Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés sont des instructeurs de tir et de recours à la force - une suspension de cinq jours leur a été imposée pour être allés à leur pause-repas en portant leurs armes à feu de service, contrevenant ainsi à une politique de l’employeur datant de décembre 2007 - l’employeur a reconnu que la liste des postes énumérés dans la politique n’était pas exhaustive - les fonctionnaires s’estimant lésés ont soutenu que le libellé de la politique ne faisait pas mention des instructeurs, et que la direction était au courant de cette lacune - ils ont fait valoir que l’application de la politique dépendait de la question visant à déterminer s’ils étaient des agents ou non et que, d’après eux, ils ne l’étaient pas - ils ont également allégué que le jour de l’incident ils avaient utilisé la meilleure pratique pour que leurs armes à feu de service soient sécuritaires, puisqu’ils se trouvaient dans une zone ne disposant pas de lieu d’entreposage adéquat - l’arbitre de grief n’a pas été convaincu que les fonctionnaires étaient visés par la politique de décembre 2007 - les employeurs ont le droit d’établir des règles et des politiques, mais celles-ci doivent être claires et sans équivoque, être portées à la connaissance des employés avant qu’elles soient mises en application et être appliquées de façon uniforme- le libellé de la politique ne faisait pas expressément mention que la politique s’appliquait aux postes occupés par les fonctionnaires s’estimant lésés, ni que la liste des postes n’était pas exhaustive - les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas fait preuve de mauvaise foi en portant leurs armes à feu de service à la date de l’incident en question - les options quant à l’entreposage des armes à feu n’ont pas été clairement communiquées aux fonctionnaires s’estimant lésés - l’employeur était au courant de cette lacune dans la politique et du fait que les instructeurs portaient leurs armes à feu pendant les pauses - l’employeur n’a pas établi que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient commis une faute de conduite - le port des armes à feu de service durant les pauses-repas et les pauses-repos faisait l’objet d’une politique nouvellement mise en œuvre qui nécessitait plusieurs ajustements - à la date de l’incident en cause, la politique n’était pas claire en ce qui concerne les instructeurs et n’a pas été appliquée de façon uniforme à leur égard. Les griefs sont accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-03-20
  • Dossier:  566-02-4624 à 4626
  • Référence:  2013 CRTFP 25

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CATHY CHRISTENSON, JOHN JACQUES ET BRUECE MACHACYNSKI

fonctionnaires s'estimant lésés

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence des services frontaliers du Canada)

Défendeur

Répertorié
Christenson et al. c. Administrateur général(Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Daniel Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour le défendeur:
Christine Langill, avocate

Affaire entendue à Windsor (Ontario),
du 3 au 5 avril 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs renvoyés à l’arbitrage

1 Les fonctionnaires s’estimant lésés, Cathy Christenson, John Jacques et Bruece Machacynski (les « fonctionnaires »), sont des employés de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC » ou l’« employeur ») et, à l’époque pertinente, chacun d’eux occupait le poste d’instructeur chargé de la formation sur le maniement des armes à feu et le recours à la force. Les fonctionnaires ont déposé des griefs contestant la suspension de cinq jours (37,5 heures) qui leur a été imposée pour être allés dans un bar en uniforme complet et en portant leurs armes à feu de service, allant ainsi à l’encontre des politiques de l’ASFC. Mme Christenson a déposé son grief le 18 août 2008 (dossier de la CRTFP 566-02-4624); M. Jacques, le 4 août 2008 (dossier de la CRTFP 566-02-4625); M. Machacynski, le 7 août 2008 (dossier de la CRTFP 566-02-4626). Comme mesure corrective, les fonctionnaires ont demandé l’annulation des mesures disciplinaires. Tous les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage le 21 octobre 2010, en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

II. Résumé de la preuve

2 Les lettres disciplinaires, désignées sous le vocable de rapports sur les mesures disciplinaires, remises aux fonctionnaires par l’employeur, ont été signées par Calvin Christianson (pièce E-1, onglets 14, 15 et 16). M. Christianson était, à l’époque pertinente, directeur, Politique et mise en œuvre, Direction de l’armement, laquelle fait partie de la Division de l’armement de l’ASFC. Le texte des trois lettres est identique, sauf sur un point qui sera indiqué ci-dessous, et se lit comme suit :

[Traduction]

Le 26 mars 2008, alors que vous occupiez le poste d’instructeur chargé de la formation sur le recours à la force, vous êtes allés dans un bar en uniforme complet et en portant votre arme à feu de service, contrevenant ainsi à la Politique relative aux uniformes et normes quant à l’apparence en vigueur à l’ASFC, à la Politique sur le port d’équipement de protection et de défense, y compris les armes à feu de service et à la Politique sur la possession, le transport et l’entreposage des armes à feu d’agence.

Votre conduite à cet égard est considérée comme étant une faute de conduite très grave. Pour déterminer la mesure disciplinaire appropriée à imposer, plusieurs éléments ont été pris en considération, dont vos années de service, votre dossier disciplinaire vierge et le fait que vous avez exprimé des remords lors de la réunion. Toutefois, ces éléments ne l’emportent pas sur le fait que votre vous êtes exposés, ainsi que l’Agence, à des risques de sécurité inutiles, en plus de ternir l’image de l’ASFC.

À titre d’employé de l’ASFC, vous êtes responsable de la façon dont vous vous conduisez. Vous devez agir consciencieusement et conformément aux politiques de l’ASFC.

En raison de votre inconduite, j’impose une suspension de 5 quarts de travail (37,5 heures).

[…]

3 La seule différence entre le texte des trois lettres est que la phrase [traduction] « […] et le fait que vous avez exprimé des remords lors de la réunion […] » a été omise dans la lettre à l’intention de M. Jacques. M. Christianson a signé la lettre de M. Jacques le 24 juillet 2008, alors qu’il a signé les deux autres le 25 juillet 2008.

4 L’employeur a cité cinq témoins à comparaître. M. Jacques a été le seul fonctionnaire à témoigner.

5 La preuve a révélé que le lieu de travail des fonctionnaires était un bâtiment administratif où se trouvait le centre de formation de l’ASFC, au 63, chemin Slack (« chemin Slack ») à Ottawa, en Ontario. Les fonctionnaires s’étaient vu attribuer la tâche de diriger une séance d’entraînement en maniement d’armes à feu de service à l’intention des agents des services frontaliers (ASF) à Windsor, en Ontario, du 26 au 28 mars 2008. La séance d’entraînement a eu lieu dans le champ de tir du service de police de Windsor. Les 26 et 27 mars 2008, la séance a eu lieu de 15 h à 18 h et de 19 h à 22 h, et le 28 mars 2008, de 15 h à 18 h (pièce E-1, onglet 34).

6 Un rapport d’enquête des affaires internes de l’ASFC au sujet de l’incident a été établi le 14 avril 2008 (pièce E-1, onglet 10). Des audiences disciplinaires distinctes ont été tenues avec chaque fonctionnaire les 8 et 11 juillet 2008, au cours desquelles les fonctionnaires se sont vu accorder la possibilité d’expliquer leur conduite (pièce E-1, onglets 11, 12 et 13).

A. Pour l’employeur

1. Témoignage de Calvin Christianson

7 M. Christianson a expliqué qu’en août 2006, il a été annoncé que les ASF seraient armés et que l’Initiative d’armement de l’ASFC faisait l’objet d’une grande attention de la part du public et des médias. Il a affirmé que l’ASFC s’efforçait de faire en sorte que ses politiques concernant le port d’armes à feu soient restrictives.

8 M. Christianson a expliqué que puisque l’ASFC ne disposait pas des ressources internes pour former les ASF relativement au maniement des armes à feu, la formation initiale des instructeurs a été assurée par la GRC. Une fois certifiés, les instructeurs formés devaient assurer la formation des ASF et d’autres membres du personnel de l’ASFC qui étaient autorisés à être armés. Il a affirmé que les fonctionnaires faisaient partie du premier groupe d’agents de l’ASFC à recevoir la formation d’instructeurs qualifiés en maniement des armes à feu et sur le recours à la force. M. Christianson a expliqué que, dans le cadre de leur perfectionnement, les instructeurs avaient reçu une formation spécifique sur les politiques de l’ASFC. Ils étaient considérés comme étant les meneurs du programme de formation des agents de l’ASFC. Il a invoqué la leçon 12 du Cours sur l’arme à feu de service de l’ASFC portant sur les politiques de l’ASFC, datant de janvier 2008 (pièce E-1, onglet 38). Dans la partie intitulée « Politique sur le port d’équipement de protection et de défense, y compris les armes à feu de service », il est énoncé sous la rubrique [traduction] « Considérations fondamentales » : [traduction] « Les agents quittant un point d’entrée ou tout autre bureau de l’ASFC pour des raisons personnelles, c’est-à-dire durant les périodes de repas ou de repos, doivent retirer leur équipement de défense et l’entreposer de façon appropriée. »

9 M. Christianson a affirmé qu’en mars 2008 les fonctionnaires ne relevaient pas directement de lui. Au moment où la mesure disciplinaire a été imposée, il était responsable de la prestation de la formation. Il a déclaré avoir déterminé la sanction disciplinaire en s’appuyant sur les rapports d’enquête et des audiences disciplinaires et en tenant compte de plusieurs facteurs. Il avait du mal à accepter l’allégation des fonctionnaires qu’ils n’étaient pas au courant de la Politique. La politique initiale, mise en œuvre en juillet 2007, a été révisée en décembre 2007 et rendue plus restrictive. Les changements apportés à la Politique ont été communiqués directement aux fonctionnaires, notamment au moyen d’un courrier électronique daté du 17 décembre 2007 (pièce E-1, onglet 8). Cela l’a amené à conclure que les fonctionnaires avaient commis une faute de conduite grave. M. Christianson n’était pas d’accord avec l’interprétation voulant que les instructeurs ne soient pas assujettis aux politiques, surtout que l’un des fonctionnaires, M. Jacques, avait travaillé dans le tunnel de Windsor et savait que depuis décembre 2007, les ASF n’étaient pas autorisés à porter leurs armes à feu de service en dehors du lieu de travail, même pas au Tim Hortons situé de l’autre côté de la rue de l’établissement. Il a déclaré que, selon lui, le fait que le fonctionnaire était au courant de cette interdiction et pensait que la Politique ne s’appliquait pas aux instructeurs constituait une inconduite grave.

10 Lorsqu’on lui a demandé s’il croyait que les fonctionnaires avaient agi de mauvaise foi, M. Christianson a répondu qu’il voyait leur conduite sous divers angles. D’après les rapports des audiences disciplinaires, Mme Christenson et M. Machacynski ont exprimé leur réticence à entrer dans l’établissement. Dans son rapport, M. Jacques a affirmé qu’il ne se souvenait pas de cette conversation. De plus, le fait que les fonctionnaires mentionnent qu’ils n’étaient pas assujettis à la Politique puisqu’ils ne travaillaient pas dans un établissement de l’ASFC a amené M. Christianson à conclure que les fonctionnaires avaient agi de mauvaise foi.

11 M. Christianson a déclaré qu’il avait consulté le personnel des relations de travail pour décider de la sanction d’une suspension de 5 jours et qu’au départ, on avait recommandé une suspension de 10 jours, puis de 7 jours, avant de convenir d’une suspension de 5 jours. D’autres exemples d’infractions concernant les armes à feu ont été pris en considération, dont une suspension de 3 jours imposée à un agent qui avait assisté à une veillée funèbre en portant une arme à feu et une suspension de 5 jours imposée à un agent qui avait exhibé une arme à feu de manière inappropriée dans un bureau de l’ASFC. Les deux individus étaient des ASF, et non des instructeurs, et ces suspensions n’ont pas été contestées.

12 En ce qui concerne l’affirmation contenue dans les lettres disciplinaires selon laquelle la conduite des fonctionnaires comportait un risque de sécurité inutile, M. Christianson a déclaré qu’un agent de l’ASFC qui n’est pas en service n’a pas l’obligation d’être armé pendant une pause-repas. En ce qui concerne l’allégation que les fonctionnaires ont terni l’image de l’ASFC, M. Christianson était troublé par le fait que les agents portaient des armes à feu dans un bar.

13 M. Christianson a affirmé que des modifications avaient été apportées à la Politique sur le port d’équipement de protection et de défense, y compris les armes à feu de service de l’ASFC entre juillet 2007 et juin 2009. La version initiale de cette politique, en vigueur depuis le 27 juillet 2007 (pièce E 1, onglet 1) (la « Politique de juillet 2007 »), prévoyait à l’article 6.0 :

[…]

[Traduction]

Les agents en uniforme doivent porter leur équipement de protection et de défense, y compris toute arme à feu de service qui leur a été remise, lorsqu’ils sont en service et qu’ils travaillent à un point d’entrée ou à un autre endroit, alors qu’ils administrent ou exécutent la législation relative aux programmes de l’ASFC. L’expression « en service » signifie les heures de travail prévues et comprend les pauses-repas pour lesquelles les employés ne reçoivent pas de paiement.

[…]

14 La deuxième version de la Politique, qui est entré en vigueur en décembre 2007 (pièce E-1, onglet 4) (la « Politique de décembre 2007 ») prévoyait les dispositions suivantes, sous le titre [traduction] « Objet et champ d’application » :

[…]

[Traduction]

9. La présente politique a pour objet d’établir les attentes de l’ASFC à l’égard du port de l’équipement de protection et de défense par ses employés.

10. La politique s’applique à tous les agents des services frontaliers, les agents d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs, les enquêteurs, les agents du renseignement et les membres de la direction à qui on a remis un tel équipement.

11. La Politique s’applique également aux agents qui travaillent avec d’autres organismes d’exécution de la loi sur des opérations policières conjointes ou d’autres initiatives de partenariat.

[…]

15 La Politique exigeait dès lors que les agents entreposent leur équipement de défense lorsqu’ils quittaient un point d’entrée ou un bureau de l’ASFC pour des pauses-repas ou des pauses-repos, tel qu’il était prévu au dispositif réglementaire intitulé [traduction] « Énoncés de la Politique – Port d’équipement de protection et de défense » :

[Traduction]

[…]

19. Lorsqu’ils quittent un point d’entrée ou tout autre bureau de l’ASFC pour affaires personnelles (p. ex. pour des pauses-repas ou des pauses-repos) ou à la fin d’un quart de travail, les agents doivent entreposer leur équipement de défense sur les lieux du point d’entrée ou du bureau de l’ASFC. La direction de l’ASFC peut autoriser par écrit des exceptions pour le retrait d’équipement de défense d’un point d’entrée ou de tout autre bureau de l’ASFC dans le but de transporter et d’entreposer un tel équipement dans un autre lieu (se reporter à la Politique sur la possession, le transport et l’entreposage des munitions, des articles contrôlés et des armes à feu d’agence).

[…]

16 La troisième version de la Politique est entrée en vigueur le 24 juin 2009 (pièce E-2) (la « Politique de juin 2009 »), et comprenait ce qui suit, entraînant un autre changement complet de pratique :

[Traduction]

[…]

Ces changements répondent au besoin de l’ASFC de s’adapter aux défis opérationnels et logistiques quotidiens survenus depuis l’entrée en vigueur de la Politique en 2007.

Les principaux changements sont résumés ci-dessous :

Les agents seront désormais autorisés à porter leur équipement de protection et de défense, y compris leurs armes à feu de service, lorsqu’ils quittent un point d’entrée ou tout autre bureau de l’ASFC pour de courtes pauses-repas ou pauses-repos, à condition qu’ils ne mènent pas d’autres activités personnelles en même temps.

[…]

17 Selon M. Christianson, bien que la Politique de juin 2009 autorise les fonctionnaires à porter leurs armes à feu dans l’établissement en question, soit le restaurant Rock Bottom Bar and Grill (le « Rock Bottom »), les fonctionnaires n’ont pas fait preuve de jugement sûr, étant donné l’heure à laquelle ils s’y trouvaient et la clientèle qui était présente. Il avait personnellement des difficultés avec le fait que des agents portent leurs armes à feu dans un lieu où ils n’avaient pas d’autorité pour agir et exercer un contrôle sur les autres. En vertu de la Politique de décembre 2007 qui était en vigueur au moment de l’incident, les fonctionnaires auraient dû retirer leurs armes à feu et les entreposer de façon sécuritaire avant de quitter pour leur pause-repas.

18 À propos des modifications apportées à la Politique de juillet 2007, M. Christianson a affirmé que la haute direction avait décidé de renforcer la Politique étant donné que son interprétation par les bureaux locaux de l’ASFC était contradictoire. Il a mentionné un courrier électronique daté du 13 décembre 2007 qu’il avait reçu du directeur général du groupe de travail sur l’armement, (pièce E-1, onglet 5), qui se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Comme vous le savez sûrement, une des questions en matière de politique les plus problématiques pour le GTA depuis l’entrée en vigueur des politiques le 27 juillet 2007 est l’interprétation de la Politique sur le port d’équipement de protection et de défense, y compris les armes à feu de service. La Politique exige que les agents portent leur équipement de défense lorsqu’ils sont « en service », terme défini comme incluant les périodes durant lesquelles les employés peuvent être en pause. La politique n’était pas destinée à exiger que les employés portent toujours leur équipement durant leur pause, sans égard pour l’endroit où elle a lieu, comme à l’extérieur du point d’entrée. Par conséquent, en réponse à toutes les questions que nous avons reçues à cet égard, nous avons révisé la politique afin de la rendre plus claire en ce qui a trait aux situations où les employés doivent porter leur équipement, où il est permis de le retirer et où il est interdit de le porter.

[…]

19  M. Christianson a également mentionné les procédures sur le transport d’armes à feu figurant dans le Manuel de référence de l’Initiative d’armement de l’ASFC (pièce E-1, onglet 3). Une partie ce document, intitulée [traduction] « Superviseurs/gestionnaires », énonce ce qui suit :

[Traduction]

[…]

4.1 S’assurer que les employés disposent d’une autorisation écrite pour le transport des armes à feu, le cas échéant.

4.1.1 Nota : Les agents qui quittent un bureau de l’ASFC pour des pauses-repas ou d’autres pauses ne sont pas autorisés à garder leur équipement de défense.

[…]

20 En ce qui concerne les options relatives à l’entreposage des armes à feu de façon sécuritaire, M. Christianson a indiqué qu’ils auraient dû recourir à un lieu d’entreposage dans le champ de tir du service de police de Windsor. Une autre option était d’utiliser des coffres verrouillables mis à la disposition des instructeurs de l’ASFC que l’on peut attacher à un tuyau ou à un véhicule de l’ASFC. Bien qu’il ait été informé que les fonctionnaires avaient loué une Chevrolet Suburban qui n’était pas munie d’un dispositif d’attachement, il a néanmoins affirmé qu’il n’était pas déraisonnable d’entreposer les armes dans ce véhicule. M. Christianson a déclaré que, selon les rapports sur l’incident, il était possible de mettre les armes à feu sous clé sur les lieux à Windsor. Tout en reconnaissant que cette information n’avait pas été clairement communiquée aux fonctionnaires, ces derniers ne se sont pas renseignés au sujet des installations d’entreposage qui se trouvaient sur les lieux.

21 M. Christianson a indiqué que les instructeurs avaient un insigne de grade spécifique, conformément à la Politique relative aux uniformes et normes quant à l’apparence en vigueur à l’ASFC (pièce E-1, onglet 1). La structure des grades de l’ASFC est exposée à l’article 2.11 de la Politique, qui spécifie un insigne pour le poste de [traducteur] « animateur/instructeur en uniforme ».

22 En contre-interrogatoire, M. Christianson a déclaré avoir été informé de l’incident entre 72 heures et 1 semaine après qu’il se soit produit. Au sujet de l’allégation contenue dans les lettres disciplinaires selon laquelle la conduite des fonctionnaires avait terni l’image de l’ASFC, on a demandé à M. Christianson s’il était au courant de plaintes déposées par de tierces personnes au restaurant ou par les médias. Il a répondu qu’il n’était au courant d’aucun rapport médiatique ou de sources du domaine public concernant l’incident.

23 Selon M. Christianson, même si elle ne mentionnait pas expressément les instructeurs, la Politique de décembre 2007 s’appliquait à tout le personnel de l’ASFC qui portait des armes à feu. Il a ajouté qu’il considérait le champ de tir du service de police de Windsor comme étant un bureau de l’ASFC en vertu de la Politique. M. Christianson a affirmé qu’un comité de mise en œuvre de l’Initiative d’armement de l’ASFC avait procédé à l’inspection des champs de tir afin de déterminer s’ils étaient conformes aux politiques de l’ASFC sur le maniement des armes à feu et la recertification. M. Christianson ne savait pas si le comité de mise en œuvre avait visité ou non le champ de tir du service de police de Windsor. Selon lui, un champ de tir qui a été approuvé ou loué par l’ASFC était un lieu de travail de l’ASFC. En ce qui concerne l’entreposage des armes à feu, M. Christianson a indiqué que des installations d’entreposage se trouvaient dans les bureaux de l’ASFC où les agents armés étaient en poste, mais que la Politique prévoyait des exceptions en fonction du lieu. Même s’il n’a pas personnellement visité le champ de tir du service de police de Windsor, il a été informé que celui-ci était pourvu d’une installation d’entreposage des armes à feu.

24 Lorsqu’on lui a demandé si les fonctionnaires avaient fait preuve de jugement en allant au Rock Bottom, M. Christianson a répondu qu’ils auraient pu aller à un restaurant où le service au volant ou des plats à emporter étaient offerts, ou acheter un repas avant de se rendre au travail. Il ne pensait pas que des dispositions étaient prises pour les repas des instructeurs de maniement des armes à feu qui étaient en déplacement, mais il n’était pas leur supérieur hiérarchique direct. Il n’a pas donné d’instruction aux employés sous sa supervision qui étaient en déplacement concernant l’endroit où ils devaient prendre leurs repas. Malgré le fait que les agents étaient autorisés depuis juin 2009 à porter leurs armes à feu pendant une pause-repas, M. Christianson a déclaré que, pour appliquer la mesure disciplinaire, il s’était appuyé sur la Politique qui était en vigueur au moment où la mesure disciplinaire a été imposée.

25 Lorsqu’on lui a demandé pourquoi la Politique avait été modifiée afin de permettre le port des armes à feu au cours des pauses-repas et des pauses-repos, M. Christianson a répondu que des commentaires avaient été reçus concernant des problèmes liés aux restrictions et que la Politique avait été ajustée en conséquence. Les commentaires se rapportaient principalement aux points d’entrée, où la majorité des agents armés était en poste. À titre d’exemple, les agents travaillant au tunnel de Windsor ne pouvaient pas traverser la rue pour aller se chercher un café sans retirer leurs armes à feu. M. Christianson a reconnu que la Politique de juin 2009 ne précisait pas le type de restaurant que les employés de l’ASFC devaient fréquenter, par exemple si l’alcool est servi ou non.

26 M. Christianson a convenu que la mise en œuvre d’une nouvelle politique pouvait nécessiter un certain nombre de modifications, comme en témoignent les modifications apportées à la politique sur l’armement. Il a ajouté que les politiques faisaient normalement l’objet de révisions périodiques et de changements, au besoin.

27 M. Christianson a été renvoyé au rapport de l’audience disciplinaire de Mme Christenson (pièce E-1, onglet 11). Il a été questionné à savoir s’il était possible que les instructeurs n’aient pas compris qu’ils étaient assujettis à la Politique. Il a répondu que cela était possible. Toutefois, il a soutenu que les fonctionnaires étaient assujettis à la Politique de décembre 2007. M. Christianson a fait valoir que Mme Christenson et M. Machacynski avaient déclaré lors des audiences disciplinaires qu’ils croyaient commettre une erreur en allant au Rock Bottom. Selon M. Christianson, ils lui ont alors démontré qu’ils savaient que ce n’était pas la bonne chose à faire. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi les lettres disciplinaires n’en faisaient pas mention, M. Christianson a répondu que le regret des fonctionnaires y était mentionné.

28 En réinterrogatoire, M. Christianson a déclaré que le fait que Mme Christenson et M. Machacynski expriment de la réticence quant au type d’établissement démontre qu’ils auraient pu décider de quitter les lieux. Il a invoqué la dernière section du Code de conduite de l’ASFC, dont la dernière mise à jour date du 3 août 2007 (pièce E-1, onglet 42), intitulée [traduction] « Réflexions en guise de conclusion », où il est recommandé que les employés se posent certaines questions en cas de doute lorsqu’ils s’apprêtent à poser un geste. Cette section se lit comme suit :

[Traduction]

Le présent Code a été créé pour guider votre conduite en tant que fonctionnaire et employé de l’ASFC. Toutefois, il est impossible de couvrir toutes les situations que vous pourriez rencontrer dans l’exercice de vos fonctions. Dans de telles situations, vous devez déterminer la conduite appropriée à adopter en vous appuyant sur les principes du bon sens et les valeurs de la fonction publique. En vous posant les questions suivantes, vous serez en mesure de prendre la bonne décision :

  • Ce que je veux faire est-il légal et conforme aux politiques de l’ASFC/de la fonction publique?
  • Ce que je veux faire est-il conforme aux valeurs de l’ASFC/de la fonction publique?
  • Quelles sont les conséquences du geste que je m’apprête à poser ou de la décision que je suis sur le point de prendre?
  • Si je le fais, est-ce que je me sentirai à l’aise?
  • Comment les médias ou le grand public percevront-ils mon geste ou ma décision?

N’oubliez pas :

  • Si vous savez ou croyez que ce n’est pas la bonne chose à faire, ne le faites pas!
  • Si vous n’êtes pas sûr, posez des questions.
  • Continuez à poser des questions jusqu’à l’obtention d’une réponse.

29 En renvoyant à la Politique de juillet 2007, M. Christianson a indiqué qu’en vertu de l’article 9 de la Politique, dans la disposition intitulée [traduction] « Objet et champ d’application », les fonctionnaires sont des employés de l’ASFC. Il a également ajouté qu’un bureau de l’ASFC inclut tout lieu où les employés de l’ASFC sont affectés.

2. Témoignage de Ross Fairweather

30 En 2008, Ross Fairweather était un conseiller principal en politiques qui travaillait sur les politiques de l’Initiative d’armement de l’ASFC depuis 2006 et fournissait des conseils et de l’orientation concernant ces politiques.

31 Il a déclaré que l’article 9 de la Politique de décembre 2007 s’appliquait à tous les employés de l’ASFC à qui l’on avait remis de l’équipement de protection. Il a affirmé qu’en vertu de l’article 19 de cette politique, les fonctionnaires auraient dû retirer et entreposer leur équipement. Il a également mentionné l’article 11 de la Politique sur la possession, le transport et l’entreposage des munitions, des articles contrôlés et des armes à feu d’agence, en vigueur le 27 juillet 2007 (pièce E-1, onglet 2), concernant l’entreposage des armes à feu par un agent public conformément au Règlement sur les armes à feu des agents publics (DORS/98‑203).

32 M. Fairweather a déclaré que lui-même et un collègue avaient donné aux instructeurs une formation sur la Politique relative aux armes à feu, en mai 2007, à l’installation de formation du chemin Slack, à Ottawa. Ils ont rencontré les instructeurs environ six fois. Selon lui, les fonctionnaires étaient présents. On s’attendait alors à ce que les instructeurs apprennent les politiques, puis les transmettent aux employés auxquels ils fourniraient une formation.

33 Selon M. Fairweather, il était connu à l’époque qu’un agent n’était pas autorisé à quitter un point d’entrée pour aller prendre un repas en portant son équipement de service. Il a déclaré que, le jour précédant l’audience, il avait visité le Rock Bottom pour la première fois. Il a ajouté que c’était un bar avec un plancher en bois jonché d’arachides. Selon lui, il était inapproprié pour un agent en uniforme de fréquenter ce lieu, et encore plus inapproprié s’il portait une arme.

34 En contre-interrogatoire, M. Fairweather a déclaré qu’il n’avait pas pris part au processus qui avait mené à l’imposition de sanctions disciplinaires à l’égard des fonctionnaires.

35 Il a été renvoyé à la disposition 8.31 de la Directive sur les armes à feu et l’équipement de défense de l’ASFC, en vigueur le 31 mars 2012 (pièce E-3), qui se lit comme suit :

[Traduction]

8.31 Les agents peuvent être autorisés à porter leur équipement de défense lorsqu’ils ne sont pas directement chargés de l’application ou de l’exécution des lois relatives aux programmes dans les situations suivantes :

a. S’ils quittent une installation de l’Agence pour une courte période (comme pour une pause-repas ou une pause-repos) et que le superviseur ou le gestionnaire de l’agent juge qu’il ne serait pas pratique de retirer et d’entreposer l’équipement de défense;

b. S’ils travaillent à l’extérieur d’un bureau de l’Agence et s’arrêtent pour prendre un repas ou faire une pause.

36 M. Fairweather a déclaré qu’il n’avait pas contribué à l’élaboration de cette politique, et qu’il ne savait pas pourquoi la direction avait apporté des modifications à la Politique pour permettre aux employés de porter leurs armes pendant les pauses-repas ou les pauses-repos. Il a ajouté que la direction avait souvent envisagé d’apporter ces modifications et que, étant donné que l’ASFC était une nouvelle agence, elle avait procédé de façon progressive.

37 Selon M. Fairweather, avant l’incident impliquant les fonctionnaires, il y avait eu des préoccupations concernant une ambiguëté lorsqu’il s’agissait de déterminer si les instructeurs en maniement des armes à feu étaient des agents de l’ASFC ou non. Toutefois, il s’est dit surpris que les instructeurs ne se considèrent pas comme étant des agents, car selon lui, ils ne voudraient pas renoncer à leur éventuel statut d’agents de la paix.

38 M. Fairweather n’était pas au courant de la politique concernant le transport des armes à feu entre le chemin Slack et le champ de tir de Connaught, où se tenaient des séances sur le maniement des armes à feu. Il croyait que les agents avaient à leur disposition des coffres verrouillables pour l’entreposage des armes. Il ne connaissait aucune politique sur l’entreposage des armes à feu en l’absence d’installation d’entreposage dans un champ de tir. Selon M. Fairweather, le fait que les fonctionnaires ont quitté le champ de tir du service de police de Windsor sans prendre les dispositions nécessaires pour l’entreposage des armes contrevient à la Politique en vigueur à l’époque.

39 Lorsqu’il a été informé que les fonctionnaires n’avaient pas entreposé leurs armes à feu dans un coffre verrouillable parce que leur véhicule loué n’était pas muni d’un dispositif d’attachement sécuritaire et qu’on leur avait appris lors de leur formation qu’il était plus sécuritaire de porter une arme à feu sur la hanche, M. Fairweather a répondu qu’il ne pouvait pas se prononcer sur ce qui aurait été une option plus sécuritaire ou meilleure pour les fonctionnaires, puisqu’il ne connaissait pas celles qui s’offraient à eux. M. Fairweather a reconnu que, théoriquement, une arme à feu placée dans son étui est extrêmement sécuritaire et qu’une personne non formée aurait de la difficulté à retirer l’arme à feu de son étui.

40 En réinterrogatoire, M. Fairweather était d’avis que l’article 9 de la Politique de décembre 2007 s’appliquait aux instructeurs étant donné qu’ils sont des employés de l’ASFC. Il a déclaré que l’article 10 de cette politique n’exonérait pas les autres employés, y compris les instructeurs, de l’obligation de se conformer à la Politique. Il a affirmé que, même si le premier groupe d’instructeurs se considérait comme étant proche de la GRC, qui les a formés, ils devaient toutefois se conformer aux politiques de l’ASFC.

3. Témoignage de Lana Horvath

41 En mars 2008, Lana Horvath était surintendante responsable de la formation d’une équipe de huit instructeurs, dont les fonctionnaires, au centre de formation du chemin Slack. Elle a occupé ce poste de novembre 2007 à mars 2008. Avant cette affectation, elle était surintendante au point d’entrée du pont Ambassador, à Windsor.

42 Mme Horvath a déclaré que selon son interprétation de la politique en vigueur en mars 2008, les agents ne devaient pas porter leurs armes à feu pendant une pause-repas tel qu’il a été indiqué dans un courrier électronique daté du 13 décembre 2007, transmis par le directeur général du Groupe de travail sur l’armement et transféré à Mme Horvath par Rob Leigh, le directeur de la Formation et apprentissage (pièce E-1, onglet 7). Le paragraphe 2 du courrier électronique se lisait comme suit : [traduction] « Les agents quittant un point d’entrée ou un autre bureau de l’ASFC pour des raisons personnelles, comme durant les périodes de repas ou de repos, doivent retirer et entreposer leur équipement de défense. » Mme Horvath a affirmé qu’elle aurait acheminé le courrier électronique à tous les instructeurs, y compris les fonctionnaires. Elle a ensuite mentionné un courrier électronique daté du 17 décembre 2007, envoyé par un spécialiste de l’apprentissage à tous les instructeurs à Ottawa et à Chilliwack, en Colombie-Britannique, auquel était joint un bulletin de communication préparé par le spécialiste de l’apprentissage et comprenant la directive du directeur général. Elle a ajouté que tous les employés de l’ASFC avaient accès à l’Intranet de l’ASFC.

43 Au sujet de la déclaration de M. Jacques, à la page 11 du rapport d’enquête, selon laquelle elle lui a donné l’instruction d’acheter des essuie-glaces pour un véhicule de l’ASFC alors qu’il était en uniforme complet et portait son arme à feu, Mme Horvath a soutenu que c’était faux. Elle a affirmé qu’elle n’aurait pas demandé aux instructeurs de porter leurs armes pour un tel motif.

44 Mme Horvath a déclaré que son quart de travail était de 7 h à 15 h, et que ces heures étaient différentes de celles travaillées par les instructeurs durant leurs quarts de travail puisque ces derniers travaillaient dans le champ de tir de Connaught la plupart du temps en après-midi. Elle n’était pas sur les lieux pour les surveiller. De plus, les fonctionnaires occupaient un poste de confiance et étaient au courant de la Politique, d’autant plus qu’ils donnaient une formation sur les politiques aux ASF. Mme Horvath a affirmé que les fonctionnaires étaient des instructeurs certifiés de l’ASFC. Elle a évoqué un manuel de référence sur les politiques liées à l’armement des agents de l’ASFC, qui traite de la Politique sur le recours à la force (pièce E-1, onglet 39), et plus précisément, l’article 61 de cette politique, intitulé [traduction] « Instructeurs certifiés de l’ASFC », qui se lit comme suit :

[Traduction]

61. Les instructeurs certifiés de l’ASFC ont les responsabilités suivantes :

[…]

b. Fournir une orientation aux agents concernant le recours à la force, l’équipement de défense et les armes à feu de service;

[…]

45 Mme Horvath a affirmé que l’expression [traduction] « fournir une orientation » comprenait la formation sur les politiques.

46 Au sujet de la politique prévoyant l’entreposage des armes à feu avant de prendre une pause-repas, Mme Horvath a indiqué qu’elle s’appliquait également aux instructeurs en déplacement. À Windsor, la politique prévoyait que les armes soient entreposées de façon sécuritaire dans un coffre verrouillable, ou dans le coffre d’un véhicule, ou sur les lieux où la formation est donnée. Elle a ajouté que tous les instructeurs disposaient d’un coffre verrouillable. Mme Horvath a déclaré qu’elle avait remis aux fonctionnaires un formulaire BSF390 de l’ASFC les autorisant à transporter et à entreposer des armes à feu dans un lieu autre qu’un bureau de l’ASFC (pièce E-4).

47 Mme Horvath a déclaré avoir pris connaissance de l’incident du 26 mars 2008 impliquant les fonctionnaires après avoir reçu un appel le 27 mars 2008 de la part de Karen McMahon, coordonnatrice régionale de l’armement pour la région de Windsor/St. Clair. Lorsqu’elle a reçu l’appel, le directeur de la formation et de l’apprentissage était avec elle dans son bureau. Elle a immédiatement appelé Mme Christenson et lui a demandé qui avait autorisé les instructeurs à porter leurs armes à feu pendant une pause-repas. Elle a déclaré que Mme Christenson avait répondu qu’ils avaient reçu l’autorisation; Mme Horvath l’a alors informée qu’elle ne leur avait pas donné l’autorisation. Mme Horvath a ajouté que M. Leigh était présent pendant toute sa conversation téléphonique avec Mme Christenson. Mme Horvath a indiqué que les fonctionnaires n’avaient pas reçu d’autorisation écrite et que Mme Christenson n’avait pas mentionné le nom de la personne qui leur avait donné l’autorisation. Les fonctionnaires ne l’ont pas appelée avant de prendre la pause-repas pour lui demander s’ils pouvaient porter leurs armes à feu. Même si, contrairement à elle, les fonctionnaires n’avaient pas accès à un BlackBerry, ils avaient son numéro de téléphone et son adresse de courrier électronique. Après l’appel, Mme Horvath n’est plus intervenue dans cette affaire, et aucun des fonctionnaires n’a communiqué avec elle après l’incident.

48 En contre-interrogatoire, Mme Horvath a déclaré qu’elle ne se souvenait pas si les instructeurs pouvaient porter leurs armes à feu lorsqu’ils prenaient leur repas dans la salle à manger du champ de tir de Connaught, car elle ne s’y est rendue qu’une seule fois.

49 Mme Horvath a ajouté qu’elle ne coordonnait pas la formation des ASF dans des centres de formation hors-site. Elle assignait les instructeurs aux séances d’entraînement organisées par les coordonnateurs de l’armement. Elle ne se souvenait pas si elle avait parlé à une personne-ressource d’un centre de formation.

50 Mme Horvath avait visité le champ de tir de Connaught, et elle a affirmé qu’il y avait une zone fermée pour les armes et où les munitions étaient entreposées.

51 Mme Horvath n’était pas au courant que M. Jacques portait son arme à feu pendant les pauses. Lorsqu’on a évoqué le fait qu’elle avait demandé à M. Jacques d’apporter du café pour une réunion de la direction au chemin Slack et qu’il portait alors son arme, Mme Horvath a affirmé qu’elle ne se souvenait pas avoir vu qu’il portait son arme. Lorsqu’on lui a demandé si elle s’était rendue à un buffet chinois avec des instructeurs armés, Mme Horvath a répondu qu’elle ne s’en souvenait pas.

52 Mme Horvath a été renvoyée à un courrier électronique qu’elle avait envoyé le 2 décembre 2008, auquel était joint un document daté du 28 mars 2008 intitulé [traduction] « Incident à Windsor » (pièce G 1). Selon elle, si elle a rapporté dans le document joint ce qu’elle avait dit à Mme Christenson durant leur conversation téléphonique, cela signifiait que les faits étaient exacts. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait consigné des notes au sujet de cette conversation, Mme Horvath a répondu qu’elle ne s’en souvenait pas. Quand on lui a demandé comment elle se rappelait les détails de la conversation, elle a répondu qu’elle avait dû prendre des notes. Elle ne se souvenait pas de ce qu’elle avait fait des notes. Comme le document joint indiquait que la date de son appel à Mme Christenson était le 28 mars 2008, et non le 27 mars, elle a précisé que c’était la première date qui était exacte.

53 Mme Horvath a maintenu l’exactitude de sa déclaration aux enquêteurs des Affaires internes, consignée au paragraphe (h) de la page 19 du rapport (pièce E-1, onglet 10), selon laquelle elle ne se souvenait pas avoir demandé à un instructeur en uniforme complet d’acheter du café mais qu’elle avait demandé, à une occasion, à M. Jacques d’acheter du café alors qu’il ne portait pas d’arme.

54 Mme Horvath a réitéré ses déclarations, consignées dans le rapport d’enquête, selon lesquelles elle n’avait jamais donné de directives à des instructeurs les autorisant à être en uniforme complet et à porter leurs armes pendant les pauses-repas ou les pauses-repos. Il leur incombe de prendre les dispositions nécessaires avec les autres organismes pour entreposer leurs armes à feu, et ils doivent évaluer le risque du secteur et, au besoin, demander à un des instructeurs de rester à l’endroit où sont entreposées les armes à feu pendant que les autres prennent leur repas.

4. Témoignage de Gerry Dundas

55 En mars 2008, M. Dundas était chef des Opérations de l’exécution de la loi au point d’entrée du tunnel de Windsor. Le 26 mars 2008, à 18 h, M. Dundas était au Rock Bottom, assis à une table avec sa femme, également une employée de l’ASFC, en compagnie d’autres couples d’amis. Il a décrit le lieu comme étant de style restauroute, avec des arachides sur le plancher. Il a vu quelques autres clients qu’il croyait être des employés de l’ASFC, mais il ne se souvenait pas de leurs noms.

56 Il a remarqué trois agents de l’ASFC qui portaient leurs armes à feu, et il n’en connaissait qu’un seul, soit M. Jacques, avec lequel il avait travaillé auparavant. Il savait que M. Jacques était un instructeur, puisqu’il avait été dégagé de ses opérations au tunnel pour être formé comme instructeur. Il ne se souvenait pas d’avoir vu les fonctionnaires porter un insigne de grade. Selon M. Dundas, des ordres stricts avaient été donnés à l’époque interdisant aux employés de l’ASFC de sortir armés de leur lieu de travail. En vertu de la Politique de l’époque, ses employés devaient retirer leurs armes et les entreposer convenablement avant de quitter le point d’entrée. Il est allé parler avec M. Jacques et lui a dit qu’il n’autorisait pas son personnel à traverser la rue pour prendre un café en étant armé et pourtant, les trois fonctionnaires étaient munis de leurs armes à feu au Rock Bottom. M. Jacques a répondu qu’il n’y avait pas d’installation d’entreposage dans le champ de tir du service de police de Windsor et que leurs hanches étaient l’endroit le plus sécuritaire pour entreposer leurs armes. M. Dundas a déclaré avoir exprimé son malaise et être retourné à sa table. Il a ajouté que la conversation avec M. Jacques avait été brève et qu’il avait fait ce qu’il pensait être son devoir en tant que gestionnaire.

57 Selon M. Dundas, son personnel aurait dû être autorisé à traverser la rue pour prendre un café sans avoir à retirer leurs armes, mais il devait tout de même appliquer la politique même s’il n’y croyait pas. À son avis, les fonctionnaires avaient enfreint la Politique. À l’époque, il ne savait pas quelle politique s’appliquait aux instructeurs.

58 M. Dundas a précisé que des installations d’entreposage appropriées se trouvaient au point d’entrée du pont Ambassador, situé à un quart de kilomètre du champ de tir du service de police de Windsor. Il a ajouté que l’établissement était situé à un quart de kilomètre dans le sens opposé du champ de tir du service de police de Windsor.

59 En contre-interrogatoire, M. Dundas n’a pas contesté le fait que M. Jacques l’avait d’abord abordé à sa table. Il a déclaré avoir appelé son superviseur le jour suivant pour signaler l’incident. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas appelé son superviseur immédiatement, M. Dundas a répondu que M. Jacques lui avait fourni une explication qui ne l’avait pas indigné, que les fonctionnaires ne relevaient pas de lui et qu’il n’était pas au courant de la politique concernant les instructeurs. M. Dundas a ajouté qu’aucun des employés de l’ASFC dans l’établissement à ce moment ne l’a abordé au sujet des fonctionnaires armés et en uniforme. M. Dundas a décrit le type de clients qui fréquentaient l’établissement comme étant des étudiants universitaires, des membres du personnel d’application de la loi qui n’étaient pas en service et des clients du voisinage.

60 En réinterrogatoire, M. Dundas a expliqué qu’il était surpris, car il n’était pas au courant de la politique qui s’appliquait aux instructeurs et connaissait seulement la politique qu’il appliquait, avec laquelle il n’était pas tout à fait d’accord. Il a ajouté que la réponse qu’il avait reçue de M. Jacques était que l’arme à feu de ce dernier était plus sécuritaire sur sa hanche.

5. Témoignage de Karen McMahon

61 Mme McMahon était la coordonnatrice régionale de l’armement pour les régions de Windsor/St. Clair de février 2007 à février 2009. Entre autres fonctions, elle devait planifier les exercices de maniement des armes à feu ou les séances de recertification, selon les besoins de l’Administration centrale de l’ASFC, et s’assurer que les agents qui suivaient la formation y étaient présents. Elle a souligné que la coordination des instructeurs en maniement des armes à feu était effectuée par l’entremise de l’Administration centrale de l’ASFC. Elle a communiqué avec les gestionnaires des stagiaires pour les tenir informés et s’assurer que les agents qui devaient suivre la formation avaient été dégagés de leurs fonctions habituelles dans ce but. Elle a invoqué un courrier électronique envoyé le 4 février 2008 concernant la séance qui était planifiée du 26 au 28 mars 2008 dans le champ de tir du service de police de Windsor (pièce E-1, onglet 34). Entre 10 et 12 agents provenant de divers points d’entrée assistaient à cette séance.

62 Mme McMahon a précisé que les séances se déroulaient entre 15 h et 18 h et entre 19 h et 22 h. Pendant la pause d’une heure, elle effectuait le montage de la séance suivante. Lorsque les ASF en formation arrivaient au champ de tir, elle les informait de ce à quoi ils devaient s’attendre en entrant au champ de tir. Les instructeurs en maniement des armes à feu prenaient ensuite la relève. Elle ne participait pas à la séance d’entraînement proprement dite. Mme McMahon assurait une surveillance administrative et procédait au nettoyage une fois la séance terminée.

63 Mme McMahon a affirmé que la séance tenue du 26 au 28 mars 2008 était la deuxième séance de formation qu’elle menait. Elle a ajouté que les instructeurs ne relevaient pas d’elle à titre de gestionnaire. Ils étaient sous sa supervision à leur arrivée et s’ils avaient besoin de matériel de formation ou de munitions, elle leur en fournissait. Mme McMahon a indiqué qu’elle pouvait voir le champ de tir à partir du bureau de contrôle et que les fonctionnaires n’utilisaient pas leurs armes à feu durant les séances.

64 Le 26 mars 2008, après la pause-repas, les fonctionnaires sont arrivés au champ de tir en même temps que Mme McMahon, juste avant 19 h. Elle a remarqué qu’ils portaient leurs armes à feu et a demandé à M. Jacques s’ils les avaient portés pendant leur pause-repas. Elle le connaissait, puisqu’il était de Windsor. M. Jacques a répondu : [traduction] « On ne s’en préoccupe pas ». Mme McMahon a déclaré n’avoir rien répondu. Elle a toutefois noté mentalement les faits afin de les signaler aux gestionnaires des fonctionnaires étant donné qu’ils contrevenaient à la Politique.

65 Le lendemain matin, le 27 mars 2008, elle avait reçu un courrier électronique du directeur de district du point d’entrée du pont Ambassador à Windsor, David MacRae, indiquant que les fonctionnaires avaient été observés par M. Dundas pendant leur pause-repas. Plus tard, elle a appelé le directeur de district pour lui dire qu’elle avait vu les fonctionnaires à leur retour de la pause-repas et qu’ils avaient confirmé avoir porté leurs armes pendant le souper. Mme McMahon a précisé que, le 27 mars 2008, elle avait informé les fonctionnaires que la gestion était au courant du fait qu’ils avaient porté leurs armes au souper de la veille; ils lui ont répondu qu’ils étaient au courant.

66 Mme McMahon a affirmé que les fonctionnaires ne lui avaient pas demandé de prendre des dispositions pour entreposer leurs armes. Trois options s’offraient à eux. Premièrement, ils auraient pu utiliser des coffres portatifs pour armes à feu. Deuxièmement, l’ASFC avait pris les dispositions nécessaires avec le Service de police de Windsor pour l’entreposage dans le champ de tir, en mettant à la disposition des fonctionnaires un casier métallique maillé de 8 po x 10 po où elle gardait les munitions et le matériel de formation. Mme McMahon était la seule personne à avoir la clé de ce casier. Elle a indiqué qu’un agent du champ de tir du service de police de Windsor était présent aux séances d’entraînement et que les fonctionnaires auraient pu s’adresser à lui afin de prendre les dispositions pour l’entreposage. Troisièmement, il y avait des installations d’entreposage au point d’entrée du pont Ambassador, qui se trouvait à quatre minutes en voiture du champ de tir. Elle a ajouté que la Politique de décembre 2007 énonçait clairement que les agents armés devaient retirer et entreposer leurs armes à feu avant de quitter une installation. En mars 2008, il était clair pour Mme McMahon qu’on devait retirer les armes à feu de service avant de faire une pause. Elle a précisé qu’elle en avait fait mention dans un courrier électronique daté du 13 décembre 2007 qu’elle avait envoyé à la direction intermédiaire et à la haute direction (pièce E-1, onglet 6) et dans un autre courrier électronique qu’elle avait envoyé le 12 janvier 2008, comprenant un compte rendu mensuel qu’elle avait préparé (pièce E‑1, onglet 9). Le compte rendu devait faire l’objet d’une distribution globale, c’est–à-dire qu’il était d’usage qu’il soit transféré à tout le personnel dans la région.

67 En contre-interrogatoire, Mme McMahon a été renvoyée à son entrevue avec les enquêteurs, où il est indiqué aux paragraphes de la page 5, que [traduction] « […] pour être juste envers les instructeurs, selon elle, aucune disposition n’a été prise pour l’entreposage de leurs armes ». Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n’avait pas informé les fonctionnaires des options d’entreposage des armes à feu qui leur étaient offertes, elle a répondu qu’elle ne leur avait pas imposé ces options, car elle n’était pas leur gestionnaire et qu’aucune personne de l’Administration centrale de l’ASFC n’avait communiqué avec elle pour lui demander de prendre les mesures nécessaires quant à l’entreposage des armes des fonctionnaires. Elle a ajouté que, dans la région de Windsor, les agents entreposaient leurs armes pour aller en pause.

68 Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n’avait pas empêché les fonctionnaires d’apporter leurs armes à feu alors qu’ils allaient prendre leur souper le 27 mars 2008 si elle croyait qu’ils contrevenaient à la Politique, Mme McMahon a répondu qu’elle n’était pas leur gestionnaire, puisqu’ils relevaient de l’Administration centrale. Ils lui ont dit qu’ils portaient leurs armes à feu pendant les pauses quand ils travaillaient à Ottawa.

69 Mme McMahon a déclaré que les fonctionnaires savaient qu’il y avait un casier d’entreposage dans le champ de tir, car ils l’avaient souvent aidée à porter les munitions.

70 Mme McMahon a reconnu être au courant des problèmes que posait la Politique de décembre 2007 et que les agents armés n’étaient pas d’accord avec cette politique. Elle a ajouté que la Politique devait être respectée.

71 En réinterrogatoire, Mme McMahon a affirmé que les fonctionnaires auraient pu communiquer avec leur gestionnaire au sujet de la Politique, et qu’aucun d’eux ne lui avait demandé d’entreposer leurs armes à feu.

B. Pour les fonctionnaires

72  M. Jacques a travaillé à titre d’ASF jusqu’au début de sa formation d’instructeur en maniement des armes à feu et au recours à la force en janvier 2007. Il a achevé son instruction le 31 mars 2008. Il a été formé par la GRC et, une fois instructeur certifié, il a commencé à donner de la formation aux agents de la GRC en vue de la recertification pour le maniement des armes à feu quand il n’y avait pas de formation de l’ASFC prévue. Au sujet de l’entreposage des armes à feu, il a été formé conformément aux politiques de la GRC et, plus tard, il a assisté à des discussions de groupe tenues par M. Fairweather et un collègue.

73 M. Jacques a déclaré que la classification des instructeurs au sein de l’ASFC avait changé plusieurs fois, passant de FB-04 (ASF) à AS-04 (services administratifs), puis de nouveau à FB-04. Les instructeurs étaient informés du fait qu’ils n’étaient pas des agents, mais plutôt des instructeurs. Son poste d’attache était celui d’un ASF et d’agent de la paix, mais il était maintenant un instructeur. Il a témoigné qu’il n’avait pas été informé de la classification du poste qu’il occupait de mai 2007 au 31 mars 2008 et qu’il semblait y avoir une zone grise.

74 Au sujet des documents de formation de l’ASFC, M. Jacques a déclaré que la Direction de la formation avait copié les documents de la GRC sur des diapositives et qu’elle avait ensuite modifié la terminologie afin qu’elle soit conforme à celle de l’ASFC. Il a mentionné qu’il y avait peu de différence entre les documents de l’ASFC et ceux de la GRC et qu’il avait eu connaissance des diapositives de la GRC au cours de sa formation. Cependant, quelques différences existaient entre la formation reçue de la GRC et celle fournie par les instructeurs aux agents de l’ASFC. À titre d’exemple, M. Jacques a indiqué que, lors de la formation de la GRC sur la sécurité des armes, on leur avait appris que l’endroit le plus sécuritaire pour une arme à feu était son étui et que la pire situation serait une arme à feu volée et utilisée pour commettre un crime.

75 M. Jacques a déclaré que ce n’était qu’au cours de la période d’avril à mai 2007 que le personnel du groupe d’apprentissage et de formation de l’ASFC leur avait donné une présentation sur la version préliminaire de la politique liée aux armes à feu de l’ASFC. Il a ajouté que le groupe avait préparé les présentations que les instructeurs devaient donner.

76 Selon l’interprétation de M. Jacques, comme l’ASFC ne disposait pas de ses propres champs de tir, les champs de tir n’étaient pas des points d’entrée ou des bureaux de l’ASFC, mais plutôt des installations hors-site. Il a ajouté que la première fois qu’il a donné une formation à l’extérieur du champ de tir de Connaught, c’était près de Toronto. Mme Horvath lui avait demandé s’il était disponible et l’avait informé qu’il devait se rendre à un champ de tir particulier pour former un certain nombre d’agents.

77 La deuxième fois que M. Jacques a donné une formation à l’extérieur d’Ottawa, c’était lors de l’affectation à Windsor. On leur avait demandé de se présenter au champ de tir de Windsor et de ne parler à personne en dehors de leur chaîne de commandement directe. M. Jacques a précisé que Mme Christenson et M. Machacynski avaient voyagé par avion. Compte tenu du fait que son affectation à titre d’instructeur se terminait le 31 mars 2008 et qu’il retournait chez lui à Windsor, M. Jacques conduisait son véhicule personnel. Il a déclaré que son arme à feu avait été expédiée au bureau régional de l’ASFC, situé au 2500, rue Ouellette, à Windsor. Le 26 mars 2008, il a pris son arme à feu, l’a chargée et l’a placée dans son étui, puis il a pris son véhicule pour se rendre au champ de tir. Il pensait avoir le droit de s’arrêter pour prendre un café ou un repas tout en portant son arme à feu.

78 M. Jacques a affirmé qu’on ne lui avait pas fait visiter le champ de tir. Un agent du champ de tir du service de police de Windsor l’avait informé de la procédure au champ de tir. M. Jacques a précisé qu’il avait des lunettes et des cibles dans son véhicule pour les séances d’entraînement et qu’il avait aidé Mme McMahon à porter les munitions du véhicule de cette dernière.

79 À la pause-repas de 18 h, M. Jacques a indiqué que puisqu’il était de Windsor, il savait que le Rock Bottom était l’établissement le plus proche du champ de tir. Il a déclaré qu’il s’agissait d’un lieu de rencontre pour le personnel d’application de la loi. Les fonctionnaires s’y étaient rendus dans un véhicule loué. M. Jacques a ajouté que l’établissement, qui consistait en une grande salle ouverte, était à moitié ou aux trois quarts rempli, et qu’à son entrée dans la salle, il a reconnu M. Dundas et sa femme. Il s’est dirigé vers leur table pour leur dire bonjour et leur a présenté les deux autres fonctionnaires. Les fonctionnaires se sont assis à une table et ont commandé des boissons non alcoolisées et de la nourriture.  

80 M. Jacques a déclaré que M. Dundas était venu à leur table et leur avait demandé ce qu’ils faisaient là. M. Jacques lui a répondu qu’ils menaient une séance d’entraînement de maniement des armes à feu. M. Jacques a ajouté que M. Dundas s’était dit frustré de devoir assurer le respect de la politique, et voilà que les fonctionnaires portaient des armes. M. Jacques lui a répondu qu’une telle politique n’était pas appliquée à Ottawa et qu’ils ne disposaient pas d’un endroit pour entreposer leurs armes. À leur retour au champ de tir, ils sont entrés en même temps que Mme McMahon. M. Jacques lui a fait part de la conversation avec M. Dundas, et elle a répondu [traduction] « OK ». À la fin de la séance, à 22 h, Mme McMahon a pris les munitions en excès et les a rangés dans son véhicule.

81 M. Jacques a indiqué que tous ceux qui travaillaient au centre de formation de Windsor se rendaient au Rock Bottom étant donné que les propriétaires comprenaient qu’ils étaient limités par le temps et que la nourriture était servie rapidement. Il a ajouté qu’après 21 h il régnait une ambiance de bar. Lorsque les fonctionnaires étaient au Rock Bottom, le 26 mars 2008, M. Jacques a précisé qu’il y avait des enfants sur des sièges rehausseurs.

82 M. Jacques a déclaré qu’il régnait une certaine confusion quant au statut des instructeurs et que ceux-ci avaient demandé à la direction des précisions concernant leur classification, à savoir s’ils étaient classifiés FB ou AS. Il a précisé que, à un certain moment, on les avait informés que leurs insignes leur seraient retirés, puisqu’ils n’étaient pas des agents de la paix.

83 M. Jacques a affirmé que les instructeurs avaient reçu la directive de ne plus entreposer leurs pistolets dans le champ de tir de Connaught, mais qu’ils devaient le faire au chemin Slack. Ainsi, ils chargeaient leurs pistolets au chemin Slack, les mettaient dans leurs étuis, puis se rendaient au champ de tir de Connaught dans un véhicule de l’ASFC.

84 Décrivant la méthode suivie pour donner la formation, M. Jacques a indiqué que les candidats étaient divisés en deux groupes. Pendant qu’un groupe était au champ de tir de Connaught, l’autre groupe recevait une formation qui ne nécessitait pas un champ de tir au chemin Slack. Les deux groupes permutaient ensuite après la pause du repas de midi. M. Jacques a ajouté qu’au champ de tir de Connaught les instructeurs prenaient leur repas dans la salle à manger munis de leurs armes à feu chargées, alors que les candidats prenaient leur repas munis d’armes non chargées et placées dans leurs étuis. Toutefois, pendant la formation du quart de l’après-midi, la salle à manger était fermée. Puisqu’ils ne pouvaient pas entreposer leurs armes à feu, les instructeurs se rendaient à l’endroit le plus proche pour prendre leur repas en portant leurs armes à feu chargées. Ils n’avaient pas d’autre choix que de garder leurs armes à feu sur les hanches.

85 M. Jacques a déclaré que, comme la journée de travail de Mme Horvath se terminait à 15 h, elle n’était pas présente au champ de tir de Connaught. Une fois, en février 2008, elle était présente. Ils étaient allés à un buffet chinois/indien pendant une pause-repas. M. Jacques a indiqué qu’il y avait six ou sept instructeurs et que tous portaient des armes. La majorité des instructeurs s’étaient rendus au restaurant dans un véhicule de l’ASFC, alors que Mme Christenson avait accompagné Mme Horvath, qui conduisait son propre véhicule. Après le repas, les instructeurs et Mme Horvath sont retournés au champ de tir, et Mme Horvath a quitté les lieux peu après, tandis que la formation a continué.

86 M. Jacques a ajouté que, à une autre occasion, Mme Horvath lui avait demandé d’aller chercher du café et des pâtisseries pour une réunion de la direction au chemin Slack. Il avait alors chargé son arme, pris l’argent que Mme Horvath lui avait remis et il s’était rendu à un Tim Hortons; il était obligé d’entrer dans l’établissement, puisqu’il s’agissait d’une grosse commande. Une autre fois encore, Mme Horvath lui avait donné de l’argent pour qu’il achète du café pour les instructeurs, ce qu’il a fait en portant son arme à feu. On lui avait également donné l’instruction d’acheter des essuie-glaces pour un véhicule de l’ASFC. M. Jacques a précisé qu’il portait son arme à feu chargée pendant cette commission au Canadian Tire, et qu’il avait déchargé son arme à son retour au chemin Slack.

87 Selon M. Jacques, lorsqu’ils donnaient de la formation au champ de tir de Connaught, les instructeurs étaient en déplacement et leurs repas du soir étaient payés puisque le champ de tir était situé à plus de 16 kilomètres de leur lieu de travail du chemin Slack. Il croyait savoir que lorsque les instructeurs étaient au champ de tir de Connaught, ils étaient de service, puisqu’ils avaient le contrôle sur tous les biens de l’ASFC, tels que les véhicules, les armes et les munitions. M. Jacques a déclaré que, selon lui, les instructeurs agissaient conformément à la Politique.

88 Le 27 mars, quand les fonctionnaires s’apprêtaient à partir pour prendre leur pause-repas en portant leurs armes à feu, Mme McMahon leur a demandé s’ils allaient partir armés. M. Jacques a affirmé que M. Machacynski avait répondu [traduction] « Oui » et qu’elle leur avait dit de revenir à 19 h. M. Jacques ne se souvenait d’aucun commentaire de la part de Mme McMahon à leur retour.

89 M. Jacques a déclaré que les fonctionnaires n’avaient reçu aucune directive ni ordre de M. Dundas, de Mme McMahon ou de Mme Horvath concernant le port de leurs armes à feu. Il a affirmé que si M. Dundas leur avait demandé de quitter le Rock Bottom ils l’auraient fait, par respect pour le fait qu’il était un gestionnaire de l’ASFC, et ce, même s’il n’était pas dans leur chaîne de commandement. Si Mme McMahon ou Mme Horvath leur avait donné la directive de ne pas porter leurs armes à feu, ils se seraient pliés à cette directive. M. Jacques a ajouté que les fonctionnaires n’avaient pas fait preuve d’insubordination puisqu’ils n’ont rien fait de mal et qu’ils auraient obéi aux ordres même s’ils n’étaient pas d’accord.

90 En contre-interrogatoire, M. Jacques a déclaré que les instructeurs portaient leurs armes en conduisant les véhicules de l’ASFC parce que les véhicules n’étaient pas munis de coffres verrouillables. En ce qui concerne le fait qu’il portait son arme à feu dans le restaurant Tim Hortons, M. Jacques a indiqué qu’il n’avait pas l’intention d’utiliser son arme, mais qu’on leur avait appris pendant la formation que la politique en vigueur à l’époque exigeait de porter l’uniforme complet. À l’époque, il était d’usage qu’ils chargent leurs armes à feu avant de quitter le chemin Slack. Ils enseignaient à leurs étudiants que, s’ils étaient en uniforme, ils devaient porter tous leurs outils, y compris leurs armes à feu. Lorsqu’on lui a demandé si ces instructions étaient données après décembre 2007, M. Jacques a répondu qu’il enseignait aux étudiants la politique énoncée au paragraphe 19 de la Politique de décembre 2007. Par conséquent, pour aller à un Tim Hortons, les étudiants n’étaient pas autorisés à quitter les lieux en portant leurs outils. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas suivi la même règle, M. Jacques a répondu que les instructeurs avaient demandé des clarifications concernant la règle et qu’on les avait informés que la politique applicable aux instructeurs viendrait par la suite. Il a soutenu qu’il portait son arme à feu en présence de son superviseur et du gestionnaire de son superviseur, Steven Durocher.

91 M. Jacques a déclaré qu’à son arrivée à titre de superviseure des instructeurs, Mme Horvath avait tenu une séance avec eux pour cerner les préoccupations. M. Jacques a affirmé que les instructeurs avaient demandé des éclaircissements pour savoir s’ils étaient considérés comme des instructeurs ou des agents, et Mme Horvath les avait informés qu’elle examinerait la question. M. Jacques a indiqué qu’on avait informé les instructeurs qu’ils n’étaient pas des agents et que le statut des instructeurs n’avait été clarifié qu’en avril 2012 en vertu de la Directive sur les armes à feu et l’équipement de défense de l’ASFC qui entrait en vigueur le 31 mars 2012 (pièce E-3). M. Jacques a ajouté que les instructeurs n’avaient pas reçu d’insigne indiquant leur statut d’instructeurs et qu’il n’avait pas reçu un tel insigne lors de son affectation en tant qu’instructeur, qui a pris fin le 31 mars 2008.

92  M. Jacques a déclaré que la Politique de juillet 2007 prévoyait que les agents en uniforme ne pouvaient porter leurs armes à feu de service que lorsqu’ils étaient engagés dans l’application ou l’exécution de la législation en matière de programmes de l’ASFC. Il a ajouté que les instructeurs avaient été informés qu’ils n’exécutaient pas la législation en matière de programmes de l’ASFC. M. Jacques a affirmé que les instructeurs avaient alors fait savoir à M. Durocher et à M. Leigh que s’ils ne recevaient pas de clarifications concernant leur statut, ils ne poursuivraient pas la formation, car ils ne voulaient pas porter une arme à feu de façon illégale. Ils ont proposé de rendre tout leur équipement de service et d’être réaffectés à leur poste d’attache. On les a informés que les clarifications concernant leur statut seraient communiquées sous peu. M. Jacques a affirmé qu’il croyait savoir que lorsque les politiques de l’ASFC faisaient référence à un « agent », il s’agissait d’un agent de la paix de l’ASFC. Il a reconnu qu’il était un employé de l’ASFC. Quand on lui a montré le formulaire BSF390 autorisant le transport et l’entreposage des armes à feu que Mme Horvath disait avoir remis aux fonctionnaires (pièce E-4), M. Jacques a déclaré que c’était la première fois qu’il recevait un tel formulaire. On a ensuite attiré son attention sur la phrase suivante dans le formulaire : [traduction] « le titulaire de cette lettre est un employé de l’ASFC qui est un agent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les douanes […] ». Lorsqu’on lui a demandé s’il serait alors considéré comme étant un agent, M. Jacques a répondu qu’il ne savait pas.

93 Lorsqu’on lui a demandé pourquoi les fonctionnaires n’avaient pas décidé de faire preuve de prudence en entreposant leurs armes à feu à Windsor, M. Jacques a répondu qu’à Ottawa ils portaient leurs armes à feu pendant les repas, et ce, devant leurs superviseurs. De plus, aucune disposition n’avait été prise pour leurs repas à Windsor. Quand on lui a demandé s’il avait reçu le bulletin de communication qui était joint au courrier électronique du 17 décembre 2007 (pièce E-1, onglet 8), M. Jacques a répondu qu’il l’avait reçu, mais qu’il n’était pas certain de l’avoir lu. Il a indiqué que les instructeurs ne disposaient pas d’ordinateurs portatifs et qu’au chemin Slack, 12 instructeurs et 1 agent de la GRC se partageaient un seul ordinateur. Il ne se souvenait pas que les politiques de l’ASFC soient affichées au chemin Slack pendant la période où il y était affecté.

94 Interrogé au sujet du témoignage de Mme McMahon selon lequel elle n’avait pas vu les fonctionnaires utiliser leurs armes à feu pendant les séances d’entraînement, M. Jacques a répondu qu’en général ils faisaient des démonstrations aux étudiants sur les exercices de maniement d’armes à feu en utilisant leurs propres pistolets, mais qu’il ne pouvait pas dire s’il l’avait fait ce jour-là.

95 Interrogé au sujet de la réticence de Mme Christenson à entrer dans le Rock Bottom, tel qu’il est indiqué dans le rapport de son audience disciplinaire (pièce E-1, onglet 11), M. Jacques a répondu qu’elle ne voulait pas des ailes de poulet, qui étaient au menu du jour ce soir-là. Il a ajouté que Mme Christenson était une personne ferme et franche et que si elle s’y opposait, elle ne serait pas entrée et aurait demandé d’aller ailleurs. M. Jacques a reconnu que M. Machacynski avait dit que les fonctionnaires ne pouvaient pas rester au Rock Bottom, car c’était un bar, mais qu’ils y sont quand même restés. M. Jacques a contesté l’allégation de M. Machacynski, telle qu’elle a été rapportée dans le rapport de son audience disciplinaire, (pièce E-1, onglet 13), selon laquelle des personnes ivres se trouvaient dans le bar. Il a précisé qu’à 18 h la clientèle était principalement composée de personnes âgées et qu’il n’a vu personne qui était ivre.

96 M. Jacques a reconnu que, le 27 mars 2008, les fonctionnaires sont allés au Pizza Hut pendant leur pause-repas tout en portant leurs armes à feu chargées. Il n’a pas appelé Mme Horvath et n’a pas eu la possibilité de lui envoyer un courrier électronique. Il n’a pas appelé M. Fairweather, car il n’avait pas son numéro de téléphone.

97 M. Jacques a déclaré qu’il n’avait pas demandé à Mme McMahon où ils devaient entreposer leurs armes à feu ni à l’agent du champ de tir du service de police de Windsor. Il n’était pas au courant de la possibilité d’entreposer les armes au point d’entrée du pont Ambassador et il n’avait pas connaissance des installations dont ils disposaient. Il ne s’est pas renseigné puisqu’ils avaient reçu l’instruction de ne parler à personne en dehors de leur chaîne de commandement directe. Il a indiqué que le point d’entrée du pont Ambassador était à 10 minutes en voiture du champ de tir de Windsor. Il a ajouté que, le 26 mars 2008, il avait pris son arme à feu dans le bureau de Mme McMahon, au 2500, rue Ouellette, et l’avait aidée à charger les munitions dans son véhicule.

98 M. Jacques a déclaré qu’il n’était pas raisonnable de laisser un des fonctionnaires dans le véhicule pendant que les autres prenaient leur repas, puisque cette personne n’aurait pas mangé. Il a précisé que le véhicule loué n’était pas muni d’un coffre fermé ou d’un endroit pour mettre sous clé un coffre servant à ranger les armes. M. Jacques a ajouté que le champ de tir du service de police de Windsor se situait dans un lieu distinct du centre de formation. Même s’il a reçu de la formation dans l’installation à de nombreuses occasions, il n’a jamais été au champ de tir.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

99 L’employeur a formulé la question en litige comme suit : le 26 mars 2008, les fonctionnaires se sont rendus à un restaurant pendant leur pause-repas et ont omis de retirer et d’entreposer leur équipement de défense, conformément à la Politique de l’ASFC. L’employeur a déclaré que la politique en vigueur était celle de décembre 2007 (pièce E-1, onglet 4), plus précisément l’article 19, cité précédemment dans la présente décision et reproduit ici par souci de commodité :

[Traduction]

19. Lorsqu’ils quittent un point d’entrée ou tout autre bureau de l’ASFC pour affaires personnelles (p. ex. pour des pauses-repas ou des pauses-repos) ou à la fin d’un quart de travail, les agents doivent entreposer leur équipement de défense sur les lieux du point d’entrée ou du bureau de l’ASFC. La direction de l’ASFC peut autoriser par écrit des exceptions pour le retrait d’équipement de défense d’un point d’entrée ou de tout autre bureau de l’ASFC dans le but de transporter et d’entreposer un tel équipement dans un autre lieu (se reporter à la Politique sur la possession, le transport et l’entreposage des munitions, des articles contrôlés et des armes à feu d’agence).

100 Selon l’employeur, les fonctionnaires contrevenaient à la Politique étant donné qu’aucune exception n’avait été autorisée par écrit.

101 L’employeur a fait valoir que les fonctionnaires disposaient de plusieurs options : demander un lieu d’entreposage à l’agent du champ de tir du service de police de Windsor; entreposer leurs armes à feu au point d’entrée du pont Ambassador à Windsor; entreposer les armes dans les coffres verrouillables de Mme Christenson et de M. Machacynski; ou apporter un repas avant de commencer la séance. L’employeur a en outre soutenu qu’il incombait aux fonctionnaires de demander des installations d’entreposage étant donné qu’ils étaient des experts en matière de programmes et qu’ils devaient donner l’exemple. L’employeur a invoqué le témoignage de Mme Horvath selon lequel les instructeurs devaient mener une évaluation du risque du secteur en vue de l’entreposage de leurs armes à feu.

102 L’employeur a également invoqué le Code de conduite de l’ASFC, en particulier la section intitulée [traduction] « Soin et utilisation des biens et des objets de valeur du gouvernement ». Il a fait valoir que les armes à feu de service sont comprises dans la liste non exhaustive des biens du gouvernement et il a mentionné la section suivante : [traduction] « Vous devez rendre compte et assurer la protection de tous les biens et objets de valeur du gouvernement que vous possédez ou contrôlez ». L’employeur a soutenu que cette phrase signifiait que les employés devaient respecter les politiques du gouvernement.

103 L’employeur a affirmé que Mme Horvath avait déclaré n’avoir jamais informé les instructeurs qu’ils pouvaient être en uniforme complet pendant les pauses-repas ou les pauses-repos. L’employeur a soutenu qu’ils démontraient beaucoup de confiance à l’égard des instructeurs puisque leur horaire de travail était différent de celui Mme Horvath.

104 L’employeur a fait valoir que, malgré les malentendus au sujet du port des armes à feu en vertu de la politique qui était en vigueur en juillet 2007, la question a été clarifiée dans la Politique de décembre 2007. L’employeur a affirmé que la confusion entourant la Politique n’avait pas été portée à l’attention de M. Fairweather ou de Mme Horvath. L’employeur a mis en doute le caractère raisonnable du fait que les fonctionnaires portent des armes à feu pour aller au restaurant. L’employeur s’est aussi demandé pourquoi les fonctionnaires avaient porté leurs armes à feu à Pizza Hut le 27 mars 2008 alors qu’ils avaient entendu les commentaires de M. Dundas la veille. L’employeur a soutenu que les éléments de preuve démontraient que les fonctionnaires avaient été informés de la Politique au moyen d’un courrier électronique, d’un bulletin de communication et de leur guide de leçon.

105 L’employeur a soutenu que l’allégation des fonctionnaires selon laquelle ils n’étaient pas assujettis à la politique sur les armes à feu était déraisonnable étant donné qu’une seule politique était en vigueur. L’employeur a affirmé qu’il n’y avait aucune confusion concernant le terme « agent », et que le paragraphe 10 de la Politique de décembre 2007 prévoyait que celle-ci s’appliquait à tous les employés de l’ASFC. L’employeur a déclaré que, même si le paragraphe 10 de cette politique énonçait qu’elle s’appliquait aux postes énumérés, le paragraphe ne précisait pas que la liste était exclusive, ni que les instructeurs en étaient expressément exclus. L’employeur a invoqué le témoignage de M. Christianson selon lequel il était prévu que la Politique s’appliquerait à tout le personnel de l’ASFC qui portait des armes à feu de service. L’employeur a fait valoir que l’interprétation voulant que les fonctionnaires n’avaient pas à se conformer à la politique sur les armes à feu était absurde. L’employeur a affirmé que, si l’employeur avait l’intention de traiter les instructeurs différemment, la Politique de décembre 2007 aurait prévu une disposition à cet effet.

106 L’employeur a soutenu que le formulaire BSF390 autorisant le transport et l’entreposage des armes à feu qui a été remis à M. Jacques indiquait clairement que le titulaire était un agent. L’employeur a déclaré que l’un des avantages d’être un agent est que le formulaire autorisait l’entreposage d’une arme à feu de service dans un hôtel ou au domicile de l’agent.

107 L’employeur a affirmé que les fonctionnaires auraient dû prendre en considération la partie [traduction] « Réflexions en guise de conclusion » du Code de conduite invoquée par M. Christianson et reproduite précédemment dans la présente décision. L’employeur a fait valoir que si les fonctionnaires s’étaient posé les questions figurant dans ladite partie, ils se seraient rendu compte qu’ils contrevenaient à la Politique.

108 L’employeur a reconnu qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que l’image de l’ASFC avait été ternie, tel qu’il a été allégué dans les lettres disciplinaires. Toutefois, compte tenu de la gravité des fautes commises et du fait que l’employeur a pris en considération toutes les circonstances atténuantes, les griefs devraient être rejetés. À l’appui de son argument, l’employeur a invoqué Eden c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 37.

B. Pour les fonctionnaires

109 Les fonctionnaires ont fait valoir qu’ils avaient agi de bonne foi et ont soutenu qu’il n’y avait aucune preuve de leur mauvaise foi. Les fonctionnaires ont affirmé que, même s’il est possible qu’ils aient fait preuve d’un jugement douteux en fréquentant un établissement tel que le Rock Bottom tout en étant armés, ils n’ont pas commis de faute de conduite. Les fonctionnaires ont présenté plusieurs circonstances atténuantes qui devraient être prises en considération pour évaluer la sanction imposée.

110 Les fonctionnaires ont invoqué le témoignage de M. Christianson selon lequel l’Initiative d’armement était en évolution et qu’il y avait une divergence de vues concernant la Politique sur l’armement au sein de la direction de l’ASFC.

111 Les fonctionnaires ont souligné le témoignage de M. Jacques selon lequel il croyait qu’il était de service mais hors-site, ce qui l’autorisait à porter son arme à feu pendant la pause-repas. Ils ont également invoqué le fait qu’ils avaient appris pendant leur formation de la GRC que la façon la plus sécuritaire de garder leurs armes à feu était de les placer dans les étuis sur leurs hanches. À cet égard, ils m’ont renvoyé au témoignage de M. Fairweather selon lequel il serait difficile pour une personne non formée de retirer une arme à feu de son étui.

112 Les fonctionnaires ont renvoyé au témoignage de M. Christianson et de M. Fairweather selon lequel il y avait une certaine ambiguëté quant au statut des instructeurs, et que la question de savoir si les instructeurs étaient des agents de l’ASFC avait été soulevée. Les fonctionnaires ont allégué que la direction n’avait donné aucune directive spécifique concernant le protocole que les instructeurs devaient suivre, et que les fonctionnaires donnaient la formation au champ de tir du service de police de Windsor pour la première fois. Les fonctionnaires ont fait valoir que le champ de tir du service de police de Windsor n’était ni un point d’entrée ni un bureau de l’ASFC.

113 Les fonctionnaires ont allégué que la réticence de Mme Christenson et de M. Machacynski à entrer dans le Rock Bottom avait été infirmée par le fait qu’ils y étaient en effet entrés et qu’ils y avaient pris un repas. Les fonctionnaires ont affirmé que M. Dundas ne s’était pas opposé à leur présence et ne leur avait pas demandé de quitter les lieux. Son malaise était dû au conflit apparent entre la politique qu’il devait faire respecter et la politique suivie par les fonctionnaires. Les fonctionnaires ont également invoqué le fait que Mme McMahon n’avait pris aucune décision quant au port de leurs armes pendant la pause-repas, même si elle était bien placée pour le faire, et qu’elle n’avait pas signalé l’incident immédiatement. Elle ne l’a soulevé qu’après avoir reçu un courrier électronique de M. MacRae le lendemain. Les fonctionnaires ont soutenu que, si leur conduite était si grave, Mme McMahon l’aurait immédiatement signalée. Ils ont fait valoir qu’il aurait été totalement inapproprié de leur part de se rendre au Rock Bottom en portant leurs armes après avoir terminé la séance de formation à 22 h.

114 Les fonctionnaires ont allégué que le témoignage de Mme Horvath suscitait des problèmes de crédibilité. Ils l’ont qualifié d’évasif et de vague. Ils ont fait remarquer que lors de l’interrogatoire principal elle avait nié que M. Jacques avait été envoyé pour acheter des essuie-glaces tout en portant des armes, et qu’en contre-interrogatoire elle avait déclaré qu’elle ne se souvenait pas de l’incident. De même, Mme Horvath a affirmé en contre-interrogatoire qu’elle ne se souvenait pas d’avoir pris un repas à un buffet chinois/indien en compagnie de plusieurs instructeurs armés, même si M. Jacques a témoigné que Mme Horvath avait conduit Mme Christenson au restaurant. Les fonctionnaires ont fait valoir qu’il y avait des contradictions dans le témoignage de Mme Horvath. À cet égard, ils ont mentionné le témoignage de M. Jacques selon lequel il portait ouvertement des armes à feu pendant les pauses-repas et les pauses-repos au chemin Slack.

115 Les fonctionnaires ont allégué qu’ils n’avaient nullement l’intention de contrevenir à la politique de l’ASFC et qu’ils ont déclaré dans leurs entrevues disciplinaires qu’ils ne pensaient pas avoir commis de faute. Les fonctionnaires ont également cité Eden pour appuyer leur argument.

C. Réplique de l’employeur

116 L’employeur a déclaré qu’il était injuste de s’en prendre à la crédibilité de Mme Horvath étant donné que les évènements ont eu lieu en 2008. L’employeur a affirmé que, dans le rapport d’enquête, M. Jacques n’avait pas fait mention du buffet chinois/indien, ce dont il aurait dû se souvenir à ce moment-là.

117 L’employeur a soutenu qu’il s’était appuyé sur la politique telle qu’elle est énoncée au paragraphe 19 de la Politique de décembre 2007. L’employeur a également fait valoir que la Politique ne disait pas que les armes à feu étaient plus sécuritaires lorsqu’elle était dans leurs étuis et portées à la hanche. L’employeur a affirmé qu’il avait pris en considération les circonstances atténuantes pour imposer la sanction disciplinaire.

IV. Motifs

118 L’essentiel de la thèse de l’employeur contre les fonctionnaires était qu’il y avait eu inconduite donnant lieu à une mesure disciplinaire en raison de la présumée contravention à l’égard de sa politique sur les armes. L’employeur a invoqué le paragraphe 19 de la Politique de décembre 2007 qui était en vigueur à la date de l’incident et que je reproduis ici par souci de commodité :

[Traduction]

19. Lorsqu’ils quittent un point d’entrée ou tout autre bureau de l’ASFC pour affaires personnelles (p. ex. pour des pauses-repas ou des pauses-repos) ou à la fin d’un quart de travail, les agents doivent entreposer leur équipement de défense sur les lieux du point d’entrée ou du bureau de l’ASFC. La direction de l’ASFC peut autoriser par écrit des exceptions pour le retrait d’équipement de défense d’un point d’entrée ou de tout autre bureau de l’ASFC dans le but de transporter et d’entreposer un tel équipement dans un autre lieu (se reporter à la Politique sur la possession, le transport et l’entreposage des munitions, des articles contrôlés et des armes à feu d’agence).

119 Les parties portant sur l’objet et le champ d’application de la Politique de décembre 2007 prévoyaient que :

[Traduction]

9. La présente politique a pour objet d’établir les attentes de l’ASFC à l’égard du port de l’équipement de protection et de défense par ses employés.

10. La politique s’applique à tous les agents des services frontaliers, les agents d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs, les enquêteurs, les agents du renseignement et les membres de la direction à qui on a remis un tel équipement.

11. La Politique s’applique également aux agents qui travaillent avec d’autres organismes d’exécution de la loi sur des opérations policières conjointes ou d’autres initiatives de partenariat.

[…]

120 Selon l’employeur, étant donné que les fonctionnaires étaient des employés de l’ASFC, ils étaient assujettis à cette politique. L’employeur a aussi soutenu que la liste des postes énumérés au paragraphe 10 de la Politique n’était pas exhaustive et n’excluait pas expressément les instructeurs. M. Christianson a témoigné que, même si la Politique de décembre 2007 ne mentionnait pas expressément les instructeurs, il était prévu que la Politique s’appliquerait à tous les membres du personnel de l’ASFC qui portaient des armes à feu de service.

121 Les fonctionnaires ont fait valoir qu’ils n’étaient pas assujettis à la Politique. Ils ont soutenu que le libellé de la Politique ne mentionnait pas les instructeurs, et que la direction était au courant de ce fait. En outre, ils ont affirmé que l’application de la Politique dépendait de la question de savoir s’ils étaient des agents ou non et que, d’après eux, ils ne l’étaient pas. Ils ont également allégué que la pratique qu’ils ont utilisée afin que leurs armes à feu de service soient sécuritaires était la meilleure le jour de l’incident, puisqu’ils se trouvaient dans une zone ne disposant pas de lieu d’entreposage adéquat. En outre, les fonctionnaires ne se considéraient pas comme travaillant à un point d’entrée ou à un bureau de l’ASFC, une question qui n’était pas claire dans la Politique.

122 La principale question soulevée dans les griefs en l’espèce réside dans le fait que la Politique n’était pas du tout claire quant à son champ d’application. En ce qui concerne les questions de relations de travail, il est depuis longtemps admis que, même si les employeurs ont le droit d’établir des règles et des politiques, celles-ci doivent, entre autres, être claires et sans équivoque, être portées à la connaissance des employés avant qu’elles soient mises en application et être appliquées de façon uniforme : voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, paragraphe 4:1520.

123 Les arguments de l’employeur ne m’ont pas convaincu que les fonctionnaires sont visés par le libellé de la Politique de décembre 2007. Le libellé de la Politique ne mentionne pas expressément qu’elle s’applique aux postes occupés par les fonctionnaires. L’employeur était au courant de cette lacune dans la Politique et du fait que les instructeurs portaient leurs armes à feu pendant les pauses. En conclusion, les fonctionnaires n’ont pas fait preuve de mauvaise foi en portant leurs armes à feu de service à la date de l’incident en question.

124 En ce qui concerne le libellé de la Politique, le paragraphe 9 constitue la disposition relative à l’objet de la Politique, et les paragraphes 10 et 11 décrivent son champ d’application en énumérant les postes auxquelles elle s’applique. Le libellé de ces deux paragraphes ne fait aucune mention des postes occupés par les fonctionnaires. Ils n’occupaient pas des postes de direction et, à l’exception de la référence aux membres de la direction à qui on a remis de l’équipement de protection et de défense, chacun des autres postes énumérés est de nature opérationnelle. De plus, le libellé des paragraphes 10 et 11 ne dit pas que la liste des postes n’est pas exhaustive et, par conséquent, on ne peut en déduire que les instructeurs y étaient inclus.

125 En outre, deux autres politiques produites à titre de preuve par l’employeur mentionnent et définissent expressément les instructeurs certifiés de l’ASFC. Si les rédacteurs de la Politique de décembre 2007 avaient voulu inclure les instructeurs, ils l’auraient mentionné dans cette politique.

126  Lors de son audience disciplinaire (pièce E-1, onglet 11), Mme Christenson a déclaré qu’elle ne pensait pas que les instructeurs en maniement des armes à feu étaient assujettis à la Politique puisqu’ils n’étaient pas mentionnés dans cette Politique. Dans son audience disciplinaire (pièce E-1, onglet 13), M. Machacynski a affirmé qu’il ne pensait pas être assujetti à la Politique et qu’il croyait que les instructeurs étaient tombés dans un vide. M. Jacques a témoigné qu’il croyait que les instructeurs étaient en conformité avec la Politique et qu’ils n’avaient commis aucune faute.

127 Les fonctionnaires ont fait valoir qu’il y avait une ambiguëté quant à savoir si les instructeurs étaient des agents de l’ASFC ou non. Même si l’employeur a affirmé que les malentendus concernant l’application de la Politique n’avaient pas été portés à l’attention de M. Fairweather ou de Mme Horvath, les éléments de preuve démontrent le contraire. M. Jacques a témoigné au sujet de l’incertitude à cet égard et a déclaré que les instructeurs avaient porté ce fait à l’attention de Mme Horvath dès son arrivée. En contre-interrogatoire, M. Fairweather a témoigné que, avant l’incident impliquant les fonctionnaires, il y avait une ambiguëté en ce qui concerne la question de savoir si les instructeurs en maniement des armes à feu étaient des agents de l’ASFC. Dans la Politique sur le recours à la force de l’ASFC, en vigueur le 27 juillet 2007 (pièce E-1, onglet 39), que Mme Horvath a invoquée dans son témoignage, des définitions distinctes sont données pour les [traduction] « instructeurs » et les [traduction] « agents ». Cette politique définit un [traduction] « instructeur certifié de l’ASFC » comme étant [traduction] « un instructeur qui a été certifié par la GRC pour donner une formation sur les TMD [tactiques de maîtrise et de défense] ou une combinaison de formation sur les TMD et le maniement des armes à feu. » Un agent est défini différemment comme suit : [traduction] « aux fins de la présente politique, toute personne employée par l’ASFC dans l’administration ou l’application des lois et règlements, désignés sous le nom de "législation relative au programme" au sens de l’article 2 de la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada. » Cette politique prévoit également des responsabilités et rôles distincts pour les instructeurs et les agents.

128 Lors de son contre-interrogatoire, M. Jacques a été renvoyé au formulaire autorisant le transport et l’entreposage des armes à feu dans un lieu autre qu’un bureau de l’ASFC (pièce E‑4), où il était énoncé que le titulaire du formulaire est un employé de l’ASFC qui est un agent. Lorsqu’on lui a demandé s’il se considérait alors comme étant un agent, M. Jacques a répondu qu’il ne savait pas. Je ne considère pas ce formulaire comme étant déterminant quant au statut de M. Jacques. Dans son témoignage non contredit, il a déclaré que c’était la première fois qu’on lui remettait un tel formulaire. Même si le formulaire énonce que le titulaire est un agent en vertu de la Loi sur les douanes, la preuve indique que la direction a informé les instructeurs qu’ils n’exécutaient pas la législation en matière de programmes de l’ASFC. À mon avis, la réponse de M. Jacques en contre-interrogatoire est conforme à son témoignage précédent selon lequel il croyait qu’il avait le statut d’un instructeur et non celui d’un agent.

129 À la lumière de la preuve, je conclus que non seulement il était difficile de déterminer si les fonctionnaires étaient des agents, mais aussi qu’ils ne se considéraient pas comme étant des agents. Ils croyaient plutôt qu’ils étaient des instructeurs et qu’ils n’étaient pas assujettis à la Politique, ce qui n’était pas injustifié, car ils s’appuyaient sur plusieurs évènements. Par exemple, lorsqu’ils ont demandé des clarifications concernant leur statut, les fonctionnaires ont été informés du fait qu’ils n’étaient pas des agents. Un autre exemple se trouve dans le témoignage de M. Christianson selon lequel un insigne de grade a été attribué au poste d’ [traduction] « animateur/instructeur en uniforme » dans la Politique relative aux uniformes et normes quant à l’apparence en vigueur à l’ASFC (pièce E-1, onglet 1). M. Jacques a témoigné qu’il n’avait jamais reçu un tel insigne au cours de son affectation en tant qu’instructeur, et M. Dundas ne se souvenait pas d’avoir vu les fonctionnaires porter un insigne de grade. M. Jacques a également témoigné qu’on avait informé les instructeurs qu’ils n’étaient pas des agents de la paix et qu’ils n’exécutaient pas la législation en matière de programmes de l’ASFC. Cette preuve n’a pas été contestée. En contre-interrogatoire, il a déclaré que les instructeurs avaient fait savoir à M. Durocher et à M. Leigh que s’ils ne recevaient pas de clarifications concernant leur statut, ils cesseraient leurs fonctions de formation, car ils ne voulaient pas porter une arme à feu de façon illégale. On les avait alors informés que des clarifications seraient communiquées sous peu.

130 M. Christianson a reconnu la confusion entourant les politiques à ce sujet. Il a témoigné que la politique initiale de l’employeur de juillet 2007 concernant le port de l’équipement de protection et de défense par les agents, y compris les armes à feu de service, était interprétée et appliquée de façon non uniforme par les bureaux locaux de l’ASFC partout au pays. Par conséquent, la direction a mis en œuvre des changements qui ont mené à la Politique de décembre 2007. Il a également témoigné que la Politique a été assouplie en juin 2009 en raison des commentaires reçus des membres du personnel de l’ASFC qui estimaient que la politique plus restrictive de décembre 2007 n’était pas applicable. M. Jacques a en outre témoigné que les instructeurs avaient discuté de leur statut avec Mme Horvath lors de son arrivée, question qu’il était important d’aborder pour déterminer s’ils étaient assujettis à la Politique.

131 L’employeur a soutenu que les fonctionnaires auraient dû se conformer à la Politique de décembre 2007 étant donné qu’elle était la seule politique en vigueur et que M. Jacques avait témoigné que les instructeurs enseignaient cette politique aux stagiaires. La preuve indique clairement que cette politique a été communiquée aux fonctionnaires par un courrier électronique daté du 17 décembre 2007 (pièce E-1, onglet 8). En outre, les fonctionnaires ont reconnu que les instructeurs enseignaient cette politique aux stagiaires. Toutefois, étant donné que les fonctionnaires occupaient les fonctions d’instructeurs, le fait que leurs noms figuraient dans une liste de diffusion ne signifie pas nécessairement qu’ils étaient assujettis à la Politique. Cela est particulièrement vrai dans une situation comme la présente, où les instructeurs ont demandé des clarifications concernant leur statut, mais n’en ont pas reçu.

132 Les fonctionnaires faisaient partie du premier groupe du personnel de l’ASFC à avoir été formé en tant qu’instructeurs par la GRC. M. Jacques a déclaré que cette formation a débuté en janvier 2007. Tel qu’il est indiqué dans le rapport d’enquête des affaires internes, de juin 2007 au 31 mars 2008, M. Jacques a été affecté à Ottawa en tant qu’instructeur en maniement des armes à feu et au recours à la force, classifié AS-04. Il a témoigné que, pendant son affectation, il allait souvent acheter du café, prendre des repas et faire des commissions liées au travail en uniforme et en portant son arme à feu de service. Dans sa déclaration aux enquêteurs, Mme Christenson a affirmé qu’il était d’usage que les instructeurs quittent le champ de tir de Connaught en uniforme complet pendant les pauses-café ou les pauses-repas du soir (pièce E-1, onglet 10, page 15, paragraphe (gg)). Lors de son audience disciplinaire, Mme Christenson a indiqué que les instructeurs avaient fait cela à de nombreuses occasions et qu’elle en avait fait de même lors d’une séance d’entraînement à Chilliwack. Dans sa déclaration aux enquêteurs, M. Machacynski a affirmé qu’il portait son arme à feu pour aller prendre un café ou mettre du carburant dans les véhicules de l’ASFC. Il a également déclaré qu’il n’avait jamais reçu de directive de quiconque, ni de la direction ni de son superviseur, lui interdisant de porter son arme à feu en quittant le centre de formation ou le champ de tir. En outre, M. Machacynski a indiqué que, durant leur formation, on leur avait appris qu’ils devaient porter leurs armes à feu lorsqu’ils étaient en uniforme complet, puisqu’une arme à feu est le plus en sécurité lorsqu’elle est portée à la hanche (pièce E-1, onglet 10, pages 17 et 18, paragraphes (w), (x), (y), (gg)).

133 Les fonctionnaires et les autres instructeurs au chemin Slack relevaient de Mme Horvath. Dans son témoignage, elle a éprouvé de la difficulté à se rappeler si les fonctionnaires ou les autres instructeurs portaient leurs armes à feu de service en allant chercher du café, ou en faisant des commissions liées au travail à l’ASFC, ou pendant les pauses-repas ou les pauses-repos. Elle a déclaré qu’elle n’aurait pas demandé à M. Jacques de porter son arme à feu pour aller acheter des essuie-glaces pour un véhicule de l’ASFC. Elle ne se souvenait pas si les instructeurs pouvaient porter leurs armes dans la salle à manger du champ de tir de Connaught et ne se souvenait pas non plus d’être allée à un buffet chinois/indien avec les instructeurs, y compris les fonctionnaires, même si M. Jacques a témoigné qu’elle y avait conduit Mme Christenson. Le témoignage de Mme Horvath concernant les pratiques des instructeurs au chemin Slack relativement au port de leurs armes à feu était parfois peu clair, alors que j’ai constaté que celui de M. Jacques était convaincant. En outre, au cours de leurs entrevues disciplinaires (pièce E-1, onglets 11, 12 et 13), les trois fonctionnaires ont déclaré que l’usage au chemin Slack était que lorsque les instructeurs quittaient l’installation pour aller chercher quelque chose, faire une commission liée au travail à l’ASFC, ou prendre une pause-repas, ils portaient leurs uniformes complets et leurs armes à feu. L’employeur n’a pas soumis de preuve pour démontrer le contraire.

134  Les heures de travail de Mme Horvath étaient de 7 h à 15 h, ce qui signifie qu’elle était rarement présente au champ de tir de Connaught. Cependant, la preuve indique clairement que des instructeurs étaient présents au chemin Slack pendant son quart de travail. Tel qu’il a été indiqué dans le témoignage de M. Jacques, les stagiaires étaient divisés en deux groupes, l’un assistait à des conférences de formation au chemin Slack, tandis que l’autre était au champ de tir de Connaught, les deux groupes permutant après la pause du repas de midi. Ainsi que Mme Horvath l’a déclaré lors de son entrevue avec les enquêteurs, il se peut qu’elle ait demandé à certaines occasions aux instructeurs d’aller acheter du café, mais elle ne les a pas vus porter leurs armes à feu.

135 La preuve vient étayer la position des fonctionnaires selon laquelle ils portaient leurs armes à feu pendant les pauses-repas et les pauses-repos et lors des commissions liées au travail à l’ASFC lorsqu’ils étaient au centre de formation du chemin Slack, à Ottawa. Cette pratique s’est poursuivie même après la mise en œuvre de la Politique de décembre 2007, comme le confirment le témoignage de M. Jacques et les déclarations qu’il a faites aux enquêteurs et lors de son audience disciplinaire. Il en est de même pour les déclarations de Mme Christenson et de M. Machacynski faites aux enquêteurs et lors de leurs audiences disciplinaires. Je conclus qu’une pratique était établie chez les instructeurs depuis leur formation initiale par la GRC, ce qui démontre que les fonctionnaires ne croyaient pas qu’ils étaient assujettis à la Politique.

136 M. Christianson a affirmé que la Politique de décembre 2007 était destinée à tous les employés de l’ASFC qui portaient des armes à feu. Même si tel avait été l’objet de la Politique, il n’y a pas de preuve à l’appui de cette affirmation. Les fonctionnaires croyaient qu’ils n’étaient pas assujettis à la Politique, et la Politique n’était pas appliquée pour eux-mêmes et les autres instructeurs. Durant leur affectation à Windsor, les fonctionnaires ont suivi la même pratique relative au port des armes à feu de service pendant les pauses-repas et les pauses-repos que lorsqu’ils étaient à Ottawa. Lorsque les fonctionnaires ont été abordés par M. Dundas, M. Jacques lui a dit qu’ils agissaient conformément à la politique qui s’appliquait aux instructeurs à Ottawa. La même réponse a été fournie à Mme McMahon au retour des fonctionnaires de leur pause-repas au Rock Bottom. Tel qu’il est indiqué dans le rapport d’enquête, Mme McMahon a déclaré aux enquêteurs que M. Jacques l’a informée que, lorsque les instructeurs quittaient le centre de formation à Ottawa, ils ne retiraient pas leurs armes à feu (pièce E-1, onglet 10, page 4, paragraphe (p)). Elle a également déclaré aux enquêteurs que lorsque M. Jacques l’a informée de la rencontre des fonctionnaires avec M. Dundas, elle lui a répondu qu’elle parlerait à M. Dundas et lui a demandé de ne pas s’inquiéter à ce sujet pour le moment et de continuer les séances de formation (pièce E-1, onglet 10, page 4, paragraphe (q)).

137  Le lendemain, soit le 27 mars 2008, selon Mme McMahon, les fonctionnaires sont allés au Pizza Hut pendant leur pause-repas en portant leurs armes à feu de service. On ne peut accorder trop d’importance à la question de l’employeur, lors de la plaidoirie finale, à savoir pourquoi les fonctionnaires ont porté leurs armes à feu à Pizza Hut alors qu’ils avaient entendu les commentaires de M. Dundas. L’employeur n’a pas mentionné la pause-repas des fonctionnaires du 27 mars 2008 dans les lettres disciplinaires qu’ils ont reçues. De plus, il s’agissait là d’un autre élément indiquant que la conduite des fonctionnaires était conforme à la pratique qu’ils ont suivie depuis le début de leurs affectations à titre d’instructeurs et qu’ils respectaient la politique telle qu’ils la comprenaient. La preuve n’établit pas que les fonctionnaires ont délibérément ignoré la Politique de décembre 2007 relative au port des armes à feu de service pendant les pauses-repas ou les pauses-repos ou qu’ils ont agi de mauvaise foi.

138 Je ne souscris pas à la déclaration de l’employeur selon laquelle les fonctionnaires auraient dû tenir compte davantage des options qui étaient à leur disposition pour l’entreposage de leurs armes à feu au champ de tir du service de police de Windsor. M. Christianson a reconnu que la possibilité d’entreposer les armes sur les lieux n’avait pas été clairement communiquée aux fonctionnaires. Il a déclaré qu’il leur appartenait de se renseigner, car selon lui, un « bureau de l’ASFC » comprenait tout lieu où un employé de l’ASFC était affecté. Il a conclu que cela comprenait le champ de tir de Windsor et que les fonctionnaires devaient se conformer à la Politique. Toutefois, M. Jacques a témoigné qu’il croyait que le champ de tir de Windsor était une installation hors-site, c’est-à-dire qu’il n’était ni un point d’entrée, ni un bureau de l’ASFC. Il convient de souligner que l’expression « bureau de l’ASFC » n’a pas été définie dans la Politique de décembre 2007. Ce n’est que lorsque la Directive sur les armes à feu et l’équipement de défense de l’ASFC est entrée en vigueur, le 31 mars 2012, (pièce E-3) que les règles concernant les instructeurs dans des installations telles que le champ de tir de Windsor ont été clarifiées par l’article 8.32 de cette politique, qui est libellé comme suit :

[Traduction]

8.32 Les employés engagés dans la formation sur l’utilisation des armes à feu et d’autres équipements de défense peuvent porter leur équipement de défense à des fins liées à leurs activités de formation, mais en dehors des activités de formation, ils doivent respecter les règles du campus ou de l’installation de formation concernant le port, le transport, l’entreposage ou la manipulation d’équipement de défense. Rien de ce qui précède ne doit être interprété de manière à autoriser ou à prescrire le port d’équipement de défense à l’extérieur de l’enceinte du campus ou de l’installation de formation, sauf pour les instructeurs autorisés, dans le cadre de l’entraînement ou de la recertification. Toute demande de dérogation doit être soumise par écrit au directeur de la Division de l’armement.

139 Dans les lettres disciplinaires, l’employeur a soutenu que les fonctionnaires avaient contrevenu à la politique de l’ASFC en portant leurs uniformes complets, y compris leurs armes à feu de service, lorsqu’ils sont allés au Rock Bottom Bar and Grill pendant leur pause-repas, le 26 mars 2008. L’employeur a en outre allégué que la conduite des fonctionnaires avait terni l’image de l’ASFC. Étant donné que l’employeur n’a produit aucune preuve pour démontrer que l’image de l’ASFC avait été ternie, cette allégation doit être rejetée. Compte tenu de la conclusion que j’ai tirée, je n’ai pas à aborder la proportionnalité de la sanction disciplinaire. Cependant, je tiens à souligner que, même si l’employeur n’a pas précisé quelle proportion de la sanction imposée était fondée sur l’allégation, à mon avis, l’absence de preuve à ce sujet aurait justifié à elle seule une réduction de la sanction.

140 Il est également allégué dans les lettres disciplinaires que les fonctionnaires ont commis [traduction] « […] une faute de conduite très grave. » Le Code de conduite de l’ASFC (pièce E-1, onglet 42) comprend une annexe indiquant les documents de référence auxquels il est lié. Parmi ces documents figure la Politique sur la discipline de l’ASFC, qui définit une faute de conduite comme suit :

[Traduction]

  • Faute de conduite – une action ou une inaction délibérée de la part d’un employé qui contrevient au Code criminel, au Code de conduite de l’ASFC et/ou au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique. Elle peut être également liée à l’absentéisme et à un comportement personnel inapproprié dans le lieu de travail ou à l’extérieur de celui-ci.

141 Le terme [traduction] « délibéré » est défini dans le New Shorter Oxford English Dictionary comme suit : [traduction] « qui exerce ou est disposé à exercer sa propre volonté, et non qui agit par la persuasion, l’ordre ou le commandement; entêté; obstiné; […] ». J’estime que l’employeur n’a pas démontré que les fonctionnaires avaient commis une faute de conduite, conformément à la Politique sur la discipline. Les fonctionnaires croyaient qu’ils se conduisaient de façon appropriée en tout temps. En outre, la preuve a établi que l’employeur était au courant de l’incertitude quant à l’applicabilité de la Politique aux instructeurs. Les fonctionnaires croyaient qu’ils agissaient en conformité avec la pratique qui était d’usage chez les instructeurs à l’ASFC. Je conclus que la conduite et le comportement des fonctionnaires témoignaient de la prudence et de la décence conformément aux pratiques qu’ils ont apprises pendant leur formation par la GRC et qu’ils ont continué à suivre au cours de leur affectation en tant qu’instructeurs.

142 L’employeur a soutenu que je devrais prendre en considération la section [traduction] « Réflexions en guise de conclusion » du Code de conduite, qui énonce un ensemble de questions de réflexion qu’un employé de l’ASFC doit se poser pour affronter les défis quotidiens de son travail. Ces questions permettent de déterminer : si une action est ou sera conforme aux valeurs de l’ASFC et de la fonction publique; les conséquences résultant de l’action accomplie ou à accomplir; si l’employé se sent à l’aise ou non; si les médias ou le grand public percevront cette action d’une certaine manière.

143 La preuve a établi que les fonctionnaires avaient agi d’une façon qu’ils considéraient comme étant conforme aux valeurs de l’ASFC et de la fonction publique. Tout compte fait, la preuve n’a pas révélé que les fonctionnaires auraient dû se préoccuper de la perception du public. La seule conséquence immédiate de leurs actions était que M. Dundas les a vus au Rock Bottom le 26 mars 2008 et leur a dit qu’il pensait qu’ils contrevenaient à la Politique. M. Jacques lui a répondu qu’ils n’y contrevenaient pas. Il n’y a pas eu d’autres discussions à ce sujet, et le lendemain, personne à la direction de Windsor ou d’Ottawa ne leur en a parlé. De plus, aucune explication n’a été donnée quant à ce silence.

144  Compte tenu de tous les éléments de preuve, je conclus que la Politique de décembre 2007 n’était pas claire et qu’elle était appliquée de façon non uniforme aux fonctionnaires en tant qu’instructeurs. Ce manque de clarté a été souligné dans le rapport d’enquête des affaires internes de l’ASFC, adressé au directeur général, Groupe de travail sur l’armement, Direction générale des opérations (pièce E-1, onglet 10). À la page 23 du rapport, sous le titre « Observations », on peut lire ce qui suit :

[Traduction]

Les observations suivantes portent sur l’interprétation ou l’application des procédures, qui peuvent nécessiter des clarifications du contenu ou de la communication. Ces observations ne vous sont soumises qu’à titre de réflexion. :

[…]

  • Des clarifications concernant les articles 9 et 10 de la Politique sur le port d’équipement de protection et de défense, y compris les armes à feu de service de l’ASFC peuvent être nécessaires afin de préciser clairement l’applicabilité aux instructeurs de l’ASFC.

[…]

  • Il convient d’apporter des clarifications quant à savoir s’il incombe aux instructeurs ou à l’agent de programme, Groupe de travail sur l’armement, de s’assurer que des installations d’entreposage appropriées sont disponibles lorsqu’une formation est fournie sur la route.

145 Les deux parties ont fait référence à Eden comme étant la décision qui traite le plus de sujets similaires à ceux en l’espèce. Plusieurs facteurs distinguent Eden de l’affaire qui nous occupe. Premièrement, le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas un instructeur, mais un ASF qui occupait le poste de surintendant supervisant d’autres ASF. Il n’y avait aucune ambiguëté dans la politique, puisqu’elle s’appliquait aux ASF. Deuxièmement, le fonctionnaire s’estimant lésé a laissé son arme à feu de service chargée et son équipement de protection dans un tiroir non sécurisé et non verrouillé d’un classeur qui se trouvait dans le bureau du surintendant. En l’espèce, les armes à feu de service des fonctionnaires étaient sécurisées dans les étuis portés aux hanches, conformément à ce qu’on leur a enseigné durant leur formation. Troisièmement, le grief dans Eden a demandé que la suspension de 10 jours soit ramenée à 5 jours, ce dont a convenu l’arbitre de grief. J’estime que le cas Eden est peu utile en l’espèce.

146 Tel qu’il a été déclaré dans le témoignage de M. Christianson, une politique nouvellement mise en œuvre évolue, et des ajustements y sont apportés en fonction des circonstances. Le port des armes à feu de service pendant les pauses-repas et les pauses-repos était une question de la politique qui nécessitait plusieurs ajustements. La question concernant son applicabilité aux instructeurs a été finalement abordée dans la directive du 31 mars 2012. Toutefois, à la date de l’incident, le 26 mars 2008, j’ai jugé que la Politique n’était pas claire en ce qui concerne les instructeurs et qu’elle n’était pas appliquée de façon uniforme. J’ai également jugé que les fonctionnaires ont agi de bonne foi. Dans les circonstances, ils n’auraient pas dû faire l’objet de mesures disciplinaires.

147 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

148 Les griefs sont accueillis.

149 J’ordonne à l’administrateur général de rembourser l’équivalent de cinq jours (37,5 heures) de salaire et tout autre avantage auquel chaque fonctionnaire aurait eu normalement droit s’il ou elle avait travaillé ces jours-là.

150 J’ordonne à l’administrateur général de retirer les lettres de suspension et toute documentation connexe des dossiers disciplinaires de chaque fonctionnaire ou des documents du personnel.

Le 20 mars 2013

Steven B. Katkin,
arbitre de grief

Traduction de la CRTFP

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