Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que les défendeurs avaient manqué à leur devoir de représentation équitable lorsqu’un représentant syndical est intervenu dans l’audience de sa plainte par le Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP) et a annulé une assignation à comparaître qui avait été délivrée par son représentant syndical au commissaire du Service correctionnel du Canada - il a déposé sa plainte auprès du TDFP en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique - il a allégué que cet acte avait gravement compromis son cas - la Commission a demandé aux parties de soumettre leurs arguments concernant la question de savoir si le devoir de représentation équitable qui incombe à un syndicat englobe le traitement de questions relevant d’autres lois et a tenu une audience sur la seule question de la compétence - la formation de la Commission a conclu que le devoir de représentation équitable énoncé à l’article 187 de la Loi n’englobe pas les questions débordant le cadre de la Loi ou d’une convention collective pertinente - le pouvoir de la Commission découle de la Loi, et il y a des affaires et des différends en matière de relations de travail qui ne relèvent pas de sa compétence - bien que l’article 187 ne précise pas la portée du devoir de représentation équitable, le fait qu’il figure dans la partie de la Loi intitulée <<Relations de travail>> conjointement avec le préambule de la Loi indique que le législateur n’avait pas l’intention d’accorder à la Commission une compétence illimitée pour examiner tous les actes des organisations syndicales et des agents négociateurs - la représentation devant le TDFP dans le cadre d’une plainte de dotation n’est pas une question qui s’inscrit dans les paramètres de la Loi ou d’une convention collective pertinente - l'employeur n'était ni partie à la plainte ni un intervenant, et aucun élément de preuve n’attestait que la plainte découlait de la Loi ou de la convention collective - le législateur voulait distinguer et séparer convenablement les processus de nomination et de négociation et de réglementation des conditions d’emploi - la formation de la Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-04-30
  • Dossier:  561-02-544
  • Référence:  2013 CRTFP 48

Devant une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique


ENTRE

JEFFREY BROWN

plaignant

et

SYNDICAT DES EMPLOYÉS DU SOLLICITEUR GÉNÉRAL ET JOHN EDMUNDS

défendeurs

Répertorié
Brown c. Syndicat des employés du Solliciteur général et Edmunds

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour les défendeurs:
Amarkai Laryea, Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire entendue à Kingston (Ontario),
le 13 février 2013.
Arguments écrits déposés les 12 et 13 janvier, les 1er et 27 mars, le 10 avril et les 3
et 17 mai 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 9 décembre 2011, Jeffrey Brown (le «  plaignant  ») a déposé une plainte contre le Syndicat des employés du Solliciteur général (le «  SESG  ») et son président, John Edmunds, (collectivement désignés les «  défendeurs  ») en vertu des alinéas 190(1)a), c), e), f), g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la «  Loi  »). Le plaignant a fourni les détails supplémentaires suivants le 12 janvier 2012 :

[Traduction]

Le président du SESG (Syndicat des employés du Solliciteur général), M. John Edmunds, est intervenu directement dans la plainte déposée auprès du TDFP (Tribunal de la dotation de la fonction publique) plainte Jeffrey Brown c. Service correctionnel du Canada.

Cette mesure a été prise de manière « arbitraire », compte tenu du fait que l'examen et l'évaluation des faits pertinents ont été effectués de façon superficielle et inattentive.

De plus, cette mesure allait directement à l'encontre de la décision du TDFP de délivrer une assignation pour le Commissaire Don Head pour cette audience, compromettant ainsi gravement ce cas.

2 Le 13 janvier 2012, le plaignant a envoyé les détails supplémentaires suivants en ce qui concerne sa plainte :

[Traduction]

Le président du SESG, M. John Edmund, a manqué à son devoir d'agir équitablement dans la mesure qu'il a prise d'annuler l'assignation autorisée par le TDFP exigeant du commissaire du Service correctionnel du Canada, M. Don Head, de rendre un témoignage crucial dans l'affaire d'arbitrage des griefs du TDFP de l'auteur. (Plainte no 2009‑0446)

Cette mesure directe a compromis la position du plaignant dans cette audience et a porté préjudice de manière considérable au cas devant le Tribunal. La mesure était arbitraire, discriminatoire et empreinte de mauvaise foi.

L'auteur a sollicité M. Edmund par courriel pour l'amener à renverser sa décision de révoquer l'assignation et s'abstenir de toute intervention supplémentaire dans le cadre de cette procédure. Cette demande a été rejetée par le défendeur. D'autre part, la réponse par courriel de M. Edmund traduisait une certaine collusion avec le SCC, car le raisonnement qu'il y présentait reprenait mot pour mot l'argumentation étayée par l'avocat du ministère de la Justice représentant SCC à l'audience du TDFP. (argumentation qui a été rejetée par l'arbitre de grief du TDFP qui a autorisé l'assignation de M. Head)

M. Edmund, à titre de président du SESG, est directement responsable de ces violations et devrait par conséquent rendre des comptes à cet égard.

3 La Commission a demandé des précisions au sujet de la plainte, qu'elle a reçues le 1er mars 2012 et qui sont formulées ainsi :

[Traduction]

«  Conduite arbitraire  »

  1. M. Edmunds, en sa qualité de président national du SESG, a pris des mesures arbitraires directes et unilatérales en s'immisçant dans le processus de ma plainte no 2009-0446 (Brown) déposée auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique. Les mesures de M. Edmunds ont eu un effet négatif sur l'audience en compromettant les éléments de preuve présentés à l'audience ainsi que l'argumentation avancée.
  2. M. Edmunds a rejeté l'assignation demandée par mon représentant, M. Boone, à l'audience susmentionnée. Cette mesure a été prise sans que M. Edmunds ne fasse un examen approfondi des circonstances de l'affaire ou du raisonnement pour la demande d'assignation.
  3. Malgré la décision rendue par le directeur exécutif du Tribunal de la dotation de la fonction publique à l'audience d'arbitrage susmentionnée qui soutenait la demande d'assignation. Dans sa décision, il a formulé l'affirmation suivante :

«  Enfin, que le résumé écrit des consultations de 2010 de M. Head constitue ou non la reconnaissance d'une discrimination systémique dans la région de l'Ontario, son témoignage quant à l'existence de pratiques discriminatoires au sein de la région de l'Ontario serait pertinent par rapport aux questions en l'espèce  ».

  1. Les mesures prises par M. Edmunds constituent une négligence grave.

4 La Commission a écrit au plaignant le 13 février 2012 et l'a informé que les alinéas 190(1)a), c), e) et f) visent normalement à régler des questions entre un agent négociateur (syndicat) et l'employeur. La Commission a demandé au plaignant de confirmer les alinéas de la Loi sur lesquels il fondait sa plainte. Le 1er mars 2012, le plaignant a confirmé à la Commission qu'il s'appuyait uniquement sur l'alinéa 190(1)g) de la Loi.

5 Les défendeurs ont produit une réponse à la plainte le 27 mars 2012, et le plaignant a déposé sa réplique à la réponse en date du 3 avril 2012, que la Commission a reçu le 10 avril 2012. Le plaignant a de nouveau envoyé sa réplique du 3 avril 2012 à la Commission en mai; elle était datée du 3 mai 2012.

6 Le 30 avril 2012, la Commission a fourni les orientations suivantes aux parties :

[Traduction]

Les parties sont invitées à présenter tous les arguments dont ils disposent en ce qui concerne la question suivante :

«  Le droit à la représentation devant un autre tribunal administratif, tel que le Tribunal de la dotation de la fonction publique, se rapporte-t-il à des affaires ou des différends visés par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ou par la convention collective applicable?  »

Plus particulièrement, on invite les parties à examiner les décisions suivantes pour présenter leurs arguments :

Lavoie c. AFPC et Lachappelle, 2009 CRTFP 143; et

Elliott c. Guilde de la marine marchande du Canada et al., 2008 CRTFP 3.

7 Les deux parties ont soumis des arguments écrits en réponse à la lettre de la Commission du 30 avril 2012, le plaignant le 3 mai 2012 et les défendeurs le 17 mai 2012.

8 Après la réception des arguments écrits supplémentaires, la Commission a ordonné que l'affaire soit traitée au moyen d'une audience et l'a fixée pour la période du 12 au 15 février 2013, à Kingston, en Ontario.

9 Par une lettre datée du 14 janvier 2013, les défendeurs ont demandé que la Commission envisage d'entendre uniquement la question de la compétence, telle qu'énoncée dans la lettre de la Commission du 30 avril 2012. Le plaignant s'y est opposé. La Commission a tenu une conférence préparatoire à l'audience pour étudier cette demande ainsi qu'une autre demande présentée par les défendeurs pour commencer l'audience le 13 février 2013.

10 La Commission a jugé qu'il convenait de n'entendre que les éléments de preuve et les arguments sur la question de la compétence selon ce qui est mentionné dans sa lettre du 30 avril 2012, à titre de question préliminaire durant l'audience fixée pour le mois de février, et a ordonné que l'audience commence le 13 février.

II. Résumé de la preuve

11 Le plaignant est un agent de libération conditionnelle, employé par Service correctionnel du Canada («  SCC  »).

12 Le fondement de la plainte trouve son origine dans une plainte déposée par le plaignant en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12, 13 (la «  LEFP  »), auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le «  TDFP  ») contre le commissaire du SCC; Brown c. le commissaire du Service correctionnel du Canada et autres parties, 2012 TDFP 0017 (la «  plainte devant le TDFP  »). La Commission de la fonction publique (la «  Commission  ») n'a pas assisté à l'audience, mais a versé des arguments écrits. Le plaignant a allégué, dans le cadre de la plainte déposée devant le TDFP, une discrimination systémique, et par conséquent, la Commission canadienne des droits de la personne (la «  CCDP  ») a été informée de la procédure. La CCDP a choisi de ne pas présenter d'arguments. Le plaignant était représenté dans la plainte déposée devant le TDFP par le SESG. L'audience de la plainte déposée devant le TDFP était fixée du 6 au 8 décembre 2011 et elle s'est tenue à ces dates.

13 En novembre 2011, juste avant l'audition de la plainte déposée auprès du TDFP, le plaignant, avec le soutien du SESG, a demandé une assignation au TDFP pour obliger le commissaire du SCC, Don Head, à comparaître devant le Tribunal. Le TDFP a rendu une décision-lettre le 28 novembre 2011, énonçant qu'il délivrerait une assignation.

14 Le 29 novembre 2011, le SESG a communiqué au plaignant sa décision d'indiquer au TDFP que l'assignation n'était pas nécessaire. Le plaignant a allégué que cette décision avait été prise de manière arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi par M. Edmunds et qu'il s'agit de la mesure qui a donné lieu au dépôt de cette plainte devant la Commission.

15 Le plaignant a continué à être représenté par le SESG à l'audience du TDFP.

16 Au cours de la présente audience, aucune partie n'a eu recours à des témoignages de vive voix. Les deux parties ont versé des preuves documentaires par consentement.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour les défendeurs

17 Les défendeurs ont soutenu que la Commission n'a pas compétence pour entendre cette affaire, car elle ne découle pas de la Loi ou de la convention collective pertinente.

18 Selon les défendeurs, le législateur a créé deux sphères autonomes et mutuellement exclusives couvrant l'emploi dans la fonction publique fédérale, la dotation et les relations de travail.

19 Le régime de dotation est régi exclusivement par la LEFP, qui dispose au paragraphe 29(1) que la Commission a compétence exclusive pour nommer à la fonction publique des personnes, y appartenant ou non. L'employeur, qui est défini au paragraphe 2(1) de la LEFP comme étant le Conseil du Trésor, a des pouvoirs limités en vertu de la LEFP en ce qui concerne le processus de nomination, lui permettant uniquement d'établir les normes de qualification pour les candidats potentiels.

20 L'alinéa 7(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques (la «  LGFP  ») stipule que le Conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada pour toutes les questions relatives à la gestion des ressources humaines de l'administration publique fédérale, notamment la détermination des conditions d'emploi des personnes qui y sont employées. Les pouvoirs du Conseil du Trésor sont davantage limités au paragraphe 11.1(1) de la LGFP. Le processus de nomination en vertu de la LEFP est expressément exclu de ces pouvoirs conformément au paragraphe 11.1(2) de la LGFP.

21 Les défendeurs ont soutenu que la finalité globale et l'objet de la Loi, tel qu'il est établi dans son préambule, est de résoudre de façon crédible et efficace les problèmes liés au milieu de travail au sein de la fonction publique fédérale. Les défendeurs m'ont également renvoyé à l'alinéa 113b) de la Loi, qui empêche expressément aussi bien le Conseil du Trésor que les agents négociateurs de s'entendre sur des conditions de travail dans une convention collective qui sont régies par la LEFP.

22 Les défendeurs m'ont renvoyé à Pelletier et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 117, dans laquelle la Commission a confirmé que le législateur a en réalité clairement établi les deux sphères autonomes et mutuellement exclusives couvrant les relations de travail et la dotation, et que le Conseil du Trésor est explicitement exclu du droit d'agir en matière de dotation, et qu'il ne peut pas lier la Commission ou un administrateur général en relation avec toute affaire s'y rattachant.

23 Les défendeurs ont soutenu que, même si l'article 187 de la Loi semble être libellé en termes assez généraux, les obligations énoncées dans cet article sont limitées et doivent se rapporter aux droits et obligations tels qu'ils sont établis dans la Loi ou la convention collective. Les défendeurs ont déclaré que le législateur n'avait sûrement pas l'intention de donner à la Commission le pouvoir d'examiner toute mesure qu'un agent négociateur prend à l'égard d'un membre lorsque l'agent négociateur choisit de fournir des services aux membres. Toute représentation assurée par un agent négociateur qui ne s'inscrit pas dans les paramètres de la Loi ou d'une convention collective pertinente ou qui pourrait s'inscrire dans les paramètres de la Loi ou d'une convention collective ne relève donc pas de la compétence d'examen de la Commission conformément à la Loi. Les défendeurs se sont fondés sur le raisonnement étayé dans Lavoie c. Alliance de la Fonction publique du Canada et Lachapelle, 2009 CRTFP 143, et Elliott c. Guilde de la marine marchande du Canada et al., 2008 CRTFP 3.

24 L'opinion exprimée par les défendeurs était que, puisque la dotation ne s'inscrit nullement dans les paramètres de la Loi, l'employeur est dépourvu expressément du pouvoir de nomination, l'employeur et les agents négociateurs ne peuvent pas négocier les conditions d'emploi qui pourraient relever de la LEFP, et toute mesure prise par un agent négociateur pour s'occuper de ses membres dans des affaires saisies par le TDFP n'est pas visée par la Loi ou une convention collective pertinente et ne relève donc pas de la compétence d'examen de la Commission conformément à l'alinéa 190(1)g) et l'article 187 de la Loi.

25 Outre Lavoie, Elliot et Pelletier, les défendeurs se sont également fondés sur Albert et al. c. Hawley et al. et Union des employés de la Défense nationale, dossier de la CRTFP 161-02-447 (19871006), et Lai c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 33.

B. Pour le plaignant

26 Le plaignant a affirmé que les arguments des défendeurs reposaient sur la fausse hypothèse entourant la décision rendue par le TDFP. La plainte est uniquement fondée sur la conduite de M. Edmunds et non pas sur ce qui s'est déroulé au cours de l'audience du TDFP. La position du plaignant est que le devoir de représentation équitable existe en tout temps et s'applique à tous les aspects de la relation concernant les membres de l'unité de négociation et leur agent de négociation. Il ne s'agit pas d'un parapluie, pour ainsi dire, que l'agent négociateur peut ouvrir et refermer en fonction de la question et du domaine.

27 Selon le plaignant, étant donné que la Commission est autorisée à accréditer un agent négociateur à représenter une unité de négociation, il est donc essentiel pour la Commission de superviser toutes les mesures prises par l'agent négociateur à l'égard des membres de l'unité. L'article 187 de la Loi n'établit en aucun cas des limites. Si l'agent négociateur ou ses dirigeants ou représentants agissent à l'égard d'un membre d'une manière qui correspond à la définition d'«  arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi  », la Commission a compétence, peu importe que l'affaire à trancher concerne des questions découlant de la convention collective pertinente ou une question identifiée dans la Loi. Si la Commission accrédite l'agent négociateur, elle est dès lors chargée de surveiller ses actions. Compte tenu du fait que la Loi ne fournit pas d'autres recours à un membre en ce qui concerne les mesures prises par son agent négociateur, l'unique recours est la Commission.

28 Le plaignant a affirmé que la relation entre un agent négociateur et ses membres est un lien; les membres versent une cotisation et ces cotisations sont versées en partie en vue d'assurer qu'ils sont sur un pied d'égalité avec l'employeur. La nature de la relation est telle que l'agent négociateur doit représenter les membres avec lesquels il est en relation auprès de l'employeur. Si une organisation est accréditée pour faire office d'agent négociateur, il incombe à cette organisation de ne pas causer de préjudice à ses membres. Si un agent négociateur agit contre l'intérêt d'un membre sans qu'il y ait de divergence d'intérêts entre le membre et l'agent négociateur, alors l'acte est arbitraire et constitue par conséquent un cas de manquement au devoir de représentation équitable.

29 Le plaignant a examiné les circonstances précises des actes posés par M. Edmunds en ce qui concerne la plainte déposée auprès du TDFP et a qualifié essentiellement ces actes comme étant déterminants pour trancher la question de la compétence de la Commission. Il m'a exhorté à prendre en considération le fait que, les mesures prises par les défendeurs semblant arbitraires, son cas devrait être entendu et je devrais me déclarer compétent.

30  Pour appuyer sa position, le plaignant m'a renvoyé à la décision de la Cour Suprême du Canada Centre hospitalier Régina Ltée c. Tribunal du travail, [1990] 1 RCS 1330. Il a fait référence au commentaire suivant formulé par la Cour :

[…]

Le devoir de juste représentation d'un syndicat dans le cadre du traitement d'un grief peut être divisé en deux phases distinctes. Lors de la première phase, le syndicat doit considérer avec diligence le bien-fondé du grief afin de décider s'il doit être porté à l'arbitrage […] Lors de la seconde phase, si le syndicat évalue le grief comme bien‑fondé, il doit représenter sans négligence grave, discrimination ou mauvaise foi, le salarié à tous les stades ultérieurs de la procédure de traitement du grief […]

[…]

31 Le plaignant a affirmé que les concepts énoncés par la Cour Suprême dans Centre hospitalier Régina Ltée sont exprimés et élaborés dans le «  Guide à l'intention des plaignants qui se représentent eux-mêmes et qui allèguent une pratique déloyale en vertu des articles 185 et 187 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP)  » (le «  Guide  ») de la Commission.

32 Le plaignant a affirmé que, selon lui, il n'existe pas d'autre recours mis à sa disposition pour contester les actions de son agent négociateur, et par conséquent, en raison du libellé de l'article 187 de la Loi, par défaut, la Commission doit avoir la compétence.

33 Le plaignant a soutenu qu'Elliot se distinguait du présent cas. Dans Elliott, le respect des délais constituait un problème, et en ce qui concerne le cas qu'il avait déposé devant le TDFP, à la différence d'Elliott, une audience complète avait été tenue et une décision avait été rendue. Il a déclaré que pour Lavoie, c'était fondamentalement différent, car l'agent négociateur dans cette affaire avait retiré ses services de représentation avant la tenue de l'audience, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

34 Le plaignant m'a renvoyé à Noël c. Société d'énergie de la Baie James, 2001 CSC 39, pour corroborer l'argument selon lequel l'agent négociateur du SESG n'a pas carte blanche et qu'il devrait être tenu responsable de sa conduite arbitraire lorsque, même s'il n'avait aucunement l'intention de causer un préjudice, il s'était montré superficiel ou inattentif dans son travail de représentation.

35 Le plaignant a également soutenu que les cas cités dans ses documents avaient d'abord été déposés auprès de la Commission, notamment, Jutras Otto c. Brossard et Kozubal, 2011 CRTFP 107; Ménard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 124; Ménard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 95; Renaud c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 177; Jakutavicius c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2005 CRTFP 70; Savoury c. Guilde de la marine marchande du Canada, 2001 CRTFP 79, tous soutenant l'argument selon lequel la Commission a compétence pour entendre sa plainte.

C. Réplique des défendeurs

36 La conduite en particulier des défendeurs n'est pas en litige et ne devrait pas être prise en considération dans le traitement de la question de la compétence. Le caractère arbitraire ou non de leurs actions ne confère pas compétence; la compétence n'est pas non plus attribuée par défaut. La Commission est un organisme institué par la loi, et elle ne peut pas outrepasser les limites de la compétence qui lui est attribuée en vertu de la Loi.

37 Les défendeurs ont déclaré que le Guide auquel le plaignant a fait référence n'est pas pertinent, compte tenu du fait que la représentation devant le TDFP n'est pas une question sur laquelle le SESG a des droits de représentation exclusifs. Un membre est libre de déposer une plainte sans l'approbation du SESG.

IV. Motifs

38 Il s'agit d'une plainte de pratique déloyale de travail dans laquelle le plaignant a allégué que les défendeurs ont manqué à leur devoir de représentation équitable en agissant de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi dans la façon dont ils ont traité une partie de la plainte déposée par le plaignant devant le TDFP.

39 La Commission a compétence pour entendre et trancher les plaintes alléguant un manquement au devoir de représentation équitable en vertu des dispositions suivantes de la Loi :

[…]

Plaintes

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l'employeur, l'organisation syndicale ou toute personne s'est livré à une pratique déloyale au sens de l'article 185.

[…]

Définition de «  pratiques déloyales  »

185. Dans la présente section, «  pratiques déloyales  » s'entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

Représentation inéquitable par l'agent négociateur

187. Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses dirigeants et représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l'unité dont elle est l'agent négociateur.

[…]

40 Le problème qui se pose n'a pas trait à ma compétence en soi. La Commission a compétence pour entendre une plainte portant sur le devoir de représentation équitable tel qu'il est stipulé à l'article 187 de la Loi. La question est de savoir si ce devoir s'applique, tel qu'il est établi dans la Loi, aux actions des organisations syndicales lorsqu'elles représentent des membres dans le cadre d'affaires qui ne découlent pas d'une convention collective ou qu'on ne peut pas considérer comme étant régies par la Loi.

41 Pour régler la présente affaire, il convient de répondre aux deux questions suivantes :

  1. Le devoir de représentation équitable énoncé à l'article 187 de la Loi englobe-t-il les questions débordant le cadre de la Loi ou d'une convention collective pertinente?
  2. La représentation devant le TDFP dans le cadre d'une plainte de dotation est-elle une question qui s'inscrit dans les paramètres de la Loi ou d'une convention collective pertinente?

42 Si la réponse à la première question est «  oui  », la deuxième question n'a aucune importance. Si la réponse à la première question est «  non  », alors j'ai compétence uniquement si la réponse à la deuxième question est «  oui  ».

A. Le devoir de représentation équitable énoncé à l'article 187 de la Loi englobe-t-il les questions débordant le cadre de la Loi ou d'une convention collective pertinente?

43 L'«  organisation syndicale  » est définie au paragraphe 2(1) de la Loi comme suit :

«  organisation syndicale  » Organisation regroupant des fonctionnaires en vue, notamment, de la réglementation des relations entre les fonctionnaires et leur employeur pour l'application des parties 1 et 2; s'entend en outre, sauf indication contraire du contexte, de tout regroupement d'organisations syndicales.

44 L'«  agent négociateur  » est défini au paragraphe 2(1) de la Loi comme suit :

«  agent négociateur  » Organisation syndicale accréditée par la Commission et représentant à ce titre une unité de négociation.

45 L'«  unité de négociation  » est définie au paragraphe 2(1) de la Loi comme suit :

«  unité de négociation  » Groupe de fonctionnaires dont la Commission a déclaré qu'il constitue une unité habile à négocier collectivement.

46 L'«  employeur  » est défini au paragraphe 2(1) de la Loi comme suit :

«  employeur  » Sa Majesté du chef du Canada, représentée :

a) par le Conseil du Trésor, dans le cas d'un ministère figurant à l'annexe I de la Loi sur la gestion des finances publiques ou d'un autre secteur de l'administration publique fédérale figurant à l'annexe IV de cette loi;

b) par l'organisme distinct en cause, dans le cas d'un secteur de l'administration publique fédérale figurant à l'annexe V de la Loi sur la gestion des finances publiques.

47 La partie 1 de la Loi est intitulée «  Relations de travail  » et consiste en 202 articles définissant le cadre des relations entre l'employeur et les employés au sein de la fonction publique. Elle établit un vaste ensemble de règles régissant la relation entre le gouvernement fédéral en tant qu'employeur (à plusieurs titres) et ses employés. Elle définit le cadre du régime de négociation collective, notamment l'accréditation des agents négociateurs et leurs relations aussi bien avec les employés qu'avec les employeurs. Il établit la Commission comme étant l'arbitre de différends. Une bonne partie des dispositions énoncées dans la partie 1 de la Loi traite du cadre législatif établissant les unités de négociation pour les groupes d'employés, de l'accréditation des organismes de négociation comme agents négociateurs pour agir au nom des employés de ces unités, et de la négociation et la signature des conventions collectives avec l'employeur.

48 Certaines modalités relatives à la relation entre l'employeur et l'employé ne sont pas énoncées dans la convention collective et il revient en règle générale à l'employeur de les déterminer.

49 La partie 2 de la Loi est intitulée «  Griefs  » et comprend 33 articles. Elle définit le cadre procédural dans lequel les parties, assujetties à la Loi, doivent gérer la résolution des conflits en milieu de travail, notamment les conflits émanant des interprétations des conventions collectives et des sanctions disciplinaires prises par l'employeur.

50 La Commission n'a pas de compétence intrinsèque; ses pouvoirs sont exclusivement conférés par la Loi. Bien que la Commission ait de larges pouvoirs en ce qui concerne les questions liées aux relations de travail, il y a des affaires et des différends en matière de relations de travail qui ne relèvent pas de sa compétence. Citons par exemple la compétence de la Commission en ce qui concerne les différends entre l'employeur et les employés qui ne sont pas représentés par un agent négociateur. Conformément à la partie 2, tout employé (qu'il soit ou non membre d'une unité de négociation) peut déposer un grief portant sur une violation présumée de ses conditions d'emploi; toutefois, si l'employé n'est pas représenté par un agent négociateur, le différend ne peut pas être renvoyé à la Commission à des fins d'arbitrage. En fait, même si l'employé est représenté par un agent négociateur, si l'agent négociateur, dans le cas d'un grief déposé aux termes de la convention collective, décide qu'il ne souhaite pas donner suite à un grief en particulier, il peut retirer son soutien, et cet employé ne peut pas porter son grief devant la Commission et soumettre la question à l'arbitrage.

51 L'article 187 se trouve dans la partie 1 de la Loi. Bien qu'il ne précise pas la portée du devoir de représentation équitable, la Loi en soi, et le fait qu'il figure dans la partie intitulée «  Relations de travail  », offrent un contexte. Le préambule de la Loi se lit comme suit :

[…]

[…] [La Loi reconnaît] que des relations patronales-syndicales fructueuses sont à la base d'une saine gestion des ressources humaines, et que la collaboration, grâce à des communications et à un dialogue soutenu, accroît les capacités de la fonction publique de bien servir et de bien protéger l'intérêt public;

que la négociation collective assure l'expression de divers points de vue dans l'établissement des conditions d'emploi;

que le gouvernement du Canada s'engage à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d'emploi;

que le gouvernement du Canada reconnaît que les agents négociateurs de la fonction publique représentent les intérêts des fonctionnaires lors des négociations collectives, et qu'ils ont un rôle à jouer dans la résolution des problèmes en milieu de travail et des conflits de droits;

[…]

52 Compte tenu du mandat de la Loi et de l'endroit où figure l'article relatif au devoir de représentation équitable, je suis d'avis que le législateur n'avait pas l'intention d'accorder à la Commission une compétence illimitée pour examiner toutes les actions des organisations syndicales et des agents négociateurs. Il est logique que la compétence de la Commission d'entendre et de trancher les plaintes de manquement au devoir de représentation équitable doive d'une certaine façon découler des paramètres de la Loi ou de la convention collective pertinente.

53 Cette question a été examinée de manière approfondie par les commissions des relations de travail, y compris la Commission, en particulier dans le cadre de la décision Elliott qu'elle a rendue récemment. J'admets le raisonnement dans Elliott selon lequel le devoir de représentation équitable tel qu'il est énoncé à l'article 187 de la Loi se rapporte aux droits, aux obligations et aux affaires tels qu'ils sont établis dans la Loi. La Commission a déclaré ce qui suit dans Elliott :

[…]

183. Le pouvoir de la CRTFP, en tant que tribunal établi par une loi, d'agir à cet égard provient exclusivement de la LRTFP. L'article 187 de la LRTFP – à l'instar des dispositions en matière de devoir de représentation juste du Labour Relations Code de la Colombie-Britannique et du Labour Relations Act de l'Ontario, mentionnés plus haut – ne précise pas la portée du devoir de représentation juste. À mon avis, étant donné que ce devoir est énoncé dans la LRTFP, il se rapporte aux droits, obligations et questions énoncés dans ladite Loi. Puisque l'un des principaux objectifs de la LRTFP est de réglementer la relation entre les employés et leur employeur, je suis d'avis que la portée du devoir de représentation juste se rapporte à cette question.

184. Tout comme dans le secteur privé, la LRTFP accorde aux syndicats des pouvoirs de représentation importants. Par exemple, un agent négociateur accrédité en vertu de la LRTFP a le droit exclusif de négocier pour les membres de son unité (alinéa 67a)). Un fonctionnaire ne peut présenter un grief individuel relatif à l'interprétation ou à l'application d'une disposition d'une convention collective à moins d'avoir l'approbation de l'agent négociateur de l'unité de négociation et d'être représenté par lui (paragraphe 208(4)). D'après moi, le devoir de représentation juste s'applique à ces questions, car elles sont énoncées dans la LRTFP et concernent la relation des fonctionnaires avec leur employeur. De plus, à la lumière de la genèse du devoir de représentation juste, le fait que le syndicat a des droits de représentation exclusifs dans la négociation d'une convention collective et des droits d'approbation exclusifs à l'égard de ces griefs étaye encore plus la conclusion selon laquelle le devoir de représentation juste s'applique à ces questions.

185. Toutefois, le devoir de représentation juste dans la fonction publique fédérale n'est pas entièrement basé, comme dans le secteur privé, sur le caractère exclusif de la représentation syndicale. Par exemple, à mon avis (et c'est un obiter dictum, car je n'ai pas à trancher cette question), ce devoir s'appliquerait aux griefs liés à une mesure disciplinaire entraînant un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire en vertu de l'alinéa 209(1)b) de la Loi, bien que l'agent négociateur n'ait aucun droit de veto à l'égard de ces griefs. Le fonctionnaire n'a pas besoin de l'approbation du syndicat pour présenter son grief à l'employeur et il peut se représenter lui-même ou choisir qui il veut comme représentant. Là encore, d'après moi, le devoir de représentation juste couvre ces types de griefs, car ceux-ci, comme je l'ai expliqué précédemment, se rapportent à un aspect de la relation employeur-employés qui est régie par la LRTFP. Dans ces affaires, le syndicat doit à mon avis agir d'une manière conforme à l'article 187 de la LRTFP.

186. Je ne suis au courant d'aucun cas qui traite de la question de savoir si le devoir de représentation juste s'applique aux affaires de nature disciplinaire, mais la Commission a en fait dans le passé appliqué à des affaires de cet ordre le devoir de représentation juste. Par exemple, la décision Pavlik c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 161-02-792 (19970324), ainsi que la décision Ruda c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 161-02-821 (19971007), traitaient de congédiement de nature disciplinaire et, dans les deux cas, l'ancienne CRTFP a examiné la question de savoir si le devoir de représentation juste avait été violé par le syndicat étant donné la manière dont ce dernier avait représenté, à l'étape de l'arbitrage, le fonctionnaire s'estimant lésé.

187. On ne peut dire que la portée du devoir de représentation juste que prévoit la LRTFP se limite aux questions de convention collective comme dans le secteur privé. Comme je l'ai expliqué ci-dessus, le devoir de représentation juste s'applique d'après moi à l'arbitrage de questions disciplinaires en vertu de l'alinéa 209(1)b) de la Loi, quoique ces questions ne soient pas habituellement traitées dans les conventions collectives de la fonction publique fédérale parce qu'elles sont visées à la LRTFP elle‑même. Voilà la raison pour laquelle, à mon avis, l'article 187 ne renvoie pas à la convention collective. Si tel avait été le cas, cela aurait empêché que le devoir de représentation juste s'applique dans les affaires d'ordre disciplinaire.

188. Pour résumer ce qui précède, je considère que le devoir de représentation juste qui est prévu à l'article 187 de la LRTFP concerne les droits, obligations et questions énoncés dans la LRTFP, qui se rapporte à la relation entre les fonctionnaires et leur employeur. En d'autres termes, la «  représentation  » que mentionne cet article est la représentation du fonctionnaire dans des affaires ayant trait à la relation prévue dans la convention collective ou à la LRTFP, par exemple la représentation dans la négociation collective et la présentation de griefs en vertu de la Loi.

189. Ce point de vue est également celui que la prédécesseure de notre Commission a exprimé dans la décision Lai. Dans ce cas, la question était de savoir si le syndicat avait failli à son devoir de représentation juste, en refusant de représenter le plaignant dans une procédure de contrôle judiciaire d'une décision d'appel rendue en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. La Commission n'a pas tranché cette question préliminaire, car elle a rejeté la plainte sur le fond. Elle a cependant déclaré (au paragraphe 49) :

[…]

Au départ, je précise que j'ai des réserves en ce qui a trait à l'argument voulant que le devoir de représentation juste d'un agent négociateur englobe des questions qui sortent du champ d'application de la L.R.T.F.P. et qui, comme en l'espèce, découlent de situations relevant de la L.E.F.P. Je suis plutôt disposée à croire que ce devoir est limité aux droits découlant de la L.R.T.F.P.

[…]

[Le passage en évidence l'est dans l'original]

54 Par conséquent, je conclus que la compétence de la Commission pour examiner une plainte fondée sur une allégation relevant de l'article 187 de la Loi doit trouver son origine soit dans la Loi soit dans la convention collective pertinente que l'organisme négociateur ou l'agent négociateur a négociée au nom du membre qui a déposé la plainte.

B. La représentation devant le TDFP dans le cadre d'une plainte de dotation est-elle une question qui s'inscrit dans les paramètres de la Loi ou d'une convention collective pertinente?

55 Une fois qu'une organisation syndicale est accréditée pour agir au nom des membres d'une unité, elle devient un agent négociateur et agit au nom de ces membres lors des échanges avec l'employeur.

56 La définition de l'«  employeur  » figurant dans la LEFP est la même que la définition établie dans la Loi.

57 Le SCC est un secteur de l'administration publique fédérale cité à l'annexe IV de la LGFP; par conséquent, l'employeur du plaignant est le Conseil du Trésor.

58 Les termes «  organisation syndicale  » et «  agent négociateur  » ne sont pas définis dans la LEFP.

59 Le paragraphe 88(2) de la LEFP établit le mandat du TDFP, qui est d'examiner et de régler les plaintes déposées en vertu du paragraphe 65(1) et des articles 74, 77 et 83 de la LEFP.

60 Le paragraphe 65(1) de la LEFP traite des plaintes déposées auprès du TDFP en ce qui concerne des situations de mise en disponibilité et n'est pas pertinent en l'espèce.

61 L'article 74 de la LEFP porte sur les plaintes déposées auprès du TDFP en ce qui concerne la révocation d'une nomination. L'article 83 traite des cas où une nomination est effectuée en raison d'un processus de plainte conformément à l'article 77. L'article 77 traite des plaintes déposées auprès du TDFP dans des cas où une personne n'est pas nommée ou proposée pour une nomination soit en raison d'un abus de procédure ou en raison du fait qu'elle n'a pas été évaluée dans la langue officielle de son choix.

62 Le paragraphe 77(1)de la LEFP indique ce qui suit :

77. (1)Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d'un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n'a pas été nommée ou fait l'objet d'une proposition de nomination pour l'une ou l'autre des raisons suivantes

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l'administrateur général dans l'exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2) […]

[…]

63 Conformément à la LEFP, les parties reconnues comme ayant le droit d'être entendues par le TDFP sont le plaignant, l'administrateur général, la Commission, et la personne nommée ou proposée pour la nomination. Dans les cas où un plaignant soulève une question ayant trait à l'interprétation ou l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, et que la CCDP a été avisée, la CCDP peut présenter des observations sur cette question.

64 L'employeur n'a pas le droit d'être entendu.

65 Conformément à la LEFP, un plaignant peut être une personne dont la nomination a été révoquée en vertu de la Loi ou une personne qui n'a pas été nommée ou proposée pour la nomination conformément à cette Loi.

66 La LEFP stipule que les parties ont le droit d'être représentées, mais elle ne précise pas ou ne détermine pas ceux qui peuvent jouer le rôle de représentant. Aucune référence n'est faite à un organisme négociateur ou à un agent négociateur en ce qui a trait à l'audition des plaintes. Cela contraste vivement avec la Loi, qui énonce, au paragraphe 209(2), que pour qu'un grief concernant l'interprétation d'une convention collective déposé contre l'employeur puisse être porté à l'arbitrage, le fonctionnaire s'estimant lésé doit non seulement obtenir l'approbation de son agent négociateur, mais aussi être représenté par ce dernier.

67 À l'instar de la Commission, le TDFP est un organisme institué par la loi. Sa compétence est limitée, comme établi par la LEFP. Dans les articles régissant le mandat du TDFP, il est fait référence aux actions de la Commission ou de l'administrateur général dans la prise de décisions concernant les processus de dotation. Il n'est fait aucune mention de l'employeur; ni des organismes négociateurs ou des agents négociateurs. Le pouvoir de prendre des mesures correctives que la LEFP confère au TDFP lui permet de rendre des ordonnances contre la Commission et l'administrateur général pour, soit révoquer la nomination (si une nomination a été faite), soit ne pas procéder à la nomination. L'article 82 de la LEFP stipule clairement que le TDFP n'est pas investi des pouvoirs d'ordonner à la Commission de procéder à des nominations ou d'ordonner qu'un nouveau processus de nomination soit mené. Ces pouvoirs restent du ressort de la Commission, ou de l'administrateur général, s'ils lui ont été délégués.

68 L'alinéa 7(1)e) de la LGFP se lit en partie comme suit :

7. (1) Le Conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l'égard des questions suivantes

[…]

e) la gestion des ressources humaines de l'administration publique fédérale, notamment la détermination des conditions d'emploi […]

69 Le paragraphe 11.1(1) de la LGFP définit davantage les pouvoirs du Conseil du Trésor en ce qui concerne l'exercice de ses responsabilités conformément à l'alinéa 7(1)e) de la LGFP; toutefois, ces pouvoirs sont limités par l'alinéa 11.1(2)b) de la LGFP, qui indique ce qui suit :

11.1 (2)Le Conseil du Trésor ne peut :

[…]

b) exercer des pouvoirs expressément conférés à la Commission de la fonction publique sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, ou mettre en œuvre des méthodes de sélection du personnel dont l'application relève, sous le régime de cette loi, de la Commission.

70 L'article 113 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la «  Loi  »)se lit comme suit :

113. La convention collective ne peut avoir pour effet direct ou indirect de modifier, supprimer ou établir :

[…]

b) une condition d'emploi qui a été ou pourrait être établie sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, la Loi sur la pension de la fonction publique ou la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État.

71 L'alinéa 211a) de la Loi se lit comme suit :

211. L'article 209 n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief individuel portant sur

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique […]

72 Un examen des articles pertinents de la LEFP, la LGFP et la Loi indique une volonté chez le législateur de distinguer et de séparer convenablement les processus d'évaluation, de sélection et de nomination des candidats pour les postes au sein de la fonction publique fédérale d'une part, et les processus de négociation et de réglementation des conditions d'emploi d'autre part.

73 Aucun élément de preuve n'établit que, dans la plainte déposée devant le TDFP, l'employeur représentait une partie. L'employeur n'est pas partie de droit à l'instance. Comme établi plus tôt dans cette décision, le plaignant, la Commission, l'administrateur général (lorsque cela lui a été délégué) et la personne ou les personnes qui ont été nommées ou proposées pour la nomination sont les seuls à être en droit de se constituer parties à l'instance. Dans la plainte déposée auprès du TDFP, la partie contre laquelle le plaignant a allégué un abus de pouvoir était le commissaire du SCC.

74 Puisque l'employeur n'est pas partie de droit à l'instance, on ne peut l'inclure dans la procédure qu'à titre d'intervenant. L'article 19 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, stipule que «  [q]uiconque ayant un intérêt important dans une affaire dont le [TDFP] est saisi peut lui demander le statut d'intervenant  ».

75 Aucun élément de preuve n'indique que l'employeur a présenté une demande pour intervenir; aucun élément de preuve n'indique non plus que ce statut lui a été accordé. Rien dans les arguments présentés à la Commission ou dans la décision du TDFP ne désigne l'employeur comme ayant qualité de partie à cette audience. La LEFP définit précisément l'«  employeur  » comme étant le Conseil du Trésor. Le commissaire du SCC est un administrateur général; il ou elle n'est pas l'employeur. Le pouvoir de nomination est exclusivement accordé à la Commission par la LEFP et peut être délégué à l'administrateur général. La Commission n'est pas l'employeur.

76 Aucune partie n'ayant choisi de faire comparaître des témoins, il ne me restait que très peu de moyens pour déterminer si le différend au sujet duquel le plaignant a affirmé que les défendeurs ont manqué à leur devoir de représentation équitable relevait de la Loi ou de la convention collective pertinente. Les éléments de preuves qui m'ont été fournis indiquent que ni la Commission ni le commissaire du SCC ne sont les employeurs, et que rien ne laisse croire que le Conseil du Trésor était une partie à la plainte déposée auprès du TDFP. Comme aucun élément de preuve n'établit que l'employeur était une partie à la plainte déposée auprès du TDFP et qu'aucun élément de preuve n'atteste que la plainte déposée auprès du TDFP découlait de la Loi ou de la convention collective pertinente, la réponse à la deuxième question, compte tenu des circonstances, doit être négative, et par conséquent, je n'ai pas compétence.

77 Le plaignant s'est abondamment référé dans ses arguments au devoir de représentation équitable des défendeurs dans des cas où ils représentent des membres dans des affaires contre ou concernant l'employeur. Afin d'étayer son argumentation, le plaignant a cité, aussi bien dans ses arguments oraux que dans ses arguments écrits des 12 et 13 janvier 2012, Jutras Otto, les deux décisions Ménard, Renaud, Jakutavicius et Savoury. Ces décisions n'appuient pas sa position; elles ne sont pas non plus applicables à la question que je dois trancher. Chacune concerne un grief déposé par les employés contre des actes commis par leurs employeurs dans un contexte lié à leur emploi et relevant de la convention collective pertinente ou de la discipline. La Loi mentionne précisément, à l'article 209, la compétence de la Commission en ce qui concerne les questions ayant trait à la discipline.

78 Jutras Otto concernait une plainte déposée en raison d'une prétendue omission de transmettre un grief au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs. Les décisions Ménard portaient sur le défaut de l'agent négociateur dans cette affaire de soumettre un grief à l'employeur concernant l'environnement de travail. La décision Renaud traitait d'une plainte alléguant que l'agent négociateur dans cette affaire n'avait pas cherché à obtenir une demande de prorogation de délai afin de permettre le renvoi à l'arbitrage du grief déposé contre l'employeur. La décision Jakutavicius traite d'une plainte concernant le défaut de l'agent négociateur dans ce cas de représenter le plaignant pour une violation alléguée de la convention collective pertinente par l'employeur. La décision Savoury porte sur l'allégation qu'un agent négociateur dans ce cas a manqué à son devoir de représenter la plaignante dans le cadre d'un grief déposé contre son employeur concernant la discipline. Tous ces cas concernent des plaintes portant sur certains aspects de la relation entre l'employeur et l'employé et de la Loi ou de la convention collective pertinente. Elles ne peuvent servir à déterminer si la plainte déposée en vertu de la LEFP relève de la Loi ou de la convention collective pertinente.

79 Le plaignant s'est fondé sur Centre hospitalier Régina Ltée. Toutefois, le fond de la plainte dans ce cas reposait sur l'omission involontaire de l'employeur ainsi que de l'agent négociateur, qui ont permis que le grief de l'employée contre son congédiement soit retiré. Il s'agit clairement d'une question relative à la relation entre l'employée et l'employeur, qui consistait en l'acte de licenciement de l'employée de ce cas de son emploi par l'employeur. Ce cas ne peut servir à déterminer si une plainte en vertu de la LEFP relève de la Loi ou de la convention collective pertinente.

80 Le plaignant s'est fondé sur Noël en ce qui concerne la proposition qu'un agent négociateur ne peut pas agir de manière arbitraire et que l'intention n'est pas requise pour qu'une conduite soit jugée arbitraire. La décision Noël traite d'un grief concernant le renvoi d'un employé de son emploi dans lequel il était représenté durant la procédure de règlement des griefs par son agent négociateur. Après le rejet de son grief, l'agent négociateur (qui disposait de droits de représentation exclusifs) a choisi de ne poursuivre aucune voie d'appel ou de recours. Le cas ne traite pas de la représentation inéquitable, mais de la mesure dans laquelle l'employé a qualité pour présenter sa propre plainte contre l'employeur pour remettre en cause le renvoi. Au cours de la décision, la Cour suprême s'est prononcée sur la définition d'«  arbitraire  ». Même si cette définition aide à la compréhension de la signification du terme «  arbitraire  », dans le cadre d'une plainte de pratique déloyale de travail, elle ne permet en revanche pas de répondre à la question relative à ma compétence.

81 Le plaignant s'est également fondé sur le libellé du Guide pour étayer l'argument selon lequel la Commission a compétence pour entendre sa plainte. Malheureusement, le plaignant a cité des phrases du Guide hors contexte. Comme l'a présenté le plaignant, le préambule du Guide établit que la Commission accrédite les organisations syndicales; toutefois, l'ensemble du préambule fournit un contexte à cette affirmation en énonçant ce qui suit :

[…]

[…] l'organisation syndicale a le pouvoir exclusif de négocier collectivement au nom des fonctionnaires qui composent l'unité de négociation. Ainsi, un fonctionnaire ne peut pas déposer un grief concernant l'interprétation ou l'application d'une convention collective (ou d'une décision arbitrale), ni renvoyer un tel grief à l'arbitrage, sans avoir obtenu l'appui de son agent négociateur. Par conséquent, dans certains cas, le fonctionnaire ne pourra pas déposer ce qu'il considère être un grief légitime.

[…]

82 Le Guide se poursuit en expliquant ce qu'on entend par «  devoir de représentation équitable  ». Il ne dit pas que la Commission a une compétence exclusive et illimitée pour surveiller les actes d'un agent négociateur en ce qui concerne les actes qu'il pose à l'égard de ses membres. Le Guide fournit une description extrêmement précise du devoir de représentation équitable et de la manière dont il est appliqué.

83 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

84 La plainte est rejetée.

Le 30 avril 2013.

Traduction de la CRTFP

John G. Jaworski,
une formation de la
Commission des relations de
travail dans la fonction publique

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