Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a soutenu que l’employeur avait violé l’article 39 de la LRTP lorsqu’il a mis en œuvre une nouvelle PRE après qu’un avis de négocier a été présenté - l’article 39 de la LRTP est une disposition <<de gel>> qui interdit à l’employeur de modifier les conditions d’emploi après qu’un avis de négocier a été signifié - l’employeur a soutenu qu’il n’avait pas violé l’article 39, puisque celui-ci porte sur une condition d’emploi <<[...] pouvant figurer dans une convention collective [...]>>, et que l’article 55 de la LRTP laisse entendre que les questions de mise en disponibilité ne peuvent pas faire partie d’une convention collective - il a aussi affirmé que la PRE n’introduisait pas de changements fondamentaux aux conditions d’emploi existantes et que sa mise en œuvre relevait de ses droits relatifs à l’organisation du milieu de travail - la formation de la Commission a conclu que la PRE concernait des conditions d’emploi qui pouvaient faire partie d’une convention collective et qu’elle correspondait à une modification unilatérale des conditions d’emploi après qu’un avis de négocier a été signifié - le changement à la PRE ne correspondait pas aux pratiques établies de l’employeur et ne pouvait être justifié par une exception de [traduction] <<pratique courante>> ou [traduction] d’<<attente raisonnable>>, ni par tout autre motif organisationnel de bonne foi que l’employeur aurait pu avoir - la Commission a jugé que la mesure de réparation qui s’imposait était l’émission d’une déclaration disant que l’employeur avait violé l’article 39 - la PRE n’a touché aucun des employés représentés par l’unité de négociation durant la période de gel, et le gel prévu par la loi n’était plus en vigueur. Déclaration émise.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
au Parlement

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-02-26
  • Dossier:  469-LP-16
  • Référence:  2013 CRTFP 18

Devant une formation de la
Commission des relations de
travail dans la fonction publique


ENTRE

ASSOCIATION CANADIENNE DES EMPLOYÉS PROFESSIONNELS

agent négociateur

et

BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT

employeur

Répertorié
Association canadienne des employés professionnels c. Bibliothèque du Parlement

Affaire concernant un renvoi en vertu de l’article 70 de la Loi sur les relations de travail au Parlement

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour l’agent négociateur :
Peter Engelmann et Ben Piper, avocats

Pour l’employeur:
Carole Piette et Sarah Lapointe, avocates

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
Le 3 décembre 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Affaire renvoyée à la Commission

1 La présente affaire a été renvoyée à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») par l’Association canadienne des employés professionnels (l’« ACEP » ou l’« agent négociateur ») en vertu de l’article 70 de la Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R.C. (1985), ch. 33 (2e suppl.) (la « LRTP »). Elle concerne une allégation de l’ACEP selon laquelle la Bibliothèque du Parlement (l’« employeur ») a violé l’article 39 de la LRTP en mettant en œuvre, après la présentation d’un avis de négociation collective, une nouvelle politique qui modifie les conditions d’emploi de ses employés.

2 Selon l’employeur, ses actions relevaient pleinement des droits de la direction concernant l’organisation du milieu de travail et ne violaient aucune disposition de la LRTP.

II. Résumé de la preuve

3 Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits que je reproduis ci-après par souci de commodité :

CONTEXTE

  1. La Bibliothèque du Parlement (l’« employeur ») offre des services d’information, de référence et de recherche aux parlementaires et à leur personnel, aux comités, aux associations et aux délégations parlementaires ainsi qu’aux hauts fonctionnaires du Sénat et de la Chambre des communes et aide les parlementaires à renseigner les Canadiens sur le Parlement et les questions qu’il étudie. Grâce à ses services, la Bibliothèque du Parlement fournit un soutien essentiel au Parlement du Canada.
  2. L’ACEP est l’agent négociateur accrédité de tous les employés de la Bibliothèque du Parlement qui font partie du sous-groupe des attachés de recherche et des adjoints de recherche du groupe Services de recherche et de bibliothéconomie et des employés du Bureau du directeur parlementaire du budget.
  3. La clause 38.01 de la convention collective a été négociée entre les parties en 2000.

CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS

  1. Dès mars 2008, la Bibliothèque du Parlement s’était fixé comme objectif d’élaborer une Politique sur le réaménagement des effectifs (la « Politique de RE »). Aux environs de mars à juin 2008, des discussions ont eu lieu entre Paula Ghosh, directrice des ressources humaines, Roland Desjardins, gestionnaire des relations de travail, Amélie Carpentier-Cayen et Jennifer Sweet concernant les lacunes de la politique actuelle sur le redéploiement des employés excédentaires des ressources humaines (les « lignes directrices »).
  2. M. Desjardins a préparé un projet soulignant les politiques actuelles concernant les mises en disponibilité et établissant le besoin d’une nouvelle politique.
  3. Aux environs de janvier 2011, Mme Ghosh a soumis une demande à l’agente des politiques, Guylaine Rondeau, pour élaborer une Politique sur le réaménagement des effectifs.
  4. Au cours du mois de janvier 2011, Mme Rondeau a fait des recherches et des analyses sur les pratiques exemplaires liées aux politiques de réaménagement des effectifs mises en œuvre par d’autres employeurs du secteur public fédéral.
  5. Mme Rondeau a aussi examiné la Directive sur la transition dans la carrière des cadres supérieurs du Conseil du Trésor, les conventions collectives et les conditions d’emploi de la Bibliothèque du Parlement, ainsi que les lignes directrices existantes.
  6. Le 28 janvier 2011, Mme Ghosh et Mme Rondeau ont organisé une réunion pour discuter des éléments qui devraient être inclus dans la Politique.
  7. Le 4 février 2011, une première ébauche de la Politique sur le RE a été présentée à Mme Ghosh aux fins d’examen.
  8. Du mois de février au mois d’août 2011, des discussions soutenues ont été tenues concernant l’ébauche de la Politique, et du travail y a aussi été consacré. Plusieurs réunions ont été organisées entre Mme Ghosh et Lynn Potter, la nouvelle directrice générale des Services de gestion, pour discuter des questions relatives au RE.
  9. La convention collective entre l’ACEP et l’employeur est expirée depuis le 15 juin 2011. L’ACEP a présenté un avis de négociation collective le 28 juin 2011.
  10. Aux environs du 30 août 2011, l’employeur et l’ACEP ont échangé des propositions de négociation. Ni l’ACEP ni l’employeur n’ont soulevé de questions relatives au réaménagement des effectifs, à la Politique sur le RE ou à tout autre enjeu lié à la sécurité d’emploi à la table de négociation.
  11. Du mois d’août au mois de septembre 2011, diverses révisions ont été apportées à l’ébauche de la Politique sur le RE.
  12. Les 4, 5 et 6 octobre 2011, l’employeur et l’ACEP ont tenu la première ronde de négociation collective.
  13. Les 18, 19 et 20 octobre 2011, l’employeur et l’ACEP ont tenu la deuxième ronde de négociation collective.
  14. Aux environs du 21 octobre 2011, l’ébauche de la Politique sur le RE a été revue à la suite d’une réunion entre Michelle Berry, la nouvelle directrice intérimaire des ressources humaines, et Mme Rondeau. Des modifications ont été apportées à l’ébauche de la Politique sur le RE à la suite d’autres réunions qui ont eu lieu entre octobre 2011 et avril 2012.
  15. Le 31 octobre 2011, l’employeur et l’ACEP ont tenu une autre ronde de négociation collective.
  16. Aux environs du 15 novembre 2011, l’ébauche de la Politique sur le RE a fait l’objet d’une discussion lors d’une réunion du Comité exécutif de la Bibliothèque.
  17. Aux environs du 2 décembre 2011, à la lumière des mises à pied prévues dans le secteur public fédéral par le gouvernement fédéral, Yves Rochon, agent des relations de travail de l’ACEP, a communiqué avec Mme Berry pour savoir si la Bibliothèque du Parlement avait des mécanismes en place pour faire face aux restrictions budgétaires. Mme Berry a indiqué que d’anciennes lignes directrices étaient en place, mais que l’employeur élaborait actuellement une nouvelle politique sur le RE. Le 19 janvier 2012, Mme Berry a envoyé à M. Rochon les lignes directrices existantes sur le redéploiement des employés excédentaires des ressources humaines. Mme Berry a assuré M. Rochon que l’employeur consulterait l’ACEP et lui demanderait son avis concernant l’ébauche de la Politique sur la RE.
  18. Le 15 mars 2012, l’employeur et l’ACEP ont tenu une autre ronde de négociation collective.
  19. Aux environs du 30 mars 2012, l’employeur a envoyé un communiqué à tous les employés pour les informer qu’il effectuait un Examen stratégique et fonctionnel (« ESF »), et que la mise à jour de la Politique sur le RE était en cours.
  20. Le 4 avril 2012, l’ACEP a déposé un avis de demande d’arbitrage conformément à l’article 50 de la LRTP.
  21. Le 25 avril 2012, Shirley Squires, la nouvelle directrice des ressources humaines, a organisé une réunion de présentation avec M. Rochon et la présidente de la section locale de l’ACEP, Nathalie Pothier, pour les renseigner au sujet de l’ébauche de la Politique sur le RE.
  22. Le 26 avril 2012, Mme Squires a transmis un courriel à Mme Pothier afin de fournir à l’ACEP l’ébauche de la Politique sur le RE et un exemplaire anticipé d’un communiqué destiné aux employés pour donner suite au message envoyé le 30 mars 2012 sur l’ESF. C’est la première fois qu’un représentant de l’ACEP s’est vu remettre l’ébauche de la Politique. Mme Pothier a transmis la Politique à M. Rochon du bureau national de l’ACEP. Le courriel indiquait que l’employeur organiserait une consultation spéciale avec les sections locales du syndicat pour discuter de cette ébauche.
  23. Dans les semaines qui ont suivi cette réunion, Mme Squires a discuté avec les présidents des sections locales du syndicat. Les discussions portaient entre autres sur le budget, l’ESF et la Politique sur le RE. Mme Pothier a exprimé les préoccupations de ses membres concernant la façon dont les mises à pied découlant de l’ESF seraient faites, mais elle n’a jamais fourni de rétroaction sur le contenu de la Politique. Les syndicats ont été encouragés à soumettre toute préoccupation ou suggestion de changement concernant la Politique.
  24. Le 4 mai 2012, l’employeur a organisé une réunion avec l’ACEP et les présidents de la section locale de l’AFPC pour expliquer la raison pour laquelle il avait élaboré une Politique sur le RE en vue de remplacer les anciennes lignes directrices. Au cours de cette discussion, on a clairement expliqué la nécessité d’avoir en place une politique cohérente sur le RE à la lumière des annonces budgétaires imminentes et des insuffisances des lignes directrices existantes. En réponse aux demandes de renseignements des présidents locaux, Mme Squires a confirmé que les questions et les commentaires concernant l’ébauche de la Politique seraient les bienvenus, y compris les conseils sur des questions connexes tels que des avis concernant des fournisseurs de services de soutien dont les syndicats avaient pris connaissance grâce aux expériences d’autres employeurs fédéraux et dont la prestation de service était de bonne qualité. Mme Pothier a assisté à cette réunion afin de transmettre l’information fournie aux dirigeants locaux et au bureau national de l’ACEP.
  25. Le 18 mai 2012, l’employeur a organisé une réunion avec l’ACEP pour discuter de la Politique sur le RE. Mme Pothier, M. Rochon, Mme Squires, Mme Berry, Mme Sweet et M. Desjardins étaient présents à cette réunion. Au cours de la réunion, M. Rochon a présenté la position officielle de l’ACEP, qui estimait qu’étant donné que l’avis de négocier avait été signifié et que le processus de négociation collective n’était pas achevé, il serait inopportun pour l’employeur d’introduire une nouvelle politique sur la RE. Il a indiqué que l’ACEP croyait que l’entrée en vigueur d’une telle politique pourrait être considérée comme une violation de l’article 39 de la Loi sur les relations de travail au Parlement (« LRTP »). Pour cette raison, l’ACEP ne participerait pas aux consultations concernant la Politique sur le RE.
  26. Le 22 mai 2012, alors que les négociations étaient dans l’impasse et que les deux parties avaient déposé une demande d’arbitrage, Carole Piette, la négociatrice de l’employeur, a invité Hélène Paris, la négociatrice de l’ACEP, à discuter de la Politique sur le RE. Sur recommandation de son conseiller juridique, Mme Paris a refusé de discuter de la Politique. Elle a informé Mme Piette que puisqu’un avis de négocier avait été signifié et que la question du réaménagement des effectifs n’avait pas été soulevée comme telle par l’une ou l’autre des parties à l’étape de la négociation, un gel prévu par la loi s’appliquait, et l’ACEP ne reprendrait pas les négociations avec l’employeur pour initier des discussions à ce sujet.
  27. Le 23 mai 2012, lors d’une réunion avec Mme Pothier, l’employeur a réaffirmé qu’il procéderait à la mise en œuvre de la Politique sur le RE à la lumière de l’exercice d’Examen stratégique et fonctionnel et de l’approbation imminente du budget de la Bibliothèque du Parlement par les présidents du Sénat et de la Chambre des communes. Même si Mme Pothier a reçu de l’information sur la Politique de la part de l’employeur, elle n’a jamais fourni de rétroaction ni posé de question à ce sujet à la lumière de la position de l’ACEP selon laquelle la Politique constituait une violation du gel imposé par la
  28. Le 29 mai 2012, la Politique sur le RE a été approuvée par la bibliothécaire parlementaire et la directrice générale des services ministériels.
  29. Le 8 juin 2012, M. Desjardins, Mme Berry et Mme Squires ont rencontré les deux présidents du syndicat local pour leur confirmer que la Politique sur le RE avait été approuvée et qu’ils organiseraient des séances d’information afin que les syndicats soient en mesure de répondre aux questions des membres à ce sujet.
  30. Le 19 juin 2012, Mme Pothier a informé Mme Squires que l’ACEP ne participerait pas à la séance de formation. Dans un courriel envoyé plus tard ce jour-là, Mme Pothier a précisé que les dirigeants locaux de l’ACEP avaient décidé, sur recommandation du bureau national de l’ACEP, qu’il serait inapproprié que les représentants de l’ACEP participent à une formation sur la Politique de RE que l’employeur souhaitait promulguer.
  31. Une réunion regroupant les sections locales de chaque syndicat a été convoquée le 20 juin 2012, mais l’ACEP n’y a pas assisté. L’AFPC, qui représente les groupes LS, LT et CGS de la Bibliothèque, y a assisté, et on lui a présenté un aperçu de la Politique sur le RE ainsi que des précisions concernant son interprétation.
  32. Le 25 juin 2012, Mme Squires a reçu une correspondance de la part de M. Rochon lui demandant une mise à jour de la Politique sur le RE et réitérant l’objection de l’ACEP relativement à la politique. Il a exprimé sa déception à l’égard du fait que l’employeur semblait procéder à la mise en œuvre de la politique, comme l’a confirmé un message vocal reçu par leur négociatrice, Mme Paris, de la part de la négociatrice de l’employeur, Carole Piette, l’avisant que l’employeur allait procéder à la mise en œuvre de la Politique sur le RE, ainsi qu’une invitation envoyée à Mme Pothier concernant la séance d’information tenue plus tôt au mois de juin. Dans son courriel, M. Rochon demandait qu’on lui indique clairement si la Politique allait être mise en œuvre et, dans l’affirmative, la date de son entrée en vigueur.
  33. Le 28 juin 2012, l’employeur a organisé une réunion avec les présidents des sections locales des deux syndicats. L’employeur a fait le point sur l’approbation du budget et sur l’annonce proposée destinée aux employés prévue pour le 12 juillet 2012. Les sections locales du syndicat ont été informées qu’elles recevraient les communications anticipées ainsi que toute information relative aux employés concernés afin de coordonner conjointement des réunions avec ces derniers, au besoin.
  34. Aux environs de juin 2012, le Président du Sénat et le Président de la Chambre des communes, chargés de la direction et du contrôle de la Bibliothèque du Parlement, ont fourni des directives à la Bibliothèque concernant son Examen stratégique et fonctionnel. Aux environs du 21 juin 2012, les présidents ont approuvé la proposition d’ESF de la Bibliothèque, en conformité avec les mesures entreprises dans la fonction publique fédérale et au sein du Sénat et de la Chambre des communes. La proposition prévoyait une réduction du budget de la Bibliothèque de 2,5 %, soit environ 1 million de dollars, d’ici la fin de l’exercice 2014-2015.
  35. Le 3 juillet 2012, l’employeur a tenu une réunion avec le président de la section locale de l’AFPC concernant un communiqué devant être envoyé à tous les employés le 4 juillet. La présidente de la section locale de l’ACEP était absente ce jour-là. En l’absence de Mme Pothier, Mme Squires a discuté avec M. Rochon. Les deux syndicats ont reçu un courriel anticipé de ce communiqué.
  36. Le même jour, Mme Squires a répondu au courriel de M. Rochon daté du 25 juin. Dans son courriel, elle a confirmé que la Politique avait été adoptée le 29 mai 2012. Mme Squires a écrit que la continuité de l’emploi demeurait un objectif de l’employeur, mais qu’elle n’était pas toujours possible. Par conséquent, la nouvelle politique offrait une variété de possibilités. À son avis, la nouvelle politique avait été adoptée dans l’intérêt des employés, puisqu’autrement, ces derniers n’auraient droit qu’à l’indemnité prévue par la convention collective. Elle a ajouté que la nouvelle politique ne violait aucune disposition de la LRTP et qu’elle relevait du droit de l’employeur d’organiser son milieu de travail. Enfin, Mme Squires a confirmé que si les membres de l’ACEP étaient concernés par l’ESF, l’employeur appliquerait le Politique sur le RE. Mme Squires a conclu le courriel en indiquant que le Bibliothèque du Parlement accepterait de rencontrer le syndicat pour discuter de la Politique sur le RE.
  37. Le 4 juillet 2012, un communiqué a été envoyé à tous les employés concernant l’approbation de l’ESF de la Bibliothèque du Parlement par les présidents du Sénat et de la Chambre des communes. Ce communiqué précisait les restrictions budgétaires et les mesures prises par l’employeur pour respecter ces exigences. Le communiqué indiquait que « le Comité exécutif de la Bibliothèque (CEB), appuyée par l’équipe de gestion élargie, a considéré un grand nombre de possibilités et a adopté une approche de mise en œuvre de l’ESF qui est conforme au mandat de la Bibliothèque, qui reflète les priorités stratégiques de l’organisation et qui limite les répercussions sur les services dont profitent le plus directement les parlementaires et le public que nous servons en leur nom. » Le communiqué indiquait également que, selon les prévisions, jusqu’à la moitié des 45 postes touchés pourrait être supprimée par attrition. Le communiqué indiquait que la plupart des employés touchés seraient informés d’ici la fin de l’année civile 2012.
  38. Le 13 juillet 2012, l’employeur a reçu un courriel de la part de M. Rochon concernant le communiqué envoyé le 4 juillet 2012 et une assemblée publique qui avait eu lieu le 5 juillet. M. Rochon a soulevé des préoccupations concernant le délai relatif à l’identification des 45 postes touchés par les restrictions budgétaires. Il a souligné l’importance de minimiser l’incertitude dans les circonstances. M. Rochon a également réitéré son objection à la Politique sur le RE et informé l’employeur que l’ACEP déposerait une plainte concernant la Politique si cette dernière n’était pas révoquée.
  39. Le 17 juillet, Mme Squires a organisé une réunion bilatérale ordinaire avec Mme Pothier. Elle a réitéré d’anciennes communications avec l’ACEP voulant qu’aucun employé de l’ACEP n’avait été déclaré touché ni ne faisait partie des quatre employés dont les postes étaient supprimés selon le communiqué du 4 juillet 2012. Mme Squires a profité de l’occasion pour expliquer que l’application de la Politique serait étroitement surveillée, que le syndicat serait tenu informé de l’évolution de la situation et que les syndicats auraient la possibilité de fournir de la rétroaction sur tout changement nécessaire.
  40. Le 19 juillet 2012, Mme Squires a eu une conversation téléphonique avec M. Rochon au cours de laquelle elle a expliqué l’approche utilisée pour aviser les quatre membres de l’AFPC qu’ils seraient touchés à compter du 4 juillet 2012. À ce moment-là, aucun membre de l’ACEP n’était touché.
  41. Le même jour, une réponse a été envoyée par courriel à M. Rochon et à Mme Pothier pour clarifier le contenu du communiqué du 4 juillet, indiquant que même si aucun employé de l’ACEP n’était encore touché par les restrictions budgétaires, l’ESF était en cours et que la plupart des employés touchés seraient informés d’ici la fin de 2012.
  42. Le 8 août 2012, Mme Squires a envoyé un deuxième courriel à M. Rochon en réponse à leur conversation du 19 juillet 2012 précisant l’information fournie dans le communiqué du 4 juillet 2012. Dans son courriel, Mme Squires a laissé entendre que sans la Politique sur le RE, les membres de l’ACEP n’auraient droit qu’à l’indemnité prévue par la convention collective. Elle a confirmé que la Politique sur le RE serait appliquée aux membres de l’ACEP et a noté que l’employeur demeurait ouvert à la rétroaction de l’ACEP sur la Politique sur le RE.
  43. Le 24 et le 25 octobre 2012, l’employeur et l’ACEP ont tenu une séance de médiation informelle. L’arbitrage des différends entre les parties a eu lieu les 15 et 16 novembre 2012.
  44. Le 22 novembre 2012, un communiqué a été envoyé à tous les employés pour les informer des mesures qui seraient prises en réponse aux restrictions budgétaires à la Bibliothèque du Parlement. Ce communiqué exposait les réaménagements requis des effectifs, incluant la suppression de trente-six (36) postes plutôt que des quarante-cinq (45) postes prévus. Le communiqué indiquait : « nous prévoyons que les mesures indiquées précédemment, combinées à celles déjà en cours, nous permettront de respecter les exigences relatives aux restrictions et aux réaffectations budgétaires dans le contexte de l’ESF. » Il soulignait aussi que malgré les restrictions budgétaires actuelles, la priorité de la Bibliothèque était de maintenir les services directs offerts aux clients.
  45. Depuis janvier 2012, un certain nombre de politiques et pratiques additionnelles sont entrées en vigueur, notamment la Politique sur les congés avec étalement du revenu, le Code de valeurs et d’éthique et la Politique sur la sécurité de l’information. Veuillez consulter la liste complète en annexe (tableau 36).
  46. À ce jour, aucun poste de l’ACEP n’a été supprimé, et l’employeur a effectué d’autres recrutements pour des postes relevant de l’unité de négociation de l’ACEP. Veuillez consulter la liste complète des concours depuis janvier 2012 en annexe (onglet 37).

4 En plus de l’exposé conjoint des faits, les parties ont aussi soumis des documents qui précisaient les événements en question.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

5 Selon l’agent négociateur, l’employeur a sans aucun doute enfreint l’article 39 de la LRTP en introduisant et en mettant en œuvre la nouvelle politique sur le RE. Ce faisant, l’employeur a changé unilatéralement les conditions d’emploi des membres de l’agent négociateur, et ce, en dépit du fait qu’un avis de négociation collective avait déjà été signifié, ce qui est explicitement interdit en vertu de l’article 39.

6 Essentiellement, l’agent négociateur a soutenu que la Politique sur le RE avait été mise en œuvre durant ce qui est communément appelé un gel imposé par la Loi; ce fait n’est pas en litige. Il a également souligné que la Politique avait apporté des changements importants et fondamentaux aux conditions d’emploi existantes et que la mise en œuvre de la Politique sur le RE par l’employeur ne constituait pas une pratique courante de gestion, et que ni l’agent négociateur ni les membres ne pouvaient raisonnablement s’attendre à sa mise en œuvre. Selon l’agent négociateur, l’employeur n’agissait pas de façon habituelle et ne perpétuait pas une pratique consacrée par l’usage lorsqu’il a introduit la Politique sur le RE. L’agent négociateur a soutenu qu’étant donné que l’employeur avait attendu quatre ans pour le consulter et qu’il ne l’avait fait qu’après la signification d’un avis de négociation collective, aucune attente raisonnable ne pouvait survenir dans ces circonstances.

7 À l’appui de ses arguments, l’agent négociateur m’a renvoyé à : Conseil du Trésor c. Association canadienne du contrôle du trafic aérien, [1982] 2 C.F. 80; Association professionnelle des agents du service extérieur c. Conseil du Trésor, 2003 CRTFP 4; Pacific Coast Terminals Co. Ltd. v. Vancouver Wharves Limited, 87 di 113 (C.L.R.B.); Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 148-2-125 (19870211); Canadian Union of United Brewery, Flour, Cereal Soft Drink and Distillery Workers v. Simpsons Limited, [1985] OLRB Rep. April 594, 1985 CanLII 949 (ON LRB); Alliance de la Fonction publique du Canada c. Commission de la capitale nationale, dossiers de la CRTFP 148-29-218 et 161-29-761 (19951016); Public Service Alliance of Canada v. BHP Billiton Diamonds Inc., 2006 CanLII 62914 (CIRB); Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 103.

B. Pour l’employeur

8 Essentiellement, l’employeur a fait valoir que la mise en œuvre de la Politique sur le RE n’avait en aucun cas violé l’article 39 de la LRTP. Tout d’abord, il a soutenu que ni les lignes directrices ni la Politique sur le RE ne concernaient des conditions d’emploi qui pouvaient être incluses dans la convention collective. À l’appui de cet argument, il a affirmé que le fait que les décisions arbitrales ne peuvent pas traiter des procédures ou des processus de mise en disponibilité conformément à l’article 55 de la LRTP laisse entendre que les questions de mise en disponibilité ne peuvent faire partie d’une convention collective.

9 L’employeur a aussi fait valoir que, même si je devais conclure que la Politique sur le RE concerne des conditions d’emploi qui peuvent faire partie d’une convention collective, aucun changement important ou fondamental aux conditions d’emploi existantes n’a été introduit par le biais de la Politique sur le RE. Selon l’employeur, la Politique ne fait que limiter le pouvoir discrétionnaire qui était accordé à la direction dans les anciennes lignes directrices et imposer des procédures et des processus obligatoires.

10 Enfin, l’employeur a soutenu que, même s’il était conclu que la Politique sur le RE concerne des conditions d’emploi qui peuvent figurer dans une convention collective et qu’elle change de façon importante et fondamentale les conditions d’emploi existantes, elle constitue tout de même une pratique courante à laquelle l’agent négociateur aurait raisonnablement pu s’attendre. L’employeur a ajouté que le gel imposé par la Loi ne devrait pas été utilisé par l’agent négociateur pour paralyser les activités de l’employeur durant le processus de négociation.

11 À l’appui de ses arguments, l’employeur m’a renvoyé à : Aliant Telecom Inc., [2002] CCRI no 181; S.P.A.T.E.A. v. Spar Aerospace Products Ltd., [1978] O.L.R.B. Rep. 859; Canadian Union of United Brewery, Flour, Cereal Soft Drink and Distillery Workers v. Simpsons Limited; Alliance de la Fonction publique c. Commission de la Fonction publique; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Commission de la Capitale nationale, [1996] A.C.F. no 57 (C.A.F.); Mohawk Hospital Services Inc., [1993] OLRB Rep. September 873; P.I.P.S.C. v. Canadian Tourism Commission, 2009 CCRI 456; Camco Inc. and U.E., Local 550 (Grace), (1989) 14 C.L.A.S. 63; Giant Yellowknife Mines Ltd. and U.S.W.A., Local 4440, (1990) 17 C.L.A.S. 88; Toronto District School Board v. Canadian Union of Public Employees, Local 4400, [2002] O.L.A.A. No. 7; Canadian Union of Public Employees, Local 4400 v. Toronto District School Board, [2008] O.L.A.A. No. 5; TRW Canada Ltd. and T.P.E.A., 19 L.A.C. (4e) 136; Collins & Aikman and U.S.W.A., Loc. 889L, 11 L.A.C. (4e) 185.

IV. Motifs

12 L’article 39 de la LRTP vise à favoriser la négociation collective ordonnée et équitable. Il est libellé comme suit :

Maintien en vigueur des conditions

39. Sauf entente à l’effet contraire entre l’employeur et l’agent négociateur, toute condition d’emploi pouvant figurer dans une convention collective et encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné continue de lier les parties aux négociations, y compris les employés de l’unité de négociation

a) soit jusqu’à la conclusion d’une convention collective, si cette condition d’emploi ou une autre condition proposée à sa place n’a pas fait l’objet d’une demande d’arbitrage dans les conditions prévues par la présente partie;

b) soit, si cette condition d’emploi ou une autre proposée à sa place fait l’objet d’une demande d’arbitrage dans les conditions prévues par la présente partie, jusqu’au règlement de la question par une convention collective ou une décision arbitrale.

13 Après avoir attentivement examiné et pris en considération les faits et les preuves documentaires conjointement présentés par les parties, je conclus sans hésiter que la Politique sur le RE dont il est question, qui vise en grande partie à veiller à ce que des possibilités d’emploi soient offertes aux employés touchés par le réaménagement des effectifs, concerne effectivement les conditions d’emploi.

14 Pour que l’article 39 s’applique, ces conditions ne doivent pas nécessairement faire partie d’une convention collective, mais doivent pouvoir faire partie d’une convention collective. Dans la présente affaire, j’estime que les conditions d’emploi ciblées par la Politique sur le RE pourraient faire partie d’une convention collective. Contrairement à ce qu’a laissé entendre l’employeur, le fait que les décisions arbitrales ne puissent pas traiter des procédures ou des processus de mise en disponibilité conformément à l’article 55 de la LRTP ne signifie pas que les questions de mise en disponibilité ne peuvent pas faire partie d’une convention collective. Il est assez courant de retrouver de telles politiques sur le RE dans les conventions collectives du secteur public.

15 Les conditions d’emploi en question avaient déjà été traitées en grande partie dans les lignes directrices sur le redéploiement des employés excédentaires des ressources humaines. Bien que l’employeur ait pu croire que ces lignes directrices étaient insuffisantes et qu’elles devaient être révisées en élaborant une nouvelle politique, les conditions d’emploi concernées existaient déjà au moment où l’avis de négocier a été signifié. De plus, je constate que le premier sous-titre des anciennes lignes directrices est [traduction] « politique » et que le libellé utilisé ne semble pas offrir un grand pouvoir discrétionnaire ou une grande flexibilité. Par exemple, le terme [traduction] « doit », plutôt que le terme [traduction] « peut », est constamment utilisé pour décrire les procédures et les processus auxquels doit avoir recours l’employeur en excédent d’effectifs. De plus, j’estime que les changements introduits par cette nouvelle politique étaient importants et fondamentaux. Je suis d’accord avec l’affirmation de l’agent négociateur selon laquelle les anciennes lignes directrices ne faisaient aucune mention particulière des mises en disponibilité et semblaient offrir une meilleure protection aux employés. La nouvelle politique sur le RE s’éloigne de la protection solide offerte par les lignes directrices et la limite de nombreuses façons. Le fait qu’en mars 2008, le chef des relations avec les employés et de la classification de l’employeur estimait que les pratiques de mise en disponibilité de l’employeur réduisaient pratiquement à néant le concept de mise en disponibilité et qu’il a recommandé que la [traduction] « politique » de redéploiement de l’employeur soit révisée et modifiée (voir le tableau 2 de la pièce 1) appuie sans aucun doute cette hypothèse.

16 En outre, je conclus que l’introduction de cette politique ne constituait pas une pratique de gestion normale ni une pratique courante de l’employeur, mais plutôt un changement unilatéral des conditions d’emploi de ses employés après que l’agent négociateur a signifié un avis de négocier, situation que l’article 39 vise précisément à prévenir. Autrement dit, le processus visant à apporter un changement important à la Politique sur le RE ne s’inscrivait pas dans la pratique habituelle et établie de l’employeur.

17 Je rejette aussi l’argument de l’employeur fondé sur la décision de 1984 de l’OLRB dans Simpsons Limited selon lequel il ne lui était pas interdit d’introduire une telle politique, parce qu’une telle interdiction aurait paralysé ses activités. Supposons que j’accepte ce point de vue, les preuves qui m’ont été présentées ne m’ont pas convaincu que l’employeur ne pouvait pas poursuivre ses activités selon les paramètres ou les processus établis et être guidé par les pratiques de mise en disponibilité existantes qu’il avait auparavant mises en œuvre.

18 Dans ma décision, je n’ai pas considéré comme pertinents les motifs organisationnels de bonne foi de l’employeur justifiant l’introduction de la Politique sur le RE. Quelle que soit la validité des motifs justifiant l’introduction de la Politique sur le RE, celle-ci demeure une violation de l’article 39 et ne peut être justifiée par une exception découlant d’une [traduction] « pratique courante » ou [traduction] d’une « attente raisonnable ». Dans les circonstances, il n’était simplement pas pratique de laisser entendre que les employés ou l’agent négociateur auraient dû s’attendre de façon raisonnable à la mise en œuvre de la nouvelle politique sur le RE durant le gel.

19 En ce qui a trait à ce qui constitue une mesure de réparation appropriée en l’espèce, je note qu’aucune preuve n’a été présentée par les parties supposant que l’employeur ait introduit la Politique avec une quelconque intention malveillante.

20 Je suis également conscient qu’à la suite d’une récente décision arbitrale de la Commission rendue le 1er février 2013 (voir Association canadienne des employés professionnels c. Bibliothèque du Parlement, 2013 CRTFP 10), le gel imposé par la Loi n’est plus en vigueur.

21 De plus, étant donné qu’aucun des employés représentés par l’agent négociateur n’a été touché par l’introduction de cette politique (aucun poste représenté par l’ACEP n’a été supprimé durant la période de gel applicable), aucune conséquence pratique n’a découlé de cette violation. Autrement dit, même si, comme l’indique l’employeur, la politique sur le RE modifiée était en place, cette dernière n’a simplement pas été appliquée durant la période de gel.

22 Par conséquent, aucune mesure de réparation autre qu’une déclaration que l’employeur a violé l’article 39 de la LRTP en mettant en œuvre la Politique sur le RE aux environs du mois de juillet 2012 n’est justifiée dans les circonstances. Cette déclaration s’applique uniquement à la période couverte par le gel imposé par la Loi, soit du 28 juin 2011 (la date de l’avis de négociation collective) au 1er février 2013 (la date de la décision arbitrale ACEP c. Bibliothèque du Parlement, 2013 CRTFP 10). Ces motifs ne visent pas à traiter de la question de savoir si l’employeur pourrait ou devrait réintroduire la Politique sur le RE à une date ultérieure, maintenant que le gel imposé par la Loi n’est plus en vigueur.

23 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

24 Je déclare que l’employeur a violé l’article 39 de la LRTP en mettant en œuvre la Politique sur le RE en juillet 2012.

Le 26 février 2013.

Traduction de la CRTFP

Stephan J. Bertrand,
Une formation de la Commission
des relations de travail dans la
fonction publique

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