Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé est un transitaire expéditeur-réceptionnaire employé par le ministère de la Défense nationale - il a allégué qu’il avait droit à l’indemnité quotidienne accordée pour la manutention et l’étiquetage des marchandises dangereuses prévue par la convention collective - tout comme le magasinier-emballeur travaillant au même endroit, il possède la certification de manutention de marchandises dangereuses délivrée sous le régime de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses (1992) (LTMD) - les journées où le magasinier-emballeur doit s’absenter du travail, le fonctionnaire s’estimant lésé le remplace et effectue l’emballage et l’étiquetage des marchandises dangereuses que le magasinier-emballeur aurait emballées et étiquetées s’il avait alors été au travail - à ces occasions, le fonctionnaire s’estimant lésé reçoit l’indemnité quotidienne prévue à la convention collective - toutefois, il ne la recevait pas lorsqu’il travaillait à son poste habituel de transitaire expéditeur-réceptionnaire - dans le cadre de son travail habituel, les colis scellés par le magasinier-emballeur sont acheminés au fonctionnaire s’estimant lésé; si ce dernier repère une anomalie au niveau d’un colis, il retourne le colis au magasinier-emballeur pour que ce dernier règle le problème sinon, en cas de lacune mineure, il s’en chargeait et apposait une nouvelle étiquette sur le colis - l’arbitre de grief a rejeté le grief, en soulignant que la clause pertinente de la convention collective exige qu’un employé doive, pour réclamer l’indemnité quotidienne, satisfaire trois critères, à savoir: 1) l’employé doit détenir la certification requise sous le régime de la LTMD et de son Règlement; 2) l’employé doit s’être vu confier la responsabilité d’emballer et d’étiqueter les marchandises dangereuses pour l’expédition conformément à la LTMD et à son Règlement; et 3) l’employé est tenu d’emballer et d’étiqueter les marchandises dangereuses aux fins de leur expédition - les parties ont convenu que le premier critère était satisfait - l’arbitre de grief a conclu que le deuxième critère n’était pas satisfait - il a fait valoir qu’une comparaison des deux descriptions de travail démontrait clairement que la responsabilité de l’emballage des marchandises dangereuses incombait au magasinier-emballeur à titre d’une des activités principales de ses fonctions, alors que sous la rubrique [traduction] <<Résultats au titre du service à la clientèle>>, on indique à titre de premier élément des résultats attendus celui de [traduction] <<l’emballage>> des marchandises aux fins de leur expédition - la description de travail du transitaire expéditeur-réceptionnaire ne prévoit que [traduction] <<[l]’entreposage, la réception, la quittance et l’expédition>> des marchandises, sans aucune mention de l’emballage - l’arbitre de grief a également conclu que le troisième critère n’était pas satisfait, estimant que le fait de vérifier si l’emballage avait été convenablement effectué et de retirer un colis mal emballé du lot à expédier ne correspondait pas à la tâche d’emballage et d’étiquetage des marchandises. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-04-02
  • Dossier:  566-02-5653
  • Référence:  2013 CRTFP 34

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JOHN BURGESS COHOON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Cohoon c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Augustus Richardson, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Douglas Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Léa Bou Karam, avocate

Affaire entendue à Halifax (Nouvelle-Écosse),
le 26 février 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), John Burgess Cohoon, est membre de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « syndicat ») et un employé civil du ministère de la Défense nationale (l’« employeur »). Le syndicat et l’employeur ont convenu aux fins du présent grief qu’ils sont parties à une convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et le syndicat pour les membres du groupe Services des programmes et de l’administration, qui venait à échéance le 20 juin 2011 (la « convention collective »).

2 Le 12 janvier 2010, le fonctionnaire a présenté un grief en vertu de la convention collective. Le fonctionnaire est un transitaire expéditeur-réceptionnaire classifié au groupe et niveau CR‑04. Il travaille depuis des années à la base aérienne de la 14e Escadre établie à Greenwood (Nouvelle-Écosse) (la « 14e Escadre »). Il a allégué qu’il était appelé à manipuler et à étiqueter des marchandises dangereuses et qu’il avait donc droit à l’indemnité quotidienne de 3,50 $ (à concurrence de 75,00 $ par mois) prévue à l’article 61 (Marchandises dangereuses) de la convention collective. La clause 61.01 est libellée comme suit :

61.01  Un employé-e certifié aux termes de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses à qui est confié la responsabilité d'emballer et d'étiqueter des marchandises dangereuses pour le transport conformément à la Loi, doit recevoir une indemnité quotidienne de trois dollars et cinquante (3,50 $) pour chaque jour où ils doivent emballer et étiqueter des marchandises dangereuses pour le transport, jusqu'à concurrence de soixante-quinze dollars (75 $) par mois, pour chaque mois au cours duquel il elle conserve cette certification.

3 Selon l’employeur, le fonctionnaire avait droit à l’indemnité quotidienne seulement pour les journées où il effectuait les fonctions d’un magasinier-emballeur, soit l’emballage et l’étiquetage de marchandises dangereuses. Lorsque le fonctionnaire effectuait ses fonctions habituelles de transitaire expéditeur-réceptionnaire, il n’avait pas droit à cette indemnité.

4 Les faits et les préoccupations en l’espèce sont plutôt restreints. Les éléments suivants constituent la preuve : le témoignage du fonctionnaire, la convention collective (pièce U1), et les descriptions de travail des postes de transitaire expéditeur-réceptionnaire (pièce U2) et de magasinier-emballeur (pièce U3). Les parties s’entendent sur les faits importants se rapportant à la présente affaire. Le litige porte essentiellement sur l’interprétation de la clause 61.01 de la convention collective et de son application relativement à ces faits.

5 Le fonctionnaire a témoigné qu’il travaille dans un ancien hangar de la 14e Escadre, communément appelé aujourd’hui [traduction] « l’entrepôt ». Il y occupe un petit bureau attenant au bâtiment principal. Le service de l’empaquetage est situé tout juste à côté de son bureau. Il a témoigné que [traduction] « nous effectuons tout le travail administratif dans le bureau ». En principe, son groupe est chargé de l’expédition des pièces d’aéronefs et d’autres articles de la base vers les installations de réparation ou autres, selon le cas. On y manipule différents types d’articles, des pièces d’avion aux tenues militaires en passant par le gaz comprimé et, parfois, divers types de munitions.

6 Le fonctionnaire est un employé civil. Habituellement, il relève d’un caporal-chef, lequel relève d’un sergent. Deux caporaux stagiaires travaillent également au sein de l’équipe afin d’y acquérir de l’expérience et de parfaire leur formation en matière d’expédition et de réception. Le fonctionnaire a expliqué qu’en général le groupe est constitué de lui-même, des deux caporaux stagiaires, de l’emballeur, d’un sergent et d’un caporal-chef.

7 Le fonctionnaire, le magasinier-emballeur (M. Leaman Jones) ainsi que les deux stagiaires possèdent tous la certification de manutention de marchandises dangereuses délivrée sous le régime de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses (1992), L.C. (1992), ch. 34 (la « LTMD »).

8 Le fonctionnaire a indiqué que la plupart des marchandises dangereuses traitées par son groupe appartiennent à la classe 2 (gaz comprimés). Il arrive aussi qu’ils aient à traiter des explosifs de classe 1.4 (balles) et des explosifs de classe 1.3 et 1.1. Il a précisé que [traduction] « l’emballeur n’est pas chargé d’empaqueter les balles; ce sont les techniciens de munitions qui le font, mais nous devons vérifier le marquage des boîtes ».

9 Le fonctionnaire a témoigné que le magasinier-emballeur devait remplir un formulaire, qu’il a désigné comme étant le formulaire [traduction] « MDN 1798 », dans lequel il doit inscrire toutes les mesures prises lors de l’emballage. Le colis est ensuite scellé. Il est acheminé au fonctionnaire. Si celui-ci observe une anomalie au niveau du colis ou de son étiquetage, il procède de l’une des deux façons suivantes : s’il s’agit d’une lacune mineure, par exemple si l’étiquette a été apposée à l’envers ou au mauvais endroit sur le colis, il imprime une nouvelle étiquette et l’appose au bon endroit et dans le sens requis. Si le problème est plus grave, par exemple si le fonctionnaire entend un bruit anormal en brassant le colis, il le retourne à l’emballeur. Ainsi, a-t-il précisé, [traduction] « si le problème a trait au contenu du colis, le colis est retourné à l’emballeur afin que ce dernier règle le problème ». Le magasinier-emballeur [traduction] « règle alors le problème, sinon ce serait le client qui aurait à le faire ». À titre d’exemple, il a expliqué qu’il pouvait s’agir de pièces d’avion devant être montées à l’intérieur de la boîte mais qui ont été mal montées. Dans un tel cas, le colis ou la boîte en question doit être retourné au spécialiste qui doit alors empaqueter de nouveau les pièces de la bonne manière.

10 Les parties ont convenu que les journées où M. Jones doit s’absenter du travail, il est remplacé par le fonctionnaire. Celui-ci effectue alors l’emballage et l’étiquetage des marchandises dangereuses que M. Jones aurait emballées et étiquetées. À ces occasions, le fonctionnaire reçoit l’indemnité quotidienne prévue à la clause 61.01 de la convention collective. Il ne la reçoit pas lorsqu’il travaille à son poste habituel de transitaire expéditeur-réceptionnaire.

II. Les descriptions de travail

11 Les descriptions de travail de M. Jones et du fonctionnaire ont été produites en preuve. Elles sont longues et détaillées. Je n’exposerai ici que les passages pertinents de ces descriptions ainsi que les passages que le fonctionnaire a présenté à l’appui de sa revendication du versement de l’indemnité quotidienne prévue par la clause 61.01 de la convention collective.

A. Transitaire expéditeur-réceptionnaire

12 On retrouve au tout début de la description de travail la description suivante des [traduction] « Résultats au titre du service à la clientèle » : [traduction] « L’entreposage, la réception, la quittance et l’expédition du matériel et des effets personnels en transit de la 14e Escadre et de ses unités intégrées ou hébergées ».

13 L’énumération des [traduction] « activités principales » suit immédiatement après :

[Traduction]

  1. Inspecter, vérifier, consolider le matériel et les effets personnels reçus des clients et des unités d’approvisionnement de l’Escadre – 11 %
  2. Choisir le mode de transport et organiser les modalités de transport – 7 %
  3. Rédiger, traiter et taper tous les documents d’expédition requis et la correspondance s’y rapportant – 30 %
  4. Acquitter les frais de transport au moyen des pièces justificatives de paiement pour le transport (PJPT) – 2 %
  5. Charger/décharger les remorques, fourgons, conteneurs maritimes, etc. dans le cadre de la réception et de l’expédition du matériel et des effets personnels – 9 %
  6. Opérer et assurer l’entretien de l’équipement de manutention du matériel (EMM) – 4 %
  7. Utiliser des outils à main, des machines à sceller, des cercleuses, et des balances – 3 %
  8. Répondre aux demandes de renseignement des clients et des transporteurs – 20 %
  9. Classer quotidiennement toute la documentation et préparer des statistiques toutes les semaines et tous les mois – 1 %
  10. Superviser et former les nouveaux membres de l’équipe relativement à l’application des procédures pertinentes – 12 %
  11. Prodiguer les premiers soins en cas d’urgence, au besoin – 1 %.

14 À la rubrique [traduction] « Caractéristiques de l’emploi », la consigne suivante figure au paragraphe [traduction] « Responsabilité (6) : Assurer la conformité » :

[Traduction]

Conformément à la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, s’assurer que les marchandises dangereuses expédiées par les clients sont convenablement emballées et préparées en vue de leur expédition. Au besoin, retourner les marchandises au client avec des directives sur la préparation adéquate des marchandises aux fins de leur expédition. Par exemple, il pourrait y avoir de graves répercussions sur les opérations s’il faut réparer une pièce d’aéronef à l’extérieur de sa base d’attache puisque la pièce requise ne peut être expédiée avant d’être conforme aux exigences de la réglementation pertinente selon le mode de transport choisi.

15 À la rubrique [traduction] « Caractéristiques de l’emploi », les éléments suivants sont énoncés au paragraphe [traduction] « Responsabilité (7) : Connaissances requises » :

[Traduction]

Connaissance de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses et du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses en ce qui a trait à la préparation des marchandises dangereuses aux fins de leur expédition légale. Posséder un certificat en règle de manutention des marchandises dangereuses. La recertification doit être effectuée tous les deux ans.

B. Magasinier-emballeur

16 On retrouve au tout début de la description de travail la description suivante des [traduction] « Résultats au titre du service à la clientèle » : [traduction] « L’entreposage, la réception, la quittance, l’emballage et l’expédition, conformément aux lignes directrices et à la réglementation publiées, et l’émission d’une gamme d’articles pour le compte de la 14e Escadre et de ses unités intégrées ou hébergées ».

17 L’énumération des [traduction] « activités principales » suit immédiatement après :

[Traduction]

  1. Procéder à l’emballage, à la pesée et à la documentation du matériel, y compris des marchandises dangereuses à expédier, comme requis – 40 %
  2. Effectuer les activités requises pour l’expédition des marchandises, notamment rédiger, traiter et taper tous les documents d’expédition requis et la correspondance s’y rapportant – 20 %
  3. Recevoir, délivrer des quittances, dénombrer, inscrire aux registres, délivrer et entreposer le matériel des SAFC reçu d’organismes et de clients externes en vue de leur consolidation aux fins d’expédition – 10 %
  4. Charger/décharger les remorques, fourgons, conteneurs maritimes, etc. dans le cadre de la réception et de l’expédition du matériel et des effets personnels – 5 %
  5. Accomplir diverses fonctions liées à l’entretien de l’entrepôt et du bureau, notamment la maintenance générale (propreté, etc.), le maintien de la température et du contrôle du matériel d’emballage, et le signalement des irrégularités concernant les envois – 8 %
  6. Opérer l’équipement de l’entrepôt (équipement de manutention du matériel (ÉMM) - chariot élévateur, appareil de manutention de palettes, etc.); utilisation de terminaux informatisés (en réseau local et externe), d’appareils de bureau et de pesées ‑ 5 %
  7. Répondre précisément aux questions des clients et des fournisseurs au sujet de l’emballage et de l’expédition des marchandises, y compris des marchandises dangereuses – 8 %
  8. Former les nouveaux membres de l’équipe et du personnel des Approvisionnements relativement à l’application des procédures d’emballage pertinentes – 3 %
  9. Prodiguer les premiers soins/RCR en cas d’urgence aux clients et collègues de travail, au besoin – 1 %

18 À la rubrique [traduction] « Caractéristiques de l’emploi », la consigne suivante figure au paragraphe [traduction] « Responsabilité (6) : Assurer la conformité » :

[Traduction]

Conformément à la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, s’assurer que les marchandises dangereuses expédiées par les clients sont convenablement emballées et préparées en vue de leur expédition. Le titulaire a la possibilité de retourner les marchandises au client avec des directives sur la préparation adéquate des marchandises aux fins de leur expédition. Par exemple, il pourrait y avoir de graves répercussions sur les opérations s’il fallait réparer une pièce d’aéronef à l’extérieur de sa base d’attache, puisque la pièce requise ne peut être expédiée avant d’être conforme aux exigences de la réglementation pertinente selon le mode de transport choisi.

19 À la rubrique [traduction] « Caractéristiques de l’emploi », les éléments suivants sont énoncés au paragraphe [traduction] « Responsabilité (7) : Connaissances requises » :

[Traduction]

Connaissance de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses et du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses en ce qui a trait à la préparation des marchandises dangereuses aux fins de leur expédition légale. Posséder un certificat en règle de manutention des marchandises dangereuses. La recertification doit être effectuée tous les deux ans.

[…]

20 Fort des informations précitées, j’aborderai maintenant les arguments des parties.

III. Arguments des parties

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

21 Le représentant du fonctionnaire a soutenu qu’un employé avait droit à l’indemnité quotidienne prévue à la clause 61.01 de la convention collective s’il répondait aux critères ci-après :

  1. il ou elle doit être certifié aux termes de la LTMD et de son Règlement;
  2. on lui confie la responsabilité d’emballer et d’étiqueter des marchandises dangereuses pour l’expédition conformément à la LTMD et à son Règlement;
  3. il ou elle est requis d’emballer et d’étiqueter des marchandises dangereuses aux fins de leur expédition la journée ou les journées à l’égard desquelles l’indemnité est réclamée.

22 Dans son argumentation, le représentant du fonctionnaire s’est fortement appuyé sur Anderson et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2009 CRTFP 93, dans laquelle l’arbitre de grief s’est penché sur une clause ayant le même libellé. Les critères ci-dessus sont ceux énoncés dans cette dernière décision.

23 Il n’est pas contesté que le fonctionnaire répond au premier de ces critères. Il reste donc à vérifier s’il répond aux deuxième et troisième critères.

24 Le représentant du fonctionnaire a fait valoir que ce dernier répondait au deuxième critère, puisque sa description de travail énonce, entre autres responsabilités, qu’il doit [traduction] « […] s’assurer que les marchandises dangereuses expédiées par les clients sont convenablement emballées et préparées aux fins de leur expédition ». Dans son argumentation, il a soutenu que [traduction] « assurer la conformité » à la LTMD revenait à la même chose que de se voir [traduction] « confie[r] la responsabilité » d’emballer et d’étiqueter des marchandises conformément à la LTMD. Selon lui, il s’agit à tous égards de la même responsabilité que celle énoncée à la description de travail d’un magasinier-emballeur. Ainsi, si un transitaire expéditeur-réceptionnaire a la même responsabilité d’assurer la conformité qu’un magasinier-emballeur, le transitaire expéditeur-réceptionnaire doit alors être considéré comme un employé à qui l’on a confié la responsabilité de s’assurer que l’emballage a été effectué de manière convenable.

25 À l’appui de cet argument, le représentant du fonctionnaire m’a renvoyé à McKay c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 17. Dans cette affaire, l’arbitre de grief a conclu que si la description de travail énonce des fonctions devant être accomplies par le fonctionnaire et que parmi ces fonctions on retrouve l’emballage et l’étiquetage des marchandises dangereuses, il peut alors être considéré comme s’étant vu confier ces tâches; voir McKay, au paragraphe 98.

26 Le représentant du fonctionnaire s’est également fondé sur Hupée et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 62, qui porte sur une clause au libellé similaire. Dans ses arguments, il a fait valoir que Hupée et al. venait étayer l’affirmation selon laquelle il n’était pas nécessaire que l’employé se soit vu confier expressément la responsabilité d’effectuer l’emballage et l’étiquetage des marchandises; il suffit qu’il exécute effectivement de telles tâches dans le cadre de son travail quotidien. Il m’a également renvoyé à Lessard c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2009 CRTFP 34, à l’appui de son affirmation voulant que la formation et l’expérience du fonctionnaire étaient des éléments pertinents à considérer aux fins d’établir s’il répondait aux exigences énoncées à la description de travail de son poste, reconnaissant toutefois que cela était pertinent uniquement en ce qui concerne le premier critère formulé dans Anderson et al., lequel critère a déjà été considéré par l’employeur comme étant satisfait par le fonctionnaire.

27 Le représentant du fonctionnaire a soutenu que, par conséquent, le fonctionnaire répondait aux trois critères énoncés dans Anderson et al., soit :

  1. que le fonctionnaire détenait la certification requise sous le régime de la LTMD et de son Règlement;
  2. que sa description de travail incluait la responsabilité de s’assurer que les marchandises dangereuses avaient été emballées et étiquetées, ce qui a pour effet de lui attribuer la responsabilité à cet égard;
  3. qu’il était tenu de s’acquitter de cette responsabilité à chaque fois qu’il agissait en sa qualité de transitaire expéditeur-réceptionnaire.

28 Par conséquent, le représentant du fonctionnaire a soutenu que je devais rendre l’ordonnance qui suit, à savoir :

  1. accueillir le grief;
  2. ordonner que le montant maximal de l’indemnité prévue à la clause 61.01 de la convention collective soit versé au fonctionnaire pour la période commençant le 21e jour précédant la date de présentation du grief jusqu’à la date de l’ordonnance (déduction faite des journées pour lesquelles l’indemnité lui a effectivement été versée lorsqu’il remplaçait M. Jones);
  3. déclarer que le fonctionnaire a droit à l’indemnité prévue à la clause 61.01 de la convention collective tant que ses responsabilités à titre de transitaire expéditeur/réceptionnaire comprennent le fait de s’assurer que les marchandises dangereuses sont convenablement emballées et étiquetées.

B. Pour l’employeur

29 La représentante de l’employeur a convenu que le fonctionnaire devait répondre aux trois critères énoncés dans Anderson et al., et que le fonctionnaire répondait au premier critère. Toutefois, elle n’était pas d’avis qu’il répondait aux deuxième et troisième critères.

30 En ce qui concerne le deuxième critère, la représentante de l’employeur a soutenu qu’il fallait que les tâches d’emballage et d’étiquetage des marchandises dangereuses aient effectivement été confiées au fonctionnaire. Elle a souligné qu’il fallait se concentrer sur la question de savoir quel employé s’était vu confier la responsabilité d’exécuter ces tâches. En comparant la description de travail du magasinier-emballeur à celle du transitaire expéditeur-réceptionnaire, il est évident que la responsabilité de l’emballage et de l’étiquetage relève du magasinier-emballeur, et non du transitaire expéditeur-réceptionnaire. En ce qui concerne l’obligation d’[traduction] « assurer la conformité » énoncée dans les deux descriptions de travail, elle a souligné le fait que le magasinier-emballeur avait la [traduction] « possibilité » de retourner les marchandises, alors que le transitaire expéditeur-réceptionnaire pouvait le faire [traduction] « au besoin ». La différence dans ce libellé soutien la conclusion selon laquelle le magasinier-emballeur est responsable de l’emballage et de l’étiquetage des marchandises dangereuses.

31 La représentante de l’employeur a aussi fait valoir que les principales tâches et responsabilités d’un magasinier-emballeur étaient différentes de celles d’un transitaire expéditeur-réceptionnaire. Il était évident qu’il s’agissait là de deux emplois tout à fait différents. La tâche principale du magasinier-emballeur est l’emballage et l’étiquetage des marchandises; celle du transitaire expéditeur-réceptionnaire est l’expédition des articles emballés à leurs destinations respectives. Partant, si on admet qu’une description de travail [traduction] « confie » des fonctions à quelqu’un, il était alors évident que la description de travail du magasinier-emballeur lui [traduction] « confiait » la tâche d’effectuer l’emballage et l’étiquetage des marchandises dangereuses.

32 En ce qui concerne le troisième critère, la représentante de l’employeur a soutenu que le fonctionnaire devait établir (et la preuve lui incombait à cet égard), selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait effectivement emballé et étiqueté des marchandises dangereuses pendant les journées pour lesquelles il réclame le versement de la prime prévue à la clause 61.01 de la convention collective. Même si cette tâche lui avait été confiée, il faudrait encore qu’il ait exécuté cette tâche pour pouvoir réclamer le versement de l’indemnité prévue à cet égard. Or, il n’y a aucune preuve qu’il ait effectivement emballé des marchandises dangereuses en dehors des journées où il remplaçait le magasinier-emballeur. Selon la preuve qu’il a présenté, lorsqu’il exerce ses fonctions de transitaire expéditeur-réceptionnaire et qu’il décèle des marchandises dangereuses qui ont été mal emballées, il doit les retourner. Il n’y a aucune preuve démontrant qu’il ait emballé de nouveau ces marchandises lui-même. En l’absence d’une telle preuve, son grief doit être rejeté.

33 L’avocate de l’employeur a établi une distinction entre Anderson et al. et l’affaire en l’espèce, soutenant que les faits étaient différents. Dans Anderson et al., il s’agissait d’une description de travail générique visant les employés effectuant à la fois des tâches d’emballage, d’étiquetage, d’expédition et de réception de marchandises. Ces employés pouvaient être affectés en rotation, d’une journée à l’autre, à l’une ou l’autre de ces fonctions, et même à la dernière minute, selon le cas. Compte tenu de ces faits, on pourrait certes affirmer que ces tâches leur étaient confiées et qu’ils effectuaient effectivement de telles tâches. Elle a également distingué Hupée et al. de l’affaire en l’espèce, au motif que le libellé de la convention collective était différent dans cette affaire et que, en particulier, le troisième critère y faisait défaut. Cela étant, il suffisait alors que la description de travail des employés leur attitre les tâches d’emballage et d’étiquetage des marchandises dangereuses.

34 Elle a soutenu que, par conséquent, il convenait de rejeter le grief, sous réserve toutefois qu’il était entendu et convenu par l’employeur que le fonctionnaire recevrait l’indemnité quotidienne lorsqu’il remplace le magasinier-emballeur dans ses fonctions.

C. Réplique du fonctionnaire s’estimant lésé

35 Le représentant du fonctionnaire a réitéré que Anderson et al. s’appliquait. Il a fait valoir que les postes de magasinier-emballeur et de transitaire expéditeur-réceptionnaire pouvaient être vus comme étant deux positions sur une même chaîne de montage. Le magasinier-emballeur emballe les marchandises et les achemine au transitaire expéditeur-réceptionnaire. Ce dernier expédie alors le colis. Cependant, le transitaire expéditeur-réceptionnaire doit être prêt à tout moment à étiqueter ou expédier de nouveau un colis contenant des marchandises dangereuses s’il estime que ces marchandises n’ont pas été convenablement emballées ou étiquetées. Cette responsabilité ainsi que cette fonction et cette attribution sont présentes quotidiennement, et le fait qu’elles ne sont pas nécessairement exercées une journée quelconque ne signifie pas pour autant que le transitaire expéditeur-réceptionnaire ne s’acquitte pas de ses fonctions de s’assurer que les marchandises ont été convenablement emballées.

IV. Motifs

36 Je commence par déclarer que je suis d’accord que la clause 61.01 de la convention collective, lorsqu’elle est interprétée comme il se doit, exige qu’un employé doive, pour réclamer l’indemnité quotidienne, répondre aux trois critères suivants, à savoir :

  1. il ou elle doit détenir la certification requise sous le régime de la LTMD et de son Règlement;
  2. il ou elle doit s’être vu confier la responsabilité d’emballer et d’étiqueter les marchandises dangereuses aux fins de leur expédition conformément à la LTMD et à son Règlement;
  3. il ou elle est tenu d’emballer et d’étiqueter les marchandises dangereuses aux fins de leur expédition les journées à l’égard desquelles l’indemnité est réclamée.

37 Je vais examiner ici uniquement les deuxième et troisième critères, puisque les parties ont convenu que le fonctionnaire répondait au premier critère.

38 Pour ce qui est du deuxième critère, à mon avis, la responsabilité d’effectuer une tâche peut être confiée par un employeur de deux façons différentes. Il peut expressément ordonner ou donner instruction à un employé d’exécuter une tâche donnée, ou il peut faire en sorte que cette responsabilité fasse partie des fonctions et des tâches principales du poste de l’employé en question.

39 Il n’y a aucune preuve qu’un ordre ou une instruction ait été expressément formulé par le supérieur immédiat du fonctionnaire qu’il devait, dans l’exécution de ses fonctions de transitaire expéditeur-réceptionnaire, emballer et étiqueter des marchandises dangereuses. Ceci étant, il faut alors se demander si cela fait partie des fonctions et des tâches principales énoncées dans sa description de travail, puisque, comme il est mentionné au paragraphe 98 de McKay, les tâches que le titulaire d’un poste doit exécuter dans le cadre de la description de travail peuvent constituer un travail attitré.

40 À mon sens, la réponse à cette question doit être [traduction] « non ».

41 Une comparaison des deux descriptions de travail démontre clairement que, presque par définition, la responsabilité de l’emballage des marchandises dangereuses incombe au magasinier-emballeur et constitue l’une des activités principales de ses fonctions. Sous la rubrique [traduction] « Résultats au titre du service à la clientèle », soit la première rubrique des deux descriptions de travail, on indique que parmi les résultats attendus d’un magasinier-emballeur il y a celui de [traduction] « l’emballage » des marchandises aux fins de leur expédition, alors que les résultats attendus du transitaire expéditeur-réceptionnaire sont [traduction] « [l]’entreposage, la réception, la quittance et l’expédition » des marchandises, sans aucune mention de l’emballage.

42 On observe la même différence de libellé en ce qui a trait aux principales activités des deux postes. La toute première des activités principales du magasinier-emballeur est de [traduction] « […p]rocéder à l’emballage, à la pesée et à la documentation du matériel, y compris des marchandises dangereuses à expédier,tel que requis […] ». Par contre, on ne retrouve au titre des principales activités du transitaire expéditeur-réceptionnaire aucune mention de l’emballage ou de l’étiquetage de marchandises, et encore moins de marchandises dangereuses. D’ailleurs, on ne retrouve aucune mention des termes « emballer » ou « étiqueter » dans les activités principales de ce poste.

43 Il m’apparaît donc évident que l’employeur s’attend du magasinier-emballeur qu’il emballe les marchandises, y compris les marchandises dangereuses, et du transitaire expéditeur-réceptionnaire qu’il les expédie. Les deux tâches et responsabilités précitées sont énoncées de manière séparée et distincte. Le magasinier-emballeur emballe; le transitaire expéditeur-réceptionnaire expédie.

44 Je ne suis pas convaincu que même si le magasinier-emballeur et le transitaire expéditeur-réceptionnaire ont la responsabilité de [traduction] « […] s’assurer que les marchandises dangereuses expédiées par les clients sont convenablement emballées et préparées en vue de leur expédition […] » cela signifie que le transitaire expéditeur-réceptionnaire se voit ainsi confier la tâche d’emballer et d’étiqueter les marchandises dangereuses, et ce, pour deux raisons.

45 Tout d’abord, selon le témoignage du fonctionnaire, certains colis lui sont acheminés sans qu’ils aient été emballés par le magasinier-emballeur. Ainsi, les munitions sont emballées par des techniciens en munitions, et non par le magasinier-emballeur. Toutefois, puisque ces colis passent par la même chaîne de montage, il serait raisonnable de s’attendre à ce que tant le magasinier-emballeur que le transitaire expéditeur-réceptionnaire identifient les colis qui n’auraient pas été convenablement emballés et qui, pour cette raison, doivent être retournés. Cela ne signifie pas que le magasinier-emballeur ou le transitaire expéditeur-réceptionnaire se sont vu confier la responsabilité d’emballer ce type de marchandises dangereuses préemballées.

46 Ensuite, à supposer que les marchandises dangereuses soient effectivement emballées et étiquetées par le magasinier-emballeur, le fait que le transitaire expéditeur-réceptionnaire soit chargé de s’assurer que l’emballage des marchandises dangereuses a été effectué convenablement ne signifie pas pour autant qu’il s’est vu confier la tâche de les emballer. Cela veut simplement dire que s’il constate un problème, il doit faire le nécessaire pour retirer le colis du processus d’expédition. Le fait de retirer ces marchandises du processus d’expédition, ou encore de les retourner afin qu’elles soient emballées comme il se doit, n’est pas la même chose que d’exécuter les tâches d’emballage ou d’étiquetage.

47 Ces faits distinguent effectivement le cas en l’espèce de McKay, dans laquelle il s’agissait de descriptions de travail génériques visant des employés affectés en rotation d’une journée à l’autre, ou même à la dernière minute, à l’une ou l’autre des tâches d’emballage et d’étiquetage ou des tâches d’expédition des marchandises emballées. Dans McKay, l’employeur n’a pas tenté de distinguer les tâches professionnelles et la réalisation quotidienne de ces tâches. Or, en l’espèce, l’employeur avait des attentes distinctes et séparées quant aux responsabilités de son magasinier-emballeur et de son transitaire expéditeur-réceptionnaire. Dans le cours normal des activités, il n’y avait pas de chevauchement dans l’exécution des tâches confiées à chacun d’eux.

48 En ce qui concerne le troisième et dernier critère, je ne suis pas non plus convaincu que les preuves ont démontré que le fonctionnaire effectuait l’emballage et l’étiquetage des marchandises dangereuses sauf lorsqu’il remplaçait le magasinier-emballeur. Tout au plus, il a peut-être imprimé une nouvelle étiquette pour ensuite l’apposer dans le bon sens ou correctement et au bon endroit sur un colis. Je doute que le fait de réimprimer une étiquette renfermant des informations probablement créées par la personne ayant effectivement emballé les marchandises constitue de [traduction] « l’étiquetage » au sens de la clause 61.01 de la convention collective. Et même si cela était le cas, une telle opération ne constituerait qu’une version minimale de la tâche d’étiquetage de la marchandise dangereuse. À mon avis, cela ne correspond pas à l’exécution d’une tâche à un degré suffisamment important au point d’ouvrir droit à l’indemnité prévue à la clause 61.01.

49 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

50 Le grief est rejeté.

Le 2 avril 2013.

Traduction de la CRTFP

Augustus Richardson,
arbitre de grief

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