Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur avait enfreint la convention collective en lui refusant l’indemnité parentale pour les 5 semaines de congé parental qu’il prévoyait prendre après la naissance de son enfant - sa conjointe a pris un congé parental et de maternité de 52 semaines et la demande du fonctionnaire s’estimant lésé a été rejetée parce que l’employeur paie au maximum 52 semaines de congé parental par couple d’employés - le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur avait agi de façon discriminatoire - le grief et les lettres de renvoi à l’arbitrage renvoyaient par erreur à la clause de la convention collective relative à l’indemnité de maternité plutôt qu’à la clause relative à l’indemnité parentale - l’employeur a soulevé une objection préliminaire et a fait valoir que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait fait allusion à la clause relative à l’indemnité parentale qu’au moment de l’arbitrage du grief - selon les éléments de preuve présentés, le véritable objet du grief a été porté à l’attention de l’employeur au premier palier de la procédure de règlement des griefs - l’arbitre de grief a conclu que les clauses de la convention collective dont il est question devaient être considérées intégralement et faisaient en sorte que le fonctionnaire s’estimant lésé devait avoir reçu des prestations parentales du régime fédéral pour être admissible à l’indemnité parentale - comme sa conjointe a reçu le montant maximal relatif aux prestations parentales, il n’en a reçu aucune et, par conséquent, il n’est pas admissible à l’indemnité parentale prévue dans la convention collective - bien que les avantages énoncés dans la convention collective s’appliquent à chaque employé à titre individuel, cela ne signifie pas que l’employeur ne peut fixer de limites aux indemnités - ce cas est très semblable à un cas récemment rejeté par la Cour d’appel fédérale dans lequel les parents de jumeaux contestaient le fait qu’ils ne pouvaient demander individuellement35semaines d’indemnités parentales et alléguaient que le refus était discriminatoire. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-10-24
  • Dossier:  566-02-5022
  • Référence:  2013 CRTFP 130

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JEAN-GUILLAUME DUFOUR

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Dufour c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Catherine Quintal, UCCO-SACC-CSN

Pour l'employeur:
Martin Desmeules, avocat

Affaire entendue à Québec, (Québec),
le 14 et 15 mai 2013.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Le 29 juillet 2010, Jean-Guillaume Dufour, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé un grief contre Service correctionnel du Canada (l’ « employeur ») alléguant une violation de la convention collective intervenue entre le Conseil du Trésor et l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN, qui a expiré le 31 mai 2010 (la « convention collective »).

2 Le fonctionnaire est un agent correctionnel CX-01 au pénitencier Donnacona, à Donnacona, au Québec, depuis février 2000. Son grief est libellé comme suit : « Je dépose un grief en vertu des articles 37 (discrimination) et 30.04 (Indemnités parentales) de la convention collective CX. » À titre de mesure corrective, le fonctionnaire demande que les sommes qui lui sont dues en vertu de la clause 30.04 lui soient versées en totalité.

3 Le grief a été renvoyé à l’arbitrage par l’agent négociateur du fonctionnaire le 5 janvier 2011. Dans l’avis de renvoi, l’article 37 et la clause 30.04 de la convention collective étaient une fois de plus identifiés comme étant les dispositions de la convention collective faisant l’objet du grief. L’article 37 de la convention collective traite de l’élimination de la discrimination tandis que la clause 30.04 traite d’une indemnité de maternité que peut recevoir un employé qui se voit accorder un congé de maternité non payé.

4 À l’audience, le fonctionnaire a précisé dans sa déclaration d’ouverture que son grief portait non pas sur la clause 30.04 de la convention collective, mais plutôt sur la clause 30.07 qui traite d’une indemnité parentale que peut recevoir un employé qui se voit accorder un congé parental non payé. Selon le fonctionnaire, sa référence à la clause 30.04, tant dans son grief que dans son avis de renvoi à l’arbitrage, constituait rien de plus qu’une erreur typographique.

5 Lors de sa déclaration d’ouverture, l’employeur a soulevé une objection préliminaire à la compétence indiquant que je n’avais pas la compétence pour trancher la présente affaire parce que le fonctionnaire avait soulevé la question relative à la clause 30.07 pour la première fois lors de l’arbitrage du grief, plutôt que lors du grief initial : voir Burchill c. Canada (Procureur géréral), [1981] 1 C.F. 109 (C.A.) et Shneidman c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 192.

6 En réplique, le fonctionnaire a déclaré qu’il était clair dans la documentation qu’il avait déposée dans le cadre de son grief, ainsi que dans la réponse de l’employeur dans le cadre du processus de grief, que son grief se fondait bien sur l’indemnité parentale et non sur l’indemnité de maternité, ce à quoi le fonctionnaire reconnaissait n’avoir aucun droit.

7 J’ai indiqué aux parties que j’entendrais toute la preuve et leurs arguments, tant sur l’objection préliminaire à la compétence que sur le fond du grief, et que je prendrais le tout en délibéré.

II. Résumé de la preuve

8 Lors de l’audience, le fonctionnaire a témoigné et a appelé à comparaître un témoin supplémentaire, Yanne Garneau, un représentant syndical. L’employeur n’a appelé aucun témoin.

9 Le fonctionnaire a indiqué que sa conjointe de fait, qui est également un agent correctionnel au pénitencier Donnacona, avait donné naissance à leur premier enfant le 28 août 2009 et qu’il avait alors informé l’employeur qu’il partirait en congé parental non payé pour une période de cinq semaines, c’est-à-dire du 1er septembre au 5 octobre 2009. Il a ajouté que le congé en question avait été approuvé par l’employeur conformément à la clause 30.06 de la convention collective, un fait qui n’a pas été contesté par l’employeur.

10 Le fonctionnaire a par la suite communiqué avec une conseillère en rémunération de l’employeur afin de mieux comprendre les prestations et indemnités auxquelles il avait droit durant ce congé. Celle-ci lui a expliqué qu’il pouvait avoir droit à une indemnité parentale, c’est-à-dire un paiement complémentaire représentant la différence entre 93% de sa paye hebdomadaire et les prestations parentales ou de paternité qu’il allait recevoir en vertu du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), mais qu’un total maximum de 52 semaines d’indemnités était payable par l’employeur pour un couple de fonctionnaires. Le fonctionnaire a également été informé que puisque sa conjointe touchait déjà une indemnité parentale et que celle-ci comptait recevoir 52 semaines d’indemnités, tant parentale que de maternité, il ne pouvait être éligible à l’indemnité parentale prévue à la clause 30.07 de la convention collective et n’aurait droit qu’aux prestations de paternité prévues par le RQAP, ce qui représentait 70 % de sa paye hebdomadaire. Une lettre détaillée de la conseillère en rémunération de l’employeur en date du 2 septembre 2009 a été déposée en preuve et a confirmé les faits tels que relatés par le fonctionnaire.

11 Selon le fonctionnaire, le fait que sa conjointe de fait était également une fonctionnaire du gouvernement fédéral faisait en sorte qu’il ne pouvait se prévaloir du 23 % de paiement complémentaire prévu à la clause 30.07 de la convention collective, c’est-à-dire la différence entre 93 % et 70 %, contrairement à tous ses collègues de travail dont les conjoints ne sont pas des fonctionnaires fédéraux. Ceci représentait, selon le fonctionnaire, un manque à gagner d’approximativement 1 765$ brut pour la période de cinq semaines en question, un résultat qu’il a qualifié de discriminatoire.

12 En juillet 2010, le fonctionnaire a rencontré son représentant syndical, M. Garneau, afin de discuter de la position de l’employeur concernant son droit à une indemnité parentale et de la possibilité de déposer un grief. M. Garneau a indiqué lors de son témoignage qu’il avait conseillé au fonctionnaire de déposé un grief et avait communiqué avec le président de la section locale afin de lui demander de rédiger et déposer un grief pour le fonctionnaire. Selon M. Garneau, il n’a jamais été question de fonder le grief du fonctionnaire sur la clause 30.04 de la convention collective, car il a toujours été question de contester la décision de l’employeur de lui refuser une indemnité parentale lui permettant de toucher la différence entre 93 % de sa paye hebdomadaire et les prestations de paternité du RQAP qu’il avait reçues. La référence à la clause 30.04, tant dans le grief que dans l’avis de renvoi à l’arbitrage, était selon M. Garneau une erreur typographique.

13 Le fonctionnaire a confirmé en contre-interrogatoire qu’il n’avait pas lui-même rédigé le grief dont il est question et qu’il n’avait jamais eu l’intention de faire référence à la clause 30.04 de la convention collective ou de réclamer une indemnité de maternité. Selon lui, il était clair que l’objet de son grief était son droit à l’indemnité parentale prévue à la clause 30.07 de la convention collective, et cela, tant dans son grief que lors de la rencontre au premier palier de la procédure de règlement des griefs.

14 Le fonctionnaire a indiqué qu’il s’était présenté seul à la rencontre au premier palier de la procédure de règlements des griefs le 18 septembre 2010 et que son gestionnaire lui avait alors affirmé que si deux conjoints travaillaient pour l’employeur, seulement un employé à la fois pouvait recevoir l’indemnité parentale, jusqu’à concurrence du maximum prévu. À la suite de cette rencontre, l’employeur a rendu une décision. Cette décision (pièce S-4) précise ce qui suit :

[…] Présentement, seulement un employé sur les deux peut bénéficié du programme parentale de 93% du salaire.

ARGUMENT DE L’EMPLOYÉ ET/OU DU SYNDICAT :

Au premier palier :

L’employé conteste qu’il est victime de discrimination; seulement un des deux employés peut recevoir le « 93% » lors du congé parental parce ce que les deux travaillent au SCC.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

15 Le fonctionnaire n’était pas présent lors de la rencontre au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs car c’est M. Garneau qui s’y est présenté seul et qui a présenté la position du fonctionnaire au directeur de l’établissement Donnacona. Selon M. Garneau, il a été clair à savoir qu’il était question du droit du fonctionnaire à une indemnité parentale pour une période de cinq semaines et il n’a jamais soulevé la clause 30.04 de la convention collective ou le droit du fonctionnaire à une indemnité de maternité. Aucune preuve du contraire n’a été présentée par l’employeur. À la suite de cette deuxième rencontre, l’employeur a rendu une décision. Cette décision précise ce qui suit :

[…]

La présente fait suite à la transmission de votre grief au deuxième palier concernant le fait qu’en vertu des indemnités versées lors de congé pour naissance, l’article 30.04 (indemnité de maternité) ne fait aucunement référence aux taux consentis dans le cas ou [sic] les deux employés sont salariés au SCC. Présentement, seulement un employé sur les deux peut bénéficier du programme parental de 93% du salaire.

Votre grief a été auditionné le 03 novembre 2010 en présence de votre représentant syndical, M. Yanne Garneau, et moi-même. Suite à l’audition de votre grief, n’ayant pas obtenu de nouveaux faits permettant de modifier la décision que vous avez obtenue au premier palier, je maintiens celle-ci et ce, pour les mêmes motifs cités dans votre réponse au premier palier.

Considérant ce qui précède, votre grief est refusé.

[…]

16 M. Garneau a confirmé avoir reçu la décision du deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, avoir constaté le rejet du grief et avoir immédiatement envoyé la décision aux responsables de la représentation du troisième et dernier palier. En contre-interrogatoire, il ne se souvenait pas avoir vu les références à la clause 30.04 et à l’indemnité de maternité dans la décision.

17 M. Garneau n’a pas participé au troisième et dernier palier de la procédure de règlement des griefs et ne se rappelait pas avoir reçu une copie de la décision finale de l’employeur qui a été rendue après le renvoi à l’arbitrage. Le fonctionnaire n’a également pas pris part à une rencontre au dernier palier, si rencontre il y a eu, mais a confirmé avoir reçu la décision du troisième et dernier palier de la procédure de règlement des griefs, qui indiquait ce qui suit :

[…]

La présente répond à votre grief déposé le 29 juillet 2010 dans lequel vous alléguez être victime de discrimination au sens de l’article 37 de la convention collective des agents correctionnels (CX). A titre de mesure corrective, vous demandez que l’employeur vous verse la totalité des sommes dues prévues au paragraphe 30.04.

J’ai considéré toute l’information contenue à votre dossier avant de rendre la présente décision.

Le paragraphe 30.04 de la convention collective des CX réfère à l’indemnité prévue pour le congé de maternité non payé. Il est clairement défini au paragraphe 30.03 de la convention collective que le congé de maternité est applicable uniquement à « l’employée qui devient enceinte ». Le congé de maternité ne peut donc pas vous être accordé en partie ou en totalité vu les dispositions de la convention collective, car seule, les femmes enceintes y ont droit. A titre d’information, j’aimerais vous référer au paragraphe 30.06 (congé parental) auquel vous avez droit. Le paragraphe 30.07 dispose de l’indemnité à cet effet et le congé peut être partagé entre le père et la mère du nouveau-né.

Par conséquent, je vous informe que votre grief et la mesure corrective demandée sont sans objet et donc rejetés.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

18 Le fonctionnaire a confirmé en contre-interrogatoire que sa conjointe avait reçu, après la naissance de leur premier enfant, un total combiné de 52 semaines d’indemnités parentale et de maternité de la part de l’employeur et que celle-ci avait de par ce fait touché 93 % de sa paye hebdomadaire durant les 52 semaines en question. Il a également avoué n’avoir jamais consulté le site Web de son syndicat afin de s’informer de la position de ce dernier sur les congés liés à la grossesse, c’est-à-dire le congé de maternité et le congé parental. Bien que le site Web en question indique que le père peut se prévaloir d’un congé parental couvert par le RQAP pour un maximum de 5 semaines à 70 % de son salaire sans enlever le congé parental à la mère, rien ne suggère sur ce site que le père qui touche les prestations de paternité en question peut recevoir l’indemnité parentale prévue à la clause 30.07 de la convention collective si sa conjointe a elle-même reçu le maximum de semaines d’indemnité parentale prévu par la convention collective.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

1. Burchill : modification de la nature du grief

19 Le fonctionnaire a soutenu que sa référence à la clause 30.04 de la convention collective, tant dans le grief que dans l’avis de renvoi à l’arbitrage, n’était rien de plus qu’une erreur typographique. Ce qui compte selon lui, c’est sa référence à « indemnité parentale » qui se trouve dans le libellé de son grief.

20 Le fonctionnaire a maintenu que la preuve a démontré que les représentations qu’il avait faites au premier palier de la procédure de règlement des griefs, ainsi que celles faites par M. Garneau au deuxième palier, traitaient bien de son éligibilité à l’indemnité parentale prévue à la clause 30.07 et non pas à son éligibilité à l’indemnité de maternité prévue à la clause 30.04.

21 Selon le fonctionnaire, la preuve a également démontré que l’indemnité qu’il recherchait, et celle qui avait fait l’objet d’une réponse détaillée de la part de l’employeur le 2 septembre 2009, était effectivement l’indemnité parentale prévue à la clause 30.07 de la convention collective.

22 Le fonctionnaire a plaidé que l’employeur ne pouvait donc pas prétendre se voir surpris de devoir traiter de son éligibilité à l’indemnité parentale ou de la clause 30.07 de la convention collective lors de l’arbitrage de grief puisque cette question avait toujours été au cœur du débat entre les parties et que l’employeur avait été informé de la nature exacte de ses doléances tout au long de la procédure de grief. Il ne s’agissait donc pas, selon le fonctionnaire, d’une question qui avait été avancée pour la première fois à l’arbitrage de grief et les principes énoncés dans Burchill ne s’applique donc pas en l’espèce.

23  Le fonctionnaire m’a exhorté d’effectuer une interprétation libérale du grief et de conclure qu’aucune nouvelle question n’avait été avancée à l’arbitrage de grief, que le grief est recevable, et que j’ai la compétence pour examiner son bien-fondé.

24 Sur la question de ma compétence, le fonctionnaire m’a renvoyé à Juba c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CRTFP 71; Re Mississauga Hydro-Electric Commission and I.B.E.W., Loc. 636 (1992), 28 L.A.C. (4e) 177; Re Toronto (City) and C.U.P.E., Loc. 79 (2002), 113 L.A.C. (4e) 151.

2. Bien-fondé du grief

25 Le fonctionnaire a soutenu qu’il satisfaisait aux exigences de la clause 30.07 de la convention collective lors de son congé parental non payé et que le refus de l’employeur de lui verser l’indemnité parentale prévue par cette clause constitue une violation de la convention collective.

26 Le fonctionnaire a maintenu que son droit au congé parental non payé et à l’indemnité parentale qui s’y rattache est conféré par les clauses 30.06a) et 30.07a) de la convention collective et que ces clauses ne prévoient aucune exception dans le cas où le conjoint d’un employé a également réclamé les mêmes avantages. Les clauses en question se lisent comme suit :

30.06 Congé parental non payé

  1. L’employé qui est ou sera effectivement chargé des soins et de la garde d’un nouveau-né (y compris le nouveau-né du conjoint de fait) a droit, sur demande, à un congé parental non payé pour une seule période ne dépassant pas trente-sept (37) semaines consécutives au cours des cinquante-deux (52) semaines qui commencent le jour de la naissance de l’enfant ou le jour où l’enfant lui est confié.

30.07 Indemnité parentale

  1. L’employé qui se voit accorder un congé parental non payé reçoit une indemnité parentale conformément aux modalités du Régime de prestations supplémentaires de chômage (RPSC) décrit aux alinéas c) à i), pourvu qu’il :
    1. compte six (6) mois d’emploi continu avant le début du congé parental non payé,
    2. fournisse à l’Employeur la preuve qu’il a demandé et touche des prestations parentales, de paternité ou d’adoption de l’assurance-emploi ou du Régime québécois d’assurance parentale à l’égard d’un emploi assurable auprès de l’Employeur,

      et
    3. signe avec l’Employeur une entente par laquelle il s’engage :
      1. à retourner au travail à la date à laquelle son congé parental non payé prend fin, à moins que la date de retour au travail ne soit modifiée par l’approbation d’un autre type de congé;
      2. suivant son retour au travail tel que décrit à la division (A), à travailler une période égale à la période pendant laquelle il a reçu l’indemnité parentale, en plus de la période mentionnée à la division 30.04a)(iii)(B), le cas échéant;

[…]

27 Le fonctionnaire a également maintenu qu’au moment où il a demandé l’indemnité parentale, il satisfaisait à tous les critères prévus à la clause 30.07a) de la convention collective.

28 Selon le fonctionnaire, aucune disposition de la convention collective ne peut être interprétée de façon à empêcher un couple de fonctionnaires de réclamer plus de 52 semaines d’indemnité liées à la naissance d’un enfant car les bénéfices prévus par la convention collective visent les employés individuellement, nonobstant leurs états matrimoniaux ou le lieu de travail de leurs conjoints. Il a soutenu qu’il n’existe aucune exception visant les couples de fonctionnaires dans la convention collective en ce qui a trait au droit à l’indemnité parentale, et cela en dépit du langage utilisé dans la clause 30.07k), qui prévoit ce qui suit :

  1. Le maximum payable pour une combinaison d’indemnité de maternité et parentale ne dépassera pas cinquante-deux (52) semaines pour chacune des périodes combinées de congé non payé de maternité et parental.

29 Le fonctionnaire a également soutenu que même si une telle exception avait été convenue dans la convention collective, elle ne pourrait avoir force de droit compte tenu de son caractère discriminatoire. Selon lui, ni son état matrimonial ni sa situation familiale ne devraient restreindre son droit à cette indemnisation. Le fonctionnaire a ajouté que les parties assujetties à une convention collective ne peuvent, par contrat privé, déroger aux protections garanties par la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6(LCDP). Sur ce point, il m’a renvoyé aux décisions Winnipeg School Division No. 1 c. Craton [1985] 2 R.C.S. 150 et N.A.P.E. c. T.-N. (Green Bay Health Care Centre), [1996] 2 R.C.S. 3.

30 Selon le fonctionnaire, le fait que sa conjointe, qui est également une fonctionnaire fédérale, a reçu 52 semaines d’indemnités liées à la naissance de leur enfant ne devrait en aucun sens restreindre son droit à l’indemnité parentale prévue à la clause 30.07 de la convention collective. Ce dernier a soutenu qu’il devrait avoir droit au maximum de prestations prévues par la convention collective, nonobstant sa situation familiale, et que le traitement que lui a réservé l’employeur est discriminatoire puisqu’il diffère de celui que réserve l’employeur aux employés dont les conjoints ne sont pas des fonctionnaires fédéraux. Le fait que l’employeur le défavorise ainsi en cours d’emploi sur la base de son état matrimonial et de sa situation familiale constitue, selon le fonctionnaire, un acte discriminatoire qui contrevient à l’article 7 de la LCDP. Le fonctionnaire m’a invité à comparer sa situation personnelle à celle des employés assujettis à la convention collective dont les conjoints ne sont pas des fonctionnaires fédéraux.

31 Le fonctionnaire a souligné qu’il ne cherchait pas à invalider la clause 30.07 de la convention collective, mais plutôt le sens que lui donne l’employeur et la pratique de ce dernier de limiter les couples de fonctionnaires à 52 semaines d’indemnités à la naissance d’un enfant. Le fonctionnaire a également indiqué qu’il recherchait donc une ordonnance déclaratoire visant à interdire l’employeur de continuer d’appliquer une telle pratique.

32 Finalement, le fonctionnaire a réclamé le versement de l’indemnité parentale à laquelle il avait droit, qu’il a estimée à 1765,80$, et la somme de 1 000$ à titre de dommages pour préjudice moral.

B. Pour l’employeur

1. Burchill : modification de la nature du grief

33 Selon l’employeur, les documents qui ont été déposés en preuve parlent d’eux-mêmes et démontrent clairement que l’objet du grief était bien la clause 30.04 de la convention collective, qui traite de l’indemnité de maternité. L’employeur a soutenu que les décisions administratives qu’il a prises dans le cadre des trois différents paliers de la procédure de règlement des griefs portaient sur l’éligibilité du fonctionnaire à l’indemnité de maternité prévue par la clause.

34 L’employeur m’a également rappelé que le renvoi à l’arbitrage du fonctionnaire ne faisait aucunement référence à l’indemnité parentale et que seules les références à l’article 37 et à la clause 30.04 de la convention collective s’y retrouvent.

35 L’employeur m’a également renvoyé à certains passages de Juba et a soutenu que le droit du fonctionnaire à une indemnité parentale était une question nouvelle sur laquelle l’employeur ne s’était pas penché durant la procédure de règlement des griefs.

36 L’employeur a demandé à tout le moins une déclaration de ma part voulant que la nature du grief du fonctionnaire n’était pas précise.

2. Bien-fondé du grief

37 L’employeur a soutenu que même si l’objet du grief avait traité de l’indemnité parentale prévue à la clause 30.07 de la convention collective, cette clause doit être lue et interprétée dans un contexte approprié et de concert avec les clauses 30.03, 30.04 et 30.06, qui prévoient ce qui suit :

[…]

30.03 Congé de maternité non payé

  1. >L’employé qui devient enceinte se voit accorder, sur demande, un congé de maternité non payé pour une période commençant avant la date, à la date ou après la date de la fin de sa grossesse et se terminant, au plus tard, dix-huit (18) semaines après la date de la fin de sa grossesse.
  2. Nonobstant l’alinéa a) :
    1. si l’employé n’a pas encore commencé son congé de maternité non payé et que le nouveau-né de l’employée est hospitalisé,

      ou
    2. si l’employée a commencé son congé de maternité non payé puis retourne au travail pendant la totalité ou une partie de l’hospitalisation de son nouveau-né,


    la période de congé de maternité non payé définie à l’alinéa a) peut être prolongée au-delà de la date tombant dix-huit (18) semaines après la date de la fin de la grossesse, d’une période égale à la partie de la période d’hospitalisation du nouveau-né pendant laquelle l’employée n’est pas en congé de maternité, jusqu’à concurrence de dix-huit (18) semaines.
  3. La prolongation décrite à l’alinéa b) prend fin au plus tard cinquante-deux (52) semaines après la date de la fin de la grossesse.
  4. L’Employeur peut exiger de l’employée un certificat médical attestant sont état de grossesse.
  5. L’employée dont le congé de maternité non payé n’a pas encore commencé peut choisir :
    1. d’utiliser les crédits de congé annuel et de congé compensatoire qu’elle a acquis jusqu’à la date à laquelle sa grossesse prend fin et au-delà de cette date;
    2. d’utiliser ses crédits de congé de maladie jusqu’à la date à laquelle sa grossesse prend fin et au-delà de cette date, sous réserve des dispositions figurant à l’article 31 ayant trait au congé de maladie payé. Aux fins du présent sous-alinéa, les termes « maladie » ou « blessure », utilisés dans l’article 31 ayant trait au congé de maladie payé, comprennent toute incapacité pour cause médicale liée à la grossesse.
  6. Sauf exception valable, l’employée doit, au moins quatre (4) semaines avant la date du début du congé ininterrompu au cours duquel la grossesse est censée prendre fin, aviser l’Employeur, par écrit, de son intention de prendre des congés tant payés que non payés relativement à son absence du travail attribuable à sa grossesse.
  7. Le congé accordé en vertu du présent paragraphe est compté dans le calcul de la durée de l’ « emploi continu » aux fins de l’indemnité de départ et dans le calcul du « service » aux fins du congé annuel. Le temps consacré à ce congé est compté aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération.

**

30.04 Indemnité de maternité

  1. >L’employée qui se voit accorder un congé de maternité non payé reçoit une indemnité de maternité conformément aux modalités du Régime de prestations supplémentaires de chômage (RPSC) décrit aux alinéas c) à i), pourvu qu’elle :
    1. >compte six (6) mois d’emploi continu avant le début de son congé de maternité non payé,
    2. fournisse à l’Employeur la preuve qu’elle a demandé et reçoit des prestations de maternité de l’assurance-emploi ou du Régime québécois d’assurance parentale à l’égard d’un emploi assurable auprès de l’Employeur,

      et
    3. signe une entente avec l’Employeur par laquelle elle s’engage :
      1. à retourner au travail à la date à laquelle son congé de maternité non payé prend fin à moins que l’Employeur ne consente à ce que la date de retour au travail soit modifiée par l’approbation d’un autre type de congé;
      2. suivant son retour au travail tel que décrit à la division (A), à travailler une période égale à la période pendant laquelle elle a reçu l’indemnité de maternité;
      3. à rembourser à l’Employeur le montant déterminé par la formule suivante si elle ne retourne pas au travail comme convenu à la division (A) ou si elle retourne au travail mais ne travaille pas la période totale stipulée à la division (B), à moins que son emploi ne prenne fin parce qu’elle est décédée, mise en disponibilité, ou que sa période d’emploi déterminée qui aurait été suffisante pour satisfaire aux obligations précisées à la division (B) s’est terminée prématurément en raison d’un manque de travail ou par suite de la cessation d’une fonction, ou parce qu’elle est devenue invalide au sens de la Loi sur la pension de la fonction publique :

        (indemnité X reçue) (période non travaillée après son retour au travail)
         
          [période totale à travailler précisée en (B)]


        toutefois, l’employée dont la période d’emploi déterminée expire et qui est réengagée dans un secteur de l’administration publique fédérale spécifié à l’Administration publique centrale de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivants n’a pas besoin de rembourser le montant si sa nouvelle période d’emploi est suffisante pour satisfaire aux obligations précisées à la division (B).
  2. Pour les besoins des divisions a)(iii)(B), et (C), les périodes de congé payé sont comptées comme du temps de travail. Les périodes de congé non payé après le retour au travail de l’employée ne sont pas comptées comme du temps de travail mais interrompront la période précisée à la division a)(iii)(B), sans mettre en œuvre les modalités de recouvrement décrites à la division a)(iii)(C).
  3. Les indemnités de maternité versées conformément au RPSC comprennent ce qui suit :
    1. dans le cas d’une employée assujettie à un délai de carence de deux (2) semaines avant de recevoir des prestations de maternité de l’assurance-emploi, quatre-vingt-treize pour cent (93 %) de son taux de rémunération hebdomadaire, pour chaque semaine du délai de carence, moins toute autre somme gagné pendant ladite période,

      et
    2. pour chaque semaine pendant laquelle l’employée reçoit des prestation de maternité de l’assurance-emploi ou du Régime québécois d’assurance parentale, la différence entre le montant brut hebdomadaire des prestations de grossesse de l’assurance-emploi auxquelles elle a droit et quatre-vingt-treize pour cent (93 %) de son taux de rémunération hebdomadaire, moins toute autre somme gagnée pendant cette période qui peut entraîner une diminution des prestations de maternité auxquelles l’employée aurait eu droit si elle n’avait pas gagné de sommes d’argent supplémentaires pendant cette période.
  4. À la demande de l’employée, le paiement dont il est question au sous-alinéa 30.04c)(i) sera calculé de façon estimative et sera avancé à l’employée. Des corrections seront faites lorsque l’employée fournira la preuve qu’elle reçoit des prestations de maternité de l’assurance-emploi ou du Régime québécois d’assurance parentale.
  5. >L’indemnité de maternité à laquelle l’employée a droit se limite à celle prévue à l’alinéa c) ci-dessus, et l’employée n’a droit à aucun remboursement pour les sommes qu’elle pourrait avoir à rembourser conformément à la Loi sur l’assurance-emploi ou la Loi sur l’assurance parentale au Québec.
  6. Le taux de rémunération hebdomadaire dont il est question à l’alinéa c) est :
    1. dans le cas de l’employée à temps plein, son taux de rémunération hebdomadaire le jour qui précède immédiatement le début du congé de maternité non payé;
    2. dans le cas de l’employée qui travaillait à temps partiel au cours de la période de six (6) mois précédant le début du congé de maternité, ou une partie de cette période à plein temps et l’autre partie à temps partiel, le taux obtenu en multipliant le taux de rémunération hebdomadaire mentionné au sous-alinéa (i) par la fraction obtenue en divisant les gains au tarif normal de l’employée par les gains au tarif normal qu’elle aurait reçus si elle avait travaillé à plein temps pendant cette période.

      Le taux de rémunération hebdomadaire dont il est question à l’alinéa f) est le taux, auquel l’employée a droit pour le niveau du poste d’attache auquel elle est nommée.
  7. Nonobstant l’alinéa g), et sous réserve du sous-alinéa f)(ii), dans le cas de l’employée qui est en affectation intérimaire depuis au moins quatre (4) mois le jour qui précède immédiatement le début du congé de maternité non payé, le taux hebdomadaire est le taux qu’elle touchait ce jour-là.
  8. Si l’employée devient admissible à une augmentation d’échelon de rémunération ou à un rajustement de traitement pendant qu’elle reçoit une indemnité de maternité, cette indemnité sera rajustée en conséquence.
  9. Les indemnités de maternité versées conformément au RPSC n’ont aucune incidence sur l’indemnité de départ ou la rémunération différée de l’employée.

[…]

30.06 Congé parental non payé

  1. L’employé qui est ou sera effectivement chargé des soins et de la garde d’un nouveau-né (y compris le nouveau-né du conjoint de fait) a droit, sur demande, à un congé parental non payé pour une seule période ne dépassant pas trente-sept (37) semaines consécutives au cours des cinquante-deux (52) semaines qui commencent le jour de la naissance de l’enfant ou le jour où l’enfant lui est confié.
  2. L’employé qui, aux termes d’une loi provinciale, engage une procédure d’adoption ou se fait délivrer une ordonnance d’adoption a droit, sur demande, à un congé parental non payé pour une seule période ne dépassant pas trente-sept (37) semaines consécutives au cours des cinquante-deux (52) semaines qui suivent le jour où l’enfant lui est confié.
  3. Nonobstant les alinéas a) et b) ci-dessus, à la demande de l’employé et à la discrétion de l’Employeur, le congé mentionné aux alinéas a) et b) ci-dessus, peut être pris en deux périodes.
  4. Nonobstant les alinéas a) et b) :
    1. si l’employé n’a pas encore commencé son congé parental non payé et que son enfant est hospitalisé pendant la période susmentionnée,

      ou
    2. si l’employé a commencé son congé parental non payé puis retourne au travail pendant la totalité ou une partie de l’hospitalisation de son enfant,


    la période de congé parental non payé précisée dans la demande de congé initiale peut être prolongée d’une période égale à la partie de la période d’hospitalisation de l’enfant pendant laquelle l’employé n’était pas en congé parental. Toutefois, la prolongation doit se terminer au plus tard cent quatre (104) semaines après le jour où l’enfant lui est confié.
  5. L’employé qui a l’intention de demander un congé parental non payé en informe l’Employeur au moins quatre (4) semaines avant le début d’un tel congé.
  6. L’Employeur peut :

    1. reporter à plus tard le début du congé parental non payé à la demande de l’employé;
    2. accorder à l’employé un congé parental non payé même si celui-ci donne un préavis de moins de quatre (4) semaines;
    3. demander à l’employé de présenter un certificat de naissance ou une preuve d’adoption de l’enfant.
  7. Le congé accordé en vertu du présent paragraphe est compté dans le calcul de la durée de l’ « emploi continu » aux fins de l’indemnité de départ et dans le calcul du « service » aux fins du congé annuel. Le temps consacré à ce congé est compté aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération.

[…]

Selon l’employeur, ces clauses ont toutes un élément déclencheur en commun, c’est-à-dire la naissance d’un enfant ou une ordonnance d’adoption, à défaut de quoi aucune des prestations prévues par ces clauses, incluant la clause 30.07, ne peut être réclamée ou octroyée.

38 L’employeur a maintenu que la clause 30.07k) de la convention collective limitait toute combinaison d’indemnités de maternité et parentale à un maximum de 52 semaines et de par ce fait, un couple de fonctionnaires qui réclame, par exemple, trois différentes prestations en vertu des clauses 30.04 et 30.07 de la convention collective, une indemnité de maternité pour la mère, une indemnité parentale pour la mère et une indemnité parentale pour le père, ne peut réclamer et recevoir plus de 52 semaines d’indemnités combinées à la suite de la naissance de son enfant.

39 J’estime utile de reproduire encore la clause 30.07k) de la convention collective, qui prévoit ce qui suit :

  1. Le maximum payable pour une combinaison d’indemnité de maternité et parentale ne dépassera pas cinquante-deux (52) semaines pour chacune des périodes combinées de congé non payé de maternité et parental.

40 Selon l’employeur, ni son refus d’octroyer l’indemnité parentale au fonctionnaire dans les circonstances ni le sens qu’il donne à la clause 30.07k) de la convention collective ou sa façon d’appliquer cette clause ne constituent un acte discriminatoire qui contrevient à l’article 7 de la LCDP.

41 L’employeur a soutenu que contrairement aux faits qui s’appliquaient dans les décisions Winnipeg School et N.A.P.E., il n’est pas question en l’espèce d’enlever un droit à quelqu’un, mais plutôt d’appliquer des critères d’admissibilité à des avantages complémentaires qui ont été négociés par l’employeur et l’agent négociateur du fonctionnaire.

42 L’employeur a réfuté l’argument du fonctionnaire suggérant que le groupe comparatif s’appliquant en l’espèce consiste en tous les employés assujettis à la convention collective dont les conjoints ne sont pas des fonctionnaires fédéraux. Il m’a plutôt invité à comparer la situation personnelle du fonctionnaire à celle des employés de sexe masculin assujettis à la convention collective dont les conjoints ont donné naissance à un enfant ou adopté un enfant. Selon l’employeur, tous les employés de sexe masculin dont les conjoints ont donné naissance à un enfant ou adopté un enfant sont traités de la même façon, c’est-à-dire qu’ils doivent satisfaire aux critères énoncés à la clause 30.07 de la convention collective, incluant le maximum de semaines prévu à la clause 30.07k), afin d’être admissibles à l’indemnité parentale en question. Ceux qui satisfont à ces critères sont admissibles et ceux qui ne satisfait pas à ces critères, ne le sont pas. Le fait qu’il ne permet pas au fonctionnaire d’obtenir plus d’avantages que ceux qui sont offerts aux employés de son groupe comparatif ou à tout autre employé assujetti à la convention collective ne constitue pas, selon l’employeur, un acte discriminatoire.  

43 Finalement, l’employeur a soutenu que le fonctionnaire n’avait fourni aucune preuve étayant un préjudice moral quelconque.

IV. Motifs

A. Burchill : modification de la nature du grief

44 Je partage entièrement la position de l’employeur voulant que la nature exacte du grief, telle que décrite par le fonctionnaire dans sa procédure écrite, pouvait porter à confusion. Toutefois, il n’en demeure pas moins que je suis convaincu que l’objet réel du grief était, et cela dès la présentation du grief, le droit du fonctionnaire à l’indemnité parentale prévue à la clause 30.07 de la convention collective et que ce fait avait été porté à l’attention de l’employeur dès le premier palier de la procédure de règlement des griefs.

45 Le formulaire de présentation du grief indique clairement que le fonctionnaire réclame une indemnité parentale. Ce sont précisément les mots qu’il a utilisés. De plus, le « rationnel de grief » préparé par le gestionnaire du fonctionnaire à la suite de la rencontre au premier palier de la procédure de règlement des griefs du 18 septembre 2010 indique également que l’argument énoncé par celui-ci durant la rencontre traitait bien d’une demande de congé parental et de l’indemnité s’y rattachant.

46 De plus, une révision du dossier personnel du fonctionnaire aurait facilement révélé qu’un congé parental non payé avait été demandé par celui-ci et approuvé par l’employeur conformément à la clause 30.06 de la convention collective, pour la période du 1er septembre 2009 au 5 octobre 2009. Il va de soi qu’un employé doit premièrement se voir accorder un congé parental non payé avant de pouvoir être éligible à l’indemnité parentale prévue à la clause 30.07.

47 Il m’apparait quelque peu farfelu de prétendre que l’employeur traitait strictement d’une demande d’indemnité de maternité. Selon les témoignages du fonctionnaire et de M. Garneau, les arguments qui ont été présentés lors des rencontres au premier et au deuxième paliers traitaient du droit du fonctionnaire à une indemnité parentale et non à son droit à une indemnité de maternité. Aucune preuve du contraire n’a été présentée par l’employeur concernant ces rencontres. De plus, bien que la réponse au dernier palier de l’employeur mentionne la non-éligibilité du fonctionnaire à l’indemnité de maternité et au fait que celui-ci ne peut se prévaloir d’une telle indemnité puisque celle-ci est réservée aux femmes enceintes, les parties ont été incapables de confirmer si des arguments avaient été présentés dans le cadre de cette procédure finale ou encore si une rencontre avait même eu lieu.

48 Il m’apparait donc évident que l’employeur avait été informé de la nature des doléances du fonctionnaire tout au long de la procédure de règlement des griefs, que celui-ci ne tente pas d’introduire ou d’avancer une nouvelle demande ou position à l’arbitrage de son grief et que le grief est donc recevable. J’estime donc avoir la compétence pour traiter de ce grief sur le fond.

B. Bien-fondé du grief

49 Je suis d’avis que les clauses 30.03, 30.04, 30.06 et 30.07 de la convention collective doivent être lues et interprétées comme un tout. À priori, seule une employée qui devient enceinte peut se voir accorder le congé de maternité non payé prévu à la clause 30.03 et l’indemnité de maternité prévue à la clause 30.04. Un maximum de 18 semaines d’indemnité de maternité est prévu dans ces clauses.

50 La naissance d’un enfant ou l’adoption d’un enfant peut également donner droit à des avantages qui sont prévus dans les clauses 30.06 et 30.07, c’est-à-dire le congé parental non payé et l’indemnité parentale, mais seulement si l’employé satisfait aux critères énoncés à la clause 30.07 de la convention collective. Un de ces critères est que l’employé doit à priori toucher des prestations parentales, de paternité ou d’adoption, soit du régime fédéral de l’assurance-emploi ou du RQAP, un régime unique aux résidents de la province du Québec. En ce qui a trait aux prestations visées par le régime fédéral de l’assurance-emploi, celles-ci peuvent être partagées entre les deux parents de l’enfant jusqu’à concurrence d’un maximum de 35 semaines. La clause 30.07 de la convention collective prévoit un maximum de 37 semaines d’indemnité parentale. Ceci signifie qu’un employé dont la conjointe bénéficie à elle seule du maximum de prestations parentales prévu par le régime fédéral de l’assurance-emploi ou par le RQAP, que celle-ci soit fonctionnaire ou non, ne peut satisfaire à cette exigence de la clause 30.07 puisqu’il n’aura pas lui-même touché lesdites prestations parentales d’aucun des deux régimes. C’est le cas en espèce, car la conjointe du fonctionnaire a effectivement bénéficié du maximum de prestations parentales par ces régimes et le fonctionnaire ne pouvait donc pas démontrer à l’employeur qu’il avait demandé et touché de telles prestations, que ce soit du régime fédéral ou provincial.

51 Toutefois, en ce qui a trait aux prestations de paternité prévues par le RQAP, celles-ci sont exclusives au père biologique et ne peuvent être partagées entre les deux parents. Est-ce que cela signifie qu’un employé qui réside dans la province du Québec, qui demande et qui touche les prestations de paternité prévues par le RQAP, est automatiquement éligible à l’indemnité parentale prévue à la clause 30.07 de la convention collective, nonobstant le fait que sa conjointe ait bénéficié des montants maximums de semaines d’indemnités de maternité et parentales? À mon avis, la réponse à cette question est non. La clause 30.07k) de la convention collective établit clairement que le maximum payable pour une combinaison d’indemnité de maternité et parentale ne peut dépasser 52 semaines pour chacune des périodes combinées de congé non payé de maternité et parental. Cette restriction ne vise pas un ou une employée, mais plutôt la combinaison des avantages prévus par les clauses 30.04 et 30.07 de la convention collective. Plusieurs facteurs peuvent faire en sorte que les nombres de semaines réclamées par des employés assujettis à la convention collective pourraient dépasser 52 semaines. Par exemple, si l’on additionne le maximum de semaines prévu à la clause 30.04 (18 semaines) et celui prévu à la clause 30.07 (37 semaines), on obtient un total de 55 semaines. Toutefois, quelle que soit la combinaison ou encore qui réclame les indemnités prévues par ces clauses, les avantages payables à titre d’indemnité de maternité ou parentale ne peuvent dépasser 52 semaines. En l’espèce, si la conjointe du fonctionnaire avait opté de réclamer une combinaison d’indemnité totalisant 47 semaines, le fonctionnaire aurait pu bénéficier de l’indemnité parentale qu’il réclamait puisqu’il aurait satisfait à toutes les exigences de la clause 30.07, ayant touché les prestations de paternité visé par le RQAP, sans toutefois dépasser les 52 semaines prévue à la clause 30.07k).

52 Peu importe le nom donné à la prestation payé en vertu du RQAP, l’indemnité payable en vertu de la convention collective est une indemnité parentale, qui elle est assujettie à un maximum tel que prévu à la clause 30.07k). Le fait que le fonctionnaire ait reçu des prestations de paternité qui le rend éligible à recevoir une indemnité parentale, ne signifie pas que celui-ci pourra la recevoir, notamment si le maximum prévu par la clause 30.07k) a été atteint.

53 Bien que j’aie conclu que les clauses en question doivent être interprétées dans leur ensemble, je conviens avec le fonctionnaire que les avantages prévus par la convention collective visent les employés individuellement. Cela ne signifie toutefois pas nécessairement que des « plafonds » ne peuvent pas être fixés en ce qui a trait aux demandes de prestations. Par exemple, la Directive sur la réinstallation du Comité National Mixte stipule qu’un seul des conjoints peut déposer une demande en tant que demandeur principal et que les demandes des deux employés ne sont pas permises.

54 Je reconnais également l’argument du fonctionnaire voulant que les parties ne puissent déroger par contrat privé des protections garanties par la LCDP. Cependant, ceci présume une violation de la Loi.

55 Bien que cela n’ait été cité par aucun des deux avocats, ce cas ressemble fortement à une récente décision de la Cour Fédérale d’Appel : Martin c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 15. Dans le cas en question, les parents de jumelles ont tous deux demandé le droit de toucher 35 semaines de prestations parentales sous le régime de la Loi sur l’assurance emploi (LAE), affirmant que le déni de tels avantages constituait une violation du paragraphe 15(1) de la Charte. La Cour a conclu, entre autres, que la distinction exposée dans la LAE entre « parents » et « parents de jumeaux » ne donnait pas lieu à un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes. Je remarque également que la Cour Suprême du Canada a récemment refusé une demande d’appel dans cette affaire.

56 Bien que le présent cas a été débattu sous le régime du paragraphe 7(1) de la LCDP, j’estime que la décision rendue dans Martin s’applique en l’espèce. Tout comme le prévoit la Charte, un cas présenté en vertu du paragraphe 7(1) de la LCDP doit également prouver que l’effet négatif était le résultat de stéréotypes, de perpétuation d’un désavantage historique ou d’un motif analogue. Aucun argument de ce genre n’a été présenté et je ne vois pas de désavantage historique ni de stéréotypes à l’œuvre en l’espèce. Je ne vois aucun préjudice ni vulnérabilité en ce qui a trait à des employés de la fonction publique qui sont mariés à d’autres fonctionnaires.

57 De plus, si la position du fonctionnaire était adopté, les conjoints fédéraux résidant dans la province du Québec auraient plus de bénéfices que ceux qui travaillent ailleurs au Canada, un résultat qui ne serait ni équitable, ni souhaitable.

58 Pour conclure, je partage le point de vue de l’employeur voulant qu’il n’est pas question en l’espèce d’enlever un droit à quelqu’un ou de discrimination pour motifs illicites, mais plutôt d’appliquer des critères d’admissibilité à des avantages complémentaires qui ont été négociés par l’employeur et l’agent négociateur du fonctionnaire et qui sont maintenant régis par une convention collective. La naissance d’un enfant peut engendrer une combinaison de demandes d’indemnités de la part des employés assujettis à la convention collective et les parties qui ont négocié cette convention collective ont convenu de restreindre à 52 semaines le maximum payable pour une telle combinaison. Ni la clause 30.07 ni le sens que lui donne l’employeur en l’espèce ne vont à l’encontre du droit à l’égalité ou ne contreviennent la LCDP.

59 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

60 Le grief est rejeté.

61 J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 24 octobre 2013.

Stephan J. Bertrand,
arbitre de grief

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