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Informations sur la décision

Résumé :

Le grief a été présenté en février 2009 - après consultation auprès des parties, l’affaire a été mise au rôle d’audience du mois de novembre 2011 - avant l’audience, l’agent négociateur a demandé un report au motif qu’il n’avait pas été en mesure de communiquer avec la fonctionnaire s’estimant lésée en vue de recevoir des instructions et de se préparer à l’audience - l’agent négociateur a ajouté qu’il soupçonnait que certains problèmes de santé pourraient avoir empêché la fonctionnaire s’estimant lésée de lui faire parvenir ses instructions - on a donné l’instruction aux parties de présenter toute demande qu’elles souhaitaient présenter à l’audience - avant l’audience, l’agent négociateur a soumis une deuxième demande de report, au motif que le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée subissait une intervention chirurgicale et qu’il ne serait pas en mesure d’assister à l’audience - des documents médicaux ont été fournis à l’appui de la demande, et celle-ci a été accordée - en septembre 2012, l’audience a été provisoirement fixée au mois d’avril 2013 - en mars 2013, l’agent négociateur a demandé un report de l’audience prévue, encore une fois au motif qu’il n’avait pas été en mesure de communiquer avec la fonctionnaire s’estimant lésée, réitérant qu’il n’avait pas réussi à communiquer avec la fonctionnaire s’estimant lésée et qu’il soupçonnait que de possibles problèmes de santé pourraient avoir empêché la fonctionnaire s’estimant lésée de lui donner des instructions - l’employeur s’est opposé à la demande de report et a demandé que l’affaire soit classée sans suite pour abandon de grief - l’arbitre de grief a relevé que l’audience de cette affaire avait été fixée au rôle à deux reprises - il a renvoyé à une décision rendue relativement à un grief antérieur, et a fait valoir que ce n’était pas la première fois que la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas en mesure de communiquer avec son agent négociateur au sujet d’une audience de grief - l’arbitre de grief a de plus souligné que l'agent négociateur avait demandé à plusieurs reprises des reports au nom de la fonctionnaire s’estimant lésée et qu’il n’avait pas été en mesure de nous assurer que la situation changerait - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas disposée à assumer la responsabilité de poursuivre son grief avec diligence ou d’aider son représentant à porter l’affaire jusqu’à l’audience devant la Commission en participant de manière active au processus d'arbitrage - il a souligné qu’il n’avait aucune raison de croire, à moins de se fonder sur des hypothèses, qu’un problème de santé limitait la capacité ou l’aptitude de la fonctionnaire s’estimant lésée à prendre part au processus de son grief - l’arbitre a conclu qu’en l’absence d’une telle preuve, il devait privilégier les intérêts de l’employeur en mettant fin à cette affaire - il a précisé qu’il y avait également lieu de tenir compte de l’intérêt public. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-05-10
  • Dossier:  566-32-4808 et 4809
  • Référence:  2013 CRTFP 51

Devant un arbitre de grief


ENTRE

HEIDI HOWITT

fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Répertorié
Howitt c. Agence canadienne d’inspection des aliments

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésée:
Dan Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Gillian Paterson, avocate

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 16 avril 2013.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le 2 mars 2009, Heidi Howitt, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») a déposé un grief avec l’appui de son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur »). La fonctionnaire a allégué que son licenciement de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’ACIA ou l’« employeur ») était non fondé et discriminatoire.

2 Dans sa réponse, l’ACIA a allégué que le licenciement de la fonctionnaire était justifié, car celle-ci ne s’était pas présentée au travail et n’avait pas fourni d’explication quant à son absence. Son poste était jugé avoir été adapté aux restrictions médicales de la fonctionnaire. Selon l’ACIA, la fonctionnaire, qui avait été victime d’un accident du travail, avait été soumise à une évaluation des capacités fonctionnelles ainsi qu’à une évaluation ergonomique effectuée par la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) de l’Ontario, qui avait confirmé que, même si la fonctionnaire n’était plus en mesure d’assumer les fonctions de son poste d’attache, elle pouvait s’acquitter des tâches d’un poste de spécialiste d’importation classifié au niveau PM-02. Il a aussi été allégué que, en dépit des nombreuses tentatives de l’ACIA de prendre des dispositions pour le retour au travail de la fonctionnaire dans un poste qui était adapté à ses besoins, elle n’avait pas répondu à la lettre d’offre de l’employeur et ne s’était pas présentée au travail.

3 Le 15 novembre 2010, le grief a été renvoyé à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») pour arbitrage. Après consultation des parties, l’affaire a été mise au rôle pour les journées du 21 au 24 novembre 2011, à Toronto, en Ontario.

4 Le 27 octobre 2011, l’agent négociateur a demandé un report d’audience au motif qu’il n’avait pas été en mesure de communiquer avec la fonctionnaire en vue de recevoir des instructions et de se préparer pour l’audience. L’agent négociateur a ajouté qu’il soupçonnait que certains problèmes de santé pourraient avoir empêché la fonctionnaire de lui faire parvenir ses instructions, mais il n’a fourni aucun détail ou document justifiant ses soupçons. On a ordonné aux parties d’assister à l’audience prévue et de présenter toute demande ou motion qu’elles souhaitaient présenter au début de la procédure. Les parties étaient également encouragées à présenter des éléments de preuve pour appuyer leurs positions respectives.

5 Le 10 novembre 2011, l’agent négociateur a soumis une deuxième demande de report d’audience, cette fois-ci au motif que le représentant de la fonctionnaire subissait une intervention chirurgicale et qu’il ne pourrait pas assister à l’audience prévue. Des documents médicaux ont été fournis démontrant que le représentant était en attente d’une intervention chirurgicale. La deuxième demande de report a été accordée et l’audience a été reportée sine die.

6 Le 14 septembre 2012, les parties ont été informées que l’audience avait été provisoirement fixée au 16 avril 2013 et qu’elles étaient tenues d’aviser la Commission si elles n’étaient pas disponibles. Aucun avis en ce sens n’a été reçu par la Commission. Le 19 octobre 2012, les parties ont été informées que l’affaire devait être entendue du 16 au 19 avril 2013 à Toronto, et que ces dates d’audience étaient considérées comme définitives.

7 Le 26 mars 2013, l’agent négociateur a demandé un report supplémentaire de l’audience prévue, de nouveau au motif qu’il n’avait pas été en mesure de communiquer avec la fonctionnaire en vue de recevoir les instructions et de se préparer à l’audience. L’agent négociateur a réitéré son soupçon d’un possible problème de santé sous-jacent de la fonctionnaire, mais, encore une fois, il n’a pas fourni de détails ou de documents pour justifier son affirmation. Pour la deuxième fois, on a ordonné aux parties d’assister à l’audience prévue et de présenter d’entrée de jeu toute demande ou motion qu’elles souhaitaient présenter.

8 Lors de la première journée d’audience, la fonctionnaire n’était pas présente et l’agent négociateur a réitéré, d’entrée de jeu, sa demande de report de la procédure. Le représentant de l’agent négociateur a affirmé qu’il avait tenté à plusieurs reprises de joindre la fonctionnaire par téléphone, par courrier et par courriel, en vain. Selon lui, la dernière conversation entre l’agent négociateur et la fonctionnaire avait eu lieu au printemps 2009. Il a ajouté qu’il n’était pas en mesure d’émettre la moindre hypothèse quant à savoir si et quand la situation changerait. Le représentant de l’agent négociateur a de nouveau fait part de son impression qu’il pourrait y avoir une raison médicale expliquant le comportement de la fonctionnaire. Il a toutefois admis qu’il n’avait pas de preuve concrète à me présenter et qu’il ne pouvait par conséquent pas donner une explication médicale convaincante quant au comportement de la fonctionnaire.

9 L’employeur s’est opposé à la demande de report et a proposé de rejeter l’affaire pour abandon de grief. Selon l’employeur, la fonctionnaire a par le passé adopté un comportement qui laissait entendre qu’elle ne souhaitait pas réellement donner suite à ses griefs ou à ses demandes. Il m’a renvoyé à une lettre de la CSPAAT datant du 21 mai 2009 confirmant le retrait de la fonctionnaire relativement à une demande. Il a également mentionné une séance de médiation dans le cadre d’une procédure de grief précédente, sans rapport avec la procédure actuelle, qui avait été mise au rôle à la demande de la fonctionnaire et qui avait dû être annulée parce que l’agent négociateur n’avait pas pu communiquer avec elle et le fait que la fonctionnaire ne s’était pas présentée à une audience relative à un grief devant la Commission le 12 avril 2010, date à laquelle il avait été jugé qu’elle avait abandonné ce grief. L’employeur m’a renvoyé à Howitt c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2010 CRTFP 75. L’employeur a essentiellement soutenu qu’il était prêt et disposé à passer à l’instruction de l’affaire sur le fond, que cette affaire avait trop duré, que le temps perdu lui avait et continuait de lui porter préjudice, que la fonctionnaire n’avait pas fait preuve de diligence dans la poursuite de son grief, et qu’il fallait dûment prendre en compte l’intérêt public général quant à une administration efficace de la justice qui évite les retards injustifiés. L’employeur m’a renvoyé à Fletcher c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 39.

10 Pour les motifs ci-dessous, j’ai refusé la demande de report d’audience de l’agent négociateur et j’ai accueilli la proposition de l’employeur de rejeter le grief au motif qu’il avait été abandonné.

Motifs

11 L’audience de cette affaire a été mise au rôle à deux reprises, à la suite de nombreuses tentatives de la Commission de solliciter les disponibilités des parties. Au moment où cette décision sera rendue, plus de 30 mois se seront écoulés depuis que l’agent négociateur a renvoyé l’affaire de la fonctionnaire à l’arbitrage et bien plus de quatre ans depuis que la décision de la licencier a été prise.

12 Ce n’est pas la première fois que la fonctionnaire ne donne aucun signe de vie. En juin 2005, elle a déposé un grief alléguant que l’ACIA avait fait preuve de discrimination à son égard en omettant de prendre des mesures d’adaptation en ce qui concerne sa déficience physique. En février 2009, une séance de médiation planifiée à la demande de la fonctionnaire a été annulée parce que l’agent négociateur n’avait pas été en mesure de communiquer avec elle. Il avait alors été prévu que le grief serait entendu par la Commission le 18 août 2009, à Toronto, mais l’audience a été reportée à la demande de l’agent négociateur, car celui-ci n’arrivait pas à communiquer avec la fonctionnaire. L’audience de l’affaire avait ensuite été fixée au 12 avril 2010, mais peu de temps avant l’audience, l’agent négociateur a demandé un autre report en invoquant les mêmes motifs. La Commission a informé les parties que les arguments devraient être présentés au tout début de l’audience prévue, après quoi l’agent négociateur a confirmé sa position selon laquelle la fonctionnaire avait abandonné son grief et il a retiré le grief. Les circonstances dans lesquels le grief a été déposé sont décrites dans Howitt.

13 En l’espèce, l’agent négociateur a affirmé à au moins trois occasions distinctes qu’il avait été incapable de communiquer avec la fonctionnaire et que, par conséquent, il n’avait pas pu recevoir des instructions et assurer sa présence à l’audience. Pour protéger les intérêts de la fonctionnaire, l’agent négociateur a demandé à plusieurs reprises des reports au nom de la fonctionnaire au motif qu’il n’avait pas été en mesure d’établir une quelconque forme de communication avec elle. Malheureusement, il n’a pas été en mesure de m’assurer que l’on pouvait raisonnablement supposer que la situation changerait sous peu ou de me convaincre que la fonctionnaire poursuivrait ce grief à la longue. On peut supposer que ce dossier restera ouvert longtemps si la demande de l’agent négociateur est accueillie.

14 Les renseignements dont je dispose, qui ont tous été recueillis à partir des documents et des pièces conservés par la Commission dans les dossiers de la CRTFP 566-32-4808 et 4809, dressent le portrait d’une fonctionnaire qui n’était pas disposée à assumer la responsabilité de donner suite à son cas avec diligence ou d’aider son représentant à porter l’affaire devant la Commission en participant de manière active au processus d’arbitrage. 

15 Même si l’existence d’un problème de santé sous-jacent est une possibilité, ce qui pourrait éventuellement expliquer le comportement de la fonctionnaire, aucune attestation médicale convaincante ou importante ne m’a été présentée. Par conséquent, je n’ai pas de raison de croire, à moins de me fonder sur des suppositions, qu’un problème de santé limite la capacité ou l’aptitude de la fonctionnaire à prendre part à la procédure de grief. En l’absence d’une telle preuve, je dois privilégier les intérêts de l’employeur en mettant fin à une affaire qui dure depuis presque cinq ans, plutôt que ceux de la fonctionnaire qui n’a toujours pas été entendue.

16 Dans Fletcher, la Commission a estimé qu’un troisième intérêt entrait en jeu, à savoir l’intérêt public général, lors de l’examen des demandes de rejet au motif de l’abandon. La Commission a noté que cet intérêt entrait en jeu dans la mesure où la fonctionnaire semble ne pas avoir fait preuve de coopération à l’égard des efforts qui ont été déployés pour fixer une audience. La Commission a déclaré ce qui suit :

[…]

[36] J’estime qu’il y a un troisième intérêt en jeu en l’espèce, bien qu’il soit peut­-être secondaire. Il s’agit de l’intérêt du public à l’égard d’une administration efficiente de la justice qui évite les délais indus, favorise le règlement final des différends et est respectée par les parties. Cet intérêt constitue une préoccupation en l’espèce, dans la mesure où la fonctionnaire s’estimant lésée ne semble pas avoir contribué aux efforts visant à lui fournir une audience et semble avoir fait abstraction des avis et des directives du président. Jusqu’à un certain point, la décision d’accorder un délai supplémentaire, dans ce contexte, pourrait être interprétée comme une récompense accordée pour un comportement qui mine un processus de règlements des différends efficace.

[…]

17 Pour ces motifs, je conclus que la demande de l’agent négociateur de reporter cette affaire doit être rejetée. En outre, compte tenu du fait que la fonctionnaire n’a pas assisté à cette procédure, qu’elle n’a pas fourni d’explication à quiconque justifiant son absence, qu’elle n’a donné à son représentant aucune instruction au cours des quatre dernières années, qu’elle n’a pas fait preuve de diligence raisonnable dans la poursuite de son grief et qu’on ne peut pas raisonnablement supposer qu’elle le fera dans un avenir relativement proche, je conclus que la fonctionnaire a en effet, à toutes fins et intentions, abandonné le grief qu’elle a déposé le 18 février 2009, lorsqu’elle a signé le formulaire de grief. Je ne peux simplement pas conclure autrement. Par conséquent, une ordonnance rejetant son grief est justifiée et appropriée.

18 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

19 La demande de report d’audience est rejetée.

20 Le grief est rejeté.

Le 10 mai 2013.

Traduction de la CRTFP

Stephan J. Bertrand,
arbitre de grief

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