Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué qu’une entente préexistante avait été établie en vue de maintenir son évaluation du rendement de 2010-2011 à un niveau satisfaisant - or, il s’est vu attribuer une cote inférieure au niveau satisfaisant pour l’exercice 2010-2011, et il a contesté son évaluation - il a allégué que l’objectif de l’employeur était de mettre fin à son emploi pour faciliter une réorganisation ministérielle et que la révision à la baisse de son évaluation du rendement de 2010-2011 avait pour but de le réprimander parce qu’il avait exprimé son insatisfaction auprès de la sous-ministre relativement à son évaluation du rendement de 2009-2010 - l’employeur a soutenu que la question de son rendement ne pouvait pas être soulevée pour la première fois à l’arbitrage - l’employeur a également soutenu que la Commission avait toujours considéré que les évaluations du rendement ne relevaient pas de de sa compétence - il a de plus fait valoir qu’il incombait au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée et que, pour établir que des mesures disciplinaires déguisées ont été prises, il fallait démontrer qu'un acte répréhensible avait donné lieu à une mesure disciplinaire au sens de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - l’employeur a fait valoir qu’il n’y avait aucune preuve de mauvaise foi ou de mesure disciplinaire déguisée dans cette affaire et que, si le fonctionnaire s’estimant lésé avait le sentiment que son travail avait été évalué injustement, le recours approprié aurait été de demander un contrôle judiciaire de cette décision - le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que l’évaluation de son rendement pour l’exercice 2010-2011 avait été faite de mauvaise foi - le fonctionnaire s’estimant lésé a noté que l'employeur avait retenu un document durant la procédure interne de règlement de griefs et que l’arbitre de grief avait donc compétence parce que l’employeur avait agi de manière trompeuse - selon lui, seule une nouvelle audience pouvait remédier à cette injustice - l’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait pas compétence pour instruire ce grief compte tenu du fait qu'il porte sur une évaluation du rendement, mais il s’est penché sur les arguments soulevés pour la première fois devant lui par le fonctionnaire s’estimant lésé - l’arbitre de grief a soulevé que les audiences constituaient de fait une instance de novo et pouvaient servir à remédier des vices de forme dans les procédures de griefs - aucune preuve appuyant les allégations du fonctionnaire s’estimant lésé n’a été produite - afin d’établir qu’il y a eu mauvaise foi, il incombait au fonctionnaire s’estimant lésé de ne pas se fonder seulement sur ses propres impressions. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-05-23
  • Dossier:  566-02-6587
  • Référence:  2013 CRTFP 57

Devant un arbitre de grief


ENTRE

RICHARD TUDOR PRICE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire)

défendeur

Répertorié
Tudor Price c. Administrateur général (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour le défendeur:
Allison Sephton, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 22 et 23 janvier 2013.
Arguments écrits déposés le 16 février, le 20 mars et le 3 avril 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Jusqu’au 30 juin 2011, Richard Tudor Price, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») était employé dans un poste de groupe et niveau EX-01 par Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC ou l’« employeur »). Cette affaire porte sur un grief qu’il a déposé par la suite à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») le 5 août 2011 et dans lequel il a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Par la présente, je confirme de manière officielle que je présente un grief pour contester le résultat de l’examen du rendement qui m’a été attribué pour l’exercice 2010-2011 tel qu’il est énoncé dans LOB 163642.

Selon cette lettre, on m’a attribué la mention « A réussi- » pour le rendement cette année-là. Ce résultat entraîne une réduction de ma rémunération à risque pour 2010-2011 liée à la mention « A réussi ».

La mention « A réussi– » entre en contradiction avec une entente conclue entre la SMA des ressources humaines et moi-même le 18 novembre 2010 ou aux alentours de cette date. Aux termes de cette entente, je devais spécifier que ma retraite de la fonction publique aurait lieu au plus tard le 30 juin 2011 et Mme MacQuarrie devait prendre les mesures nécessaires pour changer la mention de 2009-2010 à « A réussi » et s’assurer que la mention accordée pour 2010-2011 ne serait pas en deçà de « A réussi ».

2 Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 13 février 2012 en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), qui traite précisément des mesures disciplinaires entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire.

3 Compte tenu du fait que le grief ne semblait pas à première vue être visé par l’alinéa 209(1)b) de la Loi, le greffe de la Commission a demandé que le fonctionnaire apporte des éclaircissements. Après quoi, ce dernier a demandé que son grief soit également renvoyé en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i), qui traite de la rétrogradation ou du licenciement d’un employé pour rendement insatisfaisant ou pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite.

4 Dans sa réponse, l’employeur a allégué que le fonctionnaire n’avait pas fait l’objet d’aucune de ces mesures prévues par ces dispositions légales, rendant ainsi le grief inarbitrable. Il a soutenu que par conséquent, la Commission n’avait pas compétence pour entendre l’affaire.

5 Une audience consacrée uniquement à l’objection à la compétence de l’employeur a été fixée, menant ainsi à cette décision.

II. Résumé de la preuve

6 À l’audience, j’ai entendu les témoignages de cinq témoins, à savoir, le fonctionnaire, Susie Miller, qui était à l’époque pertinente directrice générale de la Direction générale des services à l’industrie et aux marchés d’AAC, Heather Smith, qui était directrice générale de la Direction générale des politiques stratégiques d’AAC, Catherine MacQuarrie, qui était sous-ministre adjointe de la Direction générale des ressources humaines d’AAC, et Lucia Kuhl, la coordinatrice ministérielle en matière de harcèlement du service des relations de travail d’AAC.

7 Lorsque le fonctionnaire a témoigné, il a proposé de présenter en preuve un résumé écrit détaillé de sa version des faits. J’ai décidé que le document ne devait pas être produit en tant que preuve, mais je lui ai permis d’y faire référence à titre d’aide-mémoire durant son témoignage.

8 Le fonctionnaire a été engagé par l’employeur en 1982 et a été nommé à un poste de niveau EX-01 en 1986. Il est resté à ce groupe et niveau pendant les 25 années qui ont suivi, jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite le 30 juin 2011.

9 Le fonctionnaire a déclaré que, lorsqu’il était employé par AAC, sa rémunération consistait en un salaire de base et une prime de rendement déterminée par le Comité de gestion du ministère, qui menait un examen du rendement annuel et une opération de gestion des talents pour les cadres supérieurs. Par conséquent, les cadres supérieurs ont été évalués sur l’atteinte des résultats attendus et sur leurs principales compétences en leadership, et pouvaient recevoir une prime de rendement d’un pourcentage variable, en fonction du résultat de rendement qui leur est attribué. Les descripteurs de rendement étaient les suivants : 1) « N’a pas atteint »; 2) « A réussi–» (moins); 3) « A réussi »; 4) « A réussi+ » (plus); 5) « A surpassé ». Les notes déterminaient le montant de la prime de rendement, à l’exception de la mention « N’a pas atteint », qui ne justifiait aucune prime.

10 À la mi-juillet 2010, le fonctionnaire a été informé qu’on lui avait attribué la mention « A réussi- (moins) » à l’examen de rendement 2009-2010. Déçu, il a consulté sa directrice générale, Mme Smith, qui l’a informé qu’elle avait attribué la mention « A réussi » à son rendement, mais que sa recommandation n’avait pas été approuvée par le sous-ministre adjoint de la Direction générale des politiques stratégiques, Greg Meredith, ou par le Comité de gestion du ministère. Mme Smith a également déclaré qu’elle n’avait pas été informée des raisons pour lesquelles le Comité avait revu la note du fonctionnaire à la baisse et qu’elle n’entretenait pas une bonne relation de travail avec M. Meredith. Le fonctionnaire a alors consulté M. Meredith, mais n’a pas reçu d’explication quant à la révision à la baisse de sa note. Cela a amené le fonctionnaire à déposer une plainte, par écrit, à la sous-ministre au sujet de la révision à la baisse de son résultat de rendement et le manque de rétroaction reçu de la part de M. Meredith.

11 Le fonctionnaire a affirmé qu’il s’était entretenu avec M. Meredith une deuxième fois après avoir écrit à la sous-ministre, à l’occasion d’une rencontre qu’il a décrite comme tendue, et a fini par conclure que ses chances d’obtenir la mention « A réussi » pour la période d’examen du rendement 2010-2011 étaient faibles et qu’être muté à une autre direction générale pourrait améliorer ses chances. À l’automne 2010, avec le soutien de Mme Smith, le fonctionnaire a été temporairement muté à un poste auprès de la Direction générale des services à l’industrie et aux marchés, sous la direction de Mme Miller. Par conséquent, durant la période d’examen de 2010-2011, le fonctionnaire occupait le poste de direction EX-01 auprès de la Direction générale des politiques stratégiques, relevant de Mme Smith, du 1er avril 2010 au 10 octobre 2010, et auprès de la Direction générale des services à l’industrie et aux marchés, relevant de Mme Miller, du 11 octobre 2010 au 31 mars 2011.

12 En octobre 2010, le fonctionnaire a décidé de contester officiellement son résultat de rendement de 2009-2010. Toutefois, plutôt que de déposer un grief de manière officielle, il a choisi de rencontrer la sous-ministre adjointe des ressources humaines, Mme MacQuarrie, dans l’espoir de résoudre ce problème. Selon le fonctionnaire, durant la réunion, qui a eu lieu le 16 novembre 2010, Mme MacQuarrie a offert de revoir à la hausse son évaluation du rendement de 2009-2010 pour qu’il obtienne la mention « A réussi » et de garantir une mention « A réussi » pour l’examen de rendement de 2010-2011, en échange d’une lettre du fonctionnaire confirmant sa retraite de la fonction publique au plus tard le 30 juin 2011. L’offre de Mme MacQuarrie était subordonnée à l’approbation de la sous-ministre, approbation qui a été obtenue et confirmée peu après la réunion, selon le fonctionnaire. Lorsqu’elle a témoigné, Mme Miller a indiqué que le fonctionnaire lui avait dit que cette garantie lui avait été octroyée, mais qu’il n’avait pas poussé l’affaire plus loin.

13 Dans son témoignage, Mme MacQuarrie a donné une version différente des faits. Selon ses dires, aucune offre garantissant la mention « A réussi » à l’examen de rendement de 2010-2011 n’a jamais été faite au fonctionnaire; et aucune offre n’a non plus été approuvée par la sous-ministre. Mme MacQuarrie a indiqué que son examen des documents versés au dossier et sa discussion avec le fonctionnaire lui avait permis d’établir que le fonctionnaire était satisfait de sa mutation actuelle auprès de la Direction générale des services à l’industrie et aux marchés, qu’il prévoyait prendre sa retraite, que l’évaluation de rendement de 2009-2010 n’avait pas été documentée aussi bien qu’elle aurait dû l’être, ce qui avait potentiellement nui à la capacité du Comité de gestion du ministère d’attribuer un résultat d’évaluation du rendement approprié au fonctionnaire, et que lui permettre de mettre fin à sa carrière en bons termes semblait certainement plus souhaitable que de s’engager dans un processus de grief.

14 Le témoignage de Mme MacQuarrie était qu’elle avait accepté de recommander à la sous-ministre que l’évaluation de rendement du fonctionnaire pour 2009-2010 soit revue à la hausse et que la mention « A réussi » lui soit accordée et qu’il soit officiellement muté au poste de conseiller principal de groupe et niveau EX-01 auprès de la Direction générale des services à l’industrie et aux marchés, conformément à une entente de mutation spéciale de préretraite, jusqu’à sa retraite le 30 juin 2011. Selon Mme MacQuarrie, ces deux recommandations étaient approuvées par la sous-ministre et mises en œuvre peu après, et aucune autre offre n’a été faite ou approuvée par la sous-ministre. Mme MacQuarrie a ajouté que le seul commentaire qu’elle a formulé à propos de l’examen de rendement du fonctionnaire de 2010-2011 était que, compte tenu de l’absence manifeste de documents à l’appui de l’examen de 2009-2010, elle lui a fortement recommandé d’obtenir des confirmations écrites de ses objectifs et de ses réalisations auprès de Mme Smith ainsi que de Mme Miller, de manière à fournir au Comité de gestion du ministère autant d’information que possible pour l’exercice 2010-2011 suivant. Mme MacQuarrie a ajouté qu’elle n’aurait jamais recommandé une garantie ou une immunité de l’évaluation du rendement du fonctionnaire au milieu de la période de rendement, car cela n’aurait fait que nuire au processus de rendement dans son ensemble.

15 Le fonctionnaire n’a produit aucune preuve corroborant sa version de l’entente qu’il avait conclue avec Mme MacQuarrie ni aucun document la soutenant. Aucun autre témoin n’était présent durant son échange avec elle, et aucun document écrit ne semble rendre compte de sa version présumée des termes de l’entente, tel qu’un protocole d’entente ou un protocole d’accord. Le fonctionnaire n’a pas été en mesure non plus de fournir la moindre preuve documentaire, telle qu’une lettre ou un courriel, confirmant la garantie ou l’immunité alléguée en ce qui concerne l’examen du rendement 2010-2011. J’ai constaté que les notes écrites que le fonctionnaire a produites durant sa réunion avec Mme MacQuarrie, qui ont été déposées comme pièces justificatives, ne font pas mention de la garantie présumée du résultat de l’évaluation de rendement de 2010-2011.

16 Le fonctionnaire a confirmé que, peu de temps après sa réunion avec Mme MacQuarrie, il a reçu une lettre confirmant qu’on lui avait attribué la mention « A réussi » pour 2009-2010, ce qui a également confirmé son droit à recevoir la différence de traitement correspondante, et qu’il avait conclu une « entente de mutation spéciale de préretraite », qui stipule ce qui suit :

[Traduction]

ATTENDU QUE l’employé est actuellement au groupe et niveau EX-01;

ATTENDU QUE l’employé a informé AAC qu’il prévoit prendre sa retraite et démissionner de son poste actuel à AAC au plus tard le 30 juin 2011;

ATTENDU QUE l’employé a pris cette décision de son plein gré et après consultation avec les conseillers de son choix;

ATTENDU QUE AAC a offert à l’employé une « mutation spéciale de préretraite » en vertu de l’annexe E de la Directive sur la rémunération des cadres supérieurs, Mutation spéciale pour les cadres supérieurs.

ATTENDU QUE l’offre d’AAC est de muter l’employé au poste de conseiller principal (poste 13051), au groupe et niveau EX-01, auprès de la Direction générale des services à l’industrie et aux marchés, à Ottawa, en Ontario, pour une période déterminée, après laquelle la démission du poste auprès de l’AAC par l’employé prendra effet;

PAR CONSÉQUENT, les parties conviennent de ce qui suit :

Cette mutation spéciale de préretraite commencera le 11 octobre 2010, et se terminera le 30 juin 2011;

Durant cette période, l’employé conservera son groupe et niveau d’attache EX-01, et recevra également tous les avantages applicables au groupe EX, ainsi que toute augmentation de salaire ou prime de rendement qui pourrait être approuvée conformément au Régime d’administration des traitements du Groupe de la direction et le Programme de gestion du rendement pour les cadres supérieurs. Le statut d’employé nommé pour une durée indéterminée de l’employé et les conditions d’emploi restent inchangées.

L’employé relèvera directement de Susie Miller, Directrice générale, Bureau de la chaîne de valeur des aliments, Direction générale des services à l’industrie et aux marchés. Les fonctions de l’employé seront les suivantes :

Élaborer un plan d’action pour recruter de nouveaux employés ainsi que pour mettre au point, conserver et fournir des connaissances sur le secteur. Le Bureau de la chaîne de valeur des aliments (BCVA) est chargé d’éclairer l’élaboration des politiques, le développement et la mise en œuvre des programmes et de prodiguer des conseils à la haute direction et au ministre sur les questions relatives aux connaissances sur le secteur. En outre, ces connaissances sont utilisées dans la prestation directe de services à l’industrie et aux partenaires du portefeuille, aux autres ministères du gouvernement et à d’autres niveaux du gouvernement. À mesure que les membres du personnel partent à la retraite et occupent d’autres postes, ils emportent leurs connaissances sur le secteur, ce qui rend la direction et le ministère vulnérables.

L’employé s’appuiera sur son expérience de travail relative aux connaissances sur le secteur et passera des entrevues et discutera avec le personnel du BCVA. L’employé travaillera également avec les directeurs généraux et les directeurs dans d’autres directions générales pour déterminer les connaissances sur le secteur que le BCVA doit leur fournir, ainsi que ce dont ils ont besoin à l’interne.

Le résultat consistera en un plan d’action préliminaire devant faire l’objet d’un examen par Susie Miller, ainsi que de discussions lors des réunions avec la SM et d’autres cadres supérieurs.

Si le poste de l’employé est soumis à un réaménagement des effectifs durant la mutation spéciale de préretraite ou préalablement à sa retraite, l’employé bénéficiera du même traitement et des mêmes droits que tous les autres cadres supérieurs d’AAC, conformément à la Politique de transition dans la carrière pour les cadres de direction (TCCD) ou toute autre politique en vigueur à ce moment.

Cette mutation spéciale de préretraite pourrait être modifiée en réponse aux exigences opérationnelles, sous réserve de l’accord des parties concernées.

L’employé entend bien et convient que cette nomination ne peut être prolongée au-delà du 30 juin 2011.

Afin de confirmer la compréhension et l’approbation des modalités susmentionnées de cette entente, toutes les parties ont apposé leur signature ci-dessous.

Je confirme par les présentes que je conclus cette entente librement et de plein gré; que j’ai lu l’annexe E de la Directive sur la rémunération des cadres supérieurs, Mutation spéciale pour les cadres supérieurs; et que ceci constitue ma démission irrévocable du poste de conseiller principal, effectif au plus tard à la date de la mutation spéciale de préretraite, soit le 30 juin 2011.

Je reconnais par les présentes les modalités de cette entente.

17 Durant son témoignage, Mme MacQuarrie a également indiqué qu’elle avait parlé de revoir à la hausse l’évaluation du rendement du fonctionnaire pour la période 2009-2010 avec M. Meredith et qu’à aucun moment il ne s’était opposé à sa recommandation au motif qu’il estimait nécessaire de retenir une certaine forme de mesure disciplinaire ou de sanction.

18 Le fonctionnaire a également confirmé qu’il a suivi le conseil de Mme MacQuarrie et a demandé à Mme Smith ainsi qu’à Mme Miller une confirmation écrite de ses objectifs et de ses réalisations en prévision de l’exercice d’examen 2010-2011. Cela a été corroboré par Mme Smith ainsi que Mme Miller, qui ont également confirmé qu’elles ont toutes les deux évalué le rendement du fonctionnaire et lui ont attribué la mention « A réussi » pour cette période. Les deux ont également confirmé qu’elles n’avaient jamais vu le moindre document faisant référence à la garantie alléguée relative à l’évaluation pour 2010-2011 ou cherché ou reçu aucune validation d’une telle garantie par un membre du personnel d’AAC.

19 Le fonctionnaire a pris sa retraite le 30 juin 2011, comme convenu. Le 3 août 2011, il a reçu une lettre de la sous-ministre l’informant que le Comité de gestion du ministère avait réalisé l’évaluation de rendement de 2010-2011 pour tous les cadres supérieurs et qu’on lui avait attribué la mention « A réussi (moins) », ce qui se traduisait par une prime de rendement de 6 %, représentant un montant forfaitaire de 7 140 $. Selon le fonctionnaire, cela contrevenait à l’entente qu’il avait conclue avec la sous-ministre, par le biais de Mme MacQuarrie, à l’automne 2010, qui lui aurait garanti l’obtention de la mention « A réussi » et une prime de rendement de 10 %, représentant un montant forfaitaire de 11 900 $. Mme MacQuarrie a nié toute violation de leur entente et a ajouté que les évaluations de rendement de tous les cadres étaient examinées et approuvées par le Comité de gestion du ministère et qu’il n’était pas rare que le Comité attribue une mention qui diffère de la recommandation de la directrice générale, entraînant une révision à la baisse ou à la hausse. Mme Miller a corroboré ce point dans son témoignage. Elle a confirmé qu’elle émettait des recommandations pour six à huit cadres supérieurs chaque année et que le Comité ne les soutenait pas systématiquement. En effet, durant l’exercice d’examen de 2010-2011, deux des huit recommandations qu’elle a émises ont été revues à la baisse, y compris celle concernant le fonctionnaire, et une d’entre elles a été revue à la hausse.

20 Deux jours après avoir été informé de son résultat de rendement pour 2010-2011, le fonctionnaire a présenté ce grief. Même s’il n’a pas mentionné le recours à des mesures disciplinaires dans sa formule de grief ou durant la procédure de règlement des griefs, il a indiqué dans son témoignage que la révision à la baisse de son résultat de rendement équivalait à des mesures disciplinaires déguisées. Selon ses calculs, la violation présumée de l’entente représentait une perte immédiate de 4 760 $, ainsi qu’une réduction conséquente de sa retraite d’environ 56 $ par mois pour le reste de sa vie, ce qu’il a estimé à 10 240 $, en se fondant sur une espérance de vie normale de 79 ans.

21 À la fin du mois de septembre, le fonctionnaire a rencontré le sous-ministre adjoint de la Direction générale des services à l’industrie et aux marchés, Steve Tierney, pour s’enquérir des raisons pour lesquelles le Comité de gestion du ministère lui avait attribué la mention « A réussi (moins) ». M. Tierney aurait cité deux exemples d’insuffisances qui ont été portées à l’attention du Comité, que le fonctionnaire affirme avoir été ensuite en mesure de réfuter avec succès. Toutefois, un document présenté par le fonctionnaire à l’audience, qui a été versé comme pièce G-19, a clairement mis en évidence au moins huit insuffisances dans son rendement et indiquait que le travail qui lui avait été confié durant la période en question était d’une moindre envergure et d’une moindre ampleur en comparaison de celui d’autres cadres supérieurs du même niveau, à cause de son état de transition vers la retraite.

22 Lorsqu’on lui a demandé qui était prétendument responsable de la mesure disciplinaire imposée à son égard, le fonctionnaire a répondu que tant M. Meredith que Rita Moritz, sous-ministre adjointe, Direction générale des programmes financiers pour l’Agriculture, partageaient cette responsabilité. Mme Moritz avait formulé quelques commentaires sur le rendement du fonctionnaire à l’intention du Comité de gestion du ministère, puisque sa direction générale avait reçu des dossiers qui avaient été transférés de la Direction générale des politiques stratégiques dont le fonctionnaire était chargé. Aucun des deux n’a été appelé à témoigner par le fonctionnaire.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

23 L’employeur a soutenu que le grief devait être rejeté pour défaut de compétence, car il ne soulève pas des questions arbitrables. Selon l’employeur, le fonctionnaire ne devait pas être autorisé à soulever la question des mesures disciplinaires déguisées, car il ne l’a pas soulevée dans son grief et durant la procédure de règlement des griefs. L’employeur m’a renvoyé à Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.) et à Shneidman c. Procureur général du Canada, 2007 FCA 192. L’employeur a ajouté que, même s’il était permis au fonctionnaire de soulever la question des mesures disciplinaires déguisées, le fait qu’il n’ait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que des mesures disciplinaires ou des mesures disciplinaires déguisées ont été prises justifie le rejet de ce grief, qui porte plutôt sur le rendement au travail, une question qui ne peut pas être renvoyée à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la Loi.

24 L’employeur a soutenu que le fonctionnaire devait expressément soulever la question des mesures disciplinaires déguisées durant la procédure de règlement des griefs pour que le grief puisse être renvoyé de manière appropriée à l’arbitrage et que l’argument avancé par le fonctionnaire selon lequel il avait le sentiment que son évaluation de rendement a abouti à une sanction pécuniaire ne suffisait pas pour changer l’objet de son grief au recours à des mesures disciplinaires déguisées. Selon l’employeur, le fonctionnaire aurait dû avancer son allégation de l’utilisation de mesures disciplinaires déguisées durant la procédure de règlement des griefs. Comme cela n’a pas été le cas, la question ne pouvait pas être soulevée pour la première fois à l’arbitrage. L’employeur m’a renvoyé à Hanna c. Administrateur général (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2009 CRTFP 94, Zakaib c. Administrateur général (Agence canadienne de développement international), 2009 CRTFP 90, Veilleux c. le Conseil du Trésor (Commission de la Fonction publique), [1982] C.R.T.F.P.C no 126 et Garcia Marin c. Canada (Conseil du Trésor), 2007 CF 1250.

25 L’employeur a également soutenu que la Commission a toujours considéré que les évaluations de rendement ne relèvent pas de son domaine de compétence, que le recours à des mesures disciplinaires déguisées doit être prouvé par un fonctionnaire s’estimant lésé selon la prépondérance des probabilités, que, pour établir que des mesures disciplinaires déguisées ont été prises, il doit être prouvé qu’un acte répréhensible a donné lieu à une mesure disciplinaire, et que, même si des conséquences financières pourraient être associées à une évaluation du rendement, ces conséquences ne constituent pas une sanction disciplinaire aboutissant à une sanction pécuniaire au sens de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. L’employeur m’a renvoyé à Hanna, Zakaib, Bratrud c. Bureau du surintendant des institutions financières du Canada, 2004 CRTFP 10 et Spacek c. Agence du revenu du Canada, 2007 CRTFP 115.

26 L’employeur a soutenu que les éléments de preuve dans ce cas n’établissaient pas qu’une quelconque mesure disciplinaire ou intention de prendre des mesures disciplinaires était prise en compte dans l’évaluation du rendement du fonctionnaire.

27 L’employeur a également déclaré qu’il n’y avait aucune preuve de mauvaise foi ou de mesure disciplinaire déguisée dans ce cas. Quoi qu’il en soit, selon l’employeur, la mauvaise foi seule ne peut pas faire l’objet d’un grief devant la Commission, puisqu’il faut avant tout rapporter la preuve qu’il y a eu des mesures disciplinaires déguisées, ce qui, selon l’employeur, n’est clairement pas le cas en l’espèce.

28 L’employeur a soutenu que la Commission n’a pas compétence pour évaluer la mesure dans laquelle l’évaluation du rendement du fonctionnaire était juste ou exacte et que si le fonctionnaire avait le sentiment que son travail avait été évalué injustement, le recours approprié aurait été de demander un contrôle judiciaire de cette décision, ce qui n’a pas été fait dans ce cas. L’employeur m’a renvoyé à Canada (Procureur général) c. Assh, 2005 CF 734.

29 En ce qui concerne l’entente conclue par le fonctionnaire en novembre 2010, l’employeur a avancé que les éléments de preuve n’établissaient pas que le fonctionnaire et Mme MacQuarrie ou la sous-ministre étaient parvenus à un accord garantissant au fonctionnaire la mention « A réussi » dans le cadre de son évaluation de rendement de 2010-2011. Selon l’employeur, cela signifiait qu’il n’aurait pas pu y avoir de mauvaise foi dans la mise en œuvre de l’entente, étant donné qu’aucune entente n’a jamais été conclue.

30 De plus, l’employeur a soutenu que l’entente de préretraite, que le fonctionnaire a conclue librement et après avoir consulté des conseillers de son choix, stipulait clairement qu’il allait faire l’objet du processus habituel d’évaluation du rendement et ne faisait aucunement mention d’un résultat convenu pour l’examen du rendement de 2010-2011. Le fonctionnaire a signé l’entente le 2 décembre 2010, après s’être entretenu avec Mme MacQuarrie les 16 et 18 novembre 2010.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

31 Le fonctionnaire a affirmé que j’avais compétence pour traiter de son grief et a invoqué quatre motifs. Premièrement, il a fait référence aux irrégularités procédurales à l’interne dans le traitement de son grief. Il a soutenu que l’employeur avait permis qu’il soit porté atteinte à l’intégrité de la procédure de règlement des griefs de l’employeur de manière injuste et trompeuse, entachant d’invalidité l’audience au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Selon le fonctionnaire, seule une nouvelle audience en bonne et due forme pourrait remédier à cette injustice et combler le « vide ».

32 Essentiellement, le fonctionnaire a allégué que l’employeur retenait un document intitulé [traduction] « Rendement du fonctionnaire s’estimant lésé – explication » (pièce G-19) durant la procédure interne de règlement des griefs et qu’on ne lui en avait pas fait parvenir de copie avant le dernier palier de la procédure de règlement des griefs, ce qui l’avait empêché, durant cette procédure, de répondre aux allégations faites dans le document. Mme Kuhl a rédigé le document en préparation à la réponse de l’employeur au dernier palier.

33 Deuxièmement, le fonctionnaire a affirmé que la manière dont l’employeur a géré l’examen de son rendement pour la période 2010-2011 équivalait à un acte de mauvaise foi. Il a ajouté que, à travers une série d’actions qui n’avaient pas été menées de bonne foi et qui frisaient la malfaisance, les cadres supérieurs d’AAC ont détruit la confiance qui régnait entre lui et la haute direction.

34 Essentiellement, le fonctionnaire a allégué que le véritable objectif de l’employeur en 2010 était de mettre fin à son emploi, peut-être pour faciliter la réorganisation ministérielle. Il a ajouté que la révision à la baisse de son résultat d’évaluation de rendement de 2010-2011 était censée servir de punition à la suite de la plainte qu’il avait adressée à la sous-ministre concernant son résultat d’évaluation de rendement de 2009-2010, tout cela constituant de la mauvaise foi. Selon le fonctionnaire, le fait que des membres de la haute direction de l’employeur aient fait preuve de mauvaise foi durant l’exercice d’examen du rendement était suffisant pour inclure le grief dans le champ d’application de l’article 209 de la Loi. Afin d’étayer cet argument, le fonctionnaire a fait référence à un certain nombre de faits qui n’ont pas été présentés en preuve.

35 Troisièmement, le fonctionnaire a soutenu qu’après avoir reçu son grief, l’employeur a tenté de justifier le fait qu’il n’a pas mis en œuvre la garantie convenue en invoquant deux insuffisances qui, selon lui, avaient été réfutées de manière convaincante et sur-le-champ. Selon le fonctionnaire, il s’agissait ici d’une mesure disciplinaire déguisée aboutissant à une sanction pécuniaire, compte tenu du fait que les insuffisances se rapportaient à une conduite répréhensible et corrigible et ont été invoquées pour le sanctionner financièrement. En particulier, le fonctionnaire a fait référence aux insuffisances décrites dans la pièce G-19, qui mentionnaient précisément l’incapacité du fonctionnaire à répondre à un certain nombre d’attentes fondamentales pour un employé de niveau EX-01.

36 Quatrièmement, le fonctionnaire a affirmé que la décision de l’employeur de revoir à la baisse son résultat d’évaluation de rendement de 2010-2011 en lui attribuant la mention « A réussi-» (moins) a violé l’entente de novembre 2010, rendant ainsi sa démission de la fonction publique, qui était subordonnée à la pleine mise en œuvre de l’entente, invalide ou involontaire. Selon lui, cela a transformé sa démission en licenciement « pour toute [autre] raison » relevant du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi, qui est arbitrable.

37 Le fonctionnaire m’a renvoyé à un certain nombre de décisions, notamment : Cardinal c. Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, Knight c. Indian head school division no. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, Akinmayowa c. Canada (Citoyenneté et Immigration ), 2011 CF 171, Schmidt c. Canada (Procureur général), 2011 CF 356, Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 88, Canada (Procureur général) c. Horn, [1994] 1 C.F. 453 (1ère instance), Procureur général du Canada c. Grover, 2007 CF 28, Dubord & Rainville Inc. c. Métallurgistes unis d’Amérique, local 7625, 1996 CanLII 1508 (QC SAT), et Cranston v. Canadian Broadcasting Corp., 1994 CanLII 7408 (ON SC).

IV. Motifs

38 Pour les motifs ci-après, j’ai estimé que je n’ai pas compétence pour instruire ce grief, compte tenu du fait qu’il porte sur une évaluation de rendement et accessoirement sur une violation alléguée d’une entente verbale entre les parties, qui sont toutes deux des questions qui ne sont pas arbitrables.

39 Les questions susceptibles d’être renvoyées à l’arbitrage devant la Commission sont spécifiquement énoncées à l’article 209 de la Loi, qui se lit comme suit :

Renvoi d’un grief à l’arbitrage

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

40 Dans sa formule de grief, le fonctionnaire a commencé par indiquer qu’il renvoyait son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. Plus tard, il a informé le greffe de la Commission qu’il souhaitait également renvoyer son grief en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i). Malheureusement, les faits qui m’ont été présentés durant l’audience ne justifiaient pas un renvoi en vertu de ces dispositions. Autrement dit, il n’y avait pas de mesure disciplinaire, de rétrogradation, de licenciement pour rendement insatisfaisant et pas de licenciement pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite.

41 Cette affaire porte sur l’évaluation du rendement ou la rémunération au rendement et n’est pas arbitrable en vertu de la Loi.

42 Toutefois, pour être juste envers le fonctionnaire, je vais me pencher sur chacun des quatre arguments qu’il a soumis pour appuyer sa position selon laquelle j’ai compétence pour traiter son grief.

A. Équité procédurale

43 L’argument du fonctionnaire concernant le manquement présumé à l’équité procédurale dans le cadre de la procédure de règlement des griefs interne a été présenté pour la première fois à l’audience. Je suis d’accord avec la position de l’employeur selon laquelle, en vertu de la règle établie dans Burchill, un fonctionnaire ne devrait pas être autorisé à présenter un nouveau motif aussi tard dans la procédure. Toutefois, compte tenu du point de vue du fonctionnaire selon lequel il n’a été informé des faits à l’appui de ce nouveau motif qu’une fois la procédure interne de règlement des griefs terminée, je ne suis pas convaincu que Burchill pourrait nécessairement s’appliquer dans ces circonstances. Quoi qu’il en soit, la Commission a toujours considéré que ses audiences sont de novo et sont censées remédier aux irrégularités procédurales qui ont eu lieu durant la procédure de règlement des griefs. Cela a été confirmé par la Cour fédérale dans Schmidt c. Canada (Procureur général), 2011 CF 356, une décision sur laquelle s’est fondé le fonctionnaire et qu’il a soumise dans son cahier de jurisprudence.

44 Durant l’audience, le fonctionnaire n’a pas fourni de preuve convaincante pour établir un manquement à l’équité dans la procédure de règlement des griefs. Toutefois, on lui a donné l’occasion de le faire, et il a effectivement présenté des éléments de preuve qui avaient évidemment pour objectif de réfuter les insuffisances énumérées dans la pièce G-19 et de soutenir son allégation de mauvaise foi. Essentiellement, cette possibilité a remédié à tous les vices de procédure, à supposer, bien entendu, que j’ai compétence pour entendre ce grief.

45 Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec la position du fonctionnaire selon laquelle je devrais rejeter l’objection de l’employeur et instruire le grief sur le fond pour combler le vide. On a fourni au fonctionnaire une tribune pour combler ce présumé vide durant son témoignage et celui de ses témoins et pour me convaincre que j’ai compétence pour entendre son grief. Il n’y est tout simplement pas arrivé.

B. Acte de mauvaise foi

46 Le fonctionnaire a affirmé que la manière dont l’employeur a géré l’examen de son rendement pour la période 2010-2011 équivalait à un acte de mauvaise foi. Selon les éléments de preuve, il était entendu pour Mme Smith et Mme Miller que leurs recommandations concernant l’évaluation du rendement du fonctionnaire de 2010-2011 n’étaient pas définitives et que le Comité de gestion du ministère pourrait aboutir à un résultat de rendement différent et attribuer une note différente au fonctionnaire. Il a été confirmé à travers les témoignages de Mme MacQuarrie et de Mme Miller qu’il n’était pas rare que le Comité change les résultats recommandés initialement par les directeurs généraux. Mme MacQuarrie a également indiqué dans son témoignage que d’autres considérations entrent en jeu pour déterminer les évaluations de rendement des cadres supérieurs. En particulier, elle a confirmé que le Comité prenait en considération la portée de leur travail et la mesure dans laquelle ils avaient des responsabilités de supervision, et qu’il menait un examen relatif du rendement de chaque cadre supérieur comparativement à tous les autres cadres supérieurs. Mme Miller a également confirmé que le fonctionnaire n’était pas le seul cadre supérieur de sa direction générale dont le résultat avait été revu à la baisse par le Comité durant l’exercice d’examen de rendement de 2010-2011.

47 Le fonctionnaire n’a pas présenté de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle l’employeur souhaitait le licencier pour faciliter la réorganisation du ministère ou selon laquelle la révision à la baisse de son résultat de rendement de 2010-2011 était motivée par le désir de le punir pour avoir exprimé son insatisfaction quant à son résultat de rendement de 2009-2010 à la sous-ministre. Afin d’établir que l’employeur avait agi de mauvaise foi, il incombait au fonctionnaire de se fonder sur d’autres éléments que ses propres perceptions. En clair, cela veut dire que le fonctionnaire n’a pas réussi à démontrer que les cadres supérieurs de l’employeur avaient fait preuve de mauvaise foi durant l’exercice d’examen de rendement de 2010-2011. Aucune preuve ne suggérait que M. Meredith a agi délibérément d’une manière visant à empêcher le fonctionnaire de recevoir une certaine note de rendement pour un motif autre que son rendement. En fait, les éléments de preuve ont révélé qu’une autre sous-ministre adjointe, Mme Moritz, avait exprimé ses inquiétudes concernant le rendement du fonctionnaire durant l’exercice d’examen du rendement de 2010-2011. Ses inquiétudes n’ont même pas été évoquées par le fonctionnaire dans les éléments de preuve. En outre, aucun élément n’a été présenté en preuve pour montrer comment le Comité est parvenu à sa décision définitive, quels éléments ont été en considération et si des facteurs inappropriés ont été pris en compte durant l’exercice d’examen de son rendement.

48 J’en conclus que l’argument de mauvaise foi du fonctionnaire est fondé sur une série d’hypothèses qu’il a émises, dont aucune n’a été démontrée à l’aide de preuves convaincantes, et qu’il lui manquait la crédibilité nécessaire pour inclure le grief dans le champ d’application de l’article 209 de la Loi.

C. Mesure disciplinaire déguisée

49 Le fonctionnaire a fait référence aux insuffisances décrites dans la pièce G-19, qui ont précisément soulevé son défaut présumé de répondre à un certain nombre d’attentes fondamentales pour les cadres supérieurs et a allégué que l’effet résultant, à savoir, l’attribution d’un résultat « A réussi- (moins) », équivalait à une mesure disciplinaire déguisée aboutissant à une sanction pécuniaire. Son allégation reposait sur le fait que les insuffisances en question se rapportaient à une conduite répréhensible et corrigible et que l’employeur les avait invoquées pour le sanctionner financièrement. Malheureusement, il n’a présenté aucune preuve convaincante pour justifier son allégation.

50 Le fonctionnaire a admis dans son témoignage qu’il n’a jamais mentionné l’idée de mesure disciplinaire déguisée dans sa formule de grief ou durant la procédure interne de règlement des griefs. Je souscris à l’argument de l’employeur selon lequel il ne devrait pas être permis au fonctionnaire de soulever la question de la mesure disciplinaire déguisée pour la première fois à l’arbitrage, selon le principe bien établi de Burchill. Toutefois, compte tenu de mes commentaires susmentionnés au paragraphe 43, je ne suis pas disposé à statuer sur son argument uniquement sur cette base.

51 Les éléments de preuve dans ce cas ont révélé que ce que le fonctionnaire considère comme étant une mesure disciplinaire ne l’est tout simplement pas. Sa qualification d’actes répréhensibles ou corrigibles est simplement inopérante. Les insuffisances ou les lacunes auxquelles il est fait référence dans la pièce G-19 ne sont rien de plus que des problèmes de rendement ordinaires qui ne sont pas répréhensibles. Autrement dit, il ne s’agit pas d’actes qui donnent lieu habituellement à des mesures disciplinaires imposées par les employeurs. Ni Mme Miller ni Mme Smith n’ont laissé entendre qu’elles avaient la moindre raison de croire qu’un membre de la haute direction à AAC avait l’intention de prendre des mesures disciplinaires ou des sanctions à l’égard du fonctionnaire en recommandant la mention « A réussi- (moins) » durant l’examen de rendement 2010-2011; elles n’ont pas non plus dit que le Comité de gestion du ministère a agi de manière inappropriée en attribuant un tel résultat au fonctionnaire. Comme indiqué dans Bratrud, la Commission a toujours maintenu que même s’il peut y avoir des conséquences financières associées à une évaluation de rendement, ces conséquences ne constituent pas une sanction pécuniaire en vertu de la Loi.

52 Ce qui s’est dégagé de ce cas n’était pas que le travail des membres de la haute direction était motivé par de la mauvaise foi ou un désir de punir ou d’imposer des mesures disciplinaires à l’employé pour un motif autre que son rendement. Il s’agissait plutôt de l’effort collectif du Comité qui était spécifiquement chargé d’examiner et d’approuver les évaluations de rendement d’un groupe de cadres supérieurs avant d’attribuer des notes de rendement à chacun d’eux, sous réserve de l’approbation de la sous-ministre.

53 Par conséquent, j’en conclus qu’aucune mesure disciplinaire ou mesure disciplinaire déguisée n’a été imposée au fonctionnaire dans ce cas.

D. Licenciement pour toute autre raison

54 Selon le fonctionnaire, la décision du Comité de revoir à la baisse le résultat de son rendement de 2010-2011 et de lui attribuer la mention « A réussi- (moins) » constituait une violation d’une entente verbale conclue avec l’employeur en novembre 2010, ce qui a rendu sa démission de la fonction publique invalide ou involontaire, ayant pour effet que sa résignation doit être considérée comme un licenciement « pour toute [autre] raison » dans le sens du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi.

55 Cette disposition stipule spécifiquement qu’un grief peut être renvoyé à l’arbitrage s’il est lié à une rétrogradation ou un licenciement en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, en raison d’un rendement insatisfaisant ou en vertu de l’alinéa 12(1)e) de cette Loi pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite.

56 Alors que je doute sérieusement que le scénario proposé par le fonctionnaire puisse peut-être relever du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi, il n’est pas nécessaire de mener une analyse complète de cet argument pour une raison simple. L’entente verbale n’a pas été violée.

57 Un échange de courriel (pièce E-7) est le seul document qui semble rendre compte des modalités de l’entente verbale entre le fonctionnaire et Mme MacQuarrie. Il se lit comme suit :

[Traduction]

Re-bonjour Catherine,

Ce courriel fait suite à notre discussion du 16 novembre et à notre conversation téléphonique ce matin.

Je souhaiterais vous confirmer que je m’engage formellement à prendre ma retraite au plus tard le 30 juin 2011.

Mon engagement prend en compte l’entente verbale que nous avons conclue selon laquelle mes préoccupations concernant mon examen de rendement seront résolues comme convenu.

Votre équipe pourrait-elle me fournir un modèle approprié de lettre que je pourrai signer en précisant la date de ma retraite?

Je suis en contact avec Heather Smith et Susie Miller en ce qui concerne les ententes de rendement pour les deux moitiés de l’exercice actuel pour assurer que la documentation et l’examen adéquats sont utilisés cette année comme convenu.

Je vous remercie de votre courtoisie et de l’intérêt que vous avez porté à mes préoccupations.

Je vous prie d’accepter l’expression de mes sentiments distingués,

Richard Tudor Price

58 Selon les éléments de preuve de Mme MacQuarrie, auxquels j’ai accordé plus de poids que ceux du fonctionnaire, la pièce E-7 reflétait avec exactitude l’entente verbale qui avait été conclue et confirmait ses modalités de la manière suivante : i) le fonctionnaire prendrait sa retraite le 30 juin 2011; ii) ses préoccupations concernant son examen de rendement seraient résolues comme convenu, signifiant que le résultat de rendement 2009-2010 serait revu à la hausse passant ainsi de « A réussi- (moins) » à « A réussi »; iii) un modèle d’entente de mutation spéciale de préretraite confirmant la date de retraite du fonctionnaire serait remis au fonctionnaire pour sa signature; iv) il obtiendrait des évaluations de rendement de Mme Smith ainsi que Mme Miller pour s’assurer que les documents adéquats étaient disponibles durant l’examen de rendement de 2010-2011. Mme MacQuarrie a catégoriquement nié qu’elle ou la sous-ministre ont assuré au fonctionnaire la garantie qu’il se verrait attribuer la mention de rendement « A réussi » pour la période d’examen 2010-2011. Même si le fonctionnaire a allégué qu’une telle garantie lui avait été fournie par Mme MacQuarrie et approuvée par la sous-ministre, aucune preuve indépendante ne corrobore cette allégation. Le fait que le fonctionnaire a dit à Mme Miller qu’une telle garantie lui avait été assurée n’est pas la preuve qu’elle lui a effectivement été donnée. En fait, je reste perplexe devant le fait que Mme Miller n’a jamais tenté de consulter la haute direction à AAC pour valider l’information qui à première vue aurait semblé miner le processus d’examen de rendement dans son ensemble.

59 Je souscris à l’argument de l’employeur selon lequel, si cette garantie présumée était en fait fournie et perçue comme primordiale par le fonctionnaire, il aurait fait preuve de prudence et il aurait dû faire preuve de prudence en insistant sur son inclusion dans l’entente de mutation spéciale de préretraite. Cela ne s’est pas produit. Le fonctionnaire a plutôt accepté de plein gré une entente qui le contraignait à se soumettre au processus d’évaluation de rendement ordinaire, sans aucune garantie quant à son résultat.

60 Par conséquent, je conclus qu’aucune violation de l’entente verbale de novembre 2010 entre le fonctionnaire et Mme MacQuarrie n’a eu lieu et que la démission du fonctionnaire de la fonction publique était valide et volontaire. La démission du fonctionnaire ne peut en aucun cas être considérée comme un licenciement « pour toute [autre] raison » dans le sens du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi.

61 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

62 Le grief est rejeté.

Le 23 mai 2013.

Traduction de la CRTFP

Stephan J. Bertrand,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.