Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L'agent négociateur a contesté la décision de l’employeur de ne pas appliquer l’<<appendice sur le réaménagement des effectifs>> de la convention collective au transfert des employés à Services partagés Canada - la Commission a jugé que le transfert ne correspondait pas à la définition de réaménagement des effectifs contenue dans la convention collective, car la décision de transférer des employés n’avait pas été prise par l’employeur, mais par le gouverneur en conseil - par ailleurs, les décrets précisent que les employés sont simplement passés d’un employeur à un autre. Le grief est rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-03-14
  • Dossier:  569-34-105
  • Référence:  2013 CRTFP 23

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Joseph W. Potter, arbitre de grief

Pour l’agent négociateur:
Amarkai Laryea, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Lesa Brown, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 15 et 30 novembre et le 21 décembre 2012, et le 3 janvier 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1 La présente affaire concerne un grief de principe déposé par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») le 14 novembre 2011 en vertu de l’article 220 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, et de la clause 18.37 de la convention collective signée le 29 octobre 2010 entre l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur ») et l’agent négociateur de l’unité de négociation du groupe Exécution des programmes et des services administratifs (la « convention collective »).

2 Les détails du grief de principe se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

Détails du grief

Au mois d’août 2011, le gouvernement a annoncé la création de Services partagés Canada (SPC) et a transféré les employés de la TI de TPSGC à SPC en date du 4 août 2011.

Comme bon nombre de ministères et organismes, l’Agence du revenu du Canada n’était pas au courant de cette nouvelle initiative. En août, l’ARC n’était même pas certaine si elle allait être touchée. En septembre, il est devenu clair que l’ARC allait transférer certains de ses employés de la TI au nouveau SPC. Certains des employés transférés font partie du groupe professionnel SP de l’AFPC.

Le 5 octobre 2011, l’employeur a confirmé verbalement à Bob Campbell, le président national du SEI, que le transfert de services n’était pas une situation de réaménagement des effectifs. Le 18 octobre, le SEI (Chris Aylward) a communiqué avec le sous-commissaire et DPI, Peter Poulin, pour savoir si l’ARC prévoyait fournir au SEI une liste des noms des employés touchés. Le Syndicat a été informé que les noms des employés qui seront transférés à SPC ne pouvaient être divulgués en raison de questions liées à la protection de la vie privée.

Grief

La position de l’AFPC est que l’employeur, l’Agence du revenu du Canada (ARC), a violé la clause 21.03 de la convention collective et les articles connexes, de même que l’Appendice « C », « APPENDICE SUR LE RÉAMÉNAGEMENT DES EFFECTIFS (ARE) à la CONVENTION COLLECTIVE DE l’AFPC », plus précisément la clause 1.1.9 et les articles connexes, puisqu’elle a :
a.) omis de faire participer sérieusement le Syndicat à la création de Services partagés Canada et au transfert des employés de l’ARC à SPC;
b.) refusé de déclarer une situation de RE;
c.) n’a pas respecté la clause 7.2 de l’Appendice C et d’autres dispositions connexes.

Mesures correctives :

  • L’AFPC demande respectueusement que la Commission :
  • Déclare que l’employeur a violé l’ARE;
  • Ordonne que l’employeur cesse sa violation actuelle de la convention collective;
  • Ordonne que l’employeur rencontre les représentants de l’AFPC au sujet du transfert des employés de l’ARC à Services partagés Canada;
  • Fournisse à l’AFPC toute l’information liée à la situation de RE et à la diversification des modes de prestation des services;
  • Ordonne que l’employeur fasse immédiatement une déclaration publique selon laquelle le transfert des services de technologie de l’information (TI) et des employés de la TI à Services partagés Canada (SPC) constitue une diversification des modes de prestation des services, au sens de la convention collective, plus précisément la Partie VII de l’Appendice sur le réaménagement des effectifs (ARE).
  • Ordonne à l’employeur d’aviser immédiatement l’AFPC conformément à la clause 7.2 de l’Appendice sur le RE de la convention collective de l’AFPC.

L’avis à l’AFPC/SEI comprendra :
1) le programme à l’étude pour une DMPS;
2) la raison de la DMPS;
3) le genre d’approche anticipée (p. ex. transfert à une province, commercialisation).

  • Ordonne à l’employeur de rencontrer l’AFPC régulièrement pour discuter de la situation de RE;
  • Ordonne à l’employeur de constituer immédiatement un comité conjoint sur le réaménagement des effectifs et la diversification des modes de prestation des services (RE‑DMPS) comme le souligne la clause 7.2 de l’ARE à la convention collective de l’AFPC.

Demande à ce que d’autres mesures de redressement que l’AFPC peut demander et que la Commission peut autoriser soient prises.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

II. Résumé de la preuve

3 L’affaire devait être entendue le 11 octobre 2012, mais le 10 octobre 2012, les parties ont demandé que l’affaire soit traitée au moyen d’arguments écrits. J’ai accepté la demande.

4 Un « Énoncé conjoint des faits » a été déposé le 15 novembre 2012. Il se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

1. Les parties sont liées par les modalités de la convention collective conclue entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada et l’Agence du revenu du Canada ─ qui a expiré le 31 octobre 2012. Cette convention collective inclut un appendice sur le réaménagement des effectifs à la convention collective de l’AFPC à l’Appendice C de la convention. (Pièce « A »)

2. L’employeur, l’Agence du revenu du Canada (« ARC »), est un organisme distinct qui figure à l’Annexe V de la Loi sur la gestion des finances publiques. Une copie de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada est incluse comme pièce « B ».

3. Le syndicat, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC »), est une organisation syndicale accréditée pour représenter les employés de l’ARC qui font partie du groupe Exécution des programmes et des services administratifs, qui comprend les employés du Groupe de gestion (MG-SPS) et du Groupe de services et programmes (SP). Le groupe SP a été créé à la suite de la conversion d’anciens groupes professionnels, notamment les groupes PM, AS, CR et DA.

4. Le 4 août 2011, le premier ministre a annoncé la création de Services partagés Canada (SPC) (pièce « C »). Le même jour, Peter Poulin, sous-commissaire et dirigeant principal de l’information de la Direction générale de l’informatique de l’ARC a envoyé un courriel contenant l’annonce à tous les employés de la Direction générale de l’informatique (DGI) (pièce « D »).

5. Le 5 août 2011, l’ARC a réacheminé le courriel de la pièce « C » au Syndicat des employé-e-s de l’impôt (SEI), un élément de l’AFPC (pièce « E »).

6. Le 19 août 2011, M. Poulin a envoyé un courriel au SEI pour lui fournir une mise à jour de l’établissement de SPC (pièce « F »).

7. Le 19 septembre 2011, le SEI a été mis au courant que des séances d’information étaient organisées avec des employés de la DGI. Le SEI a par la suite communiqué avec l’ARC et une téléconférence a été organisée le 21 septembre 2011.

8. Les représentants du SEI et de l’ARC ont participé à la téléconférence du 21 septembre 2011, au cours de laquelle l’ARC a fourni de l’information générale sur le transfert des services de téléphonie, des réseaux de données, des courriels, du centre de données et de la sécurité à SPC.

9. Les représentants de l’ARC et du SEI ont assisté à une réunion du Comité conjoint sur le réaménagement des effectifs le 26 septembre 2011. Le SEI a demandé si l’employeur appliquerait les dispositions relatives à la diversification des modes de prestation des services (DMPS) de l’Appendice sur le réaménagement des effectifs au transfert de la DGI à SPC. L’ARC a répondu qu’elle répondrait à une date ultérieure.

10. Le 29 septembre 2011, Rob Wright, commissaire intérimaire à l’ARC, a envoyé un autre courriel d’information au SEI à propos de SPC. (Pièce « G »)

11. Le 5 octobre 2011, une réunion a été organisée entre les représentants du SEI et l’ARC, y compris Cheryl Fraser, commissaire adjointe à la Gestion des ressources humaines de l’ARC et Bob Campbell, président national du SEI. Durant la réunion, l’ARC a informé le SEI qu’elle fournirait une liste des employés qui seraient transférés à SPC une fois que la liste serait finalisée et approuvée par le commissaire. L’ARC a aussi présenté des ébauches des documents suivants au SEI : Questions et réponses à l’intention des employés de l’Agence du revenu du Canada sur l’établissement de Services partagés Canada, Message proposé du commissaire sur Services partagés Canada et Messages clés (pièces « H »). L’ARC a demandé au SEI de fournir ses commentaires sur les ébauches des documents.

12. Au cours de la réunion du 5 octobre 2011, l’ARC a aussi informé le SEI que les dispositions relatives à la DMPS de l’Appendice sur le RE de la convention collective ne seraient pas appliquées, parce que les employés seraient transférés à SPC en raison d’un décret qui l’emporte sur la convention collective.

13. Le 6 octobre 2011, l’ARC a fourni au SEI les versions révisées de certains des documents provisoires dont il est question au paragraphe 11. Le SEI a été informé que cette information pourrait être communiquée aux vice-présidents régionaux du SEI.

14. Le 18 octobre 2011, Chris Aylward, 1er vice-président national du SEI a communiqué avec Peter Poulin afin d’obtenir une mise à jour sur le moment auquel l’ARC prévoit fournir au SEI la liste des noms des employés qui seront transférés. M. Poulin a indiqué que puisque la liste n’était pas encore finalisée, l’ARC ne pouvait pas la fournir au SEI pour le moment.

15. Le 10 novembre 2011, l’AFPC a déposé un grief de principe en vertu de l’article 220 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (pièce « I »).

16. Par le décret C.P. 2011-1297 prenant effet le 15 novembre 2011, et conformément à l’alinéa 2a) de la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique, certains secteurs de l’ARC ont été transférés à Services partagés Canada. Une copie du décret et une copie de la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique (la « LRTAAP ») sont annexées aux présentes sous les cotes « J » et « K » respectivement.

17. Un règlement entrant en vigueur également au 15 novembre 2011 et pris en application du paragraphe 123(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique a établi que le transfert de certains employés de l’ARC était assujetti aux dispositions relatives aux transferts en bloc du paragraphe 132(1) de la LEFP. Une copie de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et une copie du Règlement sur le transfert de secteurs de l’Agence du revenu du Canada C.P. 2011-1291 sont annexés aux présentes sous les cotes « L » et « M » respectivement.

18. Le 17 novembre 2011, l’ARC a fourni au SEI l’ébauche d’un courriel que Peter Poulin enverrait à tous les employés de la DGI le 18 novembre 2011 (pièce « N »).

19. Le 13 décembre 2011, une réunion a été tenue entre la direction de l’ARC et le SEI afin d’examiner la liste des employés de l’ARC qui seraient transférés à SPC. La liste indiquait qu’environ cent (100) employés de l’ARC du groupe professionnel SP seraient transférés à SPC.

La direction a expliqué que la liste avait été examinée en « consultation restreinte ». Selon le mandat du Comité national de consultation syndicale-patronale de l’ARC, « consultation confinée » signifie que les questions à l’étude ne sont communiquées qu’à certains représentants et qu’elles ne seront divulguées qu’à ces personnes (pièce « O »).

20. Le 21 décembre 2011, l’ARC a confirmé au SEI que la liste des employés transférés à SPC pouvait être communiquée.

21. Le 25 janvier 2012, la commissaire adjointe à la Gestion des ressources humaines, Cheryl Fraser, a rendu la décision du dernier palier relativement au grief de principe (pièce « P »).

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

5 Le 30 novembre 2012, l’agent négociateur a déposé ses arguments écrits, qui se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

Arguments

Questions en litige

Les faits sont présentés dans l’Énoncé conjoint des faits entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) et l’Agence du revenu du Canada (ARC).

L’agent négociateur déclare que la principale question en litige du présent cas est la suivante :

  1. Si les dispositions de l’appendice sur le réaménagement des effectifs (RE) ont été mises à effet pour ainsi déterminer la date d’entrée en vigueur de l’obligation de l’ARC en vertu de l’Appendice C (réaménagement des effectifs) de la convention collective conclue entre l’AFPC et l’ARC pour entamer le processus d’information et de consultation de l’AFPC.

Qu’est-ce qu’une situation de RE?

Le présent grief de principe (pièce « I ») traite de la question centrale qui consiste à savoir s’il existait une situation de réaménagement des effectifs à l’ARC au moment où le grief a été déposé le 10 novembre 2011. Si on estime qu’il n’existait pas de situation de réaménagement des effectifs, il ne peut y avoir violation de l’appendice sur le RE, puisque cet appendice s’applique uniquement dans une situation de réaménagement des effectifs.

L’Appendice C (pièce « A ») de la convention collective définit une situation de réaménagement des effectifs comme suit :

Situation qui se produit lorsque le Commissaire décide que les services d’un ou de plusieurs employé‑e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d’une certaine date en raison d’un manque de travail, de la suppression d’une fonction, de la réinstallation d’une unité de travail à un endroit où l’employé-e ne veut pas être réinstallé ou du recours à un autre mode de prestation des services.

La diversification des modes de prestation des services est définie comme suit :

Transfert de travail, d’une activité ou d’une entreprise à un employeur à l’extérieur de l’ARC.

Quand le Commissaire prend-il une décision?

L’agent négociateur affirme que la décision visant à déterminer quels employés seraient transférés était une décision prise par le Commissaire de l’ARC.

Les organisations fédérales sont groupées sous diverses formes institutionnelles. En vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11), ces diverses formes institutionnelles sont groupées en annexes. L’ARC est classée dans l’Annexe V de la LGFP, qui inclut d’autres organismes distincts. Comme tous les ministères gouvernementaux, les organismes distincts comme l’ARC sont assujettis aux contrôles financiers et budgétaires du gouvernement fédéral.

Bon nombre d’employés de la fonction publique, grâce à leurs conventions collectives respectives, sont protégés par les politiques sur le RE, qui visent à protéger la situation d’emploi des employés nommés pour une période indéterminée en cas de pénurie de travail, par suite de la suppression d’une fonction, en cas de réinstallation ou de diversification des modes de prestation des services. Conformément à la convention collective applicable à l’ARC, une situation de RE se crée « lorsque le Commissaire décide » que certaines fonctions ne sont plus nécessaires.

Le commissaire d’un organisme distinct effectue les politiques du gouvernement et gère son ministère en conséquence. Le Commissaire de l’ARC est le chef opérationnel de l’Agence (pièce « B »). C’est le Commissaire, ou ses délégués, qui a déterminé les postes qui seraient excédentaires à l’ARC à la suite de l’annonce de la création de Services partagés Canada et du transfert prévu de certains services. C’est le Commissaire qui a décidé quels postes et combien de postes seraient transférés au nouveau ministère (voir le paragraphe 11 de l’Énoncé conjoint des faits).

L’agent négociateur soutient que le Commissaire a, en effet, décidé quels employés seraient transférés à Services partagés Canada. Il est tout simplement faux de prétendre que la publication d’un décret prévaut sur le rôle du Commissaire de l’ARC et que la convention collective de l’ARC perd son effet.

Par conséquent, l’agent négociateur fait respectueusement valoir que si l’on conclut que le Commissaire a décidé qu’un ou plusieurs employés deviendraient excédentaires à partir d’une certaine date pour l’une ou l’autre des raisons qui figurent dans la définition du réaménagement des effectifs : pénurie de travail, suppression d’une fonction, réinstallation d’une unité de travail à un endroit où l’employé ne veut pas être réinstallé ou diversification des modes de prestation des services ─ il faut conclure qu’une situation de réaménagement des effectifs existe.

Aperçu de la jurisprudence

Plusieurs décisions de la Commission concernent l’existence d’une situation de réaménagement des effectifs.

Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 23, en raison de l’automatisation de deux sections de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), des emplois ont été supprimés en mars 2002 et en mars 2003 afin d’accroître la productivité.

L’employeur considérait qu’il ne s’agissait pas d’une situation de réaménagement des effectifs emportant obligations aux termes de la convention collective, mais plutôt d’une situation de « changement des effectifs ». Lorsqu’elle a examiné la situation, l’ancienne CRTFP a tiré la conclusion suivante :

[68] […] Il ne fait aucun doute que l’automatisation des deux sections est un changement technologique menant à l’élimination d’emplois afin d’accroître la productivité. L’employeur n’aura plus besoin des services d’un certain nombre de CR-03 en mars 2002, puis de quelques CR-03 de plus en mars 2003. Il s’agissait donc manifestement d’une situation de réaménagement des effectifs.

[…]

[70] La convention collective n’envisage pas, dans un cas de réaménagement des effectifs, de phase considérée comme une situation de « changement des effectifs » au cours de laquelle l’employeur peut agir à son gré avec qui il veut. S’il a des réserves quant à l’application de certaines parties de l’Appendice « E » dans toutes les situations de changement technologique relatives à ses opérations, l’endroit où il peut faire les changements nécessaires, c’est la table de négociation.

À partir de ces déclarations, nous pouvons déterminer certains critères qu’a utilisés la Commission pour conclure qu’il s’agissait clairement d’une situation de RE, même si l’employeur estimait le contraire :

1. Un changement qui a mené à la suppression d’emplois
2. Une date à partir de laquelle les services des employés ne seraient plus nécessaires a été précisée.

La décision dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2004 CRTFP 155 présente plusieurs similarités avec la présente affaire. Par décret, certains secteurs de la Direction générale des opérations de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) ont été transférés à l’Agence des services frontaliers du Canada. La Commission a jugé qu’un décret n’était pas une décision prise par le président de l’ACIA selon laquelle un ou plusieurs employés nommés pour une période indéterminée ne seraient plus requis et, par conséquent, a conclu que l’appendice sur le réaménagement des effectifs ne s’appliquait pas. Une demande de contrôle judiciaire a aussi été rejetée dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada représentée par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (2005 CAF 366). L’agent négociateur distinguera ce cas dans l’analyse ci-dessous.

Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 41, dans le cadre d’un examen pangouvernemental des dépenses, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a dû réduire son budget de 110 millions de dollars. L’ARC a décidé de réduire les coûts de prestation de services à la clientèle grâce à l’élimination progressive, sur plusieurs années, des services de comptoirs pour paiements en espèces. Ainsi, les contribuables pourraient effectuer leurs paiements par voie électronique, par la poste ou par l’intermédiaire de leur institution financière.

L’employeur a affirmé qu’il tenterait de définir les postes et les employés touchés et qu’il analyserait les répercussions de ces réductions. La Commission a déclaré au paragraphe 51 :

[51] […] Une situation de RE se produit lorsque le Commissaire décide que les services d’un ou de plusieurs employé-e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d’une certaine date. Cette définition exige de la certitude de la part du commissaire. Il doit d’abord être certain que les services ne seront plus requis (et non que ces services peuvent ne plus être requis) et, deuxièmement, que ces services ne seront plus requis après une certaine date […]

Et au paragraphe 52, la Commission poursuit en disant :

[52] À mon avis, le texte de l’Appendice sur le RE à la convention collective appuie l’interprétation selon laquelle, avant que ne deviennent applicables les dispositions portant sur l’avis de RE, l’ARC doit avoir pris une décision suffisamment précise pour déterminer les lieux de travail, les postes qui seront touchés et la date à laquelle ces postes seront touchés […]

Ainsi, les critères utilisés par la Commission pour prendre sa décision dans cette affaire est que le Commissaire doit prendre une décision suffisamment précise pour :

  1. Déterminer les lieux de travail;
  2. Déterminer les postes qui seront touchés;
  3. Déterminer la date à laquelle ces postes seront touchés.

Une demande de contrôle judiciaire a été rejetée dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général) (2008 CF 485)

ANALYSE

Il est clair que le transfert des employés de l’ARC à SPC correspond à la définition de la diversification des modes de prestations des services de l’Appendice C de la convention collective :

Transfert de travail, d’une activité ou d’une entreprise à un employeur à l’extérieur de l’ARC.

Dans sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement du grief de principe, l’ARC a affirmé que les dispositions de l’appendice sur le RE de la convention collective ne s’appliquaient pas, parce que le transfert était effectué par décret et non par une décision du Commissaire conformément à l’appendice sur le RE. (Pièce « P »)

La position de l’agent négociateur est qu’il existait une situation de réaménagement des effectifs avant l’entrée en vigueur du décret (pièces « J » et « K »). Après avoir examiné la jurisprudence pertinente, la Commission a élaboré certains critères pour déterminer s’il existe une situation de réaménagement des effectifs. Afin de déterminer s’il existe une situation de réaménagement des effectifs, l’ARC doit prendre une décision qui comprend les éléments suivants :

1. Les lieux de travail;
2. Les postes touchés;
3. La date à laquelle les postes seront touchés.

La jurisprudence établit aussi qu’à eux seuls les faits peuvent déterminer si une décision a été prise, même si aucune décision claire n’a été communiquée par l’employeur.

En raison du transfert d’attributions imminent, le Commissaire devait décider quels employés seraient touchés par le décret. Le 29 septembre 2011, Rob Wright, le Commissaire par intérim de l’ARC, a écrit :

Nous avons travaillé avec SPC afin de préciser les plans de mise en œuvre. Certains employés de l’ARC occupant des postes de TI ou ayant des fonctions ministérielles, principalement dans la région de la capitale nationale et moins dans les autres régions, seront bientôt transférés à SPC. Le processus visant à déterminer les secteurs et les personnes touchés vient tout juste de commencer, et se poursuivra au cours des prochains jours […] Notre objectif est d’assurer une transition en douceur à nos employés, tout en maintenant nos normes de service élevées […] (Pièce « G »)

Le 5 octobre 2011, l’ARC a aussi fourni un document de questions et réponses (pièce « H »). À la page 1 de ce document se trouve la question suivante :

Comment la décision de transférer des postes et des titulaires à la nouvelle organisation sera-t-elle prise? [je souligne]

La réponse donnée semble aussi démontrer que l’ARC déciderait qui serait transféré :

Au cours des prochaines semaines, l’ARC déterminera les ressources et les services internes appropriés qui devront être transférés à SPC.

En appliquant les critères énoncés par la Commission aux faits du cas, l’agent négociateur affirme que la situation de réaménagement des effectifs existait avant l’entrée en vigueur du décret le 15 novembre 2011.

Une situation de réaménagement des effectifs est définie comme suit :

Situation qui se produit lorsque le Commissaire décide que les services d’un ou de plusieurs employé‑e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d’une certaine date en raison d’un manque de travail, de la suppression d’une fonction, de la réinstallation d’une unité de travail à un endroit où l’employé-e ne veut pas être réinstallé ou du recours à un autre mode de prestation des services.

Comme il a été expliqué précédemment, le Commissaire est responsable des ressources humaines en vertu de l’article 51 de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (pièce « B »). L’ARC était chargée de décider quels employés seraient transférés à Services partagés Canada.

La diversification des modes de prestation des services est définie comme suit :

Transfert de travail, d’une activité ou d’une entreprise à un employeur à l’extérieur de l’ARC.

Par conséquent, l’agent négociateur affirme que le Commissaire a décidé que les services d’un ou de plusieurs employés de l’ARC nommés pour une période indéterminée ne seraient plus requis, parce que les employés seraient transférés à Services partagés Canada. Ce transfert peut être décrit comme une diversification des modes de prestation des services. Compte tenu de cela, l’agent négociateur indique qu’il existe une situation de réaménagement des effectifs conformément à la définition du réaménagement des effectifs à l’Appendice C de la convention collective (pièce « A »). Ainsi, la Partie VII de l’Appendice C de la convention collective aurait dû être appliquée, puisqu’il s’agissait d’une initiative de diversification des modes de prestation des services.

Dans un premier temps, appliquons les critères que la Commission a établis afin de déterminer s’il existe un cas de réaménagement des effectifs :

1. Détermination des lieux de travail

Comme il a été mentionné dans la communication du 29 septembre 2011 (pièce « G »), on a déterminé que les employés de l’ARC, principalement dans la région de la capitale nationale et moins dans les autres régions, seraient transférés à Services partagés Canada.

2. Détermination des postes touchés

La communication du 29 septembre 2011 indiquait que les employés de l’ARC occupant un poste en technologie de l’information et ayant une fonction ministérielle seraient transférés à Services partagés Canada.

3. Détermination de la date à laquelle les postes seront touchés

Dans le message proposé du Commissaire sur les Services partagés Canada (pièce « H »), on indique que :

À partir de la date d’entrée en vigueur des décrets, la présidente de Services partagés Canada sera responsable des courriels, des centres de données, des réseaux et de la téléphonie.

En conséquence, la date serait la date d’entrée en vigueur des décrets, qui n’étaient pas en vigueur à ce moment-là.

La principale distinction entre Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence canadienne d’inspection des aliments 2004 CRTFP 155 et la présente affaire est que l’agent négociateur de la présente affaire expose des arguments basés sur des événements qui se sont produits avant l’entrée en vigueur du décret. La situation est plus similaire à celle dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence des douanes et du revenu du Canada 2002 CRTFP 23, puisque les faits et le contexte démontrent qu’il existait une situation de réaménagement des effectifs avant que le Commissaire ne l’annonce et avant que le décret n’entre en vigueur.

Une autre distinction claire à faire entre ces deux cas est que la convention collective du cas précédent ne prévoyait pas une diversification des modes de prestation des services ─ alors que la présente convention collective mentionne la diversification des modes de prestation des services dans la définition du réaménagement des effectifs.

L’importance de déclarer une situation de réaménagement des effectifs repose sur le fait que les actions subséquentes des parties sont réalisées selon les paramètres de l’appendice sur le RE de la convention collective. Cela permet de veiller à ce que tous les employés connaissent leurs droits et leurs obligations, et que l’agent négociateur est en mesure de protéger les droits de ses membres.

Pour tous ces motifs, l’agent négociateur allègue que le grief devrait être accueilli et que la Commission devrait déclarer que l’employeur a violé l’appendice sur le réaménagement des effectifs. De plus, l’agent négociateur suggère que la Commission ordonne toute autre mesure de redressement qu’elle juge appropriée dans l’exercice de ses pouvoirs et conformément aux mesures correctives demandées dans le grief de principe.

L’agent négociateur se réserve le droit de présenter d’autres arguments à la suite de la réponse de l’employeur selon les échéances établies par la Commission.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

B. Pour l’employeur

6 Le 21 décembre 2012, l’employeur a présenté ses arguments écrits et a répondu aux arguments écrits de l’agent négociateur. Ses arguments se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

La présente constitue la réponse de l’employeur aux arguments écrits présentés par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) le 29 novembre 2012 dans l’affaire concernant un grief de principe selon lequel l’Agence du revenu du Canada (ARC) aurait violé les dispositions de l’Appendice C sur le réaménagement des effectifs de la convention collective conclue entre les parties et reproduit en tant que pièce « A » de l’Énoncé conjoint des faits.

L’employeur estime que les dispositions de l’appendice sur le réaménagement des effectifs ne s’appliquaient pas dans la présente affaire, et que, par conséquent, on ne peut affirmer que l’employeur les a violées.

Contexte

Création de Services partagés Canada

Le 4 août 2012, le premier ministre a annoncé la création de Services partagés Canada (SPC), une initiative visant à rationaliser le secteur des technologies de l’information et à trouver des possibilités de réaliser des économies. SPC a été créé pour gérer et transformer l’infrastructure de TI comme les services de courriels, de centre de données et de réseau à l’échelle pangouvernementale.

L’organisme SPC est devenu opérationnel en deux phases. La phase I, lancée le 4 août 2011, a touché uniquement les employés de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). La phase II, lancée le 15 novembre 2011, a touché 43 autres ministères et organismes.

Le 15 novembre 2011, conformément à la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique (LRTAAP), le gouverneur en conseil a transféré certaines fonctions de l’ARC à SPC en publiant le décret reproduit en pièce « J » de l’Énoncé conjoint des faits. En vertu du décret, le contrôle et la supervision de secteurs de l’ARC, plus précisément l’Unité des Services de courriel, de centres de données et du réseau et l’Unité de soutien à l’Unité des Services de courriel, de centres de données et du réseau, ont été transférés à SPC le 15 novembre 2011.

Il est important de noter que le grief de principe a été déposé le 10 novembre 2011, soit avant la publication du décret susmentionné.

Situation des employés

Bien que les dispositions de la LRTAAP ne traitent pas de la situation des employés qui occupent des postes dans les secteurs transférés, elles traitent des dispositions de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) qui concernent précisément la situation d’emploi :

132. (1) Les décrets pris en application de la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique ne changent rien à la situation des fonctionnaires qui, à l’entrée en vigueur de ces décrets, occupaient un poste dans l’administration publique centrale dont la responsabilité a été transférée d’un ministère ou secteur de l’administration publique centrale à un autre ou dans l’un ou l’autre des ministères qui ont été regroupés, à la différence près que, à compter de cette entrée en vigueur, ils occupent le poste dans le ministère ou secteur auquel la responsabilité a été transférée ou dans le ministère qui résulte du regroupement, selon le cas.

(2) En cas de prise d’un décret en application de la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique, le gouverneur en conseil, s’il estime que la mesure sert les intérêts de l’administration publique centrale, peut, par décret pris sur recommandation du Conseil du Trésor, prévoir que des fonctionnaires ou catégories de fonctionnaires qui, à son avis, exercent, en tout ou en partie, des attributions liées à celles des fonctionnaires visés au paragraphe (1) ou des attributions auxiliaires, occuperont, à compter de l’entrée en vigueur de ce dernier décret, leur poste dans le même ministère ou secteur de l’administration publique centrale que les fonctionnaires visés au paragraphe (1).

(3) Dans le présent article, l’administration publique centrale se compose des ministères au sens du paragraphe 2(1), et des secteurs de l’administration publique fédérale figurant à l’annexe IV de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Étant donné que l’ARC est un organisme distinct qui figure à l’Annexe V de la Loi sur la gestion des finances publiques et qui ne fait pas partie de l’administration publique centrale, les dispositions de la LEFP notées précédemment ne s’appliquent pas automatiquement. Le paragraphe 123(1) de la LEFP permet au gouverneur en conseil d’appliquer la LEFP, ou des parties de la LEFP, à toute administration ou partie de celle-ci à l’égard de laquelle elle ne serait normalement pas applicable. Dans la présente affaire, le gouverneur en conseil a exercé son pouvoir en vertu du paragraphe 123(1) pour appliquer, par règlement, l’article 132 à l’ARC. Ce règlement est reproduit en pièce « M » de l’Énoncé conjoint des faits.

L’article 132 de la LEFP établit de façon explicite qu’un décret ordonné en vertu de la LRTAAP ne doit pas être interprété comme un changement de situation d’un employé, sauf qu’à l’entrée en vigueur du décret, l’employé occupe un poste au sein du ministère ou dans un secteur de l’administration publique centrale dont les responsabilités de contrôle et de supervision ont été transférées.

À partir de l’entrée en vigueur du décret, reproduit en pièce « J » de l’Énoncé conjoint des faits, les employés touchés occupaient des postes au sein de SPC. Aucun employé n’a perdu son emploi ni changé de situation d’emploi. Le 15 novembre 2011, ces employés ont continué à occuper les mêmes postes que ceux qu’ils occupaient le 14 novembre 2011, mais dans une autre organisation. Autrement dit, le transfert des employés à SPC a été fait « par effet de la loi ».

Question en litige

La question consiste à déterminer si l’Appendice sur le réaménagement des effectifs (RE) a été mis en application avant le transfert décrit précédemment des employés à SPC le 15 novembre 2011.

Argument

L’Appendice sur le réaménagement des effectifs

L’application de l’Appendice sur le RE dépend d’une décision du Commissaire. Plus précisément, l’application de l’Appendice dépend de l’existence d’une « situation de réaménagement des effectifs ». L’Appendice définit ce terme comme suit :

Réaménagement des effectifs ─ Situation qui se produit lorsque le Commissaire décide que les services d’un ou de plusieurs employé-e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d’une certaine date en raison d’un manque de travail, de la suppression d’une fonction, de la réinstallation d’une unité de travail à un endroit où l’employé-e ne veut pas être réinstallé ou du recours à un autre mode de prestation des services

Cette définition de « réaménagement des effectifs » est claire. Elle établit une condition préalable pour que l’Appendice sur le RE s’applique : le Commissaire de l’ARC doit décider que les services d’un ou de plusieurs employés ne sont plus requis.

La décision en question n’a pas été prise par le Commissaire

La décision en litige est la décision de transférer des employés de l’Unité des Services de courriel, du centre de données et du réseau, et de l’Unité de soutien à l’Unité des Services de courriel, du centre de données et du réseau de l’ARC. La décision de transférer ces employés n’a pas été prise par le Commissaire de l’ARC. En fait, ni la LRTAAP ni la LEFP n’autorisent le Commissaire à prendre une telle décision. Plutôt, la décision a été prise par le gouverneur en conseil conformément à la LRTAAP, comme le prouve le décret de la pièce « J ».

Bien que l’agent négociateur allègue que la décision visant à déterminer quels employés seraient transférés a été prise par le Commissaire de l’ARC comme le prévoit l’Appendice sur le RE, cette position n’est pas appuyée par le libellé de l’Appendice sur le RE lui-même. Plus précisément, il ne s’agit pas d’une décision selon laquelle « les services d’un ou de plusieurs employé-e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d’une certaine date ». En fait, cette situation ne s’appliquait pas à l’affaire qui nous occupe. À aucun moment la Commissaire de l’ARC n’a décidé que les services de quelque employé que ce soit n’étaient plus requis. Comme il est noté précédemment, la décision de transférer des employés de l’ARC à SPC a été prise par le gouverneur en conseil.

L’agent négociateur cite AFPC c. ADRC 2002 CRTFP 23 et AFPC c. ARC 2006 CRTFP [sic] pour appuyer ses déclarations. Toutefois, ces décisions ne s’appliquent pas en l’espèce, puisque la situation de ces deux cas a découlé d’une décision du Commissaire de procéder à une réorganisation interne. Contrairement au présent cas, aucun des deux cas précédents ne concernait une réorganisation pangouvernementale par le gouverneur en conseil conformément à la LRTAAP.

Exécution du décret

L’agent négociateur a soutenu que la décision visant à déterminer quels employés seraient transférés a été prise par le Commissaire de l’ARC et que c’est cette décision qui aurait dû justifier l’application de l’Appendice sur le RE. Si on suit l’argument de l’agent négociateur jusqu’au bout, à supposer que le transfert des employés de l’ARC avait été une « décision » du Commissaire selon laquelle leurs services n’étaient plus requis, le Commissaire aurait aussi eu le pouvoir d’en décider autrement. Dans ce cas, le Commissaire aurait pu décider que le transfert aurait lieu à une date ultérieure, ou qu’il n’aurait pas lieu du tout. Cela n’est clairement pas le cas, puisque le Commissaire n’avait aucun pouvoir ni autorité pour prendre ce type de décision.

L’employeur ne conteste pas qu’il était au courant du transfert proposé avant l’entrée en vigueur du décret le 15 novembre 2011 et qu’il avait fait des efforts pour rationaliser le processus afin de minimiser les répercussions du transfert. Les pièces « E », « F », « G », « H », « N », « O » et « P » de l’Énoncé conjoint des faits démontrent les efforts qu’a déployés l’employeur pour communiquer de l’information à l’agent négociateur et pour travailler avec lui afin de minimiser les répercussions sur les employés tant avant qu’après l’entrée en vigueur du décret le 15 novembre 2012. Cependant, le fait que l’employeur connaissait l’intention du gouverneur en conseil n’équivaut pas à prendre une « décision » en vertu de l’Appendice sur le RE.

Le fait que l’employeur ait préparé, interprété et appliqué le décret, et qu’il ait déterminé les employés touchés ne constitue pas une « décision » prise par le Commissaire selon laquelle les services des employés ne sont plus requis, situation qui mettrait en application l’Appendice sur le RE. Plus précisément, la décision du gouverneur en conseil de transférer des employés à SPC ne doit pas être confondue avec les efforts qu’a déployés l’employeur pour mettre en œuvre le décret en identifiant les employés et les postes touchés. À titre d’administrateur général, le rôle du Commissaire est d’exécuter le décret. Il partage cette responsabilité avec le président ou la présidente de SPC. Ce faisant, aucun des deux administrateurs généraux ne prend une « décision » en vertu de l’Appendice sur le RE.

Dans AFPC c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), la Cour d’appel fédérale a jugé que les dispositions de la convention collective ne s’appliquaient pas, parce que le président de l’ACIA n’avait pas pris la « décision » de transférer les employés. Elle a jugé que la décision de regrouper diverses fonctions gouvernementales sous l’autorité de l’ASFC avait été prise par le gouverneur en conseil aux termes de la LRTAAP. En réponse à l’argument de l’AFPC selon lequel le président était la personne qui avait décidé quelles seraient les personnes touchées par ce transfert, la Cour a déterminé que le décret a eu pour effet de transférer toutes les personnes exerçant les attributions mentionnées dans le décret et que le président a simplement donné effet à la décision du gouverneur en conseil (paragraphes 25 à 27).

Object de l’Appendice sur le RE

L’agent négociateur a aussi indiqué que le transfert des employés de l’ARC à SPC correspond à la définition de la diversification des modes de prestation des services (DMPS) de la Partie VII de l’Appendice sur le RE. Cependant, il est important de noter que la Partie VII de l’Appendice sur le RE ne constitue qu’une partie de l’Appendice et qu’elle doit être considérée et interprétée dans ce contexte.

L’employeur soutient qu’il ne s’agissait pas d’une DMPS. Un examen des dispositions de la Partie VII confirme cette position. Les paragraphes 7.2.1, 7.2.2, 7.3.2, 7.4.1, 7.5.1, 7.5.2, 7.7, 7.9.1 et 7.9.2 de la Partie VII traitent des employés qui reçoivent des offres d’emploi ou des offres d’emploi raisonnables. Toutefois, comme il a été mentionné précédemment, dans ces circonstances, les employés étaient considérés comme des employés de SPC au moment du transfert en raison de l’application de l’article 132 de la LEFP. De plus, le paragraphe 7.5.4 de la Partie VII indique qu’un employé qui accepte une offre d’emploi d’un nouvel employeur verra son emploi prendre fin à la date du transfert. Il est clair que l’exigence de mettre fin à l’emploi d’un employé de l’ARC et de l’affecter à un poste à SPC irait à l’encontre de l’objet de l’article 132 de la LEFP.

Un examen des dispositions de la Partie VII indique que les dispositions sont inexorablement liées au reste de l’Appendice sur le RE, tout comme la DMPS dépend d’une décision du Commissaire de l’ARC. Ainsi, pour que la Partie VII ou toute autre disposition de l’Appendice s’applique, il doit exister une « situation de réaménagement des effectifs ».

Dans les circonstances de la présente affaire, il n’existait aucune situation de réaménagement des effectifs avant l’entrée en vigueur du décret le 15 novembre 2011, ni au moment de son entrée en vigueur. S’il n’existait aucune situation de réaménagement des effectifs, il ne peut y avoir de diversification des modes de prestation des services.

Conclusion

L’employeur demande respectueusement que le grief de principe soit rejeté.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original, la version anglaise des lois a été omise]

C. Réfutation de l’agent négociateur

7 Le 3 janvier 2013, l’agent négociateur a présenté ses arguments en réfutation. Il a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Ce qui suit est la réfutation de l’agent négociateur aux arguments écrits de l’employeur datés du 20 décembre 2012. L’agent négociateur s’appuie principalement sur ses arguments du 29 novembre 2012, mais il souhaite apporter certaines précisions en fonction des arguments de l’employeur.

Situation des employés

L’employeur affirme qu’à l’entrée en vigueur du décret, les employés occupaient des postes à Services partagés Canada (SPC). Il indique aussi qu’aucun employé n’avait perdu son emploi ni changé de situation d’emploi.

Néanmoins, l’agent négociateur soutient que le changement qui s’est produit est que les employés touchés n’étaient plus des employés de l’ARC. Autrement dit, leurs services n’étaient plus requis à l’ARC en raison d’une pénurie de travail. Cette pénurie de travail découlait du transfert de certaines attributions de l’ARC à SPC.

L’employeur déclare aussi que la décision du gouverneur en conseil de transférer les employés à SPC ne doit pas être confondue avec les efforts qu’a déployés l’employeur pour mettre en œuvre le décret en identifiant les employés et les postes touchés. Même si le Commissaire n’avait pas déterminé que le transfert d’attributions devait avoir lieu, le Commissaire a décidé quels employés seraient touchés par le fait que l’ARC ne serait plus chargée de certaines fonctions. Étant donné que les employés de l’ARC n’ont pas tous été touchés, le fait de décider quels employés seraient touchés était extrêmement important.

Décision du Commissaire

L’employeur distingue les décisions dans AFPC c. ADRC 2002 CRTFP 23 et AFPC c. ARC 2006 CRTFP 41 en affirmant que ces décisions ne s’appliquent pas à la présente affaire, puisque la situation de ces deux cas découle d’une décision du Commissaire de procéder à une réorganisation interne.

Cependant, ce qu’il faut retenir des deux cas précédents, c’est qu’il peut exister une situation de réaménagement des effectifs même si le Commissaire n’a pas explicitement décidé et déclaré qu’il s’agissait d’un tel cas. Un examen du contexte et de la situation peut mener à la même conclusion qu’il existe une situation de réaménagement des effectifs.

De plus, nous maintenons respectueusement que la Commission devrait examiner le moment auquel se sont produits les événements de la présente affaire. Le grief de principe a été déposé avant l’entrée en vigueur du décret. Par conséquent, la Commission devrait examiner le contexte et la situation de ce moment-là. L’agent négociateur maintient respectueusement que, le 10 novembre 2011, le contexte et la situation étaient tels qu’il existait une situation de réaménagement des effectifs.

[…]

IV. Motifs

8 Le présent cas concerne une violation alléguée de la convention collective et de son Appendice sur le réaménagement des effectifs. Personne ne conteste que l’Appendice fasse partie de la convention collective. La définition du réaménagement des effectifs (Onglet A, Énoncé conjoint des faits) se lit comme suit :

- Situation qui se produit lorsque le Commissaire décide que les services d’un ou de plusieurs employé-e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d’une certaine date en raison d’un manque de travail, de la suppression d’une fonction, de la réinstallation d’une unité de travail à un endroit où l’employé-e ne veut pas être réinstallé ou du recours à un autre mode de prestation des services.

9 L’article 1.1.5 de l’Appendice sur le réaménagement des effectifs se lit comme suit :

1.1.5 Lorsque le Commissaire conclut que les services d’un employé-e ne seront plus requis après une certaine date en raison d’un manque de travail ou de la suppression d’une fonction, il en informe ledit employé-e par écrit.

[…]

10 Selon l’Énoncé conjoint des faits, [traduction] « [l]e 4 août 2011, le premier ministre a annoncé la création de Services partagés Canada (SPC) […] ».

11 Le paragraphe 17 de l’Énoncé conjoint des faits stipule que certains employés de l’employeur étaient jugés comme étant assujettis aux dispositions relatives aux transferts en bloc de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP), édictée par les articles 12 et 13 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique en raison du Règlement sur le transfert de secteurs de l’Agence du revenu du Canada, DORS/2011‑246. Cela signifie que l’on a jugé que la situation de ces employés n’était pas touchée par leur transfert à Services partagés Canada.

12 Le paragraphe 16 de l’Énoncé conjoint des faits indique que certains secteurs de l’employeur ont été transférés à Services partagés Canada (SPC) en date du 15 novembre 2011 en raison du Décret transférant à Services partagés Canada la responsabilité à l’égard de certains secteurs de l’administration publique fédérale de chaque ministère ou secteur de l’administration publique fédérale connus sous les noms d’Unité des Services de courriel, de centres de données et du réseau et d’Unité de soutien à l’Unité des Services de courriel, de centres de données et du réseau (TR/2011-95). Le décret se lit en partie comme suit :

[…]

Sur recommandation du premier ministre et en vertu de l’alinéa 2a) de la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique, Son Excellence le Gouverneur général en conseil transfère à Services partagés Canada la responsabilité à l’égard des secteurs ci-après de l’administration publique fédérale qui font partie de chaque ministère ou secteur de l’administration publique fédérale visé à l’annexe ci-jointe et qui sont connus sous les noms suivants :

  1. Unité des Services de courriel, de centres de données et du réseau;
  2. Unité de soutien à l’Unité des Services de courriel, de centres de données et du réseau.

[…]

[J’omets les renvois]

Autrement dit, le 14 novembre 2011 (le jour précédant la date du transfert des employés touchés), les employés touchés étaient des employés de l’employeur. Le 15 novembre 2011, ces mêmes employés sont devenus des employés de SPC en vertu du décret. Les services des employés étaient toujours requis; ils sont simplement passés de l’employeur – l’Agence du revenu du Canada – à un autre employeur – le Conseil du Trésor (SPC).

13 Néanmoins, l’agent négociateur a affirmé que l’employeur n’avait pas appliqué les dispositions de l’Appendice sur le réaménagement des effectifs, et a demandé qu’une mesure de redressement appropriée soit prise.

14 L’agent négociateur invoque Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 23 et Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 41, pour appuyer sa position. L’employeur affirme que :

[…]

[…] ces décisions ne s’appliquent pas au cas en l’espèce, puisque la situation de ces deux cas a découlé d’une décision du Commissaire de procéder à une réorganisation interne. Contrairement au présent cas, aucune des deux cas précédents ne concernait une réorganisation pangouvernementale par le gouverneur en conseil conformément à la LRTAAP.

[…]

Je suis d’accord avec la position de l’employeur en ce qui concerne ces deux cas cités par l’agent négociateur. Dans les deux cas, le Commissaire a pris la décision de procéder à une réorganisation, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire. En effet, j’estime que la situation en l’espèce est très similaire, sinon identique à celle dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2004 CRTFP 155.

15 Dans 2004 CRTFP 155, au paragraphe 3, un énoncé conjoint des faits est exposé. Il se lit en partie comme suit :

[…]

4. Le 12 décembre 2003, au moyen du décret 2003-2065, TR/2003-217 et conformément à la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique, certains secteurs de la Direction générale des opérations de l’Agence canadienne d’inspection des aliments ont été transférés à l’Agence des services frontaliers du Canada (« l’ASFC »). L’ASFC est un secteur de l’administration publique dont le Conseil du Trésor est l’employeur. Une copie du décret et une copie de la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique (« la LRTAAP ») sont annexées aux présentes, sous les cotes « D » et « E » respectivement.

5. Le 12 décembre 2003 également, un règlement pris en application de l’alinéa 36(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique établissait que le transfert à l’ASFC des employés de la Direction générale des opérations de l’ACIA qui assurent des services d’inspection de première ligne des voyageurs et des produits importés dans les aéroports et aux autres postes frontaliers canadiens, à l’exclusion des centres de service à l’importation, était assujetti aux dispositions relatives aux transferts en bloc des paragraphes 37.3(1) et (2) de la LEFP. Une copie de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et une copie du Règlement sur le transfert de secteurs de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, DORS/2003-430, sont annexées aux présentes, sous les cotes « F » et « G » respectivement.

6. Le 12 décembre 2003, environ 90 inspecteurs temporaires et nommés pour une période indéterminée de l’ACIA compris dans les catégories professionnelles PM et EG ont cessé d’être des employés de l’ACIA et sont devenus des employés du Conseil du Trésor.

[…]

10. Le même jour, un courriel a été envoyé aux inspecteurs visés par le transfert pour leur fournir des précisions sur la création de l’ASFC. Il y était indiqué que les activités directement reliées aux services d’inspection de première ligne des voyageurs et des produits importés comme les animaux, les plantes et les aliments (à l’exclusion des tâches accomplies dans les centres de service à l’importation) étaient transférées à l’ASFC. La majorité des employés visés par cette mesure assurent les services aux postes frontaliers ainsi que dans les aéroports et les ports maritimes. Un autre courriel a été envoyé le même jour à tous les employés de l’ACIA pour les informer du transfert. Il se doublait en outre d’une série de questions et réponses. Une copie type des courriels de M. Richard B. Fadden aux employés et une copie des questions et réponses sont annexées aux présentes, sous la cote « I ».

11. La création de l’ASFC et la décision d’y transférer certaines attributions de l’ACIA, et par ricochet, des fonctions exécutées par ses employés, a été prise par la gouverneure générale en conseil, sur la recommandation du premier ministre. Le président de l’ACIA ou ses fondés de pouvoir ont été appelés à dresser la liste des postes et des particuliers visés par la mesure afin de déterminer quels fonctionnaires cessaient d’être des employés de l’ACIA le 12 décembre 2003 et devenaient des employés de l’ASFC.

12. Avant le 12 décembre 2003, le président ou ses fondés de pouvoir ont dressé la liste des postes qui devaient être transférés à l’ASFC. Les employés concernés ont été informés par courriel et au moyen d’une lettre, le 12 décembre 2003, que leur poste était transféré de l’ACIA à l’ASFC.

13. Que ce soit avant ou après le 12 décembre 2003, l’ACIA n’a tenu aucune consultation avec l’AFPC, en dépit des modalités des articles 1.13 et 1.1.10 de la Partie I ou de l’article 2.1 de la Partie II de la Politique sur la transition en matière d’emploi. Les raisons de l’absence de consultation, à savoir que le transfert ne déclenchait pas l’application de la PTME, ont été communiquées au président du Syndicat de l’agriculture (« le SA »), M. Yves Ducharme, ainsi qu’à d’autres représentants du SA, comme M. Bob Kingston, premier vice-président exécutif national du SA.

[…]

La « PTME » renvoie à un document intitulé « Politique sur la transition en matière d’emploi ». Ce document semble être le précurseur de l’appendice sur le réaménagement des effectifs, puisqu’il définit la « transition en matière d’emploi » comme suit :

Situation qui se produit lorsque le président ou la présidente décide que les services d’un-e ou de plusieurs employé-e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d’une certaine date en raison d’un manque de travail ou de la cessation d’une fonction à l’Agence. Les raisons pour lesquelles de telles situations se produisent comprennent, sans s’y limiter, les raisons indiquées ci-dessus, sous la rubrique « Politique ».

Les motifs de l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique sont énoncés à partir du paragraphe 10, comme suit :

[10] Pour statuer sur le présent renvoi, je dois d’abord décider si la décision de la gouverneure générale en conseil, le 12 décembre 2003, de transférer certains postes de l’ACIA à la nouvelle ASFC a entraîné l’application des dispositions de la PTME. Je conviens avec l’employeur qu’il s’agit d’une question préliminaire sur laquelle la Commission doit se prononcer.

[11] Les dispositions de la PTME sont claires et sans équivoque. Il y a une mesure de transition en matière d’emploi « lorsque le président ou la présidente décide que les services d’un ou de plusieurs employé-e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d’une certaine date en raison d’un manque de travail ou de la cessation d’une fonction de l’Agence ».

[12] La décision de transférer des postes de l’ACIA à l’ASFC a été prise par la gouverneure générale en conseil sur la recommandation du premier ministre du Canada (onglet D de l’énoncé conjoint des faits).

[13] Le fait que le président de l’ACIA puisse avoir participé aux discussions entourant l’exécution du décret n’enlève rien au fait que ce n’est pas lui qui a pris la décision de transférer les postes. Je partage le point de vue de l’employeur lorsqu’il déclare que [traduction] « [l]e fait d’exécuter le décret et de dresser la liste des employés visés par celui-ci ne constitue pas une « décision » du président que les services ne sont plus requis. »

[14] Pour ce qui touche la validité du règlement censé faire en sorte que les dispositions de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique relatives aux « transferts en bloc » s’appliquent aux faits de l’affaire qui nous occupe (onglet G de l’énoncé conjoint des faits), je ne trouve rien dans les documents portés à ma connaissance qui me permettrait de conclure que ce règlement est invalide.

[15] L’alinéa 36(1)b) de la LEFP autorise expressément le gouverneur en conseil à prendre des règlements ayant pour effet d’« étendre la portée de tout ou partie des dispositions de la présente loi, […] à tout secteur de la fonction publique – ou partie de celui-ci – où ces dispositions ne sont pas applicables ». Or, par définition, la fonction publique englobe tous les ministères ou secteurs de l’administration publique du Canada mentionnés dans les parties I et II de l’annexe I de la LRTFP. Je conviens avec l’employeur que les mots « nonobstant toute autre loi » à l’alinéa 36(1)b) de la LEFP [traduction] « sont simplement un moyen législatif d’empêcher qu’un règlement pris en application de l’alinéa 36(1)b) soit contesté au motif qu’il invalide une autre loi. ».

[…]

En conséquence, le renvoi a été rejeté, mais l’affaire a été renvoyée à la Cour d’appel fédéral aux fins de contrôle judiciaire.

16 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2005 CAF 366, la Cour d’appel fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire qu’avait déposée l’agent négociateur pour contester 2004 CRTFP 155, en affirmant ce qui suit :

[…]

[23] Cela dit, j’estime que, quelle que soit la norme retenue, la Commission avait le pouvoir discrétionnaire de statuer que la PTME ne s’appliquait pas au transfert d’employés de l’ACIA à l’ASFC. Comme la demanderesse l’a elle-même reconnu, le principal objet de la PTME est de réduire les répercussions des pertes d’emploi. En l’espèce, aucun employé n’a perdu son emploi à la suite du décret en conseil, vu que tous les employés concernés étaient réputés être des employés de l’ASFC au 12 décembre 2003 (PTME, dossier de la demanderesse, volume I, onglet 2, à la page 105).

[24] Plus important encore, une mesure de « transition en matière d’emploi » est définie dans la PTME de la convention collective de la façon suivante :

situation qui se produit lorsque le président ou la présidente décide que les services d’un ou de plusieurs employé-e-s nommé-e-s pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d’une certaine date en raison d’un manque de travail ou de la cessation d’une fonction à l’Agence. Les raisons pour lesquelles de telles situations se produisent comprennent, sans s’y limiter, les raisons indiquées ci-dessus, sous la rubrique Politique. [Non souligné dans l’original.]

[25] En l’espèce, le président de l’ACIA n’a rien décidé. La décision de regrouper diverses fonctions gouvernementales sous l’autorité de l’ASFC a été prise par le gouverneur en conseil aux termes de la LRTAAP.

[26] L’avocat de la demanderesse a reconnu que le décret avait eu pour effet de transférer certaines attributions, mais il soutenait que le président était la personne qui avait décidé quelles seraient les personnes touchées par ce transfert. Avec le respect que je lui dois, le décret a eu pour effet de transférer toutes les personnes exerçant les attributions mentionnées dans le décret et que le président a simplement donné effet à cette décision.

[27] Les dispositions en matière de transfert en bloc de la LEFP précisent clairement qu’un décret adopté aux termes de la LRTAAP ne modifie pas le statut des employés, à part le fait que l’employé est désormais réputé occuper un poste dans le nouveau ministère. Il en résulte que la Commission était tout à fait justifiée de juger, à titre préliminaire, que les circonstances ne répondaient pas à la définition de « transition en matière d’emploi » que l’on retrouve dans la PTME.

[28] Je rejetterais la demande avec dépens en faveur de la défenderesse.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

17 Dans des arguments écrits produits relativement à la présente affaire, l’agent négociateur a reconnu qu’il existait beaucoup de similarités entre 2004 CRFTP 155 et l’affaire dont je suis saisi, mais il a tenté de les distinguer. Il a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La principale distinction entre Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence canadienne d’inspection des aliments 2004 CRTFP 155 et la présente affaire est que l’agent négociateur de la présente affaire expose des arguments basés sur des événements qui se sont produits avant l’entrée en vigueur du décret. La situation est plus similaire à celle dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence des douanes et du revenu du Canada 2002 CRTFP 23, puisque les faits et le contexte démontrent qu’il existait une situation de réaménagement des effectifs avant que le Commissaire ne l’annonce et avant que le décret n’entre en vigueur.

Une autre distinction claire à faire entre ces deux cas est que la convention collective du cas précédent ne prévoyait pas une diversification des modes de prestation des services ─ alors que la présente convention collective mentionne la diversification des modes de prestation des services dans la définition du réaménagement des effectifs.

L’importance de déclarer une situation de réaménagement des effectifs repose sur le fait que les actions subséquentes des parties sont réalisées selon les paramètres de l’appendice sur le RE de la convention collective. Cela permet de veiller à ce que tous les employés connaissent leurs droits et leurs obligations, et que l’agent négociateur est en mesure de protéger les droits de ses membres.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

Bien que je sois d’accord avec les arguments de l’agent négociateur selon lesquels il existe des différences entre 2004 CRTFP 155 et l’affaire dont je suis saisi, je ne suis pas d’accord avec le fait que ces différences sont importantes. À mon avis, la principale raison pour laquelle l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a rejeté 2004 CRTFP 155est que « [l]a décision de transférer des postes de l’ACIA à l’ASFC a été prise par la gouverneure générale en conseil sur la recommandation du premier ministre du Canada […] » : voir le paragraphe 12. En appel, la Cour d’appel fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire en indiquant ce qui suit au paragraphe 26 de 2005 CAF 366 :

[26] […] Avec le respect que je lui dois, le décret a eu pour effet de transférer toutes les personnes exerçant les attributions mentionnées dans le décret et que le président a simplement donné effet à cette décision.

La Cour d’appel fédérale a aussi noté ce qui suit au paragraphe 23 :

[23] […] En l’espèce, aucun employé n’a perdu son emploi à la suite du décret en conseil, vu que tous les employés concernés étaient réputés être des employés de l’ASFC au 12 décembre 2003 […]

La Cour d’appel fédérale a également écrit ce qui suit au paragraphe 27 :

[27] Les dispositions en matière de transfert en bloc de la LEFP précisent clairement qu’un décret adopté aux termes de la LRTAAP ne modifie pas le statut des employés, à part le fait que l’employé est désormais réputé occuper un poste dans le nouveau ministère. Il en résulte que la Commission était tout à fait justifiée de juger, à titre préliminaire, que les circonstances ne répondaient pas à la définition de « transition en matière d’emploi » que l’on retrouve dans la PTME.

18 Les mêmes éléments critiques se trouvent dans le cas que je dois trancher. Dans ses arguments écrits, l’employeur indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’article 132 de la LEFP établit de façon explicite qu’un décret ordonné en vertu de la LRTAAP ne doit pas être interprété comme un changement de situation d’un employé, sauf qu’à l’entrée en vigueur du décret, l’employé occupe un poste au sein du ministère ou dans un secteur de l’administration publique centrale dont les responsabilités de contrôle et de supervision ont été transférées.

À partir de l’entrée en vigueur du décret, reproduit en pièce « J » de l’Énoncé conjoint des faits, les employés touchés occupaient des postes au sein de SPC. Aucun employé n’a perdu son emploi ni changé de situation d’emploi. Le 15 novembre 2011, ces employés ont continué à occuper les mêmes postes que ceux qu’ils occupaient le 14 novembre 2011, mais dans une autre organisation. Autrement dit, le transfert des employés à SPC a été fait « par effet de la loi ».

[…]

Ainsi, dans le présent cas, aucun employé n’a perdu son emploi en raison du décret, étant donné que tous les employés touchés sont devenus des employés de SPC en date du 15 novembre 2011.

19 Une autre similarité importante entre les conclusions de la Cour d’appel fédérale dans 2005 CAF 366 et le présent cas concerne l’application de l’article 132 de la LEFP. Cet article traite des « transferts en bloc » et indique ce qui suit :

132. (1) Les décrets pris en application de la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique ne changent rien à la situation des fonctionnaires qui, à l’entrée en vigueur de ces décrets, occupaient un poste dans l’administration publique centrale dont la responsabilité a été transférée d’un ministère ou secteur de l’administration publique centrale à un autre ou dans l’un ou l’autre des ministères qui ont été regroupés, à la différence près que, à compter de cette entrée en vigueur, ils occupent le poste dans le ministère ou secteur auquel la responsabilité a été transférée ou dans le ministère qui résulte du regroupement, selon le cas.

(2) En cas de prise d’un décret en application de la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique, le gouverneur en conseil, s’il estime que la mesure sert les intérêts de l’administration publique centrale, peut, par décret pris sur recommandation du Conseil du Trésor, prévoir que des fonctionnaires ou catégories de fonctionnaires qui, à son avis, exercent, en tout ou en partie, des attributions liées à celles des fonctionnaires visés au paragraphe (1) ou des attributions auxiliaires, occuperont, à compter de l’entrée en vigueur de ce dernier décret, leur poste dans le même ministère ou secteur de l’administration publique centrale que les fonctionnaires visés au paragraphe (1).

(3) Dans le présent article, l’administration publique centrale se compose des ministères au sens du paragraphe 2(1), et des secteurs de l’administration publique fédérale figurant à l’annexe IV de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Comme l’a noté l’employeur dans ses arguments écrits :

[Traduction]

[…]

Étant donné que l’ARC est un organisme distinct qui figure à l’Annexe V de la Loi sur la gestion des finances publiques et qui ne fait pas partie de l’administration publique centrale, les dispositions de la LEFP notées précédemment ne s’appliquent pas automatiquement. Le paragraphe 123(1) de la LEFP permet au gouverneur en conseil d’appliquer la LEFP, ou des parties de la LEFP, à toute administration ou partie de celle-ci à l’égard de laquelle elle ne serait normalement pas applicable. Dans la présente affaire, le gouverneur en conseil a exercé son pouvoir en vertu du paragraphe 123(1) pour appliquer, par règlement, l’article 132 à l’ARC. Ce règlement est reproduit en pièce « M » de l’Énoncé conjoint des faits.

[…]

Il n’y a aucun doute que l’article 132 de la LEFP s’applique aux employés transférés à SPC. Effectivement, la Cour d’appel fédérale a jugé dans 2005 CAF 366 que les dispositions relatives aux transferts en bloc de la LEFP s’appliquaient aux employés de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, et que la définition de « transition en matière d’emploi » ne s’appliquait pas.

20 De plus, le fait que dans le présent cas le Commissaire de l’employeur n’ait pas pris la décision de transférer les employés et que le transfert ait été effectué par décret m’amène à conclure que la définition de « réaménagement des effectifs » ne s’applique pas. L’agent négociateur a allégué que [traduction] « […] il existait une situation de réaménagement des effectifs avant l’entrée en vigueur du décret […] » Je ne suis pas d’accord avec cette position. J’ai conclu que la définition de « réaménagement des effectifs » ne s’appliquait pas, c’est pourquoi il ne pouvait exister une situation de réaménagement des effectifs à quelque moment que ce soit, ni avant ni après l’entrée en vigueur du décret.

21 Je note que l’appendice sur le réaménagement des effectifs contient l’objectif suivant :

[…]

L’ARC a pour politique d’optimiser les possibilités d’emploi pour les employé-e-s nommés pour une période indéterminée en situation de réaménagement des effectifs, en s’assurant que, dans toute la mesure du possible, on offre à ces employé-e-s d’autres possibilités d’emploi. On ne devrait toutefois pas considérer que le présent appendice assure le maintien dans un poste en particulier, mais plutôt le maintien d’emploi.

[…]

Je trouve intéressant de constater que, même si j’ai jugé que l’Appendice sur le réaménagement des effectifs ne s’applique pas à la situation, l’objectif de l’Appendice a été non seulement atteint, mais dépassé. Tous les employés ont conservé le même emploi.

22 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

23 Le grief de principe est rejeté.

Le 14 mars 2013.

Traduction de la CRTFP

Joseph W. Potter,
arbitre de grief

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