Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que l’employeur ne lui avait pas fourni un énoncé complet et à jour de ses tâches et responsabilités, conformément à une clause de la convention collective - elle a aussi allégué que, pendant de nombreuses années, elle a joué un rôle de chef d’équipe, a été l’employée ayant la classification la plus élevée du lieu de travail et a relevé d’un gestionnaire virtuel - elle a affirmé que les réalités propres à ses tâches excédaient les descriptions contenues dans sa description de travail - l’employeur a affirmé qu’un gestionnaire travaille maintenant sur le site et que les tâches et responsabilités propres aux gestionnaires de qui relevaient les chefs d’équipe revenaient finalement aux gestionnaires - l’employeur a aussi fait valoir que rien, dans la convention collective, ne l’oblige à utiliser un format ou un libellé précis pour rédiger la description de travail, particulièrement lorsque cette dernière est conçue pour s’appliquer à un grand nombre d’employés occupant des postes dans diverses régions du pays - l’arbitre de grief a souligné qu’il incombait à la fonctionnaire s’estimant lésée de démontrer que la description de travail était inadéquate - il a aussi cité une décision affirmant que l’employeur n’est pas obligé d’utiliser une formulation particulière pour décrire les tâches et responsabilités d’un employé et qu’il ne revient pas à l’arbitre de grief de corriger le libellé ou les expressions utilisées pour autant qu’elles décrivent globalement les responsabilités et tâches propres au poste - l’arbitre de grief a aussi reconnu que les descriptions de travail génériques sont un outil commun dans la fonction publique, particulièrement quand les tâches et responsabilités énumérées sont appliquées à l’échelle nationale et à un grand nombre d’employés - la fonctionnaire s’estimant lésée a été incapable d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa description de travail ne constituait pas un énoncé complet et à jour de ses tâches et responsabilités - sa preuve ne montrait pas pourquoi les changements qu’elle demandait devaient être approuvés - aucune preuve n’a été présentée pour suggérer que les gestionnaires virtuels refusaient ou étaient incapables d’exercer leur autorité ou de s’acquitter de leurs responsabilités - les autres changements demandés par la fonctionnaire s’estimant lésée avaient déjà été subsumés dans sa description de travail actuelle ou n’ont pas été reconnus comme des tâches qu’elle a accomplies. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-11-19
  • Dossier:  566-02-7851
  • Référence:  2013 CRTFP 145

Devant un arbitre de grief


ENTRE

LINDA WILCOX

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

employeur

Répertorié
Wilcox c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Daniel Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Lesa Brown, avocate

Affaire entendue à St. John's (Terre-Neuve),
les 28 et 29 août 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Linda Wilcox, la fonctionnaire s'estimant lésée (la « fonctionnaire »), est une fonctionnaire du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (RHDC). Le 26 septembre 2008, elle a déposé un grief portant sur la pertinence de la description de travail qui avait été rédigée par l'employeur pour son poste en 2006. D'après la fonctionnaire, l'employeur ne lui a pas fourni un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités, ce qui est contraire à la clause 54.01 de la convention collective intervenue entre le Conseil du Trésor (l'« employeur ») et l'Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services des programmes et de l'administration, qui a expiré le 20 juin 2007 (la « convention collective »). La clause est libellée comme suit :

54.01 Sur demande écrite, l'employé‑e reçoit un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités, y compris le niveau de classification du poste et, le cas échéant, la cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu'un organigramme décrivant le classement de son poste dans l'organisation.

2 Le 30 octobre 2012, l'employeur a donné sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, dans laquelle il rejetait le grief au motif qu'aucune des modifications proposées par la fonctionnaire à la description de travail ne modifiait de façon significative les « Résultats axés sur le service à la clientèle » ou les « Activités principales » de son poste et que la plupart des modifications proposées étaient déjà comprises dans son actuelle description de travail. Le grief a ensuite été renvoyé à l'arbitrage le 27 novembre 2012.

II. Résumé de la preuve

3 La fonctionnaire a déclaré qu'elle occupait le poste de chef d'équipe, classifié au niveau PM‑03, auprès de la Direction générale des services de traitement et de paiement (assurance-emploi) de Service Canada depuis février 2006. Elle a indiqué que la description générique de son poste, qui porte le numéro 2NA00743, était trop générale et incomplète, et qu'elle ne rendait pas compte de l'ampleur de ses responsabilités, surtout les volets de gestion de ses fonctions. Une copie intégrale de la description de travail de la fonctionnaire figure à l'annexe A de la présente décision.

4 La fonctionnaire a déclaré que depuis plusieurs années, elle relevait d'un gestionnaire virtuel, c'est-à-dire d'un gestionnaire qui ne se trouvait pas sur les lieux de travail et avec qui elle communiquait habituellement par téléphone, par courriel ou par vidéoconférence. Par conséquent, les chefs d'équipe comme elle étaient souvent considérés comme les dirigeants du lieu de travail, parce qu'ils étaient souvent les employés possédant la classification la plus élevée sur place. Selon la fonctionnaire, elle a essentiellement géré son lieu de travail pendant plusieurs années, mais sa description de travail ne reflétait pas cette réalité.

5 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a reconnu que, dans d'autres lieux de travail où il n'y avait aucun gestionnaire sur place, des employés occupant des postes de classification inférieure agissaient à titre de dirigeants du site, comme des employés de groupe et niveau PM-02, PM-01 et même CR-04. Elle a aussi confirmé que son pouvoir d'autoriser les demandes de congé était limité aux demandes de congé annuel et de congé de maladie ne dépassant pas cinq jours, qu'elle avait une fois accusé réception d'un grief au nom de la direction, qu'elle avait signé une fois un certificat de cessation d'emploi et qu'elle avait une fois aidé un employé à remplir un formulaire d'assurance-invalidité.

6 La fonctionnaire a déposé une copie de sa description de travail ainsi que six autres documents, dont la plupart étaient des documents de formation qu'elle avait reçue lors de séances de formation. Toutefois, aucune explication n'a été fournie sur la façon dont ces documents établissaient que sa description de travail ne constituait pas un exposé complet et courant de ses véritables fonctions et responsabilités.

7 À ma demande, la fonctionnaire a présenté une copie annotée à la main de sa description de travail, laquelle indiquait les changements et modifications qui, selon elle, devaient y être apportés.

8 Les changements et modifications demandés par la fonctionnaire ne sont pas nombreux; par souci de clarté, ils sont reproduits ci-après en caractère gras :

  1. Sous la rubrique « Résultats axés sur le service à la clientèle », la fonctionnaire a proposé d'ajouter le terme « gérer » au début de la phrase afin qu'elle soit ainsi libellée :

    Résultats axés sur le service à la clientèle

    Gérer, [d]iriger et encadrer des équipes dans des sites et emplacements géographiques multiples concernant la prestation de services (p. ex. les services et programmes) du Ministère et de ses partenaires en vue de l'excellence du service axé sur la communauté et les citoyens pour une région donnée.
  2. Sous la rubrique « Activités principales », la fonctionnaire a proposé plusieurs modifications. Elle a demandé que le terme « analyser » soit ajouté au début du premier paragraphe, et que les termes « dans un environnement qui change constamment » soient insérés dans le premier paragraphe, après les termes « programmes et services ». Elle a proposé d'ajouter le terme « gérer » au début du deuxième paragraphe, et le terme « évaluer » au début du troisième paragraphe. La fonctionnaire a également proposé d'insérer le contenu des actuels points 2 et 3 de la section « Connaissances générales de l'administration » et le contenu de l'actuel point 8 de la section « Responsabilités » dans la section « Activités principales ». Le contenu de ces trois points supplémentaires provenant des sections « Connaissances générales de l'administration » et « Responsabilités » comprendrait également la formulation modifiée qu'elle propose. Au point qui se trouvait à l'origine sous la rubrique « Responsabilités », que la fonctionnaire propose de placer sous la rubrique « Activités principales », on supprimerait les termes « ce qui peut nécessiter » et on ajouterait les termes « dans le cadre de la prestation de services en définissant les buts et objectifs ». Aux deux points qu'elle a proposé de placer sous la rubrique « Connaissances générales de l'administration », on ajouterait les termes « et application » après le terme « connaissance ». Les modifications proposées à la section « Activités principales » seraient les suivantes, les caractères gras étant ajoutés par souci de clarté :

    Activités principales

    Analyser, [s]uperviser une équipe de travail participant à la prestation des programmes et services dans un environnement qui change constamment en assignant du travail et en surveillant les résultats et les répercussions, et mettre en œuvre des mesures correctives tout en favorisant un climat de transparence, de confiance et de respect.

    Gérer, [d]iriger, encadrer et former une équipe de travail axée sur les citoyens en modelant le comportement lié aux services, en partageant des connaissances et en encourageant l'apprentissage et le perfectionnement de l'équipe et de ses membres au plan individuel.

    Évaluer, [s]outenir et surveiller le rendement des employés de manière continue, et déterminer les réussites et les secteurs qui doivent être améliorés pour le perfectionnement individuel et de l'équipe.
    […]

    Connaissance et application des techniques de résolution de conflits et de problèmes, de communication interpersonnelle et d'animation pour diriger une équipe et créer un milieu productif et axé sur les services de qualité.

    Connaissance et application des méthodes d'évaluation, d'encadrement, de surveillance et d'évaluation des besoins, en vue de l'élaboration de plans d'apprentissage à l'appui du développement professionnel des membres individuels de l'équipe en utilisant les principes de gestion axée sur les compétences pour évaluer et récompenser le rendement ou adopter des mesures correctives en ce qui a trait aux écarts de rendement.

    Garantir un milieu de travail sécuritaire et sain aux employés. [ce qui peut nécessiter la] [G]estion de nombreux sites et véhicules dans le cadre de la prestation de services en définissant les buts et objectifs.
  3. Sous la rubrique « Habiletés », la fonctionnaire a proposé d'ajouter le terme « gérer » au premier point, avant les termes « superviser une équipe de travail » et les termes « et coordonner » au deuxième point immédiatement après les termes « conseiller et encadrer ». Ces deux points modifiés seraient libellés comme suit, les caractères gras étant ajoutés par souci de clarté

    Habiletés

    Connaissance du programme et des techniques spécialisées

    Le travail demande :

    • Connaissance nécessaire du mandat, de la mission et de la structure organisationnelle du Ministère afin de gérer, superviser une équipe de travail participant à la prestation des offres de service (p. ex. les services et programmes); de diriger et d'encadrer l'équipe pour atteindre l'excellence du service; de mettre en œuvre des changements organisationnels et d'effectuer des analyses préliminaires avant de recommander ou de mettre en œuvre des améliorations de service.
    • Connaissance nécessaire et suffisante des politiques pertinentes (comme celles liées à la prévention des fraudes) et des lois (p. ex. la Loi sur l'assurance-emploi, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois et règlements propres aux programmes du Ministère) pour conseiller, encadrer, et coordonner ceux qui participent à la prestation de services connexes.
    • […]
  4. Sous la rubrique Responsabilités, en plus de supprimer un point qui a été traité ci-dessus et de le placer dans la section « Activités principales », elle a proposé d'ajouter au début de la section Responsabilités un nouveau point, qui est ainsi libellé, les changements étant reproduits en caractère gras :

    Responsabilités

    Le travail demande :

    • Assurer l'application des politiques et des lignes directrices relatives aux RH;
    • […]
  5. Sous la rubrique « Conditions de travail », la fonctionnaire a proposé d'ajouter les termes « et les traiter » au troisième paragraphe immédiatement après les termes « les problèmes de comportement d'employés », comme suit :

    Conditions de travail
    […]

    Dans le cadre des fonctions quotidiennes, le travail exige de demeurer calme, impartial et professionnel afin de composer avec des renseignements personnels délicats et confidentiels sur les membres de l'équipe ou les citoyens ainsi que les problèmes de comportement d'employés, et de les traiter, en particulier lorsqu'ils influencent le rendement général de l'équipe.
    […]

9 Le directeur des Opérations d'assurance-emploi, Carson Littlejohn, a déclaré que la description de travail de la fonctionnaire était de nature générique et qu'elle devait s'appliquer à un grand nombre de chefs d'équipe PM‑03 dans l'ensemble du pays qui accomplissent leur travail dans différents secteurs d'activité. Il a ajouté que même si quelques lieux de travail étaient gérés par des gestionnaires virtuels, classifiés PM‑05 ou à un niveau supérieur, et donc que des fonctionnaires occupant des postes de classification inférieure, tels que des CR‑04, des PM‑01 et des PM‑02, agissaient comme dirigeants de ces lieux de travail, les responsabilités de gestion et l'imputabilité étaient en fin de compte toujours celles des gestionnaires virtuels. Selon M. Littlejohn, même si l'on s'attendait à ce que les dirigeants de lieu de travail agissent comme personne‑ressource dans leurs lieux de travail respectifs et assurent la liaison avec leurs gestionnaires virtuels concernant les questions liées au lieu de travail, les gestionnaires virtuels demeuraient toujours imputables de la gestion de ces lieux de travail.

10 M. Littlejohn a déclaré qu'il ne s'agissait plus d'un problème pour la fonctionnaire puisque le lieu où elle travaille n'est plus géré par un gestionnaire virtuel. Kelly Lingard, qui a aussi témoigné, travaille comme gestionnaire de services de niveau PM-05 du lieu de travail de la fonctionnaire depuis octobre 2012, et la fonctionnaire relève de Mme Lingard depuis ce temps.

11  M. Littlejohn a souligné la précieuse contribution des chefs d'équipe. Toutefois, il a précisé que cette contribution n'incluait pas de fonctions et de responsabilités de gestion, et ne comportait pas l'imputabilité qui revient en fin de compte aux gestionnaires de niveau PM‑05 de qui ils relèvent. D'après M. Littlejohn, ces fonctions et responsabilités n'ont jamais été déléguées aux chefs d'équipe, que ses gestionnaires se trouvent ou non dans les lieux de travail. Autrement dit, que le dirigeant du lieu de travail soit un chef d'équipe ou un employé de classification PM‑02, PM‑01 ou CR‑04, il n'avait pas reçu le mandat ni n'était tenu de gérer le lieu de travail ou d'en administrer les activités courantes.

12 Selon M. Littlejohn, les termes que l'employeur a utilisés pour décrire les fonctions et responsabilités de la fonctionnaire, notamment « diriger », « encadrer », « superviser », « former », « assigner », « surveiller », « soutenir », « déterminer », « prévoir », « organiser », « examiner », « rendre compte » et « mettre en œuvre/en place » étaient forts et reflétaient adéquatement le travail qui était confié à la fonctionnaire et que l'on attendait d'elle.

13 Mme Lingard a déclaré qu'elle agit comme gestionnaire PM-05 du lieu de travail de la fonctionnaire depuis octobre 2012, qu'elle gère une équipe composée de 75 employés et de 4 chefs d'équipe, y compris la fonctionnaire, et qu'aucune de ses fonctions et responsabilités ni aucun pouvoir de signature n'ont jamais été délégués à la fonctionnaire ou à tout autre chef d'équipe. En tant que dirigeante finale du lieu de travail, elle a indiqué qu'elle ne consacrait jamais plus que 5 % à 10 % de son temps à s'occuper de questions relatives au lieu de travail.

14 Mme Lingard a déclaré que la plupart, pour ne pas dire la totalité, des termes que la fonctionnaire tentait d'ajouter à sa description de travail étaient déjà compris dans celle-ci. Elle a cité un grand nombre de paragraphes et de points de la description de travail pour appuyer son affirmation.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

15 La fonctionnaire a fait valoir que sa description de travail était à la fois inadéquate et trop générale, et que son témoignage renfermait de nombreux exemples de fonctions qu'elle remplissait et qui n'étaient pas visées par sa description de travail générique.

16 La fonctionnaire a affirmé qu'avant l'arrivée de Mme Lingard, et en particulier lorsqu'elle relevait d'un gestionnaire virtuel, essentiellement de 2006 à 2012, elle avait rempli des fonctions et responsabilités qui sont habituellement confiées à un gestionnaire PM‑05 et qu'elle se considérait comme étant une gestionnaire de première ligne. Selon la fonctionnaire, les dirigeants de lieu de travail et les gestionnaires ont les mêmes fonctions et responsabilités.

17 La fonctionnaire a soutenu que la réalité de ses fonctions allait au-delà des représentations contenues dans sa description de travail et m'a renvoyé au paragraphe 53 de Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2012 CRTFP 86, et au paragraphe 34 de Parker et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2009 CRTFP 109. À son avis, la description de travail de la fonctionnaire ne décrivait pas de manière suffisante la gamme complète des fonctions et responsabilités attribuées à son poste par l'employeur de 2006 à 2012.

18 La fonctionnaire a clairement indiqué qu'elle souhaitait faire ajouter à sa description de travail les termes plus forts qu'elle proposait dans l'espoir de faire reclassifier son poste.

B. Pour l'employeur

19 L'employeur a affirmé qu'il incombait à la fonctionnaire de me convaincre qu'il y a eu violation de la convention collective et a soutenu qu'elle ne s'était pas acquittée de ce fardeau.

20 Selon l'employeur, aucune disposition de la convention collective n'exige qu'il utilise un format en particulier ou une formulation précise en ce qui a trait aux descriptions de poste, surtout lorsqu'un tel instrument doit s'appliquer à un grand nombre d'employés qui travaillent dans différentes régions du pays et qui exercent des fonctions dans différents secteurs d'activité.

21 L'employeur a fait valoir qu'il ne devrait pas être tenu d'énumérer toutes les activités devant être exercées dans le cadre d'une tâche particulière ou de décrire en détail la façon dont ces activités doivent être exercées. Pour appuyer sa position, l'employeur m'a renvoyé au paragraphe 26 de Hughes c. Conseil du Trésor du Canada (Ressources naturelles Canada), 2000 CRTFP 69.

22 L'employeur a soutenu que la description de travail de la fonctionnaire renfermait suffisamment de renseignements pour rendre compte précisément de ce qu'elle devait faire et n'omettait pas de mentionner une fonction ou responsabilité qu'elle devait exécuter. C'est pourquoi l'employeur est d'avis que la description de travail de la fonctionnaire doit être jugée acceptable. Sur ce point, on m'a renvoyé au paragraphe 52 de Jennings et Myers c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans),2011 CRTFP 20.

23 L'employeur a également soutenu qu'en fournissant à la fonctionnaire une description de travail qui décrivait de façon adéquate, en termes généraux, ses fonctions et responsabilités, il a respecté l'obligation qui lui incombe en vertu de la convention collective. Il m'a renvoyé au paragraphe 24 de Jaremy et al. c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Accise, Douanes et Impôt), 2000 CRTFP 59.

24 Citant le paragraphe 48 de Suric c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 44, l'employeur a indiqué que les changements qui sont proposés par la fonctionnaire ne visent qu'à [traduction] « polir le texte ». Il a ajouté que mon rôle ne consiste pas à modifier ou à corriger la formulation qui sert à décrire les fonctions et responsabilités de la fonctionnaire, tant qu'elle décrive ces termes de manière générale.

IV. Motifs

25 La fonctionnaire a allégué que l'employeur avait contrevenu à la convention collective en ne lui fournissant pas un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités. Selon elle, la description de travail générique de son poste, qui porte le numéro 2NA00743, ne rend pas compte avec exactitude du travail qu'elle accomplit depuis 2006.

26 Pour obtenir gain de cause, la fonctionnaire devait démontrer que sa description de travail ne contient pas les éléments qu'elle a indiqués dans sa copie annotée à la main et que j'ai résumés au paragraphe 8 de la présente décision. Si elle ne s'est pas acquittée de ce fardeau en présentant des éléments de preuve convaincants, son grief doit être rejeté.

27 Bon nombre des principes qui doivent être pris en compte pour trancher ce genre d'affaire sont énoncés au paragraphe 52 de Jennings et Myers dans les termes suivants :

[52] Qu'est-ce qu'un exposé complet et courant des fonctions et responsabilités d'un employé? Les parties et les décisions arbitrales sur lesquelles elles s'appuient conviennent qu'une description de travail doit renfermer suffisamment de renseignements pour rendre compte précisément de ce que fait un employé. Elle ne doit pas « omettre de mentionner une fonction ou responsabilité particulière que le fonctionnaire doit remplir »; voir Taylor c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accises), dossier de la CRTFP 166-02-20396 (19901221). Une description de travail contenant des descriptions générales et génériques est acceptable dans la mesure où elle satisfait à cette exigence fondamentale. Dans Hughes c. Conseil du Trésor du Canada (Ressources naturelles Canada), 2000 CRTFP 69, au paragraphe 26, l'arbitre de grief a écrit ce qui suit : « Il n'est pas indispensable qu'une description de travail contienne une liste détaillée de toutes les activités exercées dans le cadre d'une tâche particulière. Il n'est pas nécessaire non plus qu'elle décrive par le menu la façon dont ces activités sont exercées. » Voir aussi Currie et al. c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 69, au paragraphe 164; Jaremy et al. c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Accise, Douanes et Impôt), 2000 CRTFP 59, au paragraphe 24; Barnes et al. c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 13. L'employeur n'est pas tenu d'utiliser une formulation particulière pour décrire les fonctions et responsabilités d'un employé et « […] ce n'est pas le rôle de l'arbitre de grief de corriger la phraséologie ou les expressions employées », pour autant qu'elles décrivent globalement les responsabilités et les fonctions exécutées (voir Jarvis et al. c. Conseil du Trésor (Industrie Canada), 2001 CRTFP 84, au paragraphe 95, et Barnes, au paragraphe 24.

28 Les descriptions de travail génériques sont couramment utilisées dans la fonction publique, surtout lorsque les fonctions et responsabilités qu'elles décrivent sont remplies à l'échelle nationale et par un grand nombre d'employés. Comme on l'a laissé entendre dans Hughes, il ne serait pas souhaitable d'exiger que l'employeur énumère chacune des activités devant être exercées dans le cadre de chaque tâche et de décrire en long et en large la façon dont chaque activité doit être exercée. Dans la mesure où la description de travail décrit en termes assez larges la gamme complète des fonctions et responsabilités attribuées au poste et qu'elle rend compte de la réalité de la situation d'emploi de l'employé, il n'y a pas de problème. En l'espèce, je crois que c'est le cas. Après avoir soigneusement examiné la preuve, y compris les pièces déposées à l'audience, je suis convaincu que la fonctionnaire a reçu une description de travail complète et courante.

29 La fonctionnaire a fourni très peu de détails pour expliquer pourquoi les changements qu'elle demandait devaient être acceptés. Dans son témoignage, la fonctionnaire a fait connaître ses perceptions quant à ses fonctions de gestion sur les lieux de travail, mais a donné fort peu de détails pour appuyer les changements à sa description de travail. Bien que la fonctionnaire ait fourni quelques exemples de fonctions qu'elle avait exécutées une seule fois au cours des sept dernières années, dans la plupart des cas, celles-ci ne sortent pas du cadre de sa description de travail et, même si c'était le cas, ce que je ne crois pas, la preuve n'indique pas que de telles fonctions ont été assignées à la fonctionnaire de façon régulière. Par exemple, le fait d'avoir agi à titre de dirigeante du lieu de travail pendant une courte période, une fonction que des employés de classification inférieure ont aussi remplie, ne justifiait pas les changements demandés à la description de travail de la fonctionnaire.

30 Malheureusement, la fonctionnaire n'a pas traité de façon individuelle chaque changement ou modification qu'elle proposait; elle n'a pas appuyé ses propositions d'éléments de preuve convaincants, ce qui aurait pu m'aider à mieux comprendre le raisonnement ayant mené à chaque changement proposé. Par exemple, elle ne m'a présenté aucune preuve convaincante ou probante pouvant justifier l'élimination de ce qui constitue actuellement les points 2 et 3 des Connaissances générales de l'administration et l'insertion de ces paragraphes sous la rubrique Activités principales. Je ne partage tout simplement pas le point de vue de la fonctionnaire selon lequel les connaissances d'une personne devraient être considérées comme étant une activité principale. De la même façon, aucune preuve convaincante ou probante ne m'a été présentée pour justifier l'élimination de ce qui constitue actuellement le point 8 des Responsabilités et son insertion sous la rubrique Activités principales. Bien que le terme « application » ait été ajouté à la description proposée d'une activité principale, même avec cet ajout, la fonctionnaire n'a fourni aucune preuve expliquant pourquoi le contenu de ces deux points devrait être ajouté aux Activités principales, plutôt que de les laisser où ils se trouvent actuellement, soit sous la rubrique Connaissances générales de l'administration. On peut soutenir que ces éléments sont déjà compris dans les points et que la fonctionnaire n'a aucunement établi qu'il était justifié de les ajouter aux Activités principales. La connaissance des méthodes d'évaluation, d'encadrement et de surveillance des besoins est appliquée afin d'exécuter les principaux points et, plus particulièrement, les deux premiers qui figurent dans les Activités principales. De même, la connaissance des techniques de résolution de conflits et de problèmes pour diriger est appliquée afin d'exécuter les trois premiers points des Activités principales.

31 En ce qui concerne l'ajout du terme « gérer » aux sections Résultats axés sur le service à la clientèle, Activités principales et Habiletés, la fonctionnaire n'a pas démontré pourquoi la formulation proposée était justifiée dans les circonstances. Alors que ses exemples de certaines des fonctions qu'elle a remplies au cours des sept dernières années validaient sans aucun doute l'actuelle formulation contenue dans sa description de travail (c.-à-d., « diriger », « encadrer », « superviser », « former », « assigner », « surveiller », « soutenir », « déterminer », « prévoir », « organiser », « examiner », « rendre compte » et « mettre en œuvre/en place »), la fonctionnaire n'a fourni aucune preuve démontrant que l'utilisation de termes plus forts était justifiée. Je partage la position de l'employeur selon laquelle ces termes, qui figurent dans la description de travail de la fonctionnaire, sont forts et reflètent adéquatement les fonctions et responsabilités attribuées à la fonctionnaire et attendues de celle-ci. De plus, la preuve a clairement établi que la fonctionnaire a toujours relevé d'un gestionnaire PM‑05, qu'il s'agisse d'un gestionnaire virtuel ou présent sur les lieux de travail, et que le pouvoir de gestion et l'imputabilité ont toujours incombé à ces gestionnaires. Aucune preuve n'a laissé entendre que les gestionnaires virtuels ont refusé ou n'ont pas été en mesure d'exercer leur pouvoir de gestion ou d'assumer leur imputabilité, ce qui aurait obligé la fonctionnaire à exercer ce pouvoir ou à assumer cette imputabilité à leur place.

32 Les autres modifications que la fonctionnaire souhaite apporter à sa description de travail sont soit déjà contenues dans son actuelle description de travail, soit n'ont tout simplement pas été établies comme étant des fonctions qu'elle a remplies. Par exemple, l'une des Activités principales énumérées dans la description de travail de la fonctionnaire prévoit qu'elle doit soutenir et surveiller le rendement des employés de manière continue et déterminer les réussites et les secteurs devant être améliorés pour le perfectionnement individuel et de l'équipe. La fonctionnaire estime que le terme « évaluer » devrait être ajouté à ce paragraphe. Je ne suis pas d'accord avec ce besoin. Le même raisonnement explique ma réticence à ajouter le terme « analyser » au premier paragraphe des Activités principales ou les termes « et de les traiter » au troisième paragraphe des Conditions de travail. Les Activités principales soulignent déjà que la fonctionnaire doit « soutenir et surveiller le rendement des employés de manière continue ». Il va sans dire que le soutien et la surveillance du rendement des employés exigent une certaine forme d'évaluation et de communication. La fonctionnaire ne m'a fourni aucune preuve indiquant que ses fonctions d'évaluation allaient plus loin, par exemple qu'en fin de compte elle devait répondre de l'évaluation de membres de son équipe.

33 D'après la preuve dont je dispose, je conclus que la demande de la fonctionnaire concernant l'ajout du terme « évaluer », ainsi que d'autres termes qu'elle souhaitait ajouter, vise tout au plus à « polir le texte » et semble avoir été mise de l'avant pour appuyer la prétention selon laquelle le volet gestion de ses fonctions n'avait pas été pris en compte dans la description de travail. À la lumière de la preuve dont je suis saisi, je ne peux pas conclure que sa description de travail ne rendait pas compte de l'ampleur de ses responsabilités, notamment les aspects de ses fonctions qu'elle pourrait considérer comme étant de la gestion.

34 L'essentiel de l'argumentation de la fonctionnaire semble être le fait que, pendant de nombreuses années, elle a été la dirigeante du lieu de travail et que, pendant de nombreuses années, elle était l'employée possédant la classification la plus élevée de son lieu de travail. Comme l'a démontré la preuve du défendeur, les chefs d'équipe apportent une précieuse contribution, mais celle-ci ne comprend pas les imputabilités des gestionnaires PM-05, dont ils relèvent. La fonctionnaire n'a fourni aucune preuve visant à réfuter le fait qu'il y a toujours eu un gestionnaire – qu'il soit virtuel ou sur les lieux – et que cette personne devait en fin de compte répondre de la gestion de l'équipe. En outre, elle n'a fourni aucun élément de preuve démontrant que sa description de travail devait être corrigée ou modifiée pour quelque autre raison.

35 Quant à la proposition de la fonctionnaire de rayer les termes « ce qui peut nécessiter » et d'ajouter les termes « dans le cadre de la prestation de services en définissant les buts et objectifs » au point 8 des Responsabilités et d'ajouter le nouveau point « assurer l'application des politiques et des lignes directrices relatives aux RH », elle n'a tout simplement pas produit de preuve convaincante ou de justification à l'appui de ces changements.

36 La fonctionnaire ne s'est pas acquittée du fardeau d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa description de travail ne constitue pas un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités. Je suis tout simplement incapable de conclure, à la lumière de la preuve dont je suis saisi, que la description de travail de la fonctionnaire omet l'une ou l'autre de ses fonctions ou responsabilités, ou que quelques-unes de ses fonctions ou responsabilités figurent sous la mauvaise rubrique ou le mauvais sous-titre.

37 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

38 Le grief est rejeté. J'ordonne la fermeture du dossier.

Le 19 novembre 2013.

Traduction de la CRTFP

Stephan J. Bertrand,
arbitre de grief


ANNEXE A






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