Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
La plaignante était insatisfaite des actions d’un représentant de son agent négociateur lors de la médiation d’un certain nombre de ses griefs - elle était également insatisfaite du fait que les représentants de son agent négociateur aient refusé de présenter un grief contestant la mauvaise foi de l’employeur à la suite de l’échec de la médiation - elle a présenté une plainte alléguant que son agent négociateur avait manqué à son devoir de représentation équitable - la plaignante a présenté une note médicale pour justifier son absence à l’audience et a demandé expressément que l’audience de sa plainte ne soit pas reportée - comme elle a demandé que l’audience ne soit pas reportée et qu’elle n’a pas présenté des éléments de preuve démontrant un fondement factuel pour appuyer son allégation voulant que les défendeurs aient agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi, la formation de la Commission a conclu que la plaignante avait abandonné sa plainte. Plainte rejetée.
Contenu de la décision
Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique
- Date: 2013-02-25
- Dossier: 561-02-540
- Référence: 2013 CRTFP 17
Devant une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique
ENTRE
K. JOY THEAKER
plaignante
et
SYNDICAT DES EMPLOYÉS DU SOLLICITEUR GÉNÉRAL ET ALLIANCE DE LA
FONCTION PUBLIQUE DU CANADA
défendeurs
Répertorié
Theaker c. Syndicat des employés du Solliciteur général et Alliance de la Fonction publique du Canada
Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique
MOTIFS DE DÉCISION
les 9 et 10 janvier 2013.
(Traduction de la CRTFP)
I. Plainte devant la Commission
1 Le 6 décembre 2011, K. Joy Theaker (la « plaignante ») a déposé une plainte contre les défendeurs : le Syndicat des employés du Solliciteur général et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC). Dans sa plainte, la plaignante allègue que les défendeurs ont manqué à leur devoir de représentation équitable en refusant de tenter de régler huit griefs qu’elle avait présentés contre son employeur, et en refusant de présenter un autre grief, cette fois alléguant la mauvaise foi de l’employeur à la suite d’une séance de médiation infructueuse.
2 La plainte a été déposée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), qui se lit comme suit :
190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :
[…]
g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.
L’article 185 de la Loi définit une pratique déloyale comme étant tout ce qui est interdit par le paragraphe 186(1) ou (2), l’article 187 ou 188, ou le paragraphe 189(1). La disposition de la Loi visée par l’article 185 qui s’applique à la présente plainte est l’article 187. Cette disposition se lit comme suit :
187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.
L’article 187 a été essentiellement adopté afin d’astreindre les organisations syndicales et leurs représentants à un devoir de représentation équitable; la plaignante allègue que les défendeurs ont manqué à ce devoir envers elle en raison de leur refus de régler ses griefs et de déposer une nouvelle plainte de mauvaise foi contre son employeur à la suite d’une séance de médiation infructueuse.
II. Audience
3 Dans leur réplique écrite à la plainte, et à l’audience, les défendeurs ont soulevé des objections préliminaires, que j’ai examinées au début de l’audience. Pour l’essentiel, j’ai réservé ma décision relativement aux objections préliminaires et indiqué aux parties que j’entendrais la plainte sur le fond. Lorsque la plaignante a été invitée à exposer ses arguments peu après la pause du repas du midi, elle a indiqué qu’elle n’était pas prête à le faire, se sentant quelque peu dépassée par l’ampleur du processus. À sa demande, j’ai donc reporté l’audience au lendemain matin de manière qu’elle dispose du reste de la journée et de la soirée pour terminer ses préparatifs.
4 Vers 20 h 40 ce soir-là, la plaignante a transmis par télécopieur à l’agent du greffe de la Commission affecté au dossier une note médicale. La note était datée du 8 janvier 2013, soit avant la date du début de l’audience, et était libellée comme suit :
[Traduction]
Madame, Monsieur,
La présente est pour vous aviser que Mme Karen Theaker pourrait devoir s’absenter durant l’audience si son anxiété l’empêche de continuer, au cours de la période du 9 au 11 janvier 2013. Merci.
5 Deux heures plus tard, vers 22 h 46, le 9 janvier 2013, la plaignante a envoyé un courriel à l’agent du greffe de la Commission affecté au dossier dans lequel elle indique que, [traduction] « pour des raisons médicales », elle n’était pas en mesure de poursuivre sa plainte. Elle a ajouté qu’elle comprenait que son absence pouvait entraîner le rejet de sa plainte, et estimait que le fait de demander un ajournement des procédures ne ferait que retarder davantage la résolution de ses griefs en instance contre son employeur. La plaignante a demandé spécifiquement que sa plainte [traduction] « ne soit pas ajournée ».
6 J’ai pris connaissance de la note et du courriel précités peu avant que ne débute l’audience prévue le 10 janvier 2013. Étant donné la déclaration de la plaignante selon laquelle elle n’était pas en mesure de continuer, la demande de la plaignante que l’affaire ne soit pas reportée, et le fait que la représentante des défendeurs ainsi que le témoin s’étaient tous deux rendus à Edmonton et étaient prêts à se faire entendre, j’ai décidé de procéder à l’audition de l’affaire en l’absence de la plaignante.
A. Résumé de la preuve
7 Les défendeurs ont fait entendre un seul témoin, soit M. Ray Domeij. M. Domeij est un agent de griefs et de l’arbitrage expérimenté au sein de l’AFPC et qui avait été affecté au dossier de griefs de la plaignante au courant du printemps de l’année 2011. À l’époque, la plaignante avait 13 griefs en instance contre son employeur, portant sur la discrimination, le harcèlement et le manquement à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation; parmi ces griefs, 8 avaient été renvoyés à l’arbitrage dont 7 avaient été mis au rôle en vue d’une audience devant un arbitre de grief.
8 Pour diverses raisons, la plaignante a présenté une demande d’ajournement relativement à l’audience des sept griefs, mais les parties se sont entendues pour mettre à profit les dates d’audience déjà prévues afin de tenter une médiation.
9 M. Domeij a indiqué qu’il lui est apparu évident durant le processus de médiation que, malgré les bonnes intentions qu’il percevait de la part des représentants de l’employeur, le mandat qui leur avait été confié ne permettrait sans doute pas de satisfaire aux attentes de la plaignante et pourrait même avoir pour effet de la contrarier. Les représentants de l’employeur lui ont dit qu’ils essaieraient de faire modifier leur mandat en espérant être en mesure de présenter une offre formelle au cours de l’été.
10 M. Domeij a affirmé que l’employeur n’avait finalement pas présenté d’offre de règlement, précisant qu’il s’estimait pour sa part incapable de formuler une offre, n’ayant pas été informé de la position finale de l’employeur ni de la position définitive de la plaignante, et qu’il savait que les parties étaient encore trop loin pour en arriver à un règlement.
11 M. Domeij a de plus indiqué que, malgré la demande que lui avait faite la plaignante de présenter un grief pour mauvaise foi contre l’employeur à la suite de la tentative de médiation infructueuse, il estimait qu’il n’y avait aucun motif valable pouvant justifier la présentation d’un tel grief.
12 M. Domeij a précisé qu’en dépit du fait que la plaignante a déposé la présente plainte contre les défendeurs peu après, les responsables de l’élément national de l’AFPC avaient convenu de continuer à représenter la plaignante dans ses huit griefs en instance, lesquels ont été mis au rôle en vue d’une audience devant un arbitre de grief, et un autre représentant de l’AFPC a été affecté au dossier de la plaignante.
B. Résumé de l’argumentation
13 Les défendeurs ont soutenu qu’il n’existait aucun fondement factuel au soutien de la plainte déposée en vertu de l’article 190, et que la plaignante ne s’était pas acquittée de la charge qui lui incombait d’établir qu’il y ait eu pratique déloyale de travail.
14 Les défendeurs ont fait valoir qu’il n’existait aucun droit absolu à la représentation syndicale et que les agents négociateurs jouissaient d’une latitude considérable dans la décision d’apporter leur soutien à une affaire donnée. Les défendeurs ont reconnu que même s’ils sont tenus d’agir de manière équitable et transparente, avec honnêteté et compétence, dans leurs décisions, la plaignante n’avait pas établi en l’espèce qu’ils avaient manqué à leurs obligations à cet égard.
15 Au soutien de leur argumentation, les défendeurs m’ont renvoyé à la jurisprudence qui suit : Exeter c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 14; Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et al., [1984] 1 R.C.S. 509; Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 128.
III. Motifs
16 Comme l’a affirmé la Commission dans Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107, dans une plainte fondée sur l’article 187 de la Loi, le fardeau de la preuve incombe au plaignant. Ainsi, il incombe à la plaignante de présenter des éléments de preuve suffisants pour établir, d’après la prépondérance des probabilités, que les défendeurs ont manqué à leur devoir de représentation équitable.
17 La Commission a eu l’occasion de se prononcer à diverses reprises sur le droit à la représentation des employés syndiqués. Dans Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28, au paragr. 17, la Commission a rejeté l’idée que cela puisse constituer un droit absolu, s’exprimant comme suit à cet égard :
[17] La défenderesse, en tant qu’agent négociateur, a le droit de refuser de représenter un membre, et une plainte devant la Commission n’est pas un mécanisme d’appel contre un tel refus. La Commission ne va pas remettre en question la décision de l’agent négociateur. Le rôle de la Commission est de statuer sur le processus décisionnel de l’agent négociateur et non sur le bien-fondé de sa décision […]
Le rôle de la Commission consiste à décider si les défendeurs ont fait preuve de mauvaise foi ou s’ils ont agi de manière arbitraire ou discriminatoire dans le cadre de leur représentation de la plaignante.
18 Comme la Commission l’a affirmé dans Manella, au paragr. 38, « […] [l]a barre pour faire la preuve d’une conduite arbitraire — ou discriminatoire ou de mauvaise foi — est placée très haut à dessein […] ». Cela exige de la plaignante qu’elle établisse l’existence d’une contravention à l’article 187 de la Loi, ce qui nécessite qu’elle établisse un fondement factuel pour étayer son allégation voulant que les défendeurs aient agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Je conclus qu’aucun fondement de la sorte n’a été établi par la plaignante dans la présente affaire. À partir des seuls faits allégués dans la plainte, je ne puis y voir quelque fondement étayant une conduite arbitraire, un traitement discriminatoire ou de la mauvaise foi de la part des défendeurs au point d’établir qu’il y a eu violation de l’article 187 de la Loi. Afin de s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe, la plaignante devait présenter des faits suffisants pour établir que les défendeurs ont manqué, d’une manière ou d’une autre, à leur devoir de représentation équitable. Certes, elle n’a pas aidé sa cause en ne se présentant pas à l’audience et en demandant en somme que l’affaire soit entendue in absentia.
19 Je conclus que la plaignante n’a pas présenté les éléments de preuve permettant d’étayer les allégations contenues dans sa plainte dans la mesure nécessaire pour établir en quoi les actes ou les omissions des défendeurs contrevenaient à l’article 187 de la Loi. Par ailleurs, son défaut de se présenter à l’audience et sa demande pour que l’instance ne soit pas ajournée, alors qu’elle savait que son absence pouvait mener au rejet de sa plainte, m’ont démontré qu’elle avait dans les faits abandonné sa plainte. Je ne peux qu’en conclure que la plaignante n’avait pas l’intention de donner suite à sa plainte et que, à toutes fins, elle l’avait abandonnée.
20 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
IV. Ordonnance
21 La plainte est rejetée.
Le 25 février 2013.
Traduction de la CRTFP
Stephan J. Bertrand,
une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique