Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que les représentants de l’agent négociateur avaient manqué à leur devoir de représentation équitable - les défendeurs n’ont pas traité le grief du plaignant au-delà du deuxième palier de la procédure de règlement des griefs - le plaignant a allégué que la communication était insuffisante, que la décision d’arrêter au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs avait été prise de manière arbitraire et de mauvaise foi, et que l’agent négociateur n’avait pas poursuivi le grief jusqu’à obtenir une réponse qui soit satisfaisante pour le plaignant - les défendeurs ont soulevé une objection préliminaire, soutenant que la plainte était hors délai - la plainte n’était pas hors délai, ayant été déposée selon les prescriptions du Règlement, puisque le délai prévu pour présenter la plainte expirait un dimanche, et que la plainte avait été déposée le jour ouvrable suivant - la formation de la Commission a conclu qu’il n’y avait aucune preuve que les défendeurs avaient agi de mauvaise foi ou qu’ils avaient manqué à leur devoir de représentation équitable - ils ont pris le temps d’évaluer le bien-fondé du grief et ont tenu le plaignant au courant de leurs efforts - le désaccord du plaignant avec la position prise par son agent négociateur ne constitue pas une preuve de manquement au devoir de représentation équitable - les défendeurs n’avaient aucune obligation de faire avancer son grief jusqu’à obtenir une réponse qui lui soit satisfaisante - le plaignant ne s’était pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-04-24
  • Dossier:  561-34-552
  • Référence:  2013 CRTFP 47

Devant une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique


ENTRE

PETER GABRIS

plaignant

et

CEDRIC D’SOUZA ET ESTHER BURT

défendeurs

Répertorié
Gabris c. D’Souza et Burt

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Linda Gobeil, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour les défendeurs:
Andrew Beck, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés es 13 février, 24 avril et 1er juin 2012,
et les 12 février, 5 mars et 12 mars 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plainte devant la Commission

1  Le 13 février 2012, Peter Gabris (le « plaignant ») a déposé une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), alléguant que les représentants de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur »), Cedric D’Souza et Esther Burt (les « défendeurs »), avaient manqué à leur devoir de représentation équitable prescrit par la Loi.

II. Résumé de la preuve

A. Argumentation du plaignant

2 Dans ses arguments écrits, le plaignant a allégué qu’après avoir été contraint de se désister d’un cours en raison d’une décision de la direction, il avait décidé, le 7 juin 2011, de présenter un grief afin de contester cette décision.

3 Le plaignant a allégué avoir reçu la réponse de la direction au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs de rejeter son grief le 14 octobre 2011. Par la suite, le 1er novembre 2011, il a envoyé un courriel à son représentant syndical lui demandant de faire un suivi au sujet de son grief et de lui expliquer la réponse reçue au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs. Le plaignant a indiqué que, le 14 novembre 2011, les représentants de l’agent négociateur, soit les défendeurs, lui avaient répondu qu’ils étaient d’accord avec la position de la direction et qu’ils n’avaient pas l’intention de renvoyer son grief au palier suivant de la procédure de règlement des griefs.

4 Dans ses arguments déposés le 1er juin 2011, le plaignant a soutenu que bien qu’il ait déjà rencontré un représentant de l’agent négociateur au sujet de son grief, il n’avait jamais rencontré M. D’Souza et ne lui avait parlé qu’une seule fois lors d’une conversation téléphonique. Le plaignant a également fait valoir qu’il avait reçu seulement trois courriels des défendeurs au sujet de son grief et qu’il contestait la position des défendeurs voulant qu’il ait reçu des informations en temps opportun. Selon le plaignant, bien qu’il semble que le vice-président régional ait été consulté à propos de son grief, la conclusion des défendeurs selon laquelle son grief était sans fondement était erronée.

5 Le plaignant a également soutenu que la décision des défendeurs de ne pas acheminer son grief au troisième palier de la procédure de règlement des griefs avait été prise de manière arbitraire et de mauvaise foi. Le plaignant a ainsi fait valoir que les défendeurs n’avaient pas pris en compte ses préoccupations et ne lui avaient pas expliqué leur position. Il aussi soutenu que les défendeurs n’avaient pas étudié son dossier à fond et qu’ils n’avaient pas accordé suffisamment d’importance à ses intérêts en sa qualité de membre de l’unité de négociation représentée par l’agent négociateur, tel qu’il est mentionné dans les arguments écrits du plaignant déposés le 12 février 2013 :

[Traduction]

Je soutiens que la décision de ne pas transmettre mon grief au troisième palier était tout à fait arbitraire, comme le démontre la réponse du SEI justifiant leur décision.

Je soutiens qu’ils ont manqué à leur devoir de me représenter dans la mesure de leur capacité afin que moi, le membre lésé, soit satisfait de la réponse de la direction.

Je soutiens qu’une fois que le SEI a signé mon formulaire de grief, de même que tous les formulaires de transmission requis, il s’est engagé à me représenter dans cette affaire en vue d’obtenir un règlement acceptable.

Je soutiens que le SEI n’a pas convenablement enquêté au sujet de cet incident conformément aux propres lignes directrices du SEI, comme le démontre le peu d’information consignée à mon dossier de grief.

6 Le 13 février 2012, le plaignant a déposé auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), une plainte contre les défendeurs en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi, alléguant que les défendeurs avaient agi de manière arbitraire et de mauvaise foi.

B. Argumentation des défendeurs

7 Dans ses arguments écrits, le représentant des défendeurs a soutenu que la plainte devait être rejetée, puisqu’elle a été déposée au-delà du délai de quatre-vingt-dix (90) jours prescrit au paragraphe 190(2) de la Loi. Il a précisé que le plaignant avait eu connaissance de la décision des défendeurs de ne pas renvoyer le grief au troisième palier de la procédure de règlement des griefs le 14 novembre 2011, mais qu’il n’avait déposé sa plainte auprès de la Commission que le 13 février 2012, soit une journée en retard.

8 Subsidiairement, le représentant des défendeurs a soutenu que si je décidais de ne pas rejeter la plainte au motif qu’elle était hors délai, je devais néanmoins la rejeter au motif qu’elle était sans fondement.

9 Essentiellement, le représentant des défendeurs a fait valoir que la décision de l’agent négociateur de ne pas renvoyer le grief du plaignant au troisième palier de la procédure de règlement des griefs avait été clairement communiquée au plaignant et que, bien que les défendeurs aient été en désaccord avec la position du plaignant quant à son grief, ils n’avaient pas pour autant agi de manière arbitraire.

10 Le représentant des défendeurs a en outre fait valoir que les défendeurs disposaient de toutes les informations nécessaires pour juger du résultat qui serait obtenu relativement au grief du plaignant et que, après avoir dûment évalué le dossier, ils avaient établi que les chances de succès du grief étaient faibles et qu’il était peu probable que le redressement demandé par le plaignant soit accordé.

11 Au soutien de ses arguments, le représentant des défendeurs m’a renvoyé à Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509. Il m’a également renvoyé à Exeter c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 14, Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 64, et Tsai c. Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada, 2011 CRTFP 78.

III. Motifs

A. Dépôt tardif de la plainte

12 Le 13 février 2012, le plaignant a déposé auprès de la Commission une plainte contre les défendeurs en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi. Il a essentiellement fait valoir que les défendeurs auraient dû renvoyer son grief au troisième palier de la procédure de règlement des griefs et que, en refusant de le faire, ils avaient agi de manière arbitraire et de mauvaise foi.

13 Le représentant du défendeur, dans ses arguments écrits datés du 24 avril 2012 et du 5 mars 2013, a demandé que la plainte soit rejetée au motif qu’elle était hors délai, ayant été déposée au-delà du délai de quatre-vingt-dix jours (90) prescrit au paragraphe 190(2) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

190. (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

14 Les parties ne contestent pas le fait que le plaignant a eu connaissance de la décision des défendeurs de ne pas renvoyer son grief au troisième palier de la procédure de règlement des griefs le 14 novembre 2011. Il ressort également que la plainte a effectivement été déposée auprès de la Commission le 13 février 2012.

15 En l’espèce, le délai prescrit de quatre-vingt-dix jours, calculé à compter de la date à laquelle le plaignant a eu connaissance de la position des défendeurs, soit le 14 novembre 2011, expirait le dimanche 12 février 2012. Le plaignant a déposé sa plainte le lundi 13 février 2012, soit une journée en retard selon les défendeurs. Or, il est prévu à l’article 10 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement ») que, dans le calcul d’un délai, si le délai prévu pour le dépôt d’un document expire un jour férié, soit un dimanche comme c’est le cas en l’espèce, l’échéance est reportée au jour suivant, soit le lundi 13 février 2012 en l’espèce. L’article 10 du Règlement se lit comme suit :

10. Si le délai — prévu par le présent règlement — de présentation ou de dépôt d’un document expire un samedi ou un jour férié, l’échéance est reportée au jour suivant qui n’est ni un samedi ni un jour férié.

16 Je juge que la plainte a été déposée dans les délais prescrits

B. Bien-fondé de la plainte

17 Dans ses arguments écrits, le plaignant a soutenu que les défendeurs auraient dû l’informer qu’ils ne le représenteraient pas. Il a également soutenu que son grief était fondé, que les défendeurs auraient dû contester la réponse de l’employeur, et que ces derniers avaient manqué à leur devoir de représentation équitable en ne faisant pas cheminer son grief jusqu’à ce qu’ils obtiennent une réponse qui lui soit satisfaisante.

18 Le représentant des défendeurs a fait valoir que les défendeurs avaient communiqué avec le plaignant et lui avaient expliqué les motifs pour lesquels ils ne pouvaient acheminer son grief au-delà du deuxième palier de la procédure de règlement des griefs et que, à leur avis, son grief n’était pas fondé.

19 Le représentant des défendeurs a également soutenu que le plaignant n’avait pas démontré que les défendeurs avaient agi de manière arbitraire dans le traitement de son grief.

20 Il est évident que les parties ne s’entendent pas quant au bien-fondé du grief du plaignant ni quant à la manière dont les défendeurs auraient dû traiter son grief au-delà du deuxième palier de la procédure de règlement des griefs.

21 Cela étant, il m’apparaît également clairement qu’en l’espèce, et bien que le plaignant ne soit pas nécessairement content du résultat de son grief, il n’y a absolument aucune preuve pouvant démontrer que les défendeurs ont agi de mauvaise foi ou manqué à leur devoir de représentation équitable.

22 Selon la preuve présentée en l’espèce, les défendeurs ont tenté aux deux premiers paliers de la procédure de règlement des griefs de convaincre l’employeur du bien-fondé du grief du plaignant, mais en vain. En outre, il a été établi en preuve que les défendeurs avaient pris le temps d’évaluer le bien-fondé du grief. La preuve non contestée révèle par ailleurs que les défendeurs se sont consultés à propos du dossier et qu’ils ont même consulté un vice-président régional de l’agent négociateur au sujet du dossier (paragraphes 11 à 13 des arguments écrits des défendeurs datés du 24 avril 2012).

23 Qui plus est, durant la procédure de règlement du grief, il a été démontré que les défendeurs avaient tenu le plaignant au courant de leurs efforts afin de régler son grief, et ce, au moyen de documents et de rencontres (paragraphes 6 à 8, 10, et 13 des arguments écrits des défendeurs datés du 24 avril 2012).

24 Comme l’a affirmé la Commission dans Theaker c. Syndicat des employés du Solliciteur général et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 17, dans une plainte alléguant que l’agent négociateur a manqué à son devoir de représentation équitable, le fardeau de la preuve incombe au plaignant. En l’espèce, je conclus que le plaignant ne s’est pas acquitté de ce fardeau. Le simple fait d’alléguer que les défendeurs n’étaient pas d’accord avec ses prétentions au sujet de son grief et qu’ils n’auraient pas suffisamment analysé son dossier ne constitue pas en soi une preuve qu’ils ont agi de manière inéquitable à son endroit.

25 J’estime que le représentant des défendeurs a démontré que les défendeurs ont essayé de faire progresser le grief du plaignant en le présentant aux deux premiers paliers de la procédure de règlement des griefs. Par ailleurs, il appert de la preuve documentaire que les défendeurs ont tenu le plaignant au courant du dossier, qu’ils l’ont consulté, et qu’ils ont procédé à l’analyse qui s’imposait avant de conclure qu’ils étaient d’accord avec la position de son employeur. Tel qu’il est formulé dans Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28, au paragraphe 17 :

17 La défenderesse, en tant qu’agent négociateur, a le droit de refuser de représenter un membre, et une plainte devant la Commission n’est pas un mécanisme d’appel contre un tel refus. La Commission ne va pas remettre en question la décision de l’agent négociateur. Le rôle de la Commission est de statuer sur le processus décisionnel de l’agent négociateur et non sur le bien-fondé de sa décision.

[…]

26 Dans Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 128, la Commission a opiné, au paragraphe 38, que « […] [l]a barre pour faire la preuve d’une conduite arbitraire — ou discriminatoire ou de mauvaise foi — est placée très haut à dessein ».

27 Le fait d’être insatisfait de la décision des défendeurs de ne pas aller plus loin avec ce grief ne suffit pas pour étayer l’allégation que les défendeurs ont agi de manière arbitraire ou qu’ils ont manqué à leur devoir de représentation équitable. Le plaignant devait établir en preuve qu’il en était effectivement ainsi. Il ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve qui lui incombait. En ce qui concerne l’argument du plaignant que les défendeurs avaient l’obligation de faire progresser son grief jusqu’à ce qu’ils obtiennent une réponse qui lui soit satisfaisante, je conclus que les défendeurs n’ont aucune obligation de la sorte. La jurisprudence à cet égard est claire et n’impose aucune telle obligation aux agents négociateurs. Je réitère que compte tenu des faits en l’espèce, la décision des défendeurs de ne pas renvoyer le grief du plaignant au troisième palier de la procédure de règlement des griefs ne constituait pas une décision prise de mauvaise foi ni de manière arbitraire.

28 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

29 La plainte est rejetée.

Le 24 avril 2013

Traduction de la CRTFP

Linda Gobeil,
une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique

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