme représentant syndical.

14 Le 16 mai 2011, Mme Stuart a informé la plaignante par écrit que la succursale ne la représenterait plus et que, si elle avait besoin d’aide, elle devrait contacter le bureau national du SDI. Le 17 mai 2011 en avant-midi, la plaignante a demandé à Mme Stuart de lui fournir les raisons de sa décision. En après-midi, Mme Stuart lui a écrit qu’elle était la seule qui avait le droit d’assigner des cas à des représentants syndicaux de la succursale. Elle lui a aussi écrit qu’elle avait déjà eu M. LaFortune, Mme Rochon et Mme Smith-Doiron comme représentants et que la plaignante n’était jamais satisfaite. Mme Stuart a ajouté que les représentants syndicaux étaient bénévoles. Elle lui a enfin écrit que la succursale manquait de ressources et qu’elle devait s’adresser au bureau national du SDI pour ses besoins de représentation. Plus tard, le même jour, la plaignante a répondu à Mme Stuart qu’elle n’était pas d’accord avec son analyse. Elle lui a mentionné que Mme Rochon avait refusé de la représenter, que M. LaFortune n’avait pu la représenter faute d’autorisation de la succursale et que Mme Smith-Doiron n’avait rien fait pour l’aider, au contraire. La plaignante a aussi témoigné qu’il n’était pas vrai qu’elle était toujours insatisfaite de la représentation reçue par la succursale.

15 M. Moran a reçu des copies des courriels échangés entre la plaignante et Mme Stuart le 17 mai 2011. Le jour même, il a écrit à Mme Stuart, avec copie à Mme Tranchemontagne et M. Loranger, afin de s’assurer que le devoir de représentation équitable imposé au syndicat par la Loi était respecté. Le 13 juin 2011, Mme Stuart a envoyé un courriel à la plaignante l’informant qu’elle avait parlé à M. Moran et lui demandant de prendre note que Mme Smith-Doiron était la représentante syndicale assignée à son cas. Après avoir reçu ce courriel, la plaignante a laissé un message téléphonique à M. Moran. Ce dernier a répondu à ce message par courriel, le 17 juin 2011, et a écrit que le bureau national du SDI comptait sur des ressources limitées et qu’il ne pouvait assumer la représentation de ses membres au niveau local.

16 Mme Tranchemontagne a témoigné qu’au SDI, seuls les représentants des succursales ont le droit de déposer ou de signer des griefs au niveau local et de faire la représentation aux trois premiers paliers de la procédure interne de griefs. La représentation au dernier palier est assurée par le bureau national du SDI. Elle se rappelle avoir expliqué à la plaignante qu’elle devait s’adresser à la succursale pour obtenir les services de représentation au niveau local. Mme Tranchemontagne a aussi témoigné qu’à partir de mai 2011, elle ne s’était pas préoccupée de la représentation offerte à la plaignante car elle savait que M. Loranger s’en occupait.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la plaignante

17 La plaignante a de nouveau affirmé que le défendeur avait manqué à son devoir de représentation équitable à maintes reprises en refusant de la représenter quand elle en avait exprimé le besoin ou en offrant une mauvaise représentation.

18 La plaignante m’a renvoyé aux décisions suivantes : Jutras Otto c. Brossard et Kozubal, 2011 CRTFP 107; Ménard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 95. Elle m’a aussi renvoyé à un article non daté du journal La Presse traitant du mobbing.

19 Lors de l’audience, la plaignante a lu plusieurs sections des décisions citées et a argumenté que, dans ces décisions, la Commission avait accepté d’examiner des faits antérieurs à la période de 90 jours prescrite pour déposer une plainte. Elle a aussi cité des sections de l’article du journal La Presse pour expliquer ce qu’est le mobbing, les objectifs poursuivis par le mobbeur et les effets pervers de ce phénomène sur la victime.

B. Pour le défendeur

20 Le défendeur prétend qu’il n’a aucunement manqué à son devoir de représentation équitable. L’élément clé de la plainte est un courriel du 16 mai 2011 dans lequel la succursale avise la plaignante qu’elle ne la représente plus. Or, la plaignante a toujours pu compter sur de la représentation syndicale. En effet, en mai 2011, M. Loranger s’occupait du dossier de la plaignante. Après le 16 mai 2011, la plaignante aurait pu appeler M. Loranger pour des besoins particuliers de représentation mais elle ne l’a pas fait. Puis, le 13 juin 2011, la succursale a informé la plaignante que Mme Smith-Doiron était la représentante syndicale qui lui avait été affectée.

21 Le défendeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13; Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107; Panula c. Agence du revenu du Canada et Bannon, 2008 CRTFP 4; Exeter c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 14.

IV. Motifs

22 La plaignante fonde sa plainte sur plusieurs incidents qui se sont produits entre novembre 2009 et mai 2011. J’ai permis à la plaignante de présenter ses éléments de preuve comme elle l’entendait mais je l’ai informée que le délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi est de rigueur.

23 La plainte a été déposée le 15 août 2011. Elle doit donc porter sur des incidents ou des évènements qui se sont produits entre le 15 mai et le 15 août 2011. Ce qui s’est passé avant cette date peut m’aider à comprendre le contexte de ce qui est arrivé le 16 mai 2011 et par la suite. Cependant, je ne peux conclure qu’un ou plusieurs de ces événements antérieurs à mai 2011 ne constituent en eux-mêmes des pratiques déloyales et des manquements au devoir de représentation équitable du défendeur étant donné qu’ils se sont produits bien avant les 90 jours prévus pour déposer une plainte.

24 La plaignante a déposé de la preuve à l’égard de sa relation avec Mme Rochon et de la façon dont cette dernière l’avait traitée ou représentée en 2009 ou en 2010. La plaignante a aussi présenté de la preuve sur ses échanges avec la succursale et M. Moran au sujet de la représentation syndicale reçue ou non reçue en 2010 et au début de 2011. Cette preuve m’aide à comprendre le contexte de ce qui s’est passé en mai 2011 mais ne peut constituer une violation de la Loi car elle renvoie à des incidents qui se sont produits avant le 17 mai 2011.

25 En avril 2011, M. Loranger a avisé la plaignante que ses griefs ne faisaient pas partie des priorités quant à l’ordre de représentation au dernier palier de la procédure de griefs. Cet incident est antérieur aux 90 jours prescrits pour déposer une plainte. Qui plus est, j’ajouterai que rien n’empêche un syndicat de prioriser l’ordre utilisé pour faire la représentation des griefs pourvu que cet ordre soit basé sur des critères qui ne sont pas arbitraires ou discriminatoires. De surcroît, la preuve révèle que lors du dépôt de la plainte en août 2011, le SDI avait déjà fait la représentation des griefs de la plaignante auprès de l’employeur.

26 Le 16 mai 2011, Mme Stuart a informé la plaignante que la succursale ne la représenterait plus. La preuve révèle que la plaignante avait lu ce courriel au plus tard le 17 mai 2011, ce qui est tout juste à l’intérieur du délai prévu au paragraphe 190(2) de la Loi. Mme Stuart a justifié sa décision en précisant qu’elle avait déjà assigné M. LaFortune, Mme Rochon et Mme Smith-Doiron à titre de représentants de la plaignante et que cette dernière n’était jamais satisfaite. Elle a ajouté que la succursale manquait de ressources et de s’adresser au bureau national du SDI pour ses besoins en représentation. Ayant reçu une copie de l’échange entre la plaignante et Mme Stuart, M. Moran a écrit à Mme Stuart le jour même afin de s’assurer que le devoir de représentation équitable imposé au syndicat par la Loi était respecté. Le 13 juin 2011, Mme Stuart a envoyé un courriel à la plaignante l’informant que Mme Smith-Doiron était la représentante syndicale assignée à son cas. Mme Tranchemontagne a témoigné que seuls les représentants des succursales avaient le droit de déposer des griefs ou de faire la représentation de griefs au niveau local jusqu’au troisième palier de la procédure interne de griefs. Enfin, M. Loranger a témoigné qu’entre mai et août 2011, la plaignante ne l’avait jamais appelé pour lui demander de l’aide, exception faite d’échanges qu’ils ont eu sur ses griefs au dernier palier.

27 Les faits résumés au paragraphe précédent sont les seuls faits qui sont pertinents pour décider de la présente plainte étant donné qu’ils s’y réfèrent directement et qu’ils sont applicables à la période de mai à août 2011.

28 Les seuls motifs pour expliquer le refus de la succursale de représenter la plaignante sont contenus dans le courriel du 17 mai 2011 de Mme Stuart. Personne de la succursale n’a témoigné devant moi. Pour sa part, la plaignante a témoigné que certains des faits invoqués dans le courriel du 17 mai 2011 étaient inexacts et cette partie de son témoignage n’a pas été remis en question par le défendeur. Quoiqu’il en soit, le courriel du 17 mai 2011 m’indique que la succursale était frustrée du fait que la plaignante ne semblait jamais satisfaite de la représentation qu’elle recevait. La preuve devant moi m’amène à conclure que la succursale a refusé de représenter la plaignante tout simplement parce qu’elle était devenue une « cliente difficile ». Ceci n’est pas un motif valide pour refuser de représenter un membre du syndicat et ne respecte pas le devoir de représentation équitable imposé par la Loi. Rien dans la preuve déposée ne me porte à croire que la plaignante a refusé de collaborer avec le syndicat ou que son comportement était tel qu’il devenait extrêmement difficile de la représenter. Si tel était le cas, je ne conclurais pas que le syndicat ne respecte pas son devoir de représentation équitable.

29 La succursale est une section du SDI qui, à son tour, est une division administrative de l’agent négociateur. À ce titre, tous deux ont l’obligation de respecter la Loi, plus particulièrement eu égard au devoir de représentation équitable. Ils ne peuvent, pour des raisons arbitraires, refuser de représenter un membre avec qui ils ne s’entendent pas bien ou avec qui ils ne partagent pas nécessairement les opinions. Un syndicat n’a pas l’obligation de représenter ses membres en tout temps. Il a le droit de refuser de représenter un de ses membres sur un grief avec lequel il n’est pas d’accord ou si le membre ne coopère pas avec le syndicat.

30 Les courriels des 16 et 17 mai 2011 de Mme Stuart sont clairs : la succursale refuse dorénavant de représenter la plaignante. Étant donné qu’au SDI la représentation locale appartient exclusivement à la succursale, la plaignante se retrouvait devant un refus de représentation locale. M. Moran, le président du SDI, a écrit à Mme Stuart le 17 juin 2011 afin de s’assurer que le devoir de représentation équitable soit respecté. Mme Stuart a corrigé le tir le 13 juin 2011 suite à l’intervention de M. Moran. Entre le 17 mai et le 13 juin 2011, le syndicat était en violation de son devoir de représentation.

31 Le syndicat s’est défendu en plaidant que Mme Perron aurait pu appeler M. Loranger pour des besoins particuliers de représentation mais qu’elle ne l’avait pas fait. Là n’est pas la question. La plaignante n’a pas à me prouver que le refus de représentation lui a causé un préjudice quelconque ou était lié à une demande particulière de sa part. Le niveau administratif de l’agent négociateur qui avait la responsabilité pour la représentation des membres comme la plaignante lui avait clairement écrit qu’il ne la représenterait pas. Il n’était pas nécessaire que la plaignante contacte un autre niveau du syndicat, surtout quand le syndicat lui avait clairement indiqué que la responsabilité pour la représentation qu’elle cherchait appartenait à la succursale.

32 La preuve révèle que le syndicat a manqué à son devoir de représentation équitable pendant une période d’environ un mois. Le syndicat a rajusté le tir à partir du 13 juin, respectant dès lors la Loi. La preuve révèle aussi qu’à cette période, M. Loranger du bureau national du SDI a continué la représentation des griefs de la plaignante au dernier palier de la procédure de griefs. Bien que le syndicat ait manqué à son devoir pendant une période d’environ un mois, la plaignante n’a jamais démontré que ceci lui avait causé préjudice, par exemple en la privant d’exercer ses droits ou de se faire représenter ou de devoir embaucher quelqu’un pour le faire. Une déclaration de ma part à l’effet que le défendeur a violé la Loi suffit donc comme ordonnance et je n’accorderai aucun autre redressement à la plaignante.

33 La plaignante a aussi fait état, dans la preuve qu’elle a présentée, d’une plainte de harcèlement que Mme Rochon avait déposée contre elle en juin 2011. La plaignante ne m’a pas démontré en quoi le dépôt de cette plainte pouvait constituer une violation du devoir de représentation équitable qui incombe au syndicat ou à la succursale. Dans sa plainte, la plaignante a aussi argumenté que le défendeur lui avait offert une mauvaise représentation. Rien dans la preuve ou les arguments soumis par la plaignante ne peut m’amener à conclure que la plaignante a été mal représentée dans les 90 jours précédant le dépôt de sa plainte.

34 Le SDI a décidé que son bureau national laissait aux succursales la responsabilité de représenter les membres au niveau local et de déposer des griefs. Il s’agit là d’une question interne au syndicat dans laquelle je ne peux et ne veux m’immiscer. En contrepartie, la succursale ne peut prendre cette obligation à la légère. Elle ne peut refuser pour des raisons arbitraires de représenter un membre. Elle a le droit de refuser de représenter un membre mais elle doit prendre cette décision de bonne foi après avoir fait une étude sérieuse du dossier tout en tenant compte de l’importance du grief ou de la plainte et de ses intérêts syndicaux légitimes.

35 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

36 La plainte est accueillie.

37 Le défendeur a enfreint l’article 187 de la Loi en ne s’acquittant pas de son devoir de représentation équitable envers la plaignante.

Le 12 février 2013.

Renaud Paquet,
une formation de la Commission des
relations de travail dans la fonction publique

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