Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué ne pas avoir été représenté de façon équitable par son agent négociateur en ce qui concerne le suivi d’un grief déposé contre son employeur, qui ne lui a pas remboursé certaines dépenses qu’il a engagées lorsqu’il a dû participer à une sélection de jurés ou exercer des fonctions de juré - il n’y avait pas de preuve que le défendeur avait agi de façon discriminatoire envers le plaignant parce qu’il n’avait pas fait le suivi de son grief alors qu’il savait qu’un autre membre de l’unité de négociation avait reçu un remboursement des dépenses engagées alors qu’il était en voyage d’affaires - rien ne suggérait qu’il y avait eu de la discrimination fondée sur un motif de distinction illicite - le défendeur n’a pas agi de façon arbitraire et, en fait, ses actes étaient le contraire d’arbitraire - la référence à la clause17.15 de la convention collective (<<Congé payé pour comparution>>) se rapportait à un congé payé et ne visait pas les dépenses - l’employeur n’a pas obligé le plaignant à participer à un processus de sélection de jurés ni à exercer des fonctions de juré - aucune des dispositions sur les congés contenues dans la convention collective n’indique que la rémunération comprend des dépenses; ni aucune autre règle, politique, ligne directrice, orientation ou réglementation relative à la gestion. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-12-05
  • Dossier:  561-34-620
  • Référence:  2013 CRTFP 157

Devant une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique


ENTRE

PETER CHERWONOGRODZKY

plaignant

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Cherwonogrodzky c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour le défendeur:
Martin Ranger, avocat

Décision rendue sur la base d'arguments écrits,
déposés le 23 avril et les 16 et 30 mai 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 23 avril 2013, Peter Cherwonogrodzky (le « plaignant ») a déposé une plainte contre l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l'« IPFPC » ou le « défendeur ») en vertu de l'alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »).

2 Selon les détails de la plainte, le plaignant n'a pas été représenté équitablement par l'IPFPC relativement à la poursuite d'un grief contre son employeur qui ne lui aurait pas remboursé certaines dépenses engagées lorsqu'il a dû assister à la sélection des jurés ou exercer des fonctions de juré.

3 Le 16 mai 2013, l'IPFPC a déposé sa réponse à la plainte niant qu'il avait enfreint son devoir prévu à l'alinéa 190(1)g) de la Loi. Le plaignant a déposé une réplique à la réponse le 30 mai 2013.

4 Le 30 septembre 2013, le greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a écrit aux parties pour les informer que la formation de la Commission qui a été investie de l'affaire avait décidé d'instruire celle‑ci au moyen d'arguments écrits. La formation les a en outre informées que les autres arguments que le plaignant pourrait avoir devaient être déposés d'ici le 21 octobre 2013, que les arguments que le défendeur pourrait vouloir présenter en réponse aux arguments supplémentaires du plaignant devaient être déposés d'ici le 12 novembre 2013, et que les arguments en réplique que le plaignant pourrait avoir devaient être déposés au plus tard le 19 novembre 2013.

5 Le 21 octobre 2013, le plaignant a écrit à la Commission pour l'informer qu'il ne présenterait pas d'autres arguments.

6 Le 24 octobre 2013, la Commission a écrit aux parties pour les informer que le processus de présentation d'arguments écrits était fermé.

II. Résumé de la preuve

7 Il semblerait que d'après les documents fournis, le plaignant était, pendant toute la période pertinente, employé de l'Agence du revenu du Canada (« ARC » ou l'« employeur ») à titre de vérificateur. On ne m'a pas fourni son niveau de classification.

8 Le 4 septembre 2012, le plaignant a fait parvenir un courriel à Cheryl Owens‑Carr, une agente des relations de travail du défendeur. Le plaignant a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

J'aimerais m'informer au sujet du remboursement que les employés de l'ARC membres de l'IPFPC devraient recevoir lorsqu'ils sont assignés en vue de la sélection des jurés et de l'exercice des fonctions de juré.

En vertu de la clause 17.15 (Congé payé pour comparution) de la convention collective, les membres de l'IPFPC se verraient accorder un congé payé en vue de la sélection des jurés ou d'exercer des fonctions de juré; toutefois, la convention collective ne dit mot du remboursement des dépenses, par exemple le kilométrage, le stationnement, les repas, etc.

Comme le tribunal fait partie de la Couronne, et que la Couronne – provinciale ou fédérale – est l'employeur du personnel de l'ARC, la Couronne/l'employeur précise où un membre de l'IPFPC doit se présenter en vue de la sélection des jurés ou d'exercer des fonctions de juré. Je suis d'avis que cette situation est similaire à celle dans laquelle l'employeur ordonne à un membre de l'IPFPC de se présenter directement au lieu d'affaires d'un contribuable pour effectuer une vérification. Comme le membre de l'IPFPC est tenu par la loi de se présenter à un endroit autre que l'administration centrale, il devrait être dédommagé pour atténuer les dommages subis pour avoir respecté cette directive, notamment au titre du kilométrage, du stationnement et des repas. Ma compréhension de la situation selon laquelle si un membre de l'IPFPC est assigné à comparaître devant un organe législatif [p. ex. un comité du Sénat ou de la Chambre des communes, un conseil législatif ou une assemblée législative], un membre de l'IPFPC se ferait rembourser ses frais de déplacement, de logement et autres frais connexes raisonnables liés à la comparution devant cet organisme en conformité avec cet ordre juridique vient étayer davantage cette position.

D'après mes souvenirs, le temps et les frais d'un fonctionnaire de l'Ontario [FO] seraient couverts par l'employeur; toutefois, le dédommagement reçu par la Cour serait remis à l'employeur afin que le FO ne bénéficie pas d'un cumul d'avantages dans ce cas. Est-ce le cas des membres de l'ARC assignés en vue de la sélection des jurés  et d'exercer des fonctions de juré?

[…]

9 Mme Owens-Carr a répondu au plaignant par courriel le 18 septembre 2012, à 15 h 37, pour l'informer qu'elle avait étudié sa demande et que la convention collective ne confère aucun droit au remboursement des dépenses qu'il avait demandé. Elle lui a suggéré de s'adresser au tribunal pour voir s'il lui rembourserait ces frais. La convention collective a été conclue entre l'employeur et le défendeur pour le groupe VFS; la date d'expiration est établie au 21 décembre 2011 (la « convention collective »).

10 Le plaignant a répondu au courriel de Mme Owens-Carr en acheminant le courriel de celle-ci à Marcia Kredentser, de l'IPFPC, le 18 septembre 2012, à 16 h 02, et a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Veuillez indiquer dans quels cas la convention collective prévoit le remboursement des frais de déplacement pour les employés de l'ARC en voyage d'affaires pour l'ARC (p. ex. des vérifications qui leur sont attribuées par l'employeur), malgré le fait que les membres de l'IPFPC se font rembourser leurs frais de kilométrage, de repas, de stationnement, de logement, etc.

L'IPFPC estime-t-il que si j'ai été assigné à comparaître devant un comité parlementaire, je dois payer mes frais de déplacement, ce qui est également couvert par la clause 17.15 de la convention collective?

J'aimerais que vous précisiez que si un droit n'est pas conféré par la convention collective, cela n'empêche pas un remboursement en vertu d'un document comme une politique, une pratique, etc.

[…]

11 Le 18 septembre 2012, à 16 h 36, Mme Kredentser a fait parvenir un courriel au plaignant pour l'informer qu'elle acheminait son courriel du 18 septembre 2012 transmis à 16 h 02 à Mme Owens-Carr pour obtenir d'autres éclaircissements ou une réponse.

12 Le 23 octobre 2012, le plaignant a fait parvenir un courriel à Doug Mason, représentant pour l'Ontario du groupe Vérification, finances et sciences de l'IPFPC, courriel dans lequel il mentionnait notamment ce qui suit :

[Traduction]

[…]

On m'a refusé le remboursement de dépenses découlant d'une assignation à comparaître en vue de la sélection des jurés.

[…]

L'IPFPC représente-t-il ses membres dans les cas de griefs de principe (portant notamment sur les frais de déplacement) ou les membres doivent-ils déposer des griefs individuels concernant les politiques de l'ARC?

J'estime qu'il est difficile de croire que si je suis assigné devant un comité parlementaire, je devrai assumer mes frais de déplacement, car les assignations devant les comités parlementaires ou législatifs sont visées par la même clause de la convention collective que la sélection des jurés. […]

[…]

13  Le 1er novembre 2012, M. Mason a répliqué au courriel du plaignant daté du 23 octobre 2012 pour l'informer que la clause 17.15 de la convention collective prévoit un congé payé autorisé pour comparution. Il a expliqué au plaignant que la clause signifie un congé du travail et qu'il ne s'agit pas d'une partie du travail du plaignant à l'ARC. Il a en outre informé le plaignant qu'en l'absence d'une disposition spécifique de la convention collective qui prévoirait le remboursement des frais liés à un congé du travail, il existe une présomption selon laquelle ces frais incomberaient personnellement au plaignant. M. Mason a déclaré que quoique la clause 34.07(4) de la convention collective prévoit qu'un employé ne peut pas présenter un grief individuel portant sur l'interprétation ou l'application de la convention collective sans l'autorisation de l'IPFPC ou sans être représenté par l'IPFPC, car ce point n'était pas couvert par la convention collective, le plaignant a pu déposer un grief sans le soutien de l'IPFPC. Enfin, il a confirmé au plaignant que s'il désirait poursuivre l'affaire plus loin, il devrait communiquer avec Joanne Harvey, du bureau national de l'IPFPC.

14 Le plaignant était insatisfait de la réponse de M. Mason et le 5 décembre 2012, il a fait parvenir un courriel à Mme Harvey, chef des opérations régionales de l'IPFPC. Dans ce courriel, il reprenait la position qu'il avait adoptée dans la correspondance déjà envoyée à Mme Owens-Carr, à Mme Kredentser et à M. Mason.

15 Mme Harvey a répondu au plaignant par courriel le 5 décembre 2012, en lui indiquant qu'après avoir examiné rapidement les faits tels qu'ils sont énoncés dans le courriel qu'il lui avait fait parvenir, elle a souscrit aux conseils qui lui ont été donnés par les représentants de l'IPFPC avec lesquels il avait fait affaire précédemment. Ceci étant dit, elle lui a confirmé qu'elle procéderait à un examen plus exhaustif de l'affaire et qu'elle lui reviendrait.

16 Le 20 décembre 2012, Mme Harvey a écrit au plaignant. Dans sa correspondance adressée au plaignant, Mme Harvey a affirmé ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Comme vous l'avez mentionné dans votre courriel du 4 septembre, la convention collective ne dit mot du remboursement des frais engagés pour la sélection des jurés  et l'exercice des fonctions de juré.

Votre présence à la sélection des jurés et votre participation à l'exercice de la fonction de juré ne reposent pas sur votre emploi et l'ARC ne vous donne pas instruction d'assister à la sélection des jurés à titre d'employé. De fait, c'est le procureur général qui fait appel à votre devoir civique de citoyen canadien, et non à titre de fonctionnaire.

Comme l'employeur n'a pas exigé que vous assistiez à la sélection des jurés, et comme la convention collective ne dit mot sur la question, je souscris à la position de M. Mason et de Mme Owens-Carr selon laquelle vous n'avez pas droit au remboursement de vos frais de stationnement, de kilométrage, de repas et autres aux termes de la clause 17.15 de la convention collective. Par conséquent, je souscris à la position selon laquelle un grief basé sur la convention collective n'est pas fondé.

Comme il est clairement établi qu'un grief de principe a trait à l'interprétation ou à l'application de la convention collective et comme votre question en litige ne repose pas sur une convention collective, un grief de principe en tant que tel ne serait pas fondé.

Si vous aviez l'intention de contester la politique d'un employeur (comme la politique sur les congés rémunérés que vous citez dans le courriel que vous m'avez envoyé), je souscris à la position de M. Mason selon laquelle comme la question n'est pas liée à la convention collective, vous n'aviez pas besoin de l'appui ou de la représentation de l'IPFPC, et vous pouviez déposer un grief individuel par vous-même.

[…]

En vertu de la Politique sur le règlement des différends de l'Institut, vous pouvez demander un réexamen de ma décision à l'avocate générale, Me Isabelle Roy. […]

[…]

17 Le 9 janvier 2013, le plaignant a demandé le réexamen de la décision de Mme Harvey. Le 29 janvier 2013, Isabelle Roy a communiqué au plaignant le refus de sa demande, dans les termes suivants :

[Traduction]

Vos arguments ont été examinés avec soin et nous avons établi que le dépôt d'un grief individuel ou d'un grief de principe comme vous l'avez demandé pour les motifs qui suivent n'est pas fondé.

Sauf le respect que je vous dois, ni la convention collective ni la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique n'étayent votre prétention selon laquelle vous avez droit au remboursement des frais engagés pour assister à la sélection des jurés.

La clause 17.15 de la convention collective du groupe VFS (Congé payé pour comparution) a été négociée afin de permettre qu'un employé puisse s'acquitter de son devoir civique sans que son salaire soit touché. Ni l'employeur ni l'Institut n'avaient prévu que l'employeur rembourserait des frais comme les frais de stationnement ou de déplacement. Ces frais ne font pas l'objet de la convention collective conclue entre l'ARC et l'Institut. Ainsi, nous souscrivons à l'évaluation de l'ARE et de Joanne Harvey.

[…]

18 Je n'ai pas reçu de preuve que le plaignant a déposé un grief.

19 Je n'ai pas obtenu de preuve du montant (s'il y a lieu) que le plaignant dit avoir dépensé pour assister à la sélection des jurés ou pour exercer la fonction de juré ni à quelle fin.

20 Je n'ai pas reçu de politique de l'ARC prévoyant le paiement des dépenses liées à la présence lors de la sélection des jurés ou à l'exercice de la fonction de juré ni toute autre politique de l'ARC.

21 Je n'ai reçu aucune politique de l'IPFPC.

A. La convention collective

22 On ne m'a pas indiqué la date à laquelle le plaignant devait assister à la sélection des jurés/exercer la fonction de juré ou la date à laquelle il a demandé à son employeur le remboursement de ses dépenses, s'il l'a fait. La plainte est datée du 23 avril 2013. Le 10 juillet 2012, l'ARC et le défendeur ont conclu une convention collective qui prendra fin le 21 décembre 2014. Avant cette date, l'ARC et le défendeur étaient régis par une convention collective qui a pris fin le 21 décembre 2011. Selon le moment des événements décrits dans la plainte, l'une ou l'autre de ces conventions collectives aurait été en vigueur.

23 Dans la présente décision, j'ai fait référence aux dispositions de la convention collective qui prend fin le 21 décembre 2014. Ces dispositions citées dans les présentes sont les mêmes que dans la convention collective qui a pris fin le 21 décembre 2011, sauf la définition de « taux de rémunération journalier » qui se trouve à la clause 2w) et non à la clause 2x) et sauf pour ce qui est des mots « ou l'arbitre » qui suivent le mot arbitre à la clause 17.15c)(v).

24 L'article 2 de la convention collective est la disposition interprétative et ne définit pas le mot « rémunération ».

25 La clause 2.01w) de la convention collective prévoit ce qui suit :

  1. « taux de rémunération journalier » désigne le taux de rémunération hebdomadaire d'un employé divisé par cinq (5) […]

26 La clause 2.01u) de la convention collective prévoit ce qui suit :

  1. « taux de rémunération hebdomadaire » désigne le taux de rémunération par an de l'employé divisé par 52,176 […]

27 La clause 5.01 de la convention collective prévoit ce qui suit :

L'Institut reconnaît que l'Employeur retient toutes les fonctions, les droits, les pouvoirs et l'autorité que ce dernier n'a pas, d'une façon précise, diminués, délégués ou modifiés par la présente convention. […]

28 L'article 9 de la convention collective traite de la rémunération du travail en heures supplémentaires. La clause 9.06 porte sur les indemnités de repas lors du travail en heures supplémentaires et prévoit ce qui suit :

  1. Un employé qui effectue trois (3) heures supplémentaires ou davantage, juste avant ou juste après ses heures de travail d'horaire prévu, bénéficie du remboursement de dix dollars et cinquante sous (10,50 $) pour un repas, sauf lorsque les repas sont fournis gratuitement. […]
  2. Lorsqu'un employé effectue quatre (4) heures supplémentaires ou davantage qui se prolongent sans interruption au-delà de la période citée en a) ci-dessus, il est remboursé d'un montant de dix dollars et cinquante sous (10,50 $) pour un repas supplémentaire, sauf lorsque les repas sont fournis gratuitement. […]
  3. Les alinéas 9.06a) et b) ne s'appliquent pas à l'employé en situation de voyage qui a droit de ce fait de demander un remboursement de ses frais de logement et/ou de repas.

29 L'article 10 de la convention collective traite des « rappels au travail », qui sont définis à la clause 10.01. Il y a rappel au travail lorsqu'un employé qui a terminé ses heures de travail régulières et qui a quitté son lieu de travail est, avant de se présenter à sa prochaine période de travail prévue, rappelé au travail pour une période d'heures supplémentaires non contiguës. La clause 10.04 de la convention collective vise seulement les employés classifiés CS. Elle prévoit ce qui suit :

10.04 Lorsqu'un employé est rappelé au travail pour exécuter du travail selon les conditions énoncées au paragraphe 10.01 et qu'il est obligé d'utiliser des services de transport autres que les services de transport en commun normaux, il sera remboursé pour les dépenses raisonnables engagées selon les modalités suivantes :

  1. une indemnité de kilométrage au taux approuvé par l'Employeur, en fonction du kilométrage parcouru, tel que prévu dans la politique sur les voyages de l'Employeur, ou l'utilisation de taxis, tel que déterminé par l'Employeur, pour se rendre de son domicile à son lieu de travail et vice versa, s'il y a lieu;
  2. les dépenses supplémentaires engagées pour le stationnement ou pour d'autres moyens de transport en commun, jugées acceptables par l'Employeur.

30 Les articles 14 à 17 de la convention collective portent sur plusieurs types de congé.

31 La clause 17.15 de la convention collective prévoit ce qui suit :

17.15 Congé payé pour comparution

L'Employeur accorde un congé payé à l'employé pendant la période de temps où il est tenu :

  1. d'être disponible pour la sélection d'un jury;
  2. de faire partie d'un jury;

    ou
  3. d'assister, sur assignation ou sur citation, comme témoin à une procédure qui a lieu :
    1. devant une cour de justice ou devant un jury d'accusation, sur autorisation de cette dernière,
    2. devant un tribunal, un juge, un magistrat ou un coroner,
    3. devant le Sénat ou la Chambre des communes du Canada ou un de leurs comités, dans les circonstances autres que celles où il exerce les fonctions de son poste,
    4. devant un conseil législatif, une assemblée législative ou une chambre d'assemblée ou un de leurs comités, autorisés par la loi à obliger des témoins à comparaître devant eux,

      ou
    5. devant un arbitre, une personne ou un groupe de personnes autorisées par la loi à faire une enquête et à obliger des témoins à se présenter devant eux.

32 L'article 18 de la convention collective porte sur le perfectionnement professionnel. La clause 18.03 traite de l'assistance aux conférences et aux congrès, et la clause 18.04 traite du perfectionnement professionnel.

33 La clause 18.03c) de la convention collective prévoit ce qui suit :

  1. L'Employeur peut accorder un congé payé et un montant de dépenses raisonnables, y compris les droits d'inscription, pour assister à ces rencontres, sous réserve des contraintes budgétaires et des nécessités du service.

34 La clause 18.03e) de la convention collective prévoit ce qui suit :

  1. L'employé invité à participer à une conférence ou à un congrès à titre officiel, par exemple pour présenter une communication officielle ou pour donner un cours se rattachant à son domaine d'emploi, peut bénéficier d'un congé payé à cette fin et peut, en plus, recevoir le remboursement des droits d'inscription à une conférence ou à un congrès et de ses dépenses de voyage raisonnables.

35 La clause 18.04f) de la convention collective prévoit ce qui suit :

  1. L'employé qui suit un programme de perfectionnement professionnel, en vertu du présent paragraphe, peut être remboursé de ses dépenses de voyage raisonnables et des autres dépenses que l'Employeur juge appropriées.

36 L'annexe A de la convention collective renferme les notes sur la rémunération et prévoit les taux de rémunération des divers groupes et niveaux couverts par la convention, qui sont énoncés sous forme de taux de rémunération annuel ou de taux de rémunération hebdomadaire, de taux de rémunération journalier ou de taux de rémunération horaire.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour le plaignant

37 Le plaignant fait valoir que sa plainte repose sur le refus du défendeur de poursuivre un grief contre l'employeur pour une violation alléguée de la clause 17.15 de la convention collective.

38 Le plaignant affirme que bien que le défendeur lui a dit que la clause 17.15 de la convention collective, intitulée « Congé payé pour comparution », a été négociée afin d'assurer qu'un employé puisse remplir son devoir civique sans que son salaire soit affecté et que ni l'employeur ni le défendeur n'entendaient que des frais tels les frais de stationnement ou de voyage seraient remboursés par l'employeur, le défendeur n'a pas fourni de documents pour étayer cette affirmation; ce n'est que son opinion. Sans protocole d'entente ni jurisprudence, le défendeur ne peut que formuler une prétention, l'employeur peut formuler une prétention et le plaignant peut formuler une prétention, et sans de tels documents, la convention collective doit être interprétée sans jurisprudence.

39 Le plaignant affirme qu'il est clairement défini qu'un grief de principe a trait à l'interprétation ou à l'application de la convention collective. Ainsi, comme le mot « rémunération » n'est pas défini dans la convention collective, il doit faire l'objet d'une interprétation de la convention collective. Le plaignant devrait par conséquent être représenté sur cette question, car un grief au sujet de la convention collective est nécessaire afin que l'on détermine quelle est la définition du mot « rémunération ».

40 Le plaignant cite l'article 247 de la Loi, qui dit ce qui suit : « […] ont droit à la rémunération et aux indemnités […] ». L'expression « ont droit » peut renvoyer à la fois à la rémunération et aux indemnités.

41 Le plaignant affirme qu'il est en désaccord avec l'affirmation du défendeur selon laquelle la clause 17.15 a été négociée afin d'assurer qu'un employé puisse remplir son devoir civique sans que son salaire soit affecté. Il affirme que selon la politique de l'ARC sur le congé payé pour comparution, si le congé est accordé, les frais payés ou les indemnités payées à l'employé par le tribunal pour des services comme un témoin ou pour la sélection des jurés ou le devoir de juré peuvent être conservés par l'employé, ce qui fait qu'un employé peut faire de son devoir de juré une entreprise profitable.

42 Le plaignant affirme que les employés de l'ARC qui voyagent à des fins professionnelles pour l'ARC se font rembourser leurs frais de kilométrage, de repas, de stationnement et de logement, malgré le fait que le remboursement ne soit pas prévu dans la convention collective sauf à l'article 10, aux termes des dispositions sur le rappel au travail, qui s'appliquent uniquement dans le cas des employés classifiés CS. Le plaignant affirme qu'il a signalé cette situation au défendeur dans la correspondance qu'il lui a envoyé le 9 janvier 2013, mais qu'il n'a jamais reçu de réponse à cet égard, en dépit du fait que le défendeur lui a écrit le 29 janvier 2013.

43 Le plaignant fait valoir que si un employé est tenu d'exercer des fonctions pour son employeur et qu'il engage des frais, ceux-ci devraient lui être remboursés. Le plaignant a donné l'exemple d'un employé qui se fait demander d'apporter son aide à la campagne Centraide et qui engage des frais de déplacement comme le kilométrage et le stationnement, qui seraient remboursés.

44 Le plaignant affirme que même s'il avait fourni des références au défendeur pour étayer son argumentation, le défendeur n'a présenté que des opinions pour contrer ses arguments.

45 Le plaignant estime que le défendeur avait tort de clore la discussion sur cette affaire et qu'il n'a pas évalué la question objectivement. Il prétend que dans les faits, le défendeur n'a pas répondu à ses questions.

46 Le plaignant affirme que le défendeur a répondu de manière arbitraire, que les réponses n'étaient pas assez approfondies ou fouillées et que les opinions ont été formulées sans références à la recherche fournie au plaignant. Le plaignant prétend au paragraphe 28 de ses arguments écrits que le défendeur reconnaît cette prétention en fournissant de la jurisprudence avec ses arguments.

47 L'argument du plaignant au sujet de la discrimination est le suivant :

[Traduction]

Le plaignant estime également que la convention collective prenait également en compte les congés et les frais de voyage dans l'exécution de fonctions par les membres du défendeur; toutefois, il a décidé que si le remboursement des frais était refusé dans ce dernier cas, il contesterait la réclamation de remboursement, mais non dans l'autre cas. N'est-ce pas de la discrimination?

48 Le plaignant fait valoir qu'il a été assigné par le procureur général de l'Ontario, qui agissait pour le compte de la Couronne de la province de l'Ontario, à comparaître au tribunal en vue de la sélection des jurés non seulement en conformité avec la loi, mais également en agissant pour le compte de la Couronne et du défendeur dans leur quête d'établissement d'un jury. Il affirme que l'affaire pour laquelle il a été assigné à assister à la sélection des jurés portait sur un incident remontant à 1997 et impliquait l'Agence des services frontaliers du Canada lorsqu'elle faisait partie de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. En conséquence, le plaignant aurait été en conflit d'intérêts s'il avait été juré, car son employeur était impliqué dans l'affaire, position avec laquelle le tribunal était d'accord. Ainsi, le plaignant a été assigné à comparaître au tribunal par son employeur. Comme il était tenu de se conformer à la demande de son employeur, il devrait être remboursé.

49 Le plaignant affirme que conformément à l'article 14 de la Loi sur l'Agence du revenu du Canada, L.C. 1999, ch. 17, l'ARC a un conseil de direction qui comprend 15 administrateurs, dont un administrateur nommé par chaque province, ce qui fait que le plaignant, qui est un fonctionnaire fédéral au sein d'un organisme fédéral, relève des autorités fédérales et provinciales, qui diffèrent de celles d'un ministère fédéral. Par conséquent, le procureur général de l'Ontario fait partie du même gouvernement de l'Ontario qui recommande son représentant au conseil de direction de l'ARC. En conséquence, lorsque le procureur général de l'Ontario a assigné le plaignant, l'ARC lui a ordonné d'assister à la sélection des jurés. Selon le plaignant, ces deux ordres de gouvernement du Canada sont son employeur, et non seulement le gouvernement fédéral.

B. Pour le défendeur

50 Le défendeur prétend qu'il incombe au plaignant de produire une preuve prima facie d'une violation du devoir de représentation équitable. À l'appui de cette prétention, le défendeur invoque Exeter c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 14, et Jackson c. Syndicat des douanes et de l'immigration et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 31.

51 Le défendeur affirme que le plaignant n'est pas parvenu à établir une preuve prima facie. Le plaignant n'a pas fait valoir des allégations qui, si elles avaient été prouvées, auraient permis de conclure à une conduite arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Il s'agit simplement d'un cas dans lequel le plaignant est en désaccord avec l'évaluation du défendeur dans son interprétation de la convention collective. Le plaignant n'a pas établi comment le défendeur a agi de façon discriminatoire, arbitraire, ou de mauvaise foi lorsqu'il a évalué le bien-fondé de déposer un grief.

52 Le défendeur invoque Blacklock (Re), [2001] CCRI no 139, pour appuyer la proposition selon laquelle la compétence de la Commission se limite à déterminer si le plaignant a été traité de manière arbitraire, discriminatoire ou avec mauvaise foi.

53 La Cour suprême du Canada a statué, dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et al., [1984] 1 R.C.S. 509, qu'il suffit pour l'agent négociateur de démontrer qu'il a examiné les faits d'un cas, qu'il en a apprécié le bien-fondé et qu'il a pris une décision rationnelle quant à la pertinence de poursuivre le cas. Le défendeur prétend que le plaignant n'a rien soumis qui établirait que le défendeur n'a pas satisfait à ses obligations.

54 Le défendeur fait valoir que même si le plaignant avait établi une preuve prima facie, il n'a jamais agi de façon négligente ou arbitraire ni fait preuve de discrimination lorsqu'il a interprété la disposition applicable de la convention collective ou refusé de représenter le plaignant.

55 Le défendeur invoque également les décisions Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 64 et Kowallsky c. Alliance de la Fonction publique du Canada et al., 2007 CRTFP 30.

C. Réplique du plaignant

56 Le plaignant déclare qu'il ne conteste pas les faits tels qu'ils sont énoncés dans la réponse de l'IPFPC datée du 16 mai 2013; toutefois, il affirme que les faits présentés sont incomplets, parce qu'ils omettent les communications du plaignant avec le défendeur.

57 Le plaignant déclare que l'IPFPC, dans sa réponse du 16 mai 2013, ne s'oppose à aucun des faits présentés par le plaignant dans la plainte, et ce dernier estime par conséquent qu'il y a « accord sur les faits » entre les parties.

58 Pour étayer sa position, le plaignant fait référence au guide de la Commission qui porte sur les plaignants qui se représentent eux-mêmes, selon lequel « arbitraire » désigne généralement les cas dans lesquels un agent négociateur n'a pas suffisamment approfondi ou traité le dossier ou le grief d'un employé et n'a pas pris en compte adéquatement les intérêts de l'employé, et « discriminatoire » désigne une conduite partiale basée sur des motifs illégaux ou interdits, comme l'âge, la race, la religion, le sexe ou un état de santé.

59 L'argument du plaignant sur la discrimination est le suivant :

[Traduction]

[32] Le plaignant a examiné tous les arguments et fait valoir que deux membres du syndicat ont obtenu un congé payé : d'abord, le membre du syndicat qui a engagé des frais alors qu'il était en voyage dans le cadre de ses fonctions; ensuite, le membre du même syndicat qui engage des frais en raison d'obligations juridiques comme la sélection de jurés. Le plaignant a interprété la position du défendeur selon laquelle il ne peut représenter ce dernier membre, car les frais ne sont pas exposés explicitement dans la convention collective, mais selon laquelle il représentera le premier membre; cependant, dans le premier cas, le défendeur a constamment évité de préciser à quel endroit dans la  convention collective il est indiqué que ces frais de voyage doivent être remboursés? Deux membres du même syndicat, et le syndicat déclare qu'il n'en représentera pas un des deux parce qu'il n'est pas précisé dans la convention collective que le remboursement des frais est requis, mais qu'il représentera un autre membre même si leurs frais ne sont pas non plus indiqués dans la convention collective – le consentement tacite ne répond pas à la demande du plaignant visant à obtenir de tels renseignements. N'est-ce pas discriminatoire? Il y a deux membres que le défendeur représente, mais dans les faits, il en représente un et l'autre, non. Par conséquent, le plaignant est d'avis que le défendeur a enfreint le droit constitutionnel du plaignant à la protection égale de la loi, ce qui constitue par conséquent de la discrimination.

60 Le plaignant fait valoir que comme le défendeur ne recrute pas de spécialistes des relations de travail rémunérés, dont des conseillers juridiques, la norme d'examen d'un dossier devrait être plus relevée pour le défendeur que pour le plaignant.

61 Le plaignant déclare que Guilde de la marine marchande du Canada établit la norme qu'un agent négociateur doit respecter lorsqu'il décide de ne pas représenter un membre dont les cotisations sont notamment consacrées à la représentation.

62 Le plaignant réitère les arguments en réplique qu'il avait déjà fait valoir dans sa plainte initiale.

IV. Motifs

63 Une plainte déposée en vertu de l'alinéa 190(1)g) de la Loi doit alléguer une pratique de travail déloyale au sens de l'article 185, qui se lit comme suit :

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s'entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

64 Le volet de l'article 185 de la Loi auquel le plaignant fait référence est l'article 187 selon lequel une organisation syndicale est tenue de s'acquitter d'un devoir de représentation équitable. Voici le texte de cet article :

187. Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses dirigeants et représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l'unité dont elle est l'agent négociateur.

65 La Commission a souvent déclaré qu'un plaignant a le fardeau d'établir une preuve prima facie de l'existence d'une pratique déloyale de travail. (Voir, par exemple, Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28; Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 64; Baun c. Élément national de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 127.)

66 Le plaignant a déclaré dans son document qu'il s'est fait refuser un remboursement d'argent par son employeur; cependant, il n'a fourni aucun détail. Il semblerait qu'il se préoccupe de certains frais qu'il a engagés lorsqu'il a été assigné en vue de la sélection des jurés ou de la sélection des jurés et de l'exercice de la fonction de juré. Je ne sais pas du tout quelle est la date de ce refus ou quels sont les frais qu'il réclame.

67 L'essentiel de l'argument du plaignant est qu'en l'absence d'un libellé précis à l'effet contraire, la clause 17.15 de la convention collective, qui porte sur un congé payé pour comparution, signifie que seront remboursés les frais engagés pour comparaître au tribunal. Le plaignant a exposé pour quels motifs il croit que le défendeur aurait dû le représenter dans un grief fondé sur la convention collective ou un grief de principe.

68 Le devoir de représentation équitable qui est énoncé à l'article 187 de la Loi mentionne que pour que l'on statue qu'il y a eu manquement à un devoir ou une obligation, le plaignant doit prouver que le défendeur ou ses dirigeants ou représentants ont agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi en le représentant.

69 Les documents présentés ne renferment absolument aucune preuve établissant que le défendeur a agi d'une façon qui pourrait être considérée comme de la mauvaise foi, ni qu'il a allégué de la mauvaise foi dans son argumentation.

70 Le plaignant a soutenu dans son argument que le défendeur a fait montre de discrimination à son endroit parce qu'il ne voulait pas poursuivre son grief alors qu'il savait qu'un autre membre de l'unité de négociation se faisait rembourser des dépenses de voyage engagées dans le cadre de ses fonctions et que le plaignant ne s'est pas fait rembourser des frais engagés parce qu'il a dû assister à la sélection des jurés. Cet argument n'est pas fondé. La Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (la « LCDP ») prévoit que les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience et une condamnation relative à une infraction pour laquelle un pardon a été accordé ou pour laquelle une suspension de dossier a été ordonnée. L'article 3.1 de la LCDP prévoit que les actes discriminatoires comprennent les actes fondés sur un ou plusieurs motifs de distinction illicite ou l'effet combiné de plusieurs motifs. Aucun élément des documents ne laisse croire que le défendeur a agi de façon discriminatoire ou a eu recours à un motif illicite dans sa représentation du plaignant.

71 En ce qui concerne l'argument selon lequel le défendeur aurait agi d'une façon qui pourrait être considérée arbitraire, la preuve va manifestement dans le sens contraire. Le défendeur a répondu aux demandes du plaignant et lui a expliqué pourquoi le grief ne pouvait être appuyé. Au moins cinq représentants du défendeur, à divers niveaux, lui ont expliqué pourquoi le défendeur ne poursuivrait pas un grief, en alléguant un manquement à la convention collective. La preuve qui m'a été fournie par le plaignant lui-même révèle que le défendeur a soigneusement examiné son dossier à tous les niveaux et en est arrivé à une conclusion raisonnable à cet égard. Cette conduite était à l'opposée d'une conduite arbitraire. Le plaignant n'aimait simplement pas les réponses qu'il obtenait. Cela ne satisfait pas au critère établi par la jurisprudence.

72 La Commission, dans Foote c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 142, a produit des décisions dont les décideurs peuvent s'inspirer pour interpréter les conventions. Elle a déclaré ceci :

[…]

[24] Plusieurs tribunaux ont produit des décisions dont les décideurs peuvent s'inspirer pour interpréter les conventions. Je souscris à l'argument de l'employeur que l'approche que je devrais retenir consiste à déterminer la véritable intention des parties au moment où elles ont conclu la convention collective. À cette fin, je dois commencer par revenir au sens des mots tels qu'elles les ont employés (voir Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] 2 R.C.S. 129, et Jerry MacNeil Architects Ltd. c. Roman Catholic Archbishop of Moncton et al., 2001 NBQB 135).

[25] À cet égard, je dois aussi tenir compte du contexte dans lequel ces mots ont été employés (voir Stenstrom v. McCain Foods Ltd., 2000 NBCA 13, et Robichaud et al. v. Pharmacie Acadienne de Beresford Ltée et al., 2008 NBCA 12, par. 18).

[26] L'adoption de cette approche par les arbitres en droit du travail a été favorablement accueillie par de nombreux tribunaux et plus particulièrement par la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick. Dans Irving Pulp & Paper Ltd. c. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 30, 2002 NBCA 30, l'arbitre de grief qui a entendu cette affaire a rendu une décision judicieuse dans laquelle il a déclaré :

[Traduction]

[…]

[10] Il est reconnu que la tâche d'interpréter une convention collective n'est pas différente de celle des autres arbitres de grief appelés à interpréter des lois ou des contrats privés : voir D.J.M. Brown & D.M. Beatty, Canadian Labour Arbitration (3rd Ed.), broché (Aurora (Ont.) : Canada Law Book, Inc., 2001), pp. 4-35. Dans le contexte contractuel, on commence par la proposition que l'objet fondamental de la démarche d'interprétation consiste à déterminer l'intention des parties. On suppose alors que les parties sont censées avoir voulu dire ce qu'elles ont dit et que le sens d'une disposition d'une convention collective doit d'abord être cherché dans ses dispositions expresses. En cherchant l'intention des parties, les auteurs déclarent que les arbitres ont généralement supposé que la disposition en question devrait être interprétée dans son sens normal ou ordinaire à moins que cette interprétation n'aboutisse à une absurdité ou à une incompatibilité avec les autres dispositions de la convention collective : voir Canadian Labour Arbitration, aux pp. 4-38. Bref, il faut donner aux mots d'une convention collective leur sens ordinaire normal à moins d'avoir une raison valable d'en adopter un autre. De même, les mots doivent être interprétés dans leur contexte immédiat et dans le contexte de la convention prise dans son ensemble. Autrement, l'interprétation basée sur le sens normal pourrait être incompatible avec une autre disposition.

[…]

73 Le mot « rémunération » se trouve au cœur de l'essence de la plainte. Il peut s'agir d'un nom (rémunération) et d'un verbe (rémunérer) qui ont plusieurs significations. Ceci étant dit, dans le contexte d'une convention collective, sa signification devient très limitée et se clarifie très rapidement lorsque l'on applique l'approche d'interprétation des conventions énoncée dans Foote. Bien que le mot « rémunération » ne soit pas défini dans la convention collective, il est utilisé à plusieurs endroits différents dans celle-ci, qui peuvent tous mener à une seule conclusion, soit que le terme reflète une valeur en dollars canadiens qui doit être donnée à un employé pour du travail effectué pour son employeur. Cette conclusion est claire lorsque l'on se penche sur les différentes dispositions de la convention collective comme telle. Il est tout aussi clair que ce terme n'est pas censé comprendre des dépenses comme le kilométrage, les frais de transport, les repas, le stationnement, et ainsi de suite.

74 La clause 2.01 de la convention collective définit les expressions « taux de rémunération journalier » et « taux de rémunération hebdomadaire ». La première désigne le taux de rémunération hebdomadaire divisé par 5, tandis que l'autre correspond au taux de rémunération par an de l'employé divisé par 52,176. L'annexe A de la convention collective énonce les montants de la rémunération sur une base horaire, quotidienne, hebdomadaire ou annuelle. Il n'est suggéré dans aucun de ces cas que la rémunération ou le taux de rémunération désigne autre chose qu'une valeur en dollars selon une période précise (horaire, quotidien, hebdomadaire, ou annuel) pour le travail exécuté.

75 Quand l'employeur et l'IPFPC ont voulu aborder le paiement de quelque chose d'autre que la rémunération (le salaire tel qu'il est calculé sur une base horaire, quotidienne, hebdomadaire ou annuelle), ils en ont traité de manière assez spécifique dans d'autres parties de la convention collective. À l'article 9, qui porte sur les heures supplémentaires, l'employeur et l'IPFPC ont traité de la rémunération et des indemnités d'un employé lorsqu'il est tenu de travailler en heures supplémentaires. À la clause 9.06, il est clair que l'employeur et l'IPFPC envisageaient que les employés qui font des heures supplémentaires dans certaines situations doivent se faire rembourser leurs repas. À l'article 10, qui renferme les dispositions sur le rappel au travail, l'employeur et l'IPFPC traitaient de la rémunération et des dépenses lorsqu'un employé doit revenir au travail après avoir quitté pour la journée. Cet article interdit expressément le remboursement des dépenses de voyage pour tous les employés, sauf ceux qui sont classifiés CS. Ces employés ont expressément le droit à une indemnité de kilométrage ou au coût de l'utilisation d'un taxi, ainsi qu'au remboursement d'autres dépenses, comme le stationnement. Les dépenses liées aux conférences et les frais connexes sont expressément mentionnés dans les clauses 18.03c) et e), qui mentionnent les droits d'inscription et les dépenses de voyage raisonnables.

76 Le document initial du plaignant contenu dans le matériel est un courriel daté du 4 septembre 2012, qui commence comme suit : [traduction] « [j]'aimerais m'informer au sujet du remboursement que les employés de l'ARC membres de l'IPFPC devraient recevoir lorsqu'ils sont assignés en vue de la sélection des jurés et de l'exercice des fonctions de juré ». Dans le deuxième paragraphe de ce même courriel, le plaignant s'informe expressément sur la possibilité d'obtenir un congé pour la sélection des jurés. Un congé correspond à une absence du travail et signifie que la personne ne travaille pas pour l'employeur.

77 Compte tenu des faits limités qui ont été fournis, et comme le plaignant, aux paragraphes 66 et 67 de sa plainte, affirme que le procureur général de l'Ontario l'a assigné à assister à la sélection des jurés/à l'exercice de la fonction de juré, il est clair que l'employeur du plaignant, l'ARC, ne l'envoyait pas assister à la sélection des jurés/exercer la fonction de juré dans le cadre de son emploi, mais qu'il lui demande plutôt d'être disponible comme particulier dans le cadre du processus judiciaire.

78 Il est en outre très clair, à la lecture des dispositions contenues dans les articles sur les congés, qu'un congé peut être rémunéré ou non. Il n'est défini dans aucun de ces articles que le terme rémunération comprend une forme quelconque de dépenses. De plus, les notes sur la rémunération, qui sont énoncées à l'annexe A de la convention collective, et qui prévoient que la rémunération est calculée sur une base horaire, quotidienne, hebdomadaire ou annuelle, ne mentionnent aucunement l'inclusion de dépenses comme les frais de stationnement ou de transport ou les indemnités de repas.

79 En vertu de la clause 5.01 de la convention collective, si un élément n'est pas couvert par la convention collective, il est réservé à la direction. Je n'ai pas reçu de preuve qu'une règle, une directive, une politique, une ligne directrice ou un règlement de la direction prévoit que l'employeur s'engage à payer les dépenses d'un employé lorsqu'il est assigné en vue de la sélection de jurés ou de la sélection de jurés et de l'exercice de la fonction de juré.

80 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

81 La plainte est rejetée.

Le 5 décembre 2013.

Traduction de la CRTFP

John G. Jaworski,
une formation de la Commission des relations de
travail dans la fonction publique

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