Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’arbitre de grief avait rendu une décision (2013 CRTFP 30) par laquelle il annulait le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée et déclarait qu’elle était une employée nommée pour une période indéterminée - il est demeuré saisi de l’affaire afin de donner aux parties le temps de mettre en œuvre les mesures nécessaires de manière à appliquer son ordonnance - les parties se sont entendues sur plusieurs questions, mais ne sont pas parvenues à s’entendre sur la question de savoir si la fonctionnaire s’estimant lésée avait droit à un salaire rétroactif à partir de la date de la décision jusqu’à la date de l’audience - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas droit à un salaire rétroactif - la preuve a révélé que la fonctionnaire s’estimant lésée travaillait lorsque la décision initiale a été rendue, mais aucune preuve ne démontrait ce qu’elle avait gagné et, par conséquent, il n’y avait pas de preuve claire de quelque perte que ce soit - même s’il y avait eu perte, aucune preuve n’indiquait que la fonctionnaire s’estimant lésée aurait été prête à déménager afin d’occuper un poste ailleurs que chez elle - l’employeur a déployé des efforts de bonne foi pour lui trouver un poste près de son domicile en temps opportun, et une partie du retard était attribuable à la fonctionnaire s’estimant lésée. Instructions données.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-12-04
  • Dossier:  566-02-4645 à 4648
  • Référence:  2013 CRTFP 156

Devant un arbitre de grief


ENTRE

KAREN GRIERSON-HEFFERNAN

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Grierson-Heffernan c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Augustus Richardson, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Douglas Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue par téléconférence
le 25 octobre 2013.
(Traduction de la CRTFP)

Introduction

1 Le 25 mars 2013, j'ai rendu une décision dans la présente affaire; voir 2013 CRTFP 30. Pour les motifs exposés dans cette décision, j'ai prononcé l'ordonnance et le jugement déclaratoire suivants :

  1. que la fonctionnaire [Karen Grierson-Heffernan] soit déclarée avoir acquis le statut d'employée nommée pour une période indéterminée relevant de la compétence de l'administrateur général de l'ASFC [Agence des services frontaliers du Canada] à compter du 15 juin 2007;
  2. […] que le licenciement de la fonctionnaire en date du 28 août 2007 constituait un manquement aux pouvoirs de l'ASFC en vertu de la convention collective et qu'il est annulé;
  3. […] que l'ASFC aurait dû désigner […] la fonctionnaire à titre d'employée nommée pour une période indéterminée au sein de la division du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick de l'ASFC, et ce, à compter du 15 juin 2007;

[…]

  1. que je demeure saisi de cette affaire pour une période de quatre-vingt-dix (90) jours afin de donner aux parties le temps de convenir des mesures pertinentes et de les mettre en œuvre de manière appliquer la présente ordonnance […]

2 Un certain nombre de téléconférences ont été tenues avec les représentants des parties pour régler la portion de la décision relative à la réparation. L'une de ces conférences téléphoniques au moins a dû être ajournée à une date ultérieure au motif que le représentant de la fonctionnaire n'avait pas communiqué l'offre de l'employeur à cette dernière à temps pour qu'elle puisse l'examiner. Les parties ont malgré cela réussi en bout de ligne à s'entendre sur certaines des solutions des questions soulevées par l'ordonnance. Elles se sont entendues sur ce qui suit :

  1. la fonctionnaire assumerait un poste de caissière au niveau CR-03 à St. Stephen (Nouveau-Brunswick), au poste frontalier Ferry Point, le 12 novembre 2013;
  2. la fonctionnaire devait être considérée comme ayant été en congé non payé du 15 juin 2007 (date à laquelle elle aurait acquis le statut d'employée nommée pour une période indéterminée si elle n'avait pas été victime de discrimination fondée sur le sexe) au 12 novembre 2013;
  3. l'employeur assumerait sa part des versements au titre du régime de retraite et celle de la fonctionnaire pour la période allant du 15 juin 2007 au 25 mars 2013 (la date de ma décision), calculées en fonction du taux de rémunération au niveau AS-01;
  4. l'employeur et la fonctionnaire assumaient chacun leur part respective des versements au titre du régime de retraite pour la période allant du 25 mars 2013 au 12 novembre 2013, calculée en fonction du niveau CR-03.

3 Toutefois, elles n'ont pu s'entendre sur la question de savoir si la fonctionnaire avait droit à une rémunération rétroactive pour la période allant du 25 mars 2013 (la date à laquelle ma décision a été rendue) au 12 novembre 2013 (la date d'entrée en fonctions de la fonctionnaire dans son nouvel emploi auprès de l'employeur). Une téléconférence, au cours de laquelle des observations ont été présentées pour le compte de la fonctionnaire et de l'employeur, a été tenue le 25 octobre 2013.

4 Le représentant du syndicat a fait valoir que la fonctionnaire devrait toucher une rémunération rétroactive au motif (ainsi qu'il est expliqué en détail dans la décision initiale) que c'est en raison de la pratique discriminatoire de l'employeur que la fonctionnaire a perdu son emploi le 28 août 2007. Elle ne devrait subir aucune perte pour cette raison. Il a fait valoir également que l'employeur avait déraisonnablement retardé le moment de désigner un emploi convenable qu'il pouvait lui offrir pour remédier à son manquement initial. La fonctionnaire ne doit subir aucun préjudice du fait de ce retard, et elle devrait toucher une rémunération rétroactive. Le contraire, a-t-il ajouté, reviendrait à récompenser l'employeur pour ce retard.

5 La représentante de l'employeur a fait valoir que la fonctionnaire ne devrait pas obtenir une rémunération rétroactive. En effet, a-t-elle soutenu, suivant un principe fondamental, il n'existe aucun droit à une rémunération en l'absence d'un travail effectué en contrepartie de celle-ci. De plus, a-t-elle ajouté, l'employeur n'avait pas agi de manière dilatoire lorsqu'il a désigné un emploi qu'il pouvait attribuer à la fonctionnaire. Il a fallu du temps pour trouver un poste près de l'endroit où elle vivait. De plus, le représentant de la fonctionnaire avait mis du temps à répondre aux diverses offres de l'employeur. Il ne lui était donc pas loisible de se plaindre d'un retard allégué de la part de l'employeur.

6 J'ai décidé que la fonctionnaire ne devrait pas toucher une rémunération rétroactive pour la période en question, pour plusieurs raisons.

7 Premièrement, il n'existe aucune règle générale selon laquelle un employé n'a pas droit à une paie s'il n'a pas travaillé en contrepartie de celle-ci. Tout dépend des circonstances et de la mesure de réparation. Ainsi, l'employé à qui l'on redonne son emploi après qu'il a été déterminé qu'il a été licencié injustement peut obtenir une rémunération rétroactive pour la période au cours de laquelle il a été sans emploi même s'il n'a pas travaillé pendant cette période.

8 Il existe cependant un principe qui y fait contrepoids et suivant lequel l'employé qui a perdu son emploi en raison de ce qu'il allègue être le manquement de l'employeur doit néanmoins atténuer la perte subie en attendant l'issue de son grief. L'employé qui a travaillé et tiré un revenu d'un autre emploi en attendant l'issue d'un grief doit déduire ce revenu de toute perte qu'il pourrait par ailleurs avoir subie. Autrement dit, l'employé n'a pas le droit d'être payé deux fois pour la même période.

9 Dans le présent cas, la preuve a permis d'établir que la fonctionnaire travaillait à la date de l'audience et, à ma connaissance, qu'elle travaillait encore à la date de ma décision et, en fait, jusqu'à ce qu'elle assume son nouveau poste auprès de l'employeur en novembre 2013. Toutefois, on ne m'a présenté aucune preuve concernant le salaire qu'elle a gagné au cours de cette période. Cela étant, il n'y avait aucune preuve claire d'une perte entre le mois de mars 2013 et le mois de novembre 2013.

10 Deuxièmement, je n'étais pas convaincu dans les circonstances particulières du présent cas qu'il convenait d'attribuer une rémunération rétroactive même s'il y avait eu une différence entre ce que la fonctionnaire gagnait en mars 2013 et le revenu qu'elle commencerait à gagner en novembre 2013. D'après la preuve produite à l'audience, en août 2007, les seuls autres postes disponibles étaient à Halifax. La fonctionnaire était alors mariée, elle avait une famille et elle vivait au Nouveau-Brunswick. Il n'y a aucune preuve qu'elle aurait été disposée à déménager à Halifax même si l'employeur lui avait offert l'un de ces postes (plutôt que de la licencier comme il l'a fait). J'ai tenu compte de cette preuve dans ma conclusion selon laquelle la fonctionnaire a omis de prouver l'existence d'une perte économique par suite de la décision de l'employeur de la licencier. Le fait que les circonstances au mois de novembre 2013 étaient différentes, de sorte que l'employeur a pu alors offrir un poste à la fonctionnaire près de chez elle, n'a pas donné à cette dernière le droit de réclamer une rémunération rétroactive avant le début de cet emploi.

11 Finalement, et en raison de ce qui précède, j'étais convaincu que l'employeur avait fait des efforts de bonne foi pour trouver un poste en temps opportun. Une partie du retard est né du fait qu'il tentait de trouver un poste près de chez la fonctionnaire. En d'autres termes, il n'y a rien qui permet de dire que l'emploi qu'il a pu lui offrir au mois de novembre 2013 était disponible en mars 2013, lorsque ma décision a été rendue. En outre, et quoi qu'il en soit, une partie au moins du retard était attribuable au représentant de la fonctionnaire, qui a omis de répondre en temps voulu à certaines des offres de l'employeur et qui a omis de communiquer ces offres à la fonctionnaire dans des délais opportuns.

12 En bout de ligne, donc, le représentant de la fonctionnaire n'a pas établi dans les faits ou en droit que la fonctionnaire avait droit à une rémunération rétroactive pour la période allant de la date de ma décision à la date à laquelle la fonctionnaire est entrée en fonctions dans son nouveau poste.

13 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

14 Il est ordonné :

  1. que la fonctionnaire assume un poste de caissière au niveau CR-03 à St. Stephen (Nouveau-Brunswick), au poste frontalier Ferry Point, le 12 novembre 2013;
  2. que la fonctionnaire soit considérée comme ayant été en congé non payé du 15 juin 2007 (date à laquelle elle aurait acquis le statut d'employée nommée pour une période indéterminée si elle n'avait pas été victime de discrimination fondée sur le sexe) au 12 novembre 2013;
  3. que l'employeur assume sa part des versements au titre du régime de retraite et celle de la fonctionnaire pour la période allant du 15 juin 2007 au 25 mars 2013 (la date de ma décision), calculées en fonction du taux de rémunération au niveau AS-01;
  4. que l'employeur et la fonctionnaire assument chacun leur part respective des versements au titre du régime de retraite pour la période allant du 25 mars 2013 au 12 novembre 2013, calculée en fonction du niveau CR-03;
  5. que la demande par la fonctionnaire d'une rémunération rétroactive pour la période du 25 mars 2013 au 12 novembre 2013 soit rejetée.

Le 4 décembre 2013.

Traduction de la CRTFP

Augustus Richardson,
arbitre de grief

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