Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’<<AFPC>>) a présenté un grief collectif contre l’Agence des services frontaliers du Canada (l’<<ASFC>>) - l’AFPC a affirmé que l’ASFC avait contrevenu à la disposition de la convention collective concernant les heures supplémentaires en n’attribuant pas 60 heures supplémentaires aux ASF qui travaillaient au point d’entrée où les heures supplémentaires étaient requises - conformément à cette clause, <<[...] sous réserve des nécessités du service, l’Employeur s’efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d’heures supplémentaires et d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles.>> - l’employeur a reconnu qu’il n’avait pas respecté sa propre politique, qui a été mise en place pour gérer la répartition du travail supplémentaire - l’arbitre de grief a rejeté le grief en déclarant que la clause en question ne conférait pas aux employés un droit à des heures supplémentaires à une occasion particulière - elle prévoit la répartition équitable des heures supplémentaires évaluée sur une période raisonnable - l’arbitre de grief a conclu que, d’après les éléments de preuve fournis, la répartition des heures supplémentaires sur une période d’un an était équitable - il a reconnu que le pouvoir discrétionnaire d’un employeur pouvait être restreint par les politiques mises en œuvre relativement à la répartition des heures supplémentaires - la clause portant sur les heures supplémentaires comporte trois aspects, à savoir: 1) que l’employeur doit s’efforcer autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d’heures supplémentaires; 2) que l’employeur doit offrir le travail supplémentaire de façon équitable; 3) que l’employeur doit s’assurer d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles - en ce qui concerne le troisième aspect, l’arbitre de grief a conclu qu’aucun élément de preuve ne démontrait que les ASF affectés au point d’entrée où le travail supplémentaire était requis étaient facilement disponibles le jour en question - or, de tels éléments de preuve étaient essentiels pour démontrer que la convention collective avait été violée et, en l’absence de ces éléments, il était impossible de tirer une telle conclusion - l’arbitre de grief a déclaré qu’il fallait considérer le portrait d’ensemble de la situation lorsqu’il est question de répartition équitable des heures supplémentaires - il a également déclaré qu’<<équitable>> n’avait pas le même sens qu’<<égal>>. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-04-11
  • Dossier:  567-02-80
  • Référence:  2013 CRTFP 39

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief collectif renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
George Filliter, arbitre de grief

Pour l'agent négociateur:
Christopher Shulz, avocat

Pour l'employeur:
Michel Girard, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 20 février 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1 Le 16 août 2010, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a présenté un grief auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« employeur »). Le grief a été présenté au nom d’un groupe de fonctionnaires.

2 Il est utile en l’espèce de reproduire ci-après le libellé du grief :

[Traduction]

Exposé du grief

Par ce grief, nous contestons le fait que le 2 août 2010, la direction n’a pas demandé aux ASF du poste frontalier de Lansdowne de travailler des heures supplémentaires, ni tenté de communiquer avec ces agents à cet égard, en raison d’une augmentation anticipée du volume du trafic.

La direction a affirmé que, selon une directive du DGR Vinette, un surplus d’effectifs était requis afin de faciliter la circulation et de réduire la congestion en sollicitant d’autres points d’entrée, notamment ceux de Prescott, Cornwall, Trenton et Ottawa, afin de permettre l’ouverture de huit (8) voies de circulation de 10 h à 22 h les vendredi 30 juillet, samedi 31 juillet, dimanche 1er août et lundi 2 août 2010. Cette demande a été faite « après que notre propre liste de travail en heures supplémentaires a été épuisée ». Le lundi 2 août 2010, cinq (5) ASF d’autres points d’entrée ont obtenu des postes de douze (12) heures supplémentaires de travail en plus du temps de déplacement pour travailler au poste frontalier de Lansdowne. Cette omission avait pourtant été signalée à l’attention de la direction le samedi 31 juillet 2010, et la situation n’a pas été rectifiée à cette occasion.

Mesure corrective demandée

Tous les ASF dont le nom figure au Formulaire 19 supplémentaire qui étaient admissibles à travailler des heures supplémentaires le 2 août 2010 doivent recevoir, à titre de mesure de redressement, le paiement du nombre équivalent d’heures de travail confiées à des ASF provenant de l’extérieur du poste frontalier de Lansdowne.

3 Un [traduction] « Formulaire 19 » supplémentaire était joint au grief présenté par l’agent négociateur. Les noms et signatures de quatorze (14) individus y étaient inscrits. Il n’a pas été contesté que les individus dont le nom figurait sur le formulaire étaient des agents des services frontaliers (des « ASF ») travaillant pour l’employeur au poste frontalier de Lansdowne, en Ontario.

4 La convention collective pertinente est celle conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe des Services frontaliers, venant à échéance le 20 juin 2011 (la « convention collective »). L’avocat de l’agent négociateur a précisé que le litige portait sur la clause 28.03a) de la convention collective. Il est utile aux fins des présentes de reproduire ci-après le libellé de cette clause :

Sous réserve des nécessités du service, l'Employeur s'efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d'heures supplémentaires et d'offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles.

II. L’audience

5 L’audience du grief devait avoir lieu les 20 et 21 février 2013. Cependant, les parties ont pu s’entendre sur un exposé conjoint des faits et la preuve documentaire qui seraient produits à l’audience. Grâce aux efforts des avocats des parties, l’audience a pris fin le 20 février 2013.

III. La question en litige

6 La question en litige est énoncée comme suit : L’employeur a-t-il violé la clause 28.03a) de la convention collective?

IV. Les faits

7 Tel qu’il a été mentionné, au début de l’audience les parties ont produit en preuve diverses pièces ainsi qu’un « Exposé conjoint des faits », lequel est libellé comme suit :

[Traduction]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

Le Conseil du Trésor (l’« employeur ») et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») ont convenu que les faits suivants se rapportant au grief mentionné en rubrique ne sont pas contestés :

1. Dans les jours précédant une longue fin de semaine du Congé civique, l’employeur a réalisé qu’il avait besoin d’effectifs supplémentaires pour composer avec le volume accru du trafic les samedi 31 juillet 2010, dimanche 1er août 2010 et lundi 2 août 2010.

2. Il n’est pas contesté que l’employeur a offert du travail en heures supplémentaires aux ASF du poste frontalier de Lansdowne pour des quarts qui ont eu lieu le 31 juillet et le 1er août 2010, mais pas le 2 août 2010.

3. Le 2 août 2010, cinq (5) ASF de l’extérieur du poste frontalier de Lansdowne ont chacun travaillé des postes de douze (12) heures (soit soixante (60) heures au total).

4. Le 3 août 2010, le chef intérimaire Scott a envoyé un courriel à tous les employés, dans lequel il reconnaissait l’erreur commise et s’en excusait (copie du courriel jointe à l’onglet 6 du dossier conjoint des documents)

5. Au poste frontalier de Lansdowne, l’offre équitable du travail en heures supplémentaires est fondée sur l’ensemble de l’exercice (soit une période de douze (12) mois).

6. Il n’est pas contesté que durant la période de douze (12) mois comprise entre le 1er avril 2010 et le 31 mars 2011 :

  • un total de 36 329 heures de travail ont été travaillées en heures supplémentaires au poste frontalier de Landsdowne (copie du rapport des heures supplémentaires des quatorze (14) fonctionnaires s’estimant lésés jointe à l’onglet 7 du dossier conjoint des documents);
  • la moyenne des heures de travail travaillées en heures supplémentaires par les ASF au poste frontalier de Lansdowne était de 427,40 heures (copie du rapport des heures supplémentaires des quatorze (14) fonctionnaires s’estimant lésés jointe à l’onglet 7 du dossier conjoint des documents);

7. Il est également non contesté que durant cette période de douze (12) mois les quatorze (14) fonctionnaires s’estimant lésés ont travaillé entre 468,92 et 425,94 heures supplémentaires (copie du tableau de ventilation des heures supplémentaires des quatorze (14) fonctionnaires s’estimant lésés jointe à l’onglet 8 du dossier conjoint des documents)

8. Trois (3) exceptions relatives au paragraphe précédent, soit :

1) Carole Dubeau n’a travaillé que 410 heures supplémentaires durant cette période, mais elle était en congé pendant 558 heures durant la période précitée de douze (12) mois;

2) Mohammed Farhat n’a travaillé que 365 heures supplémentaires durant cette période, mais il était en affectation à l’Administration centrale pendant cinq (5) mois durant la période précitée de douze (12) mois;

3) Jarret Johnson n’a travaillé que 319 heures supplémentaires durant cette période, mais il était en congé d’études pendant sept (7) mois durant la période précitée de douze (12) mois.

9. Le 16 août 2010, les 14 fonctionnaires s’estimant lésés ont présenté le grief no 102861, contestant une violation de l’article 28.03 de la convention collective. La mesure de redressement demandée était qu’on paye à tous les fonctionnaires s’estimant lésés admissibles à travailler le 2 août 2010 l’équivalent de toutes les heures de travail confiées aux ASF provenant de l’extérieur du poste frontalier de Lansdowne (copie de la politique sur les heures supplémentaires jointe à l’onglet 5 du dossier conjoint des documents).

8 Les parties ont de plus produit en preuve un dossier de documents constitué de huit (8) pièces et d’un exemplaire de la convention collective.

V. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

9 L’agent négociateur a affirmé que ce grief ne portait pas sur la répartition équitable des heures supplémentaires, mais plutôt sur la décision de l’employeur de ne pas avoir confié soixante (60) heures supplémentaires de travail le 2 août 2010 aux fonctionnaires travaillant au poste frontalier de Lansdowne.

10 L’avocat de l’agent négociateur a soutenu qu’en analysant la clause 28.03a) de la convention collective, il fallait tenir compte de trois aspects particuliers. Premièrement, l’employeur doit « s'efforce[r] autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d'heures supplémentaires ». Deuxièmement, l’employeur doit offrir le travail supplémentaire de façon équitable. Troisièmement, l’employeur doit s’assurer d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable « entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles ». L’avocat du l’agent négociateur a fait valoir que c’était ce troisième aspect de cette clause qui n’avait pas été respecté en ce qui concerne le présent grief.

11 Durant l’exercice financier du 1er avril 2010 au 31 mars 3011, quelque 36 000 heures supplémentaires ont été offertes aux employé-e-s (pièce 1, onglet 7). L’agent négociateur a reconnu que ces heures supplémentaires avaient été offertes de façon équitable entre les employés du poste frontalier de Lansdowne.

12 Toutefois, le 2 août 2010, soixante (60) heures supplémentaires ont été attribuées à cinq (5) employés non affectés au poste frontalier de Lansdowne. L’agent négociateur a soutenu que ces heures auraient dû être offertes aux employés affectés au poste frontalier de Lansdowne, conformément aux obligations énoncées à cet égard à la clause 28.03a) de la convention collective.

13 L’agent négociateur m’a renvoyé à la pièce 1 de l’onglet 5, qu’il a décrite comme étant la procédure adoptée par la direction du poste frontalier de Lansdowne. Dans l’énoncé de cette procédure ou de cette politique, on définit en quoi consiste un [traduction] « rappel au travail en h/s »; l’agent négociateur a soutenu que cette procédure n’avait pas été suivie le 2 août 2010.

14 L’agent négociateur m’a renvoyé à une décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), laquelle appuierait, à son avis, la proposition voulant qu’une politique adoptée par l’employeur relativement à l’application d’une disposition de la convention collective restreigne le pouvoir discrétionnaire de l’employeur. Dans ce cas, l’agent négociateur a soutenu que le pouvoir discrétionnaire de l’employeur d’attribuer des heures supplémentaires était restreint par la politique (Hunt et Shaw c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 65).

15 Bien que l’agent négociateur ait aussi fait valoir que les deux parties étaient d’accord que la période raisonnable pour l’attribution des heures supplémentaires de façon équitable était de douze (12) mois, la jurisprudence appuie également une conclusion similaire (Armand c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada, Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166‑02‑19560 (19900629), [1990] C.R.T.F.P.C. no 24 (Q.L.)

16 L’agent négociateur a en outre fait valoir que l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique avait également interprété une clause similaire et conclu que l’employeur ne pouvait exclure un groupe d’employés de l’offre d’heures supplémentaires (Johnston et al. c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration), dossiers de la CRTFP 166-02-17488 à 17490 (19880930)). L’agent négociateur a soutenu que, par conséquent, l’employeur avait contrevenu à la convention collective en n’attribuant pas les soixante (60) heures supplémentaires de travail le 2 août 2010 aux employés travaillant au poste frontalier de Lansdowne.

17 L’avocat de l’agent négociateur a également soutenu qu’il ne s’agissait pas dans cette affaire d’une réclamation d’heures supplémentaires pour une journée en particulier, mais plutôt de la répartition équitable des soixante (60) heures supplémentaires de travail que l’employeur n’a pas offert aux employés du poste frontalier de Lansdowne (Lay c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14889 (19861124)).

18 Par conséquent, l’agent négociateur a soutenu que je devrais déclarer que l’employeur avait violé la clause 28.03 de la convention collective et que je devrais demeurer saisi de l’affaire pendant quatre-vingt-dix (90) jours pour veiller à ce que les questions d’indemnisation soient traitées de façon appropriée.

B. Pour l’employeur

19 L’employeur a soutenu que le litige portait essentiellement sur la question de l’ « équitabilité ». L’avocat de l’employeur m’a renvoyé à l’expression « facilement disponibles » utilisée dans la clause 28.03a) de la convention collective. Quatre-vingt-cinq (85) ASF travaillent au poste frontalier de Lansdowne, alors que quatorze (14) sont nommés dans le grief en l’espèce. Or, selon l’employeur, aucune preuve ne m’a été présentée qui me permettrait de conclure que l’un ou l’autre de ces employés étaient « facilement disponibles ».

20 Selon l’employeur, il aurait fallu une telle preuve pour que la demande de l’agent négociateur soit recevable. L’avocat de l’employeur a également fait valoir que dans les cas auxquels m’a renvoyé l’agent négociateur, il était démontré que les employés en cause étaient disponibles à travailler.

21 Par ailleurs, l’employeur a reconnu que la politique ou la procédure énoncée à l’onglet 5 de la pièce 1 n’avait pas été suivie. L’avocat de l’employeur a signalé que la chef intérimaire, Mona Scott, avait admis ce fait le 3 août 2010, soit le jour suivant l’erreur en cause (pièce 1, onglet 6). L’employeur a cependant soutenu qu’il n’existait aucun droit exclusif aux soixante (60) heures supplémentaires dont il est question, et que l’erreur administrative commise ne signifiait pas pour autant que la convention collective avait été violée.

22 L’employeur a également fait valoir que le terme « équitable » n’avait pas la même signification que le terme « égal », puisque le caractère équitable devait être apprécié au fil du temps. L’avocat de l’employeur a soutenu que lorsqu’un employeur n’offre pas à un employé de travailler des heures supplémentaires alors qu’une clause sur le caractère équitable de l’offre des heures supplémentaires est prévue par la convention collective, l’arbitre de grief doit évaluer si l’erreur de l’employeur a effectivement entraîné une répartition inéquitable des heures supplémentaires (Baldasaro et Thiessen c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 54).

23 L’employeur a également fait valoir que le principe de la répartition équitable des heures supplémentaires portait sur un certain nombre d’heures supplémentaires offert au fil du temps, par exemple une année comme c’est le cas en l’espèce (King c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-02-28585 (19990819), [1999] C.R.T.F.P.C. no 111 (Q.L.).

24 L’employeur a de plus soutenu que si une erreur administrative avait été commise, comme c’est le cas en l’espèce, l’arbitre de grief devait considérer l’ensemble de la situation de déterminer la mesure de redressement à accorder (Narbonne c. Conseil du Trésor (ministère des Postes), dossiers de la CRTFP 166-02-12473 et 13059 (19821207), [1982] C.R.T.F.P.C. no 198 (Q.L.).

25 L’avocat de l’employeur m’a renvoyé à un cas portant sur l’affectation du travail sur des remorqueurs au port de Halifax. Il a indiqué que, dans cette affaire, l’employeur avait affecté par erreur des employés au mauvais remorqueur. Les employés de l’autre remorqueur auraient alors manqué des occasions de travailler des heures supplémentaires. Selon l’avocat de l’employeur, l’approche adoptée par l’arbitre de grief dans cette affaire est utile en l’espèce. L’arbitre de grief avait conclu que la répartition équitable des heures supplémentaires ne pouvait pas être appréciée sur la base d’une seule occasion perdue de travailler des heures supplémentaires (Farcey c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-21050 (19920212) [1999] C.R.T.F.P.C. no 22 (Q.L.).

C. Réfutation de l’agent négociateur

26 Dans sa réfutation, l’avocat de l’agent négociateur a soutenu que les cas cités par l’employeur concernaient des travailleurs affectés à un même chantier. Or, en l’espèce, les soixante (60) heures supplémentaires avaient été attribuées à des employés qui ne travaillaient pas au poste frontalier de Lansdowne.

VI. Analyse

27 Je suis d’accord avec les deux parties. La clause 28.03a) de la convention collective ne confère pas aux employés un droit à des heures supplémentaires à une occasion particulière. Elle prévoit la répartition équitable des heures supplémentaires évaluée sur une période raisonnable (voir Narbonne, Farcey, Armand et King). En l’espèce, les parties ont convenu qu’il s’agissait d’une période d’un an.

28 L’employeur a mis en œuvre une politique ou une procédure sur l’application des heures supplémentaires (pièce 1, onglet 5). Je souscris à l’opinion de l’agent négociateur que cela restreint les pouvoirs discrétionnaires de l’employeur (voir Hunt et Shaw).

29 Le courriel de Mme Scott (pièce 1, onglet 6) reconnaît l’erreur de l’employeur en ce qui concerne la procédure à suivre. Cette conclusion est d’ailleurs confirmée au paragraphe 4 de l’exposé conjoint des faits.

30 Toutefois, est-ce que le fait que l’employeur ait commis une erreur en ne respectant pas la procédure en matière d’heures supplémentaires se traduit nécessairement par une violation de la clause 28.03a) de la convention collective?

31 À mon avis, ce n’est pas le cas. J’explique ci-après comment j’en suis arrivé à cette conclusion.

32 Tout d’abord, j’accepte la proposition de l’agent négociateur relativement aux trois aspects de la clause 28.03a) de la convention collective. L’employeur doit s'efforcer autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d'heures supplémentaires, ce qui n’est pas pertinent dans les circonstances de l’espèce.

33 Par ailleurs, la preuve qui m’a été présentée confirme que l’employeur s’est efforcé autant que possible de répartir équitablement les heures supplémentaires sur une période de douze (12) mois, ce qui touche au deuxième aspect de la clause en question.

34 Ces conclusions réduisent donc la portée de mon analyse au troisième aspect de cette clause de la convention collective. Les heures supplémentaires doivent être réparties équitablement entre les employés « facilement disponibles ».

35 Les [traduction] « procédures d’appel des heures supplémentaires » formulées dans la politique de l’employeur établissent l’ordre dans lequel les ASF se voient offrir des heures supplémentaires au poste frontalier de Lansdowne. Elle traite également de l’établissement d’une moyenne des heures supplémentaires, mais ce volet de la politique n’est pas utile à mon analyse en l’espèce.

36 L’employeur a commis une erreur le 2 août 2010 dans son application de la première partie de la procédure.

37 Partant, comment est-ce que le défaut par l’employeur de suivre sa procédure d’appel des employés pour leur offrir des heures supplémentaires pourrait entraîner une violation de la clause 28.03a) de la convention collective?

38 À mon avis, cela ne pourrait être possible que s’il y a une preuve que des employés « facilement disponibles » travaillaient au poste frontalier de Lansdowne.

39 Or, aucune preuve que lesdits employés étaient « facilement disponibles » le 2 août 2010 ne m’a été présentée. Par conséquent, pour ce seul motif il y aurait lieu de rejeter ce grief.

40 Je ne suis pas disposé à accepter l’invitation qui m’est faite de la part de l’agent négociateur de déclarer que l’employeur aurait violé la convention collective puis d’apprécier ensuite si les employés étaient « facilement disponibles » aux fins d’établir la mesure de redressement appropriée. Cela équivaudrait à donner à l’agent négociateur l’occasion de corriger une faille fatale à son argumentation. Bien qu’il se puisse que certains des employés, voire tous, soient « facilement disponibles » le 2 août 2010, en l’absence d’une telle preuve je ne puis conclure que l’employeur a violé la convention collective, même s’il a admis ne pas avoir suivi la politique à cet égard.

41 Autrement dit, les soixante (60) heures sur lesquelles porte ce grief selon l’agent négociateur auraient pu être offertes ou ne pas être offertes aux employés travaillant au poste frontalier de Lansdowne. Cette décision ne pouvait être prise qu’en fonction d’éléments de preuve établissant que certains d’entre eux étaient « facilement disponibles ». Une telle preuve est nécessaire pour déterminer s’il y a eu violation de la clause 28.03a) de la convention collective.

42 Je suis d’ailleurs limité dans cette conclusion par la jurisprudence tendant à dire que les arbitres de grief doivent tenir compte de l’ensemble de la situation lorsqu’il est question de répartition équitable des heures supplémentaires (voir Narbonne et Farcey).

43 Je suis conscient du fait que la jurisprudence confirme que l’arbitre de grief doit examiner la question de la répartition équitable des heures supplémentaires en l’envisageant dans le temps, et non à partir de situations particulières. En d’autres termes, tel qu’il a déjà été conclu par la Commission, le terme « équitable » n’avait pas le même sens qu’« égal ».

44 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

45 Le grief est rejeté.

Le 11 avril 2013.

Traduction de la CRTFP

George Filliter,
arbitre de grief

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