Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief contestant la décision de son employeur de la licencier pour rendement insuffisant - elle a maintenu que le licenciement était de nature disciplinaire et qu’elle avait été victime de discrimination et de harcèlement - l’employeur a soulevé une objection préliminaire quant à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le grief - en tant qu’employeur distinct aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques, le licenciement pour un motif autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite n’est pas arbitrable - la fonctionnaire s’estimant lésée a éprouvé des problèmes de rendement alors qu’elle était en cours de stage - l’employeur aurait pu la renvoyer mais il a décidé de lui donner une autre chance - les choses ne se sont pas améliorées malgré une supervision plus directe, des efforts de mentorat et des directives sous forme de suivi hebdomadaire - de plus, elle a relevé de plusieurs superviseurs différents et qu’elle a été assigné à deux secteurs différents traitant de domaines technologiques différents - elle avait des problèmes à communiquer avec ses collègues, un manque de connaissances techniques, de la difficulté à prioriser son travail et à rencontrer les échéanciers, et la qualité des documents était déficiente - elle avait aussi des problèmes à travailler en équipe et à accepter la rétroaction - l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait amplement démontré que la fonctionnaire s’estimant lésée avait des problèmes de rendement - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a apporté aucune preuve pour appuyer son allégation que deux de ses superviseurs s’étaient concertés contre elle - l’arbitre de grief a rejeté l’allégation de la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle avait été victime de discrimination - elle n’avait jamais rapporté un comportement discriminatoire de la part de son superviseur avant de déposer son grief, bien qu’elle soit une personne minutieuse - sa perception qu’elle avait été victime de discrimination ne constitue pas une preuve de discrimination - elle n’a pas été victime de harcèlement. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-01-11
  • Dossier:  566-20-5245
  • Référence:  2013 CRTFP 3

Devant un arbitre de grief


ENTRE

“A”

fonctionnaire s'estimant lésée

et

SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

employeur

Répertorié
« A » c. Service canadien du renseignement de sécurité

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Linda Gobeil, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésée:
elle-même

Pour l'employeur:
Karl Chemsi, avocat et Guy Roux

Affaire entendue à Ottawa, Ontario,
le 3 au 6 juillet 2012 et le 7 au 10 août 2012.
Soumission de la Commission canadienne des droits
de la personne, le 21 novembre 2012.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Le 10 novembre 2010, la fonctionnaire s’estimant lésée « A » (« Mme A » ou la « fonctionnaire ») a déposé un grief contre son employeur le Service canadien du renseignement de sécurité (le « SCRS » ou « l’employeur ») contestant la décision de l’employeur du 5 octobre 2010 de mettre fin à son emploi. Dans sa lettre du 5 octobre 2010, le représentant de l’employeur, M. « B », allègue essentiellement que le renvoi de la fonctionnaire est relié aux problèmes de performance éprouvés par celle-ci. Pour sa part, Mme « A » maintien que son renvoi est de nature disciplinaire. La fonctionnaire soutient avoir été victime de discrimination basée sur son origine ethnique et d’harcèlement de la part des représentants de l’employeur. La fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »).

II. Résumé de la preuve

2 Le 10 mai 2012, une conférence préparatoire en présence des parties a été tenue à la suite de laquelle j’ai émis une décision le 1er juin 2012 qui a été communiquée aux parties le même jour. Lors de la conférence préparatoire en mai 2012 et à l’audience le 3 juillet 2012, l’avocat de l’employeur a soulevé une objection préliminaire quant à ma compétence pour entendre le grief de la fonctionnaire. L’avocat de l’employeur a maintenu que le SCRS n’est pas un employeur comme les autres et que le champ de compétence du SCRS est particulier. L’avocat de l’employeur a précisé que le mandat du SCRS est d’aviser et conseiller le gouvernement canadien quant aux questions de sécurité nationales et aux activités qui menacent la sécurité du pays. L’avocat de l’employeur a plaidé que le SCRS est un employeur distinct aux termes de la Loi sur la gestion des Finances publiques, L.R.C. (1985), ch F-11 (la « LGFP »). Selon l’avocat de l’employeur, le législateur a reconnu le caractère distinct de l’employeur en précisant notamment, au paragraphe 209(3) de la Loi, que dans le cas impliquant un organisme distinct, en l’occurrence ici le SCRS, le renvoi en arbitrage contestant une fin d’emploi pour une raison autre que la discipline ou l’inconduite, ne peut se faire que si l’employeur a préalablement été désigné par décret par le gouverneur en conseil. Or, selon l’avocat de l’employeur, il n’y pas de décret du gouverneur en conseil désignant le SCRS pour les fins du paragraphe 209(3) de la Loi. Pour l’avocat de l’employeur, le législateur a reconnu le caractère spécialisé d’un organisme comme le SCRS au point de limiter les compétences d’un arbitre aux renvois d’ordre disciplinaire; ainsi, le législateur a voulu laisser à la discrétion de l’employeur, les renvois autres que pour des raisons disciplinaires, incluant ceux reliés aux compétences et à la performance d’un employé. L’avocat de l’employeur soutient donc que dans le cas qui nous occupe, puisqu’il s’agit d’un renvoi pour des motifs autres que disciplinaire, en l’occurrence pour des problèmes reliés à la performance, et que le SCRS n’est pas un organisme désigné pour les fins du paragraphe 209(3), je suis donc sans compétence pour entendre le grief.

3 L’avocat de l’employeur a plaidé que dans les circonstances, l’employeur a simplement à prouver prima facie que la cause de la fin d’emploi relève d’une question de performance reliée à l’emploi. Une fois cette preuve faite, l’avocat de l’employeur soutient que le fardeau de preuve est alors inversé et qu’il revient à la fonctionnaire de démontrer que la cause de son congédiement n’est pas reliée à une question de performance mais qu’elle a été congédiée pour une raison autre que celle reliée à sa performance.

4 L’avocat de l’employeur soutient de plus qu’un arbitre n’a pas à se substituer à la place de l’employeur en ce qui concerne l’évaluation de rendement de Mme « A ». Selon l’avocat de l’employeur, mon rôle se limite à vérifier si les motifs de l’employeur sont autres que des motifs de compétence et de performance afin de déterminer s’il y a eu mauvaise foi ou camouflage des vrais raisons. Ainsi, selon l’avocat de l’employeur, à défaut de conclure qu’il y a d’autres raisons que la question de performance, je devrais déclarer ne pas avoir compétence dans cette affaire; je ne peux non plus me substituer à l’employeur quant à l’évaluation de la performance de la fonctionnaire.

5 Pour sa part, la fonctionnaire a maintenu lors de la rencontre préliminaire du mois de mai 2012 et en début d’audience que les vrais motifs de l’employeur pour mettre fin à son emploi sont d’ordres disciplinaires et qu’en conséquence, j’ai compétence pour trancher le présent grief. Mme « A » a soutenu que dès le départ, dans toutes les démarches qu’elle a fait dans cette affaire, que ce soit auprès de l’employeur ou auprès de l’association des employés du SCRS, elle a toujours mentionné les mauvais traitements infligés par les représentants de l’employeur et le fait que ces derniers ont fait preuve de discrimination et d’harcèlement à son égard.

6 L’employeur a fait entendre sept témoins, tous longuement contre-interrogés par la fonctionnaire. Cette dernière a aussi témoigné pendant toute une journée et a eu le temps voulu, à maintes reprises, pour consulter avant et pendant l’audience tous les documents que l’employeur a mis en preuve.

7 Le 20 décembre 2012, le SCRS a fait parvenir à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (« la Commission ») une lettre dans laquelle il est demandé que les noms des témoins dans la présente affaire ne soient pas divulgués en vertu de l’alinéa 18(1)(b) de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (LSCRS). La même demande a été faite par la fonctionnaire lors des plaidoiries. Cette dernière a toutefois invoqué des raisons personnelles pour justifier l’anonymat. Compte tenu de l’article 18 de la LSCRS, j’ai décidé de faire référence aux témoins, incluant la fonctionnaire, en utilisant seulement une lettre de l’alphabet.

III. La preuve de l’employeur

8 L’employeur a fait témoigner un directeur général, quatre superviseurs et deux collègues de travail de Mme « A » en poste au moment du grief. L’employeur a fourni une preuve volumineuse, détaillée et appuyée de nombreuses pièces justificatives.

9 M. « C », qui était directeur général des services au SCRS au moment du licenciement de Mme « A », a été le premier témoin de l’employeur. Ce dernier est maintenant à la retraite après 33 ans à l’emploi du gouvernement. M. « C » a témoigné avoir rencontré la fonctionnaire lors de son embauche car il avait comme pratique de rencontrer tous les nouveaux employés de sa direction.

10 M. « C » a témoigné qu’à l’époque des événements, il était le directeur général des services techniques et scientifiques (« STS ») et que son supérieur était M. « B ». Il a expliqué qu’en tant que directeur général, il était, entre autres, le superviseur de M. « D », à l’époque directeur général adjoint. M. « D » était le superviseur de M. « E » et M. « F », chacun les superviseurs d’une section. Ces derniers étaient à leur tour les superviseurs de M. « G » et M. « H », tous deux chefs adjoints de niveau 10 de chacune des deux sections.

11  M. « C » a expliqué que le mandat du STS était essentiellement de fournir des solutions et des conseils scientifiques et techniques dans le cadre d’opération de renseignements de sécurité. Le STS est divisé en secteurs qui sont eux aussi subdivisés en sections.

12 M. « C » a témoigné que Mme « A »  a été embauchée à partir du 7 juillet 2008 comme ingénieur de niveau 9 dans une section faisant partie du secteur du génie. La lettre d’embauche spécifiait que la fonctionnaire serait en période de probation pour une année (pièce 3, onglet 2(c)). M. « C » a témoigné que lors de l’embauche de Mme « A », il avait été décidé que celle-ci serait chargée principalement de développer un cadre de tests à effectuer sur les divers produits développés par ses collègues en plus d’effectuer les tests particuliers relatifs à ces produits.

13 M. « C » a témoigné avoir été celui qui a recommandé le congédiement de Mme « A »  le 21 septembre 2010 pour raisons liées à la performance (pièce E-3, onglet 3(a)). M. « C » a expliqué que la lettre recommandant le congédiement à M. « B » était accompagnée de pièces justificatives, notamment d’une « Notice of Shortcomings » en date du 12 août 2010 rédigée par M. « G », superviseur direct de Mme « A » au moment de son congédiement. M. « C » a expliqué que dans ce cas-ci, la note de « shortcoming » avait pour but de formellement aviser Mme « A » que cette dernière avait 60 jours pour remédier à ses problèmes de performance à défaut de quoi, l’employeur allait mettre fin à son emploi (pièce E-3, onglet 3 (c)).

14 M. « C » a également témoigné avoir pris connaissance des évaluations de rendement pour les périodes couvrant l’embauche de Mme « A » jusqu’au 14 mai 2010 qui faisaient état des lacunes et problèmes de performance éprouvés par la fonctionnaire depuis les six premiers mois suivant son embauche (pièce E-3, onglet 3(d)). M. « C » a témoigné avoir aussi pris connaissance des comptes rendus des réunions hebdomadaires tenues entre la fonctionnaire et son superviseur M. « G » et dans certains cas M. « E », comptes rendus qui selon M. « C » démontrent que malgré les tentatives de suivi et de mentorat hebdomadaires dispensé par le superviseur et le chef de la fonctionnaire, la performance de celle-ci demeurait toujours en deçà de ce qui est acceptable pour une ingénieure de niveau 9 (pièce E-3, onglets 3 E, F et G.)

15 Reprenant les évaluations de rendement de la fonctionnaire, M. « C » a expliqué que la première de ces évaluations, soit du 7 juillet 2008 au 7 janvier 2009, (pièce E-3, onglet 3(d)), alors que la fonctionnaire était sous la supervision de M. « F », était acceptable et que la moyenne générale était de 3.0, au-dessus du minimum de 2.5 exigé par le SCRS pour ce genre de fonction. M. « C » a toutefois précisé que l’emphase au cours de ces six premiers mois était d’avantage sur l’orientation générale et l’éducation de l’employé que sur l’évaluation du rendement à partir de tâches précises. (Pièce E-1, onglet 3(d), p. 5). M. « C » a également fait référence à l’avant dernier paragraphe de la page 5 où M. « F » indique déjà dans les premiers six mois, que la fonctionnaire semblait mal à l’aise au sein du SCRS (pièce E-3, onglet 3(d)).

16 M. « C » a également témoigné à l’effet que cette première évaluation de rendement a été suivie d’une seconde, encore une fois sous la supervision de M. « F », couvrant la période du 7 janvier au 7 juillet 2009. M. « C » a souligné que cette deuxième évaluation portait la note globale de 2.1, en deçà de la moyenne exigée de 2.5 par le SCRS. Dans son témoignage, M. « C » a passé en revue cette deuxième évaluation pour conclure que, mis à part un objectif qui avait été partiellement atteint, les quatre autres objectifs n’avaient pas été atteints (pièce E-3, onglet 3(d)).

17 M. « C » s’est référé aux commentaires du superviseur M. « F » dans cette deuxième évaluation de rendement qui font état du fait que la fonctionnaire avait des problèmes à prioriser son travail, qu’elle avait aussi des problèmes à rencontrer ses échéanciers, et qu’elle avait également des difficultés à travailler en équipe. À cet égard, M. « C » a souligné que dans leur direction, le travail d’équipe est très important étant donné que les ingénieurs fonctionnent dans un milieu de travail dit « matriciel » où tous doivent collaborer même si ils ne se rapportent pas hiérarchiquement à leurs collègues.

18 M. « C » a témoigné que suite à cette seconde évaluation, il a été décidé avec M. « F » d’aider la fonctionnaire et de lui donner un cadre de travail plus structuré. À cet égard, M. « C » a indiqué qu’il avait été convenu qu’un des employés de M. « F », M. « H », qui était à un niveau hiérarchique supérieur à la fonctionnaire, agirait comme superviseur direct de celle-ci. M. « C » a précisé que M. « H » était un gestionnaire expérimenté, bilingue et que l’idée était alors d’offrir une supervision directe de la fonctionnaire afin de l’aider à rencontrer les exigences d’un poste d’ingénieur de niveau 9.

19 M. « C » a mentionné que bien que la fonctionnaire était alors en période de probation d’un an qui devait se terminer en juillet 2009, et que l’employeur aurait alors pu renvoyer Mme « A » en cours de stage, il avait toutefois été décidé de donner une autre chance à cette dernière en la mettant sous la supervision d’un gestionnaire chevronné.

20 M. « C » a témoigné que les choses ne se sont pas améliorées malgré une supervision plus directe de la fonctionnaire. M. « C » a référé à la troisième évaluation de rendement de Mme « A », préparée par M. « H », qui couvrait la période du 7 juillet 2009 au 15 janvier 2010 (pièce E-3, onglet 3(d)). M. « C »  a témoigné à l’effet que cette troisième évaluation démontrait qu’il y avait pas eu d’amélioration, que les objectifs donnés à la fonctionnaire au début de la période d’évaluation restaient encore partiellement rencontrés ou pas du tout. M. « C » a indiqué que cette troisième évaluation de rendement qui faisait état d’une cote globale de 2.2, était encore en deçà de la moyenne de 2.5 exigée. M. « C » a mentionné qu’encore une fois, l’évaluation de rendement faisait état de mauvaise qualité du travail, d’échéances non rencontrées, et de difficultés à travailler avec ses collègues.

21 M. « C » a indiqué que l’évaluation de rendement, signée par M. « H », faisait aussi référence aux documents de travail préparés par la fonctionnaire qui ont dû être maintes fois repris et corrigés. M. « C » a précisé qu’il n’était pas normal que les documents d’une ingénieure de niveau 9 doivent être ré-écrits trois, quatre voir même cinq fois (pièce E- 3, onglets 5 (c) (d) et (e)).

22 M. « C » a également fait référence à un courriel préparé par un collègue de Mme « A », M. « I » dans lequel ce dernier s’est plaint du travail de Mme « A » et où il a demandé à ce que celle-ci ne soit plus impliquée dans son projet (pièce E-3, onglets 5 (a) et (b)).

23 M. « C » a témoigné que selon lui, la fonctionnaire ne performait pas comme ingénieure de niveau 9. Il a expliqué qu’il est entendu qu’une ingénieure de niveau 9 doit être capable de travailler à partir de large concepts et être en mesure de développer des projets spécifiques. Selon M. « C », la fonctionnaire avait besoin d’un niveau de détails et de précisions qui allaient au-delà de ce qu’un ingénieur de niveau 9 a normalement besoin. De plus, selon M. « C », un ingénieur de niveau 9 se doit de travailler étroitement avec ses collègues d’autant plus que dans le cas de la fonctionnaire, ses tâches étaient de tester les produits préparés par ses collègues en charge de projets. Or, selon M. « C », la fonctionnaire éprouvait beaucoup de difficultés à travailler avec les autres et à leur donner un service de qualité dans les délais requis ce qui engendrait de la frustration de la part de ses confrères.

24 M. « C » a indiqué que la fonctionnaire avait de plus démontré une attitude de confrontation avec M. « H ». À cet égard, M. « C » a fait référence à un incident où la fonctionnaire aurait questionné la demande de M. « H » de faire un achat de lunettes pour faire des tests. Pour M. « C », cette demande du superviseur était parfaitement légitime et faisait partie des tâches qu’un ingénieur doit accomplir (pièce E-4, onglet 1(l)).

25 M. « C » a témoigné que suite à l’évaluation de rendement de M. « H », la fonctionnaire a fourni ses commentaires et elle a fait un grief contre cette évaluation le 20 avril 2010, (pièce E-3 onglet 6(a)). M. « C » a indiqué qu’il a revu le grief et les commentaires exprimés par la fonctionnaire mais qu’il a toutefois conclu que, mis à part un ou deux changements, l’essentiel de l’évaluation et la note globale ne devaient pas changer (pièce E-3, onglets 3(d) et 6(b)). M. « C » a témoigné avoir rencontré la fonctionnaire en juillet 2010 pour discuter de cette évaluation de rendement. En contre-interrogatoire, M. « C » a témoigné ne pas se souvenir que Mme « A » lui ait fait part de problèmes avec M. « H » qui, entre autres, aurait fait référence à certaines femmes en les appelant « les petites madames ». M. « C » a toutefois convenu que la situation semblait conflictuelle entre la fonctionnaire et M. « H » et que c’était d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle M. « C » avait jugé bon d’affecter la fonctionnaire à un autre superviseur.

26 M. « C » a affirmé qu’à la suite de cette troisième évaluation, il est devenu évident qu’il n’y avait pas de progrès quant au rendement de la fonctionnaire. Ainsi, par souci de donner encore une autre chance à la fonctionnaire, il a été décidé d’affecter Mme « A » à une autre section sous la supervision de M. « G », un gestionnaire de projet senior.

27 M. « C » a témoigné qu’afin de donner le plus de mentorat possible à la fonctionnaire, il a été décidé que dès le début, M. « G » allait avoir des rencontres hebdomadaires avec la fonctionnaire pour s’assurer qu’elle ait l’aide et le support dont elle avait besoin. M. « C » a indiqué qu’il croyait alors que le transfert de sections donnerait des résultats positifs compte tenu du fait que cette section s’occupait d’affaires de télécommunications et que la fonctionnaire avait de l’expérience et de l’intérêt dans ce domaine. M. « C » a mentionné qu’il croyait que Mme « A » était heureuse de ce changement.

28 M. « C » a témoigné que bien qu’au tout début de l’affectation de la fonctionnaire, en février 2010, les choses semblaient s’être améliorées, les problèmes de performance n’ont pas tardé à refaire surface. Ils ont continué sous la supervision de M. « G » et ce, malgré le fait que des rencontres hebdomadaires avaient lieu entre la fonctionnaire et M. « G » et en l’absence de celui-ci, avec M. « E » et Mme « J », Directrice générale associée (pièce E-3, onglet 3(e)). M. « C » a fait référence à la quatrième évaluation de rendement de la fonctionnaire, couvrant la période du 25 janvier au 14 mai 2010 sous la supervision de M. « G », qui attribue une cote globale de rendement de 2.2. M. « C » a témoigné que cette évaluation démontre encore que la fonctionnaire a dans certains cas rencontré que de façon partielle les objectifs fixés et dans d’autres cas, ces objectifs n’ont pas été rencontrés (pièce E-3 onglet 3(d)). M. « C » a notamment fait référence à un projet « X » en précisant qu’il s’agissait d’un projet de haute importance pour le STS mais qu’en raison du retard de la fonctionnaire on a dû arrêter le projet. Selon M. « C », la fonctionnaire n’a pas été en mesure de compléter à temps sa prestation et ce bien qu’on lui ait fourni un modèle à suivre.

29 M. « C » a témoigné que suite à l’évaluation de rendement pour la période du 25 janvier au 14 mai 2010, les rencontres hebdomadaires entre la fonctionnaire et son superviseur, M. « G », ont continué mais toutefois la performance de la fonctionnaire ne s’est toujours pas améliorée (pièce E-3, onglet 3(e)). M. « C » a également témoigné à l’effet qu’en plus des problèmes directement liés à la performance de la fonctionnaire, celle-ci continuait de refuser d’accepter de recevoir de la rétroaction de ses supérieurs ou de ses collègues, ce qui rendait son apprentissage encore plus difficile. Selon M. « C » Mme « A » acceptait mal les commentaires constructifs des autres, les remettant en question et démontrant une attitude défensive (pièce E-3, onglet 7). À cet égard, M. « C » a indiqué en contre-interrogatoire que la fonctionnaire argumentait pendant des heures sur un sujet donné, elle insistait pour avoir raison et exigeait que les propos ou théories qu’elle avançait soient acceptés à leur face même. À la question de Mme « A » à savoir comment elle aurait pu se défendre contre des commentaires négatifs sur sa performance si tout ce qu’elle disait était perçu comme démontrant une attitude négative, M. « C » a répliqué qu’il revenait à la fonctionnaire d’améliorer sa façon de communiquer et que dans le cas de la fonctionnaire c’était pas juste avec un superviseur qu’elle ne pouvait pas communiquer mais avec trois superviseurs et ses collègues, et ce, sur une période de deux ans.

30 M. « C » a témoigné que dans les circonstances, il a été décidé de donner avis à la fonctionnaire le 12 août 2012 qu’à défaut d’améliorer sa performance dans les 60 jours, le SCRS mettrait fin à son emploi (pièce E-3, onglet 3(c)). M. « C » a expliqué qu’en compagnie de M. « G » et Mme « J », il a remis cet avis de 60 jours à Mme « A » qui était accompagnée d’un représentant de l’Association des employés du SCRS.

31 M. « C » a témoigné à l’effet que, suite à cet avis, les réunions hebdomadaires se sont poursuivies entre la fonctionnaire et M. « G » et que dorénavant, M. « E » assisterait lui aussi à ces réunions.

32 M. « C » a affirmé que malgré le mentorat et les réunions hebdomadaires il n’y a pas eu d’amélioration dans la performance de Mme « A » et qu’après le 12 août 2010, il y avait toujours des problèmes quant à la performance de la fonctionnaire. Des projets demeuraient en retard, la qualité des documents étaient toujours déficiente, les mises à jour sur certains projets n’étaient pas faites, et les priorités n’étaient pas toujours définies (pièce E-1, onglet 3(e) courriels des 23 et 31 août 2010, 9 et 20 septembre 2010, et le 5 octobre 2010).

33 M. « C » a témoigné qu’en octobre 2010, lui et les superviseurs de la fonctionnaire ont conclu que malgré les efforts, il n’y avait pas d’amélioration dans la performance de la fonctionnaire. M. « C » a notamment fait référence au fait que les collègues de Mme « A » étaient devenus frustrés de devoir travailler avec elle, frustration qui était partagée par des contracteurs qui devaient impliquer Mme « A » dans leurs projets. M. « C » a fait référence à un courriel où un contracteur a fait état de son insatisfaction à l’égard du travail de Mme « A », où le contracteur demande à ne plus devoir transiger avec elle et où il a indiqué préférer continuer le projet sans son aide (pièce E-3, onglet 5(h)).

34 M. « C » a témoigné à l’effet que les problèmes de performance de la fonctionnaire ont eu un impact sur les opérations du SCRS puisque certains projets ont dû être mis de côté ou ont été livrés en retard. De plus, compte tenu du fait que la tâche principale de la fonctionnaire était de développer un plan de tests et d’effectuer des tests sur les projets développés par ses collègues, les déficiences dans la façon de compléter ces tests ou les retards à les effectuer pouvaient causer préjudice aux projets de ses collègues. À ce chapitre, M. « C » a fait référence à une situation où un collègue de travail de Mme « A », M. « I », a indiqué que la fonctionnaire n’avait pas fournie sa prestation en temps requis et a demandé que la fonctionnaire soit retirée de son projet (pièce E-5, onglet 19 courriels du 17 juin 2009, 17 juillet 2009 et 21 juillet 2009).

35 M. « C » a conclu qu’après deux ans au SCRS, après que l’employeur ait tenté d’aider la fonctionnaire notamment en lui fournissant mentorat, directions sous forme de suivi hebdomadaire pendant presqu’un an, en la plaçant sous la supervision de trois différents superviseurs, en l’assignant à deux secteurs différents traitant de domaines technologiques différents, il est venu à la conclusion que la performance de Mme « A »  n’était pas acceptable. M. « C » a conclu que pour ces raisons, il a recommandé le 21 septembre 2010 à son supérieur M. « B » de mettre fin à l’emploi de Mme « A » le 5 octobre 2010.

A. Témoignages des superviseurs directs de la fonctionnaire et du chef de section

36 M. « F », M. « H » et M. « G » tous, à divers moments, superviseurs directs de Mme « A » pendant son emploi au SCRS, ont également témoigné pour l’employeur. M. « E », à qui M. « G » se rapportait, a aussi témoigné. Leurs témoignages sont venus corroborer celui de M. « C » tout en apportant des précisions quant aux lacunes observées dans la prestation de travail de la fonctionnaire. Je dois souligner que ces témoins, tous des ingénieurs avec plusieurs années de service, ont longuement témoigné en déposant plusieurs pièces à l’appui et ont été longuement contre-interrogés. Ce qui suit est un sommaire de leurs témoignages.

37 Dans un premier temps, M. « F », qui était, au moment du grief, chef de niveau 11, a témoigné. Il a pris sa retraite en avril 2010. À l’époque, plusieurs employés, incluant la fonctionnaire, se rapportaient à lui. Il a indiqué avoir été membre du comité, avec une personne des ressources humaines et M. « E », qui a embauché la fonctionnaire en 2008. Il cherchait alors un ingénieur pour entre autres préparer un cadre de tests et qui pouvait aussi effectuer des tests sur les produits développés par les autres ingénieurs (pièce E-3, onglet 2 (b)). M. « F » a témoigné qu’une fois la vérification de sécurité effectuée sur la fonctionnaire, il a procédé à une seconde entrevue avec elle au cours de laquelle lui et les membres du comité ont communiqué précisément à la fonctionnaire les fonctions qu’elle aurait à effectuer.

38  M. « F » a indiqué que la fonctionnaire avait été embauchée au niveau ingénieur 9 et que lors de la deuxième entrevue, les membres du comité ont expliqué à la fonctionnaire que compte tenu de son niveau, on lui assignait des directions générales et qu’il lui revenait de prendre ces directions et de les opérationnaliser. M. « F » a indiqué que la fonctionnaire semblait satisfaite de cette proposition.

39 M. « F » a témoigné que la fonctionnaire était en cours de stage pour une période de un an suivant sa nomination et que les six premiers mois se sont déroulés normalement. M. « F » a toutefois précisé qu’au cours de ces six premiers mois l’accent est davantage sur l’orientation et la familiarisation au SCRS. M. « F » a indiqué avoir expliqué à Mme « A » comment fonctionnait le SCRS et lui a présenté ses collègues de travail et les contracteurs qui faisaient affaire avec le SCRS. M. « F » a aussi témoigné avoir informé la fonctionnaire que si elle éprouvait des difficultés, elle pouvait toujours le voir.

40 M. « F » a témoigné avoir donné une moyenne générale de 3, soit entièrement satisfaisant, pour les premiers six mois d’évaluation de la fonctionnaire mais a toutefois précisé que la fonctionnaire n’avait pas été évaluée quant à ses capacités de fonctionner comme ingénieure de niveau 9 (pièce E-3, onglet 3(d), p. 5).

41 M. « F » a témoigné à l’effet que les choses ont été plus difficiles pour la période du 7 janvier 2009 au 7 juillet 2009, et ce, bien que les objectifs et tâches assignés à la fonctionnaire étaient des objectifs et tâches normalement assignées à un ingénieur de niveau inférieur à un niveau 9. M. « F » a précisé que les autres ingénieurs de niveau 9 avaient une charge de travail supérieure tant au niveau du volume que du degré de difficulté, que celle de la fonctionnaire (pièce E-3, onglet 3(d)).

42 Faisant référence à cette deuxième évaluation de rendement, M. « F » a indiqué qu’un seul des six objectifs fixés avait été partiellement atteint; les autres ne l’avaient pas été. Pour cette seconde évaluation de rendement, M. « F » a indiqué avoir consulté, comme c’est d’ailleurs la pratique au SCRS, les autres employés qui ont eu à travailler avec la fonctionnaire. M. « F » a indiqué que les commentaires reçus de M. « H », M. « I » et M. « K » confirmaient les problèmes de performance de la fonctionnaire (pièce E-5, onglets 19, 20; E-4, onglet 1(c)). Il a indiqué que, non seulement les collègues de Mme « A » avaient des difficultés à travailler avec elle, mais les contracteurs eux aussi se plaignaient des services de Mme « A ». A cet égard, M. « F » a témoigné avoir lui-même reçu un appel d’un contracteur qui se plaignait essentiellement qu’il était difficile de travailler avec la fonctionnaire. M. « F » a admis en contre-interrogatoire ne pas avoir mentionné ce fait à la fonctionnaire de façon à ne pas l’importuner.

43 M. « F » a témoigné que tout au long de la période en question, il a fait des suivis avec la fonctionnaire et a tenu des réunions au début à tous les deux mois, mais par la suite à toutes les semaines afin d’aider Mme « A ». M. « F » a indiqué que malgré ces tentatives, il a dû accorder une moyenne générale de 2.1 à la fonctionnaire pour cette seconde évaluation ce qui était en deçà de la note de 2.5 demandée par le SCRS (pièce E-3, onglet 3(d)).

44 M. « F » a indiqué avoir réalisé au cours de la période du 7 janvier au 7 juillet 2009 que Mme « A » ne performait pas au niveau ingénieur 9 et qu’il devait alors informer son superviseur M. « D » de même que M. « C » de cet état de fait. M. « F » a témoigné que bien qu’à cette époque le SCRS aurait pu rejeter la fonctionnaire en cours de stage, il a été décidé de donner une autre chance à la fonctionnaire et que celle-ci bénéficierait de recevoir d’avantage de supervision directe chose que M. « F » ne pouvait pas toujours faire. M. « F » a également indiqué qu’à l’époque, il avait noté que Mme « A » avait de la difficulté à communiquer avec ses collègues et qu’elle refusait les avis donnés par des confrères, notamment M. « K » et M. « I ». M. « F » a également fait état dans son témoignage au fait que selon lui les analyses de Mme « A » n’étaient pas toujours complètes et qu’elle s’en remettait souvent aux autres pour faire son travail. M. « F » a témoigné qu’il a donc été décidé de placer la fonctionnaire sous la supervision d’un ingénieur et gestionnaire expérimenté, M. « H », qui était ingénieur de niveau 10, bilingue et qui selon M. « F », était un excellent professeur.

45 M. « H » a aussi témoigné pour l’employeur. Lors de l’audience, M. « H » était chef adjoint pour les STS et ce, depuis le 13 mai 2002. Il a mentionné être ingénieur et gestionnaire de projets et programmes de niveau 10. Lors de son témoignage, M. « H » a fait état de ses longs services notamment avec le ministère de la Défense nationale du Canada (le « MDNC »). M. « H » a témoigné que bien que dans ses tâches actuelles il n’a pas de fonction de supervision, il était toutefois gestionnaire à MDNC et responsable d’une centaine d’employés.

46 M. « H » a témoigné que Mme « A » lui avait été assigné en juin 2009. Il était heureux de cette décision d’avoir la fonctionnaire comme employée car il avait plusieurs projets à gérer. M. « H » a indiqué que son superviseur, M. « F », l’avait approché en lui demandant de superviser la fonctionnaire car M. « F » n’était pas certain quant à la performance de Mme « A ». M. « H » a indiqué avoir été choisi comme superviseur de Mme « A » pour deux raisons principales : d’une part il avait beaucoup d’expérience dans la gestion de projet, ayant à son crédit 42 ans de service au gouvernement, et d’autre part, dans un passé récent, il avait eu à jouer le rôle de mentor auprès de deux employés du STS et que tout c’était très bien passé. M. « H » a expliqué qu’il avait notamment enseigné à ces deux personnes toute la procédure à suivre lorsqu’on gère un projet.

47 M. « H » a témoigné qu’en juin 2009, il connaissait un peu Mme « A » à cause du travail de celle-ci auprès de M. « F ». M. « H » a aussi indiqué avoir joué le rôle de collègue mentor auprès de la fonctionnaire au printemps 2009 soit un peu avant de devenir son superviseur en juin 2009. M. « H » a indiqué que lorsqu’il agissait comme mentor auprès de la fonctionnaire au printemps 2009, il avait noté que celle-ci ne semblait pas vraiment intéressée à un projet piloté par M. « H », et ce, bien que Mme « A » s’était fait dire par son superviseur M. « F » qu’elle devait aider M. « H » sur ce projet. M. « H » a indiqué que Mme « A » disait que le domaine relatif à ce projet ne l’intéressait pas. Selon M. « H », elle n’y a pas vraiment mis d’effort avec le résultat que M. « H » a du finir lui-même le projet. M. « H » a témoigné que les tâches d’ingénieur font en sorte que même si normalement on travaille dans un domaine qui relève de nos compétences et de notre expérience, il arrive souvent qu’on doive travailler dans des domaines différents. Selon M. « H », cela faisait partie des fonctions d’un ingénieur gestionnaire de projet de niveau 9 comme Mme « A » de s’impliquer dans les projets des autres et de travailler étroitement avec ses collègues. Selon M. « H », le projet en question était important pour la formation de la fonctionnaire en ce qu’il permettait de passer à travers de toutes les étapes à compléter lorsqu’on gère un projet. M. « H » a témoigné que, malheureusement, Mme « A » n’a pas voulu s’impliquer et apprendre.

48 M. « H » a indiqué que suite à une rencontre avec Mme « A » le 4 juin 2009 où Mme « A » et M. « H » ont discuté des enjeux sur lesquels elle travaillerait maintenant qu’elle était sous sa supervision, il a fait parvenir à la fonctionnaire un courriel le 5 juin 2009 qui précisait les quatre objectifs que celle-ci devait rencontrer pour la période du 7 juillet 2009 au 15 janvier 2010 (pièce E-4, onglet 1(a)). Selon M. « H », la fonctionnaire était notamment responsable de définir un cadre de gestion de tests incluant ce qui serait nécessaire pour leurs mise en œuvre et également d’assister les autres gestionnaires de projets en proposant des tests spécifiques aux produits que ceux-ci devaient développer. Entre temps, M. « H » a témoigné avoir fourni, à la demande de M. « F », ses commentaires sur le travail de Mme « A » pour la période d’évaluation du 7 janvier au 7 juillet 2009 (pièce E-4, onglet 1(c)).

49 M. « H » a témoigné que par la suite, Mme « A » a insisté pour avoir une rencontre avec lui et M. « F » afin d’obtenir des clarifications sur les objectifs définis les 4 et 5 juin 2009. M. « H » a indiqué qu’il ne voyait pas la nécessité de la rencontre avec M. « F » mais qu’il avait plutôt suggéré de rencontrer la fonctionnaire afin de discuter avec lui en personne au lieu d’envoyer des courriels à tout le monde. M. « H » a témoigné que n’ayant toujours pas eu de réponse à sa demande de rencontre avec la fonctionnaire le 30 juin 2010, il est lui-même allé la voir dans son bureau qui était situé juste à côté du sien. M. « H » a relaté que lors de cette rencontre il a eu l’impression de l’avoir dérangée et qu’elle ne voulait pas discuter avec lui. M. « H » a affirmé qu’au STS les gens se parlent et se consultent beaucoup et que la façon de faire de Mme « A » de vouloir éviter de parler aux autres était inhabituelle.

50 M. « H » a témoigné que pendant toute la période où Mme « A » a été sous sa supervision, il a essayé de lui donner le plus d’assistance possible, et de l’intégrer au SCRS. Malgré ces tentatives, M. « H » a témoigné qu’il avait dû donner une note globale de 2.2 au rendement de Mme « A » pour la période du 7 juillet 2009 au 15 janvier 2010 (pièce E-3, onglet 3(d)). M. « H » a témoigné que dans l’ensemble les objectifs préalablement fixés n’avaient pas été rencontrés. Dans un cas, bien qu’ultimement le projet ait été complété, le tout avait été fait en retard, causant de la friction auprès des autres gestionnaires de projet et des contracteurs impliqués dans ces projets. Dans un autre cas, bien que le projet a été complété en grande partie, plusieurs interventions et corrections du gestionnaire en charge du projet ont été requises pour remédier aux problèmes de compréhension de la fonctionnaire. M. « H » a de plus précisé en contre-interrogatoire que les projets auxquels il est fait référence dans les objectifs ne devaient pas tous être faits en même temps et avaient des dates d’échéance différentes.

51  Dans son témoignage sur l’évaluation de rendement de la fonctionnaire, M. « H » a notamment fait référence au deuxième objectif de l’évaluation de rendement qui traite du développement d’un cadre de tests et leur mise en œuvre. M. « H » a affirmé que malgré de nombreux commentaires de la part du superviseur, le document était toujours déficient quant au contenu et à la forme, compte tenu de l’audience à qui il était destiné. M. « H » a témoigné à l’effet que les versions soumises par la fonctionnaire revenaient avec des problèmes de substance, des fautes, contenaient beaucoup trop de détails superflus, et n’incluaient pas de recommandations (pièce E-3, onglet 3(d)). M. « H » a affirmé qu’afin d’aider la fonctionnaire dans la rédaction du document, un exemple lui a été fourni de même que la possibilité de l’écrire en français, sans succès (pièce E-3, onglet 3(g)).

52 M. « H » a aussi expliqué qu’un des éléments du quatrième objectif de l’évaluation de rendement de la fonctionnaire était de faire une étude de faisabilité sur un certain type de lunettes. M. « H » a expliqué que ce simple projet avait déclenché beaucoup de réactions de la part de la fonctionnaire. Selon M. « H », la fonctionnaire s’est offusqué de devoir acheter les lunettes sur lesquelles les tests devaient être fait. La fonctionnaire considérait cette tâche comme administrative et ne faisant pas partie de ses fonctions (pièce E-4, onglet 1(l), courriel du 2 décembre 2009). Toujours concernant ce même projet, M. « H » a témoigné qu’à un moment donné, pour exprimer sa frustration, Mme « A » aurait indiqué dans un courriel à M. « H » que l’esclavage a été aboli il y a longtemps (pièce E-4, onglet 4, courriel du 21 octobre 2009). M. « H » a témoigné qu’il avait été surpris de cette remarque de la fonctionnaire et a maintenu que les tâches reliées au projet de lunettes étaient normales pour ce type de projet. M. « H » a témoigné et a indiqué qu’il n’avait pas parlé à la fonctionnaire de ce courriel du 21 octobre 2009 mais qu’il l’avait mentionné à M. « F ».

53 M. « H » a témoigné que la revue de l’évaluation de rendement de la fonctionnaire s’est avérée difficile et a donné lieu à de nombreux échanges de courriels entre lui et Mme « A ». M. « H » a notamment fait référence à un de ces courriels où la fonctionnaire questionne la véracité des propos de M. « H » et où elle indique être prête à passer un test de polygraphe et suggère que le SCRS aurait intérêt à en faire passer un à M. « H » (pièce E-4, onglet 1(m), courriel du 22 janvier 2010).

54 M. « H » a témoigné que son évaluation du travail de la fonctionnaire l’avait amené à conclure qu’elle ne fonctionnait pas au niveau ingénieur 9, et ce, même si elle avait une charge de travail moindre que les autres de niveau 9. De plus, M. « H » a mentionné que la fonctionnaire acceptait très mal la rétroaction. Selon M. « H », la fonctionnaire était réfractaire aux avis des autres qu’elle considérait comme une menace.

55 Finalement, M. « H » a fait référence à un courriel de Mme « A » en date du 27 octobre 2009 où celle-ci fait référence au fait que les employés devraient être jugés sur la base de leur compétence et non sur la base de leur genre ou origine ethnique. M. « H » a témoigné avoir été surpris par ce courriel et a affirmé que d’une part c’était la première fois que Mme « A » soulevait ce genre d’argument et que d’autre part, pour lui le genre ou origine ethnique d’un employé n’est absolument pas pertinent. Selon M. « H », Mme « A » était une ingénieure comme les autres au sein du SCRS. M. « H » a indiqué avoir mentionné le courriel de Mme « A » à M. « F » qui s’est lui aussi montré étonné des propos de la fonctionnaire (pièce E-4, onglet 1(i)).

56 En contre-interrogatoire, M. « H » a affirmé ne pas se souvenir d’avoir dit à la fonctionnaire que le SCRS avait trop fait d’embauches, qu’il n’y avait pas de travail pour elle et que pour cette raison elle devait travailler pour lui.

57 Toujours en contre-interrogatoire, M. « H » a nié avoir qualifié une employée d’une autre division du SCRS de « dragon lady ». M. « H » a également nié avoir qualifié de « petite madame qui sait pas comment préparer des soumissions » une autre employée du SCRS.

58 En réponse aux questions de la fonctionnaire, M. « H » a affirmé avoir toujours traité et jugé cette dernière non seulement de façon égale aux autres employés mais que cette dernière a eu plus de chances que les autres si on considère la formation, le mentorat qu’elle a reçu et le fait qu’elle avait une charge de travail moins lourde que ses collègues. M. « H » a affirmé « s’être fendu en quatre » pour aider la fonctionnaire à réussir.

59 M. « H » a de plus catégoriquement nié s’être déjà servi de sa clé passe-partout pour entrer dans le bureau verrouillé de la fonctionnaire et s’être placé devant elle de manière intimidante pendant qu’elle parlait au téléphone. M. « H » a affirmé qu’il n’est absolument pas dans sa nature de poser ce genre de geste. M. « H » a mentionné que c’était la première fois, à l’audience, qu’il entendait cette allégation de la part de la fonctionnaire.

60  De même, M. « H » a catégoriquement nié avoir été fâché que la fonctionnaire ne se soit pas assise à côté de lui lors d’une réunion de tout le personnel du STS. M. « H » a également nié avoir parlé à Mme « A » sur un ton différent de celui employé avec les autres employés en précisant que cette dernière refusait de communiquer verbalement. M. « H » a fait référence à un incident où la fonctionnaire aurait tourné sa chaise et fait face au mur en prenant des notes pendant qu’il lui parlait de l’état d’un des projets.

61 M. « H » a précisé qu’il avait supervisé des femmes et des personnes d’origine ethniques différentes dans le passé et qu’il y avait eu aucun problème. M. « H » a mentionné que bien que Mme « A » soit de race noire, environ sept autres personnes sont d’origine autre que caucasienne dans le STS.

62  Le témoin a répondu à la fonctionnaire qu’il n’était pas au courant que cette dernière avait fait des démarches auprès de l’Association des employés du SCRS afin de loger une plainte de harcèlement et on lui avait conseillé d’attendre avant de déposer sa plainte. M. « H » a conclu en mentionnant qu’il n’avait jamais dans toute sa carrière été accusé de harcèlement.

63 M. « G » a également témoigné pour l’employeur. Il a indiqué être chef-adjoint, qu’il était ingénieur de niveau 10 depuis 2002 et qu’il se rapportait à un chef, M. « E ».

64 M. « G » a indiqué que la fonctionnaire lui a été assigné en janvier 2010. M. « G » a expliqué que le directeur-adjoint du STS de l’époque, M. « D », et M. « E » l’avaient informé que Mme « A » se rapporterait dorénavant à lui et que la gestion était d’avis que la fonctionnaire pourrait faire bon usage de ses compétences et connaissances en matière de télécommunication. M. « G » a mentionné que M. « D » lui avait dit que cette assignation était à la demande de Mme « A ».

65 M. « G » a expliqué que M. « E » et lui avaient eu une première rencontre avec la fonctionnaire afin de l’accueillir et de lui expliquer ce que serait son rôle dans le groupe des télécommunications. M. « G » a expliqué que lors de cette rencontre, lui et M. « E » ont passé en revue avec la fonctionnaire les détails des tâches à accomplir et les objectifs contenus dans un document (pièce E-5, onglet 1). M. « G » a indiqué qu’il était toutefois inhabituel que M. « E » et lui aient à expliquer en détails à la fonctionnaire les fonctions à accomplir. Selon M. « G », normalement, on n’a pas à passer au travers d’autant d’explication avec un ingénieur de niveau 9.

66 M. « G » a indiqué qu’avant que la fonctionnaire lui soit assigné, il n’avait jamais travaillé avec elle. M. « G » a témoigné qu’avant l’arrivée de Mme « A », M. « D » et M. « E » lui ont mentionné que Mme « A » avait des problèmes de performance et ils lui ont suggéré d’avoir des rencontres hebdomadaires avec la fonctionnaire afin de l’aider avec le suivi des projets et de lui fournir du mentorat. Malgré tout, M. « G » a témoigné avoir été heureux de l’arrivée de Mme « A » car il était à court de personnel. M. « G » a précisé que Mme « A » semblait elle aussi contente de cette assignation.

67 En contre-interrogatoire, M. « G » a affirmé que bien qu’il ait su que Mme « A » avait des problèmes de performance lors de son passage dans la section précédente, il n’avait jamais vu l’évaluation de rendement qu’avait préparé M. « H », et que de toute façon ce qui importait maintenant était que la fonctionnaire était maintenant dans sa section. À cet égard, M. « G » a indiqué que l’évaluation de M. « H » n’avait eu aucune incidence sur l’évaluation que lui-même a préparé puisque les objectifs et le travail de la fonctionnaire étaient différents de ceux qui lui avait été assignés dans la section précédente.

68 M. « G » a témoigné avoir donné trois objectifs principaux à la fonctionnaire pour la période d’évaluation du 25 janvier au 14 mai 2010 (pièce E-3, onglet 3(d)). Ces objectifs avaient d’ailleurs été remis et discuté lors de la première rencontre avec la fonctionnaire et M. « E ».

69 M. « G » a indiqué que les objectifs pour la période d’évaluation n’ont été que partiellement ou pas atteints et qu’il avait donné une cote globale de 2.2 à la fonctionnaire, encore en deçà de la note de 2.5 jugé passable par le SCRS. M. « G » a indiqué que ses attentes étaient qu’un ingénieur de niveau 9 obtienne de meilleurs résultats. M. « G » a indiqué que la fonctionnaire a fourni des commentaires sur l’évaluation de rendement mais qu’elle n’avait pas déposé de grief (pièce E-3, onglet 3(d)). M. « G » a également fournit à M. « C » des commentaires sur ceux de Mme « A » (pièce E-3, onglet 3(d)).

70 Lors de son témoignage, M. « G » a passé en revue les objectifs décrits dans l’évaluation de rendement pour la période du 25 janvier au 14 mai 2010 et a expliqué les lacunes observées chez la fonctionnaire.

71 Essentiellement, M. « G » a fait état du fait que les versions de documents produits par la fonctionnaire devaient constamment être corrigées. M. « G » a indiqué que, dans un cas, un document qui aurait dû prendre deux semaines à compléter par un ingénieur de niveau 9 aurait pris deux mois pour Mme « A » à compléter. M. « G » a témoigné que souvent Mme « A » ne faisait pas référence à des points essentiels mais que par contre elle incluait beaucoup de détails inutiles qui rendaient difficile la lecture du document, qu’à certains endroits les idées communiquées n’étaient pas claires, trop brèves et qu’il fallait souvent reprendre le texte.

72 M. « G » a indiqué que ses commentaires sur les projets de la fonctionnaire étaient souvent faits lors des suivis hebdomadaires qu’il avait avec elle. M. « G » a indiqué que ces rencontres avaient lieu au début seulement entre lui et la fonctionnaire mais que plus tard M. « E » s’est joint à eux.

73 De plus, M. « G » a mentionné qu’il préparait toujours des comptes rendus de ces réunions hebdomadaires qu’il partageait avec la fonctionnaire afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de malentendu sur ce qui était exigé (pièce E-5, onglets 5, 6, 7, 8, 10, et 11).

74 M. « G » a aussi fait référence à un projet impliquant une compagnie canadienne. Il s’agissait d’un projet simple où la fonctionnaire a éprouvé beaucoup de difficulté. Lors de la réunion hebdomadaire précédant le 25 février 2010, M. « G » avait demandé une mise à jour sur ce projet (pièce E-5, onglet 10, courriel du 25 février 2010). M. « G » a témoigné que même après la période d’évaluation passée en mai 2010, il n’avait toujours pas obtenu de mise à jour sur ce projet (pièce E-5, onglet 10 courriel du 23 mars 2010 et onglet 11, courriel du 21 mai 2010).

75 M. « G » a témoigné que de façon générale, la fonctionnaire avait de la difficulté à comprendre les aspects techniques des projets et qu’au lieu d’essayer d’apprendre elle s’argumentait avec ses collègues ou avec lui, ce qui, en bout de ligne, occasionnait des retards.

76 M. « G » a expliqué que par exemple, la fonctionnaire était depuis le 27 mai 2010, responsable d’un important projet où elle devrait livrer une stratégie et les étapes à suivre sur une base urgente. M. « G » a témoigné que le 16 juin 2010 il attendait toujours les résultats (pièce E-5, onglet 14). M. « G » a indiqué avoir reçu le produit de la fonctionnaire en août 2010, soit 3 mois et demi après la demande initiale (pièce 5, onglet 13). M. « G » a témoigné que le produit fourni par la fonctionnaire n’était pas de qualité et que lui et M. « E » s’attendaient à voir un plan de stratégie comme celui qui apparait à la pièce E-5, onglet 18(a) et qui avait été fourni à la fonctionnaire à titre d’exemple (pièce E-5, onglet 13, courriels du 9 et 23 août). Selon M. « G », en comparant les deux documents, il est clair que le document fourni par la fonctionnaire est loin de celui qui lui avait été proposé comme modèle à suivre.

77 M. « G » a témoigné que suite à l’évaluation de rendement du 25 janvier au 14 mai 2010, un avis a été donné à la fonctionnaire le 12 août 2010 (« Notice of Shortcomings ») qu’à défaut d’améliorer son rendement dans les 60 jours, celle-ci serait renvoyée du SCRS. En vue d’aider la fonctionnaire à améliorer son rendement, il a été décidé de continuer d’avoir des réunions hebdomadaires avec Mme « A » afin de faire un suivi régulier sur les priorités et les objectifs. M. « G » a témoigné qu’en dépit de ces rencontres et des suivis, le rendement de la fonctionnaire ne s’est toujours pas amélioré et qu’à cet égard, les comptes rendus des rencontres hebdomadaires reprennent les détails des problèmes de performance de la fonctionnaire (pièce E-3, onglet 3(e)).

78 En contre-interrogatoire, M. « G » a indiqué que le but de ces rencontres hebdomadaires et les comptes rendus qui s’en suivaient n’avaient pas pour but de mettre par écrit les lacunes de la fonctionnaire mais bien de mettre au clair les objectifs à atteindre, les progrès réalisés, les dates d’échéance, tout ça en vue de rendre les suivis plus faciles et ainsi aider la fonctionnaire à réussir au sein du SCRS.

79 M. « G » a témoigné que le 5 octobre 2010 la fonctionnaire a envoyé à M. « C », une note de service dans laquelle elle commentait l’avis reçu le 12 août 2010 (pièce E-3, onglet 8(a)). M. « G » a témoigné que lui et M. « E » ont été invités à commenter les propos de la fonctionnaire ce qu’ils ont fait (pièce E-3, onglet 8(b)). M. « G » a fait référence à l’incident rapporté par la fonctionnaire où il est question de la relation entre un médecin et son patient. M. « G » a nié les faits tels que rapportés par Mme « A » en précisant qu’il avait plutôt fait référence à un exemple où un patient doit être prêt à recevoir de la rétroaction de son médecin. M. « G » a indiqué qu’il a référé à cet exemple, qui lui avait été donné lorsqu’il a suivi un cours à Nortel, où le but était d’apprendre à recevoir de la rétroaction. M. « G » a indiqué qu’il avait utilisé cet exemple pour illustrer que la fonctionnaire se devait d’accepter la rétroaction de ses superviseurs mais qu’il n’a jamais essayé de faire de comparaison avec la fonctionnaire.

80 Quant à la référence, dans la même note de service du 12 août 2010, où la fonctionnaire accuse M. « G » d’avoir dit que son travail était de la « sh.. », M. « G » a nié avoir utilisé ce mot. M. « G » a mentionné que sa langue maternelle était le vietnamien mais qu’il parlait aussi le français et l’anglais. M. « G » a indiqué que ses conversations avec Mme « A » avaient toujours lieu en français. M. « G » a témoigné avoir dit à la fonctionnaire lors de la revue d’un document de travail, « d’enlever la cochonnerie » voulant dire d’enlever les détails superflus du texte de façon à améliorer la lecture du document qui était destiné à la haute gestion et que les détails qui y étaient inclus n’étaient absolument pas nécessaire. M. « G » a témoigné avoir fait référence au mot « cochonnerie » car pour lui ce mot est couramment utilisé au Québec quand on réfère à des détails superflus (pièce E-3, onglet 8(b)).

81 M. « G » a aussi témoigné que contrairement à ce qu’a avancé la fonctionnaire dans sa note de service du 12 août 2010, il a jamais crié contre la fonctionnaire parce qu’elle avait cédulé une rencontre pendant qu’il avait pris congé pour regarder une partie de soccer. M. « G » a témoigné que la fonctionnaire avait cédulé cette rencontre de revue contrairement à la procédure maintes fois répétées de ne pas céduler de rencontres de revue à moins de cinq jours avant la date prévue. M. « G » a témoigné s’être quand même rendu à la rencontre mais a insisté ne jamais avoir crié après la fonctionnaire.

82 En contre-interrogatoire, M. « G » a indiqué que le suivi régulier qu’il avait exercé auprès de la fonctionnaire était particulier à cette dernière compte tenu des besoins qu’elle avait et que tout ça était pour lui venir en aide. M. « G » a indiqué qu’en bout de ligne il l’avait toujours traité sur le même pied d’égalité que les autres sans égard au fait qu’elle soit une femme de race noire.

83 M. « E » a aussi témoigné pour l’employeur. M. « E » a indiqué que depuis 1988 il était à l’emploi du SCRS comme chef de niveau 11. M. « E » a précisé qu’il avait une formation d’ingénieur et qu’au moment des faits de la cause, plusieurs employés se rapportaient à lui, dont M. « G ». M. « E » a précisé que ses employés avaient tous un baccalauréat en ingénierie ou en science et qu’ils étaient soit de niveau 10 ou de niveau 9.

84 M. « E » a indiqué qu’il avait participé à l’embauche de la fonctionnaire en compagnie de M. « F » en 2007. Il a aussi témoigné qu’en 2009, M. « D » l’avait approché pour savoir s’il y avait un poste pour Mme « A ». M. « D » avait alors indiqué que la fonctionnaire éprouvait des problèmes de performance sous M. « F » et que la gestion voulait lui donner une autre chance en l’affectant à un autre superviseur dans une autre direction. M. « E » a indiqué que, compte tenu de l’expérience de la fonctionnaire, il semblait que le domaine des télécommunications était indiqué pour Mme « A ». M. « E » a témoigné qu’il a donc été décidé que Mme « A » irait dans une autre section et se rapporterait à M. « G » qui lui-même se rapportait à M. « E ».

85 M. « E » a indiqué qu’une première rencontre a eu lieu entre M. « G », Mme « A » et lui-même afin de préciser à la fonctionnaire quels seraient ses objectifs sous M. « G ». M. « E » a témoigné avoir passé en revue les objectifs précisés dans la pièce E-5, onglet 1. M. « E » a toutefois souligné que cette approche de revoir de façon détaillée les objectifs avec un ingénieur de niveau 9 était inhabituelle puisque normalement un ingénieur à ce niveau n’a besoin que de connaître les grandes lignes et n’a pas besoin de ce niveau de détails.

86 M. « E » a indiqué que la performance de la fonctionnaire dans le premier mois et demi suivant son assignation auprès de M. « G » a été satisfaisante mais que tout ça était dû au fait que la fonctionnaire était très étroitement encadrée et dirigée. À cet égard, M. « E » a souligné que le genre de supervision directe que nécessitait Mme « A » faisait en sorte qu’elle opérait davantage comme une ingénieure de niveau 7 ou 8 qu’une ingénieure de niveau 9.

87 Ainsi, selon M. « E », lorsqu’est venu le temps de donner à la fonctionnaire des tâches d’ingénieur de niveau 9, les problèmes sont réapparus. À cet égard, M. « E » a insisté que les tâches assignées à la fonctionnaire étaient des plus simples, relativement au niveau occupé par Mme « A », et que les collègues de cette dernière de même niveau avaient des tâches beaucoup plus difficiles et exigeantes.

88  En contre-interrogatoire, M. « E » a précisé que par exemple, la fonctionnaire était récalcitrante à faire elle-même la recherche nécessaire vis-à-vis la technologie nouvelle, qu’elle évitait certaines questions ou s’en remettait à ses collègues pour trouver les réponses aux problèmes. M. « E » a expliqué que normalement, selon le guide de classification en Ontario, Mme « A » qui était ingénieure de niveau 9 aurait dû rencontrer les exigences équivalentes de niveau « D » dans le guide de classification de l’Ontario (pièce E-5, onglet 17). Plus précisément, M. « E » a témoigné que par exemple un ingénieur de niveau 9 se doit de traiter de questions plus complexes, d’être en mesure de synthétiser un problème donné, et d’être en mesure d’apporter des solutions. M. « E » aussi indiqué qu’un ingénieur de niveau 9 se doit de faire preuve d’autonomie, d’autant plus que dans le cas de la fonctionnaire, elle devait évoluer dans un contexte de travail matriciel où elle devait travailler en support de ses collègues tout en se rapportant à un superviseur donné. Or, selon M. « E » ce ne fut jamais le cas avec Mme « A ». M. « E » a indiqué que la fonctionnaire s’est avérée incapable de réaliser de façon satisfaisante des projets à son niveau. Elle demandait beaucoup d’attention et de temps de la part de son nouveau superviseur M. « G ». Elle éprouvait des problèmes à travailler en équipe avec ses collègues et avec des contracteurs qui se sont plaints de son rendement et de son attitude.

89 Faisant référence à l’évaluation de rendement de la fonctionnaire pour la période du 25 janvier au 14 mai 2010, M. « E » a indiqué qu’il a lui- même préparé les commentaires du superviseur évaluateur à la page 9 de cette évaluation qui ont été signé par M. « D » (pièce E-3, onglet 3(d)). M. « E » a indiqué que pendant ladite période d’évaluation il a noté que la fonctionnaire devait apprendre à travailler avec moins de supervision, et que sa capacité d’analyse et ses connaissances techniques devaient être améliorées. M. « E » a insisté sur le fait que, malgré ses tentatives et celles de M. « G », le rendement de la fonctionnaire ne s’était pas amélioré et que celle-ci demeurait réfractaire à recevoir de la rétroaction. Elle refusait d’écouter les autres.

90 M. « E » a témoigné que suite à cette dernière évaluation de rendement, lui et la gestion du SCRS ont dû convenir que malgré tous les efforts déployés à date, il n’y avait toujours pas de progrès. Il fut alors décidé de remettre l’avis de 60 jours (Notice of Shortcomings) à la fonctionnaire le 12 août 2010.

91  Suite à cette lettre du 12 août 2010, M. « E » a indiqué qu’il s’était personnellement encore plus impliqué dans la supervision de Mme « A », notamment en participant aux réunions hebdomadaires entre celle-ci et M. « G ».

92 Dans son témoignage, M. « E » a fait référence, à titre d’illustration, à un projet demandé à la fonctionnaire en mai 2010 mais qui en août 2010 était toujours incomplet et ce malgré les nombreux rappels et demandes de mise à jour faites durant les rencontres hebdomadaires. M. « E » a indiqué que compte tenu de l’échéancier, lui et des collègues n’ont pas eu le choix que de rencontrer les clients à la fin d’août 2010 avec le projet incomplet. M. « E » a indiqué qu’à la fin de la réunion, le client lui a révélé être frustré d’avoir eu à attendre au-delà de trois mois pour obtenir un projet qui demeurait incomplet. M. « E » a insisté que, compte tenu du mandat du SCRS, il est capital que le travail effectué soit de qualité et fait dans les délais nécessaires. Il y va de la crédibilité de l’organisation.

93 Finalement, en contre-interrogatoire, M. « E » a précisé que M. « H » n’a pas été impliqué dans l’évaluation de M. « G », et que lui et M. « G » ont tout fait, en terme de mentorat, conseils, rencontres pour donner une deuxième chance à la fonctionnaire mais que ça n’ a pas donné de résultat.

94 M. « K » et M. « I » ont également témoigné pour l’employeur. Tous deux sont des ingénieurs respectivement de niveau 9 et 10 au STS.

95 M. « K » a indiqué que, dans un contexte de travail matriciel, où chacun a un projet mais doit travailler avec les autres, il a eu à travailler avec la fonctionnaire. M. « K » a expliqué que comme gestionnaire de projet, il était responsable d’un projet qui devait être testé par la fonctionnaire. M. « K » a témoigné qu’il était important que ce projet soit complété pour le 31 mars 2009 car il était de partenariat avec un autre pays. Le projet a été complété en juillet 2009. M. « K » a affirmé que bien que le retard ait, en partie, été imputable au partenaire impliqué dans ce projet, il a néanmoins dû réécrire la partie préparée par la fonctionnaire car le document était mal rédigé. M. « K » a mentionné qu’en partie, les problèmes de la fonctionnaire relevaient du fait que celle-ci, malgré de nombreuses explications, ne comprenait pas des éléments opérationnels de certains scénarios et que souvent, les tests qu’elle proposait n’étaient pas toujours pratiques quand venait le temps de les appliquer (pièce E-5, onglet 20, courriels du 17 et 21 juillet 2009).

96 M. « K » a aussi témoigné que suite à la demande de M. « F » en date du 16 juin 2009, il a fourni, le 17 juin 2009, ses commentaires sur le rendement de la fonctionnaire. M. « K » a expliqué que c’est la pratique au SCRS, surtout dans un contexte de travail matriciel, qu’un superviseur demande aux collègues de travail leurs commentaires sur le travail d’un collègue (pièce E-5, onglet 20, courriel du 17 juin 2009). Dans son courriel, M. « K » a indiqué avoir fait référence à des événements et projets qui démontrent selon lui que la fonctionnaire avait de la difficulté à communiquer avec ses collègues et qu’elle n’avait pas réussi à s’intégrer dans l’équipe du STS. M. « K » a indiqué que la fonctionnaire refusait l’assistance proposée et que parallèlement, elle refusait d’aider ses collègues en soutenant que les demandes ne relevaient pas de son domaine d’expertise.

97 M. « K » a témoigné qu’un des contracteurs était frustré du travail de Mme « A » et s’en est plaint à lui à plusieurs occasions. Le contracteur a aussi contacté M. « D » pour lui faire connaître son insatisfaction (pièce E-5, onglet 20 courriel du 17 juin 2009).

98 Pour sa part, M. « I » a témoigné que l’expérience de travail avec Mme « A » n’a pas été bonne. M. « I » a indiqué que Mme « A » devait produire un plan de tests relatifs à un produit qui venait d’être livré à M. « I ». M. « I » a témoigné qu’après de nombreuses rencontres échelonnées sur une période de quatre mois, le plan de tests produit par la fonctionnaire était d’aucune valeur, à un point tel que M. « I » et ses collègues ont décidé de produire leur propre plan de tests.

99 M. « I » a également témoigné avoir fourni ses commentaires sur le travail de Mme « A » le 17 juin 2009 suite à la demande de M. « F ». M. « I » a mentionné que son expérience avec la fonctionnaire lui a démontré que les tâches assignées à celle-ci n’avaient dans certains cas pas été effectuées, dans d’autres cas aucun progrès n’avait été réalisé, et que la fonctionnaire était désorganisée.

100 M. « I » a aussi témoigné s’être plaint le 17 juillet 2009 à M. « H », alors superviseur de Mme « A », à l’effet que le travail n’était pas fait et que Mme « A » lui était d’aucune aide (pièce E-3, onglet 5(a) courriels du 17 juillet 2009, 21 juillet 2009 et 4 septembre 2009).

101 M. « I » a indiqué qu’en juillet 2009 il était frustré du manque de collaboration de la fonctionnaire. Il a donc réitéré les problèmes qu’il a eu à travailler avec la fonctionnaire dans un courriel du 21 juillet 2009 à M. « D » où il a notamment précisé ne pas avoir confiance en la capacité de la fonctionnaire de rencontrer les attentes.

102 M. « I » a témoigné que dans un cas, des contracteurs se sont plaints à lui à l’effet que les directions que donnaient Mme « A » dans un projet étaient difficiles à suivre et même contradictoires. Il a demandé à M. « H » à ce que la fonctionnaire ne soit plus autorisée à contacter les contracteurs sans d’abord le consulter. À cet effet, M. « I » a indiqué que M. « H » avait avisé la fonctionnaire en ce sens et que toutes communications avec les contracteurs devaient au préalable être discutées avec M. « I ». M. « I »a témoigné que malgré cet avertissement, la fonctionnaire était entrée en contact avec les contracteurs, ajoutant ainsi à la confusion. M. « I » a indiqué avoir alors demandé à ce que Mme « A » soit retirée de son projet (pièce E-5, onglet 19, courriels du 28 août et 4 septembre 2009).

IV. La preuve de la fonctionnaire

103 Mme « A » a été la seule à témoigner.

104 La fonctionnaire a revu en détail son curriculum vitae (pièce E-3, onglet 2(a)). Elle a notamment précisé que comme ingénieure électrique elle a travaillé chez Dataradio où elle a acquis de l’expérience dans le développement de plans de tests, appels d’offre ainsi que d’autres expériences. Elle s’est ensuite jointe à Spirent de 2000 à 2002 où il fallait développer des concepts et vendre ces concepts à des compagnies. La fonctionnaire a indiqué qu’elle devait alors, tout comme au SCRS, développer des scénarios de tests et tester des simulateurs. Mme « A » a insisté que, bien qu’elle ait été mise à pied chez Spirent faute de travail, elle a toujours été bien traitée.

105 Mme « A » a expliqué qu’elle a ensuite travaillé chez Thales où on lui a demandé de travailler sur un projet de test impliquant le Ministère de la Défense nationale. La fonctionnaire a témoigné que l’expérience avec Thales avait été plus difficile car il y avait beaucoup de joueurs impliqués, que tout était contrôlé, que pour la fonctionnaire, chez Thales il s’agissait d’un milieu de travail militaire, où elle avait peu de liberté et où les fonctions n’étaient pas celles auxquelles elle s’attendait. Mme « A » a indiqué qu’elle a alors quitté Thales après quatre ou cinq mois. En Novembre 2004 elle a reçu une offre de Motorola. Mme « A » a témoigné être restée chez Motorola qu’environ 5 mois puisque son poste a été coupé faute de travail. Mme « A » a toutefois insisté avoir reçu un bonus de Motorola de même qu’une évaluation de rendement favorable. Toutefois, en contre-interrogatoire, Mme « A » a refusé de partager l’évaluation de Motorola au motif que ce n’était pas pertinent. Mme « A » a également expliqué certaines absences sur son curriculum vitae en disant que le document n’était qu’un outil d’introduction et que les employeurs potentiels allaient toujours plus loin que la lecture d’un curriculum vitae. Mme « A » a témoigné s’être ensuite jointe à la Société des Transports de Montréal pour un peu plus d’un an avant de retourner chez Data en septembre 2006. Mme « A » a appliqué sur un poste au SCRS et a commencé au STS en juillet 2008.

106 Mme « A » a expliqué que la rencontre initiale au SCRS avait eu lieu en la présence de M. « F » et M. « E »; et que M. « F » lui avait expliqué le fonctionnement du service et lui avait parlé de formation à l’étranger. En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a convenu que le SCRS a eu raison de l’embaucher compte tenu de son expérience passée.

107 Mme « A » a expliqué qu’il y avait souvent des situations conflictuelles entre le centre de politique et les ingénieurs. De plus, selon la fonctionnaire, il y avait beaucoup de compétition entre les ingénieurs. Mme « A » a précisé que M. « K » et dans certains cas, un autre collègue, étaient très compétitifs envers elle, mettant souvent en doutes ses idées et la contredisant.

108 Mme « A » a témoigné que lors de son passage dans la première section, comme gestionnaire de projet de tests, elle devait gérer ce projet comme les autres. Elle devait avoir des plans de tests et trouver le bon environnement pour faire les tests. Elle devait tout faire elle-même car contrairement aux autres, elle a eu recours seulement à un sous-traitant pour l’aider. De plus, lorsqu’elle travaillait dans cette section, il n’y avait pas de laboratoire pour effectuer les tests dont elle était responsable. À chaque fois c’était un défi pour la fonctionnaire de trouver un endroit pour effectuer les tests.

109 Mme « A » a témoigné que ce qui la rendait unique dans la section était qu’elle était la seule femme de race noire ingénieure. Les autres membres ingénieurs du STS étaient tous caucasiens. Mme « A » a indiqué que lors de son transfert dans la section en 2010, mis à part M. « G », qui était d’origine asiatique, elle a été la seule personne non-caucasienne jusqu’à ce qu’un homme de race noire se joigne au groupe à l’été 2010. En contre-interrogatoire, Mme « A » a admis ne pas connaître les statistiques quant à l’embauche de minorité visible au sein du SCRS.

110 Mme « A » a indiqué avoir été surprise par la seconde évaluation de rendement de M. « F » couvrant la période du 7 janvier au 7 juillet 2009 et de la cote globale de 2.1 (pièce E-3, onglet 3(d)). Selon la fonctionnaire, on ne lui avait pas parlé de problèmes de performance d’autant plus que lors d’une rencontre avec M. « F » en mai 2009 au cours de laquelle Mme « A » avait fait un compte rendu de son travail, M. « F » aurait affirmé « je sais où on s’en va » ce qui aurait rassuré la fonctionnaire. Mme « A » a toutefois indiqué que parallèlement à sa rencontre avec M. « F » en mai 2009, elle avait consulté l’association des employés car elle était inquiète de certains propos de M. « H » qui lui aurait dit « qu’elle avait été engagée pour rien, que les projets étaient déjà tous distribués et qu’il lui restait qu’à travailler pour lui. (M. « H ») » Mme « A » a témoigné que lors de sa rencontre avec M. « F » en mai 2009, elle a soulevé le résultat de cette seconde évaluation de rendement avec M. « F » et qu’il lui aurait dit ne pas vouloir revenir la dessus et qu’il avait été « pris à partie » par les autres collègues suite à la performance de Mme « A » sur un rapport de consultation sur le programme de tests.

111 Quant à l’évaluation de rendement de M. « H » pour la période du 7 juillet 2009 au 15 janvier 2010 (pièce E-3, onglet 3(d)), Mme « A » a indiqué que cette évaluation lui causait encore préjudice car compte tenu de la cote globale de 2.2 et du fait qu’il fallait une cote globale de 2.5 pour pouvoir postuler sur un autre emploi au SCRS, elle était pénalisée et ne pouvait se trouver un autre emploi au sein du SCRS. La fonctionnaire a témoigné avoir consulté l’association des employés qui l’a aidé à formuler les commentaires sur l’évaluation de M. « H ».

112 La fonctionnaire a témoigné avoir déposé un grief contre l’évaluation de M. « H » le 20 avril 2010. Mme « A » a indiqué que bien qu’elle voulait aussi déposer un grief de harcèlement contre M. « H », les représentants de l’association des employés lui ont recommandé d’attendre. Toutefois, Mme « A » a témoigné avoir contacté en janvier 2010 l’ordre professionnel des ingénieurs de l’Ontario pour se plaindre du comportement de M. « H » (pièce G-12).

113 Mme « A » a indiqué avoir reçu une réponse de M. « C » à son grief sur l’évaluation de M. « H » en juin 2010. La fonctionnaire a précisé que bien que certains éléments de son évaluation aient été revus à la hausse, la cote globale n’a pas changé et est restée à 2.2.

114 Mme « A » a témoigné avoir déposé un grief contre son renvoi en octobre 2010 dans lequel elle a fait référence aux mauvais traitements et harcèlement qu’elle a subi. La fonctionnaire a mentionné avoir également fait une plainte formelle à l’ordre des ingénieurs de l’Ontario contre M. « H » ainsi que devant la Commission canadienne des droits de la personne et la Commission des droits de la personne de l’Ontario, qui a rejeté sa plainte pour défaut de compétence.

115 Mme « A » a témoigné que pendant son emploi au SCRS, elle a dû s’occuper de beaucoup plus de projets que ce qui est admis par l’employeur. La fonctionnaire a soutenu qu’elle avait été responsable d’au moins dix projets, que dans bien des cas, elle avait hérité de projets déjà commencés par des collègues mais qui étaient très peu avancés et qu’elle avait dû se débrouiller seule.

116 La fonctionnaire a expliqué que par exemple lors de son passage à la nouvelle section, beaucoup des projets n’avaient pas de limite de temps et qu’il est maintenant injuste de prétendre qu’elle était en retard et ne respectait pas les échéanciers. Selon Mme « A », dans son cas, on a exagéré certains retards et on n’a pas tenu compte de sa charge de travail ni du fait que les projets étaient parfois retardés pour des raisons qui lui étaient totalement étrangères. Pour la fonctionnaire, certains de ces projets se chevauchaient et il était parfois très difficile de prioriser, d’autant plus que contrairement à ses collègues, elle n’avait, sauf à une occasion, pas accès à des sous-contractants pour l’aider. En contre-interrogatoire, Mme « A » a soutenu qu’elle n’a jamais été la cause des retards reprochés par l’employeur.

117 Mme « A » a soutenu que l’employeur ne lui avait pas donné l’autorité nécessaire pour organiser ses projets, et que contrairement aux autres, elle n’était pas autorisée à communiquer avec d’autres intervenants.

118 Mme « A » a indiqué que dans bien des cas, on lui a reproché la qualité des documents qu’elle a produit. Selon la fonctionnaire, les problèmes étaient dû en grande partie au fait que M. « H » et plus tard M. « G », lui faisaient sans cesse reprendre la rédaction desdits documents en ajoutant à chaque fois de nouvelles demandes, ce qui occasionnait des retards et confusion qui lui étaient ensuite reprochés.

119 Selon la fonctionnaire, elle a tout de même rencontré les attentes dans la mesure du possible et il est injuste de lui faire porter le blâme pour des situations qui n’étaient pas toujours sous son contrôle.

120 Mme « A » a plaidé avoir été jugée sur la base de rumeurs non fondées et que l’employeur a donné foi aux témoignages de superviseurs et collègues qui dans certains cas étaient directement en compétition avec elle et cherchaient à la faire mal paraître. Selon Mme « A », elle n’a jamais demandé d’être supervisée aussi étroitement et contrairement à ses collègues, son travail a constamment été remis en question.

121 Selon Mme « A », la situation ne s’est pas améliorée lorsqu’elle a été affectée dans une nouvelle section sous la supervision de M. « G ». La fonctionnaire a témoignée que bien qu’au début, en janvier 2010, elle était contente de ne plus être sous la supervision de M. « H » et que le champ d’expertise dans la nouvelle section correspondait mieux à son expérience passée, les choses se sont toutefois compliquées en mars 2010.

122 La fonctionnaire a témoigné que les problèmes ont commencé dans cette nouvelle section lorsqu’elle a voulu se faire reconnaître comme l’auteur d’un rapport qui aurait été préparé lorsqu’elle faisait partie de la section précédente. Selon Mme « A », M. « G » n’aurait pas apprécié qu’elle revendique être l’auteur de ce rapport, et lui aurait dit qu’il savait qu’elle avait un problème avec M. « H » et qu’elle « aurait intérêt à chanter la même chanson que les autres si elle voulait rester ». Pour la fonctionnaire, il était clair qu’elle était déjà étiquetée comme employée problème à son arrivée.

123 Mme « A » a maintenu que les choses se sont répétées dans la nouvelle section, soit que M. « G » et autres lui faisaient reprendre le travail et réécrire le même document en ajoutant à chaque fois de nouvelles demandes, ce qui compliquait et retardait la production des documents.

124 Dans son témoignage, Mme « A » a plaidé avoir été traitée différemment et de façon discriminatoire notamment par ses superviseurs, M. « H » et M. « G ».

125 La fonctionnaire a témoigné qu’elle ne pouvait pas faire preuve d’initiatives lorsqu’elle était sous la supervision de M. « H » car il cherchait à tout contrôler. De plus, selon la fonctionnaire, M. « H » a encouragé le comportement de compétiteur qu’elle avait décelé chez M. « K ».

126 Mme « A » a indiqué avoir été victime de harcèlement de la part de M. « H ». La fonctionnaire a mentionné un incident où M. « H » serait entré dans le bureau de la fonctionnaire pendant qu’elle était au téléphone et que la porte de son bureau était verrouillée. Mme « A » a raconté que M. « H » se serait servi d’une clé passe-partout pour entrer et qu’une fois à l’intérieur il se serait placé tout près devant elle et qu’il avait l’air fâché.

127 Mme « A » a aussi témoigné d’un autre incident où M. « H » serait entré dans son bureau et l’aurait pointé du doigt en disant « c’est ça que tu vas faire Mme « A »». En contre-interrogatoire la fonctionnaire a admis que bien qu’elle avait tendance à tout noter, elle n’a jamais soulevé auprès de ses supérieurs ni fait par écrit référence aux incidents reprochés à M. « H ». Mme « A » a toutefois maintenu l’avoir dit à sa famille et ne pouvait se souvenir si elle l’avait mentionné à l’association des employés.

128 La fonctionnaire a témoigné que M. « H » passait des commentaires sur les femmes en faisant référence dans certains cas aux « petites madames ».

129 Mme « A » a indiqué avoir parlé d’esclavage dans son courriel du 21 octobre 2009 car elle se sentait frustrée et traitée différemment et de façon injuste (pièce E-4, onglet 4, courriel du 21 octobre 2004). En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a indiqué qu’elle n’aurait pas dû employer le mot « esclavage » mais que néanmoins, cela traduisait bien l’état d’esprit dans lequel elle se trouvait. Pour la fonctionnaire, étant donné que M. « H » est d’origine caucasienne et qu’elle est de race noire, elle a conclu que ce devait être pour cette raison qu’elle était ainsi traitée. Mme « A » a indiqué que de plus, le fait d’être une femme n’aidait pas car M. « H » parlait de la même façon dénigrante aux autres femmes. Mme « A » a réitéré ne pas avoir fait de plainte de harcèlement contre M. « H » suite aux conseils de l’association des employés qui lui aurait recommandé d’attendre.

130 Mme « A » a témoigné que ce comportement discriminatoire et le harcèlement avait continué sous la supervision de M. « G ». Selon la fonctionnaire, le ton de M. « G » a changé autour du mois de mars 2010. Il est devenu difficile de travailler avec lui. Mme « A » a affirmé que M. « G » la dénigrait devant les autres collègues, qu’il lui faisait sans cesse reprendre les documents, il la forçait à demander de la rétroaction aux autres, ce qui était humiliant et causait des retards qui lui étaient ensuite reprochés.

131 La fonctionnaire a témoigné qu’à une occasion, M. « G » lui a reproché d’avoir établis des critères trop exigeants quant à l’embauche d’un contracteur. Pourtant, selon Mme « A », elle n’avait fait que suivre les directives précises que lui avait dictées par M. « G ».

132 La fonctionnaire a témoigné avoir en toute bonne foi cédulée une rencontre impliquant M. « G » alors que celui-ci avait pris congé pour regarder une partie de soccer. Selon la fonctionnaire, l’horaire de M. « G » était libre et elle ne savait pas que le soccer était si important pour lui. Mme « A » a témoigné que M. « G » lui avait reproché son geste dans le corridor en lui disant que ce qu’elle venait de faire « était le genre d’erreur qu’un ingénieur de niveau 5 ou 6 ferait mais pas au niveau 9 ».

133 La fonctionnaire a indiqué ne pas avoir fait de plainte de harcèlement contre M. « G » simplement parce qu’elle a été congédiée avant d’en avoir eu le temps. En contre-interrogatoire, Mme « A » a convenu avoir suivi de la formation sur le harcèlement au travail et connaître la procédure à suivre dans les cas de harcèlement.

134 Selon la fonctionnaire, l’employeur a cherché à se débarrasser d’elle comme le démontre la pièce G-10. Pour Mme « A » cette ébauche en date du 27 avril 2010, démontre que déjà à cette date, l’employeur avait décidé de mettre fin à son emploi et ce même avant la fin de la période d’évaluation de M. « G ». En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a indiqué que bien qu’elle ne croyait pas qu’il y ait eu collusion contre elle entre M. « C », M. « F », M. « H », M. « G », M. « E », M. « I », et M. « K », elle croyait néanmoins que M. « H » et M. « G » avaient conspiré contre elle afin de pouvoir se débarrasser d’elle.

135 Quant aux remèdes et dommages demandés par la fonctionnaire, celle-ci a déposé la pièce G-13 détaillant sa demande. Notamment, Mme « A » a indiqué que compte tenu des circonstances et qu’elle ne veut pas retourner dans un milieu de travail qui l’a traumatisé, la fonctionnaire a indiqué ne pas vouloir être réintégrée dans son ancien poste.

136 La fonctionnaire a demandé des références de la part du SCRS et que l’objet du présent grief et informations relatives à son identité afférentes ne soient pas mentionnés ou rendus public.

137 Mme « A » a également demandé une compensation financière pour les dommages moraux qu’elle a subis de même que le salaire perdu pendant la période d’octobre 2010 à novembre 2011 où elle s’est trouvé un autre emploi. Mme « A » demande également d’être dédommagée pour les dettes qui ont résulté de la fin d’emploi.

138 Mme « A » a également demandé de pouvoir compléter les plaintes de harcèlement contre M. « H » et M. « G ». Et finalement, la fonctionnaire a demandé des excuses écrites du SCRS.

V. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

1. Objection préliminaire

139 L’avocat de l’employeur a réitéré les arguments plaidés lors de la conférence préparatoire et en début d’audience à l’effet que je n’ai pas la compétence pour trancher de ce grief. L’avocat de l’employeur a maintenu d’une part que la preuve a démontré que la fonctionnaire avait été renvoyée pour des raisons liées à sa performance, d’autre part, que le SCRS est un employeur distinct aux termes de la LGFP, et que le SCRS ne fait pas partie de l’administration centrale. Ainsi, selon l’avocat de l’employeur, l’alinéa 209(1)(d) de la Loi ne lui est pas applicable car le SCRS n’a jamais été désigné sous le paragraphe 209(3) de la Loi. L’avocat de l’employeur a indiqué qu’il n’est pas contesté dans la présente affaire que le gouverneur en conseil n’a jamais adopté de décret en vertu du paragraphe 209(3) de la Loi désignant le SCRS ce qui, par le fait même, m’aurait donné compétence pour les cas de renvois pour raisons autre que disciplinaire.

140 Ainsi, l’avocat de l’employeur a maintenu que la Loi est claire et que j’ai compétence pour trancher de ce grief seulement si la fonctionnaire est parvenue à démontrer que le renvoi était de nature disciplinaire. À cet égard, l’avocat de l’employeur a soutenu qu’une fois démontré que le motif de renvoi était la performance de la fonctionnaire, la fonctionnaire a le fardeau de la preuve. Elle devait démontrer que le renvoi avait été motivé pour des raisons autres que pour des raisons reliées à l’emploi.

141 L’avocat de l’employeur a dressé une analogie entre la situation juridique s’appliquant à la présente affaire et les autres cas où la Loi ne permet pas de renvoi à l’arbitrage, la plus commune étant les cas de renvois en cours de stage. Dans ces cas de renvoi en cours de stage, l’arbitre a compétence seulement s’il est allégué et prouvé que la fin d’emploi est pour une raison autre qu’une raison reliée à l’emploi comme par exemple pour une raison disciplinaire.

142 Selon l’avocat de l’employeur, la jurisprudence a déjà établi les règles applicables dans un cas comme celui-ci en matière de fardeau de preuve. L’avocat de l’employeur soutient en effet que dans ce cas-ci, le SCRS avait à démontrer de façon sommaire que le renvoi était lié à l’emploi, que la cause était les problèmes liés à la performance de la fonctionnaire. À cet égard, l’avocat du SCRS a soutenu qu’un employeur n’est pas tenu de justifier les motifs, l’employeur est simplement tenu de prouver qu’il y a un lien avec l’emploi.

143 Selon l’avocat de l’employeur, ayant fait la preuve qu’il s’agit d’un renvoi pour raison reliée à l’emploi, en l’occurrence ici les problèmes de performance de la fonctionnaire, le fardeau de preuve s’est déplacé et il incombe alors à la fonctionnaire de démontrer que la preuve de l’employeur n’est que camouflage, qu’il y a eu mauvaise foi de la part de l’employeur; qu’en réalité l’employeur a fait preuve de discrimination à l’égard de la fonctionnaire; bref qu’il s’agit d’un congédiement déguisé.

144 Au soutien de ses arguments, l’avocat de l’employeur me renvoie à la décision Archambault c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 PSSRB 28 qui précise que ce n’est pas parce que l’employeur exige un rendement de la part d’un employé qu’il y a mauvaise foi. Cette décision a été confirmée par la Cour fédérale, dans Archambault c. Agence des douanes et du Revenu du Canada, 2005 CF 183 où il est précisé que l’Agence des douanes et du Revenu est, au même titre que le SCRS, un employeur distinct dont la Loi ne prévoit pas que les questions de performance soient renvoyées en arbitrage.

145 Le jugement de la Cour fédérale dans Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529 est également citée par l’avocat de l’employeur. Bien que cette décision traite elle aussi d’un renvoi en cours de stage, l’avocat de l’employeur me réfère au paragraphe 37 du jugement où il est précisé que le rôle d’un arbitre n’est pas de s’immiscer dans l’évaluation de la performance qu’a faite un employeur mais plutôt de vérifier s’il y avait des motifs extérieurs aux motifs reliés à l’emploi.

146 À cet égard, selon l’avocat de l’employeur, afin de déterminer ma compétence, je n’ai pas à me substituer aux ingénieurs/superviseurs de l’employeur qui ont évalué Mme « A ». Mon rôle est de voir si la vrai raison du renvoi est la performance de la fonctionnaire et que celle-ci n’a pas été congédiée parce qu’elle était de race noire ou une femme.

147 Quant à la question de discrimination, l’avocat de l’employeur plaide que j’ai compétence pour décider si oui ou non la fonctionnaire a été victime de discrimination par son employeur. Le cas échéant, l’avocat de l’employeur convient que j’aurais donc compétence pour trancher du présent grief puisque la discrimination démontre de la mauvaise foi et qu’on pourrait ainsi conclure que le congédiement était disciplinaire.

148 À cet égard, l’avocat de l’employeur soutient qu’il n’y a aucune preuve de discrimination à l’égard de Mme « A » de la part des représentants du SCRS. L’avocat de l’employeur me renvoie à la décision Souaker c. Commission canadienne de sûreté nucléaire, 2009 CRTFP 145, aux paragraphes 131, 136 et 137 où dans cette affaire il y avait eu preuve de discrimination envers le fonctionnaire. L’avocat de l’employeur plaide qu’il n’en est rien ici. Selon lui, bien que Mme « A » ait fait référence au comportement de M. « H » il n’y a aucune preuve par témoins, ni preuve documentaire qui supporte la thèse de la discrimination ou celle de harcèlement. Selon l’avocat de l’employeur, la preuve de la fonctionnaire se résume à une perception personnelle. Elle présume que M. « H » l’aurait traitée différemment parce qu’elle est de race noire. Or, des allégations de discrimination ou de harcèlement ne se prouvent pas par des perceptions.

149 À cet égard, l’avocat de l’employeur a soutenu qu’il est pour le moins curieux que le seul endroit où on parle de discrimination est dans le courriel de la fonctionnaire elle-même en date du 21 octobre 2009 (pièce E-4, onglets 1(h) et 1(i)). Pour l’avocat de l’employeur, il est aussi très étrange que pour quelqu’un comme la fonctionnaire qui dit se souvenir de tout et qui a indiqué tout avoir noté dans son carnet que le seul argument qu’elle a soulevé, au soutien de son allégation de discrimination et de harcèlement, soit qu’elle en a parlé à l’association des employés qui lui ont suggéré d’attendre. Rien n’a été mis par écrit. Selon l’avocat de l’employeur cette version n’est pas crédible. Mme « A » a reconnu que le harcèlement est sérieux, elle a admis avoir suivi une formation sur le harcèlement, et elle connaissait la procédure à suivre dans ces cas. Il est inconcevable qu’elle ou l’association ait décidé de ne rien faire. Selon l’avocat de l’employeur il n’y a aucun indice qu’un représentant de l’employeur ait fait référence au sexe ou à la race de Mme « A ». En ce qui a trait à l’incident relaté par la fonctionnaire où M. « H » serait entré dans son bureau et se serait placé devant elle de façon intimidante, l’avocat de l’employeur me demande de n’accorder aucune crédibilité à cette affirmation, ajoutant que la fonctionnaire qui est d’une méticulosité incroyable quand vient le temps de contredire une affirmation faite ou de relever un détail, aurait sûrement rapporté cet incident. Ça jamais été fait.

150 Selon l’avocat de l’employeur, bien que la fonctionnaire semble dans certains cas avoir le sens du détail, il appert que celle-ci soit également très sélective quant aux détails qu’elle veut donner. Selon l’avocat de l’employeur, il est ressortit du contre-interrogatoire que le curriculum vitae que la fonctionnaire avait remis à son employeur quand elle a appliqué sur un poste d’ingénieur (pièce E-3, onglet 2(a)), semble avoir été truffé d’erreurs ou d’omissions de la part de la fonctionnaire quant à ses fins d’emploi avant son embauche au SCRS. Encore une fois, l’avocat de l’employeur a soutenu que les explications de la fonctionnaire à l’effet qu’il ne s’agissait que d’un document d’introduction sont peu crédibles venant de quelqu’un qui dit se souvenir de détails particuliers et qui notait tout.

151 Quant à la preuve comme telle, l’avocat de l’employeur a souligné que tous les sept témoins de l’employeur ont relevé les mêmes lacunes chez la fonctionnaire qui justifiaient son renvoi pour incompétence. Selon l’avocat de l’employeur, non seulement les témoins de l’employeur ont été unanimes quant aux problèmes de performance de la fonctionnaire, mais la preuve non contredite est aussi à l’effet que des contracteurs indépendants éprouvaient eux aussi des difficultés et demandaient à ce que Mme « A » soit retirée de leurs projets. Par exemple, les sept témoins sont tous venus affirmer que Mme « A » avait de la difficulté à accepter la rétroaction, que dans les cas où elle recevait des commentaires, elle devenait argumentative et cherchait à avoir raison au lieu de se concentrer et d’accomplir les tâches demandées. L’avocat de l’employeur a soutenu que dans un milieu de travail où on fonctionne par système matriciel et où on doit fournir une prestation de service même si le bénéficiaire est un collègue de travail, la fonctionnaire a démontré qu’elle ne pouvait fonctionner dans un pareil environnement de travail. De plus, selon l’avocat de l’employeur, la fonctionnaire n’acceptait même pas l’autorité de ses supérieurs.

152 L’avocat de l’employeur a soutenu que le témoignage de la fonctionnaire est peu crédible en ce sens qu’elle soutient toujours que les problèmes relevés par l’employeur ne sont jamais de sa faute. Par exemple, l’avocat de l’employeur a maintenu que les témoins de l’employeur sont tous venus dire que non seulement la qualité du travail de la fonctionnaire était déficiente mais que celle-ci était toujours en retard pour livrer ses projets. Selon l’avocat de l’employeur, encore une fois la fonctionnaire dans son témoignage a refusé de prendre quelque blâme que ce soit, préférant mettre la responsabilité des retards sur quelqu’un d’autre. Selon l’avocat de l’employeur, dans un milieu de travail où l’intérêt national est en jeu, il est primordial de pouvoir compter sur la compétence de ses employés.

153 L’avocat de l’employeur a insisté que dans cette affaire, à moins de conclure que les sept témoins de l’employeur ont tout inventé, qu’ils ont conspiré contre la fonctionnaire et que ceux-ci ont tous adopté un comportement raciste et ont harcelé Mme « A », je me dois de conclure que la version présentée par l’employeur est plus crédible que celle mise de l’avant par la fonctionnaire.

154 Selon l’avocat de l’employeur, la fonctionnaire base ses affirmations sur des perceptions erronées combinées à une tendance à ne pas accepter la rétroaction de ses supérieurs et de ses pairs. À cet égard, selon l’avocat de l’employeur, il y a des indices dans la présente affaire qui nous portent à croire que la fonctionnaire avait de la difficulté avec une structure hiérarchique comme celle qui existe à la SCRS et dans tous ministères. L’avocat de l’employeur a plaidé que dans ces cas, la fonctionnaire se sent diminuée et dit être mal à l’aise dans ce genre de milieu qu’elle qualifie de militaire. Selon l’avocat de l’employeur, la fonctionnaire a éprouvé le même genre de malaise lorsqu’elle travaillait pour un employeur précédent, Thales, où la même chose s’est produite et où elle se sentait traitée comme une junior et où l’expérience de travail ne semble pas avoir été concluante.

155 Selon l’avocat de l’employeur, le SCRS a tout fait pour essayer d’aider la fonctionnaire. Par exemple, les problèmes de performance avaient déjà été décelés lorsque la fonctionnaire était encore en cours de stage. L’employeur a toutefois décidé de donner une autre chance à Mme « A » et a eu recours à d’autres stratégies malheureusement sans succès. Tout ça démontre la bonne foi de l’employeur. L’avocat de l’employeur a plaidé que devant les problèmes de performance qui ont commencé à se manifester lorsque la fonctionnaire se rapportait à M. « F », il a été décidé de l’assigner à un gestionnaire d’expérience : M. « H ». Étant donné que ça non plus n’a pas fonctionné, l’employeur a décidé de lui donner une autre chance en l’assignant cette fois à un nouveau superviseur, M. « G », dans un nouveau domaine d’expertise et dans une nouvelle division. L’avocat de l’employeur a souligné qu’on a même demandé au directeur M. « E » de s’impliquer de façon suivie afin de mettre toutes les chances du côté de Mme « A ». Malheureusement après quatre superviseurs et une charge de travail moins lourde que celle des autres au même niveau, il a fallu se rendre à l’évidence et mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire.

156 Quant aux remèdes demandés par la fonctionnaire, l’avocat de l’employeur a conclu que je n’ai pas compétence pour ordonner les points 1, 3 et 4 de la pièce G-13. Quant au point 2, l’avocat de l’employeur a soutenu que bien que j’ai normalement compétence en la matière, pour décider de compensation financière, aucune preuve notamment de dommages moraux n’a été faite au soutien de l’allégué de la fonctionnaire.

157 Dans les circonstances, l’avocat de l’employeur me demande de rejeter le grief de la fonctionnaire.

B. Arguments de la fonctionnaire

158 La fonctionnaire a plaidé que j’avais compétence pour trancher de son grief car la preuve a démontré qu’il y a eu mauvaise foi de la part des représentants de l’employeur, que ceux-ci l’ont harcelé et l’ont discriminé sur la base du fait qu’elle est une femme de race noire. Pour la fonctionnaire, son renvoi est donc une mesure disciplinaire déguisée.

159 Selon la fonctionnaire, les preuves apportées par l’employeur ne sont qu’ouë-dire. Elles sont basées sur des rumeurs auxquelles on ne peut donner foi.

160 La fonctionnaire soutient que dès le début elle a clairement signifiée avoir été victime de harcèlement et de discrimination qui ont commencé notamment au moment où elle a été sous la supervision de M. « H » et qui s’est poursuivi lorsqu’elle a travaillé pour M. « G ». À cet égard, la fonctionnaire a souligné qu’elle a déposé un grief en vertu de l’alinéa 209(1)(b) de la Loi ce qui constitue une claire indication que son grief porte sur une mesure disciplinaire.

161 À l’appui de son argument que la véritable cause de son renvoi est de nature disciplinaire, la fonctionnaire a soutenu que sa toute première évaluation, pour la période du 7 juillet 2008 au 7 janvier 2009 avait été satisfaisante mais que les choses se sont gâtées quand M. « H » est devenu son superviseur. À titre d’exemple Mme « A » a fait référence au projet de M. « H » au sujet duquel M. « H » a témoigné qu’à cause des retards de la fonctionnaire, il a dû terminer le projet lui-même. Or, selon la fonctionnaire la pièce G-1 a démontré que ce projet est toujours en cours. Donc selon la fonctionnaire ledit projet ne devait pas être si urgent puisqu’il est toujours en marche. Tout cela, selon Mme « A » démontre de la mauvaise foi de la part de l’employeur.

162 Mme « A » a aussi fait référence au document cadre de tests où M. « H » a été déraisonnable et de mauvaise foi en lui faisant maintes fois reprendre l’ébauche du document. Selon la fonctionnaire, à chaque itération, M. « H » changeait les exigences ce qui compliquait et retardait la production du document. De plus, selon la fonctionnaire, M. « H » s’attardait souvent à des détails de forme ce qui encore retardait la rédaction du document.

163 Mme « A » a également plaidé que certains projets sous M. « H » n’avaient pas de date d’échéance donc il est faux de prétendre qu’elle ait pu être en retard et qu’elle ne rencontrait pas les échéances. De plus, contrairement aux autres, elle n’avait pas été invitée à la formation associée à un de ces projets, ce qui rendait son travail encore plus difficile.

164 Quant à l’évaluation de rendement rendue par M. « H », la fonctionnaire a plaidé qu’il est injuste qu’on n’ait pas modifié la cote globale suite aux changements apportés par M. « C ». Selon Mme « A », le fait qu’on n’ait pas fait droit à son grief semble être basé sur le fait qu’elle est de race noire.

165 Mme « A » a indiqué que bien que suite aux avis reçus de l’association des employés, elle a décidé d’attendre avant de faire une plainte de harcèlement contre M. « H », elle s’est toutefois plainte de son comportement à l’ordre des ingénieurs en janvier 2010 (pièce G-12).

166 Quant au courriel qu’elle a envoyé à M. « H » et qui traite d’esclavage, Mme « A » a indiqué qu’elle aurait peut-être pas dû utiliser le mot ‘esclavage’ mais que ce courriel exprime bien comment elle se sentait face à l’attitude de M. « H » puisque ce dernier l’a toujours traité de façon différente des autres. À cet égard, Mme « A » a plaidé que M. « H » avait eu recours à des mots sexistes quand il faisait référence à d’autres femmes au SCRS en référant à la « petite madame ».

167 La fonctionnaire a aussi plaidé que les incidents où M. « H » était entré dans son bureau et avait été intimidant et quand ce dernier n’était pas content qu’elle ne se soit pas assise à côté de lui lors d’une réunion du personnel sont d’autres exemples qui démontrent le harcèlement et discrimination dont elle a été victime.

168 Mme « A » a de plus plaidé que les choses n’ont pas été plus simple lorsque M. « G » est devenu son superviseur en janvier 2010. La fonctionnaire a aussi fait référence au fait, quoiqu’en disent les témoins de l’employeur, qu’elle avait une dizaine de projets sous sa responsabilité et non pas un ou deux comme l’ont prétendu les témoins de l’employeur.

169 Selon la fonctionnaire, les choses allaient bien au départ avec M. « G » toutefois le ton a changé et est devenu plus ferme à partir du 22 mars 2010. Selon la fonctionnaire, ce changement d’attitude de M. « G » à son égard, est dû au fait que la fonctionnaire aurait insisté pour que son nom, et pas celui de M. « H », apparaisse comme le véritable auteur d’un rapport. La fonctionnaire a plaidé qu’à partir de ce moment, les rapports avec M. « G » sont devenus difficiles et que ce dernier lui faisait sans cesse reprendre son travail en présence d’autres collègues ce qui était humiliant pour la fonctionnaire.

170 La fonctionnaire a fait référence au projet relié au déménagement du laboratoire. Selon la fonctionnaire, il y avait beaucoup de travail à faire car peu avait été fait dans ce dossier. Toutefois, selon la fonctionnaire, elle a complété le projet. À cet égard, la fonctionnaire ne comprend pas pourquoi M. « G » lui a reproché de ne pas avoir tenu à jour le document de travail de ce projet quand la personne qui s’occupait du projet avant elle ne l’avait pas fait. Selon la fonctionnaire, M. « G » a fait preuve de double standard, son collègue de travail a été excusé. Par contre on a jugé que la fonctionnaire avait un problème de performance.

171 Mme « A » a plaidé que la supervision de M. « G » devait être temporaire et que l’employeur n’a pas respecté son engagement de la retourner à son poste d’attache après son affectation (pièce G-3).

172 Selon la fonctionnaire, M. « H » et M. « G » étaient de connivence pour la faire mal paraître; ils voulaient qu’elle soit perçue comme une employée problème. Mme « A » a plaidé que par exemple, suite au grief qu’elle avait déposé contre l’évaluation de rendement de M. « H », M. « G » lui aurait reproché ce grief en disant que si elle voulait réussir dans le groupe elle devait « chanter la même chanson » que les autres.

173 Mme « A » a également fait référence à l’incident où M. « G » aurait fait des comparaisons entre elle et la patiente d’un médecin, et à un autre incident où M. « G » lui aurait dit que son travail était de la « cochonnerie » comme illustration de harcèlement et de discrimination.

174 La fonctionnaire a plaidé que l’incident où M. « G » lui aurait reproché d’avoir cédulé en toute bonne foi une réunion pendant une partie de soccer illustre encore le harcèlement dont elle a été victime.

175 Selon Mme « A » elle n’avait pas le choix dans certains cas que de mettre les choses au clair et de donner sa version des faits. Toutefois, selon la fonctionnaire, toutes les fois où elle a voulu présenter son point de vue, tant M. « H » que M. « G » ont vu ça comme des refus de recevoir de la rétroaction. Selon la fonctionnaire, elle avait alors aucune chance : d’une part d’accepter les faits tels que rapportés par les représentants de l’employeur ce qui était documenté et la faisait passer comme une employée problème ou de donner sa version de la situation ce qui était vu par l’employeur comme un refus d’accepter la rétroaction.

176 Selon la fonctionnaire, non seulement les représentants de l’employeur l’ont harcelé et discriminé mais de plus, ils ont exercé des représailles à son endroit lorsque celle-ci a déposé son grief contre l’évaluation de rendement de M. « H ». Selon la fonctionnaire, suite au dépôt de son grief le 20 avril 2010, déjà le 27 avril 2010, M. « C » contemplait remettre à la fonctionnaire une lettre de « Notice of Shortcomings », tout cela est une drôle de coëncidence et démontre que l’employeur avait déjà fait son idée (pièce G-10).

177 Selon la fonctionnaire, M. « H » et M. « G » étaient de connivence pour la faire voir comme une employée ayant des problèmes de performance. Quant à M. « C », M. « F » et M. « E », ils s’en sont remis aux commentaires de M. « H » et M. « G ». La fonctionnaire a aussi plaidé que ses collègues M. « I » et M. « K » étaient en compétition avec elle et que finalement, il n’est pas surprenant que deux contracteurs se soient plaints d’elle. Dans un cas, elle n’avait pas retenu les services de ce contracteur, et dans l’autre cas, M. « G » a préféré la version de cet autre contracteur même si c’était elle qui avait raison.

178 En réponse à l’argument de l’avocat de l’employeur à l’effet qu’elle n’a jamais parlé ni fait référence dans ces courriels aux incidents que la fonctionnaire reproche à M. « H » et M. « G », Mme « A » a plaidé qu’elle avait toujours tenu informé l’association des employés de ces situations et que c’est eux qui lui ont recommandé de ne pas porter de plainte de harcèlement.

179 De même, quant aux doutes exprimés par l’avocat de l’employeur relatif au contenu de son curriculum vitae, Mme « A » a soutenu qu’un curriculum vitae n’est qu’un outil de référence parmi d’autres et que les gens ne sont pas assez bêtes pour se limiter à ce qui est mentionné dans un curriculum vitae. Quant à l’emploi qu’elle a occupé chez Thales et les raisons de son départ, Mme « A » a minimisé le fait qu’elle ait quitté car elle n’était pas à l’aise avec une structure « plus militaire ». Selon la fonctionnaire, le fait que c’était un milieu militaire chez Thales était juste un facteur parmi d’autres qui a motivé son départ.

180 Dans sa conclusion, la fonctionnaire a précisé que compte tenu de ce qui s’est passé, elle ne demandait pas à être réintégrée dans son ancien poste au SCRS mais a plutôt demandé à ce que des mesures de correction soient apportées entre autres quant aux références, lettre d’excuse à être donnée par l’employeur, la possibilité de déposer des plaintes de harcèlement contre M. « H » et M. « G », de même qu’une compensation d’ordre financière détaillée à la pièce G-13.

VI. Motifs

181 Le 5 octobre 2010 le SCRS a mis fin à l’emploi de la fonctionnaire en raison des problèmes de performance éprouvés par cette dernière et qu’en dépit des efforts de l’employeur la situation ne s’était pas améliorée. La fonctionnaire avait été embauchée au SCRS comme ingénieure de niveau 9. La lettre d’embauche en date du 28 mai 2008 qui précisait comme date d’entrée en fonction le 7 juillet 2008, stipulait notamment que Mme « A » serait en « stage probatoire pour une période d’un an à compter de la date d’entrée en vigueur de votre nomination ».

182 Le 10 novembre 2010 la fonctionnaire a déposé un grief contre son renvoi. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage devant la Commission le 31 mars 2011 en vertu de l’alinéa 209(1)(b) de la Loi. À ce moment, la fonctionnaire n’a pas fait parvenir un avis à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) en vertu de l’article 92 de la Loi. Toutefois, elle a initialement porté devant la CCDP une plainte de discrimination portant sur les mêmes faits énoncés dans le présent grief. Selon la fonctionnaire, la CCDP l’aurait alors avisé qu’elle allait sursoir à sa plainte et que la Commission était compétente pour entendre sa plainte de discrimination. Subséquemment, la fonctionnaire a envoyé à la CCDP l’avis prévu à l’article 92 de la Loi. La CCDP a avisé la Commission qu’elle n’avait pas l’intention d’intervenir dans ce dossier.

183 Le 10 mai 2012, j’ai tenu une conférence préparatoire en vue de l’audition du grief débutant le 3 juillet 2012. Lors de cette conférence préparatoire, la question de ma compétence a été soulevée compte tenu de l’alinéa 209(1)(d) et du paragraphe 209(3) de la Loi.

184 La Loi précise en effet que dans les cas impliquant un organisme distinct, je n’ai pas juridiction sur les questions de renvoi pour raisons autres que disciplinaires à moins que l’organisme distinct ait été désigné par le gouverneur en conseil en vertu du paragraphe 209(3).

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

(3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct.

185 Dans la présente affaire, il n’a pas été contesté que le SCRS est un organisme distinct au sens de l’alinéa 209(1)d) de la Loi qui n’a pas été désigné par le gouverneur en conseil pour les fins du paragraphe 209(3) de la Loi.

186 À l’audience, l’employeur a réitéré son objection à ma compétence pour trancher de ce grief au motif que le SCRS est un « organisme distinct » au sens de l’alinéa 209(1)(d), que le gouverneur en conseil n’a pas désigné le SCRS aux termes du paragraphe 209(3) de la Loi, que le SCRS a mis fin à l’emploi de la fonctionnaire pour des raisons autres que disciplinaires. Pour l’avocat de l’employeur, c’est à la fonctionnaire qu’il revient de démontrer que les raisons mises de l’avant par l’employeur ne sont que camouflage et que ce dernier a agi de mauvaise foi.

187 L’alinéa 209(1)(d) et le paragraphe 209(3) de la Loi sont clairs. Compte tenu du fait que le SCRS est un organisme distinct et qu’il n’a jamais été désigné sous le paragraphe 209(3) de la Loi, l’employeur se doit dans un premier temps de me prouver de façon prima facie que la véritable raison du renvoi de Mme « A » est pour un motif relié à l’emploi, en l’occurrence ici un problème de performance. Une fois cette preuve faite par l’employeur, le fardeau de preuve se transporte ensuite sur la fonctionnaire qui doit, afin que j’ai compétence dans cette affaire, démontrer que les motifs invoqués par l’employeur ne sont que camouflage, que la raison véritable du renvoi est d’ordre disciplinaire, que l’employeur a agi de mauvaise foi, par exemple en harcelant la fonctionnaire ou en faisant preuve de discrimination envers celle-ci.

VII. La preuve.

188 Après huit jours complets d’audience, il ne fait nul doute selon moi que l’employeur a amplement démontré que la fonctionnaire avait des problèmes de performance. L’employeur a fait témoigner sept témoins, dont certains sont maintenant à la retraite et détachés des faits en litige. Ces témoins ont témoigné longuement, sans réserve, et ont été longuement contre-interrogés. Tous ont été unanimes dans leur évaluation du travail de la fonctionnaire. Ils ont tous affirmé que la fonctionnaire avait de la difficulté au niveau de la compréhension technique du travail à accomplir, que celle-ci avait de la difficulté à prioriser le travail, à rencontrer les échéances données et finalement à recevoir de la rétroaction de ses supérieurs ou de ses pairs. De plus, la preuve de l’employeur a été abondamment supportée par de nombreux rapports, courriels et autres documents.

189 La fonctionnaire a été sous la supervision directe de plusieurs superviseurs, incluant M. « E ». Bien que je comprenne que la relation entre la fonctionnaire a été plus difficile avec M. « H » et M. « G », il n’en demeure pas moins que tous les autres témoins de l’employeur ont témoigné au même effet, quant aux manquements au niveau de la performance de Mme « A ».

190 Dans son argumentation, la fonctionnaire a soutenu que ses problèmes ont commencé lorsqu’elle s’est retrouvée sous la supervision de M. « H » et que ce dernier est en grande partie responsable des problèmes éprouvés par la fonctionnaire. Je ne suis pas d’accord. M. « F » est venu témoigner que déjà il avait relevé des lacunes importantes quant à la performance de la fonctionnaire lors de la seconde évaluation de rendement, au point de lui donner une cote globale insatisfaisante de 2.1. Ironiquement, la cote globale décernée par M. « F » pour cette seconde évaluation de rendement était même en deçà de celle décernée par M. « H » pour la troisième évaluation de rendement qui avait comme note globale 2.2.

191 La preuve a révélé que, dès son arrivée au SCRS, la fonctionnaire s’est vu donner des objectifs précis à rencontrer. M. « F », gestionnaire et fonctionnaire d’expérience, a témoigné avoir donné la chance à la fonctionnaire de se prouver au cours du premier six mois qui se voulait une période d’adaptation. Toutefois, M. « F » a indiqué que par la suite, la performance nécessitait un suivi plus constant et qu’il avait dû demander à M. « H » de superviser directement Mme « A ».

192 Bien qu’il faille admettre que la période pendant laquelle la fonctionnaire a été sous la supervision de M. « H » a été difficile, je constate néanmoins que les mêmes lacunes qui avaient été décelées chez la fonctionnaire par M. « F » ont été soulevées par M. « H », à savoir le manque de connaissance technique, l’habitude de s’en remettre aux autres, ne pas rencontrer les échéanciers, difficulté au niveau de la rédaction de documents et difficulté à accepter la rétroaction.

193 Le témoignage de M. « C » est aussi révélateur. En effet, suite à l’évaluation de M. « F » et de M. « H », l’employeur a songé renvoyé la fonctionnaire en cours de stage mais a préféré lui donner une autre chance en l’assignant à un autre superviseur dans une autre division.

194 Bien qu’aux dires de la fonctionnaire les deux premiers mois auprès de M. « G » se soient bien passés, la preuve démontre toutefois que même auprès d’un nouveau superviseur, dans une nouvelle division, les mêmes problèmes que ceux reportés par M. « F » et M. « H » sont réapparus.

195 Pour leur part, les collègues de la fonctionnaire ont été tout aussi catégoriques quant aux problèmes de performance de Mme « A » dans leur témoignage allant même jusqu’à demander de ne plus avoir à travailler avec la fonctionnaire.

196 Dans son témoignage et plaidoirie, la fonctionnaire a plaidé que la preuve de l’employeur était fondée sur des rumeurs auxquelles il ne fallait pas donner foi. La fonctionnaire a de plus indiqué qu’il y avait eu collusion entre M. « H » et M. « G » pour qu’on mette fin à son emploi. Je ne suis pas d’accord. Encore une fois, les témoins de l’employeur ont témoigné précisément sur des faits qu’ils avaient été à même de constater. De plus je me dois de souligner qu’aucune preuve est venue supporter les allégations de Mme « A » à l’effet que M. « H » et M. « G » avaient agi de façon concertée contre la fonctionnaire. Je soulignerai seulement que les témoignages des autres témoins de l’employeur, notamment M. « F » et M. « E » ont été tout aussi précis et catégoriques que ceux de M. « H » et M. « G ». Finalement, je me dois aussi de rappeler que la preuve de l’employeur ne s’est pas limitée seulement à l’appréciation des superviseurs et collègues de Mme « A », il a aussi été démontré que des contracteurs qui ont eu à travailler avec la fonctionnaire ont eux aussi fait preuve de leur insatisfaction quant au travail de cette dernière.

197 Dans les circonstances, ayant été convaincue par la preuve de l’employeur a l’effet que ce dernier avait un motif relié à l’emploi pour mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire, j’en conclue que l’employeur s’est déchargé de son fardeau de preuve.

A. Discrimination

198 Il convient maintenant de se demander si la fonctionnaire a réussi à démontrer que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard sur la base de son origine ethnique et du fait que celle-ci soit une femme. Également, je dois me demander si par ses agissements, les représentants de l’employeur ont harcelé la fonctionnaire.

199 Il va sans dire que les allégations de discrimination doivent être prises avec beaucoup de sérieux. Dans le présent cas, Mme « A » soutient que M. « H » et M. « G » l’ont discriminé, l’ont traité de façon différente des autres employés dû au fait que la fonctionnaire est de race noire et est une femme. À ce chapitre, et bien que je convienne que la discrimination peut prendre une forme insidieuse et sournoise, il en reste qu’après avoir écouté et observé tous les témoins je ne suis convaincue qu’aucun d’entre eux a fait preuve de discrimination auprès de l’employée.

200 Dans son témoignage, Mme « A » a rapporté que M. « H » avait fait référence à d’autres femmes en parlant de « petites madames ». M. « H » a nié ce fait. Aucune preuve additionnelle n’est venue corroborer les dires de la fonctionnaire. En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a expliqué que le comportement de M. « H » à son égard ne pouvait que s’expliquer par la discrimination puisqu’il était un homme caucasien et qu’elle était une femme noire. Encore une fois, les allégations de discrimination se doivent d’être prises au sérieux. Toutefois on ne peut conclure qu’il y a eu discrimination simplement par défaut ou sur la base d’une simple perception. Je me dois aussi de noter que jamais, sauf dans le libellé du présent grief, Mme « A » a rapporté à ses superviseurs un comportement discriminatoire de la part de M. « H ». Mme « A » a témoigné être minutieuse et noter tout événement important. Mis à part le fait que la fonctionnaire aurait mentionné le comportement de M. « H » à un représentant de l’association des employés, aucune preuve est venue soutenir cette allégation contre M. « H ». À cet égard, je note que Mme « A » aurait eu des occasions de soulever ces affirmations notamment dans son grief contre l’évaluation de M. « H », lors de sa rencontre avec M. « C » en juillet 2010, lors de la rencontre en août 2010 ou l’avis de « Notice of Shortcomings » lui a été remise. Je note également que dans la correspondance soumise par les parties, il y a un courriel où il y est fait référence à l’esclavage. Toutefois cette référence a été faite par Mme « A » et non M. « H » et M. « G ».

201 En ce qui a trait au troisième superviseur, la fonctionnaire a indiqué que ce dernier cherchait à la diminuer et l’humilier devant ses collègues, ce qui a été catégoriquement nié par M. « G ». Ici encore la preuve n’a pas démontré les allégations de Mme « A ». Personne qui aurait été témoin de ces incidents, n’est venu témoigner. Mme « A » a expliqué avoir tenté d’approcher certaines personnes en support de ses prétentions. Toutefois, elle a expliqué que ceux–ci étaient réfractaires à venir témoigner contre leur employeur. Je conviens qu’il peut être très difficile de convaincre un employé de venir témoigner contre son employeur. Je note toutefois, que j’ai offert lors de la rencontre préliminaire au mois de mai 2012 à la fonctionnaire d’assigner par subpoena les témoins qu’elle jugeait nécessaire au soutien de ses allégations. Mme « A » ne s’est pas prévalue de cette offre.

202 Dans les circonstances, j’en viens à la conclusion qu’aucune preuve n’a été faite au soutien des prétentions de la fonctionnaire qu’elle a été discriminée par M. « H » ou M. « G ».

B. Harcèlement

203 La fonctionnaire a aussi allégué que M. « H » et M. « G » l’ont harcelé. Dans le cas de M. « H » la fonctionnaire a fait référence à un incident où M. « H » serait entré de force dans son bureau, l’air menaçant. Ces faits ont été catégoriquement niés par M. « H ». Je conviens que bien que dans certains cas, la preuve peut être difficile à faire lorsque les incidents reprochés mettent au prises que la personne qui accuse et celle qui se défend, je note quand même que tel que mentionné plus haut, Mme « A » n’a jamais parlé de cet incident à ses supérieurs, que ce soit oralement ou dans ses courriels ou autres documents. En fait, cette allégation n’a été apportée à l’attention de M. « H » qu’à l’audience en août 2012. De plus, je note aussi qu’aucun de ces incidents aient été mentionnés par la fonctionnaire à ses supérieurs comme M. « C », M. « D », M. « F », M. « E » d’autant plus que Mme « A » a admis avoir suivi de la formation sur le harcèlement en milieu de travail qui comprenait la procédure à suivre dans un tel cas.

204 Mme « A » a aussi fait référence à un incident où M. « G » aurait mentionné que son travail était de la « cochonnerie » et qu’il avait pris l’exemple d’un médecin qui devait traiter un patient pour illustrer une situation. M. « G » a expliqué avoir eu recours à cet exemple, du médecin/patient, qui avait été utilisé lors d’une formation chez Nortel et qu’il n’avait aucunement l’intention de blesser la fonctionnaire. Quant au mot « cochonnerie », M. « G » a indiqué que le français n’est pas sa langue première et qu’il a fait ce choix de mot pour illustrer les détails inutiles dans un document préparé par la fonctionnaire et non pas pour qualifier le travail de cette dernière. Finalement, Mme « A » a mentionné le comportement de M. « G » lorsque celui-ci a appris qu’elle avait cédulé une réunion pendant qu’il avait pris congé pour regarder une partie de soccer. M. « G » s’est défendu avoir été fâché contre la fonctionnaire et a insisté sur le fait que la fonctionnaire aurait dû regarder la cédule avant de lui céduler une rencontre.

205 Bien que les choix d’exemples et de mots utilisés par M. « G » aient pu être malencontreux, je ne peux aucunement conclure que ce dernier a cherché à harceler la fonctionnaire. Ce dernier a témoigné avoir été content que Mme « A » se joigne à lui en 2010. M. « G » a donné sa version des faits reprochés de façon candide. Je crois vraiment que tout au long de la supervision de Mme « A » il a essayé d’intégrer et de donner une autre chance à la fonctionnaire mais que ça n’a pas fonctionné.

206 La jurisprudence est à l’effet qu’il incombe à la partie qui prétend avoir été victime de discrimination ou de harcèlement d’en faire la preuve prima facie. Dans un cas comme celui-ci, la crédibilité des témoins, sur ces questions de discrimination et de harcèlement est donc très importante. Tout comme l’arbitre dans la décision Souaker : « je dois apprécier la crédibilité des témoins et déterminer la version des faits qui m’apparaît la plus probable eu égard à l’ensemble des éléments du présent dossier. »

207 Dans la présente affaire, j’ai été à même pendant les huit jours de l’audience d’apprécier pleinement la preuve soumise par les parties. Cette appréciation de la preuve m’amène à conclure que la version présentée par l’employeur m’apparait la plus probable eu égard à l’ensemble des faits de cette affaire et des témoignages des parties.

208 Selon moi, et bien que les témoins ont longuement témoignés, la fonctionnaire n’a apporté aucune preuve quant à l’existence de discrimination ou de harcèlement à son égard. À mon avis, les allégations de Mme « A » reposent sur des perceptions personnelles ou tel que mentionné plus haut, sur les déductions de la fonctionnaire à l’effet que, selon elle sa performance était satisfaisante et donc si elle a obtenu de mauvais résultats lors de ces évaluations, cela ne peut être dû qu’au comportement discriminatoire ou aux actes de harcèlement de M. « H » et M. « G ».

209 Bien qu’il faille admettre que la fonctionnaire se trouvait dans une position difficile après avoir obtenus des évaluations insatisfaisantes, rien ne supporte qu’elle ait fait l’objet de discrimination ou de harcèlement. L’employeur était en droit d’évaluer la fonctionnaire selon ses normes objectives et, à moins d’une preuve à l’effet contraire, on ne saurait conclure qu’il y a eu harcèlement ou discrimination parce que le résultat de l’évaluation n’est pas favorable à un fonctionnaire. A ce sujet, la fonctionnaire a demandé de pouvoir déposer, contre M. « G » et M. « H »,  des plaintes de harcèlement. Cette demande est rejetée puisque j’ai déjà analysé et disposé de cette affaire en décidant que ni M. « G » ni M. « H » avait harcelé ou fait preuve de discrimination à l’endroit de la fonctionnaire.

210 Somme toute, sur la base de la preuve déposée, je crois que dans toute cette affaire, l’employeur a vraiment cherché à aider la fonctionnaire à améliorer sa performance. L’employeur aurait pu dans la première année d’embauche choisir de renvoyer la fonctionnaire en cours de stage mais ne l’a pas fait. De plus la fonctionnaire a été sous la supervision de plusieurs différents gestionnaires dans deux directions différentes mais ça n’a pas donné les résultats escomptés. Ultimement, l’employeur a donné un dernier avis de 60 jours à la fonctionnaire. Je crois M. « C » lorsqu’il a affirmé que mettre fin à l’emploi de Mme « A » n’était pas son premier choix et qu’il a cherché à donner toutes les chances à la fonctionnaire avant de la renvoyer.

211 Dans les circonstances, j’estime que l’employeur a démontré avoir mis fin à l’emploi de la fonctionnaire pour un motif clairement relié à l’emploi et que Mme « A » n’a pas démontré avoir été victime de discrimination ou de harcèlement de la part de son employeur.

212 Dans les circonstances, je n’ai pas compétence pour trancher de ce grief.

213 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VIII. Ordonnance

214 J’ordonne la fermeture du dossier 566-20-5245.

Le 11 janvier 2013.

Linda Gobeil,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.