Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les demandeurs sont des agents correctionnels qui ont présenté des griefs contre leur employeur pour divers motifs - l'employeur s'est opposé au renvoi à l'arbitrage de leurs griefs au motif qu’ils n’avaient pas été présentés dans les délais prescrits - les demandeurs ont reconnu le retard et ont présenté une demande de prorogation du délai en vertu de l'article 61 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique - le renvoi tardif est le résultat d’une erreur de la part du représentant de l’agent négociateur; l’agent négociateur a déclaré que les demandeurs ne devraient pas subir un préjudice indu à cause de cette erreur - le vice-président a demandé à l’agent négociateur de déposer des arguments écrits précisant en quoi les demandes de prorogation du délai étaient distinctes de celles visées par deux décisions rendues par la Commission en 2012 - l’agent négociateur a répondu que ces demandes ne se distinguaient pas de celles visées par les deux décisions rendues antérieurement - le vice-président a conclu que les faits relatifs à ces demandes sont comparables à ceux des deux décisions - dans les deux cas, les vice-présidents ont conclu que les erreurs ou les omissions de l’agent négociateur ne constituaient pas des raisons claires ou logiques justifiant le non-respect des délais - aucune raison n’a été fournie justifiant une dérogation à la jurisprudence récente de la Commission. Demandes rejetées. Dossiers de grief clos par ordonnance.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-01-16
  • Dossier:  568-02-237, 238 et 253 à 262 XR : 566-02-5332, 5333, 6241, 6247 à 6254 et 6288
  • Référence:  2013 CRTFP 4

Devant le président


ENTRE

REBECCA ST-LAURENT, JARET CLEMENT, JOHN COPEMAN, JENNIFER NEWPORT,
ROBERT QUINN, ALLAN TEVENDALE ET KEVIN DYLE

demandeurs

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
St-Laurent et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des demandes visant la prorogation d’un délai en vertu de l’alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, vice-président

Pour les demandeurs:
Marie-Pier Dupuis-Langiset Sheryl Ferguson, Union of Canadian Correctional Agents - Syndicat des agents correctionnels du Canada — CSN

Pour le défendeur:
Eric Daoust et Maureen Harris, Secrétariat du Conseil du Trésor

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 15 et 21 juin, le 28 juillet, les 13, 16, 20, 22 et 29 décembre 2011,
et le 7 janvier 2013.
(Traduction de la CRTFP)

Demandes devant le président

1 Rebecca St-Laurent, Jaret Clement, John Copeman, Jennifer Newport, Robert Quinn, Allan Tevendale et Kevin Doyle (les « demandeurs ») sont des agents correctionnels travaillant à l’Établissement Warkworth ou à l’Établissement Bath, en Ontario.En 2010 et 2011, ils ont tous présenté des griefs contre le Service correctionnel du Canada (l’« employeur »), lesquels ont tous été renvoyés à l’arbitrage à différents moments au cours de l’année 2011. Dans tous les cas, l’employeur s’est opposé au renvoi à l’arbitrage au motif que le demandeur ou la demanderesse, selon le cas, n’avait pas renvoyé son grief à l’arbitrage dans les délais établis. Les demandeurs ont reconnu le retard. Ils ont écrit à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), afin de demander au président de leur accorder une prorogation du délai pour les griefs, en vertu de l’article 61 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement »). Les demandeurs sont représentés par leur agent négociateur, le Union of Canadian Correctional Agents — Syndicat des agents correctionnels du Canada — CSN (le « syndicat »). La convention collective pertinente est celle signée par l’employeur et le syndicat le 26 juin 2006 et visant l’unité de négociation du groupe des Services correctionnels (la « convention collective »).

2 En vertu de l’article 45 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), le président m’a autorisé, en ma qualité de vice-président, à exercer tous ses pouvoirs ou à m’acquitter de toutes ses fonctions en application de l’alinéa 61b) du Règlement, pour entendre et trancher toute question de prorogation de délai dans la présente affaire.

3 En septembre 2010, Mme St-Laurent a présenté deux griefs alléguant que l’employeur avait omis de lui communiquer une copie des plaintes dont elle faisait l’objet et de lui donner le préavis de réunion disciplinaire requis. Le syndicat a acheminé les griefs au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 12 janvier 2011. Au dernier palier, l’employeur n’a pas répondu aux griefs dans les délais prescrits par la convention collective. Le 16 mai 2011, la Commission a informé l’employeur que le syndicat avait renvoyé les griefs à l’arbitrage le 11 mai 2011. Le 15 juin 2011, l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre les griefs au motif qu’ils n’avaient pas été présentés au dernier palier de la procédure dans les délais prescrits. Le 21 juin 2011, le syndicat a demandé une prorogation du délai au nom de Mme St-Laurent. Dans sa demande, le syndicat a écrit que [traduction] « […] le renvoi tardif des griefs à l’arbitrage est le résultat d’une erreur du représentant de l’agent négociateur […] » et que Mme St-Laurent ne devrait pas subir un préjudice indu à cause de cette erreur.

4 En mai 2011, M. Clement a présenté un grief contestant la décision de l’employeur de ne pas lui verser la rémunération d’intérim pour les journées où on lui avait demandé d’agir à titre de formateur. Le 27 juin 2011, le syndicat a acheminé le grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. L’employeur n’a pas répondu au grief au dernier palier dans les délais prescrits par la convention collective. Le 14 novembre 2011, la Commission a informé l’employeur que le syndicat avait renvoyé les griefs à l’arbitrage le 4 novembre 2011. Le 13 décembre 2011, l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le grief au motif qu’il n’avait pas été renvoyé à l’arbitrage dans les délais prescrits.

5 En mars 2011, M. Copeman a présenté un grief contestant la décision de l’employeur de ne pas lui verser la rémunération d’intérim pour les journées où on lui avait demandé d’agir à titre de formateur. Le syndicat a acheminé le grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 21 juillet 2011. L’employeur n’a pas répondu au grief au dernier palier de la procédure dans les délais prescrits par la convention collective. Le 23 novembre 2011, la Commission a informé l’employeur que le syndicat avait renvoyé les griefs à l’arbitrage le 21 novembre 2011. Le 16 décembre 2011, l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le grief au motif qu’il n’avait pas été renvoyé l’arbitrage dans les délais prescrits.

6 En mars et avril 2011, Mme Newport, M. Quinn, M. Tevendale et M. Doyle ont également présenté des griefs contestant la décision de l’employeur de ne pas leur verser la rémunération d’intérim pour les journées où on leur avait demandé d’agir à titre de formateur. Le 21 juillet 2011, le syndicat a acheminé les griefs au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. L’employeur n’a pas répondu aux griefs au dernier palier de la procédure dans les délais prescrits par la convention collective. Le 16 novembre 2011, la Commission a informé l’employeur que le syndicat avait renvoyé les griefs à l’arbitrage le 4 novembre 2011. Le 16 décembre 2011, l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre les griefs au motif qu’ils n’avaient pas été renvoyés à l’arbitrage dans les délais prescrits.

7 Le 20 décembre 2011, le syndicat a demandé une prorogation du délai au nom de M. Clement, M. Copeman, Mme Newport, M. Quinn, M. Tevendale et M. Doyle. Au soutien de sa demande, le syndicat a écrit notamment ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le défendeur s’est opposé au renvoi à l’arbitrage au motif que les griefs avaient été renvoyés à l’arbitrage hors délai. Comme l’a indiqué le défendeur dans ses arguments, le renvoi à l’arbitrage des griefs a été effectué trois semaines en retard. Ce retard est le résultat d’une erreur de la part du représentant élu de l’agent négociateur. En toute équité, les droits des fonctionnaires s’estimant lésés ne devraient pas être indûment affectés par l’erreur du représentant élu de l’agent négociateur […]

[…]

8 Les 22 et 29 décembre 2011, l’employeur s’est opposé aux demandes de prorogation de délai. Il a invoqué le fait que les demandeurs n’avaient pas fourni des motifs suffisants pouvant justifier le non-respect du délai prescrit pour renvoyer leurs griefs à l’arbitrage et n’avaient pas appuyé leurs demandes de prorogation de délai par quelque motif légitime. L’employeur m’a renvoyé à cet égard à Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada) c. Sharaf, 2009 CRTFP 115.

Arguments complémentaires des demandeurs

9 J’ai été désigné par le président pour examiner ces demandes, en lien avec d’autres demandes de nature semblable provenant du même syndicat et ayant toutes trait à des erreurs ou à des omissions de la part l’agent négociateur quant au respect du délai prescrit dans le cadre de la procédure interne d’arbitrage des griefs. Étant donné que deux décisions avaient déjà été rendues en 2012 relativement à des demandes similaires au nom du président de la Commission, j’ai donné instruction au greffe de la Commission de demander au syndicat de présenter des arguments écrits précisant en quoi les demandes de prorogation de délai en l’espèce présentaient des différences substantielles par rapport à celles visées par les deux décisions rendues en 2012, soit Kunkel c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 28 et Callegaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 110.

10 Les passages ci-après sont des extraits de la lettre envoyée au syndicat le 2 novembre 2012 au sujet de ces demandes :

[Traduction]

[…]

Un vice-président a passé en revue une série de demandes de prorogation de délai présentées par le Union of Canadian Correctional Agents — Syndicat des agents correctionnels du Canada — CSN. L’étude de ces dossiers a permis d’en dégager les renseignements suivants :

[…]

  • Dans les dossiers 568-02-237 et 238, la fonctionnaire s’estimant lésée avait renvoyé ses griefs à l’arbitrage quelques semaines en retard. À cet égard, le 21 juin 2011 l’agent négociateur a écrit que [traduction] « le renvoi tardif des griefs à l’arbitrage résulte d’une erreur de la part d’un représentant de l’agent négociateur ».

[…]

  • Dans les dossiers 568-02-253 à 262, les fonctionnaires s’estimant lésés avaient renvoyé leurs griefs à l’arbitrage quelques semaines en retard. À cet égard, le 20 décembre 2011, l’agent négociateur a écrit que [traduction] « [c]e retard résulte d’une erreur de la part du représentant élu de l’agent négociateur ».

[…]

Au cours des derniers mois, la Commission a statué sur des demandes de prorogation de délai résultant d’erreurs ou d’omissions de la part de représentants de l’agent négociateur faisant en sorte que les griefs en cause n’avaient pas été renvoyés à l’arbitrage dans les délais impartis. Dans Kunkel c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 28, la vice-présidente Gobeil a rejeté la demande de prorogation. Elle a écrit ce qui suit à cet égard :

[21] En ce qui concerne la preuve, le représentant du demandeur a mentionné que le retard dans le renvoi des griefs à l’arbitrage était attribuable à une erreur de la part de l’agent négociateur et que le demandeur avait mal interprété les délais impartis pour le renvoi des griefs à l’arbitrage. Compte tenu des faits, je conclus que ces explications sont insatisfaisantes pour justifier le retard et, par conséquent, la prorogation du délai. En l’occurrence, des suppositions erronées ne peuvent servir de motif à une prorogation de délai.

[22] À mon avis, le fait que la Loi traite clairement des situations où l’employeur ne répond pas à un grief a pour effet que l’ensemble des explications fournies par l’agent négociateur et le demandeur ne constituent pas, en l’espèce, une raison logique et convaincante d’accorder une prorogation de délai. Bien que cela ait pu être le cas dans d’autres circonstances où l’inaction de l’agent négociateur était raisonnablement justifiée et qu’aucun blâme ne pouvait être attribué au fonctionnaire s’estimant lésé pour l’erreur commise, ce n’est pas le cas en l’espèce. L’agent négociateur du demandeur est un syndicat de renom qui possède de nombreuses années d’expérience dans la représentation des membres de l’unité de négociation des CX, tant sous le régime de la présente Loi que de la précédente. Au vu du libellé clair de la Loi en ce qui a trait aux délais impartis et au renvoi d’un grief au prochain palier lorsque l’employeur omet de répondre dans les délais impartis, l’explication fournie par l’agent négociateur n’est ni logique ni convaincante.

Dans Callegaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 110, le vice-président Paquet a également rejeté la demande de prorogation, s’exprimant comme suit à ce sujet :

[19] La demanderesse ne m’a pas convaincu qu’elle avait un motif clair, logique et convaincant justifiant le retard de quatorze mois dans le renvoi de ses griefs à l’arbitrage. En fait, le retard est entièrement attribuable au syndicat et au fait que la demanderesse ne s’est pas enquise du cheminement de ses griefs. Si elle avait fait preuve d’une plus grande diligence, elle se serait rendu compte à un moment donné que ses griefs n’avaient pas été renvoyés à l’arbitrage. L’omission, la négligence ou l’erreur du syndicat ne constituent pas des raisons logiques et convaincantes justifiant une prorogation du délai. Aucune jurisprudence n’a d’ailleurs été invoquée au soutien d’une telle proposition. La demanderesse ou son syndicat n’ont pas été empêchés de renvoyer les griefs à l’arbitrage. Ils ont tout simplement été négligents, et n’y ont pas procédé dans le délai réglementaire. À cet égard, la demanderesse et son syndicat ne peuvent être considérés comme étant deux entités distinctes, comme le suggère l’argument de la demanderesse voulant qu’elle ne doive pas être [traduction] « pénalisée » pour les omissions de son syndicat.

[20] Si le retard n’est pas justifié par des motifs clairs, logiques et convaincants, les autres facteurs sont de peu d’intérêt. Autrement, comme je l’ai observé dans Lagacé, « [à] quoi serviraient les délais dont les parties à la convention collective ont convenu si le président de la Commission pouvait les proroger à la suite d’une demande qui n’est pas solidement justifiée? ». Accorder de telles prorogations de délai serait méconnaître l’entente conclue par les parties à la convention collective. Cela ne serait certainement pas conforme à l’objet de l’alinéa 61b) du Règlement.

La Commission prie le Union of Canadian Correctional Agents — Syndicat des agents correctionnels du Canada — CSN de lui présenter des arguments écrits précisant en quoi les vingt demandes de prorogation de délai évoquées ci-dessus présentent des différences substantielles par rapport à celles visées par les décisions dans Kunkel ou Callegaro.

Sur la base de ces arguments, la Commission pourrait rendre une décision quant à ces vingt dossiers, demander des arguments complémentaires, ou ordonner la mise au rôle de ces affaires.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

11 Le 7 janvier 2013, le syndicat a répondu comme suit à la lettre envoyée par le greffe de la Commission le 2 novembre 2012 :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à votre lettre datée du 2 novembre 2012 dans laquelle vous demandiez au syndicat de présenter des arguments écrits précisant en quoi les vingt demandes de prorogation de délai présentaient des différences substantielles par rapport à celles visées par les décisions rendues dans Kunkel ou Callegaro.

Nous désirons souligner tout d’abord que l’objection de l’employeur datée du 15 juin 2011 [St-Laurent], du 13 décembre 2011 [Clement] et du 16 décembre 2011 [les autres] ne mentionne comme seul motif que le renvoi tardif à l’arbitrage de ces griefs. Par conséquent, notre réponse ne se rapporte qu’à ce dernier motif.

Nous soumettons respectueusement que [traduction] « [l’]erreur de la part du représentant élu de l’agent négociateur » ne diffère pas de celle invoquée dans Kunkel et/ou Callegaro.

[…]

12 Compte tenu que le syndicat avait été informé le 2 novembre 2012 qu’une décision pourrait être rendue sans d’arguments supplémentaires ou sans audience, j’ai conclu que je disposais de suffisamment d’informations non contredites au dossier, y compris les arguments écrits datés du 7 janvier 2013, pour rendre une décision au sujet de ces demandes.

Motifs

13 Les demandeurs ont reconnu avoir renvoyé leurs griefs à l’arbitrage en dehors des délais impartis. Ce fait n’est pas contesté. Selon la clause 20.13 de la convention collective, l’employeur doit en principe répondre à un grief présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs dans un délai de 30 jours de la communication du grief à ce palier. L’employeur n’a pas répondu à l’intérieur de ce délai de 30 jours. Par ailleurs, en vertu du paragraphe 90(2) du Règlement, à la fin de ces 30 jours, les demandeurs disposent d’un délai de 40 jours pour renvoyer leurs griefs à l’arbitrage. Ils n’ont pas respecté ce délai et ont effectivement renvoyé leurs griefs à l’arbitrage quelques semaines en retard. Après avoir admis ce retard, le syndicat a demandé une prorogation de délai au nom des demandeurs.

14 Les demandes de prorogation de délai sont présentées en vertu de l’article 61 du Règlement, lequel mentionne :

61. Malgré les autres dispositions de la présente partie, tout délai, prévu par celle-ci ou par une procédure de grief énoncée dans une convention collective, pour l’accomplissement d’un acte, la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable aux griefs, le renvoi d’un grief à l’arbitrage ou la remise ou le dépôt d’un avis, d’une réponse ou d’un document peut être prorogé avant ou après son expiration,

a) soit par une entente entre les parties;

b) soit par le président, à la demande d’une partie, par souci d’équité.

15 De toute évidence, les parties ne se sont pas entendues, d’une part, pour accorder une prolongation des délais afin que l’employeur puisse répondre à leurs griefs ou, d’autre part, pour que les demandeurs puissent renvoyer leurs griefs à l’arbitrage. Autrement, ces demandes n’auraient pas été présentées. Or, en vertu de l’alinéa 61b) du Règlement, le président peut accorder une prorogation de délai par souci d’équité.

16 Les critères à prendre en considération afin de déterminer si une prorogation du délai est accordée ont été énoncés dans Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1. Ces critères sont les suivants :

  • le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;
  • la durée du retard;
  • la diligence raisonnable du fonctionnaire s’estimant lésé;
  • l’équilibre entre l’injustice causée à l’employé et le préjudice que subit l’employeur si la prorogation est accordée;
  • les chances de succès du grief.

17 L’importance accordée à chacun de ces critères n’est pas nécessairement la même. Il faut examiner les faits qui ont été soumis afin de déterminer la valeur probante à accorder à chaque critère. Il arrive que certains critères ne s’appliquent pas ou qu’il y en ait seulement un ou deux qui pèsent dans la balance.

18 En l’espèce, le syndicat a affirmé, au nom des demandeurs, que les retards dans le renvoi des griefs à l’arbitrage étaient attribuables à [traduction] « […] une erreur de la part d’un représentant de l’agent négociateur […]. » Aucune autre raison n’a été présentée pour expliquer ces retards.

19 Les faits en l’espèce sont comparables à ceux dans Kunkel et Callegaro, où le délai prescrit pour renvoyer les griefs à l’arbitrage en vertu de la convention collective ou du Règlement n’avait pas été respecté en raison d’erreurs ou d’omissions de la part du syndicat. Ces deux décisions ont été rendues en 2012 et, dans les deux cas, les vice-présidents ont conclu que les erreurs ou les omissions de la part du syndicat ne constituaient pas des raisons claires ou logiques expliquant pourquoi les délais impartis n’avaient pas été respectés. À cet égard, j’ai écrit ce qui suit dans Callegaro, reprenant d’ailleurs cet extrait dans la demande de présentation d’arguments écrits formulée au syndicat en date du 2 novembre 2012 :

[…]

[19] […] L’omission, la négligence ou l’erreur du syndicat ne constituent pas des raisons logiques et convaincantes justifiant une prorogation du délai. Aucune jurisprudence n’a d’ailleurs été invoquée au soutien d’une telle proposition. La demanderesse ou son syndicat n’ont pas été empêchés de renvoyer les griefs à l’arbitrage. Ils ont tout simplement été négligents, et n’y ont pas procédé dans le délai réglementaire. À cet égard, la demanderesse et son syndicat ne peuvent être considérés comme étant deux entités distinctes, comme le suggère l’argument de la demanderesse voulant qu’elle ne doive pas être [traduction] « pénalisée » pour les omissions de son syndicat.

[20] Si le retard n’est pas justifié par des motifs clairs, logiques et convaincants, les autres facteurs sont de peu d’intérêt. Autrement, comme je l’ai observé dans Lagacé, « [à] quoi serviraient les délais dont les parties à la convention collective ont convenu si le président de la Commission pouvait les proroger à la suite d’une demande qui n’est pas solidement justifiée? ». Accorder de telles prorogations de délai serait méconnaître l’entente conclue par les parties à la convention collective. Cela ne serait certainement pas conforme à l’objet de l’alinéa 61b) du Règlement.

[…]

20 Le syndicat n’a pas été en mesure de fournir quelque raison permettant de distinguer ces affaires de Kunkel et Callegaro. Il n’existe donc pas de raisons claires, logiques et convaincantes justifiant une prorogation de délai et d’accueillir ces demandes. Dans ce contexte, les autres facteurs à prendre en considération afin de décider de la pertinence d’accorder une prorogation du délai ne sont pas pertinents. Compte tenu des arguments présentés, je ne vois aucune raison d’accueillir ces demandes et de déroger à la jurisprudence récente de la Commission dans des affaires de nature comparable.

21 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

22 Les demandes de prorogation de délai sont rejetées.

23 J’ordonne que soient classés les dossiers de griefs de la CRTFP suivant : 566­02-5332, 5333, 6241, 6247 à 6254 et 6288.

Le 16 janvier 2013.

Renaud Paquet,
vice-président

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