Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée était l'un des neuf agents de subrogation ayant allégué que leur description de travail ne reflétait pas de manière exacte leurs fonctions, leurs responsabilités et leur niveau décisionnel ainsi que le fait qu’ils supervisaient d’autres employés ou qu’ils étaient tenus d’effectuer des déplacements - la fonctionnaire s’estimant lésée a allégué qu’elle disposait de pouvoirs exclusifs pour régler des réclamations faisant l’objet de subrogation et que ses décisions n’étaient pas soumises à examen - l’employeur a contesté l'allégation, soutenant que les pouvoirs permettant de régler les réclamations étaient conférés au directeur régional et que la fonctionnaire s’estimant lésée ne détenait ni les pouvoirs délégués ni les pouvoirs financiers pour régler les réclamations - il a fait valoir que la fonctionnaire s’estimant lésée était supervisée et que toute mention de [traduction] <<pouvoirs exclusifs>>, [traduction] <<responsabilités>> ou[traduction] <<pouvoirs>> dans la description de travail était faite sous réserve que tout problème devait être renvoyé au gestionnaire de la fonctionnaire s’estimant lésée - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a aucun pouvoir en vertu de l’article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques - l’arbitre de grief a conclu que le travail de la fonctionnaire s’estimant lésée était soumis à une supervision malgré l’allégation de la fonctionnaire s’estimant lésée selon laquelle le gestionnaire régional ne s’occupait que de simples <<formalités>> en ce qui concerne les règlements - la fonctionnaire s’estimant lésée a affirmé que la description de travail ne reflétait pas le fait qu’elle était chargée de la supervision des administrateurs des réclamations de son bureau et ne reflétait pas avec exactitude l’exigence relative aux déplacements - l’arbitre de grief a conclu que les mentions de supervision du personnel et de déplacements déjà contenues dans la description de travail étaient suffisantes. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-04-22
  • Dossier:  566-02-6536 XR : 566-02-6527 à 6535
  • Référence:  2013 CRTFP 44

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JEANNIE SURIC

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

employeur

Répertorié
Suric c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T.A. Shannon, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésée:
Abudi Awaysheh, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Richard Fader, avocat

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
Du 19 au 21 février 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Jeannie Suric, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») fait partie d’un groupe de neuf agents de subrogation (classifiés aux groupe et niveau AS-02) employés par le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (« RHDCC » ou l’« employeur ») qui ont allégué que la description de travail de leur poste ne reflétait pas avec exactitude leur niveau décisionnel. Ils ont également soutenu que leur description de travail ne reflétait pas le fait qu’ils supervisaient d’autres employés ou qu’ils étaient tenus d’effectuer des déplacements dans le cadre de leurs fonctions. La fonctionnaire a soutenu que la description de travail telle qu’elle est rédigée ne rendait pas compte de la complexité, du niveau décisionnel, des responsabilités ou des tâches d’un agent de subrogation.

2 Les parties ont convenu que cette décision s’appliquerait à tous les agents de subrogation qui ont présenté un grief.

II. Résumé de la preuve

3 La fonctionnaire est une agente de subrogation du Programme du travail au sein du Service fédéral d’indemnisation des accidentés du travail de RHDCC, situé dans la région Pacifique du Nord-Ouest de l’employeur. Elle est chargée de négocier les règlements des demandes d’indemnisation pour dommages corporels dus à des accidents du travail des employés du gouvernement fédéral survenus dans l’exercice de leurs fonctions et causés par un tiers. Conformément à la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État, L.R.C. (1985), ch. G‑5 (la « LIAE »), un employé peut choisir de recevoir une indemnité pour accident de travail ou d’intenter une action à l’encontre d’un tiers au tribunal civil pour dommages corporels. Si l’employé choisit de recevoir une indemnisation pour accident de travail, la demande d’indemnisation pour dommage corporel est alors remise à la Couronne par subrogation. La Couronne devient alors titulaire de la demande.

4 Un agent de subrogation négocie le règlement lors d’un recours contre un tiers ou son représentant, notamment le versement de dommages spéciaux et généraux. Les agents de subrogation sont formés pour mener des enquêtes et présenter les poursuites civiles. Ils doivent compléter avec succès deux cours de droit ainsi qu’une formation en statistique. Un diplôme en droit constitue un atout.

5 La description de travail (pièce 3, onglet 4) du poste 75290 s’applique au poste de la fonctionnaire. Au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, des changements mineurs ont été apportés à la description de travail. L’employeur a convenu d’ajouter ce qui suit (pièce 3, onglet 7) : [traduction] « Assister aux procédures judiciaires et non judiciaires, notamment les conférences de règlement, les enquêtes préalables et les médiations, les modes alternatifs de règlement des conflits, les conférences préparatoires, la gestion des cas et les procès à titre de représentant du Programme du travail ».

6 L’employeur n’a pas approuvé l’ajout de [traduction] « le titulaire est le seul autorisé à régler la demande d’indemnisation », tel qu’il a été demandé (pièce 3, onglet 7). Un examen de la classification a été promis à la suite des ajouts. En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a confirmé que l’examen de classification promis avait été réalisé et qu’elle avait travaillé avec un consultant externe en 2006 pour la rédaction de la description de travail (pièce 3, onglet 6). La fonctionnaire n’a pas eu l’impression que les changements satisfaisaient les exigences relatives à son grief, car ils ne concernaient pas les tâches, les responsabilités et le niveau décisionnel d’un agent de subrogation. 

7 Les responsabilités des agents de subrogation sont définies aux onglets 9 et 10 de la pièce 3. Les directives en matière de politique opérationnelle à l’intention des agents de subrogation, OPD/DPO 610-1 (pièce 3, onglet 9), décrivent les rôles, les responsabilités et les procédures que doit suivre le personnel du service d’indemnisation des accidentés de travail dans le cadre du Programme du travail de RHDCC, y compris les agents de subrogation. Les OPD/DPO 610-5 (pièce 3, onglet 10) énoncent les voies de communication entre RHDCC, Justice Canada et le demandeur en ce qui concerne les actions de subrogation. Selon la fonctionnaire, les directives en matière de politique opérationnelle constituent la source de tous les pouvoirs dont disposent les agents de subrogation en ce qui a trait aux recours par subrogation. 

8 La fonctionnaire a soumis un organigramme de la LIAE (pièce 3, onglet 12). Dans 12 des encadrés relatifs au processus, la fonctionnaire soutient que seul l’agent de subrogation a l’autorité et le pouvoir discrétionnaire de prendre les décisions qui s’imposent ou de prendre les mesures nécessaires pour faire avancer le processus.

9 Un agent de subrogation reçoit une demande d’indemnisation des administrateurs des demandes d’indemnisation et effectue un examen sommaire de la demande pour déterminer si elle implique un tiers, et ce, à partir de documents produits par l’employeur officiel. Les administrateurs des demandes d’indemnisation ont reçu une formation limitée en ce qui concerne les recours contre un tiers; par conséquent, lorsqu’ils ont des doutes, ils envoient les demandes d’indemnisation aux agents de subrogation aux fins d’examen. Selon la fonctionnaire, les agents de subrogation reçoivent une formation poussée en ce qui concerne la responsabilité civile et la négligence.

10 Si l’agent de subrogation établit que la demande d’indemnisation met en cause un tiers, il ordonne aux responsables du traitement des demandes de la saisir dans le Système national d’indemnisation des accidentés. Un dossier électronique et un dossier papier sont alors créés. Le rapport de l’employeur est envoyé à la province de résidence du demandeur sur lequel est apposé un timbre indiquant qu’une décision est nécessaire. Aucune indemnité n’est versée à l’employé blessé avant la réception de la décision.

11 L’administrateur des demandes d’indemnisation envoie une trousse d’avis de décision à l’employé blessé. Si l’employé a la moindre question concernant le processus de décision, il doit communiquer avec l’agent de subrogation. Dans 40 % des demandes d’indemnisation, les employés blessés demandent une explication relative au processus et aux conséquences découlant d’une décision. Les conversations entre un employé blessé et un agent de subrogation ne font pas l’objet d’une supervision.

12 Si la demande d’indemnisation a des répercussions à l’échelle nationale, l’agent de subrogation renvoie l’affaire au gestionnaire régional qui la transmet à l’administration centrale. Si la demande d’indemnisation ne revêt pas une importance nationale, l’agent de subrogation détermine seul si la demande doit être portée à l’attention de l’administration nationale. Lorsqu’un dossier est transféré à l’administration nationale, il peut y être traité ou il peut être renvoyé à l’agent de subrogation régional, selon le cas. 

13 S’il n’est pas prévu qu’un employé blessé se rétablisse dans un délai de prescription de deux ans, l’agent de subrogation demande à Justice Canada de produire un relevé des dommages pour préserver le délai de prescription en vue de déposer un recours contre le tiers. Selon la fonctionnaire, elle donne des instructions aux avocats de Justice Canada et fournit une orientation tout au long de la procédure juridique. Elle recueille tous les éléments de preuve ayant trait à l’incident et effectue des recherches sur le montant des dommages. Il s’agit de la seule personne donnant des instructions aux conseillers juridiques et ses décisions ne font pas l’objet d’un examen.

14 RHDCC a une obligation fiduciaire à l’égard des employés blessés. La seule option qui s’offre à un employé blessé qui veut poursuivre RHDCC pour négligence lors de l’exécution de cette obligation est de déposer un recours contre la Couronne. L’obligation fiduciaire exige de la fonctionnaire de déterminer les responsabilités, la causalité, la négligence et la responsabilité multiple. Elle recueille les rapports médicaux pour justifier les blessures et examine la jurisprudence pour déterminer le montant des dommages dûs. Si elle juge que des dommages généraux doivent être versés, elle rédige une proposition de règlement et la soumet au tiers ou à son représentant.

15 Les propositions de règlement ne sont pas examinées. Elles se situent habituellement entre 15 000 $ et 16 000 $. Elles sont acceptées dans 10 % des cas. Dans les 90 % des cas restants, des négociations supplémentaires doivent avoir lieu. Durant le processus de négociation, la fonctionnaire ne consulte personne. Elle peut poursuivre les négociations sur le règlement même une fois qu’un relevé des dommages a été déposé. Elle décide si Justice Canada donnera suite à la demande d’indemnisation. La décision de savoir si une demande d’indemnisation doit être mise en litige ou suspendue revient à elle seule et ne fait pas l’objet d’un examen. Si on donne suite à la demande d’indemnisation et qu’une offre de règlement est reçue par les avocats de Justice Canada, elle est envoyée à l’agent de subrogation pour instructions concernant l’acceptation. Si la fonctionnaire rejette la proposition, elle donne instruction aux avocats de Justice Canada de présenter une contre-proposition. Elle comparaît au nom de RHDCC tout au long des étapes de la procédure à la demande de Justice Canada, car elle est la seule autorisée à régler une demande d’indemnisation.

16 Le directeur régional du Programme du travail de la région pacifique du Nord-Ouest apposera sa signature à la quittance complète et finale du tiers en échange du paiement du règlement négocié. Le directeur régional ne procède pas à l’examen du contenu du règlement, qui relève exclusivement de la compétence de l’agent de subrogation. Une fois la quittance signée, la fonctionnaire calculera le montant de la perte de salaire compris dans les dommages spéciaux et dédommagera l’employeur officiel. Tout montant excédentaire sera versé à l’employé blessé à titre de dommages généraux. La fonctionnaire est responsable de l’exactitude des calculs relatifs aux dépenses.

17 La pièce 3, onglet 15, présente ce que la fonctionnaire déclare être une version exacte de la description de son poste. Elle illustre le niveau décisionnel et la complexité du travail qu’elle exerce. Elle reflète également les fonctions de supervision qu’elle exerce. À la différence des autres fonctionnaires s’estimant lésés, Mme Suric est directement chargée de la supervision des administrateurs des demandes d’indemnisation (classifiés aux groupe et niveau CR-04) de son bureau. En revanche, elle n’avait aucune connaissance de la mesure dans laquelle les agents de subrogation des autres régions étaient tenus de superviser les administrateurs des demandes d’indemnisation. Dans sa région, elle est la seule agente de subrogation directement chargée de superviser des employés. D’autres agents de subrogation au sein du bureau peuvent s’acquitter de ces fonctions si elle est absente.

18 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a admis qu’elle relevait directement d’un gestionnaire régional qui, à son tour, rend compte directement au directeur régional. Ils travaillent au même étage et se voient quotidiennement s’ils sont tous les deux au bureau. La fonctionnaire n’a aucun pouvoir délégué en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (la « LGFP »). Elle peut commander des rapports médicaux en se fondant sur les lignes directrices relatives aux coûts établis par l’organisme professionnel compétent, mais ne peut pas autoriser le règlement.

19 Lorsqu’on l’a questionné relativement à la différence entre [traduction] « comparaître » et [traduction] « assister », en ce qui concerne la procédure judiciaire, la fonctionnaire a insisté sur le fait qu’elle [traduction] « comparaît » lors des procédures judiciaires, car elle est autorisée à régler l’affaire. [Traduction] « Assister » signifie qu’elle est présente, mais qu’elle n’est pas autorisée à la régler.

20 L’ébauche de la description de travail de la fonctionnaire (pièce 3, onglet 15) reflète l’exigence voulant que la fonctionnaire effectue des déplacements dans la région. En ce qui concerne le nombre et les distances des déplacements qu’elle est tenue d’effectuer, la fonctionnaire a affirmé que, depuis 2009, elle a dû se rendre à l’extérieur de sa zone à deux reprises. Toutefois, elle se déplace régulièrement dans les limites du « Lower Mainland » de la Colombie-Britannique.

21 Deborah Silvester occupe le poste de gestionnaire du Service fédéral d’indemnisation des accidentés du travail de la région pacifique du Nord-Ouest de la RHDCC, depuis approximativement 14 ans. Elle est la superviseure directe de la fonctionnaire. Lorsqu’on lui a présenté l’organigramme de la LIAE (pièce 3, onglet 12), elle était d’avis que 8 des 12 encadrés mis en évidence par la fonctionnaire reflétaient avec exactitude les domaines relevant des seuls pouvoirs et de la seule discrétion de la fonctionnaire. Toute mention de pouvoirs exclusifs, de responsabilité exclusive ou de seule discrétion de la fonctionnaire figurant dans la description de travail (pièce 3, onglet 15) est sous réserve que, s’il y a un problème, ce dernier soit soumis à Mme Silvester.

22 Lors du recrutement d’un agent de subrogation, Mme Silvester recherche un individu possédant d’excellentes habiletés en communications interpersonnelles et en négociation, d’excellentes connaissances en ce qui concerne la législation et les règlements et une capacité à effectuer des recherches juridiques. Elle ne considère pas que le travail d’un agent de subrogation soit similaire à celui d’un technicien juridique, car, selon elle, les techniciens juridiques sont des secrétaires qui ne négocient pas les règlements et qui ne prennent pas de décisions. Toutefois, elle a admis qu’elle n’avait jamais travaillé avec un technicien juridique et qu’elle n’avait pas de base pour cette comparaison.

23 Les agents de subrogation n’ont pas de pouvoirs en vertu de l’article 34 de la LGFP. La fonctionnaire, de concert avec Justice Canada ou le tiers, détermine si un rapport médical est requis. La fonctionnaire peut en faire la demande, mais Mme Silvester doit autoriser le paiement de la facture avant qu’il ne soit donné suite à la demande. À titre de gestionnaire, Mme Silvester examine toutes les demandes de paiement et atteste qu’elles sont approuvées et qu’elles sont admissibles pour le paiement.

24 En ce qui concerne la question des pouvoirs exclusifs de la fonctionnaire de régler les demandes d’indemnisation, Mme Silvester a affirmé que, si la fonctionnaire mène des discussions en vue d’un règlement avec un tiers et des avocats de Justice Canada, la fonctionnaire n’est pas tenue d’obtenir sa permission pour accepter l’offre. La décision revient à la fonctionnaire. Toutefois, les cas font l’objet de discussions régulières lors des réunions entre les agents de subrogation et Mme Silvester. Les agents de subrogation doivent traiter un volume d’affaires considérable. Ils se réunissent au moins une fois par semaine pour discuter de leurs cas et examiner les options et les conséquences. Si Mme Silvester n’approuve pas la proposition d’un agent de subrogation, c’est elle qui aura le dernier mot relativement au traitement de l’affaire, et non l’agent de subrogation.

25 La fonctionnaire doit produire des statistiques sur la charge de travail et des rapports d’information, les deux n’exigeant pas de connaissances dans le domaine de la statistique. La fonctionnaire peut également être exposée à des images explicites de blessures et de scènes d’accident dans l’exercice normal de ses fonctions. Mme Silvester a confirmé que la fonctionnaire était chargée de la supervision des administrateurs des demandes d’indemnisation du bureau de Vancouver et qu’elle était la seule agente de subrogation dans ce bureau à assumer cette responsabilité.

26 Marguerite McGregor, directrice régionale de la région pacifique du Nord-Ouest du Programme du travail de RHDCC, a témoigné au nom de l’employeur. Son rôle consiste à mener, diriger et superviser les activités opérationnelles régionales en ce qui concerne quatre secteurs d’activité, dont le Service fédéral d’indemnisation des accidentés du travail. Selon son témoignage, chaque employé est soumis à une supervision directe, y compris la fonctionnaire. La portée de cette supervision dépend de la qualité du travail de l’employé. Les employés ont des responsabilités dans un cadre de gestion. Les agents de subrogation se réunissent régulièrement avec leurs gestionnaires, qui sont les principales personnes-ressources du cadre de gestion.

27 Aucune personne qui n’y est pas autorisée en vertu de l’article 34 de la LGFP ne peut approuver un paiement au nom de la Couronne. Mme McGregor a la responsabilité en vertu de l’article 34 d’approuver tout paiement au sein de sa région. Elle assume la responsabilité déléguée concernant la LIAE et tout règlement obtenu en vertu de celle-ci. Les agents de subrogation n’ont aucun pouvoir délégué en vertu de l’instrument de délégation ou de la LGFP pour approuver le règlement par un tiers. Afin qu’un règlement soit définitif, elle doit signer la quittance et approuver le règlement.

28 Les directives en matière de politique opérationnelle à l’intention des agents de subrogation de l’employeur (pièce 9), constitue la réplique de Mme McGregor à la description de travail proposée par la fonctionnaire (pièce 3, onglet 15). Elle a déclaré que l’argument de la fonctionnaire était axé sur la manière dont une activité était menée et non pas sur ce qui était accompli. Tous les éléments sur lesquels portait la demande de la fonctionnaire figurent déjà dans la description de travail générique (pièce 3, onglet 4). En ce qui concerne les analyses et les recherches juridiques réalisées par la fonctionnaire, Mme McGregor a affirmé que l’étendue des travaux de recherche juridique se limitait à rechercher les montants de dommages alloués dans des circonstances similaires. Aucun travail de recherche n’a besoin d’être effectué sur les dommages spéciaux, car il s’agit de frais remboursables. En outre, les agents de subrogation ne sont pas chargés de produire des rapports statistiques. Ils recueillent et rapportent l’information. La collecte et l’organisation de l’information ne constituent pas une analyse statistique.

29 À la question visant à déterminer quelle était sa principale objection à la description de travail rédigée par la fonctionnaire, Mme McGregor a déclaré qu’il s’agissait des allégations concernant la discrétion exclusive et les pouvoirs exclusifs. De tels pouvoirs ne sont pas délégués aux agents de subrogation. Ce n’est pas parce qu’une mesure prise par un employé n’est pas examinée lorsqu’elle est mise en œuvre que cela signifie qu’elle ne peut pas faire l’objet d’un examen. Un agent de subrogation formé et qualifié est soumis à une moindre supervision qu’un agent moins qualifié. Tous les agents sont censés discuter des situations hors de l’ordinaire avec leur gestionnaire. Si l’avocat de Justice Canada n’est pas d’accord avec un agent de subrogation, l’avocat renvoie la question au prochain niveau de la voir hiérarchique, qui la renverra à son tour au bureau de la LIAE à l’administration centrale. L’avocat ne suit pas aveuglément les instructions de l’agent de subrogation. L’affirmation que les agents de subrogation disposent des pouvoirs exclusifs de régler les demandes d’indemnisation est absolument incorrecte. Ils n’ont ni les pouvoirs délégués ni les pouvoirs financiers pour ce faire.

30 Lors du contre-interrogatoire, beaucoup de temps a été consacré à la question des pouvoirs exclusifs des agents de subrogation par rapport aux pouvoirs délégués à ceux qui se situent au niveau supérieur de la voie hiérarchique. Les pouvoirs permettant de régler les demandes d’indemnisation sont détenus par le directeur régional et ne sont pas délégués aux agents de subrogation. La pièce 8 représente l’organigramme dans le cadre duquel Mme McGregor, Mme Silvester et la fonctionnaire exercent leurs fonctions. La pièce 6 est un extrait du document [traduction] « Délégation de pouvoir » de RHDCC en lien avec la LIAE. Cet extrait énonce clairement que l’approbation d’un recours contre un tiers relève du niveau du directeur régional ou d’une personne occupant un rang plus élevé dans la voie hiérarchique. Il n’est nulle part mentionné dans le document portant sur la délégation que les agents de subrogation disposent du niveau d’autorité approprié. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait délégué ses pouvoirs, Mme McGregor a répondu qu’elle n’avait pas le droit de le faire. Un agent de subrogation s’engage à conclure un accord avec un tiers, sous réserve de l’approbation du directeur régional.

31 L’organigramme de la LIAE (pièce 3, onglet 12) est exact en tant que diagramme du processus, mais il ne comprend pas le cadre de gestion. Les agents de subrogation peuvent communiquer avec leur gestionnaire et reçoivent une aide technique de la part de l’administration centrale. Ils assistent à des réunions sur les cas et ont des discussions avec leur gestionnaire et leurs pairs; ils ont par ailleurs accès à l’expertise de Justice Canada. Dans chaque encadré de l’organigramme de la LIAE, c’est le gestionnaire qui est responsable. Si un problème survient, le gestionnaire est à la disposition des employés pour apporter son aide et prodiguer des conseils. Si un employé fait son travail correctement, alors on lui fera confiance pour reconnaître les questions qui sortent de la norme et les communiquer à son gestionnaire.

32 Selon Mme McGregor, la description de travail de l’employeur englobe toutes les fonctions des agents de subrogation. La description de travail soumise par la fonctionnaire décrit des tâches et non des activités.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

33 Ce grief traite du fait que l’employeur a manqué à son obligation de fournir une description de travail exhaustive et à jour. L’employeur a admis en fournissant une description de travail mise à jour dans sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs que la description de travail était inexacte. L’onglet 15 de l’énoncé 3 reflète avec exactitude les attributions de la fonctionnaire, contrairement à l’onglet 4 de l’énoncé 3.

34 Pour être complète, la description de travail ne doit pas omettre de mentionner une fonction ou une responsabilité particulière du fonctionnaire. Il n’est pas nécessaire qu’elle décrive dans le menu détail les activités à accomplir pour s’acquitter d’une fonction donnée (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2012 CRTFP 86, au paragraphe 65).

35 La fonctionnaire est tenue d’être continuellement au fait de la jurisprudence et de la législation actuelles, lesquelles changent rapidement, comme en conviennent Mme Silvester et Mme McGregor. La description de travail actuelle ne mentionne pas cela. L’exigence de donner des consignes à l’avocat de Justice Canada durant la procédure judiciaire est également omise. Une fois encore, Mme Silvester et Mme McGregor ont convenu que les agents de subrogation donnaient des instructions aux avocats de Justice Canada. Lors de son interrogatoire principal, Mme Silvester a appuyé l’organigramme de la LIAE  (pièce 3, onglet 12), affirmant que personne ne contrôlait la prise de décision d’un agent de subrogation. C’est une grande responsabilité que de soutenir la responsabilité fiduciaire de la Couronne à l’égard des travailleurs accidentés et de donner des consignes aux conseillers juridiques.

36 Il n’est pas contesté que la fonctionnaire supervise les administrateurs des demandes d’indemnisation de son bureau. En son absence, un autre agent de subrogation est tenu de les superviser.

37 Les ajouts apportés par la fonctionnaire à sa description de travail (pièce 3, onglet 14 et 15) sont appropriés et exacts. Ils démontrent l’étendue de ses pouvoirs. La pièce 6, soit le document sur la délégation de pouvoir, est inexacte. L’employeur n’a pas réussi à démontrer que Mme McGregor détenait les pouvoirs pour régler les recours par subrogation. Mme McGregor ne joue aucun rôle ou n’assure aucune supervision en ce qui concerne les décisions prises par les agents de subrogation. Si elle joue un certain rôle, il se limite à veiller à ce que les chiffres soient exacts. Elle exerce un contrôle sur la négligence dans l’exécution des fonctions de l’agent de subrogation, uniquement si l’agent réussit à conclure une entente. À titre subsidiaire, si la fonctionnaire ne dispose pas des pouvoirs exclusifs, elle détient des pouvoirs quant à son autonomie, car elle n’est pas soumise à une quelconque surveillance.

38 Le rôle de Mme McGregor est de nature administrative et n’est pas basé sur son seul pouvoir décisionnel. Elle s’occupe de simples formalités à la fin du processus. Le témoignage de Mme McGregor parle de lui-même. Elle a démontré qu’elle n’était ni un témoin fiable, ni crédible, et son témoignage doit être remis en question. Elle ne savait pas comment les affaires de subrogation fonctionnaient. Elle a uniquement des pouvoirs en ce qui concerne les demandes d’indemnisation ne faisant pas l’objet de subrogation. Selon le représentant de la fonctionnaire, Mme McGregor ne détenait pas de pouvoirs en ce qui concerne le règlement des recours par subrogation.

39 Mme McGregor n’a pas fourni d’exemples concernant les cas où l’autonomie de l’agent de subrogation est soumise à des modifications ou des changements. Le fait qu’elle ait cru comprendre qu’elle devait signer la quittance est erroné en droit. La Couronne est liée par une entente négociée par un officier de subrogation. Un manquement à une promesse de règlement ne modifie pas l’accord qui a été passé. L’employeur se fie à la fonctionnaire sans examiner la nature de la demande d’indemnisation. Il n’a pas été démontré qu’il existe un droit de faire appel d’une décision de l’agent de subrogation. Il n’existe pas de processus pour faire appel de décisions défavorables.

40 Tous ont corroboré l’exigence des déplacements.

41 Le grief devrait être accueilli et la description de travail présentée par la fonctionnaire (pièce 3, onglet 15) devrait remplacer la description de travail actuelle.

B. Pour l’employeur

42 Selon la prépondérance des probabilités, il incombe à la fonctionnaire de démontrer que la description de travail actuelle est incomplète. En l’espèce, la description de travail générique utilisée est conforme à la convention collective pertinente; tant que les activités sont décrites, même de manière générale, elle est suffisante. Il n’y a pas de format précis à utiliser et aucune ligne directrice indiquant la manière dont les fonctions doivent être décrites (voir Cairns et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CRTFP 130). L’accent doit être mis sur les fonctions plutôt que sur les caractéristiques de la personne qui les exerce. Il n’y a aucune exigence liée à la description de l’incidence, des conditions de travail et des études requises dans une description de travail.

43 Une distinction doit être établie entre les fonctions d’un employé et ses responsabilités. Il n’est pas rare que les descriptions de travail (en particulier celles qui sont censées s’appliquer à un certain nombre de postes à travers le pays) soient rédigées en utilisant des termes assez généraux. Une description de travail peut être incomplète dans le sens où la mention d’une fonction ou d’une responsabilité en particulier pourrait être omise. Cela ne signifie pas que l’énoncé doit « […] préciser dans les moindres détails toutes les variations ou combinaisons de fonctions possibles » (voir Fedun et al c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Impôt), dossiers de la CRTFP 166-02-28278 à 28288 (19980611) au paragraphe 31). [Traduction] « Il n’est pas indispensable qu’une description de travail contienne une liste détaillée de toutes les activités exercées dans le cadre d’une tâche particulière. Il n’est pas nécessaire non plus qu’elles décrivent par le menu la façon dont ces activités sont exercées » (voir également Jaremy et al. c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Accise, Douanes et Impôt), 2000 CRTFP 59, au paragraphe 24)

44 Toutes les tâches dont la fonctionnaire doit s’acquitter figurent dans la description de travail actuelle. Si une tâche n’est pas incluse, cela signifie qu’elle ne fait pas partie de ses responsabilités. La fonctionnaire n’est pas la seule responsable des tâches dont elle s’acquitte. Elle a une superviseure qui est également responsable de ces tâches et qui y veille lors des réunions quotidiennes ou hebdomadaires. En définitive, le dernier mot revient toujours à la superviseure. Lorsque la superviseure atteste et approuve le déblocage des fonds placés sous son autorité en vertu de l’article 34 de la LGFP, elle signifie ainsi son accord et indique que la demande est adéquate. Si elle n’est pas d’accord, elle peut ne pas tenir compte de l’avis de la fonctionnaire. La directrice régionale est responsable de tous les employés et de leur travail dans son cadre de gestion. Les agents de subrogation n’ont aucun pouvoir en vertu de l’article 34 de la LGFP.

45 La fonctionnaire ne s’est pas acquittée de la charge qui lui incombait et le grief devrait être entièrement rejeté. 

IV. Motifs

46 Afin de démontrer qu’il y a eu violation de la convention collective pertinente, il incombe à la fonctionnaire de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les éléments qu’elle a mis en évidence, qui font partie intégrante des fonctions de son travail, ne sont pas dans la description de travail actuelle (voir Jennings et Myers c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2011 CRTFP 20, au paragraphe 52).

47  En l’espèce, la fonctionnaire a allégué que l’employeur avait contrevenu à la convention collective applicable en omettant d’inclure la discrétion exclusive et les pouvoirs exclusifs qu’elle exerçait dans le cadre de ses fonctions à titre d’agent de subrogation. Elle a également inclus des références à son rôle de superviseure et au besoin d’effectuer des déplacements dans la description de travail générique, qui s’applique à elle et au groupe de fonctionnaires s’estimant lésés qu’elle représente.

48 Un grand nombre des changements que la fonctionnaire souhaite apporter à la description de travail sont de nature rédactionnelle ou visent à [traduction] « polir le texte », pour ainsi dire. Mon rôle ne consiste pas à corriger la formulation ou les expressions qui sont utilisées, tant qu’elles décrivent de manière générale les responsabilités et les fonctions exercées (voir Jarvis et al. c. Conseil du Trésor (Industrie Canada), 2001 CRTFP 84, au paragraphe 95). Par exemple, mon rôle n’est pas de déterminer si le terme « complexe » doit être ajouté pour décrire la recherche, tel qu’il a été suggéré par la fonctionnaire. Le fait que la description de travail générique renvoie à l’exigence de réaliser des travaux de recherche est suffisant.

49 Le témoin de l’employeur a présenté la description de travail proposée par la fonctionnaire comme étant une liste de tâches. Je suis d’accord avec cette appréciation. La description de travail proposée (pièce 3, onglet 15) réduit l’organigramme du processus de subrogation (pièce 3, onglet 12) à des mots. Il s’agit en fait d’une description verbeuse et très longue du processus et du rôle qu’y joue la fonctionnaire. Il ne s’agit pas d’une description du poste visant à déterminer les principaux objectifs et les principales fonctions d’un poste et la manière dont ce poste contribue à la réalisation globale des objectifs de l’employeur.

50 Une grande partie des témoignages et des arguments portaient sur les [traduction] « pouvoirs exclusifs » de la fonctionnaire de régler des recours par subrogation et l’autonomie avec laquelle elle travaille. Le représentant de la fonctionnaire voudrait me faire croire que la fonctionnaire travaille sans la moindre supervision, même si elle rend compte à la gestionnaire du Service fédéral d’indemnisation des accidentés du travail. La fonctionnaire et ses collègues assistent de manière hebdomadaire, si ce n’est quotidiennement, à des conférences de cas avec leur gestionnaire où ils discutent de leurs dossiers. Le fait qu’elle soit une agente de subrogation ayant plus d’expérience que certains de ses collègues ne signifie pas que la fonctionnaire travaille sans supervision ou que ses décisions ne font pas l’objet d’un examen par ceux qui occupent un rang supérieur dans la voie hiérarchique. De plus, l’argument avancé selon lequel les instructions qu’elle donne aux conseillers juridiques sont définitives et ne sont pas examinées est inexact, puisque les avocats de Justice Canada qui ne sont pas d’accord avec ses instructions soulèvent ces questions à leurs supérieurs, selon la voie hiérarchique à Justice Canada, qui communiquent à leur tour avec le bureau responsable du traitement des recours par subrogation de l’administration centrale. 

51 L’argument de la fonctionnaire selon lequel elle dispose de [traduction] « pouvoirs exclusifs » pour régler les demandes d’indemnisation en l’absence de pouvoirs délégués en vertu de l’article 34 de la LGFP n’a aucun fondement juridique, malgré l’argument de son représentant selon lequel l’approbation de la directrice régionale du règlement ne constitue qu’une simple formalité. La directrice régionale détient des pouvoirs délégués par la LIAE dans sa région, et elle a le pouvoir en dernier ressort de finaliser un règlement. Tout paiement relatif à des demandes de subrogation est autorisé soit par Mme Silvester, soit par Mme McGregor, les deux détenant le pouvoir de signature en vertu des articles 32 et 34 de la LGFP. La fonctionnaire ne détient pas un tel pouvoir.

52 La description de travail générique (pièce 3, onglet 4) comprend des références à la supervision du personnel et aux déplacements qui suffisent à décrire les activités de supervision et les déplacements qu’exige le poste. Il est suffisant de dire, comme il est énoncé dans la description de travail, qu’un agent de subrogation [traduction] « […] pourrait être tenu de superviser le personnel pour répondre aux besoins opérationnels régionaux ». Il suffit également de dire [traduction] « […] le titulaire pourrait être tenu d’effectuer des déplacements plusieurs fois par année pour assister à des réunions, des formations, des témoignages ou des audiences dans des tribunaux ou pour mener des enquêtes », pour décrire le nombre limité de déplacements décrits par la fonctionnaire.

53 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

54 Le grief est rejeté.

Le 22 avril 2013.

Traduction de la CRTFP

Margaret T.A. Shannon,
arbitre de grief

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