Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée était une agente correctionnelle assujettie à une période de stage - l’administrateur général l’a renvoyée en cours de stage - la fonctionnaire s’estimant lésée a présenté un grief contestant son licenciement - l’administrateur général s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre ce grief - l’arbitre de grief a estimé que, compte tenu du fait que l’administrateur général avait satisfaisait aux exigences des articles61 et 62 de la LEFP en ce qui concerne le renvoi en cours de stage de la fonctionnaire s’estimant lésée, il incombait à la fonctionnaire s’estimant lésée de démontrer que son licenciement reposait de façon factice sur la LEFP, qu’il constituait un subterfuge ou un camouflage - bien que le processus utilisé pour évaluer le rendement de la fonctionnaire s’estimant lésée comportait certaines failles, la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas été en mesure de démontrer que la décision de la licencier reposait sur un motif autre que l’insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à ses aptitudes à remplir les fonctions de son poste. Compétence non assumée. Dossier clos par ordonnance.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-01-07
  • Dossier:  566-02-3889
  • Référence:  2013 CRTFP 2

Devant un arbitre de grief


ENTRE

LARINE FELL

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Fell c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Beth Bilson, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésée:
Andrea Tait, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour le défendeur:
Karen Clifford, avocate

Affaire entendue à Saskatoon (Saskatchewan),
du 17 au 20 juillet 2012.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Larine Fell, la fonctionnaire s'estimant lésée (la « fonctionnaire »), a été embauchée par le Service correctionnel du Canada (le « SCC ») à titre d'agente correctionnelle 1 (« CX-01 »); elle est entrée en fonction le 15 novembre 2008. Elle travaillait au Centre psychiatrique régional de Saskatoon (l'« établissement »). L'établissement est à la fois un centre de détention et un établissement de soins de santé où des soins psychologiques et psychiatriques sont prodigués et où des programmes sont élaborés à l'intention de détenus provenant de partout au pays qui y sont placés à titre temporaire. La fonctionnaire a été renvoyée en cours de stage le 18 décembre 2009. Elle a présenté un grief contestant son licenciement.

2 Dans une lettre datée du 31 décembre 2010, le SCC s'est opposé à la compétence d'un arbitre de grief pour ce grief, et l'avocate du SCC a réitéré cette opposition en début d'audience. L'avocate du SCC a souligné que l'article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP ») édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, prévoyait le renvoi à l'arbitrage d'un grief individuel dans certaines circonstances sous réserve de l'exception stipulée à l'article 211, lequel est libellé comme suit :

211. L'article 209 n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique […]

3 L'article 61 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle LEFP »), édictée par les articles 12 et 13 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, prévoit que toute personne nommée par nomination externe est assujettie à une période de stage. L'article 62 de la nouvelle LEFP précise que, durant la période de stage, l'employeur peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi à une certaine date ou de lui verser une indemnité tenant lieu de préavis. Les articles 61 et 62 sont libellés comme suit :

61. (1) La personne nommée par nomination externe est considérée comme stagiaire pendant la période :

a) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d'une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques […]

[…]

(2) Une nouvelle nomination ou une mutation n'interrompt pas la période de stage.

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l'administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d'une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques […]

[…]

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

(2) Au lieu de donner l'avis prévu au paragraphe (1), l'administrateur général peut aviser le fonctionnaire de la cessation de son emploi et du fait qu'une indemnité équivalant au salaire auquel il aurait eu droit au cours de la période de préavis lui sera versée. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire à la date fixée par l'administrateur général.

4 L'avocate du SCC a fait valoir que l'article 211 de la LRTFP et les articles 61 et 62 de la nouvelle LEFP établissaient clairement qu'un arbitre de grief n'a pas compétence pour instruire un grief portant sur un renvoi en cours de stage. Elle a toutefois reconnu que, selon la jurisprudence, un arbitre de grief pouvait avoir compétence dans des circonstances particulières, soit lorsque le renvoi en cours de stage n'est pas lié à l'emploi et que les faits invoqués constituent un « subterfuge » ou un « camouflage » afin de cacher un motif inacceptable de renvoi, par exemple la discrimination. Elle a soutenu que le fardeau de la preuve qui incombait au SCC consistait à démontrer que les circonstances du licenciement correspondaient aux critères de la nouvelle LEFP, c'est-à-dire que la fonctionnaire était au service du SCC au moment du licenciement, que le licenciement avait eu lieu pendant la période de stage, et que le préavis du renvoi ou l'indemnité tenant lieu de préavis, selon le cas, avait dûment été remis à la fonctionnaire. Bien que le SCC ne soit pas tenu d'établir le motif du renvoi, l'avocate du SCC a reconnu qu'il était pratique courante pour le SCC d'énoncer le motif sur lequel se fondait un renvoi en cours de stage. Il incombait alors à la fonctionnaire de démontrer que le motif invoqué par le SCC n'était en fait qu'un subterfuge qui cachait un motif illégitime.

5 En ce qui concerne l'objection à la compétence, il incombe à la fonctionnaire de satisfaire à l'obligation de démontrer que les motifs invoqués lors de son renvoi en cours de stage n'étaient pas liés à son aptitude à exercer les fonctions de son poste. Ainsi, je réserve ma décision concernant l'objection à la compétence à la fin de l'audience.

Résumé de la preuve

6 Le SCC a cité trois témoins lors de l'interrogatoire principal : Lynn McMurtry, directrice générale de l'établissement à l'époque où la fonctionnaire y travaillait; Chad Martin, le gestionnaire correctionnel qui supervisait la fonctionnaire à l'époque pertinente; Casey Sullivan, maintenant gestionnaire correctionnel, qui était un agent correctionnel 2 (« CX-02 ») à l'établissement à l'époque pertinente. La fonctionnaire a cité Heather Giles et Mary Culbertson, toutes les deux CX-02, et elle-même, à témoigner. Lors de la réplique, le SCC a cité à témoigner Grace Chopty, gestionnaire correctionnelle et Danielle Marshall, CX-02.

7 Mme McMurtry était au service du SCC depuis vingt-six ans au moment de l'audience; elle est actuellement sous-commissaire adjointe des Services corporatifs du SCC, région des Prairies. À l'époque où la fonctionnaire travaillait à l'établissement, Mme McMurtry en était la directrice générale, un poste équivalent à celui de directeur dans d'autres établissements correctionnels. Étant donné la mission à la fois clinique et correctionnelle de l'établissement, un titre distinct est donné au poste de dirigeant principal de l'établissement pour tenir compte de cette particularité.

8 Mme McMurtry a témoigné qu'elle connaissait très bien les attentes en ce qui a trait au poste d'agent correctionnel à cet établissement. En effet, en plus d'y avoir occupé divers postes de direction, elle y a déjà exercé les fonctions d'agent correctionnel. À titre de directrice générale, elle ne supervisait pas directement le travail des agents correctionnels ou des gestionnaires correctionnels; toutefois, mais la supervision, dans son ensemble, des questions de ressources humaines faisait partie de ses responsabilités. Ultimement, c'est elle qui a décidé d'aller de l'avant avec le renvoi en cours de stage de la fonctionnaire, et qui a signé la lettre avisant cette dernière de la décision. Cette lettre (pièce E-2), datée du 18 décembre 2009, avisait la fonctionnaire qu'elle recevrait un mois de salaire au moment de son licenciement.

9 Mme McMurtry a remarqué que le renvoi en cours de stage avait été effectué plus de douze mois après l'entrée en fonction de la fonctionnaire, bien que la lettre d'offre d'emploi (pièce E-1) fasse état d'une période de stage de douze mois. La période de stage avait été prolongée (pièce E-10) parce que la fonctionnaire s'était absentée du travail, pour congé de maladie, du 17 juillet au 31 août 2009. Mme McMurtry a précisé que l'absence de la fonctionnaire pour congé de maladie n'avait eu aucune influence sur la décision de la renvoyer en cours de stage.

10 Mme McMurtry a témoigné que, avant de signer la lettre de renvoi en cours de stage de la fonctionnaire, elle avait consulté la directrice des Ressources humaines, Caleigh Miller, ainsi que le superviseur immédiat de la fonctionnaire, M. Martin. Elle avait alors compris que leurs préoccupations portaient surtout sur la réaction de la fonctionnaire lorsqu'elle était confrontée à des situations critiques. Ils ont mentionné des cas où la fonctionnaire semblait se figer et où ses mains tremblaient alors qu'elle était confrontée à des situations comportant un niveau de stress élevé. Les cas qu'ils ont relevés s'étaient produits surtout dans l'unité Churchill, une unité réservée aux détenues de l'établissement. Dans un même ordre d'idée, ils ont mentionné que la fonctionnaire, alors qu'elle était affectée au poste PC36, ne participait pas suffisamment à la patrouille des lieux, restant plutôt au poste de contrôle principal. Il a aussi été question du fait qu'elle avait tendance à quitter l'unité lorsqu'un conflit survenait au lieu d'intervenir. Un incident où la fonctionnaire a refusé de suivre les consignes d'un gestionnaire correctionnel a également été signalé à l'attention de Mme McMurtry.

11 Selon Mme McMurtry, M. Martin aurait rencontré la fonctionnaire à plusieurs reprises pour discuter de son rendement au travail. Mme Miller était présente à au moins une de ces occasions. De même, un représentant de l'agent négociateur de la fonctionnaire, la Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN, était présent à au moins une de ces occasions.

12 Mme McMurtry a dit que l'unité Churchill comptait généralement un nombre élevé de cas très complexes. L'automutilation, les agressions et les menaces d'agression à l'endroit du personnel, les altercations entre détenues et les dommages aux biens matériels y étaient chose courante. Selon elle, les agents correctionnels jouent un rôle clé lors de ces événements. La capacité d'intervenir immédiatement et efficacement est essentielle pour assurer la protection des détenues et du personnel et, en fin de compte, du public. L'incapacité d'un agent correctionnel à intervenir dans de telles situations serait particulièrement préoccupante, et susciterait des doutes quant à l'aptitude de l'agent correctionnel à accomplir ce travail. Bien que la fonctionnaire, en tant que CX-01, ne soit affectée à aucune unité en particulier, il est attendu des CX-01 qu'ils agissent à titre de « premiers intervenants » lors d'événements critiques, et il est donc important que ceux-ci soient en mesure d'intervenir de manière efficace à n'importe quel endroit dans l'établissement.

13 Mme McMurtry a précisé que le fait que les employés de l'établissement puissent se fier à leurs collègues agents correctionnels est un élément fondamental de la culture de l'établissement, et la mise en place d'un tel lien de confiance est importante pour les nouveaux employés. Elle a signalé qu'il y avait eu plusieurs nouveaux agents correctionnels embauchés durant la période où la fonctionnaire travaillait à l'établissement, et qu'elle n'avait pas eu vent de doléances quant au rendement de ces nouveaux agents.

14 Outre les renseignements obtenus auprès de Mme Miller et de M. Martin, Mme McMurtry a affirmé que plusieurs agents correctionnels lui avaient fait part directement de leur manque de confiance à l'égard de la capacité de la fonctionnaire à intervenir rapidement dans des situations critiques. Mme McMurtry a souligné qu'il était inhabituel que des agents correctionnels l'abordent ainsi directement pour lui faire part de leurs commentaires au sujet du rendement au travail d'un collègue. Selon sa propre expérience, ils en parleraient habituellement à quelqu'un occupant un rang inférieur dans la chaîne de commandement.

15 Mme McMurtry a affirmé que le SCC avait beaucoup investi dans la formation de la fonctionnaire dans le but de l'aider à devenir une agente correctionnelle efficace. Mme McMurtry a notamment fait état de la liste des activités de formation (pièce E-3) suivies par la fonctionnaire, en plus des onze semaines de formation à temps plein qui lui avaient été données avant la nomination à son poste. Mme McMurtry a souligné qu'il était dans l'intérêt supérieur de l'établissement de s'assurer du succès de ses agents correctionnels, et qu'à titre de directrice générale, elle était consciente du fait qu'il fallait que l'établissement puisse compter sur des agents correctionnels qualifiés pour exercer les fonctions requises lors de l'exploitation de l'établissement. Elle était convaincue que des mesures raisonnables avaient été prises pour aider la fonctionnaire à satisfaire aux normes, et que les attentes et les doléances avaient dûment été abordées avec la fonctionnaire avant la décision de la renvoyer en cours de stage.

16 En contre-interrogatoire, Mme McMurtry a reconnu qu'elle n'avait pas observé elle-même la fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions. Elle a reconnu s'être fiée aux informations fournies par d'autres personnes pour en arriver à la décision que la fonctionnaire devait être renvoyée en cours de stage. Elle a ajouté qu'elle était persuadée que le superviseur de la fonctionnaire et le service des ressources humaines avaient procédé selon les règles de l'art. Lorsqu'elle a été interrogée de nouveau, elle a affirmé qu'il était nécessaire qu'elle puisse se fier aux gestionnaires correctionnels pour s'acquitter de leurs fonctions comme il se doit. Les gestionnaires correctionnels sont formés pour s'acquitter de ces responsabilités. De plus, en son absence ou en l'absence d'autres membres de l'équipe de direction, ils deviennent les gestionnaires principaux de l'établissement. Elle a souligné qu'elle avait personnellement confiance en M. Martin et qu'elle n'entretenait aucun doute quant au fait qu'elle pouvait se fier à son évaluation au sujet de la compétence de la fonctionnaire.

17 En contre-interrogatoire, Mme McMurtry a également été appelée à décrire le processus de nomination des gestionnaires correctionnels. Elle a expliqué que les gestionnaires correctionnels possédaient généralement davantage d'expérience que les agents correctionnels, puisqu'ils étaient souvent issus des rangs des CX-02. Il existe un processus de concours établi pour la sélection des gestionnaires correctionnels, comportant des examens et des entrevues visant à évaluer leurs aptitudes et leurs qualités personnelles. Elle a reconnu qu'il arrivait que des gestionnaires correctionnels puissent à l'occasion être nommés à titre intérimaire sans avoir participé à un concours et elle a indiqué qu'il y avait parfois une pénurie de candidats dans le bassin des gestionnaires correctionnels qualifiés.

18 La représentante de la fonctionnaire a questionné Mme McMurtry au sujet du programme d'aide aux employés (PAE) et de la procédure de gestion du stress lié aux incidents critiques. Mme McMurtry a indiqué que les employés pouvaient se prévaloir du PAE en y recourant directement par eux-mêmes lorsqu'ils estiment qu'ils ont besoin d'aide pour faire face au stress ou à d'autres problèmes personnels. L'équipe de gestion du stress lié aux incidents critiques est constituée de bénévoles issus de divers postes au sein de l'établissement. Ces derniers reçoivent une formation pour apporter du soutien aux employés après un incident critique. Ce n'est pas la direction de l'établissement, mais l'équipe qui décide si une intervention est indiquée suivant les circonstances. Mme McMurtry ne savait pas si l'on avait proposé à la fonctionnaire de recourir au PAE ou si elle avait été visée par une intervention de la part de l'équipe de gestion du stress lié aux incidents critiques.

19 M. Martin a témoigné qu'il était au service du SCC depuis seize ans au moment de la tenue de l'audience, et qu'au mois de septembre 2012, il occupait depuis cinq ans un poste de gestionnaire correctionnel à l'établissement. Il a témoigné que ses principales responsabilités à ce titre consistaient à superviser les agents correctionnels. Cela consiste notamment à les affecter quotidiennement à leur poste respectif, à les informer de la situation courante, à gérer leur travail quotidien et à gérer les situations critiques qui peuvent survenir. Il a précisé qu'en plus des séances d'information quotidiennes, lui-même ainsi que d'autres gestionnaires correctionnels faisaient régulièrement des rondes dans l'établissement, visitant les diverses unités et se tenant au fait de ce qui se passait dans l'établissement. Les agents correctionnels se rendent régulièrement au bureau des gestionnaires correctionnels pour vérifier des informations avec eux ou organiser des sorties sous escorte à l'extérieur de l'établissement. Les gestionnaires correctionnels assurent également la tenue des dossiers et doivent produire les rapports habituels.

20 M. Martin a expliqué que, durant le quart de jour, soit du lundi au vendredi de 8 h à 16 h, il pouvait y avoir cinq ou six gestionnaires correctionnels dans l'établissement. En dehors de cet horaire, il pouvait y en avoir qu'un seul en poste. Il est impératif que les agents correctionnels suivent les consignes des gestionnaires correctionnels, car toutes les informations au sujet des mesures qui doivent être prises dans l'établissement transitent par les gestionnaires correctionnels. Les détenus de l'établissement sont des hommes et des femmes, des délinquants pouvant être classés au niveau de sécurité minimale ou maximale selon le cas; ils peuvent manifester divers troubles psychologiques ou comportementaux. Il est impossible de prédire quand des situations problématiques surviendront dans un tel environnement. Il peut se produire deux ou trois incidents critiques au cours d'une même journée, notamment des agressions sur un membre du personnel ou envers d'autres détenus ou des comportements autodestructeurs comme mettre le feu, se couper ou se cogner la tête contre un mur. L'avocate du SCC a présenté à M. Martin un document produit par la représentante de la fonctionnaire (pièce E-4), dans lequel figure un tableau présentant le nombre d'incidents critiques s'étant produits à divers moments. Le tableau indique qu'il y a eu 574 incidents de cette nature en 2009, soit un peu moins de deux par jour. M. Martin a expliqué que deux détenues de l'établissement durant cette période avaient accaparé à elles seules beaucoup de ressources, mais qu'il y avait également eu des incidents dans d'autres unités. Il a signalé qu'alors qu'il était en poste à l'établissement, il y avait eu deux prises d'otages.

21 L'avocate du SCC a montré à M. Martin les descriptions de travail des postes CX-01 et CX-02 (pièces E-5 et E-6). M. Martin a dit qu'il était bien au fait des fonctions exercées par les titulaires de ces deux classifications. Il a en outre déjà exercé ces fonctions, en plus de superviser des titulaires de postes classifiés à ces niveaux. Il a souligné que dans la description de travail des deux classifications, il est précisé que les agents correctionnels doivent intervenir en temps opportun lorsque la situation le nécessite, demeurer calmes dans une situation d'urgence et qu'ils doivent s'être familiarisés avec l'utilisation du matériel de sécurité à leur disposition et intervenir lors de situations menaçantes ou d'incidents violents. Il a signalé que ces descriptions d'emploi avaient une portée nationale, leur application n'étant pas restreinte à cet établissement seulement.

22 M. Martin a témoigné qu'il avait organisé, par courriel (pièce E-7), une discussion avec la fonctionnaire le 10 septembre 2009, soit peu après son retour de congé de maladie. Il a affirmé qu'il y avait notamment été question du retour de la fonctionnaire à l'établissement. À cette occasion, elle a indiqué qu'elle ne pouvait envisager de travailler à titre intérimaire dans un poste classifié CX-02 à l'unité Churchill, mais qu'elle pourrait travailler à l'établissement à titre de CX-01. M. Martin lui a précisé qu'à titre de CX-01 elle pouvait être appelée à intervenir dans des situations pouvant se produire dans l'unité Churchill, et elle lui a indiqué qu'elle serait capable de le faire. M. Martin a précisé qu'il lui avait demandé si elle aurait besoin d'une mesure d'adaptation pour son retour au travail; la fonctionnaire a indiqué qu'elle n'en aurait pas besoin, à part le fait de ne pas être affectée à l'unité Churchill à titre de CX-02, ce qui aurait exigé qu'elle y travaille régulièrement. M. Martin a expliqué que les CX-02 sont affectés à une unité en particulier, et y sont notamment chargés d'assurer la sécurité « active » et la gestion de cas en participant à des interactions habituelles avec le groupe de détenus dans l'unité, alors que les CX-01 sont chargés d'assurer une sécurité « passive », dont la surveillance de l'entrée, les patrouilles dans l'établissement et les interventions lors d'appels à l'aide dans les unités. Étant donné la pénurie continue de CX-02, il est relativement courant que des CX-01 soient nommés à des postes de CX-02 à titre intérimaire; la fonctionnaire semblait préoccupée par le fait qu'on pourrait lui demander d'exercer de telles fonctions dans l'unité Churchill. M. Martin a indiqué qu'il ne s'était pas opposé à la demande de la fonctionnaire.

23 M. Martin a dit qu'il avait par la suite rencontré la fonctionnaire le 7 octobre 2009 afin de discuter des conclusions du rapport d'évaluation de son rendement portant sur une période de neuf mois, soit du 15 novembre 2008 au 14 septembre 2009. Une copie du rapport et de l'annexe qui l'accompagnait (pièce E-8) a été remise à la fonctionnaire. En contre-interrogatoire, M. Martin a admis qu'en principe, il aurait également dû préparer des rapports d'évaluation trimestriels à partir du début de la période du stage, mais qu'il avait été trop occupé pour les préparer.

24 Durant cette rencontre, M. Martin a passé en revue les divers éléments faisant l'objet du rapport d'évaluation. Dans le rapport, on fait notamment état de la demande de la fonctionnaire de ne pas être affectée à titre de CX-02 à l'unité Churchill; il y était indiqué que l'une des conséquences de cette demande pourrait être la perte d'occasions de travailler des heures supplémentaires. Le rapport faisait également état du fait que l'absence de la fonctionnaire pour congé de maladie pendant l'été 2009 avait créé un solde déficitaire dans sa banque de congés de maladie. M. Martin a signalé que ces éléments n'avaient pas été inscrits au rapport comme préoccupations liées au rendement, mais plutôt à titre documentaire en vue de souligner qu'ils avaient été portés à l'attention de la fonctionnaire. En ce qui concerne l'utilisation par la fonctionnaire d'heures de sa banque de congés pour se rendre chez son chiropraticien, M. Martin a indiqué qu'il voulait signaler à la fonctionnaire qu'elle avait possiblement présenté cette demande sous une catégorie erronée de congé. En contre-interrogatoire, M. Martin a précisé que dans le cadre de ses fonctions de supervision, il devait vérifier les heures de travail et de congé prises par les fonctionnaires, et que c'était pour cette raison qu'il avait inclus ces observations dans le rapport d'évaluation du rendement de la fonctionnaire.

25 M. Martin a souligné que Mme Miller lui avait dit que la fonctionnaire avait pris un congé de maladie à la suite d'incidents qui s'étaient produits à l'unité Churchill; la fonctionnaire avait alors présenté une demande d'indemnisation d'accident du travail qui avait été refusée; elle avait alors choisi de prendre un congé de maladie. Lors de la rencontre du 7 octobre 2009, M. Martin a mentionné à la fonctionnaire qu'elle pouvait avoir recours aux services offerts par le PAE pour l'aider à améliorer ses aptitudes à composer avec ces situations.

26 M. Martin a témoigné que, normalement, il aurait pu se contenter de préparer seulement le rapport d'évaluation du rendement après neuf mois de stage, mais qu'il avait aussi préparé une annexe en raison des problèmes qui avaient été soulevés au sujet du rendement de la fonctionnaire. À la première page de l'annexe, la difficulté manifestée par la fonctionnaire à réagir [traduction] « de façon calme », ainsi que son [traduction] « ton paniqué » en communiquant par la radio, y sont mentionnés. M. Martin a indiqué qu'il y avait décrit un incident où la fonctionnaire avait demandé de l'aide dans l'unité Churchill, soulignant que sa voix, lors de la transmission radio était [traduction] « aiguë » et que ses paroles étaient [traduction] « peu claires ». M. Martin a expliqué qu'il lui avait souligné l'importance de communiquer clairement lorsqu'elle utilisait la radio, de manière à ce que les autres agents correctionnels puissent savoir où ils doivent se rendre et la nature de la situation à laquelle ils doivent s'attendre à être confrontés. Lors d'une autre situation relatée à M. Martin, la fonctionnaire s'exprimait [traduction] « presque en criant » lorsqu'elle communiquait par radio pour faire savoir qu'elle était en route pour porter assistance à un autre agent. M. Martin a indiqué qu'il avait dit à la fonctionnaire que la clarté des communications était nécessaire pour des considérations d'ordre sécuritaire, car les gestionnaires correctionnels et les autres personnes impliquées devaient être en mesure de suivre le déroulement de la situation.

27 M. Martin a souligné que la difficulté de la fonctionnaire à prendre des décisions soulevait également des préoccupations. Cela semblerait être un des facteurs ayant influé le souhait de la fonctionnaire de ne pas être affectée à titre de CX-02 dans l'unité Churchill; bien qu'il ne se soit pas opposé à cette demande en soi, M. Martin a souligné que les CX-01 devaient également être prêts à prendre des décisions. Tel qu'il l'a mentionné, tous les agents correctionnels sont appelés à prendre [traduction] « un million de décisions par jour » et doivent être en mesure de les prendre rapidement. Bien que les CX-02 soient responsables de certaines unités, les CX-01 sont également appelés à prendre des décisions importantes.

28 M. Martin a précisé que la fonctionnaire avait indiqué qu'elle était d'accord avec le contenu du rapport d'évaluation de son rendement après neuf mois de travail. La fonctionnaire a reconnu qu'elle avait de la difficulté avec certains aspects du travail. Elle a eu l'occasion d'étudier le rapport et y a apposé sa signature le 20 novembre 2009, indiquant qu'elle était d'accord avec l'évaluation.

29 Une autre rencontre a eu lieu le 15 octobre 2009 afin d'aviser la fonctionnaire que son stage serait prolongé en raison de son absence pour congé de maladie durant l'été. Selon M. Martin, il a indiqué à la fonctionnaire lors de cette rencontre le but de la période de stage, et que le fait de ne pas satisfaire aux objectifs de rendement pourrait mener à son renvoi.

30 M. Martin a ajouté qu'il avait rencontré de nouveau la fonctionnaire le 1er novembre 2009; il a résumé la teneur de cette conversation dans un courriel transmis à Mme Miller le 3 novembre (pièce E-11). Lors de cette conversation, la fonctionnaire et lui ont eu une discussion générale à propos de la fonctionnaire, de comment elle allait. La fonctionnaire a alors indiqué qu'elle commençait à se sentir plus à l'aise dans son travail. Ils ont également discuté plus particulièrement d'un incident qui s'était produit le 9 octobre. Dans un courriel adressé à M. Martin (pièce E-12), Mme Chopty a indiqué qu'elle avait téléphoné à la fonctionnaire pour lui demander d'effectuer une fouille de la cour de l'unité Mackenzie, puis de laisser ensuite sortir les détenus pour leur période d'exercice. Mme Chopty a précisé qu'elle avait dit à la fonctionnaire que le service d'entretien avait été appelé pour enlever les débris de vitres d'une fenêtre qui avait été fracassée, et qu'il fallait seulement procéder à une fouille sommaire pour s'assurer que tous les éclats de verre avaient été enlevés. M. Martin a été informé que la fonctionnaire avait alors dit à Mme Chopty qu'elle n'acceptait que les consignes provenant du gestionnaire correctionnel du Bureau opérationnel, et qu'elle ne voulait pas être responsable de la fouille de la cour parce que celle-ci était recouverte de neige. M. Martin a dit qu'il avait été déçu d'apprendre que la fonctionnaire avait répondu de cette manière à une gestionnaire correctionnelle. Au cours de leur conversation du 1er novembre, il a dit à la fonctionnaire que sa réponse avait été inappropriée. La fonctionnaire lui a dit qu'elle ne savait pas qui était Mme Chopty quand celle-ci l'a appelée; M. Martin lui a répondu qu'elle aurait dû poser la question au lieu de lui répondre de cette façon. Il a conseillé à la fonctionnaire de communiquer avec Mme Chopty à ce sujet. Il a ensuite vérifié auprès de Mme Chopty pour savoir si la fonctionnaire avait suivi sa recommandation à ce sujet.

31 M. Martin a indiqué qu'en raison des préoccupations qui avaient été soulevées relativement au rendement de la fonctionnaire, il avait dressé une liste d'objectifs pour son stage, en consultation avec Mme Miller. Il a communiqué le document en question (pièce E-14) à la fonctionnaire lors d'une autre rencontre qu'il a eue avec elle le 12 novembre 2009. Les objectifs énumérés dans ce document étaient les suivants :

[Traduction]

1. Communiquer efficacement avec vos superviseurs et/ou gestionnaires, afin d'assurer la compréhension réciproque en ce qui concerne le rendement attendu et les fonctions à accomplir.

2. Aider et intervenir efficacement dans les situations de conflit. À titre d'AC-I, vous êtes tenue d'intervenir dans les situations de conflit ou d'automutilation. Vous êtes non seulement tenue d'intervenir, mais également d'aider à désamorcer la situation en prenant toutes les mesures nécessaires conformément au module de gestion des situations. Dans le cadre de cet objectif, vous devez être capable de démontrer que vous pouvez vous adapter à des situations changeantes et prendre les mesures qui s'imposent. Vous devez également être en mesure de composer avec de telles situations de façon saine, afin de maintenir un mode de vie sain tant au travail qu'à la maison.

3. Participer à la sécurité active et assurer une présence active au sein de l'établissement, notamment en étant présente aux activités et dans les unités lorsque votre présence n'est pas requise à d'autres activités de sécurité.

4. Réduire le nombre de pauses que vous prenez actuellement de façon à vous conformer à ce qui est prévu à la convention collective à cet égard.

5. Communiquer efficacement dans le cadre des transmissions par radio lors de situations à stress élevé, de manière à ce que vos collègues comprennent la situation et qu'ils puissent intervenir de manière appropriée.

6. Manifester de la confiance en soi et dans les décisions que vous prenez et être en mesure de rendre compte de vos actions de manière transparente et constructive.

7. Être capable d'utiliser le matériel de sécurité de manière efficace (menottes, aérosol capsique, système de contrainte Pinel, etc.) et être capable d'aider les autres lors de l'utilisation de ce matériel.

Lors de la rencontre du 12 novembre, la fonctionnaire a apposé sa signature à ce document en guise d'attestation.

32 Le 20 novembre 2009, M. Martin a envoyé un courriel à Mme Miller (pièce E-15) pour l'informer qu'il avait reçu un rapport émanant d'un [traduction] « agent supérieur » relativement à un incident qui s'était produit le 1er novembre impliquant la fonctionnaire. Le rapport faisait état du rôle de la fonctionnaire lors de la mise en place du système de contrainte Pinel, un dispositif employé, sur autorisation d'un psychiatre, pour retenir un détenu s'adonnant à des comportements autodestructeurs ou violents. Bien que ce dispositif puisse être employé pour confiner un détenu à une chaise ou à un lit, dans ce cas-ci on a choisi d'utiliser la plateforme de contrainte Pinel. Il s'agit d'une plateforme mesurant sept pieds de long, dotée de sept sangles de contrainte pouvant être attachées aux bras, aux jambes, autour de la poitrine et autour des épaules de l'individu. Le système de contrainte est constitué de sangles retenues à la plateforme à l'aide d'un fermoir magnétique.

33 M. Martin a affirmé qu'à la suite de sa conversation avec la CX-02 qui a signalé l'incident du 1er novembre 2009, Mme Marshall, il avait compris que la fonctionnaire était intervenue avec d'autres agents correctionnels lors d'un événement qui s'est soldé par l'utilisation du système de contrainte Pinel auprès d'un détenu. Selon le récit de Mme Marshall, la fonctionnaire a été lente à intervenir activement pour aider à mettre en place le dispositif de contrainte, et ses mains tremblaient. Lorsqu'elle s'est enfin décidée à intervenir, elle a eu beaucoup de difficulté à appliquer les sangles de contrainte, et un autre agent a alors dû intervenir à sa place en se penchant au-dessus du corps du détenu, exposant cet agent à un risque accru d'être blessé lui-même par le détenu. M. Martin a signalé que ce qui lui apparaissait comme étant le plus significatif à retenir de cet incident, à son avis, était que l'incident soit survenu si près de la fin de la période de stage de la fonctionnaire et qu'elle semblait avoir encore de la difficulté à composer avec ce genre de situation. M. Martin m'a renvoyée à un courriel envoyé par Mme Marshall après cet incident, remerciant ses collègues pour leur aide (pièce E-16); il en a parlé à Mme Marshall, et celle-ci lui a dit qu'elle avait toujours des réserves au sujet du rendement de la fonctionnaire. Elle avait notamment inscrit dans le courriel que [traduction] « […] [S]i quelqu'un a des questions, des commentaires ou des préoccupations à formuler au sujet des événements d'hier […], n'hésitez à m'en faire part et nous pourrions en discuter ». Elle a dit à M. Martin qu'elle avait écrit cela afin de donner l'occasion à la fonctionnaire de discuter avec elle de la manière dont l'incident s'était déroulé.

34 M. Martin a également affirmé qu'il avait eu une conversation en novembre 2009 avec M. Sullivan, qui lui avait alors dit que des agents correctionnels lui avaient confié qu'ils avaient des préoccupations au sujet du rendement de la fonctionnaire. Il s'agissait notamment de préoccupations quant à l'aptitude de la fonctionnaire à intervenir de manière efficace lors de situations stressantes, mais également relativement au fait qu'elle prenait des pauses pour aller fumer plus longues que ce qui est permis en vertu de la convention collective. M. Martin a dit qu'il avait abordé ce sujet avec la fonctionnaire, laquelle lui avait répondu qu'elle essaierait de diminuer la longueur de ses pauses; elle semblait toutefois [traduction] « un peu offusquée », et lui avait rétorqué quelque chose comme [traduction] « […] bien, si d'autres agents correctionnels le font, pourquoi est-ce que je ne pourrais pas le faire? ». M. Martin a précisé qu'il trouvait un peu difficile d'encadrer la fonctionnaire, car elle semblait plutôt réticente à assumer la responsabilité des préoccupations qui avaient été soulevées.

35 M. Martin a rencontré la fonctionnaire vers la fin du mois de novembre 2009 pour lui demander si elle pensait qu'il serait bon qu'elle suive une formation plus approfondie sur l'utilisation du système de contrainte Pinel. Il lui a indiqué qu'elle devrait refaire la formation d'une journée complète portant sur ce système. La liste des activités de formation (pièce E-3) indique qu'elle a refait la formation de base portant sur le système Pinel le 6 décembre. M. Martin a témoigné que, lorsqu'il a discuté avec elle de la raison pour laquelle il estimait qu'elle devrait refaire la formation d'une journée complète plutôt que la formation théorique d'une demi-journée donnée à titre de rappel à l'intention du personnel expérimenté, la fonctionnaire a rétorqué qu'elle n'avait pas besoin de suivre la formation d'une journée, et qu'on devrait lui permettre de suivre la formation d'une demi-journée seulement. Selon M. Martin, cela démontrait qu'elle ne saisissait pas à quel point elle ne maîtrisait pas le fonctionnement du système de contrainte.

36 M. Martin a organisé une rencontre avec la fonctionnaire, prévue le 9 décembre 2009, pour lui communiquer le rapport final d'évaluation de son rendement à la suite de ses douze mois de stage (pièce E-18) et en discuter avec elle. Le rapport indiquait qu'il y avait encore des préoccupations au sujet de son rendement, notamment en ce qui a trait à son aptitude à intervenir dans les situations critiques. Lors de la rencontre, la fonctionnaire a admis qu'elle n'avait pas encore atteint les exigences des normes à 100 %, mais qu'elle les avait atteints à 60 ou 70 %. M. Martin a dit que cela le préoccupait de savoir qu'un agent correctionnel, qui travaillait à l'établissement depuis presque une année et qui avait reçu de nombreux conseils et eu amplement l'occasion de parfaire sa formation, jugeait, de son propre aveu, que son degré de maîtrise des aptitudes requises se situait à un tel niveau.

37 M. Martin a donné à la fonctionnaire quelques jours pour réfléchir au contenu du rapport d'évaluation de son rendement après douze mois de stage. Lors de la rencontre qui a suivi, le 14 décembre 2009, elle a signé la partie du formulaire indiquant qu'elle était en désaccord avec les conclusions de l'évaluation, mais n'a pas joint au formulaire, comme prévu dans celui-ci, un énoncé des motifs de son désaccord. Elle a dit à M. Martin qu'elle était en désaccord avec deux des conclusions du rapport. Une de ces conclusions portait sur la description de l'incident en lien avec son interaction avec Mme Chopty; selon la fonctionnaire, cela ne devrait pas être considéré comme de l'insubordination et elle a nié qu'elle avait indûment tardé à présenter des excuses à Mme Chopty. L'autre conclusion portait sur la nécessité d'une formation d'une journée complète sur le système de contrainte Pinel, qu'elle contestait; elle estimait en effet qu'une formation d'appoint d'une demi-journée aurait été suffisante.

38 Dans l'ensemble, l'évaluation effectuée par M. Martin concluait que la fonctionnaire n'était pas une candidate apte à occuper un poste permanent. M. Martin a signalé que, même si elle arrivait à acquérir le degré de compétence requis pour maîtriser complètement l'utilisation du système de contrainte Pinel, elle ne serait pas pour autant apte à occuper le poste en question. Sa réticence à affronter des situations critiques et sa propension à trembler dans de telles situations nuisaient à son aptitude à exercer ses fonctions. En tant que gestionnaire correctionnel, il estimait qu'il était important d'avoir confiance aux agents correctionnels affectés à différentes tâches et d'avoir l'assurance qu'ils [traduction] « rentreront chez eux en toute sécurité » parce qu'ils auront pris des décisions judicieuses. Dans le cas de la fonctionnaire, il ne pensait pas qu'elle était en mesure d'atteindre la norme de rendement requise, et il recommandait donc son renvoi en cours de stage.

39 En contre-interrogatoire, M. Martin a dit que dans de telles situations, les gestionnaires correctionnels agissaient à titre de gestionnaires de crise intérimaires, assumant la direction des opérations jusqu'à ce que le directeur général soit appelé à le faire. Les gestionnaires correctionnels reçoivent une formation dans la gestion des situations de crise. Il ne se rappelait pas si cette formation comportait un volet sur l'opportunité de demander l'intervention de l'équipe de gestion du stress lié aux incidents critiques. Par ailleurs, lors de son entretien avec la fonctionnaire au sujet du rapport d'évaluation de son rendement après neuf mois de stage, il lui avait suggéré de recourir aux services du PAE.

40 M. Martin a dit qu'il visitait généralement chaque unité une fois par quart de travail, et tentait de le faire plus souvent s'il en avait le temps. S'il y avait des perturbations dans une unité en particulier, il s'arrangeait pour la visiter plus souvent.

41 M. Martin a précisé qu'un « Rapport d'observation ou déclaration d'un agent » (un « rapport d'observation ») était dressé après tout incident se produisant dans l'établissement, notamment dans le cas d'incidents impliquant un détenu, un problème de sécurité et des interactions avec le personnel. Un rapport d'observation est rédigé par chacune des personnes impliquées dans l'événement, soit les agents correctionnels et tous les employés; ces rapports sont ensuite transmis au bureau du gestionnaire correctionnel. Les informations consignées dans ces rapports sont par la suite utilisées lors des séances d'information avec le personnel.

42 La représentante de la fonctionnaire a demandé à M. Martin s'il y avait des exceptions à la règle voulant que les agents correctionnels doivent suivre les consignes données par un gestionnaire correctionnel. Il a répondu qu'il pouvait y avoir des exceptions, par exemple si la vie d'un détenu est en danger ou s'il s'agissait d'une situation mettant en cause le droit de refuser de travailler dans des conditions non sécuritaires. Lorsqu'il a été interrogé de nouveau, il a toutefois précisé qu'en ce qui concerne l'interaction de la fonctionnaire avec Mme Chopty, aucune plainte n'avait été déposée en vertu du Code canadien du travail, L.R.C., 1985, ch. L-2, et qu'il n'y avait pas d'indication de la présence d'un danger imminent pour quiconque.

43 La représentante de la fonctionnaire a également demandé à M. Martin si un agent correctionnel supplémentaire avait été affecté à l'unité Churchill après les incidents ayant mené au congé de maladie de la fonctionnaire. M. Martin a répondu que bien qu'il croie effectivement qu'un agent correctionnel supplémentaire ait été affecté à cette unité, il ne se rappelait pas les circonstances dans lesquelles cela avait eu lieu.

44 Questionné au sujet de la mention, dans le rapport d'évaluation du rendement de la fonctionnaire après neuf mois de stage, de sa réticence apparente à intervenir dans des situations critiques, M. Martin a répondu qu'on l'avait informé qu'elle semblait [traduction] « se figer » dans de telles situations. Selon M. Martin, lors de son entretien avec la fonctionnaire au sujet du rapport, il lui avait dit que plusieurs agents correctionnels lui avaient fait part de leurs préoccupations à cet égard; elle ne lui avait pas demandé qu'il lui fournisse des exemples précis.

45 En ce qui concerne le [traduction] « ton paniqué » de la fonctionnaire lors de ses communications par radio, M. Martin a reconnu que la fonctionnaire n'était sans doute pas la seule agente correctionnelle à avoir déjà transmis un message peu clair par radio. En ce qui concerne ses difficultés à prendre des décisions, M. Martin a répondu qu'il avait bien discuté de cette question avec la fonctionnaire, et l'avait informée de la manière dont cela avait été porté à sa connaissance. Il a précisé que sa préoccupation à cet égard n'avait rien à voir avec la réticence de la fonctionnaire à être affectée à titre intérimaire à un poste de CX-02, car les gens peuvent avoir diverses raisons d'éviter d'être affectés à des fonctions de CX-02 et de rester au niveau CX-01. Il a admis que le terme [traduction] « se figer » ne figurait pas comme tel dans le rapport d'évaluation du rendement, tout en estimant que la nature de ses préoccupations à cet égard avait été bien décrite dans le document, et qu'il avait adéquatement communiqué à la fonctionnaire les préoccupations au sujet de son inaptitude apparente à intervenir efficacement. Il a précisé qu'on avait employé des termes comme [traduction] « hésiter » pour décrire son comportement et, lors de leur entretien à ce sujet, la fonctionnaire avait reconnu qu'elle continuait d'avoir de la difficulté avec les questions exposées dans le rapport. Il a précisé qu'il pourrait effectivement exister des bandes vidéo des incidents en cause, mais qu'il n'avait pas visionné ces bandes avec elle.

46 Questionné par la représentante de la fonctionnaire au sujet de l'incident impliquant Mme Chopty en octobre 2009, lequel a été qualifié dans le rapport d'évaluation de son rendement sur douze mois comme ayant constitué de [traduction] « l'insubordination », M. Martin a indiqué que la fonctionnaire avait finalement effectué le travail que lui avait demandé Mme Chopty, et qu'elle avait eu par la suite une conversation avec Mme Chopty à ce sujet. Toutefois, selon M. Martin, il y avait encore lieu d'être préoccupé par le refus initial de la fonctionnaire de traiter avec Mme Chopty ou d'effectuer le travail que Mme Chopty lui avait demandé de faire. Bien qu'un tel incident ne se soit produit qu'une seule fois, M. Martin était d'avis qu'il était suffisamment important pour qu'il soit consigné dans son rapport.

47 La représentante de la fonctionnaire a demandé s'il n'y avait pas une contradiction dans le fait que, dans le rapport d'évaluation du rendement, on relève à la fois le défaut de la fonctionnaire de consulter des supérieurs pour obtenir conseil et sa réticence à intervenir en l'absence de conseils d'autres personnes. M. Martin a souligné qu'il s'agissait là de préoccupations différentes, l'une ayant trait à ce qui semblait être de la réticence de la part de la fonctionnaire à écouter les conseils des autres, et l'autre ayant trait à la réticence de la fonctionnaire à prendre elle-même une décision dans des circonstances urgentes. Bien que les CX-02 soient [traduction] « responsables » d'une unité particulière, les CX-01 doivent être capables de prendre rapidement des décisions lorsqu'une situation de crise nécessite une intervention.

48 Pendant la période d'emploi de la fonctionnaire à l'établissement, M. Sullivan, qui est aujourd'hui gestionnaire correctionnel, était un représentant de l'agent négociateur de la fonctionnaire. Il a déclaré que quatre ou cinq agents correctionnels lui avaient fait part de leurs préoccupations concernant les réactions de la fonctionnaire en situation de stress. Ces agents avaient dit qu'ils avaient vu la fonctionnaire trembler et qu'ils avaient senti qu'elle hésitait à prendre des décisions. M. Sullivan a indiqué qu'il était très rare que des agents correctionnels se plaignent de leurs collègues, car ils avaient comme principe de ne pas se [traduction] « dénoncer ». M. Sullivan a déclaré qu'il avait informé M. Martin de ces plaintes. En contre-interrogatoire, M. Sullivan a indiqué qu'il avait également communiqué ces préoccupations à la fonctionnaire.

49 La fonctionnaire a déclaré qu'elle avait été mécanicienne pour les Forces canadiennes. Elle a également travaillé à la sécurité d'un palais de justice avec le shérif adjoint avant de devenir une CX-01 en cours de stage à l'établissement en novembre 2008. Elle a suivi le Programme de formation correctionnelle de onze semaines avant de commencer à travailler à l'établissement, puis elle a eu deux semaines de formation en cours d'emploi. Elle a indiqué qu'on lui avait dit que son rendement serait évalué après trois, six et neuf et douze mois, et que si elle avait des questions, elle pouvait les adresser à un membre de la direction.

50 La fonctionnaire a déclaré qu'elle travaillait peut-être 85 % du temps à l'unité Churchill, où elle répondait à divers incidents, dont des voies de fait et des cas d'automutilation par les détenues. Elle a précisé qu'elle aimait travailler avec les délinquantes de l'unité. Elle a développé une relation avec beaucoup d'entre elles, et elle a rempli pendant un certain temps les fonctions de CX-02, qui comprennent la gestion de cas.

51 La fonctionnaire a expliqué que, dans l'exercice de ses fonctions de CX-02 à l'unité Churchill, elle a été exposée à de nombreuses situations stressantes et elle a eu l'impression qu'elle n'avait pas été suffisamment orientée par la direction. Elle est partie en congé de maladie à l'été 2008 après avoir fait face à trois incidents stressants en 20 minutes. Après avoir discuté avec son médecin et un des gestionnaires correctionnels de l'établissement, elle a décidé de prendre un congé. Pendant qu'elle était en congé, elle a reçu des courriels de ses collègues qui lui disaient que la situation à l'unité Churchill était toujours [traduction] « instable », et elle a décidé qu'elle ne voulait plus être CX-02 à son retour au travail. Selon son souvenir, quand elle est partie en congé, un seul agent correctionnel était affecté à l'unité Churchill à temps plein, mais qu'il y en avait deux à son retour. Elle a laissé entendre que ce changement était une indication du taux élevé d'incidents critiques à l'unité. Quand elle est revenue au travail, elle a mentionné à M. Martin qu'elle ne voulait pas être assignée à l'unité Churchill, mais on a continué de l'appeler pour travailler à cette unité à titre de CX-01.

52 La fonctionnaire a parlé de sa discussion avec M. Martin au sujet de son évaluation du rendement au bout de neuf mois de stage, qui a eu lieu le 7 octobre 2009. Elle a déclaré que M. Martin lui avait dit que plusieurs des préoccupations énoncées dans le rapport avaient été soulevées par des collègues, mais qu'il ne lui avait donné aucun exemple précis. Elle a noté qu'il était indiqué dans le rapport que parfois ses mains [traduction] « tremblaient visiblement ». Elle a expliqué qu'elle avait des tremblements dans les mains quand elle était stressée depuis son enfance, et que d'autres membres de sa famille avaient également des tremblements. Elle a déclaré qu'elle n'avait informé la direction au sujet de ces tremblements que lorsque cette dernière [traduction] « en a fait un problème », soit après son licenciement. Elle a admis en contre-interrogatoire qu'il se pouvait bien que les observations des agents correctionnels concernant les tremblements dans ses mains soient exactes.

53 La fonctionnaire a déclaré qu'une partie de sa discussion avec M. Martin portait sur son congé de maladie. Il était aussi question d'un autre congé qui, selon elle, était pour un rendez-vous chez un chiropraticien et qui avait été approuvé par un autre gestionnaire. Elle a déclaré que tous ses congés étaient documentés comme il se doit. Elle a indiqué qu'elle avait été avisée qu'elle pouvait se prévaloir du PAE à son retour de congé de maladie. Elle a admis en contre-interrogatoire qu'elle avait reçu de l'information sur ce programme pendant sa formation, avant qu'elle commence à travailler à l'établissement, et qu'il y avait des affiches concernant le programme à son lieu de travail.

54 La fonctionnaire a déclaré qu'elle avait discuté avec M. Martin de préoccupations liées à sa capacité d'utiliser l'équipement de sécurité, notamment le système de contrainte Pinel. Ces préoccupations étaient indiquées dans son rapport d'évaluation du rendement à la suite de neuf mois de travail. M. Martin lui avait alors suggéré de suivre une formation additionnelle sur le système. La fonctionnaire a précisé qu'elle avait dit à M. Martin qu'elle était d'accord de suivre une formation additionnelle et qu'elle demanderait des conseils à ses collègues. La fonctionnaire voulait établir une meilleure relation de travail avec M. Martin, et elle lui a demandé comment elle pouvait s'améliorer.

55 La fonctionnaire a indiqué qu'elle et M. Martin avaient parlé de la clarté de ses transmissions radio. Elle lui a dit qu'on lui avait montré aux Forces canadiennes à projeter sa voix, et qu'elle avait tendance à parler vite quand elle était agitée. Elle croyait que sa voix lors des transmissions radio était la même qu'en temps normal. Elle a déclaré que M. Martin ne lui avait donné pas donné d'exemple adéquat pour illustrer ce qu'il voulait dire lorsqu'il parlait de sa difficulté à prendre des décisions. Elle a souligné être consciente de la gravité des décisions que devaient prendre les agents correctionnels dans des situations critiques et du fait que si quoi que ce soit arrivait, [traduction] « c'est nous qui montons à l'échafaud ».

56 La fonctionnaire a indiqué, après la rencontre, avoir eu l'impression que M. Martin ne lui avait pas donné suffisamment d'exemples précis pour l'aider à améliorer son rendement et elle a décidé de demander les conseils d'autres agents correctionnels. Elle n'était pas d'accord avec le contenu de son rapport d'évaluation du rendement après neuf mois d'emploi, et elle ne l'a signé que le 20 novembre 2009, quelques semaines après la rencontre du 7 octobre. Elle a admis en contre-interrogatoire qu'elle avait signifié son acceptation du rapport, et qu'elle n'avait soumis aucune déclaration contestant son contenu.

57 La fonctionnaire a ensuite témoigné au sujet de la discussion sur son évaluation de rendement après 12 mois d'emploi (pièce E-18). Elle a déclaré qu'elle et M. Martin avaient discuté de l'incident survenu le 9 octobre 2009, quand Mme Chopty a allégué qu'elle avait fait preuve d'insubordination. La fonctionnaire a indiqué qu'elle ne savait pas qui était Mme Chopty quand cette dernière lui a téléphoné. Mme Chopty avait été avisée par le personnel infirmier qu'il se pouvait que la cour ne soit toujours pas sécuritaire en raison des éclats de verre, et elle pensait qu'une fouille sommaire devait être effectuée avant de permettre l'accès à la cour, ce qui a été fait environ une heure plus tard. Quand M. Martin a informé la fonctionnaire que Mme Chopty croyait qu'elle avait fait preuve d'insubordination, la fonctionnaire lui a dit qu'elle avait eu de la difficulté à joindre Mme Chopty pour discuter avec elle de l'incident. Quand la fonctionnaire et Mme Chopty se sont rencontrées à la mi-novembre, la fonctionnaire s'est excusée; elle pensait que la question était réglée.

58 La fonctionnaire a indiqué que, lors de la réunion concernant son évaluation du rendement à la suite de 12 mois de stage, elle a demandé de voir les rapports d'observation qu'elle avait présentés relativement à des incidents particuliers ainsi que certains des enregistrements de télévision en circuit fermé. Elle se sentait [traduction] « piégée » par des ouë-dire d'autres agents correctionnels, et elle ne savait pas comment réagir.

59 La fonctionnaire a indiqué que son rapport d'évaluation du rendement pour la période de 12 mois faisait état de préoccupations continues concernant sa capacité à utiliser le système de contrainte Pinel. M. Martin lui avait suggéré de suivre de nouveau la formation d'une journée sur le système Pinel pour renforcer ses compétences. La fonctionnaire se rappelait avoir dit qu'elle croyait n'avoir besoin que de la formation de mise à jour d'une demi-journée et qu'il était plus important qu'elle soit à son poste. Finalement, la fonctionnaire a refait la formation d'une journée quelques jours avant que le rapport d'évaluation du rendement soit produit, il n'y a donc pas eu de temps pour déterminer si la formation l'avait aidée.

60 La fonctionnaire a déclaré qu'elle n'était pas d'accord avec le contenu de son rapport d'évaluation du rendement pour la période de 12 mois. Elle a fait part de son désaccord avec le contenu du rapport quelques jours après sa rencontre avec M. Martin, mais elle n'a joint aucun commentaire au document. Elle a indiqué qu'elle se sentait contrariée après la rencontre, car elle croyait qu'on ne lui avait pas donné des exemples précis de ses difficultés à prendre des décisions, de son manque de responsabilité et d'autres préoccupations soulevées. Elle trouvait qu'il était contradictoire de dire, d'un côté, qu'elle avait de la difficulté à prendre des décisions et s'en remettait trop aux agents correctionnels supérieurs et, de l'autre, qu'elle devrait demander conseil aux agents correctionnels supérieurs. Elle a mentionné qu'il lui était arrivé d'attendre que des agents correctionnels supérieurs prennent une décision, car elle pensait que c'était leur responsabilité. Pendant le contre-interrogatoire, elle a admis qu'il était important que tous les agents correctionnels soient en mesure de prendre efficacement des décisions dans des circonstances critiques, et que la prise de décisions efficace était parfois nécessaire pour sauver des vies.

61 La fonctionnaire a déclaré avoir rencontré M. Martin et Mme Miller le 14 décembre 2009. Elle avait espéré recevoir des commentaires plus positifs pendant cette rencontre, mais les commentaires étaient une fois de plus négatifs. Elle a expressément demandé si elle avait toujours un emploi, et M. Martin lui a répondu par l'affirmative. Elle a dit qu'elle avait l'impression de n'avoir jamais reçu d'encadrement de M. Martin et qu'elle avait dû trouver de l'orientation ailleurs en consultant une CX-02, Mme Giles, qui a témoigné à l'audience. Lors du contre-interrogatoire, la fonctionnaire a convenu qu'elle avait contesté seulement deux points de son rapport d'évaluation du rendement à la rencontre, soit le temps qu'elle a pris pour joindre Mme Chopty, et la nécessité d'une formation de plus d'une demi-journée sur le système Pinel. En ce qui concerne ce dernier point, la fonctionnaire a dit qu'elle croyait toujours qu'une demi-journée de formation aurait suffi et qu'elle avait confiance en sa capacité d'utiliser le système Pinel.

62 La fonctionnaire a déclaré qu'elle avait discuté avec M. Sullivan quand il était son représentant syndical, et que ce dernier ne lui avait jamais parlé de préoccupations soulevées par d'autres agents correctionnels.

63 Lors du contre-interrogatoire, la fonctionnaire a convenu qu'il était important que les agents correctionnels aient confiance en leurs collègues, puisqu'ils travaillent en équipe. Elle a aussi reconnu que les agents correctionnels devaient [traduction] « prendre les choses en main » en situation critique, mais elle jugeait qu'on ne lui avait donné aucun exemple démontrant qu'elle ne s'était pas acquittée de cette responsabilité.

64 L'avocate du SCC a demandé à la fonctionnaire d'examiner la liste des objectifs de rendement (pièce E-14) dont elle avait discuté avec M. Martin le 12 novembre 2009. La fonctionnaire a convenu qu'elle avait parlé avec M. Martin de la communication avec les gestionnaires et les superviseurs, des interventions lors de situations critiques, de la sécurité active, de l'utilisation des pauses, des transmissions par radio, de sa confiance personnelle et de l'utilisation de l'équipement de sécurité, et que ces points correspondaient tous à des objectifs appropriés. Elle a confirmé qu'elle avait eu au total huit rencontres avec M. Martin, et que les discussions pendant ces rencontres avaient porté sur divers aspects de son rendement.

65 L'avocate du SCC a également demandé à la fonctionnaire si elle avait effectivement eu de la difficulté avec le système de contrainte Pinel, notamment lors de l'incident du 1er novembre 2009. La fonctionnaire a nié avoir eu de la difficulté. Elle a toutefois convenu que les rapports d'observation à ce sujet ne feraient que résumer l'incident et n'indiqueraient probablement pas si elle avait pris beaucoup de temps pour attacher les sangles ou si une autre personne avait dû l'aider. Elle a répété que, selon elle, le système ne lui avait posé aucune difficulté.

66 Lors du contre-interrogatoire au sujet de l'allégation d'insubordination faite par Mme Chopty, la fonctionnaire a affirmé qu'elle ne savait pas qui était Mme Chopty quand cette dernière lui a téléphoné. Elle a nié avoir dit à Mme Chopty qu'elle n'accepterait pas la responsabilité d'ouvrir l'accès à la cour. Elle a aussi nié que Mme Chopty lui avait demandé d'effectuer une fouille de la cour. Elle se souvenait seulement d'avoir exprimé ses préoccupations concernant la [traduction] « fouille sommaire » de la cour.

67 Mme Giles, qui a témoigné pour la fonctionnaire, a déclaré qu'elle était actuellement CX-02 au Pénitencier de la Saskatchewan. Mme Giles était CX-02 à l'établissement pendant que la fonctionnaire y était en stage. Elle a travaillé à l'unité Churchill pendant qu'elle était à l'établissement, et elle a affirmé que la situation là-bas était [traduction] « assez chaotique » et que deux détenues en particulier avaient nécessité beaucoup d'interventions du personnel. Mme Giles travaillait parfois avec la fonctionnaire. Elle a fourni des copies de trois rapports d'observation (pièces G-5, G-6 et G-7, les copies étaient en format censuré, les noms des détenues ayant été supprimés) décrivant des incidents où elle avait été impliquée avec la fonctionnaire. Mme Giles a dit ne jamais avoir eu de préoccupation quand elle travaillait avec la fonctionnaire. Elle a également dit avoir tenté d'encadrer la fonctionnaire. Elle a dit à l'avocate du SCC qu'elle avait pris la fonctionnaire [traduction] « sous son aile ». Pendant le contre-interrogatoire, Mme Giles a convenu que les trois rapports d'observation ne portaient que sur quelques-uns des nombreux incidents survenus pendant que la fonctionnaire travaillait à l'établissement et qu'elle ne travaillait pas toujours avec la fonctionnaire. Elle a reconnu que les agents correctionnels étaient vivement encouragés à ne pas [traduction] « se dénoncer », et qu'ils n'encourageaient pas la dénonciation aux gestionnaires d'une erreur commise par un autre agent.

68 Selon les explications de Mme Giles, dans un des incidents du rapport d'observation produit en preuve comme pièce G-7, on avait demandé l'intervention d'agents correctionnels supplémentaires, et le psychiatre avait autorisé l'utilisation des sept sangles du système de contrainte Pinel. Selon l'information consignée par Mme Giles, la détenue opposait une résistance physique et elle avait essayé de mordre les agents correctionnels qui sont intervenus. Selon Mme Giles, elle est entrée dans la cellule avec la fonctionnaire et la fonctionnaire a agi de manière appropriée en aidant à attacher les sangles. Lors du contre-interrogatoire, Mme Giles a répété qu'elle était certaine qu'elle était entrée dans la cellule avec la fonctionnaire et que cette dernière avait aidé à maîtriser la détenue.

69 Lors du contre-interrogatoire, on a montré une vidéo à Mme Giles. Cette dernière a confirmé qu'il s'agissait d'un enregistrement de l'incident décrit dans le rapport d'observation produit en preuve comme pièce G-7. Mme Giles a reconnu que la vidéo ne montrait pas la fonctionnaire qui entrait dans la cellule avec elle, mais plutôt la fonctionnaire qui est restée à l'extérieur de la cellule pendant presque toute la durée de l'enregistrement. Mme Giles a reconnu que, plus tard dans la vidéo, la fonctionnaire ne faisait pas partie des agents correctionnels qui étaient agenouillés ou accroupis près de la détenue pour lui mettre les sangles. Mme Giles a identifié Mme Marshall comme étant l'agente responsable pendant l'incident. Mme Giles a dit que Mme Marshall avait d'abord donné ses ordres, puis les agents correctionnels avaient discuté entre eux pour trouver une façon de réaliser leurs tâches le plus rapidement possible.

70 Mme Culbertson, une autre CX-02 à l'établissement, a également témoigné pour la fonctionnaire. Elle a déclaré que les rapports entre les agents correctionnels sont fondés sur la camaraderie, et que les gens s'attendent à pouvoir [traduction] « compter sur leurs collègues » pour que tous puissent rentrer chez eux sains et saufs. Elle a expliqué que le poste PC36 est un poste de CX-01 à fonctions multiples. La personne affectée à ce poste effectue des patrouilles, peut aider à escorter les détenus aux douches, aux séances d'exercice, au gymnase ou à la cafétéria, peut relever d'autres agents correctionnels ou servir d'escorte à l'extérieur de l'établissement. La personne affectée à ce poste peut également se retrouver au poste de contrôle principal, car beaucoup d'agents correctionnels se rencontrent à cet endroit pour diverses raisons. Mme Culbertson a reconnu qu'il n'était pas mentionné explicitement dans l'offre d'emploi du poste PC36 (pièce E-19) que le titulaire du poste devait aider les agents correctionnels affectés au poste de contrôle principal à ouvrir les portes, mais elle a dit que ça se produisait. Pendant le contre-interrogatoire, Mme Culbertson a déclaré qu'au moment de l'audience, elle était une agente [traduction] « sans poste » à l'établissement, ce qui signifie qu'elle ne portait pas d'uniforme et qu'elle ne devait pas intervenir en cas d'incident critique.

71 Mme Culbertson a indiqué que, bien que les agents correctionnels supérieurs soient les agents responsables, les agents correctionnels ne sont pas tenus d'obéir explicitement aux ordres qui leur sont donnés dans toutes les circonstances. Dans certaines circonstances, il se peut que la sécurité soit menacée ou que le droit de refuser une tâche dangereuse, conformément aux articles 127 et 128 du Code canadien du travail, puisse être invoqué. Dans ces circonstances, les agents correctionnels peuvent être forcés de s'en remettre à leur propre jugement. Selon Mme Culbertson, il arrivait régulièrement à l'établissement que les agents correctionnels remettent en question les directives d'autres agents correctionnels ou du personnel clinique, en partie en raison de la tension entre les fonctions cliniques et opérationnelles de l'établissement.

72 Mme Culbertson a déclaré qu'elle était CX-02 par intérim à l'unité Churchill de façon temporaire. Après un certain temps, elle a demandé si on pouvait lui donner un poste de CX-02 pour une période indéterminée à l'unité Churchill, mais on lui a répondu qu'elle ne possédait pas les qualifications nécessaires. Mme Culbertson a affirmé qu'elle n'était pas d'accord avec cette évaluation, car elle sentait que son expérience l'avait suffisamment préparée pour ce rôle. Elle est, à un moment donné, redevenue CX-01 pour des raisons personnelles, et elle a précisé que cette décision n'avait pas soulevé de question de la part de ses superviseurs.

73 Mme Culbertson a déclaré que l'atmosphère à l'unité Churchill était très stressante durant la période d'emploi de la fonctionnaire à l'établissement, et qu'elle-même [traduction] « redoutait d'y aller ». Il lui arrivait de travailler avec la fonctionnaire à l'unité Churchill et à l'entrée principale, et elle a affirmé que le rendement de la fonctionnaire lui paraissait satisfaisant. Mme Culbertson a vu les mains de la fonctionnaire trembler pendant qu'elle attachait les sangles et lui a offert son aide, mais la fonctionnaire a refusé. Mme Culbertson n'a eu connaissance d'aucune préoccupation soulevée par d'autres agents correctionnels.

74 En contre-interrogatoire, Mme Culbertson a indiqué que, selon son expérience, la sécurité est une préoccupation de premier plan dans les établissements correctionnels, et on s'attend à ce que la direction prenne cette préoccupation au sérieux.

75 Deux témoins ont répliqué pour le SCC. Le premier témoin était Mme Chopty, qui occupait un poste de gestionnaire correctionnelle intérimaire pendant la période d'emploi de la fonctionnaire à l'établissement. Mme Chopty a parlé de son interaction avec la fonctionnaire le 9 octobre 2009. Une fenêtre avait été fracassée pendant la nuit à l'unité Mackenzie, et il y avait des éclats de verre sur le sol de la cour. Une équipe d'entretien avait été appelée sur les lieux, et elle avait fourni un compte rendu après avoir enlevé les débris de vitres. Le supérieur de Mme Chopty lui a demandé d'envoyer un agent correctionnel de l'unité afin d'effectuer une fouille sommaire de la cour afin de l'ouvrir de nouveau pour les détenus. Mme Chopty a déclaré qu'elle avait dit à la fonctionnaire qu'elle était la gestionnaire correctionnelle de jour quand cette dernière a répondu au téléphone. Elle a demandé à la fonctionnaire d'effectuer une fouille de la cour pour s'assurer qu'il n'y avait plus d'éclats de verre. La fonctionnaire a répondu qu'il avait neigé pendant la nuit et qu'elle ne voulait pas assumer la responsabilité des éclats de verre qui pourraient toujours se trouver dans la cour. Mme Chopty a affirmé qu'elle avait clairement précisé qu'elle ne demandait qu'une fouille sommaire, puisque les éclats de verre avaient été nettoyés, et qu'elle avait demandé de nouveau à la fonctionnaire d'effectuer la fouille. La fonctionnaire a alors déclaré qu'elle allait [traduction] « accepter uniquement les ordres du gestionnaire correctionnel du Bureau opérationnel », et elle a demandé de communiquer avec ce dernier.

76 Mme Chopty a indiqué qu'elle avait interprété la réponse de la fonctionnaire comme étant de l'insubordination, puisqu'en général, un gestionnaire correctionnel peut s'attendre à ce que ses ordres soient suivis. Elle a expliqué qu'elle était la gestionnaire correctionnelle de jour, ce qui signifie qu'elle était responsable du travail dans les unités. Le gestionnaire correctionnel du Bureau opérationnel est responsable des opérations générales de l'établissement. Mme Chopty a communiqué avec le gestionnaire correctionnel du Bureau opérationnel et lui a décrit son échange avec la fonctionnaire. Le gestionnaire correctionnel du Bureau opérationnel lui a dit que la fonctionnaire devait obéir à ses ordres, et il lui a suggéré de rappeler la fonctionnaire. Mme Chopty a donc rappelé la fonctionnaire, qui a finalement obtempéré. Selon Mme Chopty, le fait que la fonctionnaire ait obéi plus tard à son ordre n'élimine pas le fait qu'elle ait fait preuve d'insubordination. Elle a déclaré qu'elle s'inquiétait du fait que ce genre de comportement puisse démontrer qu'il n'est pas obligatoire de suivre les ordres des gestionnaires correctionnels et qu'il était important que la chaîne de commandement soit efficace dans un établissement correctionnel.

77 Mme Chopty a déclaré qu'elle avait rencontré la fonctionnaire, en personne, environ un mois après l'incident. La fonctionnaire s'est excusée et a dit qu'elle ne savait pas à qui elle parlait quand Mme Chopty lui a téléphoné. Mme Chopty a dit à la fonctionnaire qu'elle s'était identifiée, et la fonctionnaire a répondu : [traduction] « Je n'avais pas compris ». Elle a dit à Mme Chopty qu'elle avait pensé qu'elle était peut-être une infirmière. Mme Chopty a trouvé que cela ne faisait aucun sens puisque la fonctionnaire avait spécifié qu'elle n'accepterait pas les ordres d'une [traduction] « gestionnaire correctionnelle d'unité ». Mme Chopty était également en désaccord avec la déclaration de la fonctionnaire selon laquelle les premiers mots de Mme Chopty auraient été [traduction] « Salut, c'est Grace. Va ouvrir l'accès à la cour. ». Mme Chopty a affirmé qu'elle n'avait pas appelé la fonctionnaire pour lui dire cela, car il y avait un horaire régulier pour l'ouverture de la cour. Elle a appelé la fonctionnaire pour lui donner des directives précises. Mme Chopty a déclaré qu'elle utilisait son prénom uniquement si elle parlait à un agent correctionnel qu'elle connaissait, jamais lorsqu'elle parlait à une personne pour la première fois. Elle a aussi mentionné qu'il est normal que les agents correctionnels posent des questions quand ils ne sont pas sûrs de savoir à qui ils parlent. Le refus catégorique de la fonctionnaire de suivre sa directive l'a étonnée. La fonctionnaire n'a proposé aucune autre option. Mme Chopty a déclaré que, selon son expérience, les nouveaux agents correctionnels essaient de faire bonne impression et suivent les directives des agents correctionnels supérieurs. Mme Chopty a été [traduction] « sidérée » par la suggestion de la fonctionnaire voulant qu'elle ait fabriqué son récit de l'incident dans son courriel à M. Martin (pièce E-12). Elle n'avait aucune raison de mentir puisqu'elle n'avait eu que peu de contacts avec la fonctionnaire. Mme Chopty a aussi demandé pourquoi la fonctionnaire se serait [traduction] « excusée » si l'incident n'avait pas eu lieu.

78 Le deuxième témoin à répliquer était Mme Marshall, qui travaillait à l'établissement depuis 15 ans et qui était CX-02 depuis 2001. Mme Marshall a déclaré qu'en plus d'effectuer les fonctions habituelles d'une CX-02 dans une unité, elle avait participé à la formation en cours d'emploi des CX-01 et avait fait partie de l'équipe d'extraction de cellules des femmes et de l'équipe d'intervention en cas d'urgence auprès des femmes purgeant une peine de ressort fédéral.

79 Mme Marshall est une employée de l'unité de négociation de la fonctionnaire. Elle a été assignée à témoigner et elle a clairement fait savoir qu'elle n'était pas contente de témoigner pour le SCC. Elle a expliqué comment le système de contrainte Pinel est utilisé pour maîtriser un détenu. Elle a précisé que le travail d'équipe était important dans ce processus et que, généralement, les CX-01 connaissent le rôle qu'ils pourraient être appelés à jouer et n'ont pas besoin d'attendre des directives précises du CX-02 responsable. Habituellement, il y a un agent correctionnel par sangle. Un des objectifs est d'attacher les sangles le plus rapidement possible. Par conséquent, plus il y a d'agents correctionnels dans la cellule, mieux c'est. Le but est de minimiser le risque de blessure pour le détenu et les autres personnes et de permettre à la situation de revenir à la normale le plus rapidement possible.

80 Selon le témoignage de Mme Marshall, une détenue avait manifesté un comportement autodestructeur le 1er novembre 2009. Mme Marshall est entrée dans la cellule et a menotté la détenue. Elle a ensuite obtenu l'autorisation du psychiatre d'utiliser le système de contrainte Pinel, et les agents correctionnels ont entrepris d'appliquer les sangles. Selon Mme Marshall, l'équipe a d'abord assis la détenue sur la plateforme de contrainte pour attacher les sangles autour de ses chevilles. La détenue a ensuite été placée en position allongée. Mme Marshall se trouvait près du poignet gauche de la détenue, et elle a attaché sa sangle. Il y avait un problème avec la sangle de poignet de l'autre côté de la plateforme : elle s'était détachée du bracelet de Velcro. Pendant le contre-interrogatoire, Mme Marshall a expliqué que la fonctionnaire avait probablement retiré la bande magnétique du bracelet de Velcro, ce qui va à l'encontre de l'objectif d'immobiliser la détenue rapidement. Mme Marshall a déclaré que la fonctionnaire était debout près de la sangle du poignet droit et tenait la bande magnétique détachée. Elle a dit à la fonctionnaire d'attacher la sangle au poignet droit, mais la fonctionnaire n'a pas bougé. Mme Marshall a dû se pencher au-dessus de la détenue pour montrer à la fonctionnaire comment attacher la sangle. Elle a déclaré ne pas avoir été à l'aise avec le fait d'avoir à se pencher au-dessus de la détenue, car elle risquait ainsi de se faire mordre ou de se faire donner un coup de tête par la détenue.

81 Mme Marshall a déclaré que tous les agents correctionnels étaient formés pour réagir efficacement en situation de crise, et qu'il est important qu'ils puissent se fier à la réaction de leurs collègues. Mme Marshall a indiqué qu'elle n'avait aucunement confiance en la capacité de la fonctionnaire de réagir. Elle a noté qu'une formation additionnelle sur le système Pinel n'était pas la solution. Le problème résidait dans le fait que la fonctionnaire se figeait et semblait incapable de réagir. Après l'incident du 1er novembre 2009, Mme Marshall a envoyé un courriel à tous les agents correctionnels qui étaient présents (pièce E-16) pour les remercier de leur aide. Elle a dit que la dernière ligne de son courriel, où elle invitait les agents à lui faire part [traduction] « des questions, des commentaires ou des préoccupations » qu'ils pouvaient avoir concernant l'incident était en fait adressée à la fonctionnaire. Mme Marshall espérait qu'elle pourrait avoir une discussion avec la fonctionnaire au sujet de ce qui s'était passé. Finalement, elle a parlé de l'incident avec M. Martin, mais jamais avec la fonctionnaire.

Résumé de l'argumentation

82 L'avocate du SCC a fait valoir que je n'avais qu'une question à trancher : si j'avais compétence pour entendre ce grief ou non. Elle a fait valoir que les pouvoirs conférés à l'arbitre de grief par la LRTFP  ne s'appliquent pas aux licenciements visés par la LEFP, et que cette exclusion s'appliquait dans le cas d'un renvoi en cours de stage.

83 L'avocate du SCC a fait valoir que les tribunaux avaient accepté que cette exclusion ne s'appliquait pas si le motif invoqué pour le renvoi en cours de stage était « un subterfuge ou un camouflage », et elle a cité la majorité de la cour dans Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.), à la page 441, comme étant le cas où les paramètres de base de ce concept ont été établis :

[…]

La conclusion fondamentale de l'arrêt [Jacmain c. Procureur général, [1978]2 R.C.S. 15] est, à mon avis, qu'un arbitre nommé sous le régime de la L.R.T.F.P. est sans compétence à l'égard d'un renvoi en cours de stage lorsque la preuve présentée le convainc que les représentants de l'employeur ont agi de bonne foi au motif qu'ils ne considéraient pas que l'employé possédait les aptitudes requises pour occuper le poste visé […]

[…]

Ce point est exprimé de la façon suivante dans Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 A.C.F. 529, au paragraphe 45 :

[45] Toutefois, selon moi l'arbitre a tout simplement demandé que l'employeur démontre que le licenciement avait été décidé pour un motif lié à l'emploi, savoir une insatisfaction à l'égard de l'aptitude du fonctionnaire et, comme tel, qu'il agissait en vertu des dispositions de la LEFP […]

84 Selon l'avocate du SCC, les tribunaux et les arbitres de grief assujettis à la LRTFP ont tous les deux confirmé cette approche dans plusieurs cas. Dans Maqsood c. Conseil du Trésor (ministère de l'Industrie), 2009 CRTFP 175, un arbitre de grief a fait le commentaire suivant au paragraphe 37 :

[37] […] même si l'employeur commet des erreurs en tirant les conclusions qui l'amènent à décider de renvoyer un employé en cours de stage, le renvoi ne sera pas susceptible de contestation si les motifs de sa décision sont liés à l'emploi.

85 L'avocate du SCC a fait remarquer que, dans Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, l'arbitre de grief a fait un commentaire sur les implications de la nouvelle LEFP, qui est entrée en vigueur en 2005. Ce dernier a conclu que la nouvelle LEFP ne changeait pas l'approche de base à utiliser afin de déterminer si l'arbitre de grief avait compétence pour entendre un grief concernant un renvoi en cours de stage, et que le changement le plus important visait le fardeau de la preuve qui incombait au fonctionnaire et qui avait été alourdi :

[…]

[111] […] Il incombe au fonctionnaire de prouver que le licenciement reposait artificiellement sur la nouvelle LEFP, un subterfuge ou un camouflage […]

[…]

86 L'avocate du SCC a ajouté que, dans Premakanthan c. Administrateur général (Conseil du Trésor), 2012 CRTFP 67, l'arbitre de grief avait confirmé au paragraphe 52 l'approche adoptée dans Tello :

[52] […] Dans une affaire portant sur un renvoi en cours de stage, il ne revient pas à l'arbitre de grief de juger la pertinence de l'insatisfaction de l'administrateur général au regard de l'aptitude du fonctionnaire à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui est confié en procédant à un réexamen du rendement ou de la conduite du fonctionnaire en cause et de substituer son jugement à celui de l'administrateur général; il ne revient pas non plus à l'arbitre de grief d'évaluer le rendement du fonctionnaire pendant l'exercice de ses fonctions ou la validité des explications données pour se justifier. Le rôle de l'arbitre de grief consiste à s'assurer que le renvoi en cours de stage est ce qu'il semble être et que la décision de l'administrateur général de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage n'invoquait pas de façon factice la LEFP et ne constituait pas un subterfuge ou un camouflage.

87 L'avocate du SCC a fait valoir que tout ce que le SCC devait démontrer était que la fonctionnaire avait été renvoyée en cours de stage et qu'une indemnité appropriée tenant lieu de préavis lui avait été versée. L'avocate a indiqué que des preuves claires avaient été avancées pour appuyer ces points. Il revenait donc à la fonctionnaire de démontrer que son renvoi en cours de stage n'était pas fondé sur son inaptitude à exercer ses fonctions, et que le SCC avait agi de mauvaise foi en invoquant l'inaptitude du fonctionnaire alors que le motif du renvoi était tout autre.

88 L'avocate du SCC a fait remarquer que, dans la lettre de renvoi en cours de stage remise à la fonctionnaire, le SCC avait cité l'inaptitude de la fonctionnaire à évaluer des situations problématiques, à trouver des pistes de solution et à prendre les mesures nécessaires. L'avocate a fait valoir que plusieurs témoins avaient confirmé l'importance de ces aptitudes dans le travail des agents correctionnels. Les éléments de preuve, particulièrement ceux présentés par M. Martin, ont démontré que la fonctionnaire n'était pas parvenue à satisfaire à ces exigences. Pour s'acquitter du fardeau de la preuve et démontrer que le SCC avait agi de mauvaise foi, la fonctionnaire doit démontrer que le SCC a inventé ses préoccupations au sujet de son rendement. L'avocate a affirmé que les éléments de preuve démontraient que le SCC n'avait pas inventé ses inquiétudes et avait tenté à de nombreuses reprises d'aider la fonctionnaire à améliorer son rendement en plus de lui offrir de vastes possibilités de formation. La fonctionnaire a signé son rapport d'évaluation du rendement pour la période de neuf mois. En ce qui concerne son rapport d'évaluation du rendement pour la période de douze mois, elle n'a consigné que deux préoccupations, soit que le temps écoulé avant sa rencontre Mme Chopty était inexact, et qu'il y avait une divergence d'opinions concernant la nécessité de la formation d'une journée sur le système Pinel. Par conséquent, il faut supposer que la fonctionnaire admettait l'existence de préoccupations légitimes au sujet de son rendement. En effet, comme l'a précisé l'avocate du SCC, lors de sa dernière discussion avec M. Martin la fonctionnaire a estimé que son rendement se situait entre 60 % et 70 %.

89 L'avocate du SCC est revenue sur la déclaration de la fonctionnaire qu'elle aurait été désavantagée par le fait que M. Martin ne lui a pas donné d'exemples précis de situations où son rendement n'aurait pas été adéquat. L'avocate a affirmé que plusieurs exemples précis avaient en fait été donnés à la fonctionnaire, comme son échange avec Mme Chopty le 9 octobre 2009 et son utilisation du système Pinel le 1er novembre.

90 L'avocate du SCC m'a exhortée à examiner attentivement les éléments de preuve présentés par Mme Marshall, dont la réticence à témoigner contre une autre agente correctionnelle était évidente. L'avocate est d'avis que, dans un milieu où les employés sont dissuadés de [traduction] « dénoncer » leurs collègues, le fait que plusieurs agents correctionnels aient exprimé des préoccupations à Mme McMurtry et à M. Sullivan est une indication que le SCC n'a pas inventé ses préoccupations concernant le rendement de la fonctionnaire.

91 Dans son argumentation, la représentante de la fonctionnaire a admis qu'un arbitre de grief n'avait pas compétence pour trancher une question relative à un renvoi en cours de stage si le SCC a agi de bonne foi. Elle a toutefois fait valoir que le SCC avait agi de mauvaise foi dans la présente affaire et que les éléments de preuve appuyaient cette déclaration.

92 La représentante de la fonctionnaire a affirmé que la lettre de renvoi en cours de stage de la fonctionnaire avait été signée par Mme McMurtry, qui n'avait pas observé directement le rendement de la fonctionnaire et n'avait assisté à aucune des rencontres entre la fonctionnaire et M. Martin. Mme McMurtry s'est appuyée sur l'évaluation de M. Martin qui, lui, avait accepté ce que d'autres personnes lui avaient signalé alors qu'il n'était pas en mesure de vérifier ce qu'on lui avait dit. De plus, M. Martin avait semblé influencé par le fait que la fonctionnaire avait demandé de ne plus être CX-02 intérimaire. Par ailleurs, cette demande avait déjà été présentée par au moins une autre employée, Mme Culbertson, sans que cette dernière en subisse de conséquence. La représentante de la fonctionnaire a également affirmé qu'on avait reproché à la fonctionnaire les congés de maladie et autres congés qu'elle avait pris, ce qui était une indication de mauvaise foi.

93 La représentante de la fonctionnaire a fait valoir que la fonctionnaire avait demandé un soutien et des conseils à de nombreuses reprises. La fonctionnaire a demandé en vain à M. Martin de lui donner des exemples précis de ses préoccupations concernant son incapacité de prendre des décisions et le fait qu'elle [traduction] « se figeait ». La représentante de la fonctionnaire a laissé entendre que M. Martin n'avait fourni aucun exemple parce qu'il n'en avait pas. Les éléments de preuve indiquent que l'environnement de travail des agents correctionnels, particulièrement à l'unité Churchill, était un environnement stressant où des incidents critiques survenaient régulièrement. Pourtant, aucun effort n'a été déployé pour s'assurer d'offrir à la fonctionnaire les services du PAE ou de l'équipe de gestion du stress lié aux incidents critiques avant son départ en congé de maladie. Par ailleurs, comme les rapports d'évaluation du rendement sont normalement préparés tous les trois mois, le fait que le premier rapport de M. Martin portait sur une période de neuf mois laisse entendre que ce dernier était satisfait du rendement de la fonctionnaire avant ce point.

94 Pour ce qui est de l'incident du 1er novembre 2009 concernant l'utilisation du système de contrainte Pinel, la représentante de la fonctionnaire a fait valoir que n'importe qui aurait supposé, en lisant le courriel de Mme Marshall, qu'aucune préoccupation n'avait été soulevée concernant le rendement de l'un ou l'autre des membres de l'équipe. Pour ce qui est de l'incident du 9 octobre avec Mme Chopty, la représentante de la fonctionnaire a affirmé que les éléments de preuve indiquaient que cet incident avait été réglé à la mi-novembre d'une manière qui convenait à tous, et que le SCC avait démontré une fois de plus sa mauvaise foi en revenant sur l'incident dans le rapport d'évaluation du rendement pour la période de douze mois. Les quelques incidents mentionnés dans les rapports d'évaluation du rendement devraient être considérés comme des incidents isolés et ne devraient pas servir à justifier une préoccupation majeure du SCC concernant le rendement.

95 La représentante de la fonctionnaire a soutenu que le SCC avait délibérément dissimulé à la fonctionnaire des renseignements qui auraient pu l'aider. En outre, le 14 décembre 2009, quand ils ont rencontré la fonctionnaire, M. Martin et Mme Miller lui ont assuré qu'elle avait toujours un emploi. La fonctionnaire a reçu seulement quelques jours plus tard la lettre l'informant de son renvoi en cours de stage. Cette série d'événements suggère que les préoccupations mentionnées dans la lettre ont été inventées à la dernière minute.

96 Sur le plan des mesures correctives, la représentante de la fonctionnaire a soutenu que celle-ci devrait être réintégrée dans ses fonctions et indemnisée pour la perte de revenus et d'avantages sociaux. La représentante de la fonctionnaire a toutefois affirmé qu'il ne serait pas adéquat de réaffecter la fonctionnaire à cet établissement et que les parties devraient déterminer à quel endroit la fonctionnaire pourrait être réaffectée pour lui permettre de profiter d'un nouveau départ.

97 L'avocate du SCC a répliqué qu'il était bien établi qu'il n'était pas nécessaire que le gestionnaire qui signe une lettre de renvoi en cours de stage ait lui-même observé tous les comportements sur lesquels il s'est appuyé pour prendre sa décision. À l'appui de son propos, elle a cité Sved c. Administrateur général (Commission nationale des libérations conditionnelles), 2012 CRTFP 16, paragraphe 129, et Premakanthan, paragraphe 48. Quoi qu'il en soit, la décision s'appuyait sur de la rétroaction provenant de plusieurs sources différentes, dont des agents correctionnels qui ont parlé à Mme McMurtry et à M. Martin, de même que l'agent des ressources humaines.

98 La représentante de la fonctionnaire a fait valoir que les quelques événements mentionnés dans les rapports d'évaluation devraient être perçus comme des incidents isolés. Selon elle, la tenue de ces incidents ne justifiait pas les préoccupations majeures du SCC quant au rendement de la fonctionnaire ni qu'ils n'en tiennent compte dans le cadre de l'évaluation de son rendement dans un milieu de travail stressant. Toutefois, l'avocate du SCC a soutenu qu'il y avait une autre facette à cet argument. Selon elle, il ne fait aucun doute que la fonctionnaire, au même titre que les autres agents correctionnels, était confrontée à de nombreux incidents critiques et que ces incidents constituaient autant d'occasions pour la fonctionnaire de perfectionner et de démontrer ses compétences.

99 L'avocate du SCC a admis que les termes [traduction] « se figeait » ou [traduction] « se fige » n'apparaissent pas dans les rapports d'évaluation du rendement. Elle a toutefois soutenu que l'utilisation du terme [traduction] « hésitation » et la mention d'[traduction] « l'incapacité [de la fonctionnaire] de réagir calmement » abondaient dans le même sens.

100 En réponse à l'argument de la représentante de la fonctionnaire selon lequel aucun exemple précis n'avait été donné à la fonctionnaire, l'avocate du SCC a fait valoir que les rapports d'évaluation du rendement et les discussions avec M. Martin étaient suffisamment précis pour que l'on puisse s'attendre à ce que la fonctionnaire comprenne la nature des préoccupations soulevées. Non seulement a-t-on mentionné des incidents précis comme celui du 1er novembre 2009, mais on a aussi mentionné des scénarios mentionnant des [traduction] « agressions du personnel » et des [traduction] « ligatures » relativement à des incidents auxquels la fonctionnaire a participé. L'avocate du SCC a affirmé que le fait de fournir des copies des rapports d'observation à la fonctionnaire ne l'aurait pas aidée à régler ses problèmes de rendement, puisque ces documents ne sont pas conçus pour communiquer de l'information au sujet du rendement des agents correctionnels.

101 L'avocate du SCC a déclaré que les commentaires sur les congés de maladie et autres types de congés, de même que sur la question des heures supplémentaires, n'avaient pas été formulés dans les rapports d'évaluation du rendement ou dans les observations verbales de M. Martin de façon négative à l'endroit de la fonctionnaire. M. Martin ne faisait que remplir ses obligations en communiquant à la fonctionnaire des renseignements la concernant par rapport aux congés et aux heures supplémentaires.

102 L'avocate du SCC a soutenu que, bien que la pratique générale du SCC consiste à évaluer les stagiaires tous les trois mois, le fait que le premier rapport d'évaluation du rendement ait été réalisé après neuf mois n'est pas une indication de mauvaise foi de la part du SCC. En fait, un employeur n'est pas obligé de transmettre quelque rétroaction écrite que ce soit, ni d'avertir un employé avant de le renvoyer en cours de stage. En outre, M. Martin a soulevé auprès de la fonctionnaire les préoccupations qui étaient portées à son attention dès qu'il en a eu l'occasion. Le fait que certaines de ces préoccupations découlent [traduction] « d'incidents isolés » n'empêche pas le SCC d'en tenir compte dans son évaluation de l'aptitude de la fonctionnaire à occuper son poste de façon permanente.

Motifs

103 Au moment où Penner a été rendue, le paragraphe 28(2) de l'ancienne Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, était libellé comme suit :

28. (2) À tout moment au cours du stage, l'administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de le renvoyer, pour un motif déterminé, au terme du délai de préavis fixé par la Commission pour lui ou la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de cette période.

Dans des cas comme Penner, les tribunaux et les arbitres de grief ont jugé que cette disposition permettait à un employeur de tenir compte de la raison d'être d'une période de stage, soit de déterminer si l'employé fera un employé convenable pour ce poste à long terme. Dans le cas d'un employé stagiaire, l'approche générale n'était pas donner à l'expression « pour un motif déterminé », que l'on trouve dans l'article 28, le sens que l'employeur devait établir un [traduction] « motif valable » comme il devrait le faire dans le cas d'un employé permanent. Le sens donné à cette disposition va plutôt dans le sens que la décision de l'employeur de mettre fin à une relation d'emploi en cours de stage – c'est-à-dire une décision concernant l'aptitude d'un stagiaire à devenir un employé à long terme – devait être prise de bonne foi.

104 Selon l'article 61 de la nouvelle LEFP, les employés nommés à un poste par nomination externe sont assujettis à une période de stage. L'article 62 précise qu'un employeur peut mettre fin à l'emploi de l'employé au cours de la période de stage en lui donnant un préavis de la date de licenciement ou en lui versant une indemnité tenant lieu de préavis. Voici comment les articles 61 et 62 sont formulés :

61. (1) La personne nommée par nomination externe est considérée comme stagiaire pendant la période :

a) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d'une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques […]

[…]

(2) Une nouvelle nomination ou une mutation n'interrompt pas la période de stage.

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l'administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d'une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques […]

[…]

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

(2) Au lieu de donner l'avis prévu au paragraphe (1), l'administrateur général peut aviser le fonctionnaire de la cessation de son emploi et du fait qu'une indemnité équivalant au salaire auquel il aurait eu droit au cours de la période de préavis lui sera versée. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire à la date fixée par l'administrateur général.

Il est à noter que dans l'article 62, on a supprimé toute référence à un « motif », et que la nouvelle disposition indique simplement qu'un employeur peut aviser un employé de son intention de mettre fin à son emploi au terme d'un délai de préavis.

105 Dans Tello, l'arbitre de grief s'est demandé si le changement de libellé de l'article 62 de la nouvelle LEFP modifiait ce dont un arbitre de grief devait tenir compte au moment de trancher la question de la compétence aux termes de l'article 211 de la LRTFP. L'arbitre de grief a aussi pris en considération les répercussions de cette partie de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, qui porte sur les obligations juridiques générales des employeurs du secteur public.

106 Dans Tello, l'arbitre de grief a conclu que Dunsmuir a eu pour conséquence de rassembler presque tous les emplois de la fonction publique sous le paradigme associé aux contrats d'emploi. Cependant, l'arbitre de grief a aussi conclu ce qui suit au paragraphe 104 :

[104] Le lien d'emploi des fonctionnaires comme le fonctionnaire s'estimant lésé est régi par le cadre législatif de la LRTFP, de la nouvelle LEFPet de la [Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11] (Penner) […]

Cela signifie qu'un employeur du secteur public n'est pas lié par les principes de l'équité procédurale du droit administratif, mais plutôt par l'obligation moins contraignante d'agir de bonne foi qui s'applique aux employeurs du secteur privé. Les obligations d'un employeur peuvent évidemment être modifiées au moyen d'une entente, comme elles le sont typiquement pour les employés profitant d'une convention collective.

107 Dans Tello, l'arbitre de grief a soutenu que les obligations d'un employeur aux termes de la nouvelle LEFP et que les principes énoncés dans Dunsmuir doivent continuer d'être évalués en fonction de l'objet de la période de stage :

[…]

[110] Si un administrateur général renvoie un employé en cours de stage sans égard à l'objet de la période de stage — autrement dit, si la décision ne repose pas sur l'aptitude de l'employé à occuper un emploi de façon continue — cette décision est arbitraire et peut également être prise de mauvaise foi. Dans un tel cas, le licenciement n'est pas conforme à la nouvelle LEFP.

[111] Selon moi, le changement entre l'ancienne LEFP et la nouvelle LEFP, considéré dans le contexte de la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada sur l'approche adéquate à adopter en matière d'emploi dans le secteur public, ne modifie pas considérablement la substance de l'approche que les arbitres de grief devraient prendre à l'égard des griefs sur le renvoi d'un employé en cours de stage […]

[…]

108 Selon le paragraphe 111 de Tello, le fardeau de la preuve qui incombe aux parties a été modifié :

[111] […] Le fardeau de la preuve qui incombe à l'administrateur général a été allégé. L'administrateur général n'a maintenant qu'à établir que l'employé était en stage, que la période de stage était encore en vigueur au moment du licenciement et qu'un préavis ou une indemnité en guise de préavis a été donné. L'administrateur général n'est plus tenu de prouver « un motif déterminé » pour le renvoi en cours de stage. En d'autres termes, l'administrateur général n'a pas à établir, selon la prépondérance des probabilités, un motif légitime lié à l'emploi pour le licenciement. Toutefois, les Lignes directrices sur le renvoi en cours de stage du Conseil du Trésor exigent que la lettre de licenciement d'un employé en stage énonce le motif de la décision de licenciement. L'administrateur général demeure tenu de produire la lettre de licenciement comme pièce (généralement par l'intermédiaire d'un témoin) pour prouver qu'il a rencontré les exigences législatives du préavis et du statut de stagiaire. Cette lettre énonce habituellement le motif de la décision de licencier l'employé qui est en cours de stage. Le fardeau de la preuve devient alors celui du fonctionnaire. Il incombe au fonctionnaire de prouver que le licenciement reposait artificiellement sur la nouvelle LEFP, un subterfuge ou un camouflage. Si le fonctionnaire établit qu'il n'y avait pas de « motifs liés à l'emploi » légitimes justifiant le licenciement (autrement dit, si la décision ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l'employé : Penner, à la page 438), le fonctionnaire se sera acquitté de son fardeau de la preuve. Outre ce changement au niveau du fardeau de la preuve, la jurisprudence rendue sous l'ancienne LEFP demeure pertinente pour déterminer la compétence sur les griefs à l'encontre du licenciement d'un employé en stage.

Le fardeau d'établir un motif d'inaptitude légitime pour le licenciement de l'employé n'incombe plus à l'employeur; le fardeau de démontrer que la décision du SCC « reposait artificiellement sur la nouvelle LEFP, un subterfuge ou un camouflage » incombe à la fonctionnaire. L'approche avancée dans Tello a été adoptée par les arbitres de grief dans diverses décisions ultérieures, notamment : Ducharme c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CRTFP 136; McMath c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 42; Boshra c. Administrateur général (Statistique Canada), 2011 CRTFP 97; Premakanthan.

109 Les changements décrits par l'arbitre de grief dans Tello font en sorte que le fonctionnaire qui conteste un renvoi en cours de stage doit s'acquitter d'un très lourd fardeau. Comme les affaires susmentionnées le laissent entendre, il ne suffit pas de démontrer que l'employeur a commis des erreurs, que les motifs qu'il a avancés ne sont pas tous valables ou même qu'on n'a pas donné à la fonctionnaire suffisamment l'occasion de répondre aux allégations de rendement insuffisant. La fonctionnaire doit démontrer que les motifs liés à son aptitude à assumer les fonctions associées à son poste cités par le SCC servaient à camoufler des motifs illicites ou inacceptables ayant mené à cette décision.

110 La preuve présentée dans cette affaire révèle qu'il y a eu des occasions où le processus d'évaluation du rendement de la fonctionnaire que le SCC a suivi n'était pas sans failles. M. Martin a admis, par exemple, qu'il aurait été préférable d'effectuer des évaluations du rendement de la fonctionnaire tous les trois mois, conformément à la politique générale du SCC concernant les évaluations des stagiaires.

111 Dans l'ensemble, cependant, la preuve démontre que le SCC a fait des efforts pour porter certaines préoccupations à l'attention de la fonctionnaire et lui donner l'occasion de corriger les lacunes relevées. Bien que les huit rencontres entre M. Martin et la fonctionnaire ne visaient pas toutes à discuter précisément des rapports d'évaluation du rendement, elles portaient toutes sur divers aspects du rendement de la fonctionnaire et, dans certains cas, sur des incidents précis.

112 L'un de ces incidents concernait l'échange du 9 octobre 2009 entre la fonctionnaire et Mme Chopty. Il y avait une discordance évidente entre la preuve présentée par la fonctionnaire et celle de Mme Chopty au sujet de cet incident. J'ai conclu qu'il convenait de privilégier la version de Mme Chopty, en partie parce qu'elle est plus cohérente et uniforme. Par exemple, Mme Chopty a dit qu'elle s'était présentée lorsque la fonctionnaire a répondu au téléphone, comme elle le ferait avec n'importe quel agent qu'elle ne connaissait pas déjà. La fonctionnaire, quant à elle, a affirmé que Mme Chopty ne s'était pas identifiée, ne donnant que son prénom. La fonctionnaire n'a toutefois pas nié avoir dit qu'elle souhaitait confirmer auprès du [traduction] « gestionnaire correctionnel du Bureau opérationnel » qu'il appuyait la directive de Mme Chopty, ce qui ne semble pas aller de pair avec la déclaration de la fonctionnaire selon laquelle elle n'avait aucune idée de l'identité de Mme Chopty. Quoi qu'il en soit, l'idée que les superviseurs de la fonctionnaire interprètent son refus d'agir sans directives supplémentaires comme de l'insubordination ne semble pas déraisonnable; si la fonctionnaire n'était réellement pas certaine de l'identité de Mme Chopty ou si elle doutait de son autorité dans la situation, elle aurait pu prendre des mesures pour clarifier la situation. Dans son témoignage, la fonctionnaire a avancé qu'il ne faudrait pas accorder trop de valeur à cet incident, puisqu'elle a fini par ouvrir l'accès à la cour comme on le lui avait demandé, et qu'elle avait réglé le conflit au moyen d'une rencontre en personne avec Mme Chopty à la mi-novembre.

113 Cependant, comme l'a souligné l'arbitre de grief dans Premakanthan, le rôle d'un arbitre de grief n'est pas de mettre en doute le jugement de l'employeur quant aux comportements d'un stagiaire qu'il convient ou non de prendre en considération dans le cadre d'une évaluation de son aptitude à occuper un poste à long terme, ni de décider de la valeur à accorder à certains incidents en particulier. La fonctionnaire peut considérer que cet incident est une vieille histoire, mais son point de vue à ce sujet n'empêche pas le SCC de continuer de tenir compte de cet incident ni de s'en servir comme motif d'inaptitude justifiant sa décision de renvoyer la fonctionnaire en cours de stage. Selon la preuve de Mme Culbertson, les agents correctionnels ont le droit de prendre des décisions de façon autonome si une situation comporte des risques pour la sécurité, mais la fonctionnaire n'a pas officiellement soulevé de préoccupations pour sa sécurité ou celle des autres lorsqu'elle a répondu à Mme Chopty.

114 Dans les rapports d'évaluation du rendement et ses autres communications avec la fonctionnaire, M. Martin a réitéré un certain nombre de fois qu'il se préoccupait du fait que la fonctionnaire semblait manquer de détermination et qu'elle semblait [traduction] « figer » lors de situations critiques. La fonctionnaire a affirmé qu'elle ne croyait pas qu'il s'agissait là d'une évaluation juste, ajoutant que l'un des principaux signes qui ont suscité des commentaires à son égard – c'est-à-dire que ses mains tremblaient – était en fait un trouble congénital qui n'affectait en rien son travail. Ce n'est qu'une fois licenciée qu'elle a mentionné au SCC que ses tremblements étaient liés à un problème médical et non au stress; en outre, il n'a pas été établi qu'elle aurait, à quelque moment que ce soit, fourni une preuve médicale démontrant que ses tremblements relevaient d'un problème congénital.

115 La fonctionnaire a aussi cité deux collègues à témoigner pour qu'elles confirment qu'elles ne partageaient pas les préoccupations des autres concernant la capacité de la fonctionnaire à réagir adéquatement lors de situations critiques. L'un de ces témoins, Mme Culbertson, semble ne pas avoir eu souvent l'occasion d'observer la fonctionnaire. L'autre témoin, Mme Giles, a affirmé avoir travaillé avec la fonctionnaire durant un certain nombre de situations critiques. Selon elle, elle n'avait aucune raison de douter de la capacité de la fonctionnaire à agir de sa propre initiative ou à agir conformément aux attentes. Le témoignage de Mme Giles a toutefois été miné par la vidéo de l'incident du 1er novembre 2009, que Mme Giles a décrit dans un rapport d'observation, puis pendant son témoignage. Les souvenirs de Mme Giles concernant cet incident différaient considérablement du témoignage de l'un des témoins du SCC lors de la réplique, Mme Marshall, qui a affirmé que la fonctionnaire avait hésité à intervenir efficacement et qu'elle n'avait pas démontré sa capacité à attacher les sangles du système de contrainte Pinel. La preuve vidéo a révélé que le souvenir de Mme Giles selon lequel elle et la fonctionnaire étaient entrées dans la cellule en même temps était erroné. Cette vidéo confirmait davantage les souvenirs de Mme Marshall, puisqu'elle montrait la fonctionnaire à l'extérieur de la cellule alors que les autres agents avaient pris leur place autour de la détenue, et elle montrait aussi que Mme Marshall avait ensuite dû se pencher au-dessus de la détenue pour s'occuper de la sangle de contrainte que la fonctionnaire devait installer.

116 Le point clé de l'argumentation en faveur de la fonctionnaire était que, malgré leurs nombreuses discussions, M. Martin ne lui avait pas donné d'exemple précis ni suffisamment de détails quant aux préoccupations concernant son rendement pour lui permettre d'apporter les améliorations requises pour réussir son stage. S'il est vrai que bon nombre des déclarations dans les rapports d'évaluation du rendement sont génériques, elles fournissaient selon moi suffisamment de renseignements sur les préoccupations du SCC pour permettre à la fonctionnaire de prendre des mesures correctives. À l'audience, en réponse aux nombreuses références à ses [traduction] « tremblements » lors de situations critiques, elle n'a pas dit que ses collègues n'auraient pas pu observer ses tremblements, mais plutôt qu'ils étaient causés par autre chose que le stress, ce qu'elle n'avait jamais mentionné à M. Martin. Les préoccupations concernant ses hésitations – et je suis d'avis que les références au fait qu'elle [traduction] « se figeait » étaient comprises dans le libellé des rapports d'évaluation du rendement – ont aussi été communiquées dans des termes génériques. Cependant, le contexte – des incidents critiques exigeant que des décisions soient prises rapidement – aurait dû être suffisamment clair pour que la fonctionnaire comprenne à quoi l'on faisait référence. En fait, M. Martin a déclaré que la fonctionnaire et lui avaient discuté de cette question lors de l'examen des rapports et qu'il ne s'agissait pas de l'un des domaines où la fonctionnaire avait exprimé son désaccord lorsqu'elle a signé les documents.

117 Quoi qu'il en soit, les rapports d'évaluation du rendement et les autres communications mentionnent aussi des interactions et des incidents précis. Bien que la fonctionnaire ait soulevé une objection contre la façon dont ceux-ci ont été qualifiés, il demeure qu'elle comprenait clairement de quels événements il était question : l'interaction avec Mme Chopty, les transmissions radio de la fonctionnaire, l'utilisation du système de contrainte Pinel, la discussion sur la formation que la fonctionnaire avait besoin de suivre sur le système de contrainte Pinel, ainsi que l'incident du 1er novembre 2009, où Mme Marshall a affirmé avoir dû se pencher au-dessus de la détenue pour attacher les sangles de contrainte.

118 La représentante de la fonctionnaire a soutenu que les rapports d'évaluation du rendement et les communications de M. Martin semblaient attacher une certaine importance au recours par la fonctionnaire à des congés de maladie et à d'autres types de congés, de même qu'à la demande de la fonctionnaire de ne pas être affectée à un poste CX-02. Elle a avancé que le fait de soulever ces questions permettait de croire que le SCC en voulait à la fonctionnaire de s'être servie en toute légitimité de congés auxquels elle avait droit et d'avoir fait le choix raisonnable de ne pas vouloir assumer les fonctions d'un CX-02. M. Martin a expliqué que ces points avaient été mentionnés dans les rapports ou lors de ses communications verbales avec la fonctionnaire parce qu'il voulait qu'elle soit bien au fait de la situation relative à ses congés et à son droit d'effectuer des heures supplémentaires. En ce qui concerne les congés de maladie de la fonctionnaire, M. Martin lui en a parlé pour lui signaler que son solde de congé de maladie était largement négatif depuis son congé et pour l'inviter à réfléchir à une façon de redresser la situation. Pour ce qui est de l'utilisation par la fonctionnaire de congés de maladie pour des rendez-vous chez son chiropraticien, M. Martin a affirmé qu'il voulait indiquer à la fonctionnaire qu'elle avait peut-être inscrit cette demande dans la mauvaise catégorie de congés. La mention de la décision de la fonctionnaire de retourner à un poste CX-01 et de sa demande de ne pas être affectée à des fonctions de CX-02 à l'Unité Churchill à titre intérimaire a été faite pour l'avertir qu'elle risquait ainsi de perdre des possibilités d'heures supplémentaires.

119 M. Martin est donc parvenu à fournir une explication cohérente et convaincante pour la mention de ces questions dans les rapports d'évaluation du rendement. Il aurait peut-être été préférable de discuter de ces questions à un autre moment que lors des discussions portant sur l'examen des rapports, mais je suis persuadée que M. Martin ne blâmait pas la fonctionnaire pour les choix qu'elle a faits relativement à ces questions.

120 Tous les témoins cités à témoigner ont décrit l'établissement comme un milieu de travail stressant et exigeant, caractérisé par des incidents critiques requérant des interventions rapides, d'intenses préoccupations pour la sécurité des détenus et du personnel et des conflits entre la vocation clinique de l'établissement et sa mission correctionnelle. La fonctionnaire a elle-même admis que les facteurs de stress à l'établissement l'affectaient; après une période particulièrement intense au début de sa période de stage, elle a pris un congé de maladie en raison du stress subi. À son retour, M. Martin lui a demandé si elle avait besoin que l'on prenne des mesures d'adaptation à son égard. Bien que la fonctionnaire ait demandé de ne pas être affectée de façon permanente à l'Unité Churchill, elle a indiqué qu'elle était prête à intervenir dans cette unité au besoin, comme doit le faire n'importe quel autre CX-01.

121 La représentante de la fonctionnaire a avancé que le SCC avait la responsabilité de donner à la fonctionnaire l'occasion de recevoir les services du PAE ou de l'équipe de gestion du stress lié aux incidents critiques. Cependant, selon la preuve, le PAE est un programme auquel les employés doivent faire appel d'eux-mêmes, et la fonctionnaire avait été informée de l'existence de ce programme dès la formation préalable à l'emploi. La preuve a aussi révélé que l'équipe de gestion du stress lié aux incidents critiques décide d'elle-même du moment approprié pour intervenir dans une situation; son déploiement n'est pas supervisé par la direction. Quoi qu'il en soit, selon la preuve présentée par M. Martin, que la fonctionnaire n'a pas contestée, il lui a demandé si elle aurait besoin de mesures d'adaptation à son retour au travail et si elle était prête à reprendre ses fonctions. La fonctionnaire a alors dit que, bien qu'elle ne souhaitait pas être affectée à un poste de CX-02 à l'Unité Churchill, elle était prête à reprendre ses fonctions de CX-01 et à intervenir à l'Unité Churchill au besoin.

122 J'ai souligné précédemment qu'il est difficile pour un fonctionnaire de s'acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe dans un cas comme celui-ci. Il ne suffit pas de démontrer que le processus suivi par le SCC était imparfait ou même qu'il était injuste. Il est essentiel de démontrer que le SCC a agi de mauvaise foi et qu'il a essentiellement fabriqué de toutes pièces les motifs d'inaptitude pour justifier le renvoi en cours de stage.

123 J'en conclus que, dans la présente affaire, la fonctionnaire n'est pas parvenue à s'acquitter de ce lourd fardeau. Le SCC a mentionné plusieurs motifs d'inaptitude ayant mené à sa décision de renvoyer la fonctionnaire en cours de stage, et la preuve ne permet pas de conclure que ces motifs ont été inventés pour camoufler des motifs répréhensibles et inacceptables. Par conséquent, je suis d'avis qu'un arbitre de grief n'a pas compétence pour rendre une décision sur ce grief.

124 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

125 Je déclare qu'un arbitre de grief n'a pas compétence pour entendre ce grief.

126 J'ordonne la fermeture de ce dossier

Le 7 janvier 2013.

Traduction de la CRTFP

Beth Bilson,
arbitre de grief

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