Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé des griefs portant sur deux suspensions pour inconduite et sur du harcèlement fondé sur une incapacité - le fonctionnaire s’estimant lésé a eu des problèmes d’absentéisme au travail après son affectation à un nouveau poste en août 2006 - l’employeur lui a remis une lettre de conseils, qui énonçait également les conditions de déclaration et les attentes liées aux retards et aux absences au travail - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas respecté ces conditions - l’employeur lui a imposé une suspension de deuxjours en mars 2007 - il lui a imposé une suspension de cinq jours en juillet 2007, qui a été ultérieurement annulée à la suite de la présentation d’une attestation médicale - il lui a imposé une suspension de troisjours le 11 décembre 2007 - le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé des griefs pour contester les suspensions de mars et de décembre 2007 - il a aussi déposé un grief pour harcèlement - l’employeur a soutenu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas établi en preuve qu’il était atteint d’une incapacité, et qu’il n’y avait aucune preuve de harcèlement fondé sur une incapacité - l’employeur a fait valoir qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour démontrer que l’apnée du sommeil, l’alcoolisme allégué, la dépression ou l’anxiété dont le fonctionnaire s’estimant lésé disait souffrir étaient la cause de son incapacité à respecter les conditions - l’employeur a également soutenu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas collaboré avec l’employeur en refusant de fournir des renseignements au sujet de la nature et de l’ampleur de l’incapacité invoquée de manière que l’employeur puisse décider des mesures d’adaptation requises - l’employeur a affirmé que les mesures disciplinaires imposées étaient progressives et n’étaient pas excessives - le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que le fait d’être malade ou de se réveiller trop tard constitue un moyen de défense contre une accusation d’insubordination - son apnée du sommeil n’était pas pour se moquer délibérément des conditions de déclaration - en rejetant le grief, l’arbitre de grief a conclu que, sous réserve des dispositions pertinentes d’une convention collective, un employé est tenu en vertu de son contrat de travail de se présenter au travail à l’heure et à l’endroit indiqués - toute omission à cet égard constitue, de toute évidence, un manquement à cette obligation, pouvant constituer un motif valable justifiant l’imposition d’une mesure disciplinaire - la quantité d’information, ou de preuve, que l’employé doit fournir afin d’étayer l’explication de son retard ou de son absence du travail dépend des faits et des circonstances de chaque cas - dans le cas présent, des motifs valables justifiaient les mesures disciplinaires - l’importance de gérer la présence au travail ne se dissipe pas à la simple évocation d’une maladie - le fonctionnaire s’estimant lésé a également exagéré la nature et la portée de l’obligation d’un employeur de prendre des mesures d’adaptation - les renvois équivoques à des problèmes médicaux n’établissaient aucunement que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas en mesure d’aviser en temps utile qu’il allait être en retard ou absent - concernant l’allégation de harcèlement, les conditions de déclaration étaient des expressions raisonnables du droit de l’employeur de gérer le lieu de travail et ses fonctionnaires. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-04-02
  • Dossier:  566-02-3880, 4051 et 6446
  • Référence:  2013 CRTFP 35

Devant un arbitre de grief


ENTRE

TERRY RICHE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

défendeur

Répertorié
Riche c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Augustus Richardson, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Matthew Way, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour le défendeur:
Pierre Marc Champagne, avocat

Affaire entendue à Halifax (Nouvelle-Écosse),
les 16, 17 et 18 octobre 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Introduction

1 Terry Riche, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a présenté les griefs suivants contre le Conseil du Trésor (l’« employeur ») :

  1. Dossier de la CRTFP 566-02-6446 : grief présenté afin de contester deux suspensions pour des allégations d’inconduite le 22 février 2007 et le 23 mars 2007;
  2. Dossier de la CRTFP 566-02-3880 : grief présenté afin de contester une suspension de trois jours pour des allégations d’inconduite les 15 et 16 novembre 2007;
  3. Dossier de la CRTFP 566-02-4051 : grief déposé alléguant de la discrimination et du harcèlement (le 14 mars 2008).

2 Ces trois griefs découlent de conflits permanents entre l’employeur et le fonctionnaire ayant pour origine son manque d’assiduité. L’employeur a imposé au fonctionnaire des exigences de déclaration concernant le moment où il devait aviser son superviseur et la façon dont il devait y procéder dans le cas où il ne serait pas en mesure de se présenter au travail à l’heure, ou s’il devait s’absenter (les « conditions de rapport »). L’employeur a imposé au fonctionnaire des sanctions disciplinaires à plusieurs reprises en raison de son refus allégué de se conformer à ces conditions. Le fonctionnaire, quant à lui, a allégué que les conditions étaient injustes, constituaient du harcèlement qui aggravait ses antécédents d’assiduité, et que l’employeur n’a pas tenu compte de ses problèmes médicaux et émotionnels et n’a pas pris de mesures d’adaptation à son égard.

3 L’employeur a d’abord imposé les conditions de déclaration en août 2006. Les conditions ont été réitérées à maintes reprises par la suite. M. Riche a présenté un grief concernant les conditions de déclaration au motif notamment que [traduction] « […] l’application zélée de ces conditions suscitait un degré d’animosité et de méfiance inutile entre [le] fonctionnaire et [les] gestionnaires » (dossier de la CRTFP 566-02-4051). Il a soutenu que ces conditions constituaient du harcèlement et étaient discriminatoires. J’appellerai ce grief le « grief pour harcèlement ».

4 Le 5 mars 2007, le fonctionnaire a reçu une suspension d’une journée pour des allégations d’inconduite le 22 février 2007. Le 4 avril 2007, le fonctionnaire a reçu une suspension de deux jours pour des allégations d’inconduite le 23 mars 2007. Dans les deux cas, l’inconduite a découlé de son refus allégué de se conformer aux conditions de déclaration (dossier de la CRTFP 566-02-6446).

5 Le 11 décembre 2007, l’employeur a sanctionné M. Riche pour inconduite consécutivement, encore une fois, à son refus allégué de se conformer aux conditions de déclaration. L’employeur lui a imposé une suspension de trois jours. M. Riche a présenté un grief pour contester cette sanction et a demandé que la suspension soit annulée. Il a demandé l’ordonnance qui suit :

  1. qu’il soit tenu d’aviser son employeur d’une absence du travail avant 12 h le jour de l’absence;
  2. qu’il soit tenu de visiter son médecin non pas le jour même de sa maladie, mais dans les trois jours suivant son retour au travail (dossier de la CRTFP 566-02-3880).

II. Question préliminaire

6 Le déroulement des procédures a été abordé au début de l’audience. Les griefs concernant les suspensions portaient incontestablement sur des mesures disciplinaires, ce qui signifiait que l’employeur devait présenter ses éléments de preuve en premier. Le grief pour harcèlement relevait davantage d’allégations de harcèlement, de discrimination ou de non-respect de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, c’est-à-dire que, pour ce cas, le fonctionnaire devait être le premier à se faire entendre. En outre, l’employeur s’est opposé au grief pour harcèlement au motif qu’un arbitre de grief n’avait pas compétence pour entendre les griefs en s’appuyant uniquement sur des allégations de harcèlement. Il a retiré son objection au début de l’audience.

7 Il a été décidé que le déroulement des procédures (et le fardeau de la preuve qui en résulte) serait comme suit :

  1. l’employeur présente ses arguments en premier concernant les suspensions disciplinaires;
  2. le fonctionnaire répond aux arguments de l’employeur concernant la mesure disciplinaire et produit ses éléments de preuve concernant le grief pour harcèlement;
  3. l’employeur répond aux arguments du fonctionnaire concernant le grief pour harcèlement.

8 J’ai entendu le témoignage des témoins suivants, qui ont témoigné au nom de l’employeur :

  1. la lieutenante Robyn Locke, surveillante des services techniques de la Section d’architecture navale de l’Installation de maintenance de la Flotte Cape Scott à Halifax, en Nouvelle-Écosse (« Cape Scott »), et la superviseure immédiate du fonctionnaire de juillet 2006 à novembre 2007;
  2. le capitaine de corvette Rene Tremblay, qui était le chef de division dont relevait la lieutenante Locke entre l’été 2006 et l’été 2008;
  3. le capitaine de frégate Ken Holt, qui dirigeait le Groupe du génie, dans lequel se trouvait la Section d’architecture navale, et dont relevait le capitaine de corvette Tremblay au cours de la période pertinente;
  4. Carol Ann Anderson, une généraliste en ressources humaines, dont les responsabilités comprenaient le Département du génie civil à Cape Scott;
  5. Paul Hartigan, qui était à l’époque pertinente le gestionnaire du Département des ressources humaines à Cape Scott.

9 J’ai entendu le témoignage des personnes suivantes, qui ont témoigné au nom du fonctionnaire :

  1. ole fonctionnaire;
  2. Alan Phillips, maintenant à la retraite, mais anciennement représentant régional de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le « syndicat ») pour la région de l’Atlantique de 2005 au 31 juillet 2012.

III. Résumé de la preuve

A. Évènements ayant mené à la lettre de conseils qui énonce les attentes, datée du 28 août 2006

10 Le syndicat et l’employeur sont des parties à une convention collective du groupe Architecture, Génie et Arpentage, laquelle a expiré le 30 septembre 2011 (la « convention collective »).

11 Le fonctionnaire travaille pour la fonction publique fédérale depuis juin 2000. En février 2006, il vivait à Ottawa, en Ontario. Le 23 février 2006, il a accepté le poste offert par l’employeur à titre d’ingénieur de projet à la Section d’architecture navale à Cape Scott, à partir du 6 mars 2006; voir la pièce E1, onglet 1.

12 Le fonctionnaire a déménagé à Halifax pour occuper son nouveau poste. Presque immédiatement, il a manifesté des problèmes d’absentéisme au travail. Entre le 6 mars (son premier jour de travail à Cape Scott) et le 24 août, il a été en retard au travail 8 fois, le plus souvent de 2 à 4,5 heures; voir la pièce E1, onglet 2. Au cours de la même période, il s’est porté malade 21 fois et a pris 9 jours de congé annuel ou de congé personnel ou de bénévolat; voir la pièce E1, onglet 2.

13 Le registre des présences de M. Riche préoccupait son employeur. Les 25 mai, 14 juillet et le 1er août, son superviseur a discuté de ses préoccupations avec lui. Son superviseur lui a recommandé de consulter un médecin et de se prévaloir de l’aide offerte par le Programme d’aide aux employés (PAE) du ministère de la Défense nationale; voir la pièce E1, onglet 2.

14 À l’audience, le représentant de M. Riche lui a posé des questions au sujet de son assiduité au travail. M. Riche a expliqué que, lorsqu’il a accepté le poste à Cape Scott, il [traduction] « n’avait pas réalisé qu’[il] commençait à souffrir d’apnée du sommeil […] [il a] toujours été un assez grand buveur, et à l’époque, [il était] en instance de divorce et [devait] composer avec une relation à distance avec une petite amie depuis quatre ans qui habitait à Ottawa ».

15 En août 2006, la lieutenante Locke a pris en charge la supervision du département de M. Riche. Elle était préoccupée par les problèmes d’absentéisme de M. Riche, qui ne se sont pas atténués depuis ses discussions avec son ancien superviseur. Elle a discuté de ses préoccupations avec Mme Anderson, qui a suggéré que la lieutenante Locke prépare une [traduction] « lettre de conseils » énonçant ses attentes du fonctionnaire quant à l’assiduité et les déclarations. Le 28 août 2006, la lieutenante Locke a remis cette lettre au fonctionnaire, dans laquelle elle a relaté ses absences et l’historique des préoccupations qu’elle et son ancien superviseur ont exprimées. La lettre se lisait comme suit (pièce E1, onglet 2) :

[Traduction]

Pour qu’il y ait une amélioration, on s’attend à ce que vous vous conduisiez de la manière suivante en ce qui concerne l’utilisation des congés :

a. Pour vous faire porter malade, vous devez appeler avant l’heure inscrite à votre horaire de travail au bureau. Vous devez communiquer avec moi personnellement ou avec mon remplaçant. Si je ne suis pas disponible, vous devez appeler le capitaine de corvette Tremblay et lui parler directement.

b. Lorsque vous vous faites porter malade, vous devez me fournir un certificat médical (congé de maladie) couvrant chaque période de congé de maladie que vous prenez.

c. Tout congé annuel doit être sollicité avec le formulaire approprié à l’avance, les appels en retard étant inacceptables.

d. Vous êtes tenu de respecter l’horaire selon lequel vous avez convenu de travailler dans le formulaire des heures de travail (ci-joint) :

16 L’heure d’arrivée au travail prévue du fonctionnaire était 7 h 30.

17 La lieutenante Locke a reconnu dans son témoignage que, strictement parlant, les employés dans son département n’avaient pas à présenter un certificat médical chaque fois qu’ils étaient malades. Cependant, elle a témoigné que le fonctionnaire s’était si souvent absenté pour cause de maladie qu’elle avait pensé qu’en lui exigeant de présenter un certificat médical, cela l’inciterait à obtenir de son docteur [traduction] « des renseignements sur son état de santé […] ce qui pourrait être utile ». Concernant les demandes de congé annuel, tous les employés devaient soumettre leurs demandes à l’avance. Toutefois, le fonctionnaire avait l’habitude d’appeler pour les informer qu’il ne pouvait pas se rendre au travail, mais qu’il voulait que son congé soit considéré comme un congé annuel. Enfin, pour ce qui est des heures de travail, les employés avaient la possibilité de les choisir à l’avance. Pourtant, le fonctionnaire arrivait souvent au travail après l’heure de début prévue et demandait ensuite à travailler ses huit heures à partir de l’heure de son arrivée. Étant donné que les employés dans le bureau de la lieutenante Locke travaillaient en équipe, la conduite du fonctionnaire entravait la gestion du travail.

18 La lieutenante Locke a également reconnu, en contre-interrogatoire, que le registre des présences du fonctionnaire donnait à penser qu’il s’agissait d’une incapacité chronique, mais qu’elle voulait qu’il consulte un médecin et [traduction] qu’« il remédie à la situation […] le problème ne résidait pas dans le fait qu’il soit malade, mais qu’il doive appeler au travail ou aller chez le médecin pour régler ses problèmes ».

19 Le fonctionnaire a déclaré dans son témoignage qu’il ne croyait pas que les conditions de déclaration [traduction] « étaient légales […] [il a] informé la lieutenante Locke qu’[il] ne [pensait] pas qu’elles étaient justes ». Il a essayé néanmoins de respecter les conditions [traduction] « du mieux qu’[il pouvait] ». Il a également déclaré qu’il avait pris la lettre [traduction] « comme un affront », et que, selon ses propres termes, [traduction] « J’avais le sentiment qu’ils me forceraient à faire ce qu’ils voulaient malgré le fait que je leur ai déjà dit que j’étais malade […] et que j’avais informé mon ancien superviseur de mon état d’esprit. »

20 Toutefois, selon l’employeur, la déclaration du fonctionnaire selon laquelle il essayait de respecter les conditions de rapport [traduction] « du mieux qu’[il pouvait] » n’était pas suffisante. Le 5 septembre 2006, M. Riche est arrivé au travail 2 heures et 15 minutes en retard. D’après la lieutenante Locke, il n’avait [traduction] « aucune explication valable » de son retard. Elle l’a sanctionné avec une lettre de réprimande datée du 8 septembre 2006 et a refusé qu’il soit rémunéré pour la durée de son retard. Elle l’a averti dans la lettre que tout refus de sa part de respecter les conditions énoncées dans la lettre de conseils du 28 août entraînerait [traduction] « […] d’autres mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement »; voir la pièce E1, onglet 3.

21 Le fonctionnaire a lu et signé la lettre de réprimande. Après l’avoir signée, il a noté ce qui suit : [traduction] « Lu mais non approuvé. La diminution du salaire est raisonnable, mais la réprimande et la menace de congédiement sont exagérées et prématurées »; voir la pièce E1, onglet 3. La lieutenante Locke a déclaré dans son témoignage qu’elle ne les considérait pas comme étant prématurées. Elle estimait [traduction] que « c’est une responsabilité fondamentale de l’employé que d’appeler pour aviser son employeur […] cela facilite le travail du superviseur […] [elle] ne [voyait] aucune raison pour laquelle il ne pouvait pas le faire, et il ne [lui] a pas expliqué pourquoi il ne pouvait pas appeler au travail ».

22  Le commentaire de M. Riche était représentatif de sa réponse générale aux préoccupations de l’employeur concernant son assiduité. Il pensait que l’employeur agissait de manière excessive. Son témoignage à propos des lettres de l’employeur était le suivant :

[Traduction]

[…] [elles] arrivaient de manière assez régulière après la réprimande écrite […] les choses commençaient à se détériorer et c’est presque devenu une préoccupation quotidienne pour moi que d’essayer de comprendre les politiques de l’employeur et de vérifier s’ils avaient le droit ou non de me donner de telles lettres […] j’essayais de trouver un moyen de composer avec elles

23 Le 15 septembre, le fonctionnaire est arrivé au travail 30 minutes après l’heure prévue de son arrivée, qui était 7 h 30. Il n’a fourni aucun motif du retard. Le 19 septembre, il a laissé un message vocal à 7 h 10 demandant un congé annuel pour ce jour-là. Lorsqu’on l’a informé que cela contrevenait au paragraphe c) de la lettre de conseils qu’il avait reçue, il s’est rendu à son lieu de travail pour signer les formulaires afin de demander un congé annuel pour ce jour-là. Les 20 et 21 septembre, il a appelé pour dire qu’il était malade et a laissé des messages vocaux au lieu de parler directement à la lieutenante Locke, comme l’exigeait le paragraphe a) de la lettre de conseils; voir la pièce E1, onglet 4.

B. Rencontre avec la superviseure et le syndicat le 5 octobre 2006

24 Le fonctionnaire a rencontré ses superviseurs, Mme Anderson et son représentant syndical le 5 octobre 2006. Le fonctionnaire a affirmé qu’il souffrait de dépression et d’anxiété. Il a aussi déclaré que son anxiété était en partie causée par le fait qu’il avait le sentiment que sa présence au travail était étroitement surveillée; voir la pièce E1, onglet 22. Il a témoigné avoir informé les personnes qui étaient présentes qu’il voulait consulter un oto-rhino-laryngologiste pour connaitre la cause de son apnée du sommeil.

25 Comme l’a expliqué Mme Anderson dans la correspondance subséquente, [traduction] « [c’]est à ce moment que le département s’est inquiété du fait que l’employé pouvait souffrir d’un problème de santé faisant que les questions liées à son manque de ponctualité et à son absentéisme étaient, et continueraient de l’être, indépendantes de sa volonté »; voir la pièce E1, onglet 22. Dans son témoignage, Mme Anderson a convenu que le fait que le fonctionnaire a mentionné le stress, l’anxiété et la dépression constituait [traduction] « un signal d’alarme pour [elle] ». Elle a ajouté qu’elle avait l’impression que [traduction] « nous avons peut-être affaire à un problème que nous devrons examiner ». Elle a ainsi recommandé une évaluation par Santé Canada, mais le fonctionnaire a répondu qu’il [traduction] « ne [voulait] pas que les gens soient au courant de [ses] affaires ». Elle a déclaré qu’il [traduction] « voulait plutôt aller consulter son médecin de famille […] », et nous lui avons répondu, [traduction] « Certainement » ; voir la pièce E1, onglet 22.

26 Mme Anderson a également témoigné, en contre-interrogatoire, qu’à ce moment-là, le cas du fonctionnaire aurait pu être traité de deux façons : soit que sa conduite constituait de l’absentéisme involontaire, c’est-à-dire de l’absentéisme causé par des facteurs qui échappent à son contrôle, auquel cas il faudrait aborder la question des mesures d’adaptation à prendre, soit qu’il s’agissait tout simplement d’une inconduite de sa part, ce qui nécessiterait de prendre des mesures disciplinaires. Le problème que les superviseurs du fonctionnaire et elle-même avaient rencontré tenait au fait qu’ils ne disposaient pas de suffisamment de renseignements pour décider du type de mesures à prendre, et il fallait que le fonctionnaire fournisse ces renseignements. C’est pourquoi on lui a demandé d’obtenir des renseignements médicaux.

27 Le fonctionnaire a témoigné qu’il pensait avoir été traité de façon injuste lors de la rencontre. Il a expliqué que, au cours des années antérieures dans les autres départements, selon ses propres termes, si [traduction] « je ne me réveillais pas à l’heure ou si je prenais un congé de maladie, personne ne se préoccupait de l’heure à laquelle j’avais appelé ». Il a déclaré que, lorsque la lieutenante Locke lui a dit qu’elle [traduction] « ne comprenait pas les questions liées aux ressources humaines civiles », il lui a répondu que s’il [traduction] « [pouvait] travailler à Ottawa avec deux langues et qu’[il] disait à quelqu’un qu’[il] ne [comprenait] pas l’une d’elles, [il] ne serait pas qualifié pour faire [son] travail ». J’ai compris de cette réponse qu’il voulait dire que la lieutenante Locke n’était pas qualifiée pour les superviser puisqu’elle n’était pas habituée à travailler avec des civils.

C. Avis d’enquête concernant l’aptitude à l’emploi, le 1er décembre 2006

28 La conduite de M. Riche ne s’est pas améliorée relativement au respect des conditions de rapport au cours de la période d’octobre et de novembre 2006. Le 1er décembre 2006, la lieutenante Locke lui a remis un [traduction] « avis d’enquête ». Elle a énuméré 17 journées où il s’était absenté sans permission, ou a été malade sans avoir appelé entre 7 h 30 et 8 h ou a été en retard au travail; voir la pièce E1, onglet 5. Cependant, avant que rien ne se soit passé, le fonctionnaire est parti en congé le 15 décembre 2006. La Dre Wiebe, médecin de M. Riche, a rempli un « Certificat médical d’incapacité de travail ». Le certificat comprenait les trois énoncés suivants, auxquels il fallait répondre par « oui » ou « non » :

[Traduction]

a. J’ai été consulté par la personne nommée précédemment à la date de début de l’absence ou après cette date;

b. Je connais, de façon satisfaisante à mon avis, l’état de santé de la personne nommée précédemment à la date de début de l’absence ou après cette date;

c. À mon avis, la personne nommée précédemment est incapable, en raison d’une maladie ou d’une blessure, d’accomplir ses fonctions habituelles.

29 La Dre Wiebe a répondu « oui » aux premier et troisième énoncés, mais n’a pas répondu au deuxième. Elle a noté après le troisième énoncé que la date à laquelle M. Riche serait prêt à retourner au travail était [traduction] « inconnue »; voir la pièce E1, onglet 8.

30 Le fonctionnaire a expliqué dans son témoignage comment il est parti en congé. Il a déclaré que, en décembre 2006, le [traduction] « zèle » que sa superviseure mettait à lui imposer les exigences de déclaration lui a causé tellement de stress, d’anxiété et de dépression qu’il était [traduction] « devenu de moins en moins assidu jusqu’en décembre ». Il a appelé son représentant syndical, M. Phillips, et l’a informé qu’il n’avait pas l’intention d’aller au travail. M. Phillips a rencontré la direction et a organisé une rencontre entre la direction et le fonctionnaire. Il a été décidé que le fonctionnaire prenne un congé. Selon ce qu’a compris le fonctionnaire, on lui a donné tous ses congés de maladie, de mariage, annuels et autres congés auxquels il avait droit aux termes de la convention collective. Il a aussi pris à l’avance l’équivalent de son congé de maladie pour l’année. En acceptant ce dernier avantage, selon lui, il [traduction] « [se préparait] à être ruiné », car il devra le rembourser à son retour au travail (le fait d’« être ruiné » est abordé plus loin dans cette décision).

31 Toutefois, le fonctionnaire avait une autre raison de prendre ce congé. Il a témoigné qu’il avait des problèmes avec sa petite amie (qui habitait à Ottawa), son divorce et l’éloignement de sa fille. Il a ajouté qu’il a décidé d’aller à Ottawa pour essayer de se réconcilier avec sa petite amie.

32 Le 15 décembre 2006, la lieutenante Locke a écrit à M. Riche ce qui suit [traduction] : « […] [même si votre] niveau d’assiduité au travail a été inacceptable, il est reconnu que vous vous êtes absenté du travail pour des raisons indépendantes de votre volonté ». Cependant, elle a souligné qu’elle avait de la difficulté à planifier les charges de travail à cause de sa présence irrégulière. Elle a ajouté qu’elle était préoccupée par la possibilité qu’il y ait [traduction] « […] un problème de santé sous-jacent qui doit être traité avant que vous ne soyez en mesure de vous présenter régulièrement au travail ». Par conséquent, elle a recommandé qu’il consulte son médecin de famille au sujet de son [traduction] « aptitude à l’emploi »; voir la pièce E1, onglet 6.

33 Le même jour, le capitaine Hainse, commandant, a écrit à la Dre Wiebe au sujet de l’« aptitude à l’emploi » de M. Riche. Il a demandé au médecin si M. Riche était apte à travailler et dans la négative, s’il y avait un [traduction] « […] pronostic indiquant selon vous le moment où il serait apte à retourner au travail » et, à son retour, s’il [traduction] « y a des restrictions qui limiteraient son aptitude à accomplir toutes les tâches de son poste » et si [traduction] « des mesures d’adaptation seraient nécessaires »; voir la pièce E1, onglet 7.

34 La Dre Wiebe a répondu à la lettre du capitaine Hainse le 21 décembre. Elle a précisé que M. Riche a été absent de son travail depuis le 28 novembre et qu’elle recommandait qu’il reste en congé [traduction] « […] pour le moment et [qu’il] soit de nouveau soumis à une évaluation à la fin de janvier 2007. » Elle a ajouté ce qui suit (pièce E1, onglet 9) :

[Traduction]

M. Riche souffre de quelques problèmes de santé, dont des douleurs lombaires de nature mécanique. Il est à espérer qu’il se rétablira d’ici la fin du mois de janvier. Autrement, ces problèmes risquent d’entrainer certaines restrictions dans ses activités ou des limitations pour soulever du poids, s’asseoir et demeurer en position debout pendant des périodes prolongées.

Il aura accès à certaines autres ressources de soutien en décembre et en janvier qui, espérons-le, l’aideront à retourner à son travail et réduiront son absentéisme continu.

35 Le fonctionnaire a témoigné que la référence de la Dre Wiebe aux douleurs lombaires était comme suit :

[Traduction]

[…] quelque peu trompeuse, car les douleurs au dos sont mises en avant plus que toute autre chose, mais c’est parce que le personnel des Ressources humaines et la superviseure disaient qu’ils ne voulaient pas de renseignements médicaux personnels, la Dre Wiebe et moi étions donc en désaccord […] elle ne savait pas comment rédiger le rapport sans y mettre de renseignements personnels […] et il n’y avait pas de communication entre la superviseure et mon médecin […] et alors je me suis retrouvé dans une situation de méfiance à l’égard de mon employeur […] nous étions en conflit interne, il y avait plus d’animosité et de sous-entendus […] mon médecin ne savait alors pas quoi faire, ni comment rédiger le rapport.

36 Lorsque le représentant du fonctionnaire a demandé à celui-ci de donner des exemples de ce qu’il considérait comme étant de l’animosité entre lui et son employeur (et en particulier la lieutenante Locke), le fonctionnaire a répondu comme suit :

[Traduction]

[…] avant de partir en congé en décembre 2006, j’ai eu la malchance de tomber malade et d’avoir des kystes […] chose qui n’est pas rare […] j’ai dû aller à l’hôpital, et quand je suis revenu et que j’ai parlé à Locke d’un congé, elle m’a dit : « Avec toi, il y a toujours quelque chose » […] elle ne fermait jamais la porte, elle la laissait toujours ouverte […] alors j’ai craqué, et je lui ai demandé si elle voulait que je baisse mon pantalon et que je lui montre […] Telle était la nature de notre relation.

37 Le fonctionnaire a expliqué ses propos par le fait qu’il avait l’impression qu’elle le traitait [traduction] « comme un menteur » et que, en tant qu’ingénieur, il considérait cela comme un affront.

38 Le 29 janvier 2007, le Dr Soucy, médecin remplaçant la Dre Wiebe pour congé de maternité, a écrit une note attestant que M. Riche était en mesure de [traduction] « […] retourner à ses fonctions à temps plein à compter du 5 février 2007 »; pièce E1, onglet 10. Afin d’aider le fonctionnaire à résoudre ses problèmes de ponctualité, l’employeur a ajusté l’heure de son arrivée au travail, qui est passée de 7 h 30 à 7 h 45 à partir du 29 janvier 2007; voir la pièce E1, onglet 21.

D. Retour au travail et lettre de conseils – le 5 février 2007

39 Le fonctionnaire a déclaré dans son témoignage que sa relation avec sa petite amie a pris fin en février 2007. Il a ainsi décidé de retourner à Cape Scott [traduction] « pour poursuivre [sa] carrière ». Il est retourné au travail le 5 février 2007. Il a continué à s’absenter fréquemment. D’autres notes ont été fournies pour attester qu’il s’est absenté du travail le 13 février en raison [traduction] d’« ampoules aux pieds » et qu’il était en congé les 15, 16 et 19 février à cause d’une [traduction] « blessure au dos ». Il a été soumis à une nouvelle évaluation le 20 février et a été déclaré prêt à retourner au travail ce jour-là; voir la pièce E1, onglet 11.

40 Le fonctionnaire a témoigné que, pendant ce temps, il consommait de l’alcool et que, selon ses propres termes, il a [traduction] « toujours été un buveur […] tout le monde boit dans l’industrie où je travaille […] je pense que j’étais un alcoolique […] je serais toujours un ivrogne heureux […] je réalise maintenant que mon apnée du sommeil et ma consommation d’alcool auraient été une combinaison dévastatrice ». Il a poursuivi en expliquant que, avant d’être atteint d’apnée du sommeil, il n’avait aucune difficulté à se lever le matin, même avec une gueule de bois. Il a cependant affirmé, [traduction] « maintenant je me réveille, mais je me rendors aussitôt […] cela ne m’est jamais arrivé, c’est pourquoi je n’appelais pas à temps ».

41 Je tiens à souligner qu’on a demandé à tous les témoins de l’employeur si le fonctionnaire leur avait déjà mentionné que sa consommation d’alcool posait un problème. Ils ont tous témoigné que, même si un éventuel problème de consommation d’alcool (en plus d’autres problèmes éventuels, comme le jeu et la drogue) leur est venu à l’esprit comme une explication possible de son absentéisme, il n’a jamais senti l’alcool, et que ni lui ni son représentant syndical n’ont jamais laissé entendre que cela posait un problème.

42 Je souligne également le fait que, en contre-interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré que même s’il était alors un alcoolique (à la date de l’audience), il ne pouvait pas dire à quel moment il est devenu alcoolique. Il a affirmé qu’en 2006 et en 2007 son [traduction] « problème majeur était le stress […] je consommais beaucoup d’alcool […] c’est comme le problème de l’œuf et de la poule, je souffrais de stress en premier, j’en témoigne ».

43 Le fonctionnaire a témoigné que l’autre facteur de stress qui est survenu à son retour au travail le 5 février 2007 était le fait qu’il devait rembourser l’avance de crédits de congé de maladie qu’on lui avait accordés lorsqu’il était à Ottawa. On l’a informé que l’avance était de 25 jours et que l’employeur allait la déduire de sa paie. Le fonctionnaire a discuté de la question avec le capitaine de corvette Tremblay et lui a dit qu’il était [traduction] « D’accord » pour que l’on prélève deux jours de paye par mois sur son salaire. À la fin de la discussion, le fonctionnaire croyait que deux jours seulement seraient prélevés par chèque de paie, mais le service de la paye a fini par prélever trois jours de chaque chèque de paye bimensuel. Le fonctionnaire comprenait que l’avance devait être remboursée, mais il ne comprenait pas ou n’acceptait pas qu’elle soit recouvrée aussi vite. Il a déclaré qu’il [traduction] « [s’est] en quelque sorte mis en colère », mais qu’il [traduction] « [devait] se relever de cette situation du fait du prélèvement ». Il a ajouté qu’il n’était pas en mesure d’améliorer son assiduité qu’à partir de juin 2007.

44 Dans une lettre datée du 21 février 2007, le capitaine de corvette Tremblay a informé le fonctionnaire qu’il considérait que le fonctionnaire a commis une inconduite puisqu’il n’a pas déclaré en temps voulu son absence les 13 et 15 février. Étant donné qu’il s’agissait d’une deuxième infraction disciplinaire et qu’il y avait aussi [traduction] « certaines circonstances atténuantes, dont votre état de santé à l’époque et le fait que vous ne disposiez pas de téléphone », le capitaine de corvette Tremblay s’est limité à verser une lettre au dossier personnel du fonctionnaire à titre de mesure disciplinaire; voir la pièce E1, onglet 12.

45 Le capitaine de corvette Tremblay a déclaré dans son témoignage que le problème n’a jamais été le fait que le fonctionnaire était malade. Il a affirmé ce qui suit : [traduction] « Nous avons toujours convenu qu’il est acceptable de s’absenter du travail pour cause de maladie […] notre problème résidait dans le fait qu’il ne signalait pas son absence en temps opportun […] il a contrevenu au code que nous lui avons demandé de respecter. »

46 Le même jour, la lieutenante Locke a remis de nouveau la lettre de conseils au fonctionnaire. Pour l’essentiel, les conditions initialement établies en août 2006 ont été répétées. Le fonctionnaire a été informé qu’une évaluation officielle de son assiduité serait menée le 2 avril. Ses heures de travail ont été établies comme étant 7 h 45 et 15 h 45. Elle l’a également rappelé des services d’aide offerts par le PAE; pièce E1, onglets 13 et 14.

47 Le lendemain, le fonctionnaire est venu en retard au travail. Il a appelé à 8 h 15 pour dire qu’il serait en retard. Il a commencé son travail à 8 h 45 au lieu de 7 h 45 comme prévu. Il a envoyé un courrier électronique au capitaine de corvette Tremblay et lui a demandé de l’excuser pour son retard. Il a écrit ce qui suit : [traduction] « Je sais que c’est bête, mais j’ai oublié de régler mon réveil. J’attribue cela à une fatigue excessive du fait que je n’ai pas dormi la veille [il] ne devrait pas y avoir de problème ce soir ou à l’avenir. Veuillez ne pas prendre de mesures, puisque je fais de mon mieux, et cela ne se reproduira plus »; pièce E1, onglets 15 et 16.

E. Absences du travail et suspensions d’un jour et de deux jours, les 27 et 28 février et le 2 mars 2007 : objet du grief contenu dans le dossier de la CRTFP 566-2-6446

48 Les 27 et 28 février, le fonctionnaire s’est absenté de son travail sans autorisation. Le 1er mars 2007, le capitaine de corvette Tremblay a noté la conduite du fonctionnaire les 22, 27 et 28 février et lui a remis un [traduction] « avis d’allégation d’inconduite »; voir la pièce E1, onglet 16. Une réunion a eu lieu le 2 mars pour discuter de la question. Le capitaine de corvette Tremblay a convenu que le fait d’être malade ne constituait pas en soi une inconduite. Il a souligné que le fonctionnaire avait des certificats médicaux justifiant ses absences de la période pertinente. Toutefois, selon lui, le fonctionnaire a commis une inconduite étant donné qu’il n’a informé sa superviseure de son retard qu’après l’heure prévue du début de son travail le 22 février. Le capitaine de corvette Tremblay a décidé de recommander une suspension d’un jour; voir la pièce E1, onglet 17. Dans une lettre datée du 5 mars 2007, le capitaine de frégate Holt a approuvé la recommandation du capitaine de corvette Tremblay et a confirmé la suspension d’un jour; voir la pièce E1, onglet 18. Le fonctionnaire a déposé un grief pour contester cette mesure disciplinaire; il s’agit de l’un des deux griefs contenus dans le dossier de la CRTFP 566-02-6446.

49 La lieutenante Locke a témoigné qu’elle a trouvé la conduite du fonctionnaire frustrante. Elle a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Nous avons tout le temps essayé pour qu’il nous informe des mesures d’adaptation dont il avait besoin, mais il n’a jamais rien dit […] c’était vraiment frustrant de voir que quelqu’un n’arrive pas à respecter une règle de base […] je n’étais pas surprise du fait qu’il a reçu une sanction disciplinaire du capitaine de frégate Holt […] lorsqu’aucune mesure d’adaptation n’est nécessaire, il est normal qu’on se fasse sanctionner.

50 Le 23 mars 2007, le fonctionnaire s’est absenté de son travail sans permission. Le 27 mars, il s’est présenté au travail 15 minutes en retard. La lieutenante Locke lui a remis un avis d’allégation d’inconduite; voir la pièce U2, onglet K. Une enquête a été menée. Le 4 avril 2007, le capitaine de frégate Holt a conclu que l’incident du 23 mars constituait une inconduite étant donné que le fonctionnaire n’a pas avisé sa superviseure qu’il serait absent ce jour-là. Le capitaine de frégate Holt a décidé de ne pas donner suite à l’incident du 27 mars, car il a mentionné dans la lettre disciplinaire qu’il a pris [traduction] « en considération la situation médicale [du fonctionnaire] et le fait que [le fonctionnaire] a obtenu un certificat médical de [son] médecin pour justifier l’absence de 15 minutes »; voir la pièce U2, onglet L. Le capitaine de frégate Holt a imposé une suspension de deux jours pour l’incident du 23 mars. Le fonctionnaire a présenté un grief pour contester cette mesure disciplinaire. Il s’agit de l’autre grief contenu dans le dossier de la CRTFP 566-02-6446.

51 Entre-temps, l’employeur a de nouveau ajusté l’heure de début de travail du fonctionnaire, et l’a portée à 8 h le 2 avril. La lieutenante Locke a témoigné que cette modification était une mesure d’adaptation à l’égard du fonctionnaire, qui les a informés que l’autobus qu’il prenait pour se rendre au travail était souvent en retard; voir la pièce E1, onglet 21.

F. Demande spécifique de l’employeur d’une évaluation de l’aptitude au travail – le 3 avril 2007

52 Le 3 avril 2007, Mme Anderson a écrit au Dr Maggio, de l’Agence d’hygiène et de sécurité au travail à Santé Canada, afin de demander une évaluation de l’aptitude au travail. Elle a relaté les antécédents du fonctionnaire depuis mars 2006. Elle a souligné que le fonctionnaire a continué à avoir des problèmes d’assiduité ainsi qu’une difficulté à se conformer aux conditions énoncées dans les deux lettres de conseils qu’il a reçues. Elle a demandé les renseignements suivants (pièce U2, onglet 4) :

[Traduction]

[…] [concernant] l’aptitude [du fonctionnaire] à accomplir toutes les fonctions de son poste. D’après votre évaluation médicale, M. Riche est-il apte à accomplir toutes les fonctions de son poste d’attache en ce moment? Y a-t-il des restrictions médicales? Sont-elles temporaires ou permanentes? S’il ne doit pas se présenter au travail pour le moment, quand est-ce que le Département peut prévoir qu’il reprenne toutes les fonctions de son poste?

53 La date de l’évaluation a été initialement fixée au 23 avril. Le fonctionnaire a refusé de s’y présenter : pièce U2, onglet 4.

54 M. Riche a déclaré qu’en avril 2007 il a [traduction] « finalement obtenu un rendez-vous avec le Dr Smith, un oto-rhino-laryngologiste ». Le Dr Smith l’a adressé à la clinique « The Snore Shop », [traduction] « où on fait des études sur le sommeil ».

55 M. Riche a rencontré la lieutenante Locke le 22 mai 2007. Elle a reconnu que sa ponctualité s’est quelque peu améliorée. Toutefois, elle est restée préoccupée par le nombre de ses absences; voir la pièce U2, onglet M.

56 Le 5 juin 2007, M. Riche a reçu un [traduction] « avis concernant l’assiduité » de la part de la lieutenante Locke. Dans cet avis, elle a indiqué que, depuis son retour au travail le 5 février 2007, il s’est absenté 12,5 jours pour cause de maladie, qu’il a pris comme congés de maladie non payés. Elle a précisé qu’il devait améliorer son registre des présences. Elle a recommandé qu’il demande de l’aide à titre personnel ou auprès du PAE. Elle a souligné que, même si M. Riche a refusé de se soumettre à une évaluation de Santé Canada, il avait encore la possibilité de changer d’avis; voir la pièce U2, onglet M.

57 Le 13 juin 2007, le fonctionnaire se serait porté malade à 11 h 32. Il a indiqué [traduction] qu’« [il a] dormi tard ce matin, mais ne [se sentait] pas bien et [allait] s’absenter de son travail ce jour-là »; voir la pièce U2, onglet N. Il était prévu qu’il commence son travail à 8 h. Une réunion d’enquête a eu lieu le 18 juin. M. Riche a expliqué qu’il était malade. L’employeur, représenté par le capitaine de frégate Holt, a compati avec le fonctionnaire, mais il a tout de même conclu que M. Riche a commis une inconduite étant donné qu’il devait se faire porter malade avant l’heure prévue du début de son travail. Le capitaine de frégate Holt a conclu que la suspension de cinq jours était une sanction appropriée et a souligné que M. Riche ne devait pas se présenter au travail entre le 3 et le 9 juillet 2007; voir la pièce U2, onglet O. M. Riche a présenté un grief pour contester la suspension.

G. Évaluation par le Dr Maggio : le 9 août 2007

58 À ce moment-là, le fonctionnaire a accepté de subir l’évaluation du Dr Maggio, qui était initialement prévue pour le 23 avril. Le 22 juin, Mme Anderson a écrit au Dr Maggio. Elle lui a donné des nouvelles concernant les événements survenus depuis sa lettre du 3 avril, y compris le fait que le fonctionnaire avait récemment fait l’objet de mesures disciplinaires lui imposant une suspension de cinq jours. Elle a répété les questions qu’elle a posées précédemment au sujet de l’aptitude au travail du fonctionnaire. Elle a également souligné ce qui suit (pièce U2, onglet 4) :

[Traduction]

[…]

[…] [le] gestionnaire demande des renseignements très précis en ce qui concerne l’aptitude de M. Riche à se présenter au travail à l’heure et chaque jour, et à s’acquitter de toutes les responsabilités de son poste. D’après votre évaluation médicale, l’état de santé de M. Riche l’empêche-t-il de prendre des décisions rationnelles, ce qui aurait des conséquences sur son emploi continu? Est-il capable de comprendre la gravité de ses actes et les conséquences qui en résultent? En l’absence d’avis médical à ce sujet, le Département n’a pas d’autre solution que de poursuivre les conseils et les mesures disciplinaires.

Toutefois, s’il s’agit vraiment d’un cas d’« absentéisme involontaire », où Mr Riche, pour des raisons médicales, ne peut pas contrôler ses absences au travail, le gestionnaire devrait le savoir pour prendre les mesures d’adaptation nécessaires à ses besoins.

59 Le Dr Maggio a répondu le 9 août. Il a noté qu’il a rencontré le fonctionnaire. Toutefois, il a affirmé que, avant de donner [traduction] « […] un avis définitif, nous aurons besoin davantage de renseignements médicaux que nous avons déjà demandés ». Le Dr Maggio a affirmé que, d’après les antécédents du fonctionnaire, [traduction] « […] il semble que M. Riche a eu un certain nombre de problèmes médicaux ayant entrainé le ou les comportements que vous avez indiqués dans votre lettre ». Cependant, il avait besoin d’une confirmation avant de donner un avis définitif. Il a conclu en déclarant que, en s’appuyant sur les renseignements qui lui étaient disponibles, il croyait que le fonctionnaire [traduction] « […] est apte à accomplir toutes les tâches de son poste d’attache sans restrictions. Il reste à déterminer si son comportement passé était attribuable à ses problèmes médicaux »; pièce U2, onglet 4.

60 La lieutenante Locke a lu la lettre du Dr Maggio et l’a trouvée très vague. Elle a souligné que rien n’y indiquait que le fonctionnaire [traduction] « ne pouvait pas appeler au travail pour nous aviser », à part le fait que le fonctionnaire [traduction] « souffrait d’une certaine maladie, mais était quand même apte à travailler une journée complète ». De plus, aucune mesure d’adaptation particulière n’y était suggérée. Elle a reconnu, en contre-interrogatoire, qu’elle a entendu à un certain moment le fonctionnaire mentionner qu’il souffrait de dépression, [traduction] « mais jamais à un point où des mesures d’adaptation seraient nécessaires […] il arrive que certaines personnes souffrent de dépression, mais elles se rendent quand même à leur travail ». Elle a également admis que, à un certain moment, le fonctionnaire a mentionné qu’il souffrait d’apnée du sommeil, mais elle a déclaré que [traduction] « bon nombre de personnes souffrant d’apnée du sommeil se rendent quand même à leur travail […] je n’ai jamais reçu de note indiquant qu’il ne pouvait pas appeler à l’heure prévue parce qu’il avait le sommeil profond ». Elle a affirmé catégoriquement que le fonctionnaire n’a jamais demandé de mesures d’adaptation à part le fait d’être autorisé à travailler huit heures à partir du moment de la matinée où il commencerait à travailler. Elle a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…] mais ce n’est pas notre façon de travailler […] ce ne sont pas des horaires flexibles, car avec des horaires flexibles, on sait quand un employé va arriver […] cela ne signifie pas qu’il peut se présenter quand il en a envie et travailler huit heures longtemps après que tout le monde est rentré chez soi.

61 Le 19 juillet 2007, la clinique Snore Shop a procédé à l’évaluation de la structure du sommeil du fonctionnaire. Dans un rapport daté du 20 juillet, Mme Hanschke, directrice générale, a déclaré que l’index d’apnée et d’hypopnée du fonctionnaire était de 27,7, que la valeur normale était de 5 ou moins, et que tout index supérieur à 30 était considéré comme sévère et devait être traité d’urgence; voir la pièce U2, onglet 4. Je tiens à souligner que le représentant de l’employeur a contesté ce rapport au motif que son auteur n’était pas présent, que c’était du ouë-dire d’une personne dont on ne pouvait pas déterminer les titres de compétence (et par conséquent, le statut en tant qu’expert capable de présenter une preuve sous forme d’opinion) et que, de toute façon, les termes et les conclusions étaient pour le moins inexpliqués. Il s’agit là d’arguments valables, mais à mon avis, ils touchaient la valeur probante plutôt que l’admissibilité.

62 Il y avait deux autres difficultés concernant le fait que le fonctionnaire a invoqué le rapport. Premièrement, le rapport ne précisait pas le rapport, s’il y en a, entre les troubles du sommeil du fonctionnaire (si c’était bien l’objet du rapport) et son incapacité à respecter l’obligation d’appeler au travail pour aviser de ses absences ou retards avant les heures prévues du début de son travail. Après tout, même si le fait de se réveiller épuisé après une nuit blanche ou une nuit de sommeil perturbé peut expliquer l’incapacité à travailler ce jour-là, cela ne justifie pas nécessairement l’incapacité d’un employé à en aviser son superviseur avant l’heure prévue du début de son travail.

63 Deuxièmement, le rapport n’a pas été présenté à l’employeur. Le fonctionnaire a témoigné qu’il a parlé du rapport à son employeur, mais qu’il ne lui a pas donné une copie étant donné qu’on l’a [traduction] « informé qu’ils ne voulaient pas de renseignements médicaux ». Le capitaine de frégate Holt a déclaré que la première fois qu’il a entendu parler de l’apnée du sommeil dont souffrait le fonctionnaire, c’était à peu près lors du rapport sur le sommeil. Le fonctionnaire a mentionné qu’il se servait d’un appareil qui lui était utile.

64 Je tiens également à souligner que je n’accepte pas le résumé fourni par le fonctionnaire quant à la position de l’employeur concernant la quantité de renseignements que celui-ci voulait. L’employeur l’a avisé clairement à maintes reprises qu’il avait besoin de savoir s’il souffrait d’un problème médical qui entravait ou limitait sa capacité à aviser son employeur en temps opportun, et si oui, comment l’employeur devait envisager des mesures d’adaptation à ces conditions. Il me semble peu probable qu’un employeur demande des renseignements pour pouvoir évaluer les problèmes d’assiduité d’un employé et qu’en même temps, il informe l’employé qu’il ne veut pas de renseignements détaillés. Si le fonctionnaire, ainsi qu’il l’a dit dans son témoignage, a dit à son médecin que son employeur ne voulait pas ces détails, j’ai alors la conviction que le fonctionnaire a en fait essayé de limiter la quantité de renseignements que son employeur a demandés. Le fait que le fonctionnaire a agi ainsi laisse croire qu’il reconnaissait que ses nombreuses excuses pour justifier son incapacité à respecter les conditions de déclaration ne pèseraient pas lourd.

65 Le fonctionnaire a témoigné que, dès la mi-2007, il était ruiné financièrement. Il devait apparemment déménager de son appartement, car il n’avait plus les moyens de payer son loyer de 700 $ par mois. Étant donné qu’il devait rembourser l’avance de crédits de congé de maladie, il [traduction] « [n’avait] pas [assez] d’argent pour garder le même niveau de vie auquel [il était] habitué ». Lorsqu’il a déménagé de son appartement, il a déposé ses meubles dans un entrepôt, mais il n’avait plus les moyens de payer l’entrepôt et a tout perdu. Il a déménagé à Halifax pour être plus proche de son lieu de travail. Il habitait dès lors dans une maison de chambres, mais il a affirmé qu’elle [traduction] « était pleine de gens qui ont été à l’origine de beaucoup d’autres problèmes […] on lui a volé [son] appareil de sommeil [anti-apnée de sommeil], [il a] alors déménagé à Dartmouth, [il n’arrêtait] pas de déménager ».

66 Le 2 octobre 2007, le Dr Maggio a remis son rapport final et son avis à Mme Anderson. Il a affirmé avoir reçu les renseignements qu’il voulait et a ajouté ce qui suit (pièce U2, onglet 4) :

[Traduction]

[…]

Comme mentionné dans notre lettre précédente, M. Riche souffrait d’un certain nombre de problèmes médicaux qui auraient pu être la cause du ou des comportements que vous avez constatés. M. Riche et son ou ses médecins s’efforcent de résoudre ces problèmes.

Comme mentionné précédemment, M. Riche semble comprendre les conséquences de ses absences ou de ses arrivées tardives au travail.

Ses problèmes médicaux ont causé beaucoup de stress à M. Riche. Tout ce que votre département pourrait faire pour l’aider à soulager ce stress lui serait bénéfique.

Nous considérons que M. Riche est apte à accomplir toutes les tâches de son poste d’attache sans restrictions.

67 Mme Anderson a témoigné que le rapport du Dr Maggio lui a indiqué que le fonctionnaire avait des problèmes médicaux qui seraient à l’origine du comportement que l’employeur considérait comme inquiétant, mais qu’il était apte à occuper son poste sans restrictions. À ce moment-là, selon elle, aucune raison médicale n’empêchait le fonctionnaire d’appeler au travail ni de se rendre à son travail. Elle était convaincue qu’à partir de ce moment l’absentéisme involontaire ne pourrait expliquer le refus du fonctionnaire de respecter les exigences de déclaration. Cet avis a été communiqué au capitaine de frégate Holt.

H. Annulation de la suspension de cinq jours et remise de lettres de conseils – octobre, novembre 2007

68 Le capitaine de frégate Holt a examiné le rapport de Santé Canada lors d’une réunion relative au grief, tenue le 5 octobre 2007, concernant la suspension de cinq jours qui a été imposée en juillet 2007. Il a pris en considération le rapport et a décidé d’accueillir le grief et d’annuler la suspension de cinq jours; voir la pièce U2, onglet O. Il a souligné que, étant donné que le rapport indiquait que M. Riche était considéré comme étant apte à occuper son poste sans restrictions, il s’attendait à [traduction] « une certaine amélioration de l’assiduité [du fonctionnaire] ». Il a précisé qu’une troisième lettre de conseils, [traduction] « […] réitérant nos attentes, y compris les conditions de travail [du fonctionnaire], sera remise sous pli séparé »; voir la pièce U2, onglet O.

69 Une autre lettre de conseils sur l’assiduité et la ponctualité a été émise le 11 octobre 2007. Pour l’essentiel, elle réitérait les attentes initialement établies en août 2006, avec quelques légères modifications, comme suit (pièce U2, onglet P) :

[Traduction]

  1. Lorsque vous êtes malade, vous devez aviser votre superviseure avant l’heure prévue de votre arrivée au bureau. Vous devez communiquer directement avec la lieutenante Locke ou laisser un message […] Si elle n’est pas disponible, vous devez appeler le capitaine de corvette Tremblay […]
  2. Lorsque vous vous portez malade, vous devez me fournir un certificat médical (congé de maladie) couvrant chaque période de congé maladie que vous prenez.
  3. Tout congé annuel doit être sollicité avec le formulaire approprié à l’avance, les appels en retard étant inacceptables;
  4. Vous êtes tenu de respecter l’horaire selon lequel vous avez convenu de travailler dans le formulaire des heures de travail, soit de 8 h à 16 h, du lundi au vendredi.

70 Dans son témoignage, le capitaine de frégate Holt a expliqué comme suit l’importance, selon lui, de l’exigence que le fonctionnaire appelle pour prévenir de son retard ou de son absence au travail :

[Traduction]

Cette section du département est soumise à une lourde charge de travail […] il y a beaucoup de remue-ménage lorsque quelqu’un ne se présente pas, surtout s’il n’a pas prévenu à l’avance […] si on a été avisé par l’employé, on peut examiner ses priorités et les assigner à quelqu’un d’autre […] il s’agissait juste de maintenir l’efficacité au bureau […] mais, à ce stade, il y avait un aspect secondaire, car, dans le département, il y avait un certain mécontentement de la part du personnel, puisqu’ils étaient continuellement troublés à cause de lui, ne sachant pas s’il allait s’absenter du travail ou arriver en retard […] il était donc question du bon fonctionnement du bureau.

71 Une quatrième lettre de conseils a été fournie le 6 novembre 2007. Les seules modifications apportées aux attentes concernaient la personne-ressource et une exigence voulant que, lorsque M. Riche appelait pour aviser de sa maladie, il devait [traduction] « obtenir un certificat médical au début de [sa] maladie, et non à [son] retour au travail »; voir la pièce U2, onglet Q.

72 Le 19 novembre 2007, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Anderson. Le courriel s’intitulait, [traduction] « Demande de mesures d’adaptation en vertu de la Politique du CT - Obligation de prendre des mesures d’adaptation ». Il a affirmé avoir lu le manuel de la politique de l’employeur sur les mesures d’adaptation et qu’il estimait qu’il avait le droit de bénéficier de ces mesures. Il lui a demandé de considérer son courriel comme [traduction] « […] une demande officielle de réaffectation en dehors de cette installation pour mettre fin à l’application injuste des sanctions administratives et disciplinaires qui [lui] sont imposées en raison d’une maladie indépendante de [sa] volonté et qui se prolonge à cause des mesures que la direction a prises à [son] encontre »; voir la pièce E3.

73 Mme Anderson a répondu à son courriel le 22 novembre. Pour traiter sa demande de réaffectation, elle a relevé que, généralement, les gestionnaires y avaient recours pour pourvoir aux postes vacants. En ce qui concerne sa demande de mesures d’adaptation par rapport à son poste actuel, elle lui a conseillé comme suit de discuter de la question avec son gestionnaire, le capitaine de corvette Tremblay (pièce E3) :

[Traduction]

Par exemple, si vous trouvez cela difficile de maintenir une semaine de travail de 37,5 heures, peut-être que nous devrions considérer la possibilité que vous travailliez à temps partiel, et non à plein temps. Bien qu’il ne soit pas nécessaire que votre demande de mesures d’adaptation soit formulée par écrit, votre demande devra être très claire et vous devrez indiquer très précisément les mesures d’adaptation dont vous croyez avoir besoin.

74 Mme Anderson a également informé le fonctionnaire que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation [traduction] « […] n’exclut pas l’application des mesures administratives normales dans le cas où vous ne respectez pas des instructions spécifiques de votre superviseure »; voir la pièce E3.

I. Absence subséquente et suspension de trois jours : objet du grief contenu dans le dossier de la CRTFP 566-02-3880

75 Aucune preuve n’a été produite selon laquelle, à la période pertinente, le fonctionnaire a donné suite au courriel de Mme Anderson en formulant une demande [traduction] « très claire ».

76 Les 15 et 16 novembre 2007, M. Riche s’est absenté de son travail, et selon son employeur, il s’est absenté sans avis acceptable, tel que requis dans la lettre de conseils; voir la pièce U2, onglet R. M. Riche et son représentant syndical ont rencontré le capitaine de frégate Holt, le capitaine de corvette Tremblay et Mme Anderson le 25 novembre.

77 Le fonctionnaire a témoigné qu’il s’est absenté pour la raison suivante :

[Traduction]

[…] mon téléphone ne fonctionnait pas […] j’en ai déjà informé Holt et Tremblay […] mon fournisseur de service téléphonique avait des problèmes […] je pouvais faire des appels d’urgence à mon fournisseur de service, mais pas des appels sortants, cela m’arrivait tout le temps à cette époque avec Rogers [Communications, son fournisseur de service téléphonique].

78 À l’audience, le fonctionnaire a décrit plus en détail ses difficultés. Il a expliqué que le problème fondamental était le suivant :

[Traduction]

[…]

[…] le fait que je suis incapable de me réveiller […] j’avais ce problème de ne pas pouvoir me réveiller et de rester éveillé […] c’était surtout lié à l’apnée du sommeil […] et un facteur aggravant était que je buvais encore et que je souffrais de dépression […] il se pourrait qu’à un moment donné j’ai dit que mes antidépresseurs étaient un facteur, mais je crois aujourd’hui que c’était dû à l’apnée du sommeil.

79 Le capitaine de frégate Holt a déclaré dans son témoignage qu’il avait du mal à accepter l’explication du fonctionnaire selon laquelle son service téléphonique avait été interrompu, puisque le fonctionnaire a été en mesure d’appeler son fournisseur de service. Le 11 décembre 2007, le capitaine de frégate Holt a imposé une suspension de trois jours à M. Riche étant donné qu’il n’a pas appelé au travail durant son absence de deux jours en novembre 2007; voir la pièce U2, onglet S. Le fonctionnaire a présenté un grief pour contester la suspension. Il s’agit du grief contenu dans le dossier de la CRTFP 566-02-3880.

80 Le 26 novembre 2007, la Dre Karen MacDonald de Santé Canada a écrit à Mme Anderson. Elle l’a informée que le fonctionnaire a communiqué avec elle le 20 novembre [traduction] « à la suite de l’évaluation effectuée par le Dr Maggio le 2 octobre 2007 ». Elle a poursuivi en expliquant que le Dr Maggio était en congé et qu’elle s’occuperait du dossier pendant son absence. Elle a souligné que M. Riche [traduction] « a exprimé d’autres préoccupations, et il me semble que pour répondre à ces préoccupations, vu que je n’ai pas pris part au traitement de ce cas, j’aurai besoin de l’évaluation d’un spécialiste », laquelle a été prévue pour le 7 janvier 2008 : pièce E1, onglet 30.

81 Le 1er février 2008, la Dre MacDonald a écrit à Mme Anderson. Ses commentaires et observations sont, à mon avis, instructifs et je les cite dans leur intégralité :

[Traduction]

Pour faire suite à ma lettre du 26 novembre 2007, j’ai à présent reçu le rapport du spécialiste concernant le rendez-vous du 7 janvier 2008. Ce rendez-vous a été fixé à la suite de l’appel de M. Riche à notre bureau à la fin de novembre 2007 pour nous informer de ses préoccupations. Étant donné que je n’ai pas pris part à la consultation médicale d’aptitude au travail précédente de M. Riche, le 8 août 2007, la consultation du spécialiste a été prévue pour m’aider à mieux comprendre ce cas et la situation de M. Riche.

Dans l’ensemble, M. Riche est considéré comme étant apte au travail sans restrictions.

Il a eu l’année précédente des problèmes de santé causés par du stress. C’était un cercle vicieux. Le stress causait des problèmes médicaux qui entraînaient des problèmes au travail, problèmes qui aggravaient le stress.

Il semble comprendre les conséquences de ses absences ou de ses arrivées tardives au travail. Il a prouvé qu’il peut améliorer son assiduité à des niveaux acceptables lorsque ses problèmes de santé sont mieux contrôlés. Il est recommandé de lui donner une deuxième chance de faire ses preuves, mais de toute évidence, c’est à lui de traiter ses problèmes de santé et il est tenu de respecter la convention collective et les règles régissant les horaires de travail, les procédures pour se faire porter malade, etc.

Un grand nombre de ses difficultés sont le résultat de sa personnalité et de sa manière de mal réagir à une situation plutôt que d’utiliser des stratégies d’adaptation plus efficaces.

S’il continue à se comporter de la même façon, il n’est pas recommandé de réaliser une nouvelle évaluation d’aptitude au travail, mais il faudrait plutôt traiter le cas comme un problème de rendement au travail au moyen de vos protocoles administratifs habituels : pièce E1, onglet 32.

82 Le 7 mars 2008, le capitaine de frégate Holt a envoyé au fonctionnaire un avis d’allégation d’inconduite. Il a souligné que le fonctionnaire s’est [traduction] « absenté du travail sans autorisation » pendant la période du 8 au 12 février 2008. Il a indiqué qu’une rencontre avec le fonctionnaire serait tenue et que celui-ci avait le droit de se présenter avec un représentant syndical.

J. Présentation du troisième grief le14 mars 2008, dossier de la CRTFP 566-02-04051

83 Le 14 mars 2008, le fonctionnaire a présenté un grief sous le numéro de dossier de la CRTFP 566-02-4051. Il y contestait [traduction] « […] l’imposition des conditions administratives de nature disciplinaire mises en place en septembre 2006 ». Le grief formule essentiellement des allégations de harcèlement liées à l’imposition des conditions de déclaration ayant mené aux suspensions disciplinaires précitées. Je cite ses motifs dans leur intégralité :

[Traduction]

  1. Que les conditions ont été appliquées à mauvais escient, étant fondées sur des hypothèses allant à l’encontre des conclusions de Santé Canada à cet égard en février 2007, selon lesquelles le fonctionnaire était malade et que des facteurs de stress présents dans sa vie pouvaient avoir occasionné son comportement en 2006.
  2. Que l’application zélée de ces conditions suscitait un degré d’animosité et de méfiance inutile entre le fonctionnaire et les gestionnaires. La preuve en est que, fait notoirement connu, ces conditions ont été maintes fois révisées au cours de la dernière année et demie.
  3. Que le processus a été mal administré, à l’occasion, des renseignements personnels au sujet du fonctionnaire classés Protégé A ayant été discutés publiquement, embarrassant ainsi publiquement le fonctionnaire et suscitant encore davantage d’animosité entre le fonctionnaire et les gestionnaires.
  4. Que le processus a occasionné un préjudice indu tant pour le fonctionnaire que pour l’employeur en perte de temps et d’argent. Cela a notamment induit du stress tant chez les gestionnaires que chez le fonctionnaire, contribuant à une situation réactive continue empreinte de stress en raison de la nécessité de consacrer des heures de travail précieuses à répondre aux diverses doléances et à des réunions pour élaborer des moyens de défense et discuter des diverses questions en lien avec le processus.
  5. Que le stress induit par la situation a provoqué des incidents de harcèlement. Des rencontres conflictuelles entre les gestionnaires et le fonctionnaire ont dégénéré en des situations de harcèlement, notamment des commentaires et des remarques désobligeantes tant de la part du fonctionnaire que des gestionnaires en raison d’une situation intenable occasionnée par les paramètres du processus qui ne prévoient pas d’ajustements propres à faciliter des accommodements ou une situation satisfaisante pour tous les intéressés.
  6. Que le stress suscité entre la direction et le fonctionnaire n’a pas entraîné de mesures correctives, comme le processus le veut, mais plutôt une discussion réactive récurrente qui n’est aucunement vue, ni par les gestionnaires ni par le fonctionnaire, comme étant corrective. Les dommages ainsi occasionnés tant à la production de l’unité qu’à la situation financière du fonctionnaire produisent des résultats punitifs et sont donc le résultat de la réaction à des exigences perçues comme étant punitives.

    Les motifs qui suivent [sic-précèdent] militent en faveur d’une refonte complète de ce processus de manière à concevoir des critères et des lignes directrices davantage adaptées au monde d’aujourd’hui et conformes aux lignes directrices du Conseil du Trésor en vue d’un traitement correctif de ces types de maladies et de leur manifestation en milieu de travail. Ce processus a produit une situation de harcèlement entre le fonctionnaire et les gestionnaires et des mesures correctives.

84 Certains témoignages et documents concernaient la période postérieure au 14 mars 2008 : voir notamment la pièce U2, onglets T, U, 4, 6 et 7. Bien que j’aie permis l’introduction de cette preuve à l’origine, en fin de compte, je n’étais pas convaincu qu’elle soit pertinente ou qu’elle devrait être considérée dans l’appréciation des questions soulevées dans les griefs devant moi. L’employeur avait le fardeau d’établir le bien-fondé de sa décision de sanctionner le fonctionnaire selon les informations dont il disposait alors. Les conditions de déclaration imposées par l’employeur en août 2006, ainsi que les sanctions disciplinaires imposées en mars, avril et décembre 2007, étaient fondées sur des événements précédant ces dates, et non sur des événements ou des relations ayant eu lieu après ces dates. Par exemple, soit les conditions de déclaration imposées en août 2006 étaient raisonnables à cette époque, soit elles ne l’étaient pas. Si elles étaient raisonnables, alors les preuves voulant qu’elles n’étaient plus raisonnables après mars 2008 ne les rendraient pas déraisonnables de façon rétroactive. Une telle preuve pourrait bien fonder un nouveau grief, mais elle ne serait pas pertinente aux questions soulevées par le grief présenté en l’espèce.

85 Ensuite, il y a lieu de trouver un juste équilibre entre la valeur probante d’une telle preuve et le coût en temps à consacrer à l’appréciation d’une telle preuve. Le grief a été présenté en mars 2008. L’audience a eu lieu en octobre 2012, soit plus de quatre années après le moment de la présentation du grief. Si je devais me pencher sur des éléments de preuve par rapport à la relation entre les parties après la présentation du grief, alors que cette preuve a peu de rapport aux événements dont le fonctionnaire se plaint dans ce grief, cela imposerait un lourd fardeau administratif tant aux parties qu’à la Commission. Cela serait aussi injuste envers le fonctionnaire, car ce faisant on permettrait à l’employeur de renforcer ce qui pourrait avoir été une preuve ténue avant le mois de mars 2008 avec des informations dont il ne disposait pas à l’époque où il a décidé d’imposer les sanctions disciplinaires comme il l’a fait.

86 Compte tenu de ce qui précède, je n’ai pas été convaincu que cette preuve de la relation entre le fonctionnaire et ses gestionnaires soit pertinente à ses griefs, ou encore, s’il fallait y accorder une quelconque pertinence, que cela ne faisait qu’au plus embellir la preuve déjà devant moi. L’employeur devait établir le bien-fondé de sa décision d’imposer des sanctions disciplinaires au fonctionnaire en fonction de la preuve dont il disposait à ce moment, et non de la preuve d’événements s’étant produits après la présentation du grief.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

87 Le représentant de l’employeur s’est d’abord penché sur le grief pour harcèlement. Il a convenu que l’article 44 de la convention collective interdisait certains types de harcèlement, mais seulement « du fait […] [d’un] handicap ». En l’espèce, le fonctionnaire n’a pas établi en preuve qu’il était atteint d’un handicap. Une simple allégation de harcèlement ne constitue pas pour autant une preuve de harcèlement « du fait » d’un handicap, pas plus qu’elle n’établit une apparence de droit suffisante; voir Dawson c. Société canadienne des postes, 2008 TCDP 41, aux paragraphes 68 et 69. Et, même pour établir une apparence de droit suffisante, il incombe toujours au plaignant de démontrer, selon une prépondérance des probabilités, que le harcèlement fondé sur le handicap du fonctionnaire a effectivement eu lieu; voir Ontario (Director, Disability Support Program) v. Tranchemontagne, 2010 ONCA 593, au paragr. 119.

88 Le représentant de l’employeur a soutenu qu’il n’existait aucune preuve de harcèlement du fait d’un handicap. Il n’y avait même pas à son avis une preuve que les maux dont le fonctionnaire se plaignait – le stress, la dépression, l’alcoolisme et l’apnée du sommeil – étaient aigus au point de l’empêcher de se conformer aux conditions de déclaration.

89 Il n’existait pas non plus de preuve d’un harcèlement constant du fait d’une application zélée des conditions de déclaration; souvent, plusieurs mois passaient sans que l’employeur intervienne ou dise quoi que ce soit au fonctionnaire et, lorsqu’il le faisait, cela était en réponse au défaut du fonctionnaire de se conformer aux conditions de déclaration. Effectivement, à au moins une occasion, l’employeur a annulé une décision qu’il avait prise de sanctionner le fonctionnaire après avoir obtenu des justificatifs médicaux au sujet du fonctionnaire.

90 Abordant ensuite l’allégation voulant que l’employeur aurait manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation, le représentant de l’employeur a soutenu que le fonctionnaire n’avait pas établi en preuve qu’il était atteint d’un handicap. Il n’existait aucun avis médical, ni aucun rapport ou autres éléments de preuve relativement à l’apnée du sommeil, à l’alcoolisme ou à la dépression dont il disait souffrir. Le fonctionnaire pouvait bien être déprimé ou anxieux, mais ces états se manifestent chez plusieurs sinon la plupart des individus dans le cours normal de la vie. La dépression ne constitue pas en soi un handicap, du moins pas en l’absence d’une attestation médicale à l’appui d’une conclusion qu’elle est à ce point sévère qu’elle constitue un handicap. De plus, l’évaluation de Santé Canada concluait que le fonctionnaire était apte au travail. En somme, il n’existait aucune preuve permettant d’expliquer ou de justifier l’incapacité du fonctionnaire de se conformer à l’exigence de prévenir son employeur à l’avance d’un retard à arriver au bureau ou d’appeler s’il était malade. Il n’y avait pas non plus quelque preuve de l’existence d’une maladie physique ou mentale ou d’un état quelconque qui aurait empêché le fonctionnaire de se rendre au travail à temps ou, s’il ne pouvait pas, de téléphoner au bureau et d’en aviser son supérieur immédiat.

91 Par ailleurs, l’employé désirant obtenir des mesures d’adaptation a l’obligation de collaborer avec l’employeur, notamment en lui fournissant des renseignements au sujet de la nature et de l’ampleur de l’invalidité invoquée de manière que l’employeur puisse décider des mesures d’adaptation requises; voir Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 RC.S. 970. En août 2006, le fonctionnaire avait reçu la lettre de conseils initiale, dans laquelle l’employeur précisait les conditions de déclaration en cause. Il s’y est opposé, non pas parce qu’il ne pouvait pas s’y conformer ou qu’il n’en comprenait pas la teneur. Il s’y opposait plutôt parce qu’il estimait qu’il s’agissait d’une mesure exagérée, prématurée ou sans fondement juridique.

92 Le représentant de l’employeur a conclu en soutenant qu’il n’y avait aucune discrimination, aucun harcèlement ni aucune obligation de prendre des mesures d’adaptation. Il ne restait alors qu’à décider de la question des sanctions disciplinaires imposées lorsque le fonctionnaire a fait défaut de se conformer aux conditions de rapport.

93 Est-ce qu’il y avait lieu d’imposer des sanctions disciplinaires? Le représentant de l’employeur a soutenu qu’il y avait lieu d’en prendre. Le défaut répété du fonctionnaire de se conformer aux conditions de déclaration, notamment d’appeler lorsqu’il allait être en retard ou ne pouvait pas aller travailler parce qu’il était malade, représentait de l’insubordination de sa part. Il avait été clairement avisé des conditions (c’est-à-dire des ordres)), à cet égard, lesquelles étaient raisonnables, autorisées et comprises de sa part. Il ne s’y est pas conformé. Par conséquent, il a fait preuve d’insubordination en faisant défaut de se conformer à ces ordres; voir Focker c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 7, au paragraphe 103. Des sanctions disciplinaires s’imposaient dans les circonstances.

94 Les sanctions imposées étaient-elles excessives? Le représentant de l’employeur a fait valoir que les sanctions disciplinaires imposées par l’employeur étaient conformes aux principes relatifs aux mesures disciplinaires progressives. L’employeur est passé d’une lettre d’avertissement à une suspension d’une journée, puis à une suspension de deux journées, et ensuite à une suspension de trois journées. Les mesures disciplinaires imposées correspondaient bien au type de sanctions imposées dans des cas semblables; voir Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CRTFP 42; Rioux c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 32.

95 Enfin, puisqu’il existait des motifs justifiant des mesures disciplinaires et que les mesures disciplinaires imposées n’étaient pas excessives en l’occurrence, je n’ai pas compétence pour y substituer une sanction différente.

96 L’avocat de l’employeur a plaidé, qu’en conséquence, je devais rejeter tous les griefs.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

97 Le représentant du fonctionnaire a soutenu qu’en ce qui avait trait aux suspensions, il incombait à l’employeur d’établir que le fonctionnaire avait fait preuve d’insubordination. Il n’a pas contesté le fait que les conditions de déclaration étaient claires, qu’elles étaient autorisées, ou que le fonctionnaire n’en comprenait pas le sens. Il a soutenu plutôt que la question à trancher était de savoir si les maladies dont souffrait le fonctionnaire constituaient une excuse légitime ou une justification de son défaut de se conformer aux conditions de rapport.

98 Aussi bien le capitaine de corvette Tremblay que le capitaine de frégate Holt croyaient le fonctionnaire lorsqu’il disait qu’il était malade ou qu’il s’était réveillé trop tard. Normalement, le fait d’être malade ou de s’être réveillé trop tard pouvait constituer un moyen de défense contre une accusation d’insubordination; voir Buckwheat c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2009 CRTFP 156, au paragraphe 55. Le fait que le problème se répétait était attribuable au fait que le fonctionnaire ne savait pas pourquoi il n’arrivait pas à se réveiller à l’heure ou pourquoi il ne pouvait pas corriger ce problème.

99 Cela nous amène à la question de l’alcoolisme prétendu du fonctionnaire. Le représentant du syndicat a admis (et il fallait bien qu’il le fasse, compte tenu du témoignage même du fonctionnaire) qu’il n’y avait aucune preuve directe du fait que le fonctionnaire était alcoolique à l’époque pertinente. Toutefois, il a soutenu que je pouvais arriver à une telle conclusion en me fondant sur la preuve qui m’a été présentée.

100 Il y avait aussi la question de l’apnée du sommeil du fonctionnaire. Il était évident que le fonctionnaire souffrait d’apnée du sommeil. Il était évident que cela expliquait pourquoi il n’arrivait pas à se réveiller à l’heure. Il ne faisait pas fi délibérément des conditions de déclaration. Il était également évident qu’il essayait de s’occuper de ce problème et de le corriger. Il n’y est pas arrivé, mais cet échec n’était pas délibéré de sa part.

101 Le représentant du syndicat a soutenu que je devrais également tenir compte du stress et de la dépression que vivait le fonctionnaire. Tant l’évaluation de Santé Canada que les rapports de la Dre Wiebe ont fait état de problèmes médicaux qui nuisaient à la capacité du fonctionnaire à se conformer aux conditions de déclaration. Il n’était pas coupable. Il n’était pas insubordonné.

102 Subsidiairement, si je devais conclure à l’insubordination du fonctionnaire, je devrais alors conclure que les sanctions disciplinaires imposées étaient excessives. Dans Swinimer c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-20756, [1991] C.R.T.F.P.C. no 44, l’arbitre de grief a substitué une suspension de trois jour à la suspension de sept jours imposée à un fonctionnaire qui ne s’était pas présenté au travail pour effectuer des heures supplémentaires en raison d’un problème lié à la consommation d’alcool lorsque le fonctionnaire a par la suite admis qu’il était effectivement un alcoolique, à condition qu’il cherche de l’aide pour traiter sa maladie. Le représentant du syndicat a fait valoir que je devrais substituer une lettre de réprimande à la suspension d’une journée, une journée de suspension à la suspension de deux jours, et une suspension de deux jours à la suspension de trois jours.

103 En ce qui a trait au grief pour harcèlement, le représentant du syndicat a convenu qu’en vertu de la convention collective, pour faire l’objet d’un grief, le harcèlement devait être « du fait » d’un handicap. Il a fait valoir que j’avais toutefois compétence si le harcèlement en question était en lien avec de la discrimination exercée aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, ou de l’article 44 de la convention collective.

104 Le représentant du syndicat a convenu que le fardeau incombait au fonctionnaire d’établir une apparence de droit suffisante de l’existence d’une discrimination. Cela pourrait être établi s’il démontrait ce qui suit, à savoir :

  1. qu’il avait fait l’objet d’une conduite discriminatoire le visant en particulier; ou
  2. qu’une condition administrative applicable à tous les fonctionnaires avait, du fait de ses problèmes d’ordre physique et émotif, un effet indésirable uniquement à son égard.

105 Dans le présent cas, l’employeur a remarqué que le fonctionnaire éprouvait de la difficulté à se présenter au travail à l’heure ou même à s’y présenter. L’employeur a eu connaissance, dès octobre 2006 si ce n’est avant, du fait que le fonctionnaire souffrait de troubles dépressifs et anxieux. Le fonctionnaire a d’ailleurs présenté une demande informelle pour obtenir des mesures d’adaptation, en demandant qu’on lui permette de travailler plus tard les jours où il se présentait en retard au travail. Compte tenu de ces faits, l’employeur avait l’obligation de s’enquérir davantage auprès du fonctionnaire afin d’établir la nature du problème et les mesures d’adaptation requises; voir Stringer c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale) et administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2011 CRTFP 33 et 2011 CRTFP 110. En outre, l’employeur a contribué à l’anxiété et à la dépression du fonctionnaire en lui exigeant un remboursement aussi rapide de ses congés payés à l’avance. Il aurait pu lui accorder des modalités de remboursement plus souples, qui n’auraient pas été si éprouvantes pour le fonctionnaire.

106 Le représentant du syndicat a conclu en demandant les mesures de redressement suivantes relativement au grief pour harcèlement :

  1. la restitution des sommes prélevées pour le remboursement des congés payés;
  2. le paiement de dommages pour le stress financier occasionné au fonctionnaire en raison du remboursement accéléré;
  3. si je conclus à l’existence d’une discrimination à son égard, le paiement de dommages pour les peines et la souffrance occasionnées au fonctionnaire, à hauteur d’une somme de 10 000 $ selon le critère établi dans Stringer;
  4. le paiement de dommages supplémentaires au montant de 10 000 $ en raison de la conduite discriminatoire délibérée de l’employeur.

C. Réplique de l’employeur

107 Le représentant de l’employeur a distingué la présente affaire de Stringer au motif qu’il s’agissait dans ce cas d’une invalidité reconnue (surdité) à l’égard de laquelle l’employeur avait clairement et délibérément refusé de prendre des mesures d’adaptation raisonnables.

108 Pour ce qui est du stress financier occasionné au fonctionnaire en raison du remboursement exigé, le représentant de l’employeur a signalé qu’il semblait y avoir un grand nombre de facteurs de stress dans la vie du fonctionnaire. Il avait accepté les congés de maladie qui lui avaient été offerts et ne pouvait maintenant se plaindre qu’il devait les rembourser. Il n’y avait non plus aucune preuve (outre sa parole) du fait qu’il ait été aussi indigent au moment où le remboursement lui a été réclamé.

V. Motifs

109 Avant d’aborder la question des sanctions disciplinaires, j’estime nécessaire de réfléchir à la question du fardeau de la preuve dont il faut s’acquitter lorsque la maladie est proposée à titre de justification pour ce qui serait autrement considéré comme étant une conduite constituant de l’insubordination.

110 L’employeur a le fardeau de la preuve dans les cas de mesures disciplinaires. Le fonctionnaire qui ne se présente pas à l’heure au travail, ou ne s’y présente pas du tout, est susceptible de se voir imposer des mesures disciplinaires en raison de son insubordination. Mais si le fonctionnaire affirme qu’il était malade, la question devient alors celle de savoir si l’employeur doit non seulement établir que le fonctionnaire ne s’est pas présenté au travail, mais, en plus, qu’il n’était pas malade.

111 Le représentant du syndicat a soutenu qu’il incombait à l’employeur d’établir en preuve que le fonctionnaire n’était pas malade pour justifier sa décision de lui imposer des mesures disciplinaires pour son défaut de se conformer aux conditions de rapport. Au soutien de son argument à cet égard, il m’a renvoyé à la décision rendue dans Buckwheat c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2009 CRTFP 156. Si cette dernière décision va effectivement aussi loin que cela, alors je dois respectueusement en disconvenir.

112 Dans Buckwheat, la fonctionnaire s’estimant lésée était inspectrice des douanes au pont Ambassador. La fonctionnaire s’estimant lésée et d’autres inspecteurs des douanes ont demandé un cours de recyclage en français, mais ils ont essuyé un refus.La fonctionnaire s’estimant lésée a conclu une entente de partage de poste lui permettant de travailler deux quarts de travail par semaine. Elle faisait tous les efforts possibles pour travailler les fins de semaine seulement en raison de son arrangement relatif à la garde de ses enfants. L’employeur a ensuite décidé d’offrir un cours de deux jours de recyclage en français qui devait se donner durant la semaine. Après avoir été avisée qu’elle devait assister à ce cours, elle a écrit à l’employeur pour l’aviser qu’elle voulait renoncer à son statut d’employée bilingue notamment parce que le cours allait lui enlever du temps qu’elle désirait consacrer à sa famille. Elle n’a pas alors dit à la direction qu’elle ne se présenterait pas au cours; et en fait, elle ne s’y est pas présentée. Quand son superviseur a appris par la suite qu’elle ne s’y était pas présentée, il a décidé de lui accorder le bénéfice du doute et de ne pas lui imposer une mesure disciplinaire. Il l’a toutefois avisée qu’elle ne pouvait pas renoncer à son statut d’employée bilingue, car cela faisait partie de ses conditions d’emploi, et qu’elle devait assister au cours lorsqu’il sera présenté les 1er et 2 septembre. Elle lui a dit qu’elle s’efforcerait alors d’y assister. Cependant, la journée-même qu’elle devait s’y présenter, elle a appelé pour dire qu’elle était malade ce jour-là, souffrant d’une grippe intestinale. Lorsque son superviseur l’a questionnée à ce sujet, elle lui a dit qu’elle obtiendrait un certificat médical. Elle a effectivement obtenu une note d’une clinique sans rendez-vous le 7 septembre, dans laquelle il était dit que « […] [la fonctionnaire s’estimant lésée] m’a consulté aujourd’hui parce qu’elle avait manqué le travail […] à cause de vomissements accompagnés de diarrhée » : paragr. 21 de la décision.

113 L’employeur n’a pas accepté la note du médecin, surtout parce que le médecin n’avait pas traité la fonctionnaire s’estimant lésée; il ne faisait que répéter ce que la fonctionnaire s’estimant lésée disait plusieurs jours après le fait. L’employeur lui a imposé une suspension d’une journée, que la fonctionnaire s’estimant lésée a contestée.

114 L’arbitre de grief devait trancher la question de savoir si la fonctionnaire s’estimant lésée avait ou non été malade le 1er et le 2 septembre. La position de l’employeur était qu’il ne croyait pas que la fonctionnaire était malade ces journées-là. La note du médecin ne prouvait pas qu’elle avait été malade. La position de la fonctionnaire s’estimant lésée, par ailleurs, était qu’elle avait été malade et que le fait d’être malade ne constituait pas un motif valable justifiant l’imposition d’une mesure disciplinaire.

115 L’arbitre de grief Mackenzie a accueilli le grief. Il a conclu que « l’employeur n’a pas établi que ses doutes étaient fondés et qu’il y a eu insubordination » : paragr. 48. Il a poursuivi en statuant que, dans un cas portant sur une mesure disciplinaire :

Il appartient donc à l’employeur de prouver l’inconduite. Pour l’essentiel, l’employeur doit prouver que la fonctionnaire n’était pas malade les jours en question. Il ne peut imposer une mesure disciplinaire sur la foi de simples soupçons. Il doit avoir des preuves que l’employé n’était pas malade pour justifier la mesure disciplinaire. J’estime que l’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve dans ce cas-ci. Il s’ensuit que l’employeur n’était pas fondé à imposer la mesure disciplinaire : paragr. 55.

116 À mon avis, l’arbitre de grief Mackenzie ne pouvait pas entendre, par cette affirmation, que le fardeau d’établir la cause de l’absence d’un fonctionnaire incombait uniquement à l’employeur. Et même si c’est effectivement cela qu’il voulait dire, je dois respectueusement signifier mon désaccord avec cette opinion. Je le dis parce que la réponse à la question de savoir à qui incombe le fardeau de la preuve d’un fait donné dépend toujours de la partie qui a besoin d’établir le fait en question pour étayer son argumentation. Ceci est particulièrement vrai lorsque le fait à établir est seulement connu de la personne qui invoque le fait en question et qui est seule en mesure d’en établir la preuve.

117 Dans Buckwheat, la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’était pas présentée au travail à l’heure et à l’endroit indiqués suivant les directives de l’employeur. Elle était au courant des consignes de l’employeur à cet effet en temps opportun pour être en mesure de s’y conformer. Cela étant, le défaut de se présenter au cours de recyclage constituait manifestement de l’insubordination pouvant justifier l’imposition d’une mesure disciplinaire. J’affirme cela puisque, sous réserve des dispositions pertinentes de la convention collective, un employé est tenu en vertu de son contrat de travail de se présenter au travail à l’heure et à l’endroit indiqués : Halfacree c. Administrateur général (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire) 2012 CRTFP 130, au paragr. 208. Le défaut de se présenter au travail à l’heure et à l’endroit indiqués constitue de toute évidence un manquement à cette obligation, un manquement pouvant constituer un motif valable justifiant l’imposition d’une mesure disciplinaire.

118 Le fonctionnaire qui veut éviter un tel résultat doit établir qu’il était absent pour une cause non blâmable valable, la maladie en l’occurrence. Si le juge des faits est convaincu en définitive du fait que le fonctionnaire était effectivement malade, alors dans l’ordre normal des choses une mesure disciplinaire ne serait pas justifiée. Par contre, si le fonctionnaire n’a pas été en mesure d’établir qu’il était malade à cette occasion, une mesure disciplinaire pourrait être justifiée. Évidemment, le fardeau général d’établir l’existence d’un motif valable pour l’imposition d’une mesure disciplinaire incombe toujours à l’employeur, et ce fardeau ne retombe jamais sur les autres. Cela ne signifie pas pour autant que l’employeur a le fardeau d’établir en preuve des faits qui ne sont pas pertinents à la preuve qui lui incombe, ni de réfuter les faits pertinents à la défense du fonctionnaire. Le fardeau d’établir en preuve un fait en particulier incombe à la partie qui affirme que ce fait est à la fois véridique et pertinent. Puisque la maladie est une défense à une allégation d’insubordination lorsqu’un fonctionnaire fait défaut de se présenter au travail, le fardeau d’établir en preuve ce fait particulier incombe au fonctionnaire qui l’invoque.

119 La quantité d’information, ou de preuve, que le fonctionnaire doit fournir afin d’étayer son explication dépendra des faits et des circonstances en l’espèce. Ainsi, à titre d’exemple, une explication verbale ou une note du médecin pourrait suffire pour s’acquitter du fardeau de preuve pour un congé de maladie d’une journée. Par contre, lorsque le défaut de se présenter au travail à l’heure, ou le fait de ne pas s’y présenter du tout, est répété et va au-delà des aléas normaux de la vie professionnelle, le fonctionnaire pourrait alors être tenu de fournir des informations plus étoffées afin de démontrer que son absence du travail est attribuable à une raison autre qu’un motif répréhensible.

120 En ce qui a trait aux griefs dont je suis saisi, si les conditions de rapport étaient raisonnables alors le défaut du fonctionnaire de s’y conformer peut constituer un motif valable justifiant des mesures disciplinaires. Le fardeau d’établir que les conditions de déclaration étaient raisonnables et que l’employeur avait un motif valable justifiant des mesures disciplinaires à l’égard du fonctionnaire pour sanctionner son défaut de se conformer à ces conditions incombe à l’employeur. Par ailleurs, le fardeau d’établir que le fonctionnaire n’a pas ou ne pouvait pas se conformer à ces conditions en raison d’une maladie ou d’une invalidité incombe au fonctionnaire.

A. Les griefs portant sur les mesures disciplinaires

121 Je traiterai en premier lieu ici des griefs portant sur les suspensions disciplinaires du 5 mars 2007 (un jour) et du 4 avril 2007 (deux jours), dans le dossier de la CRTFP 566-02-6446 et du 11 décembre 2007 (trois jours) dans le dossier de la CRTFP 566-02-3880.

122 En règle générale, un arbitre de grief appelé à trancher un grief portant sur une mesure disciplinaire doit se poser les trois questions suivantes, à savoir :

  1. Existait-il des motifs valables justifiant une mesure disciplinaire?
  2. Si oui, est-ce que la sanction imposée par l’employeur était excessive eu égard aux circonstances?
  3. Si oui, est-ce qu’il y a lieu d’y substituer une sanction plus raisonnable?

1. Existait-il des motifs valables justifiant une mesure disciplinaire?

123 Pour ce qui est de cette première question, les trois décisions de l’employeur consistant à imposer une mesure disciplinaire découlaient du refus de la part du fonctionnaire de se conformer aux conditions de déclaration que l’employeur lui avaient tout d’abord imposées dans la lettre de conseils du mois d’août 2006 et réitérées à diverses occasions par la suite.

124 Afin de répondre à la première question, il me faut tout d’abord établir si les conditions de déclaration constituaient un exercice raisonnable du droit de l’employeur de gérer les opérations dans le milieu de travail. Si ce n’était pas le cas, alors l’imposition de mesures disciplinaires pour des manquements à ces conditions ne serait pas appropriée.

125 Il va sans dire que les conditions de déclaration imposées au fonctionnaire étaient plus contraignantes que celles imposées à ses collègues de travail. Toutefois, en août 2006 le fonctionnaire avait déjà amplement démontré par sa conduite antérieure qu’il ne se comportait pas de la même manière que ses collègues de travail. Le fonctionnaire avait alors déjà été en retard au travail (souvent de deux heures ou plus) à huit reprises en un peu plus de cinq mois. Durant cette même période, il avait été absent à 21 reprises en raison d’une maladie non précisée, et a pris en plus 9 autres journées de congé à différents titres. Le fonctionnaire n’avait alors fourni aucune explication pour justifier pourquoi il ne pouvait arriver à l’heure à son travail ou pourquoi il devait prendre autant de journées de congé. Plus important encore, il n’avait pas expliqué pourquoi il ne pouvait pas prévenir son supérieur immédiat, avant l’heure à laquelle il devait normalement se présenter au travail, du fait qu’il serait en retard ou absent pour cause de maladie. L’employeur lui avait recommandé assez tôt de recourir au PAE et de consulter un professionnel de la santé. En dépit de ces conseils, le fonctionnaire ne pouvait lui fournir une justification valable expliquant pourquoi il était incapable de faire ses déclarations à temps.

126 Devant un tel écart par rapport à la norme, l’employeur était en droit, selon moi, de lui imposer les conditions de déclaration. En l’absence d’explications de la part du fonctionnaire, son supérieur immédiat n’avait aucune manière de savoir si ses nombreux retards et ses nombreuses absences étaient attribuables :

  1. aux aléas normaux pouvant survenir au cours de la vie professionnelle d’un individu;
  2. à un signe que le fonctionnaire était aux prises avec des problèmes sur lesquels il n’avait aucune prise et qui l’empêchaient de se conformer aux conditions de déclaration ou qui limiteraient du moins sa capacité à s’y conformer; ou
  3. à un signe que le fonctionnaire se fichait des conditions de déclaration.

127 L’imposition des conditions de déclaration indiquait clairement au fonctionnaire que l’employeur voulait qu’il se conforme à ce qui était, après tout, une obligation à laquelle doit satisfaire n’importe quel autre employé, à savoir, de se présenter au travail à l’heure, ou alors expliquer pourquoi cela lui était impossible. L’imposition de ces conditions indiquait d’une manière non équivoque que l’employeur attachait une grande importance à cette obligation et qu’il était prêt à imposer des mesures disciplinaires si le fonctionnaire n’agissait pas en conséquence.

128 Les conditions n’étaient ni contraignantes ni difficiles à satisfaire. Elles étaient raisonnables et liées aux exigences du milieu de travail du fonctionnaire. Elles avaient été imposées de bonne foi. La plupart des gens règlent leur réveille-matin à l’heure requise pour s’assurer d’être à l’heure à leur travail. Si le fonctionnaire avait suivi ce principe, il aurait su qu’il allait être en retard avant de quitter son domicile pour se rendre au travail et aurait donc pu facilement appeler son supérieur immédiat pour l’aviser du fait qu’il serait en retard. Pareillement, les gens ne vont pas se coucher en sachant qu’ils seront malades en se réveillant le lendemain matin. Ils règlent leur réveille-matin comme d’habitude, et ne réalisent qu’en se réveillant qu’ils sont trop malades pour se présenter au travail. Aussi, ayant réglé leur réveille-matin comme il se doit, ils découvrent qu’ils sont malades bien avant l’heure à laquelle ils doivent être au travail, et donc ils sont en mesure d’aviser qui de droit de leur absence en temps utile. Ce scénario aurait dû être suivi par le fonctionnaire, mais il ne l’a pas fait.

129 Le fonctionnaire a fait valoir en guise de défense qu’il était déprimé, stressé, souffrait d’apnée du sommeil et buvait immodérément certains soirs. Il a affirmé que l’employeur savait, ou aurait dû savoir, qu’il souffrait de ces affections et n’aurait pas dû lui imposer ces conditions de déclaration ou les appliquer de manière aussi rigoureuse une fois qu’il les lui avait imposées. Il a prétendu que l’employeur aurait fait preuve de discrimination à son égard en refusant de tenir compte de ses problèmes de santé.

130 La difficulté ici est que l’argument avancé par le fonctionnaire confond une affection avec une incapacité. Nombreux sont ceux et celles qui connaissent des problèmes de dépression et de stress au cours de leur vie professionnelle. Aucun de ces problèmes ne serait considéré, en soi, comme une incapacité. Le même constat peut se poser dans le cas de l’apnée du sommeil. Le fait qu’un individu vive de tels troubles n’établit pas une apparence de droit suffisante de l’existence d’un handicap ni, encore moins, de l’existence d’une discrimination fondée sur une incapacité. Il fallait en l’espèce établir en preuve que ces affections étaient à ce point sévères qu’elles résultaient en un handicap ou sinon une restriction de la capacité du fonctionnaire à se conformer aux conditions de déclaration. Or, le fonctionnaire n’a présenté aucune preuve de la sorte, si ce n’est pour affirmer l’existence de ces troubles.

131 L’importance de gérer la présence au travail ne se dissipe pas simplement en invoquant que l’on a une maladie. Ce ne sont pas toutes les affections physiques ou émotives qui constituent une incapacité nécessitant une mesure d’adaptation. Certaines affections, par exemple la dépression, l’anxiété ou les maux de tête, ou, comme dans le cas de M. Riche, l’apnée du sommeil, peuvent avoir des répercussions sur le quotidien d’un individu sans nécessairement rendre impossible le fait de devoir se conformer aux attentes usuelles de la vie professionnelle. Par exemple, une dépression peut être bénigne, modérée ou entièrement incapacitante. La gravité de ses répercussions dépendra de la gravité de ses causes, de la constitution psychologique de la personne affectée, et des mesures qu’il ou elle prendra pour combattre cette affection. Il n’est pas suffisant pour un employé de justifier ses retards répétés ou ses absences fréquentes en disant simplement « je suis déprimé » ou « j’ai eu une migraine ». Parfois, il faut davantage que cela pour que l’employeur sache que l’affection est vraiment incapacitante, c’est-à-dire quelque chose qui est au-delà du contrôle de l’employé, et non une banale excuse. Voilà notamment pourquoi la jurisprudence en la matière met autant l’accent sur l’obligation incombant à l’employé demandant une mesure d’adaptation d’expliquer la nature du problème et de collaborer à son traitement. En l’absence d’une telle explication, l’employeur n’a aucune manière de savoir si l’affection est grave au point de constituer une incapacité et, s’il le faut, de décider ce qu’il doit faire et de proposer une mesure d’adaptation.

132 Les arguments du fonctionnaire ont également exagéré la nature et la portée de l’obligation d’un employeur de prendre des mesures d’adaptation. En principe, cette obligation entre en jeu dans le cas de problèmes sur lesquels l’employé n’a aucune maîtrise. Une personne paraplégique ne peut monter un escalier à pied. Un alcoolique ne peut pas résister physiquement ou psychologiquement à l’attrait de l’alcool. Un employé aux prises avec de tels problèmes n’est pas capable d’accomplir les fonctions qui lui sont confiées sans une aide externe. Voilà ce qu’on entend par le fait d’avoir « un handicap ». D’où l’obligation faite à l’employeur de prendre des mesures d’adaptation. Cependant, l’employeur n’est pas tenu à une telle obligation à l’égard de problèmes sur lesquels l’employé est en mesure d’exercer un certain contrôle. Par exemple, si l’employé ne se réveille pas à la sonnerie de son réveille-matin, alors il doit se munir d’un deuxième réveille-matin, placer son unique réveille-matin de l’autre côté de la pièce de manière à ne pas pouvoir le fermer facilement, ou encore, se coucher plus tôt. Toutes ces mesures étaient à la portée du fonctionnaire. Il n’y a aucune preuve qu’il les ait essayées. En l’absence d’une telle preuve, il ne pouvait établir qu’il n’avait aucun contrôle relativement aux conditions de déclaration. Et, ce faisant, il ne pouvait pas non plus établir qu’il était incapable du fait d’un handicap d’aviser en temps utile de ses retards ou de ses absences.

133 La preuve médicale indiquait que le fonctionnaire était apte au travail sans restriction. Les renvois équivoques dans certains rapports médicaux à des « problèmes médicaux » par le passé n’établissaient aucunement que ces problèmes, quels qu’ils soient, aient été incapacitants, ni que le fonctionnaire en était empêché d’aviser en temps utile qu’il allait être en retard ou absent.

134 Évidemment, le fonctionnaire a affirmé qu’il lui arrivait de continuer de dormir même si son réveille-matin avait sonné, ou qu’il s’était peut-être réveillé mais s’était aussitôt rendormi. Cette excuse peut passer peut-être à la première ou la deuxième occasion que cela se produit. Mais si ce problème se répète aussi souvent que le fonctionnaire le laisse entendre, alors la solution aurait été de se munir d’un deuxième réveille-matin, de placer son unique réveille-matin de l’autre côté de la pièce, de cesser de consommer de l’alcool plus tôt durant la soirée, ou de se coucher plus tôt.

135 Il convient ici de noter que les allusions du fonctionnaire au fait qu’il est un [traduction] « grand buveur » ou un [traduction] « ivre heureux » ne m’ont pas permis de conclure qu’il était effectivement, aux époques pertinentes à la présente affaire, un alcoolique. S’il avait été dûment établi en preuve qu’il était effectivement un alcoolique, il aurait pu alors y avoir un certain fondement à l’argument du fonctionnaire voulant que les conditions de déclaration aient été déraisonnables dans les circonstances. Or, aucune preuve n’a été présentée à cet effet. Le fonctionnaire n’est pas allé jusqu’au point d’affirmer qu’il était un alcoolique en 2006 et en 2007. Il n’a pas non plus présenté de preuve indépendante émanant de son médecin de famille ou d’une autre source indépendante qu’il était un alcoolique. Par ailleurs, il y a eu le témoignage concurrent des témoins de l’employeur indiquant qu’ils n’avaient jamais décelé des signes de consommation excessive d’alcool par le fonctionnaire.

2. Est-ce que la sanction imposée par l’employeur était excessive eu égard aux circonstances?

136 Les mesures disciplinaires ont été imposées progressivement, passant d’une journée, à deux journées, puis à trois journées de suspension. Elles ont été imposées dans le contexte d’un plus large historique d’avertissements, de rencontres et d’autres mesures disciplinaires, dont une annulée par l’employeur lorsque le fonctionnaire lui a présenté des renseignements médicaux justificatifs. À mon avis, aucune des trois sanctions précitées n’était excessive.

3. Est-ce qu’il y a lieu d’y substituer une sanction plus raisonnable?

137 Je n’ai pas à formuler de réponse à cet égard, étant donné les motifs précités.

138 Par conséquent, je suis convaincu que les griefs dans les dossiers de la CRTFP 566-02-3880 et 6446 doivent être rejetés.

B. Le grief pour harcèlement – dossier de la CRTFP 566-02-4051

139 Étant donné les conclusions et les motifs précités, il est évident que je n’ai pas été convaincu du fait que l’imposition des conditions de déclaration constituaient du harcèlement « du fait […] [d’un] handicap » au sens de l’article 44 de la convention collective. Il n’existait aucun handicap. Les conditions de déclaration constituaient l’expression raisonnable du droit de l’employeur de gérer les lieux de travail et ses fonctionnaires. Le fait que fonctionnaire ait été en désaccord avec ces conditions n’en faisaient pas pour autant du harcèlement de la part de l’employeur à son égard.

140 Par conséquent, je dois rejeter également ce grief.

141 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

142 Les griefs sont rejetés.

Le 2 avril 2013.

Traduction de la CRTFP

Augustus Richardson,
arbitre de grief

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