Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur des fonctionnaires s’estimant lésés n’a pas renvoyé leurs griefs à l’arbitrage à l’intérieur du délai prescrit de 30 jours - l’employeur a soulevé une objection préliminaire relativement à la compétence de l’arbitre de grief pour instruire et trancher les griefs - l’agent négociateur a adressé une demande de prorogation de délai au président de la Commission en vertu de l’article 61 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, faisant valoir que les fonctionnaires s’estimant lésés ne devaient pas être indûment affectés par les erreurs de leur agent négociateur - la nature des demandes était presque identique à celle d’autres demandes présentées par le même agent négociateur, lesquelles avaient été rejetées - le vice-président a appliqué les critères énoncés dans Schenkmanc.Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1, et a conclu que, conformément aux décisions déjà rendues sur cette même question, l’erreur de l’agent négociateur ne constituait pas une raison claire et logique expliquant pourquoi les délais impartis n’avaient pas été respectés - l’agent négociateur n’a pas été en mesure de fournir quelque raison permettant de distinguer les affaires en l’espèce des décisions rendues dans des affaires de nature similaire. Demandes rejetées; dossiers clos par ordonnance.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-03-04
  • Dossier:  568-02-242 et 263 XR : 566-02-5794 et 6134
  • Référence:  2013 CRTFP 20

Devant le président


ENTRE

KEITH SONMOR ET JEROME SLATER

demandeurs

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Sonmor et Slater c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des demandes visant la prorogation d’un délai visée à l’alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, vice-président

Pour les demandeurs:
Marie-Pier Dupuis-Langis, Sheryl Ferguson et Andrea Tait, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN

Pour le défendeur:
Eric Daoust, Vanessa Buchanan, Ken Graham et Maryse Bernier, Secrétariat du Conseil du Trésor

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 28 septembre, 7 et 18 octobre, 16 novembre, 1er et 29 décembre 2011,
le 20 décembre 2012, et les 28 et 29 janvier 2013.
(Traduction de la CRTFP)

Demandes devant le président

1 Keith Sonmor et Jerome Slater (les « demandeurs ») sont des agents correctionnels travaillant l’un au pénitencier de Saskatchewan, l’autre à celui de Joyceville. En 2011, ils ont chacun déposé un grief contre le Service correctionnel du Canada (le « défendeur »). Leurs griefs ont été rejetés. M. Sonmor a renvoyé son grief à l’arbitrage le 25 août 2011, et M. Slater, le 13 octobre 2011.Dans les deux cas, le défendeur s’est opposé au renvoi à l’arbitrage au motif que le demandeur dans chacun des cas n’avait pas renvoyé son grief à l’arbitrage dans les délais prescrits. Les demandeurs ont reconnu le retard. Ils ont écrit à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), afin de demander au président de leur accorder une prorogation du délai pour leurs griefs, en vertu de l’article 61 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement »). Les demandeurs sont représentés par leur agent négociateur, le Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (le « syndicat » ou l’« agent négociateur »). La convention collective pertinente est celle signée par le Conseil du Trésor et le syndicat le 26 juin 2006 et visant l’unité de négociation du groupe des Services correctionnels (la « convention collective »).

2 En vertu de l’article 45 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), le président m’a autorisé, en ma qualité de vice-président, à exercer tous ses pouvoirs ou à m’acquitter de toutes ses fonctions en application de l’alinéa 61b) du Règlement, pour entendre et trancher toute question de prorogation de délai dans le présent cas.

3 Le 28 mars 2011, M. Sonmor a déposé un grief alléguant que le défendeur avait contrevenu à la convention collective en omettant de lui offrir un quart de travail en heures supplémentaires. Le défendeur a rejeté le grief aux premier et deuxième paliers de la procédure de règlement des griefs. Le syndicat a transmis le grief au dernier palier le 7 mai 2011. Le défendeur n’a pas répondu au grief au dernier palier de la procédure dans les délais prescrits par la convention collective. Le 25 août 2011, le syndicat a renvoyé le grief à l’arbitrage. Le 2 septembre 2011, la Commission a informé le défendeur que le syndicat avait renvoyé le grief à l’arbitrage. Le 28 septembre 2011, le défendeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le grief au motif qu’il n’avait pas été renvoyé à l’arbitrage dans les délais prescrits.

4 Le 7 octobre 2011, le syndicat a demandé une prorogation du délai au nom de M. Sonmor pour le renvoi de son grief à l’arbitrage. Au soutien de sa demande, le syndicat a écrit notamment que [traduction] « […] le retard dans le renvoi du grief résulte d’une erreur administrative de la part du représentant de l’agent négociateur […] » et que [traduction] « […] les droits de M. Sonmor ne devraient pas être indûment affectés en raison de l’erreur de l’agent négociateur ».

5 Le 11 mars 2011, M. Slater a présenté un grief contestant la décision du défendeur de ne pas lui verser la rémunération d’intérim pour les journées où on lui avait demandé d’agir à titre de formateur. Le défendeur a rejeté le grief aux premier et deuxième paliers de la procédure de règlement des griefs. Le syndicat a transmis le grief au dernier palier le 6 juillet 2011. Le défendeur n’a pas répondu au grief au dernier palier de la procédure dans les délais prescrits par la convention collective. Le 13 octobre 2011, le syndicat a renvoyé le grief à l’arbitrage. Le 27 octobre 2011, la Commission a informé le défendeur que le syndicat avait renvoyé le grief à l’arbitrage. Le 16 novembre 2011, le défendeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le grief au motif qu’il n’avait pas été renvoyé à l’arbitrage dans les délais prescrits.

6 Le 1er décembre 2011, le syndicat a demandé une prorogation du délai au nom de M. Slater pour le renvoi de son grief à l’arbitrage. Au soutien de sa demande, le syndicat a écrit notamment que [traduction] « […] le retard dans le renvoi du grief résulte d’une erreur d’inattention de la part du représentant élu de l’agent négociateur […] » et que [traduction] « […] les droits de M. Slater ne devraient pas être indûment affectés en raison de l’erreur du représentant élu de l’agent négociateur […] ».

7 Le 18 octobre et le 29 décembre 2011, le défendeur s’est opposé aux demandes de prorogation du délai. Il a invoqué le fait que les demandeurs n’avaient pas fourni des motifs suffisants pouvant justifier le non-respect du délai prescrit pour renvoyer leurs griefs à l’arbitrage et qu’il n’existait pas de raison claire et logique justifiant le retard. Le défendeur m’a renvoyé à Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada) c. Sharaf, 2009 CRTFP 115, ainsi qu’à Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1.

Arguments supplémentaires des demandeurs

8 J’ai été désigné par le président pour examiner ces demandes, en lien avec d’autres demandes de nature semblable provenant du même syndicat et ayant toutes trait à des erreurs ou à des omissions de la part du syndicat quant au respect du délai prescrit dans le cadre de la procédure interne d’arbitrage des griefs. Étant donné que deux décisions avaient déjà été rendues en 2012 relativement à des demandes similaires au nom du président de la Commission, j’ai donné instruction au greffe de la Commission de demander au syndicat de présenter des arguments écrits précisant en quoi les demandes de prorogation du délai en l’espèce présentaient des différences substantielles par rapport à celles visées par les deux décisions rendues en 2012, soit Kunkel c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 28, et Callegaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 110.

9 Les passages ci-après sont des extraits de la lettre envoyée au syndicat, avec copie conforme au défendeur, le 2 novembre 2012 au sujet de ces deux demandes :

[Traduction]

[…]

Un vice-président a étudié une série de demandes de prorogation du délai présentées par le UCCO-SACC-CSN. Ces dossiers contiennent les renseignements suivants :

[…]

  • Dans le dossier 568-02-242, le fonctionnaire s’estimant lésé avait renvoyé son grief à l’arbitrage quelques semaines en retard. Le 7 octobre 2011, l’agent négociateur a écrit que « le renvoi tardif du grief à l’arbitrage résulte d’une erreur administrative de la part du représentant de l’agent négociateur ».

[…]

  • Dans le dossier 568-02-263, le fonctionnaire s’estimant lésé avait renvoyé son grief à l’arbitrage quelques semaines en retard. Le 1er décembre 2011, l’agent négociateur a écrit que « le renvoi tardif du grief à l’arbitrage résulte d’une erreur d’inattention de la part du représentant élu de l’agent négociateur ».

[…]

Au cours des derniers mois, la Commission a statué sur des demandes de prorogation du délai résultant d’erreurs ou d’omissions de la part de représentants de l’agent négociateur ayant entraîné des renvois à l’arbitrage hors délai. Dans Kunkel c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 28, la vice-présidente Gobeil a rejeté la demande. Elle a écrit ce qui suit :

[21] En ce qui concerne la preuve, le représentant du demandeur a mentionné que le retard dans le renvoi des griefs à l’arbitrage était attribuable à une erreur de la part de l’agent négociateur et que le demandeur avait mal interprété les délais impartis pour le renvoi des griefs à l’arbitrage. Compte tenu des faits, je conclus que ces explications sont insatisfaisantes pour justifier le retard et, par conséquent, la prorogation du délai. En l’occurrence, des suppositions erronées ne peuvent servir de motif à une prorogation de délai.

[22] À mon avis, le fait que la Loi traite clairement des situations où l’employeur ne répond pas à un grief a pour effet que l’ensemble des explications fournies par l’agent négociateur et le demandeur ne constituent pas, en l’espèce, une raison logique et convaincante d’accorder une prorogation de délai. Bien que cela ait pu être le cas dans d’autres circonstances où l’inaction de l’agent négociateur était raisonnablement justifiée et qu’aucun blâme ne pouvait être attribué au fonctionnaire s’estimant lésé pour l’erreur commise, ce n’est pas le cas en l’espèce. L’agent négociateur du demandeur est un syndicat de renom qui possède de nombreuses années d’expérience dans la représentation des membres de l’unité de négociation des CX, tant sous le régime de la présente Loi que de la précédente. Au vu du libellé clair de la Loi en ce qui a trait aux délais impartis et au renvoi d’un grief au prochain palier lorsque l’employeur omet de répondre dans les délais impartis, l’explication fournie par l’agent négociateur n’est ni logique ni convaincante.

Dans Callegaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 110, le vice-président Paquet a également rejeté la demande, s’exprimant comme suit :

[19] La demanderesse ne m’a pas convaincu qu’elle avait un motif clair, logique et convaincant justifiant le retard de quatorze mois dans le renvoi de ses griefs à l’arbitrage. En fait, le retard est entièrement attribuable au syndicat et au fait que la demanderesse ne s’est pas enquise du cheminement de ses griefs. Si elle avait fait preuve d’une plus grande diligence, elle se serait rendu compte à un moment donné que ses griefs n’avaient pas été renvoyés à l’arbitrage. L’omission, la négligence ou l’erreur du syndicat ne constituent pas des raisons logiques et convaincantes justifiant une prorogation du délai. Aucune jurisprudence n’a d’ailleurs été invoquée au soutien d’une telle proposition. La demanderesse ou son syndicat n’ont pas été empêchés de renvoyer les griefs à l’arbitrage. Ils ont tout simplement été négligents, et n’y ont pas procédé dans le délai réglementaire. À cet égard, la demanderesse et son syndicat ne peuvent être considérés comme étant deux entités distinctes, comme le suggère l’argument de la demanderesse voulant qu’elle ne doive pas être [traduction] « pénalisée » pour les omissions de son syndicat.

[20] Si le retard n’est pas justifié par des motifs clairs, logiques et convaincants, les autres facteurs sont de peu d’intérêt. Autrement, comme je l’ai observé dans Lagacé, « [à] quoi serviraient les délais dont les parties à la convention collective ont convenu si le président de la Commission pouvait les proroger à la suite d’une demande qui n’est pas solidement justifiée? ». Accorder de telles prorogations de délai serait méconnaître l’entente conclue par les parties à la convention collective. Cela ne serait certainement pas conforme à l’objet de l’alinéa 61b) du Règlement.

La Commission prie le UCCO-SACC-CSN de lui présenter des arguments écrits précisant en quoi les 20 demandes de prorogation du délai évoquées ci-dessus présentent des différences substantielles par rapport à celles des cas Kunkel ou Callegaro.

Sur la base de ces arguments, la Commission pourrait rendre une décision quant à ces 20 dossiers, demander des arguments supplémentaires, ou ordonner la mise au rôle de ces affaires.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

10 Le 20 décembre 2012, le syndicat a répondu comme suit à la lettre envoyée par le greffe de la Commission le 2 novembre 2012 relativement à la demande de prorogation de M. Sonmor :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à votre lettre datée du 2 novembre 2012 dans laquelle vous demandiez au syndicat de présenter des arguments écrits précisant en quoi les vingt (20) demandes de prorogation de délai présentaient des différences substantielles par rapport à celles des cas Kunkel ou Callegaro.

En ce qui a trait au dossier précité, il y a eu une erreur dans la transcription de la date sur la formule 20. En fait, alors que la transmission du grief au troisième palier avait été effectuée le 7 mai 2011 (07/05/2011), la date inscrite sur la formule 20 était celle du 5 juillet 2011 (05/07/2011). Le renvoi tardif à l’arbitrage est attribuable à cette erreur administrative, le délai ayant été calculé à partir de la date erronée du 5 juillet 2011.

Nous soumettons respectueusement que cette erreur administrative ne devrait pas causer un préjudice au fonctionnaire s’estimant lésé.

[…]

11 Il convient de noter que la documentation versée au dossier de M. Sonmor contient en outre une copie de la formule utilisée pour transmettre le grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. M. Sonmor a inscrit [traduction] « 7 mai/2011 » pour sa date de signature. Le représentant syndical a inscrit « 2011-05-07 », et le superviseur immédiat a inscrit « 2011/05/07 » pour leurs dates de signature. On constate aussi la présence d’une estampille sur la formule, [traduction] « 18 mai 2011 », indiquant la date à laquelle la formule a été reçue aux « Relations de travail et rémunération ». Le syndicat soutient que l’erreur dans le renvoi du grief à l’arbitrage dans les délais impartis est attribuable à ces dates, précisant que les dates en question ont été lues par ses représentants comme signifiant le mois de juillet au lieu du mois de mai.

12 Le 28 janvier 2013, le syndicat a répondu que dans le cas de M. Slater, sa demande de prorogation du délai ne différait pas, pour l’essentiel, de celles présentées dans Kunkel ou Callegaro. Il a de plus indiqué que l’erreur d’inattention du représentant de l’agent négociateur dans ce dossier ne différait pas de celle invoquée dans ces deux cas.

13 Compte tenu que les parties avaient été informées le 2 novembre 2012 qu’une décision pourrait être rendue sans arguments supplémentaires ou sans audience, j’ai conclu que je disposais de suffisamment d’informations non contredites au dossier, y compris les arguments écrits datés du 20 décembre 2012 ainsi que ceux datés du 28 et du 29 janvier 2013, pour rendre une décision au sujet de ces demandes.

Motifs

14 La nature de ces deux demandes est quasiment la même que celle des 12 autres demandes présentées par le même syndicat pour le compte de certains de ses membres et à l’égard desquelles j’ai rendu une décision en janvier 2013 (voir St-Laurent et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 4).

15 Les demandeurs ont reconnu avoir renvoyé leurs griefs à l’arbitrage en dehors des délais impartis. Ce fait n’est pas contesté. Selon la clause 20.13 de la convention collective, le défendeur avait 30 jours pour répondre à un grief présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, faute de quoi le grief pouvait ensuite être renvoyé au palier suivant, l’arbitrage. Le défendeur n’a pas répondu à l’intérieur de ce délai de 30 jours. Par ailleurs, en vertu du paragraphe 90(2) du Règlement, à la fin de ces 30 jours, les demandeurs disposaient d’un délai de 40 jours pour renvoyer leurs griefs à l’arbitrage. Ils n’ont pas respecté ce délai et ont effectivement renvoyé leurs griefs à l’arbitrage quelques semaines en retard. Après avoir reconnu ce retard, le syndicat a demandé une prorogation du délai au nom des demandeurs.

16 Les demandes de prorogation du délai sont présentées en vertu de l’article 61 du Règlement, qui se lit comme suit :

61. Malgré les autres dispositions de la présente partie, tout délai, prévu par celle-ci ou par une procédure de grief énoncée dans une convention collective, pour l’accomplissement d’un acte, la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable aux griefs, le renvoi d’un grief à l’arbitrage ou la remise ou le dépôt d’un avis, d’une réponse ou d’un document peut être prorogé avant ou après son expiration :

  1. soit par une entente entre les parties;
  2. soit par le président, à la demande d’une partie, par souci d’équité.

17 De toute évidence, les parties ne se sont pas entendues pour accorder une prorogation du délai ni au défendeur, pour qu’il puisse répondre aux griefs, ni aux demandeurs, pour qu’ils puissent renvoyer leurs griefs à l’arbitrage. Autrement, les demandes en l’espèce n’auraient pas été présentées. Or, en vertu de l’alinéa 61b) du Règlement, des prorogations du délai peuvent être accordées par souci d’équité.

18 Les critères à prendre en considération afin de statuer sur une demande de prorogation du délai ont été énoncés dans Schenkman. Ces critères sont les suivants :

  • le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;
  • la durée du retard;
  • la diligence raisonnable du demandeur;
  • l’équilibre entre l’injustice causée à l’employé et le préjudice que subit l’employeur si la prorogation est accordée;
  • les chances de succès du grief.

19 Ainsi qu’il a été statué par la Commission à cet égard, l’importance accordée à chacun de ces critères n’est pas nécessairement la même. Il faut examiner les faits invoqués pour voir dans quelle mesure on doit tenir compte de chaque critère. Il arrive que certains critères ne s’appliquent pas ou qu’il y en ait seulement un ou deux qui pèsent dans la balance.

20 En l’espèce, le syndicat a affirmé, au nom des demandeurs, que les retards dans le renvoi des griefs à l’arbitrage étaient attribuables à une erreur administrative, dans le cas de M. Sonmor, et d’une erreur d’inattention, dans le cas de M. Slater, de la part d’un représentant de l’agent négociateur. Aucune autre raison n’a été présentée pour expliquer ces retards dans aucun de ces deux dossiers.

21 Les faits des présentes demandes sont comparables à ceux dans Kunkel et Callegaro, où le délai prescrit en vertu de la convention collective ou du Règlement n’avait pas été respecté en raison d’erreurs ou d’omissions de la part du syndicat. Ces deux décisions ont été rendues en 2012 et, dans les deux cas, le vice-président avait conclu que les erreurs ou les omissions de la part du syndicat ne constituaient pas des raisons claires ou logiques expliquant pourquoi les délais impartis n’avaient pas été respectés. À cet égard, j’ai écrit ce qui suit dans Callegaro, reprenant d’ailleurs cet extrait dans la demande de présentation d’arguments écrits formulée au syndicat en date du 2 novembre 2012 :

[…]

[19] […] L’omission, la négligence ou l’erreur du syndicat ne constituent pas des raisons logiques et convaincantes justifiant une prorogation du délai. Aucune jurisprudence n’a d’ailleurs été invoquée au soutien d’une telle proposition. La demanderesse ou son syndicat n’ont pas été empêchés de renvoyer les griefs à l’arbitrage. Ils ont tout simplement été négligents, et n’y ont pas procédé dans le délai réglementaire. À cet égard, la demanderesse et son syndicat ne peuvent être considérés comme étant deux entités distinctes, comme le suggère l’argument de la demanderesse voulant qu’elle ne doive pas être [traduction] « pénalisée » pour les omissions de son syndicat.

[20] Si le retard n’est pas justifié par des motifs clairs, logiques et convaincants, les autres facteurs sont de peu d’intérêt. Autrement, comme je l’ai observé dans Lagacé, « [à] quoi serviraient les délais dont les parties à la convention collective ont convenu si le président de la Commission pouvait les proroger à la suite d’une demande qui n’est pas solidement justifiée? ». Accorder de telles prorogations de délai serait méconnaître l’entente conclue par les parties à la convention collective. Cela ne serait certainement pas conforme à l’objet de l’alinéa 61b) du Règlement.

[…]

22 Le syndicat n’a pas été en mesure de fournir quelque raison permettant de distinguer les cas en l’espèce des décisions rendues dans Kunkel et Callegaro. Il n’existe donc pas de raisons claires, logiques et convaincantes justifiant une prorogation du délai et d’accueillir les demandes. Dans ce contexte, les autres circonstances à prendre en considération pour décider de l’opportunité d’accorder une prorogation du délai ne sont pas pertinents. Compte tenu des arguments présentés, je ne vois aucune raison d’accueillir cas demandes et de déroger à la jurisprudence récente de la Commission dans des affaires de nature comparable.

23 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

24 Les demandes de prorogation du délai sont rejetées.

25 J’ordonne que les dossiers de griefs de la CRTFP 566-02-5794 et 6134 soient clos.

Le 4 mars 2013.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
vice-président

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