Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté le pouvoir d’un gestionnaire correctionnel de lui imposer une sanction pécuniaire à la suite d’une enquête disciplinaire - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas assisté à l’audience, mais y était représenté par son agent négociateur, qui a demandé un ajournement - le défendeur s’est opposé à l’ajournement - l’audience a été ajournée pour le reste de la journée et a repris le lendemain matin, mais le fonctionnaire s’estimant lésé était toujours absent - l’arbitre de grief a rejeté la demande d’ajournement et la représentante de l’agent négociateur s’est retirée de l’audience - le défendeur a ensuite présenté son argumentation et a déposé en preuve un [traduction] << Instrument de délégation des pouvoirs en matière de gestion des ressources humaines >>, démontrant que le gestionnaire correctionnel avait le pouvoir délégué d’imposer des mesures disciplinaires - les conclusions de l’employeur au sujet des agissements du fonctionnaire s’estimant lésé ou du niveau de discipline imposé n’étaient pas contestées dans le grief - le grief contestait le pouvoir du représentant du défendeur qui a imposé la mesure disciplinaire - d’après la preuve, il était autorisé à imposer cette mesure disciplinaire. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-11-22
  • Dossier:  566-02-6430
  • Référence:  2013 CRTFP 155

Devant un arbitre de grief


ENTRE

KEVIN BANSFIELD

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Bansfield c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michael F. McNamara, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Sheryl Ferguson, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN

Pour le défendeur:
Léa Bou Karam, avocate

Affaire entendue à Kitchener (Ontario),
les 23 et 24 octobre 2013.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 La présente affaire concerne un grief où le pouvoir d'imposer une sanction pécuniaire à la suite d'une enquête est remis en question.

2 Le 16 mai 2011, Kevin Bansfield, le fonctionnaire s'estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé le grief suivant :

[Traduction]

Le 11 mai 2011, j'ai été informé que j'étais visé par un processus disciplinaire privé, mené exclusivement par le gestionnaire correctionnel (GC) Donald H. Timmons. Le 10 mai 2011 (soit un jour avant de m'en avoir informé), le GC Timmons a dit à la conseillère en rémunération, C. Cloutier, dans une note de service du Service correctionnel du Canada (SCC), de m'imposer une sanction pécuniaire de 570.00 $. Mme Cloutier sait fort bien qu'un GC n'est pas autorisé à imposer de sanctions pécuniaires aux employés. Pourtant, elle l'a fait quand même.

3 À titre de réparation, le fonctionnaire a demandé ce qui suit : [traduction] « J'aimerais que le GC et l'agente de rémunération fassent l'objet de sanctions et de mesures disciplinaires pour leurs gestes à mon endroit. Je demande que me soit restitué l'argent qui m'a été soutiré de cette façon illégale et contraire à l'éthique ».

Résumé de la preuve

4 Au début de l'audience, la représentante de l'Union of Canadian Correctional Officers ― Syndicat des agents correctionnels du Canada ― CSN (l'« agent négociateur ») a fait savoir que le fonctionnaire n'était pas présent et qu'elle ne s'attendait pas à ce qu'il assiste à l'audience. Elle a ajouté qu'elle venait tout juste d'en informer le défendeur, soit le Conseil du Trésor.

5 J'ai demandé à la représentante de l'agent négociateur si M. Bansfield avait été informé de l'audience. Celle-ci et un témoin pour le défendeur ont affirmé que M. Bansfield était au courant. J'ai aussi été informé que si le fonctionnaire devait assister à l'audience, il arriverait à l'heure exacte et ne serait pas en retard. Les personnes présentes ne croyaient pas que le fonctionnaire se présenterait, sans toutefois avoir de preuve concrète de cette possibilité.

6 J'ai décidé d'attendre 15 minutes dans l'éventualité où le fonctionnaire serait tout simplement en retard.

7 À 9 h 45, la représentante de l'agent négociateur a indiqué qu'elle avait tenté de joindre le fonctionnaire, mais qu'elle n'avait pas obtenu de réponse. Elle a aussi fait savoir qu'elle n'aurait pas le mandat de poursuivre la procédure si le fonctionnaire ne se présentait pas; elle a demandé un ajournement.

8 L'avocate du défendeur s'est opposée à la demande d'ajournement. Elle a plutôt laissé entendre que le fonctionnaire avait renoncé à son grief, sans donner d'explication. Puisque l'agent négociateur n'avait pas le mandat de poursuivre les procédures et que le grief ne visait pas une convention collective, qui aurait alors nécessité la représentation de l'agent négociateur, le fonctionnaire avait de toute évidence renoncé à son grief. Les avocates des deux parties m'ont demandé de trancher en ce sens.

9 La représentante de l'agent négociateur a réitéré qu'elle n'avait pas le mandat de poursuivre les procédures et qu'elle n'avait pas reçu d'instruction du fonctionnaire. Elle m'a de nouveau demandé d'ajourner l'audience.

10 Après consultation auprès des parties et à la suite d'une demande de la représentante de l'agent négociateur de consulter ses mandants, l'audience a été ajournée jusqu'à 11 h.

11 À la reprise de l'audience, la représentante de l'agent négociateur m'a informé qu'une réunion avait eu lieu avec le fonctionnaire environ deux semaines auparavant. Le fonctionnaire s'était alors montré insatisfait de la représentation qu'il avait reçue. On lui avait alors remis une copie de l'avis d'audience. Le fonctionnaire ne retournait pas les messages téléphoniques laissés à sa résidence et avait demandé à l'agent négociateur de ne pas communiquer avec lui par courriel. La représentante de l'agent négociateur m'a demandé une autre fois d'ajourner l'audience.

12 La représentante du défendeur a réitéré son opposition à l'ajournement puisque le fonctionnaire ne s'était pas présenté, n'avait pas donné d'explication; le fonctionnaire était au travail le jour avant l'audience, il était au courant de la tenue de l'audience, et il avait choisi de ne pas y assister. Ce dernier aurait dû informer son agent négociateur de ses intentions; il ne l'a pas fait. La représentante du défendeur m'a renvoyé à Fletcher c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 39, et a demandé que je déclare l'abandon et le retrait du grief.

13 Après délibération, j'ai informé les parties que j'ajournais la procédure pour la journée et qu'elle reprendrait le lendemain matin. Ainsi, l'agent négociateur aurait plus de temps pour contacter le fonctionnaire par quelque moyen que ce soit. J'ai précisé que la situation serait réévaluée le lendemain.

14 J'ai aussi indiqué que, si le fonctionnaire ne se présentait pas le lendemain et qu'aucune raison acceptable n'était fournie justifiant son absence, je demanderais au défendeur de faire valoir ses arguments et que j'entendrais la preuve relativement à cette affaire.

15 Le lendemain, aucune autre explication n'a été donnée au sujet de l'absence du fonctionnaire. Les efforts pour le joindre n'ont pas porté fruit.

16 J'ai indiqué que l'audience se poursuivait. La représentante de l'agent négociateur avait demandé un ajournement, sans connaître toutefois les raisons particulières de l'absence du fonctionnaire. J'ai refusé sa demande.

17 En ce qui concerne la demande du défendeur de déclarer que le fonctionnaire avait renoncé à son grief, je ne pouvais invoquer Fletcher pour me prononcer à ce sujet car, dans cette affaire, la fonctionnaire s'estimant lésée avait clairement avisé les parties qu'elle n'assisterait pas à l'audience, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

18 La représentante de l'agent négociateur s'est alors retirée de la procédure.

19 J'ai demandé au défendeur de présenter ses arguments.

20 La représentante du défendeur a convoqué un témoin.

21 Donald H. Timmons est gestionnaire correctionnel (GC), classifié au groupe et niveau CX-04, au Service correctionnel du Canada (le « SCC »), à l'Établissement Grand Valley pour femmes, un établissement à niveaux de sécurité multiples. Il occupe le poste de GC depuis 2009 et a commencé à travailler au SCC en 2001.

22 Le défendeur a présenté une copie de la lettre datée du 10 mai 2011, qui portait sur une enquête sur la conduite du fonctionnaire. Cette lettre est signée par le GC Timmons et déclare en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Ainsi, conformément au pouvoir qui m'a été délégué dans l'« Instrument de délégation des pouvoirs en matière de gestion des ressources humaines » (publié sous l'autorité du commissaire du Service correctionnel du Canada, 2009-09-21), je prononce une sanction pécuniaire de 570.00 $ (qui correspond à trois jours de salaire).

23 Le défendeur a ensuite produit un exemplaire de l'« Instrument de délégation des pouvoirs en matière de gestion des ressources humaines ». Le GC Timmons a fait savoir qu'il l'avait consulté avant d'imposer la sanction pécuniaire au fonctionnaire. Il m'a renvoyé à la section sur les niveaux de délégation des pouvoirs attribués aux gestionnaires, où il est indiqué qu'à titre de GC, il était autorisé à imposer les sanctions suivantes :

  1. des réprimandes verbales ou écrites;
  2. des suspensions avec ou sans rémunération ou des sanctions pécuniaires, en attendant l'issue d'une enquête, d'au plus cinq jours ouvrables ou l'équivalent d'au plus cinq jours ouvrables inclusivement.

24 Le GC Timmons a déclaré qu'il avait vérifié et qu'il avait consulté les services des ressources humaines et des relations de travail du SCC, puisqu'il était relativement nouveau dans son rôle de GC à cette époque.

25 Il a été question du document d'autorisation dans la lettre disciplinaire; le document d'autorisation est accessible aux employés du SCC sur son site InfoNet.

Résumé de l'argumentation

26 La représentante du défendeur a soutenu que le grief portait sur le pouvoir d'imposer des mesures disciplinaires et que le GC Timmons avait ce pouvoir.

27 À l'appui de ses arguments, la représentante du défendeur a présenté le recueil de jurisprudence dans lequel cinq causes étaient citées :

  1. McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 26;
  2. Singaravelu c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 178;
  3. Union internationale des constructeurs d'ascenseurs, section locale 96 c. Otis Canada Inc. (2005) Can LII 37979 (CRT de l'Ontario);
  4. Stead et Weda c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 87;
  5. Phillips c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 67.

Motifs

28 Le grief dont je suis saisi ne concerne pas les agissements du fonctionnaire ni la sévérité de la mesure disciplinaire prise à son endroit, mais plutôt le pouvoir du défendeur à la prendre.

29 D'après l'ensemble de la preuve, qui n'a pas été contestée par le fonctionnaire absent, la représentante du défendeur a établi qu'à la suite d'une enquête, le GC Timmons avait infligé une sanction pécuniaire au fonctionnaire. La preuve a également démontré que le GC Timmons était investi du pouvoir délégué de prendre une telle mesure disciplinaire.

30 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

31 Le grief est rejeté.

Le 22 novembre 2013.

Traduction de la CRTFP

Michael F. McNamara,
arbitre de grief

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