Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante avait déposé une plainte de pratique déloyale de travail contre son agent négociateur - les parties ont réglé la plainte - la plaignante a par la suite allégué que son agent négociateur n’avait pas respecté les modalités de l’entente de règlement - les parties n’ont pas contesté que l’entente de règlement était finale et exécutoire - la Commission n’a pas souscrit au point de vue de la plaignante selon lequel la non-observation des modalités de l’entente de règlement exigeait que la plainte soit entendue sur le fond - en se fondant sur Amos c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 38, la Commission a conclu que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique lui confère la compétence pour entendre une allégation voulant qu’une partie a enfreint les modalités d’une entente de règlement finale et exécutoire concernant une plainte de pratique déloyale de travail - la Commission a aussi statué qu’elle a compétence pour rendre l’ordonnance qu’elle juge indiquée pour remédier à cette infraction. Compétence assumée. Audience ordonnée pour déterminer si les modalités de l’entente de règlement ont été respectées et pour établir une mesure de réparation indiquée, selon le cas.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-04-22
  • Dossier:  561-34-497
  • Référence:  2013 CRTFP 43

Devant une formation de la
Commission des relations de
travail dans la fonction publique


ENTRE

JOËLLE FILLET

plaignante

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Fillet c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Steven B. Katkin, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour la plaignante:
Elle-même

Pour la défenderesse:
David Girard, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 27 août, le 24 septembre et le 1er octobre 2012.

Affaire devant la Commission

1 Cette décision traite de la compétence d’une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (« la Commission ») pour décider d’une allégation voulant que les modalités d’une entente de règlement portant sur une plainte de pratique déloyale n’aient pas été respectées et, le cas échéant, ordonner une mesure de réparation.

2 Le 25 janvier 2011, Joëlle Fillet (la « plaignante »), une employée de l’Agence du revenu du Canada, a déposé auprès de la Commission une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») alléguant que son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse »), avait violé l’obligation de la représenter équitablement que lui impose l’article 187.

3 À la suite d’une médiation, la Commission a été avisée que les parties avaient conclu une entente de règlement de la plainte le 4 août 2011.

4 Par lettre datée du 23 juillet 2012, la plaignante a avisé la Commission qu’elle considérait que l’entente de règlement conclue entre les parties le 4 août 2011 n’avait pas été respectée par la défenderesse et que, par conséquent, elle ne retirait pas sa plainte. La plaignante soulignait en quoi la défenderesse aurait manqué à son obligation de représentation équitable.

5 Par lettre transmise par courriel le 3 août 2012, la défenderesse a avisé la Commission qu’elle considérait avoir respecté toutes les modalités de l’entente de règlement conclue le 4 août 2011 et demandait à la Commission de fermer le dossier.

6 Le 10 août 2012, j’ai demandé aux parties de soumettre des arguments écrits sur la question suivante :

Est-ce que les principes énoncés dans Amos c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 38, s’appliquent à une plainte fondée sur l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique?

Les parties ont été avisées qu’une décision préliminaire serait rendue sur la base des arguments écrits qu’elles ont déposés.

Résumé de l’argumentation

7 La plaignante n’a pas répondu à la question posée. Elle a débuté son argumentation en citant les principes de représentation équitable qui incombent aux agents négociateurs, tels qu’établis par la Cour suprême du Canada dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509. La plaignante a consacré le reste de son argumentation au fond de sa plainte.

8 La défenderesse a soutenu que, tel qu’il a été décidé dans Amos c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 38, la Loi « […] donne la compétence à un arbitre [sic] de la Commission pour décider si une entente de règlement reliée à une plainte fondée sur l’article 187 de la Loi est respectée ou pas. » La défenderesse a plaidé que, bien qu’elle ait exécuté toutes ses obligations aux termes de l’entente de règlement du 4 août 2011, la plaignante n’a pas respecté les siennes en ne retirant pas sa plainte.

Motifs

9 Les parties ne contestent pas que l’entente de règlement du 4 août 2011 est finale et exécutoire. La question à trancher est plutôt de savoir si une formation de la Commission possède la compétence pour décider d’une allégation voulant que les modalités d’une entente de règlement qui porte sur une plainte de pratique déloyale n’aient pas été respectées et, le cas échéant, ordonner une mesure de réparation. À cette fin, j’ai demandé aux parties si les principes énoncés dans Amos (2011 CAF 38) s’appliquent en l’espèce.

10 Dans Amos (2011 CAF 38), la Cour d’appel fédérale a décrit l’affaire dont elle était saisie comme suit :

[…]

[1]      La présente affaire concerne l’étendue de la compétence que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, […] confère à l’arbitre de grief. L’arbitre de grief demeure-t-il compétent pour trancher les différends relatifs à l’entente de règlement conclue par les parties sur des questions qui peuvent être renvoyées à l’arbitrage ou, comme l’arbitre de grief a formulé la question dans le cas qui nous occupe, quelles sont les voies de recours qui sont ouvertes à celui dont le grief renvoyé à l’arbitrage a été réglé et qui allègue par la suite que l’autre partie n’a pas respecté l’entente de règlement […] ?

[…]

11 Amos (2011 CAF 38) traitait des pouvoirs d’un arbitre de grief en vertu de la partie 2 de la Loi, qui traite de griefs. La Cour d’appel fédérale a exprimé de la façon suivante son accord avec les conclusions qu’un arbitre de grief avait énoncées dans Amos c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 74 :

[…]

b) Première question : Ententes de règlement définitives et contraignantes

[35] Lorsque les parties ont conclu une entente de règlement à l’égard d’un grief individuel renvoyé à l’arbitrage à l’encontre d’une mesure disciplinaire entraînant une suspension, la nouvelle Loi donne-t-elle compétence à l’arbitre de grief pour décider si l’entente de règlement des parties est définitive et contraignante? L’arbitre de grief a répondu par l’affirmative à cette question et je suis du même avis (motifs de l’arbitre de grief, au paragraphe 88).

[…]

[38] La question de savoir à qui la partie qui soutient que l’entente de règlement n’a pas été respectée peut s’adresser pour obtenir réparation sous le régime de la nouvelle Loi est le nœud du litige qui oppose les parties et elle fait l’objet de la deuxième question.

c) Deuxième question : Sanctions en cas de non-respect d’une entente de règlement

[39] Pour répondre à la demande qui lui était faite de statuer sur le fond du grief de l’appelant, l’arbitre de grief devait décider si la nouvelle Loi pouvait admettre une réponse différente en ce qui concerne le non-respect et, dans l’affirmative, s’il pouvait accorder une réparation. Avant d’examiner précisément ces questions, l’arbitre a tenté de comparer le cadre législatif de la nouvelle Loi avec celui de l’ancienne loi, signalant que la nouvelle Loi possédait notamment les trois caractéristiques distinctives suivantes : l’ajout d’un préambule, le pouvoir que l’article 226 confère à l’arbitre de grief d’aider les parties qui prennent part à la médiation et, enfin, l’inclusion du paragraphe 236(1).

[40] L’analyse que l’arbitre a faite de ces éléments lui a permis de poser les assises générales sur lesquelles il devait faire reposer ses conclusions finales sur les deux dernières questions. Voici ce qu’il écrit au paragraphe 86 de ses motifs :

  • Je dois faire en sorte que les dispositions de la nouvelle Loi « […] s’interprète[nt] de la manière la plus équitable et la plus large […] » qui soit conforme avec [les objets de la Loi] […] » [sic].
  • L’une des pierres d’assise de la nouvelle Loi est l’accent qu’elle met sur le règlement volontaire de différends par la médiation.
  • Compte tenu du paragraphe 236(1) de la nouvelle Loi […] la partie 2 de la nouvelle Loi doit être considérée comme un régime exclusif et complet de règlement des différends qui procède « […] par voie de grief […] ».

[41] Ainsi que je l’explique plus loin, j’estime que ces affirmations préliminaires de l’arbitre de grief sont inattaquables.

[…]

[44] Toute loi s’interprète de la façon la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. Le préambule constitue l’exposé des « motifs » de la loi […] . Conscient de l’existence de ce préambule, l’arbitre de grief a estimé qu’il était de son devoir de faire en sorte que la nouvelle Loi « […] s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large […] » qui soit conforme avec la promotion de « […] la collaboration [entre les parties] […] » tout en contribuant « […] à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes […] » et en encourageant le « […] respect mutuel et […] l’établissement de relations harmonieuses […]. [sic] Je suis d’accord pour dire que c’était précisément le rôle qui incombait à l’arbitre de grief.

[45] Dans sa deuxième affirmation, l’arbitre de grief reconnaît l’accent que la nouvelle Loi met sur le règlement volontaire de différends, notamment par la médiation. Je conviens avec lui qu’un des éléments essentiels du processus de médiation est la possibilité d’exécuter et de faire respecter l’entente de règlement :

Si une partie ne peut raisonnablement s’attendre à ce qu’une entente de règlement soit exécutoire, les divers mécanismes établis par la nouvelle Loi pour faciliter les règlements volontaires pourraient avoir peu de chances de contribuer à la réalisation des objets de la nouvelle Loi tels qu’ils sont établis par le législateur.
(Motifs de l’arbitre de grief, au paragraphe 67.)

[46] Par sa troisième affirmation, l’arbitre de grief a adopté le point de vue que l’article 236 – pour lequel il n’existait pas d’équivalent dans l’ancienne loi – confirme que la partie 2 de la Loi doit être considérée comme un régime exclusif et complet de règlement des différends. Les parties s’entendent pour dire que l’article 236 soustrait à la compétence des tribunaux les questions qui peuvent être examinées par voie de grief sous le régime de la partie 2 de la Loi (articles 206 à 238). Elles divergent toutefois d’opinion en ce qui concerne la question de savoir si le présent différend relatif à l’entente de règlement relevant de la partie 2 tombe sous le coup de l’article 208 ou de l’article 209 de la Loi.

[…]

[53] Il a été jugé que le critère de l’essence du litige, qui a été appliqué dans l’arrêt Weber à la question du choix entre un tribunal et une instance décisionnelle créée par la loi, s’appliquait aussi au choix entre deux organismes créés par la loi (Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14) [Regina].

[54] Dans l’arrêt Regina, le juge Bastarache explique (au paragraphe 39) :

La question clé dans chaque cas est de savoir si l’essence du litige, dans son contexte factuel, est expressément ou implicitement visée par un régime législatif. Pour statuer sur cette question, il convient de donner à la loi une interprétation libérale de façon à ce que l’attribution de compétence à une instance que n’avait pas envisagée le législateur ne porte pas atteinte au régime.
[Non souligné dans l’original.]

[55] Dans ses motifs, bien que dans un contexte différent, l’arbitre de grief s’est posé cette question clé et a conclu que le différend entre les parties, dans son essence, découlait de la mesure disciplinaire initiale. Voici ce qu’il écrit :

En fait, aucun nouveau différend indépendant n’a pris naissance – ou si l’on pouvait affirmer qu’il y avait un nouveau différend, celui-ci était lié si expressément ou implicitement à la mesure disciplinaire qu’il ne pourrait pas être séparé de ce contexte (motifs de l’arbitre de grief, au paragraphe 109).

[56] L’intimé affirme que l’arbitre de grief ne pouvait appliquer le critère de l’essence du différend pour élargir sa compétence de manière injustifiée. L’intimé lui reproche d’avoir [traduction] « tiré des inférences ou laissé entendre que ces questions relevaient de sa compétence en vertu de l’article 209 de la Loi » (mémoire des faits et du droit de l’intimé, au paragraphe 49). Si le législateur avait voulu élargir la compétence des arbitres de griefs de manière à les rendre compétents à l’égard de l’exécution des ententes de règlement définitifs et contraignants, il l’aurait dit explicitement.

[57] Je ne suis pas d’accord avec l’intimé. Les arrêts Weber et Regina ont marqué un changement d’orientation en reconnaissant des pouvoirs plus étendus aux commissions de relations du travail et aux arbitres. L’intimé n’a invoqué aucune raison valable justifiant d’écarter le critère des « liens inextricables » énoncé dans les arrêts Weber et Regina parce qu’il sert en l’espèce à choisir entre deux processus prévus par la Loi au lieu de choisir entre une instance décisionnelle ou un organisme créé par la loi. Je me range plutôt à l’avis de l’arbitre de grief lorsqu’il affirme que « l’orientation de la Cour suprême du Canada dans les décisions rendues dans la foulée de Weber, qui favorise la compétence exclusive et complète en vertu de la loi sur les relations de travail (par opposition aux tribunaux judiciaires) de régler les différends en milieu de travail, s’applique à la partie 2 de la nouvelle Loi, compte tenu du libellé explicite du paragraphe 236(1) » (décision de l’arbitre de grief, au paragraphe 78). [Non souligné dans l’original.]

[…]

[64] Ainsi que les arrêts Weber et Regina nous l’enseignent, on ne peut discerner l’essence d’un différend qu’en examinant les faits de l’affaire. Logiquement, ces mêmes faits aideront aussi à déterminer la compétence de l’arbitre de grief.

[65] En l’espèce, il est évident que le différend qui oppose les parties au sujet de leur entente de règlement est inextricablement lié à la mesure disciplinaire prise par l’employeur et au grief formulé par l’appelant à son sujet. Au cours de l’arbitrage, avec l’aide de l’arbitre de grief Butler, les parties ont accepté de recourir à la médiation pour résoudre leur désaccord. Les parties considéraient leur entente comme un règlement complet, définitif et contraignant de leur différend. Il est acquis aux débats que c’est dans le but d’apporter de la certitude dans les relations de travail que les ententes de règlement sont finales et exécutoires pour toutes les parties (Lindor c. Conseil du Trésor (Solliciteur général–Service correctionnel du Canada), 2003 PSSRB [sic] 10). J’ajouterais que, peu importe qu’elle soit tacite ou expresse, une entente définitive et contraignante implique que les parties s’obligent à lui donner effet en la mettant à exécution. Sans mise à exécution, il ne peut y avoir de « certitude dans les relations de travail », ce qui constitue le but précis des ententes de règlement définitives et contraignantes (idem, au paragraphe 16, voir les motifs de l’arbitre de grief, au paragraphe 50). Sans mise à exécution, comment la question en litige pourrait-elle être réglée [tout en dépouillant l’arbitre de grief] de son pouvoir de poursuivre l’arbitrage en ce qui concerne les questions qui n’ont pas été résolues au sens du paragraphe 226(2)?

[66] […] Toute procédure qui favorise le règlement volontaire de différends, en particulier au moyen de la médiation, fait partie intégrante des moyens permettant d’atteindre les objectifs énoncés dans le préambule de la Loi en ce qui concerne les relations de travail et l’intérêt public. Il est essentiel que les ententes de règlement soient exécutoires si l’on veut respecter les objectifs de la Loi. À défaut de moyens clairs, efficaces et économiques de mettre en œuvre les ententes de règlement, la médiation risque de perdre son sens et de tomber en désuétude. L’intention du législateur doit être interprétée comme tenant compte du fait que les parties s’attendent légitimement à ce que l’entente de règlement soit exécutée ou du moins qu’elle soit exécutable dans un délai raisonnable.

[…]

[71] En l’espèce, l’arbitre de grief a carrément rejeté la demande visant à faire rouvrir l’audience d’arbitrage de grief pour examiner au fond le grief initial. J’interprète sa décision comme une reconnaissance de la validité de l’entente de règlement signée par les parties. Il a exprimé sa volonté de limiter son intervention à l’allégation de non-respect, bien conscient du fait que le grief (initial) n’avait pas été retiré et que la question de son exécution n’était toujours pas résolue entre les parties. Il a estimé que « l’inobservation doit d’abord être prouvée par le fonctionnaire s’estimant lésé à moins que l’administrateur général reconnaisse explicitement ce fait. La preuve requise pour établir l’inobservation se limitera à cette question » (motifs de l’arbitre de grief, au paragraphe 95).

[72] En bref, l’arbitre de grief a conclu qu’il avait compétence pour examiner une allégation selon laquelle une partie ne respecte pas un règlement définitif et contraignant si le différend sur l’entente de règlement est lié à un grief initial dont l’objet est visé par le paragraphe 209(1) de la nouvelle Loi (motifs, au paragraphe 117). Compte tenu du fait que l’appelant n’avait pas retiré son grief, je suis d’accord avec l’arbitre de grief.

[73] Vu sa conclusion sur la deuxième question, l’arbitre de grief s’est finalement penché sur la dernière question portant sur sa compétence pour accorder une réparation en tenant pour acquis que l’appelant s’était acquitté de son fardeau de preuve.

d) Troisième question: la réparation

[74] Là encore, l’arbitre de grief a répondu par l’affirmative à la question en s’appuyant sur le paragraphe 228(2) de la Loi […] .

[75] Il a conclu que ses pouvoirs d’accorder une réparation étaient étendus et qu’ils ne se limitaient pas à une liste précise de réparations. Cette affirmation est exacte.

[76] L’arbitre de grief Butler a en fin de compte ordonné la reprise de l’audience d’arbitrage de grief aux fins de déterminer si l’administrateur général avait manqué aux modalités de l’entente de règlement et, le cas échéant, pour déterminer la réparation indiquée.

Dispositif

[77] À mon avis, l’intimé n’a pas réussi à démontrer que les motifs et la décision de l’arbitre de grief étaient déraisonnables. Vu le contexte particulier du présent dossier, la démarche suivie par l’arbitre de grief respecte raisonnablement l’intention du législateur tout en prenant acte des principes d’interprétation des lois applicables. […] Les considérations évoquées par l’arbitre de grief vont dans le sens de l’atteinte des objectifs fondamentaux de la Loi. Le différend soulevé par l’appelant au sujet de l’entente de règlement est intrinsèquement lié à son grief principal, qui [est encore en instance] et qui a été d’abord renvoyé à l’arbitrage, et il relève à bon droit de la compétence de l’arbitre de grief.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

La Cour d’appel fédérale a donc confirmé que la Loi, particulièrement à la lumière des objectifs énoncés dans son préambule, confère à un arbitre de grief la compétence pour décider d’une allégation voulant que les modalités d’une entente de règlement qui porte sur un grief qui peut être renvoyé à l’arbitrage n’aient pas été respectées et, le cas échéant, ordonner la mesure de réparation qu’il estime indiquée.

12 Les principes énoncés dans Amos (2011 CAF 38) s’appliquent-ils également à une plainte fondée sur l’article 187 de la Loi? Je crois que oui.

13 La Cour d’appel fédérale a défini comme suit dans Amos (2011 CAF 38 para 44) le rôle qui incombe à un arbitre de grief :

[44] […] de faire en sorte que la nouvelle Loi « […] s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large […] » qui soit conforme avec la promotion de « […] la collaboration [entre les parties] […] » tout en contribuant « […] à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes […] » et en encourageant le « […] respect mutuel et […] l’établissement de relations harmonieuses […]. [sic] […]

Ce rôle s’applique de la même façon à une formation de la Commission. L’objectif de résolution juste, crédible et efficace des problèmes énoncé dans le préambule de la Loi vise tout aussi bien la résolution d’une plainte de pratique déloyale de travail et la résolution des problèmes découlant de l’exécution d’une entente de règlement de cette plainte. En effet, l’une des pierres angulaires de la Loi est l’accent qu’elle met sur le règlement volontaire des différends par la médiation. À cet égard, la Partie 1 de la Loi prévoit ce qui suit :

[…]

37. La Commission ou n’importe lequel de ses membres ou employés qu’elle désigne peut, en tout état de cause et avec le consentement des parties, aider celles-ci à régler les questions en litige de la façon qu’elle juge indiquée sans qu’il soit porté atteinte à la compétence de la Commission pour trancher les questions qui n’auront pas été réglées.

[…]

191. (1) […] la Commission peut, sur réception de toute plainte présentée au titre du paragraphe 190(1), aider les parties à régler le point en litige; si elle décide de ne pas le faire ou si les parties ne sont pas parvenues à régler l’affaire dans le délai qu’elle juge raisonnable dans les circonstances, elle statue elle-même sur la plainte.

[…]

Je note aussi que les pouvoirs conférés à une formation de la Commission par l’article 37 de la Loi sont les mêmes que ceux accordés à un arbitre de grief en vertu du paragraphe 226(2). De plus, il est important de souligner ici le fait que l’article 36 donne à une formation de la Commission les pouvoirs nécessaires à l’atteinte de l’objectif de résolution juste, crédible et efficace des différends énoncé dans le préambule de la Loi :

36. La Commission met en œuvre la présente loi et exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou qu’implique la réalisation de ses objets, notamment en rendant des ordonnances qui exigent l’observation de la présente loi, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu’elle rend sur les questions qui lui sont soumises.

[Je souligne]

14 Le différend en l’espèce porte sur l’exécution d’une entente de règlement portant sur une plainte de pratique déloyale de travail. Ce différend est inextricablement lié à la plainte puisque l’entente de règlement constitue la mesure de réparation que les parties considéraient indiquée pour remédier à cette plainte. De plus, il ne fait aucun doute qu’une formation de la Commission possède la compétence de décider d’une plainte de pratique déloyale de travail. J’en conclus donc que, tout comme la Loi confère à un arbitre de grief la compétence pour décider d’une allégation voulant que les modalités d’une entente de règlement qui porte sur un grief qui peut être renvoyé à l’arbitrage n’aient pas été respectées et, le cas échéant, ordonner la mesure de réparation qu’il estime indiquée, elle donne cette même compétence à une formation de la Commission pour décider d’une allégation voulant que les modalités de l’entente de règlement qui porte sur une plainte de pratique déloyale n’aient pas été respectées et, le cas échéant, ordonner une mesure de réparation.

15 Finalement, dans Amos (2011 CAF 38 para 66), la Cour d’appel fédérale a senti le besoin de préciser qu’« [i]l est essentiel que les ententes de règlement soient exécutoires si l’on veut respecter les objectifs de la loi. » Or, lorsque les parties à une plainte ont conclu une entente finale et exécutoire en règlement de cette plainte, il n’y a plus lieu d’examiner le fonds de la plainte. Quand une partie allègue le non-respect de l’entente de règlement, la question est plutôt de savoir si les modalités de l’entente ont été enfreintes et, dans l’affirmatif, quelle mesure de réparation est indiquée pour remédier à cette infraction. Tout comme l’arbitre de grief l’a expliqué dans Amos (2008 CRTFP 74 para 95):

[95] D’après le fonctionnaire s’estimant lésé, l’allégation d’inobservation exige que je rouvre l’audience d’arbitrage de grief pour examiner au fond le grief initial. Je ne suis pas d’accord. La réouverture d’une audience à cette fin pourrait bien être un redressement adéquat dans certaines circonstances, mais d’autres redressements plus directs seront habituellement disponibles s’il est établi qu’il y a eu inobservation. Quoi qu’il en soit, l’inobservation doit d’abord être prouvée par le fonctionnaire s’estimant lésé à moins que l’administrateur général reconnaisse explicitement ce fait. La preuve requise pour établir l’inobservation se limitera à cette question. L’étape de la « preuve sur le fond » est passée. […]

[Je souligne]

16 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

17 Je déclare que les parties ne contestent pas que l’entente de règlement du 4 août 2011 est finale et exécutoire.

18 Je déclare en outre qu’une formation de la Commission a la compétence de décider d’une allégation voulant que les modalités d’une entente de règlement portant sur une plainte de pratique déloyale n’aient pas été respectées.

19 Je déclare également qu’une formation de la Commission a compétence pour ordonner la mesure de réparation qu’elle juge indiquée dans les circonstances.

20 Cette affaire sera mise au rôle des audiences afin de déterminer si la défenderesse a manqué aux modalités de l’entente de règlement du 4 août 2011 et, le cas échéant, pour déterminer la mesure de réparation indiquée dans les circonstances.

Le 22 avril 2013

Steven B. Katkin,
une formation de la Commission des
relations de travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.