Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a déposé un grief de principe contre l’employeur, alléguant que celui-ci avait violé la convention collective en recourant à la sous-traitance pour certaines parties du Programme pour l’autonomie des anciens combattants (PAAC) ayant trait aux demandes de remboursement relatives aux déplacements à des fins médicales - l’employeur a fait valoir qu’il n’y avait pas eu violation de la clause parce que, entre autres, son libellé ne précisait pas l’entrepreneur particulier et que, de toute manière, il n’était plus en mesure d’assurer la prestation du programme compte tenu du Plan d’action pour la réduction du déficit du gouvernement fédéral, qui obligeait chaque ministère à éliminer 10% de ses frais de fonctionnement - l’arbitre de grief a indiqué que la LGFP confère à l’employeur de vastes pouvoirs en ce qui concerne les grandes orientations applicables à la fonction publique fédérale et la détermination et le contrôle de sa gestion du personnel, et l’employeur peut prendre toutes les mesures qui ne sont pas interdites expressément ou implicitement par la loi ou la convention collective - l’agent négociateur avait le fardeau de démontrer que la clause avait été violée, il aurait alors incombé à l’employeur d’expliquer pourquoi, conformément au libellé de la convention collective, il lui était impossible de s’abstenir de recourir à la sous-traitance - l’arbitre a statué que l’entrepreneur en l’espèce n’était pas visé par les définitions de la clause pertinente de la convention collective - la règle ejusdem generis, qui indique que des exemples particuliers limitent la catégorie décrite de choses similaires, s’applique aux fins de l’interprétation de la clause visée - l’arbitre de grief a également établi une distinction entre une décision s’étant rendue jusqu’à la Cour suprême du Canada, relativement à la question des clauses des conventions collectives portant sur la sous-traitance, et le réajustement des effectifs, en soulignant les différences du libellé de la convention collective en l’espèce - de plus, selon l’arbitre de grief, même en donnant un sens plus large à la clause, la convention collective n’aurait pas été violée - il n’y avait ni licenciement ni personnel excédentaire au moment de la modification du marché ayant mené à la modification du PAAC - même si cela n’avait pas été le cas, une décision stratégique a été prise de modifier la nature du travail effectué au sein du PAAC - des changements ont été apportés à certains emplois du PAAC, en raison de la transformation d’un système fondé sur des demandes de remboursement à un régime de subventions, et des changements ont aussi été apportés en ce qui a trait à l’envoi, à la réception et au traitement des questionnaires annuels à l’intention des anciens combattants - l’employeur a démontré qu’il ne lui était pas possible de s’abstenir de recourir à la sous-traitance. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-12-20
  • Dossier:  569-02-122
  • Référence:  2013 CRTFP 165

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Anciens Combattants)

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens Combattants)

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T.A. Shannon, arbitre de grief

Pour l'agent négociateur:
Amarkai Laryea, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Sean Kelly, avocat

Audience tenue à Ottawa (Ontario)
Les 15 et 16 octobre 2013
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1 L’Alliance de la Fonction publique du Canada (pour la section locale du Syndicat des employés des Anciens combattants, le « SEAC ») a présenté un grief de principe en vertu de l’article 220 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la « Loi »), au motif que Anciens Combattants Canada (« ACC ») avait enfreint la clause 1.1.27 de l’Appendice D de la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration, qui vient à expiration le 20 juin 2014 (ci-après la « convention collective »), en transférant à Croix Bleue Medavie Inc. (Medavie) certaines responsabilités liées au Programme pour l’autonomie des anciens combattants (le « PAAC ») ainsi que les demandes de remboursement relatives aux déplacements à des fins médicales (les « DFM »).

II. Résumé de la preuve

2 Le SEAC représente environ 2 600 fonctionnaires qui travaillent chez ACC et au Tribunal des anciens combattants (révision et appel). En tout, 690 agents des services à la clientèle (les « ASC »), dont le poste est classifié au groupe et niveau WP-02, sont chargés de conseiller les anciens combattants et leur famille qui souhaitent obtenir des prestations en vertu des programmes gérés par ACC, notamment, à la période visée par le présent grief, le PAAC et le programme des DFM. Leur rôle consiste à interpréter les différents lois et règlements afin d’établir l’admissibilité des anciens combattants et de leur famille.

3 Le 4 avril 2012, dans la foulée du budget présenté le 29 mars 2012 (le « budget »), le directeur général des Ressources humaines d’ACC a écrit au président de l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour lui faire part de la réduction des effectifs qui aurait prochainement lieu en raison de la cessation d’une fonction au sein du PAAC et du programme de DFM. Par suite du budget et des changements au PAAC et à ses programmes, 261 ASC ont été déclarés touchés, conformément aux dispositions relatives au réaménagement des effectifs énoncées à l’Appendice D de la convention collective (l’« Appendice D »). Un processus de « sélection aux fins de maintien en poste ou de mise en disponibilité » (SMPMD) s’est ensuivi. Le 19 juillet 2012, 38 employés ont reçu une lettre leur annonçant qu’ils étaient déclarés excédentaires par suite de la cessation d’une fonction et qu’ils étaient par conséquent sélectionnés aux fins de mise en disponibilité. Le 12 juillet 2012, le contrat de service conclu entre Medavie et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) a été prolongé et modifié de manière à inclure le paiement des demandes concernant le remboursement des frais d’entretien ménager et d’entretien des terrains prévus en vertu du PAAC, de même que le remboursement des demandes relatives au programme des DFM.

4 Le 2 août 2012, le SEAC a déposé le présent grief de principe (pièce 2) au motif qu’ACC avait enfreint la clause 1.1.27 de l’Appendice D. La question à trancher est de savoir si, dans les circonstances dont il est question en l’espèce, l’impartition de certaines fonctions des ASC à Medavie contrevient à la clause 1.1.27. Dans sa déclaration préliminaire, le représentant du SEAC a laissé entendre que cette clause impliquait un transfert du fardeau de la preuve. Selon lui, une fois que le SEAC aura établi qu’ACC avait eu recours à des contractuels pour effectuer le travail accompli auparavant par certains de ses fonctionnaires employés pour une période indéterminée et que, par conséquent, les employés nommés pour une période indéterminée du SEAC ne sont pas excédentaires, il incombera alors à ACC d’établir qu’il a examiné son utilisation de contractuels, déterminé qu’il ne pouvait pas, dans toute la mesure du possible, éviter de réembaucher Medavie et que, advenant que tel eût été le cas, cela n’aurait pas facilité la nomination d’employés excédentaires ou de personnes mises en disponibilité. Le recours par ACC à un contractuel pour effectuer les tâches des ASC était inapproprié et a entraîné une réduction du nombre de postes d’ASC et une violation de la clause 1.1.27.

5 Trois témoins ont comparu au nom du SEAC, soit : Margaret Christine Burdett, une ASC employée par ACC à un des bureaux d’Edmonton; Kim Coles, vice-présidente exécutive nationale du SEAC; Yvan Thauvette, président national du SEAC.

6 Dans son témoignage, Mme Burdett a évoqué les tâches qui étaient les siennes à titre d’ASC et a présenté la description de travail actuelle des ASC (pièce 3, onglet 1). Elle est le premier point de contact pour les anciens combattants et leur famille qui souhaitent obtenir des prestations. Elle effectue la présélection initiale afin de déterminer les besoins des anciens combattants et leur admissibilité à plusieurs programmes qui leur sont destinés, dont le PAAC, de même qu’aux avantages médicaux, dont le programme des DFM. Elle effectue également des entrevues de transition avec les membres des Forces canadiennes qui sont libérés afin de déterminer s’ils ont besoin de programmes d’ACC et s’ils y sont admissibles. Elle communique avec les organismes et les groupes communautaires susceptibles de fournir aux anciens combattants des services qu’ACC ne peut pas leur offrir.

7 Mme Burdett a décrit l’objet du PAAC (pièce 3, onglet 2), qui consiste à offrir une aide financière aux anciens combattants et ainsi leur permettre de rester chez eux. Les services courants d’entretien ménager et d’entretien des terrains constituent les volets du PAAC qui sont les plus utilisés. Avant le dépôt du budget, Mme Burdett devait s’assurer que les remboursements demandés en vertu du programme des DFM et du PAAC étaient versés. Les anciens combattants envoyaient leurs reçus pour se faire rembourser. Après le dépôt du budget, cette procédure de remboursement a été remplacée par un régime de subvention, qui consiste à émettre aux  anciens combattants qualifiés un chèque, tous les six mois, pour payer les coûts liés à l’entretien ménager et au nettoyage. Cette nouvelle méthode a entraîné une baisse importante des tâches à effectuer par les personnes qui payaient les factures. Selon Mme Burdett, Medavie a repris ce rôle des ASC depuis le passage au régime de subventions.

8 AAC a l’obligation légale de communiquer une fois par an avec les anciens combattants qui touchent des prestations. Les ASC communiquent avec chacun d’eux par téléphone pour examiner leur situation et leurs besoins relativement à ces différents programmes. Un formulaire a été conçu spécialement pour recueillir ces renseignements. Les ASC faisaient parvenir ce formulaire par la poste aux anciens combattants, qui le leur renvoyaient. Le personnel de bureau versait ensuite les renseignements du formulaire dans une base de données. Après le dépôt du budget et le passage au régime de subventions, Postes Canada a commencé à envoyer le formulaire par voie électronique. À l’heure actuelle, les anciens combattants envoient leurs réponses à un service central d’échange de données, où les formulaires sont numérisés puis transmis à Medavie qui, à son tour, les fera examiner par un analyste et saisira les données dans le système de données d’ACC. Au cours de ce processus, l’analyste coche une case, ce qui entraîne l’émission d’un chèque de subvention. Lorsqu’un ancien combattant ne renvoie pas le formulaire, Medavie essaie de communiquer avec lui par téléphone. Sinon, Medavie essaie de communiquer avec la personne par courrier postal. Lorsqu’elle n’arrive pas à communiquer avec un ancien combattant, Medavie en avise le bureau de secteur approprié d’ACC, qui demande à un ASC d’effectuer un suivi. Un ASC doit également faire un suivi lorsqu’un ancien combattant indique sur le formulaire que sa situation a changé.

9 Le rôle des ASC dans le PAAC est aujourd’hui bien moins important qu’il ne l’était. Ils communiquent plus avec les anciens combattants et passent le plus clair de leur temps à régler des problèmes. Il n’y a plus d’approche proactive pour déterminer les besoins des anciens combattants. Il faut faire beaucoup de suivi au sujet du paiement des subventions. Les paiements sont versés sans aucune explication, et les anciens combattants remettent les calculs en question. Lorsqu’un ancien combattant indique que ses besoins ont changé et qu’il a besoin d’une aide supplémentaire pour l’un ou l’autre des éléments mentionnés sur le formulaire, Medavie renvoie automatiquement le dossier à un ASC.

10 Mme Burdett a été informée au printemps de 2012 qu’il y aurait une réduction du nombre de postes d’ASC. Elle a reçu une lettre, semblable à la pièce 7 versée au dossier, l’avisant qu’elle était touchée par ces changements et qu’il était possible qu’elle soit mise en disponibilité. Elle a participé au processus de SMPMD, tout comme d’autres ASC touchés, ainsi qu’au processus de nomination visant son propre poste. Selon elle, les suppressions d’emploi découlaient directement de l’impartition des paiements relatifs au PAAC et au programme des DFM à Medavie.

11 Dans son témoignage, Mme Coles a affirmé avoir reçu un avis de la directrice générale des Ressources humaines à ACC informant le SEAC que 261 ASC allaient recevoir un avis pour leur annoncer qu’ils étaient touchés par les changements apportés au modèle de prestation de services utilisé par ACC. Ces nouvelles l’ont renversée. Elle savait, tout comme les autres dirigeants du SEAC, qu’il y aurait des suppressions d’emploi. Le ministre des Finances, Jim Flaherty, leur avait indiqué que les postes visés étaient des postes de soutien administratif. Or, les ASC fournissent des services de première ligne.

12 Elle a soutenu que Keith Hillier, sous-ministre adjoint, Prestation des services, à ACC, avait déclaré au SEAC que 75 postes seraient éliminés en raison de la cessation d’une fonction et qu’une partie du travail des ASC serait transférée à Medavie. Ces déclarations ont été confirmées dans le compte rendu de la réunion du comité national de consultation patronale-syndicale qui s’est tenue le 26 avril 2012 (pièce 3, onglet 4). Mme Coles se demandait comment ACC en était arrivé aux chiffres qui figurent à la page 2 de la pièce 3, onglet 4, alors qu’aucun outil ni aucune analyse n’avaient été utilisés pour établir les différentes tâches accomplies par les ASC et le degré d’intensité requis pour compléter ces activités. M. Thauvette et Mme Coles ont par la suite rencontré M. Hillier, Charlotte Bastien, directrice générale des Ressources humaines, ACC, et des membres du personnel de soutien du cabinet de M. Hillier afin de se pencher sur les résultats du processus de SMPMD et les personnes qui avaient été désignées aux fins de maintien en poste ou de mise en disponibilité. Deux jours après la réunion, 38 employés ont reçu une lettre les informant que leur poste était déclaré excédentaire (pièce 3, onglet 7).

13 Mme Coles a expliqué que le comité de réaménagement des effectifs exigé à l’Appendice D a été mis sur pied après qu’ACC eut annoncé les changements et la cessation connexe d’une fonction. Elle a affirmé que la plupart des postes d’ASC avaient été supprimés en raison des changements apportés à l’examen annuel du PAAC et du passage au régime de subvention. Le SEAC a contesté l’affirmation d’ACC selon laquelle il y avait eu cessation d’une fonction. La plupart des postes ont été supprimés en raison des changements apportés à l’examen annuel du PAAC et du passage au régime de subventions.

14 Lorsque le SEAC a appris que Medavie jouerait un rôle dans le processus de remboursement relatif au PAAC et au programme des DFM, il a demandé une copie du contrat conclu avec Medavie. Le premier contrat avec Medavie (pièce 3, onglet 10) a été signé en 2002; il a été modifié à plusieurs reprises depuis. Le 27 juillet 2012, une modification (pièce 3, onglet 11) y a été apportée (la modification 16). Le SEAC a obtenu ce document grâce à une demande d’accès à l’information. Selon le témoignage de Mme Coles, le SEAC n’a pas été consulté et n’a pas participé aux consultations menées avec Medavie. En outre, Mme Coles a affirmé qu’il y avait un lien direct entre la modification en question et l’élimination des postes d’ASC. En l’occurrence, ACC s’est acquitté de ses obligations en matière de diminution des dépenses découlant du Plan d’action pour la réduction du déficit en modifiant le contrat conclu avec Medavie plutôt qu’en cherchant des moyens de conserver le travail et de protéger les emplois. Il s’agissait alors d’une contravention à l’Appendice D. Le SEAC a eu de nombreuses conversations avec le sous-ministre adjoint Hillier pour essayer de comprendre le raisonnement d’ACC. Le SEAC a plaidé auprès des responsables d’ACC afin de les faire changer d’avis, sans succès. Son plaidoyer n’a pas été pris en considération.

15 Lors du contre-interrogatoire, Mme Coles a admis ne pas avoir été courant d’une modification subséquente (la modification 17) du contrat conclu avec Medavie. Cette modification portait sur le rôle de Medavie dans le PAAC, notamment dans les remboursements liés au régime de subventions. Elle a également admis que la modification 16 ne concernait pas du tout le PAAC.

16 Le SEAC s’est également demandé si l’impartition à Medavie satisfaisait à la définition de la diversification des modes de prestation des services. M. Thauvette a étudié cette question avec ACC. Selon la réponse qu’il a reçue (pièce 3, onglet 5), étant donné que personne n’avait fait l’objet d’un transfert chez le tiers fournisseur de services ni que la majorité des tâches n’avait été transférée à l’extérieur de l’administration publique centrale, cette initiative ne s’inscrivait pas dans la diversification des modes de prestation des services.

17 M. Hillier a témoigné au nom de l’employeur. Il a décrit les services d’ACC comme suit : un réseau décentralisé de services destinés aux anciens combattants et à leur famille. Ces services sont fournis par des employés d’ACC, des contractuels tels que Medavie et des professionnels de la santé sous contrat. Les ASC sont en première ligne et sont essentiels à la prestation des services offerts par ACC. Ils fournissent de l’information et des conseils sur les programmes et les soins de longue durée, et ils effectuent les entrevues de transition.

18 Le PAAC comporte une enveloppe de 380 millions de dollars, dont 280 millions servent à payer les prestations liées à l’entretien ménager et à l’entretien des terrains. Cette partie du programme a été attribuée à Medavie. Ce sont les ASC qui s’occupent des 100 millions qui restent. En 2011, ACC employait quelque 261 ASC embauchés pour une période indéterminée. En 2013, il y en avait environ 185.

19 La relation qui existe entre ACC et Medavie remonte à 1989; le contrat actuel a été signé en 2002, puis prorogé jusqu’en juillet 2015. Medavie effectue environ 11 millions d’opérations par an pour ACC, lesquelles incluent non seulement les remboursements liés au PAAC, mais aussi les remboursements liés aux médicaments sur ordonnance et aux appareils médicaux, à l’instar de la Sun Life et de la Great-West Compagnie d’Assurance-Vie pour le reste de la fonction publique. En février et en mars 2012, le contrat a été prorogé jusqu’en 2015 afin de laisser assez de temps pour la réalisation d’une demande de proposition destinée aux fournisseurs de services intéressés. Ce processus a démarré avant le dépôt du budget.

20 Le Cabinet fédéral a décidé d’impartir le PAAC à Medavie en fonction des mesures de réduction des coûts proposées, préparées par ACC à la fin de 2012. Le comité de direction d’ACC a demandé à un groupe d’employés de proposer des façons de réduire les coûts d’exploitation de 5 à 10 %, tel qu’il a été requis par le Plan d’action pour la réduction du déficit. La proposition se résumait à une réduction globale de 25 employés équivalents temps plein (ETP) chez les ASC. Les autres services offerts par Medavie ont été sécurisés au moyen de la modification 17 apportée au contrat existant conclu entre Medavie et TPSGC. La façon dont les anciens combattants recevaient les paiements en vertu du PAAC a aussi changé du tout au tout. En effet, au lieu d’obtenir un remboursement des frais qu’ils ont payés de leur poche, ils reçoivent dorénavant une subvention, et ce, deux fois par année. La conversion au régime de subventions a commencé en janvier 2013. Elle est terminée aux trois quarts. Cette conversion fait partie de la modernisation continue des services d’ACC, tel que le Cabinet en a donné le mandat en 2010. À l’origine, la modernisation devait s’accompagner d’une réduction de 550 ETP, chiffre qui est passé à environ 800 avec le dépôt du budget.

21 L’envoi du formulaire annuel aux anciens combattants était une tâche exigeante, effectuée par les bureaux régionaux. ACC a cherché du côté des moyens technologiques dans l’optique de simplifier le fardeau des anciens combattants. Au départ, l’envoi des formulaires s’effectuait par l’entremise de TPSGC. TPSGC s’est retiré de cette tâche depuis le dépôt du budget; d’où le protocole d’entente qui a été signé avec Postes Canada avant même le dépôt du budget de 2012. Aujourd’hui, les rapports des anciens combattants sont envoyés à Matane, au Québec, où ils sont numérisés et téléchargés. Un avis est transmis à Medavie afin de mettre en œuvre le rapport téléchargé. Le transfert des tâches administratives liées aux rapports s’inscrit dans la restructuration des processus opérationnels d’ACC.

22 Dans son témoignage, M. Hillier a affirmé que Mme Burdett avait bien décrit le rôle des ASC en ce qui concerne le traitement des formulaires annuels tel qu’il se déroulait avant le dépôt du budget de mars 2012. Ce rôle consistait notamment à saisir et à convertir les données à partir des formulaires. Cette tâche a été retirée aux ASC de manière à leur permettre d’exécuter d’autres fonctions et de faire un suivi si des changements étaient requis. Medavie transmet environ 10 % des rapports aux ASC aux fins de suivi.

23 Le 28 mars 2012, aucun ASC n’a été mis en disponibilité ou déclaré excédentaire. La transformation du PAAC en un régime de subventions et les changements touchant l’envoi, la réception et le traitement des formulaires ont complètement changé le travail des ASC. En effet, par suite de l’informatisation du processus d’envoi des formulaires et de la numérisation des données, Medavie est devenue responsable de 90 % des tâches de renouvellement annuel, ce qui a entraîné l’abolition de 50 postes d’ASC (pièces 5 et 6). Il s’agit là d’une différence de 25 postes, tel qu’il est indiqué à la pièce 3, onglet 4, page 2; 261 ASC ont reçu une lettre leur annonçant que leur poste était touché (pièce 7). Dans ces lettres, il était question des décisions visant la transformation du PAAC en un régime de subventions et l’impartition à Medavie du travail équivalent à 50 ETP, selon le principe de la rémunération des services. À cet égard, la pièce 3, onglet 7, est une lettre semblable à celle qui a été envoyée aux employés qui n’ont pas été sélectionnés aux fins de maintien en poste pour leur annoncer les résultats du processus de SMPMD. Trente-sept lettres comme celle-là ont été envoyées. En tout, 15 personnes occupant un poste d’ASC ont fait l’objet d’une mise en disponibilité. Les autres ont pu trouver un emploi dans d’autres ministères, soit au moyen d’une mutation, soit en tirant parti des possibilités qui leur avaient été offertes.

24 Les tâches liées au programme des DFM qui ont été transférées à Medavie en février 2012 ne relevaient pas des ASC. Elles étaient centralisées à deux centres de traitement, et ce sont des fonctionnaires d’ACC, autres que des ASC, qui s’en acquittaient. Ces changements ont été apportés parce que d’anciens combattants s’étaient plaints des services offerts.

25 La pièce 8 représente une comparaison des coûts liés aux  six premiers mois de l’exercice 2013-2014, notamment les économies réalisées par suite de l’impartition à Medavie. Il s’agit d’une comparaison entre, d’une part, les coûts qui auraient été liés aux ETP s’ils étaient demeurés en poste et, d’autre part, les coûts associés à la prestation de ces services par Medavie. La réduction du nombre de postes d’ASC découle directement de l’impartition de leurs fonctions à Medavie.

26 Seulement certaines activités ont fait l’objet de l’impartition. Il ne s’agit donc pas d’une initiative de diversification des modes de prestation des services, mais plutôt d’une façon d’atteindre les buts fixés dans le budget. Le Cabinet a décidé d’aller de l’avant avec l’impartition.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le SEAC

27 Les tâches relatives au PAAC ont grandement diminué en raison de leur transfert à Medavie. À l’origine, l’employeur avait indiqué que seules les fonctions administratives seraient touchées. La réduction des tâches des ASC et la suppression de postes ont pris tout le monde par surprise; le nombre de membres de l’unité de négociation a chuté. La clause 1.1.27 de l’Appendice D (pièce 1) restreint le droit de l’employeur de procéder à l’impartition des fonctions exécutées par les membres de l’unité de négociation. La question à trancher consiste à établir si, dans les circonstances, l’impartition à Medavie contrevient à la clause 1.1.27.

28 La clause 1.1.27 de l’Appendice D énonce ce qui suit :

1.1.27 Les ministères ou les organisations examinent leur utilisation de personnel temporaire d’agence, de consultants, de contractuels, d’employé-e-s nommés pour une période déterminée et de tous les autres employé-e-s nommés pour une période autre qu’indéterminée. Dans toute la mesure du possible, ils évitent de réembaucher le personnel temporaire d’agence, de consultants, de contractuels ou les autres personnes susmentionnées si cela est de nature à faciliter la nomination d’employé-e-s excédentaires ou de personnes mises en disponibilité.

29 Il convient de lire la clause 1.1.27 de l’Appendice D (pièce 1) conjointement à tous les autres articles de l’appendice, notamment les objectifs énoncés à la page 152 de la pièce 1, et les clauses 1.1.1, 1.1.2 et 1.1.28. Voici les objectifs énoncés dans l’appendice :

Objectifs

L’Employeur a pour politique d’optimiser les possibilités d’emploi pour les employé-e-s nommés pour une période indéterminée en situation de réaménagement des effectifs, en s’assurant que, dans toute la mesure du possible, on offre à ces employé-e-s d’autres possibilités d’emploi. On ne doit toutefois pas considérer que le présent Appendice assure le maintien dans un poste en particulier, mais plutôt le maintien d’emploi.

À cette fin, les employé-e-s nommés pour une période indéterminée et dont les services ne seront plus requis en raison d’un réaménagement des effectifs et pour lesquels l’administrateur général sait ou peut prévoir la disponibilité d’emploi se verront garantir qu’une offre d’emploi raisonnable dans l’administration publique centrale leur sera faite. Les employé-e-s pour lesquels l’administrateur général ne peut fournir de garantie pourront bénéficier des arrangements d’emploi, ou formules de transition […]

30 L’employeur doit veiller au respect de ces objectifs de la manière établie aux alinéas 1.1.1 et 1.1.2, comme suit :

Partie 1

Rôles et responsabilités

1.1 Ministères ou organisations

1.1.1 Étant donné que les employé-e-s nommés pour une période indéterminée qui sont touchés par un réaménagement des effectifs ne sont pas eux-mêmes responsables de cette situation, il incombe aux ministères ou aux organisations de veiller à ce qu’ils ou elles soient traités équitablement et à ce qu’on leur offre toutes les possibilités raisonnables de poursuivre leur carrière dans la fonction publique, dans la mesure du possible.

1.1.2 Les ministères ou les organisations réalisent une planification efficace des ressources humaines afin de réduire au minimum les répercussions d’un réaménagement des effectifs sur les employé-e-s nommés pour une période indéterminée, sur le ministère ou l’organisation et sur la fonction publique.

31 La clause 1.1.28 de l’Appendice D reconnaît le droit des employés excédentaires et des personnes mises en disponibilité de se voir offrir des possibilités d’emploi temporaire de courte durée, comme suit :

1.1.28 Rien de ce qui précède ne limite le droit de l’Employeur d’embaucher ou de nommer des personnes pour répondre à des besoins ponctuels à court terme. Les employé-e-s excédentaires et les personnes mises en disponibilité ont la priorité même pour ces emplois de courte durée.

32 La clause 7.1, Définitions , de l’Appendice D définit la diversification des modes de prestation des services comme suit :

[…] diversification des modes de prestation des services (alternative delivery initiative) désigne le transfert d’une activité ou entreprise de l’administration publique centrale à une entité ou corporation qui constitue un organisme distinct ou qui ne fait pas partie de l’administration publique centrale.

33 Le SEAC reconnaît à l’employeur le droit de procéder à une impartition en vertu de la partie VII de l’Appendice D; la clause 1.1.27 restreint toutefois ce droit.

34 En vertu de la convention collective (pièce 1), l’employeur est défini comme étant le Conseil du Trésor (le « CT ») (voir Alliance de la Fonction publique du Canada et Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor du Canada, 2013 CRTFP 37, au paragraphe 21). Le CT est le seul comité statutaire du gouvernement du Canada, car il est constitué par l’article 5 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (la « LGFP »). Toute décision prise par le Cabinet doit tenir compte des obligations du CT à titre d’employeur. Le Cabinet ne peut pas obliger le CT à enfreindre les conventions collectives.

35 Conformément à la clause 1.1.27 de l’Appendice D, il incombe aux ministères d’examiner leur utilisation de personnel d’agence, de consultants et de contractuels et, dans toute la mesure du possible, éviter de réembaucher ces personnes si cela est de nature à faciliter la nomination d’employés excédentaires ou de personnes mises en disponibilité. Le recours à l’impartition y est expressément limité. Dans les circonstances, l’impartition a pris la forme d’une modification au contrat existant avec Medavie. Lorsqu’il a examiné ce contrat, l’employeur aurait pu éviter d’y apporter des modifications, mais il a choisi de ne pas le faire.

36 C’est au SEAC qu’incombait le fardeau de la preuve visant à établir que l’employeur avait eu recours à un contractuel pour effectuer le travail dont s’acquittaient auparavant des fonctionnaires nommés pour une période indéterminée et que, de ce fait, des employés ont été déclarés excédentaires ou ont été mis en disponibilité. Une fois ce fait établi, il incombait à l’employeur de démontrer qu’il avait rempli ses obligations en vertu de la clause 1.1.27 de l’Appendice D, c’est-à-dire qu’il avait examiné la situation avant de conclure qu’il ne pouvait pas, dans toute la mesure du possible, éviter de réembaucher les contractuels, et que même s’il avait pu éviter de le faire, cela n’aurait pas été de nature à faciliter la nomination d’employés excédentaires ou de personnes mises en disponibilité. L’employeur doit gérer le milieu de travail. C’est pourquoi il lui revenait de démontrer qu’il ne pouvait pas, dans toute la mesure du possible, appliquer une autre solution pour régler le problème en question. (Voir Ivaco Rolling Mills and U.S.W.A., Local 7940 (1994), 34 C.L.A.S. 85, au paragraphe 4; Ivaco Rolling Mills v. U.S.W.A., Local 8794 (1997), 67 L.A.C. (4e) 66,à la page 76; Kranson et Sawchuk c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2009 CRTFP 76, au paragraphe 29; Scanlon et Christianson c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 42, au paragraphe 50).

37 Selon la preuve, le contrat de Medavie a débuté en 1989; il a été renouvelé en 2002. Depuis 2002, ce contrat a fait l’objet de plusieurs modifications. Medavie est un tiers fournisseur de services, ce qui en fait un contractuel aux termes de la clause 1.1.27 de l’Appendice D. Medavie effectue à présent des tâches dont s’acquittaient auparavant les ASC employés par ACC. Le travail a changé par suite de la mise en place d’un régime de subventions pour verser les paiements au titre du PAAC. Une diminution de la charge de travail des ASC s’est ensuivie. Medavie effectue à présent le travail dont s’acquittaient auparavant les ASC. En conséquence, des fonctionnaires employés pour une période indéterminée ont été déclarés excédentaires.

38 Selon M. Hillier et Mme Coles, l’impartition à Medavie a été la cause directe de la diminution du nombre de postes d’ASC. Dans le compte rendu de la réunion du comité national de consultation patronale-syndicale du 26 avril 2012 (pièce 3, onglet 4, à la page 2), on trouve le lien direct suivant :

[Traduction]

La direction a expliqué que ce n’est pas toute la fonction des ASC qui est abolie et que seulement certaines parties du travail seraient supprimées. Ces fonctions sont les suivantes :

  • L’envoi en nombre à TPSGC de documents aux fins de la réévaluation du PAAC – 15 postes.
  • Le traitement de documents papier, dont la quantité a diminué depuis que le gouvernement a décidé de transformer en subventions les contributions versées au titre du PAAC – 8 postes.
  • L’impartition à Croix Bleue Medavie des examens annuels relatifs au PAAC aux fins de suivi – 50 postes.

39 En avril 2012, des lettres ont été envoyées aux ASC touchés pour les informer de la cessation d’une fonction. Le 19 juillet 2013, quelque 38 ASC ont reçu une lettre les déclarant excédentaires (pièce 3, onglet 7).

40 Il incombait alors à l’employeur de démontrer qu’il ne pouvait pas, dans toute la mesure du possible, éviter de réembaucher Medavie, en modifiant le contrat de 2002, pour accomplir le travail effectué auparavant par les ASC. M. Hillier a invoqué la confidentialité des délibérations du Cabinet lorsqu’on lui a demandé si l’employeur avait envisagé d’autres solutions que l’impartition, et il a refusé de répondre. Voilà qui renvoie au fondement de ce que constitue toute la mesure du possible. La Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») devrait tirer une conclusion défavorable de ce refus de répondre (voir Babcock c. Canada (Procureur général), [2002] 3 RCS 3, au paragraphe 36) et conclure que l’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il ne pouvait pas, dans toute la mesure du possible, éviter l’impartition à Medavie.

41 Il existe un lien direct entre le travail qui a été transféré et la réduction du nombre de postes d’ASC. Si l’employeur avait évité de modifier le contrat conclu avec Medavie, les employés occupant des postes d’ASC auraient pu garder leur emploi. Du fait de la modification 17 apportée au contrat avec Medavie, des employés d’ACC ont été déclarés excédentaires. L’employeur avait l’obligation de démontrer qu’il ne pouvait pas, dans toute la mesure du possible, organiser le travail de manière à donner à ces employés la possibilité de conserver leur emploi.

42 Certaines questions liées à la réduction des effectifs de la fonction publique qui a eu lieu en 1984 ont été tranchées dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 169-2-473 (19900313). Dans cette affaire, il y a eu, à la suite du budget présenté en mai 1985, une diminution de 15 000 années-personnes au sein de la fonction publique. Revenu Canada Douanes et Accise a réduit le nombre d’années-personnes grâce au transfert de certaines fonctions de traitement des données au secteur privé. Le syndicat a présenté un grief selon lequel l’employeur avait enfreint la Politique concernant le réaménagement des effectifs prévue dans la convention collective pertinente. L’ancienne Commission des relations de travail dans la Fonction publique (l’« ancienne CRTFP ») a jugé que l’impartition était visée par la Politique concernant le réaménagement des effectifs (voir la page 31 de cette décision). Une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la CRTFP a été rejetée. À la page 7 de la décision de la Cour d’appel fédérale (Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada (C.A.), [1991] 1 C.F. 428), la Cour énonce ce qui suit :

L’esprit de la Politique concernant le réaménagement des effectifs, c’est qu’en cas de réaménagement des effectifs, les employés nommés pour une durée indéterminée et dont les services ne sont plus puis requis seraient réaffectés dans la mesure du possible et, si nécessaire, recyclés. Cette politique n’interdit pas l’impartition, mais prévoit que, pour faciliter la réaffectation des employés "touchés", "excédentaires" ou "mis en disponibilité", l’employeur réexaminera le recours aux marchés de services et y mettra fin, entre autres. Cette obligation s’oppose absolument à l’intention de permettre la création d’employés "touchés", "excédentaires" ou "mis en disponibilité" en confiant à l’extérieur les tâches mêmes dont ils assuraient l’exécution. Par définition, il y a "réaménagement des effectifs" lorsque la haute direction décide qu’un ou plusieurs employés nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis en raison d’un "manque de travail" ou de la suppression d’une fonction. On ne saurait, à mon avis, dire d’un employé dont la tâche a été confiée à l’extérieur que ses services ne sont plus nécessaires faute de travail ou par suite de la suppression d’une fonction. Ses services ne sont plus requis parce que la fonction a été confiée aux entrepreneurs de l’extérieur. La tâche reste à accomplir et la fonction continue d’exister. […]

43 La décision de la Cour d’appel fédérale a été portée en appel devant la Cour suprême du Canada (voir Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941). L’appel a été rejeté et l’ordonnance de l’ancienne CRTFP a été confirmée. À la page 972 de la décision, la Cour suprême établit ce qui suit :

[…] Tout au moins, la politique exige que le recours à l’impartition fasse l’objet d’un examen. De même, il est évident que la décision de recourir aux marchés de services est soumise à certaines restrictions. Je souscris à la décision de la Commission que la politique vise à faire en sorte que les employés nommés pour une période indéterminée puissent compter sur la cessation de l’impartition pour que leurs emplois soient protégés. L’interprétation de la Commission ne peut certainement pas être qualifiée de manifestement déraisonnable.

44 À la page 975 de cette même décision, la Cour suprême continue comme suit :

Il faut se rappeler qu’en l’espèce la politique impose à l’employeur une obligation dans le cas du recours à un entrepreneur, obligation que la Commission a su formuler avec exactitude :

La Politique obligeait l’employeur à réexaminer la sous-traitance et, lorsque c’était possible, à y mettre fin afin de préserver les emplois des fonctionnaires nommés pour une période indéterminée au sein de la fonction publique.

[Je souligne]

45 Le libellé de la clause 5.1.2 de la convention collective qui était en vigueur au moment où l’ancienne CRTFP a rendu sa décision est semblable à celui de la clause 1.1.27 de l’Appendice D (pièce 1). Dans cette affaire, le défaut de l’employeur de se conformer aux devoirs et aux obligations énoncés dans la convention collective était au cœur de la décision de la CRTFP (voir Flieger c. Nouveau-Brunswick, [1993] 2 R.C.S. 651, à la page 666). La question que doit trancher la Commission n’est pas de savoir s’il y a eu cessation d’une fonction, mais bien de savoir si l’employeur a enfreint la clause 1.1.27 lorsqu’il a modifié le contrat conclu avec Medavie, entraînant ainsi la suppression de postes d’ASC.

46 Le SEAC a sollicité une ordonnance déclarant que l’employeur a enfreint la clause 1.1.27 de l’Appendice D (pièce 1), ordonnant à l’employeur d’éviter de réembaucher des contractuels et de fournir des offres d’emploi raisonnables aux personnes touchées par le transfert des fonctions des ASC à Medavie. Conformément à Hydro One Networks Inc. v. Canadian Union of Skilled Workers (2011), 207 L.A.C. (4e) 243, et à Canadian Freightways v. Western Canada Council of Teamsters (2013), 231 L.A.C. (4e) 103, le SEAC a demandé que lui soient versés des dommages-intérêts, à la discrétion de la Commission.

B. Pour l’employeur

47 L’employeur a le droit illimité de procéder à l’impartition de services, sauf si la convention collective le lui interdit. Les restrictions énoncées à la clause 1.1.27 de l’Appendice D (pièce 1) ne s’appliquent pas en l’espèce, étant donné que Medavie n’est pas un [traduction] « contractuel » au sens de cette clause, que l’impartition à Medavie ne constituait pas une réembauche du même contrat conclu pour une période déterminée au sens de la clause, et qu’il n’y avait aucun fonctionnaire excédentaire ni aucune personne mise en disponibilité avant l’impartition. Subsidiairement, la preuve non contestée présentée à l’audience a démontré que l’employeur ne pouvait pas, dans toute la mesure du possible, nommer des fonctionnaires excédentaires ou des personnes mises en disponibilité au lieu de procéder à l’impartition.

48 En 2011, Medavie a fourni à plusieurs organisations fédérales (dont ACC) des services de traitement des demandes et d’autorisation des prestations. Le 29 mars 2012, dans le budget, le gouvernement a annoncé qu’ACC allait simplifier le traitement des demandes et des prestations à l’intention des anciens combattants. La façon dont ACC gérait le PAAC allait être modifiée en profondeur. Le PAAC est devenu un régime de subventions plutôt que de remboursement. L’ancien PAAC, administré par les ASC, a été être imparti à Medavie. Dans la foulée, 50 postes d’ASC ont été abolis, et le gouvernement a réalisé des économies substantielles. En tout, 261 ASC ont été désignés employés touchés et 38 d’entre eux ont été sélectionnés aux fins de mise en disponibilité.

49 Il incombait au SEAC de démontrer clairement, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur avait enfreint la clause 1.1.27 de l’Appendice D. Le SEAC avait le fardeau de démontrer chacun des cinq éléments composant la clause 1.1.27, comme suit :

  1. il y avait du « personnel d’agence temporaire », des « consultants », des « employé-e-s nommés pour une période déterminée » ou des « autres employé-e-s nommés pour une période autre qu’indéterminée »;
  2. l’employeur n’a pas « examiné » son utilisation des contrats existants pour une durée déterminée;
  3. l’employeur a « réembauché » des contractuels qui avaient déjà été nommés pour une période déterminée;
  4. le travail exécuté par le personnel d’agence temporaire, les consultants, les contractuels, les employés nommés pour une période déterminée ou les autres employés nommés pour une période autre qu’indéterminée était de nature à faciliter la nomination d’employés excédentaires ou de personnes mises en disponibilité;
  5. l’employeur pouvait « dans toute la mesure du possible » nommer des « employé-e-s excédentaires » ou des « personnes mises en disponibilité » (voir Association. canadienne des employés professionnels c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 100, aux paragraphes 19 à 21 et au paragraphe 26; F. H. c. McDougall, 2008 CSC 53, aux paragraphes 46 à 49).

50 Les articles 7 et 11.1 de la LGFP confèrent à l’employeur le pouvoir global et illimité d’établir des politiques administratives de portée générale à l’intention de la fonction publique fédérale, d’organiser la fonction publique fédérale, de même que de déterminer et de contrôler la gestion du personnel qui la compose. L’alinéa 7(1)b) de la LGFP confère à l’employeur le pouvoir exclusif à l’égard de toutes les questions se rapportant à « […] l’organisation de l’administration publique fédérale ou de tel de ses secteurs ainsi que la détermination et le contrôle des établissements qui en font partie […] ». Dans l’exercice des fonctions de gestion prévues par la LGFP, y compris l’impartition de services, l’employeur peut faire tout ce qui n’est pas littéralement ou implicitement interdit par la loi ou par une convention collective (voir P.S.A.C. v. Canada (Canadian Grain Commission) (1986), 5 F.T.R. 51, à la conclusion et au dernier paragraphe de la partie intitulée [traduction] « Le statut d’employé non rémunéré constitue-t-il une infraction à une loi publique? »; Peck c. Canada (Parcs Canada), 2009 CF 686, au paragraphe 33; Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 110, au paragraphe 26). Plus précisément, l’employeur a le droit de donner des services en impartition en vertu de la LGFP, sous réserve des limites imposées par la convention collective (Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, aux paragraphes 56 et 57).

51 Afin de déterminer les limites qui sont susceptibles d’être imposées par la convention collective, l’arbitre de grief doit examiner le sens habituel des termes utilisés par les parties et éviter de modifier des modalités qui sont claires. L’arbitre de grief doit aussi tenir compte de la convention collective dans son ensemble. Le fait qu’une disposition peut sembler injuste ne constitue pas une raison de la mettre de côté si elle est claire (voir Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, aux paragraphes 50 et 51, et Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, aux paragraphes 25 à 28).

52 Les obligations prévues à la clause 1.1.27 de l’Appendice D ne s’appliquent que lorsque l’employeur envisage de réembaucher un certain nombre de contractuels pour une durée déterminée, y compris les contractuels existants. La liste des mots utilisés dans la même phrase que « contractuels », lue de concert avec la clause 1.1.28, donne fortement à penser que le mot « contractuels » se limite à une personne qui est embauchée à titre de contractuel indépendant pour combler des besoins ponctuels à court terme, par opposition à une initiative d’impartition à long terme pour accomplir la majorité du travail lié à un programme ou à un service ministériel clé.

53 Selon le Canadian Oxford Dictionary, 2e édition, le terme « contractuel » (contractor) désigne une personne qui exécute un contrat ou qui conclut un contrat. Il convient donc de lire le terme « contractuels » à la clause 1.1.27 de l’Appendice D dans le contexte des autres termes utilisés dans cette même clause, soit « personnel temporaire d’agence », « consultants », « employé-e-s nommés pour une période déterminée » et « tous les autres employé-e-s nommés pour une période autre qu’indéterminé ». Ces termes ont en commun le fait qu’ils constituent des méthodes temporaires utilisées par les employeurs pour combler des besoins ponctuels et à court terme en matière de dotation et de charge de travail. Le principe d’interprétation ejusdem generis, selon lequel des exemples précis limitent la catégorie décrite à des éléments du même ordre, devrait être appliqué dans la présente situation. L’intention des parties, en utilisant le terme « contractuels », a dû être d’en limiter la portée aux ententes conclues avec des contractuels indépendants pour combler des besoins ponctuels à court terme (voir University of British Columbia v. Canadian Union of Public Employees, Local 2950 (2005), 138 L.A.C. (4e) 358, au paragraphe 18, et Earl E. Palmer and Ronald M. Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada,(4e édition),(Markham, Ont. : LexisNexis Canada Inc., 2009), à la page 31).

54 La clause 1.1.28 de l’Appendice D confirme clairement cette interprétation : « Rien de ce qui précède ne limite le droit de l’Employeur d’embaucher ou de nommer des personnes pour répondre à des besoins ponctuels à court terme. Les employé-e-s excédentaires et les personnes mises en disponibilité ont la priorité même pour ces emplois de courte durée. »

55 Dans l’affaire qui nous occupe, l’impartition faisant l’objet du différend ne correspond pas à l’utilisation d’un « contractuel » au sens de la clause 1.1.27 de l’Appendice D. En effet, il ne s’agit pas d’une entente conclue avec un contractuel indépendant en vue de répondre à des besoins ponctuels à court terme, mais plutôt de l’impartition à long terme de la majorité des principaux éléments du PAAC. Par conséquent, le SEAC n’a pas démontré que cette initiative d’impartition entraînait quelque obligation que ce soit en vertu de la clause 1.1.27. Même si le SEAC avait démontré que l’initiative avait entraîné les obligations prévues par la clause 1.1.27, celles-ci se limiteraient à la réembauche du même contractuel aux termes de l’entente existante d’une durée déterminée. L’utilisation du verbe « réembaucher » dans la même clause indique clairement que l’obligation de l’employeur se limite aux contrats existants d’une durée déterminée, et qu’elle ne vise pas à restreindre le droit de l’employeur de conclure un nouveau contrat ou d’élargir la portée d’un contrat existant.

56 L’Appendice D (pièce 1) définit les employés excédentaires comme des employés qui ont officiellement été déclarés « excédentaires ». Par ailleurs, un employé mis en disponibilité est une personne qui a officiellement été mise en disponibilité. L’objectif en empêchant la réembauche d’un contractuel est de donner aux personnes touchées par l’impartition l’occasion de continuer à travailler.

57 Un sens doit être donné à tous les mots de la clause 1.1.27 de l’Appendice D, de manière à éviter toute redondance. Il faut donner à chaque mot son sens habituel et l’interpréter en contexte, avec les autres mots qui l’accompagnent (voir Collective Agreement Arbitration in Canada, aux pages 29 et 30; Stevens et al. c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 34, au paragraphe 21). Si les parties à la convention collective avaient voulu empêcher l’impartition au moyen du libellé de la clause 1.1.27, elles auraient utilisé un libellé précis à cet égard; or, elles ne l’ont pas fait. Au contraire, les parties se sont expressément entendues sur des termes qui diffèrent considérablement de ceux examinés par la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada. La modification importante au libellé en ce qui a trait aux contractuels doit vouloir dire que les parties avaient bien l’intention d’établir une distinction entre l’interprétation de la clause 1.1.27 et celle de la clause 5.1, examinée par la Cour suprême dans l’arrêt précité.

58 L’interprétation du SEAC est contraire au principe bien établi selon lequel toute limite imposée au droit de l’employeur d’organiser et de diriger son effectif, y compris au moyen de l’impartition, doit être expressément énoncée dans une loi ou dans la convention collective. Les limites étroites décrites dans la clause 1.1.27 de l’Appendice D ne sont pas déclenchées par les circonstances propres à l’affaire, car rien n’a été imparti à un contractuel au sens de la clause et l’initiative n’a pas occasionné la réembauche d’une personne liée par un contrat existant de durée déterminée. Même si ça avait été le cas, il n’y avait aucun employé excédentaire ni aucune personne mise en disponibilité à prendre en considération avant qu’il soit décidé d’aller de l’avant avec la modification 17 au contrat conclu avec Medavie. Par conséquent, les limites imposées ne sont pas de nature à empêcher l’employeur de modifier le PAAC et d’impartir l’exploitation de certains de ses volets à Medavie. Qui plus est, le fait d’accepter l’interprétation du SEAC aurait pour effet de modifier la convention collective, ce qui constituerait une violation de l’interdiction expressément énoncée à l’article 229 de la Loi.

59 Les obligations prévues à la clause 1.1.27 de l’Appendice D s’appliquent uniquement s’il y a des employés excédentaires ou des personnes mises en disponibilité; en l’absence de telles personnes, ces obligations n’empêchent pas l’employeur d’embaucher des contractuels. La deuxième phrase de la clause prescrit que l’employeur doit éviter, dans toute la mesure du possible, de réembaucher des personnes liées par un contrat existant de durée déterminée si cela est de nature à faciliter la nomination d’employés excédentaires ou de personnes mises en disponibilité. Le libellé qualifie donc la portée de l’obligation de l’employeur d’examiner les contrats existants de durée déterminée. Toute obligation de faciliter la nomination d’employés excédentaires ou de personnes mises en disponibilité est limitée aux personnes ayant déjà été déclarées excédentaires ou ayant déjà été officiellement mises en disponibilité, par opposition à celles susceptibles de se retrouver dans cette situation à la suite de l’impartition. L’absence de toute mention relative aux employés touchés est un signe important allant à l’appui d’une interprétation selon laquelle l’application de la clause 1.1.27 se limite aux situations où il existe déjà des employés excédentaires ou des personnes mises en disponibilité. En l’espèce, la preuve non contestée nous indique qu’il n’y avait aucun employé excédentaire ni aucune personne mise en disponibilité. En raison de l’absence de cet élément essentiel, le SEAC n’a pas réussi à démontrer que l’employeur avait enfreint la clause 1.1.27.

60 La clause 1.1.27 de l’Appendice D exige uniquement de l’employeur qu’il évite de réembaucher, dans toute la mesure du possible, des personnes liées par un contrat existant de durée déterminée si cela est de nature à faciliter la nomination d’employés excédentaires ou de personnes mises en disponibilité. L’expression « dans toute la mesure du possible » ne veut pas dire la même chose que l’expression « lorsque c’est possible »; elle est en fait utilisée pour donner à l’employeur une marge de manœuvre raisonnable afin qu’il exerce son jugement sur le fondement de considérations économiques et opérationnelles (voir The Council of Postal Unions v. Treasury Board (Department of the Post Office) (19750315), non publiée, et Brannick v. Treasury Board (Post Office Department) (19810313), non publiée). La preuve a clairement démontré que, dans toute la mesure du possible, l’employeur ne pouvait nommer d’employé excédentaire ni de personne mise en disponibilité en raison des importantes économies prévues. L’employeur a démontré avoir économisé 1 283 000 $ au cours des six premiers mois ayant suivi l’impartition du contrat à Medavie (pièce 8). Il s’agit d’une économie de l’ordre de plus de 62 % des frais liés à l’exploitation du PAAC, attribuable au fait que cette tâche a été impartie à Medavie plutôt que confiée à des ASC.

61 Le SEAC devait démontrer, selon la prépondérance des probabilités, les cinq éléments composant la clause 1.1.27 de l’Appendice D, y compris celui exigeant que ce soit « dans toute la mesure du possible ». Le critère de la prépondérance des probabilités exige la présence des cinq éléments énoncés dans la clause 1.1.27 (voir F. H. c. McDougall, au paragraphe 46). Par conséquent, le SEAC ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait aux termes de la clause 1.1.27, et le grief devrait être rejeté.

IV. Motifs

62 Le SEAC a soutenu que l’employeur avait enfreint la clause 1.1.27 de l’Appendice D (pièce 1) en impartissant des fonctions clés du PAAC, entraînant ainsi l’élimination de postes d’ASC et, ultimement, la mise en disponibilité de 38 employés d’ACC au niveau ASC. Le SEAC a affirmé que la modification au contrat de service existant conclu avec Medavie, laquelle visait à inclure les tâches des ASC liées au PAAC, équivalait à la réembauche d’un contractuel, en contravention de la clause 1.1.27, car sans une telle modification, il aurait été possible d’éviter d’avoir d’autres employés excédentaires ou de personnes mises en disponibilité.

63 L’employeur a quant à lui avancé que Medavie n’était pas un contractuel au sens de la clause 1.1.27 de l’Appendice D. Selon lui, Medavie n’a pas été réembauché par suite de la réorganisation du PAAC. En outre, l’employeur ne pouvait pas, dans toute la mesure du possible, ne rien changer à son exploitation du PAAC en raison du Plan d’action pour la réduction du déficit du gouvernement, lequel exigeait des ministères qu’ils éliminent 10 % de leurs frais d’exploitation, et en raison du budget, lequel prévoyait la rationalisation des services aux anciens combattants.

64 Chaque partie a soutenu que l’autre ne s’était pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait en vue de démontrer qu’elle avait respecté ses obligations prévues aux clauses 1.1.27 et 1.1.28 de l’Appendice D. Le SEAC a avancé que le fardeau de la preuve avait été transféré à l’employeur, et que ce dernier devait établir qu’il n’y avait pas eu violation de la convention collective, et ce, dès que le SEAC a démontré que l’employeur avait recours à des contractuels pour exécuter les tâches qui incombaient auparavant à des employés nommés pour une période indéterminée et que ces employés ont été mis en disponibilité ou sont devenus excédentaires pour cette raison. Ainsi, une fois cet état de choses établi, il incombait à l’employeur de démontrer qu’un examen avait été mené et qu’il ne pouvait pas, dans toute la mesure du possible, éviter de réembaucher des contractuels pour exécuter les tâches visées. L’employeur a quant à lui affirmé que le fardeau de la preuve ne lui incombait pas et qu’il incombait toujours au SEAC de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, l’existence de tous les éléments composant la clause 1.1.27 pour obtenir gain de cause devant la Commission.

65 La clause 1.1.27 de l’Appendice D (pièce 1) est ainsi libellée :

1.1.27 Les ministères ou les organisations examinent leur utilisation de personnel temporaire d’agence, de consultants, de contractuels, d’employé­e­s nommés pour une période déterminée et de tous les autres employé­e­s nommés pour une période autre qu’indéterminée. Dans toute la mesure du possible, ils évitent de réembaucher le personnel temporaire d’agence, de consultants, de contractuels ou les autres personnes susmentionnées si cela est de nature à faciliter la nomination d’employé­e­s excédentaires ou de personnes mises en disponibilité.

66 L’analyse de cette clause soulève les cinq questions suivantes auxquelles il faut répondre pour établir s’il y a eu violation de celle-ci :

  1. Le Ministère a-t-il examiné l’utilisation faite du personnel temporaire d’agence, des consultants, des contractuels, des employés nommés pour une période déterminée et de tous les autres employés nommés pour une période autre qu’indéterminée?
  2. Y a-t-il eu réembauche de personnel temporaire d’agence, de consultants, de contractuels, d’employés nommés pour une période déterminée et de tout autre employé nommé pour une période autre qu’indéterminée?
  3. Si, contrairement à la clause 1.1.27, il y a eu réembauche de Medavie, la convention collective requiert-elle l’existence de personnes mises en disponibilité ou d’employés excédentaires au moment où l’exploitation du PAAC a été impartie à Medavie? Le cas échéant, y avait-il des personnes déjà mises en disponibilité au moment où l’exploitation du PAAC a été impartie à Medavie?
  4. Le cas échéant, les tâches exécutées par le personnel temporaire d’agence, les consultants, les contractuels, les employés nommés pour une période déterminée et tous les autres employés nommés pour une période autre qu’indéterminée auraient-elles pu faciliter la nomination d’employés excédentaires ou de personnes mises en disponibilité?
  5. Était-ce dans la mesure du possible pour l’employeur d’éviter de réembaucher du personnel temporaire d’agence, des consultants, des contractuels, des employés nommés pour une période déterminée et tout autre employé nommé pour une période autre qu’indéterminée pour exécuter ces tâches?

67 Il est un principe élémentaire en droit que la personne qui allègue les faits doit en fournir la preuve. En de rares occasions, le fardeau de la preuve passera à l’autre partie, par exemple dans des affaires de responsabilité stricte; cependant, dans des affaires d’interprétation de contrat, il incombe à la partie s’estimant lésée de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que son interprétation est juste, ce qui requiert une preuve suffisamment claire et convaincante des éléments permettant de conclure qu’il y a eu violation d’une convention collective (voir F. H. c. McDougall, au paragraphe 46). En l’espèce, il incombait au SEAC de démontrer que l’employeur avait enfreint la convention collective. L’employeur a fait valoir qu’il fallait tenir compte de cinq critères avant de décider si la clause de la convention collective avait été enfreinte. Il a soutenu en outre que le grief présenté par l’agent négociateur devait être rejeté parce que ce dernier n’avait pas établi que l’employeur avait réembauché des contractuels, qu’il existait des personnes mises à pied ou des employés excédentaires qui auraient pu être nommés pour exécuter les tâches des contractuels, que l’employeur avait omis d’examiner son utilisation des contractuels avant d’en réembaucher un, et qu’il pouvait, dans toute la mesure du possible, réembaucher des personnes mises à pied ou des employés excédentaires à la place d’un contractuel.

68 Bien que le fardeau de la preuve incombe toujours à l’employé s’estimant lésé, il peut arriver que la charge de la preuve exige que l’employeur expose les motifs de sa décision. La charge de la preuve passe alors à l’employeur, même si le fardeau de la preuve ne change jamais (voir Scanlon et Christianson, au paragraphe 50). Une fois que l’employé s’estimant lésé a démontré la violation de la convention collective au moyen d’une preuve suffisante, la charge de la preuve passe à l’employeur, qui doit expliquer pourquoi, selon le libellé de la convention collective, il n’a pu éviter, dans toute la mesure du possible, de réembaucher le personnel temporaire d’agence, des consultants, des contractuels, des employés nommés pour une période déterminée et tout autre employé nommé pour une période autre qu’indéterminée pour exécuter les tâches (voir Kranson et Sawchuk,au paragraphe 29).

69 La première question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si Medavie est un contractuel au sens de la clause 1.1.27 de l’Appendice D. Déterminer le sens du terme « contractuel » exige entre autres d’examiner le rôle qu’il joue dans la phrase où il est employé et d’établir sa signification en fonction de ce rôle et des autres termes qui l’entourent. Un sens doit être donné à chaque terme de manière à éviter toute redondance, tel qu’il est prescrit dans Collective Agreement Arbitration in Canada (page 29) :

[Traduction]

Une règle d’interprétation reconnue en droit veut que, dans le cadre de l’interprétation de documents, ceux-ci soient rédigés de manière à ce que chaque terme ait un sens qui lui est propre, et qu’aucun terme ne soit ignoré si une signification raisonnable peut y être donnée. En outre, selon une règle générale qu’il convient de suivre, toute personne lisant un document juridique de nature privée ou publique ne devrait pas conclure trop rapidement – sans avoir de raison sérieuse ou sans qu’il soit nécessaire de le faire – que certains passages du libellé sont redondants ou superflus.

70 Dans la clause 1.1.27 de l’Appendice D, les parties ont dressé une liste des personnes qui seraient éliminées du milieu de travail si cela avait pour but de faciliter la nomination d’employés excédentaires ou de personnes mises en disponibilité : le personnel temporaire d’agence, les consultants, les contractuels, les employés nommés pour une période déterminée et tous les autres employés nommés pour une période autre qu’indéterminée.

71 Le SEAC voudrait que j’associe le terme « contractuels » aux marchés de services, conformément au raisonnement de la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada; cependant, comme l’a fait remarquer l’avocat de l’employeur, la disposition invoquée dans cette série d’arrêts diffère de celle en cause dans la présente affaire. L’article 5.1 de la convention collective à la base de cette série d’arrêts prévoyait expressément que les ministères devaient « […] revoir la façon dont ils utilisent les services des employés nommés pour une période déterminée et les marchés de services, et y mettre fin si cela est de nature à faciliter la RÉAFFECTATION des EMPLOYÉS TOUCHÉS, des EMPLOYÉS EXCÉDENTAIRES et des PERSONNES MISES EN DISPONIBILITÉ […] ». [Je souligne]

72 La clause 1.1.27 de l’Appendice D est formulée différemment et, à mon avis, les distinctions dans la formulation sont importantes. Le libellé de la clause 1.1.27 ne fait aucune mention de la nécessité de mettre fin à des marchés de services. Cette disposition exige que l’employeur examine son utilisation de personnel temporaire d’agence, de consultants, de contractuels, d’employés nommés pour une période déterminée et de tous les autres employés nommés pour une période autre qu’indéterminée. Bien que le terme « contractuels » figure sur cette liste d’employés externes, il doit être interprété, dans le contexte de la liste, comme faisant référence à des contractuels qui travaillent sur place. Un contractuel est une personne qui exécute un contrat (voir Canadian Oxford Dictionary, 2e édition). Dans les circonstances, cette définition n’est guère utile sans que l’on examine aussi les autres mots faisant partie de la même énumération. En effet, comme la règle ejusdem generis prescrit que des exemples précis limitent la portée des termes énumérés à des choses du même ordre, le sens du terme « contractuels », à l’alinéa 1.1.27, est restreint par les autres catégories de personnel qu’il faut éviter de réembaucher si cela est de nature à faciliter la nomination d’employés excédentaires ou de personnes mises en disponibilité. Tous les exemples de la liste renvoient à des personnes et non à des marchés de services. Par conséquent, le SEAC n’a pas été en mesure de démontrer le premier critère nécessaire pour établir le bien-fondé de sa demande.

73 Comme l’a fait valoir le défendeur, la clause 1.1.28 de l’Appendice D a confirmé cette interprétation en nous renvoyant au fait que les employés excédentaires et les personnes mises en disponibilité devraient être prioritaires même pour ces emplois de courte durée.  

74 Même si je donnais un sens très large au terme « contractuels » de manière à inclure Medavie en tant que personne morale – et donc en tant que personne –, le SEAC n’en serait pas moins tenu de satisfaire aux critères relatifs aux autres questions fondamentales. Le SEAC devrait démontrer que Medavie a été réembauché, en contravention de la clause 1.1.27, pour accomplir des tâches auxquelles on aurait pu réaffecter des employés excédentaires ou des personnes mises en disponibilité. Depuis 2002, Medavie fournit des services de traitement des demandes de remboursement de frais médicaux pour le compte du gouvernement du Canada, par voie de contrat avec TPSGC, ce qui inclut, dans une certaine mesure, la prestation de services à ACC. Les tâches transférées à Medavie, qui se rapportent toujours au traitement des demandes de remboursement, sont du même ordre que celles qui étaient déjà imparties à l’entreprise et, à mon avis, ce transfert équivaut à une modification à un contrat existant plutôt qu’à une réembauche de Medavie. L’agent négociateur, encore une fois, ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait.

75 En ce qui concerne le troisième critère, qui porte sur l’existence de personnes mises en disponibilité ou d’employés excédentaires, il ressort clairement des témoignages non contestés de tous les témoins qu’il n’en existait pas au moment où le PAAC a été confié à Medavie. Le SEAC voudrait que j’interprète la convention collective de manière à ce que l’employeur ne soit pas autorisé à réembaucher un contractuel si cela fait en sorte que des employés soient déclarés excédentaires ou mis en disponibilité. Comme il en sera question plus loin dans mes motifs, le libellé de la disposition est clair. L’article 229 de la Loi m’interdit de rendre une décision qui a pour effet d’exiger la modification d’une convention collective, et je ne peux donc pas valider l’interprétation suggérée par le SEAC.

76 Les objectifs de l’Appendice D appuient fortement l’interprétation de la clause selon laquelle les personnes mises en disponibilité et les employés excédentaires visés par cette clause sont ceux qui existaient déjà au moment de l’impartition du PAAC à Medavie. La Directive sur le réaménagement des effectifs a pour objectif d’aider les employés nommés pour une période indéterminée « dont les services ne seront plus requis en raison d’un réaménagement des effectifs » et de s’assurer que, « dans toute la mesure du possible, on offre à ces employés d’autres possibilités d’emploi ». Il est également indiqué, dans les objectifs, qu’on ne doit pas considérer que la Directive assure le maintien dans un poste en particulier, mais plutôt le maintien d’emploi. En outre, comme l’a fait remarquer le défendeur, les définitions d’« employé excédentaire » et de « personne mise en disponibilité » qui figurent à l’Appendice D sont rédigées au passé. Ces définitions sont formulées comme suit :

[…]

Personne mise en disponibilité (Laid-off person) – Personne qui a été mise en disponibilité conformément au paragraphe 64(1) de la LEFP et pouvant toujours être nommée en priorité en vertu du paragraphe 41(4) et de l’article 64 de la LEFP.

[…]

Employé-e excédentaire (surplus employee) – Employé-e nommé pour une période indéterminée et que l’administrateur général dont il relève a officiellement déclaré excédentaire par écrit.

77 La partie s’estimant lésée a invoqué Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada à l’appui de son interprétation de la convention collective selon laquelle les employés excédentaires et les personnes mises en disponibilité visés ne sont pas seulement ceux qui avaient déjà été déclarés excédentaires ou mis en disponibilité. Comme il est indiqué précédemment dans mes motifs, le libellé de la disposition en cause se distinguait de celui qui est au cœur de la présente décision. Le libellé de la disposition en cause dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada avait une portée plus large que celui de dont il est question en l’espèce. Cette disposition était la suivante (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 169-2-473, à la page 25) :

Les ministères doivent :

[…]

5.1.2. revoir la façon dont ils utilisent les services des employés nommés pour une période déterminée et les marchés de services, et y mettre fin si cela est de nature à faciliter la réaffectation des employés touchés, des employés excédentaires et des personnes mises en disponibilité :

78 Dans la présente affaire, le libellé de la clause invoquée a une portée plus limitée et donne aux ministères ou aux organisations une directive précise quant aux situations où il convient de réembaucher du personnel contractuel pour une période déterminée. Cette clause est ainsi rédigée :

Les ministères ou les organisations examinent leur utilisation de personnel temporaire d’agence, de consultants, de contractuels, d’employé-e-s nommés pour une période déterminée et de tous les autres employé-e-s nommés pour une période autre qu’indéterminée. Dans toute la mesure du possible, ils évitent de réembaucher le personnel temporaire d’agence, de consultants, de contractuels ou les autres personnes susmentionnées si cela est de nature à faciliter la nomination d’employé-e-s excédentaires ou de personnes mises en disponibilité.   

79 Comme je l’ai déjà mentionné dans mes motifs, conformément au principe ejusdem generis, le libellé actuel de la convention collective a une portée plus restreinte. Le libellé de la clause en l’espèce se distingue également du libellé de la disposition examinée dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, du fait qu’il accorde une plus grande marge de manœuvre aux ministères et aux organisations. En effet, la clause en l’espèce comporte une mesure supplémentaire selon laquelle, dans toute la mesure du possible, les ministères ou les organisations doivent « éviter de réembaucher » du personnel temporaire d’agence, des consultants, des contractuels ou d’autres personnes auxquelles il est fait référence. Bien que le ministère soit tenu à une obligation, celle-ci n’est pas absolue : l’expression « dans toute la mesure du possible », placée au début de la phrase, énonce le principe à partir duquel les ministères ou les organisations peuvent décider de se soumettre à la restriction imposée; subsidiairement, cette expression suggère également que, dans certaines situations, il ne sera pas possible de s’y conformer. En outre, le libellé en fin de phrase précise que l’employeur évitera de réembaucher le personnel en question afin de « faciliter la nomination d’employé-e-s excédentaires ou de personnes mises en disponibilité ». Ce passage laisse clairement entendre que cette disposition vise les situations où il existe déjà des employés excédentaires ou des personnes mises en disponibilité.

80 Ni l’une ni l’autre des parties n’a présenté d’éléments de preuve indiquant que le travail imparti à Medavie aurait pu être effectué par les ASC. La partie s’estimant lésée fait valoir qu’il existe un lien direct entre les tâches transférées et la réduction du nombre de postes d’ASC. Elle a aussi fait valoir que si le contrat de Medavie n’avait pas été modifié, les employés occupant des postes d’ASC auraient conservé leur emploi. Cette allégation fait abstraction d’un changement stratégique important qui s’est opéré. Autrement, pourquoi les tâches auraient-elles été imparties à un fournisseur de services externe? Cette mesure a été prise parce que l’employeur a jugé que, dans toute la mesure du possible, il ne pouvait plus continuer de confier ces tâches à des employés internes. En effet, les fonctions des ASC ont été modifiées par suite de la conversion à un régime de subventions, ainsi qu’en raison de changements touchant l’envoi, la réception et le traitement des questionnaires annuels. Ainsi, les ASC se sont vu confier la tâche d’assurer un suivi dans les cas où, à la suite de la vérification du dossier du client, il serait signalé que sa situation a changé. Comme l’a déclaré Mme Burdett, le rôle des ASC a été considérablement réduit, étant donné qu’il consiste non pas à déterminer les besoins des anciens combattants, mais plutôt à effectuer tout suivi nécessaire concernant le paiement des subventions et les changements relatifs à ce paiement. Il importe également de noter que les fonctions liées à la vérification des dossiers, qui faisaient auparavant partie du traitement des demandes, avaient aussi été modifiées avant même le budget de 2012. Il s’agit en l’espèce d’établir si l’employeur pouvait, dans toute la mesure du possible, éviter d’impartir ces services afin de conserver tous les ASC qui faisaient partie de son effectif. Le SEAC n’a présenté aucun élément de preuve démontrant que, dans toute la mesure du possible, l’employeur pouvait éviter de le faire, mais a plutôt misé sur le transfert du fardeau de la preuve à l’employeur, à qui il incombait de démontrer qu’il ne pouvait, dans toute la mesure du possible, éviter de le faire. Compte tenu de mes conclusions précédentes, j’estime que rien ne limitait le recours à l’impartition par l’employeur. Néanmoins, même si le pouvoir de l’employeur avait été limité, je conclus que celui-ci a présenté des éléments de preuve démontrant qu’il ne pouvait pas, dans toute la mesure du possible, éviter l’impartition. L’employeur a fourni des éléments de preuve selon lesquels, par suite du Plan d’action pour la réduction du déficit et du budget, le gouvernement a ordonné que le PAAC soit modifié de façon à mieux servir les anciens combattants. L’employeur a également démontré les économies importantes réalisées par ACC grâce à l’impartition. L’employeur a fait valoir que cela démontrait qu’il ne pouvait pas, dans toute la mesure du possible, continuer de confier ces tâches aux ASC.

81 L’expression « dans toute la mesure du possible » n’est pas synonyme de possible (voir Brannick, au paragraphe 8). Cette expression doit être interprétée au sens d’utile, de judicieux sur le plan financier ou de rentable, de même qu’au sens de pratique sur le plan matériel (voir The Council of Postal Unions,au paragraphe 25). Il ne fait aucun doute, dans le contexte économique actuel, que le gouvernement du Canada a décidé qu’il fallait réduire les dépenses dans la fonction publique et prendre les mesures nécessaires pour assurer la réduction globale des coûts. Les économies globales réalisées par l’employeur grâce à l’impartition à Medavie démontrent qu’il s’agissait d’une mesure rentable et judicieuse sur le plan financier, en dépit de ses tristes conséquences.

82 Le SEAC m’a demandé de tirer une conclusion défavorable du fait que M. Hillier a refusé de répondre lorsqu’il lui a été demandé si d’autres possibilités avaient été envisagées pour permettre à l’employeur d’atteindre son objectif de réduire de 10 % les coûts ministériels sans supprimer de postes d’ASC. M. Hillier a refusé de répondre à la question en invoquant le secret du Cabinet. Je ne tire pas de conclusion défavorable de cette réponse – ou de cette absence de réponse –, car il a déclaré qu’un comité avait été chargé, dans le cadre du Plan d’action pour la réduction du déficit, de déterminer différents moyens permettant à ACC de réaliser des économies, lesquels ont ensuite été soumis au Cabinet. Cette situation n’est pas comparable à celle dans AFPC c. Canada, dans laquelle l’employeur a entrepris de réduire le nombre d’employés occupant des postes de durée indéterminée en impartissant les tâches de ces employés (AFPC c. Canada, CAF, page 7; Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, paragraphe 67). En l’espèce, il s’agissait d’une décision stratégique d’instaurer un régime fondé sur des subventions plutôt que sur des demandes d’approbation, ce qui a modifié la nature même des tâches accomplies par les employés (les ASC) dans le cadre du PAAC et a également entraîné une réduction des tâches à exécuter.

83 En résumé, ce grief doit être rejeté, compte tenu de l’absence de contractuels au sens de la clause 1.1.27 de l’Appendice D. Comme l’a fait remarquer l’employeur dans ses observations, les articles 7 et 11.1 de la LGFP confèrent à l’employeur de vastes pouvoirs en ce qui concerne les politiques administratives générales dans la fonction publique fédérale, l’organisation de la fonction publique fédérale, ainsi que la détermination et le contrôle en matière de gestion des ressources humaines de la fonction publique fédérale. En vertu de l’alinéa 7(1)b) de la LGFP, l’employeur détient le pouvoir exclusif sur toutes les questions relatives à « […] l’organisation de l’administration publique fédérale ou de tel de ses secteurs ainsi que la détermination et le contrôle des établissements qui en font partie ». Je souscris à l’observation de l’employeur selon laquelle, dans l’exercice de ce pouvoir, qui comprend le recours à l’impartition, il peut prendre toute mesure qui n’est pas explicitement ou implicitement interdite aux termes de la loi ou de la convention collective (voir par exemple AFPC c. Canada (Commission canadienne des grains); Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Flieger c. Nouveau-Brunswick, à la page 666; Canada c. Alliance de la Fonction publique du Canada, à la page 969). Les limites imposées à ce pouvoir par la convention collective n’ont pas été transgressées en l’espèce.

84 Comme je l’ai déjà mentionné, l’employeur n’a pas réembauché de contractuel pour accomplir des tâches qui auraient pu permettre de nommer des employés excédentaires ou des personnes mises en disponibilité. Aucun employé n’a été déclaré excédentaire ni mis en disponibilité au moment de la modification du contrat de Medavie. Dans toute la mesure du possible, l’employeur ne pouvait pas, dans le contexte économique actuel, continuer de confier à des ASC les tâches imparties à Medavie.

85 Pour tous les motifs qui précèdent, je rends l’ordonnance suivante :

V. Ordonnance

86 Le grief est rejeté.

Le 20 décembre 2013.

Traduction de la CRTFP

Margaret T. A. Shannon,
Arbitre de grief

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