Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté son licenciement qui a été effectué pour des raisons d’ordre administratif en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques - avant l’audience, l’arbitre de grief a pris plusieurs mesures procédurales pour assurer la divulgation des documents et a émis citations à comparaître - l’audience a débuté, mais elle a été ajournée plus tôt que prévu en raison de problèmes liés à la divulgation de documents - la fonctionnaire s’estimant lésée a choisi de ne pas témoigner - puisque la fonctionnaire s’estimant lésée a laissé des dizaines de messages téléphoniques au greffe de la Commission, dont un grand nombre n’avaient aucun rapport avec l’affaire en l’espèce, l’arbitre de grief l’a instruite de communiquer dorénavant par écrit seulement avec la Commission - la fonctionnaire s’estimant lésée a continué de communiquer avec le greffe de la Commission par téléphone - l’audience a repris - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas procédé au contre-interrogatoire prévu d’un témoin - elle a fait allusion à son intention de présenter une demande de récusation, puis elle a quitté l’audience pour aller chercher des documents supplémentaires - la fonctionnaire s’estimant lésée n’est pas revenue et n’a pas présenté de demande officielle de récusation - l’arbitre de grief a averti la fonctionnaire que si elle persistait à ne pas répondre, il se prononcerait sur le fond du grief en s’appuyant sur les seuls éléments de preuve présentés - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas présenté de demande officielle de récusation et n’a pas donné suite à la correspondance du greffe de la Commission - l’arbitre de grief a donc tranché le grief en se fondant sur la preuve présentée jusque-là - l’arbitre de grief a conclu, sur le fond, que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas justifié ses absences du travail sur une période de 17 mois - la fonctionnaire s’estimant lésée avait été avertie à maintes reprises, de façon claire et explicite, qu’elle devait fournir de l’information médicale et remplir des formulaires de demande de congé, sinon elle était passible d’un licenciement pour des raisons d’ordre administratif - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas respecté les instructions et la correspondance de l’employeur, et elle était en congé non autorisé - elle était réputée avoir abandonné son poste- le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée par l’employeur était fondé. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-06-04
  • Dossier:  566-02-5034
  • Référence:  2013 CRTFP 65

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MARIA OKRENT

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada)

défendeur

Répertorié
Okrent c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésée:
Elle-même

Pour le défendeur:
John Jaworski et Martin Desmeules, avocats

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
les 26 et 29 juin 2012 et le 18 mars 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Maria Okrent, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), travaillait pour le ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (« TPSGC », ou l’« employeur ») à titre d’analyste financière principale au bureau régional de Toronto de TPSGC. Le 18 février 2010, l’employeur a licencié la fonctionnaire. Le 29 mars 2010, elle a présenté un grief contestant la décision de l’employeur de la licencier. Le 25 novembre 2010, l’employeur a répondu au grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le 10 janvier 2011, le grief a été renvoyé à l’arbitrage. L’employeur n’a soulevé aucune question relativement au respect des délais. Par ailleurs, sur l’avis de renvoi à l’arbitrage du grief, la fonctionnaire a indiqué que son syndicat ne la représentait plus.

2 La lettre de licenciement, datée du 18 février 2010, a été signée par Alex Lakroni, dirigeant principal des finances par intérim de l’employeur. Cette lettre se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Le ministère vous a écrit à maintes reprises depuis octobre 2008 au sujet de votre absence du bureau. L’objet de ces communications était d’établir la nature de votre congé et de s’assurer que vous disposiez de tous les renseignements pertinents en ce qui concerne vos options de congé. Nous vous avons également transmis certaines informations afin de nous assurer que vous étiez au courant de vos droits en vertu de la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor, étant donné que vous aviez correspondu à ce sujet avec le ministère.

Vous êtes absente du bureau depuis le 3 septembre 2008 et nous n’avons pas reçu à ce jour les informations demandées au sujet de votre congé. Malgré nos nombreuses tentatives visant à obtenir ces informations de votre part, vous avez persisté à ne pas nous fournir la documentation demandée au sujet de vos intentions en ce qui a trait à votre emploi au ministère. Je constate par ailleurs que le ministère n’a reçu aucune information au sujet de votre plainte de harcèlement.

Cette affaire traîne maintenant depuis déjà plus d’un an. Dans la dernière correspondance, remontant au mois de septembre et octobre 2009, on vous a avisé que faute de réponse de votre part, une recommandation de licenciement s’ensuivrait. Dès lors que vous n’avez manifesté aucune volonté de résoudre la présente affaire, je conclus que le ministère n’a pas eu d’autre choix que de procéder à votre licenciement.

Par conséquent, conformément aux pouvoirs qui me sont conférés en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques, je prononce votre licenciement motivé du poste que vous occupez auprès de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Le dernier jour de votre emploi au sein de la fonction publique fédérale sera la date de la présente lettre, à la fermeture des bureaux.

En cas de désaccord de votre part relativement à cette décision, vous pouvez présenter un grief conformément aux dispositions de votre convention collective, et ce, dans un délai de vingt-cinq (25) jours ouvrables à compter de la réception de la présente lettre.

[…]

3 À la rubrique [traduction] « détails relatifs au grief », la fonctionnaire a écrit qu’elle contestait la lettre de licenciement datée du 18 février 2010. À la rubrique portant sur la mesure de redressement demandée, elle a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Que je sois réintégrée rétroactivement à la date du 18 février 2010 et que je sois indemnisé intégralement à compter de cette date.

  • copie du dossier des ressources humaines faisant état des perturbations de service et des évaluations
  • une lettre d’excuses
  • le versement rétroactif de mon salaire
  • le rétablissement rétroactif de ma rémunération, à l’échelon approprié
  • une copie de ma description de travail et des versions révisées à compter de mon entrée en fonction au poste FI-02
  • les possibilités d’avancement professionnel dont on m’a privé en raison des prétendues perturbations en raison de mon congé de maladie
  • les indemnités pécuniaires pour douleur, souffrance, perte de possibilité, congés divers, etc.
  • un congé personnel payé, car certains préjudices ne se réparent pas financièrement
  • des critères d’évaluation pour le remboursement de frais de cours
  • l’indemnisation intégrale des congés de maladie inscrits au système, sans raison – c.-à-d. pas une exigence de ma part ni de mes collègues, mais j’ai insisté sur cela, car je voulais m’assurer que chacune de mes absences soit dûment motivée en raison de la relation non existante (« irrespectueuse », etc.)

[…]

II. Le processus

4 L’audience du grief devait tout d’abord avoir lieu du 20 au 23 septembre 2011, à Toronto. À la fin du mois d’août 2011, la fonctionnaire a téléphoné au greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») à plusieurs reprises afin de s’enquérir au sujet de diverses questions, notamment la citation des témoins et la rétribution, la confidentialité, et la non-publication des débats. Compte tenu des documents que j’ai versés au dossier jusqu’alors, la Commission a écrit aux parties, à ma demande, pour s’enquérir de leur disponibilité afin de participer à une conférence téléphonique préparatoire pour discuter du déroulement de l’audience et des modalités. La fonctionnaire a fait savoir qu’elle ne participerait pas à la conférence préparatoire. Compte tenu des circonstances de cette affaire et du fait que la fonctionnaire se représentait elle-même, j’ai estimé qu’une telle conférence était nécessaire pour assurer le bon déroulement de l’audience. Par ailleurs, il était particulièrement difficile de communiquer directement avec la fonctionnaire. Elle ne répondait pas au téléphone la plupart du temps et n’a pas donné d’adresse courriel ou de numéro de télécopieur; elle a dit à la Commission qu’elle n’était pas en mesure d’aller chercher les envois par courrier recommandé qui lui étaient destinés. De plus, elle téléphonait à la Commission en dehors des heures de bureau, laissant plusieurs messages dont un grand nombre contenaient des renseignements n’ayant aucun rapport avec l’affaire en cours.

5 Le 3 octobre 2011, la Commission a mis au rôle provisoirement l’audience; les dates prévues allaient du 24 au 27 avril 2012 et l’audience devait se dérouler à Toronto. Peu après, l’employeur a fait savoir qu’il n’était pas disponible à ces dates. Le 8 novembre 2011, le greffe a communiqué par écrit avec les parties pour connaître leur disponibilité respective en vue d’une audience en mai ou en juin 2012. À la suite de cette consultation, la tenue de l’audience a été fixée pour les dates du 26 au 29 juin 2012. Une conférence téléphonique préparatoire à l’audience a eu lieu le 2 mars 2012. Il y a eu plusieurs discussions durant cette conférence et au cours des semaines précédant immédiatement l’audience à propos de la divulgation de renseignements à la fonctionnaire par l’employeur et de la citation à comparaître des témoins. Le 24 mai 2012, le greffe de la Commission a envoyé à la fonctionnaire la lettre qui suit :

[Traduction]

[…]

La présente constitue un rappel au sujet de notre récente correspondance concernant la divulgation de documents et de la citation à comparaître des témoins en vue de l’audience prochaine de votre grief, ainsi qu’une réponse à votre lettre datée du 10 mai 2012.

Récapitulation

Le 2 mars 2012, l’arbitre de grief a tenu une conférence téléphonique préparatoire avec les parties afin de discuter de diverses questions en vue de l’audience prochaine de votre grief. Le jour même, on vous a envoyé une lettre vous rappelant la marche à suivre en ce qui a trait à la divulgation des documents et la citation à comparaître des témoins éventuels.

Dans cette lettre, on vous a demandé de nous fournir au plus tard le 19 mars 2012 une liste détaillée de tous les documents que vous voulez que l’employeur divulgue, en précisant, si possible, le titre des documents, leurs auteurs, et les dates ou l’époque à laquelle ces documents auraient été produits. On vous a également demandé de préciser les raisons pour lesquelles ces documents étaient pertinents à votre grief. L’arbitre de grief vous a informé par la même occasion qu’il ne rendrait pas d’ordonnance de divulgation concernant des documents pour lesquels il ne disposerait pas des informations requises.

Également dans cette lettre, on vous a demandé de nous fournir au plus tard le 4 mai 2012 la liste des témoins que vous souhaitiez citer comme témoin à l’audience, en précisant leur titre de poste afin de faciliter leur repérage. Vous deviez également expliquer en quoi leur témoignage était pertinent à votre grief. L’arbitre de grief vous a informé qu’il ne citerait pas de témoin à comparaître pour lesquels il ne disposerait pas des informations requises.

Le 20 mars 2012, vous avez répondu à notre lettre datée du 2 mars 2012. L’arbitre de grief a étudié votre demande de divulgation de documents de même que la réponse du défendeur à cette demande. Le 16 avril 2012, il vous a informé qu’il estimait convenable et raisonnable la position du défendeur à cet égard. L’arbitre de grief vous a alors demandé d’expliquer ce que vous vouliez obtenir avant qu’il soit en mesure de décider ce qu’il y avait lieu de vous divulguer. Vous deviez fournir ces explications au plus tard le 30 avril 2012.

Les 24 et 26 avril 2012, vous nous avez envoyé plusieurs pages de notes manuscrites se rapportant à la divulgation de certains documents. Le 1er mai 2012, l’arbitre de grief vous a informé qu’à partir de ces notes, il n’était pas en mesure d’ordonner la divulgation de quelque document que ce soit. Par la même occasion, on vous a rappelé de nous communiquer au plus tard le 9 mai 2012 la liste des témoins que vous souhaitiez citer à comparaître à l’audience en précisant en quoi leurs témoignages étaient pertinents à votre grief.

Votre demande du 10 mai 2012

Le 10 mai 2012, vous écriviez notamment ceci : « […] jusqu’à ce que la CRTFP précise quels renseignements elle s’attend que je lui fournisse, afin d’avoir accès aux renseignements contenus dans les dossiers que je souhaite obtenir. Je ne suis pas du tout en mesure de fournir les noms des témoins éventuels ni les informations justifiant leur citation à comparaître à l’audience. […] ». Vous avez ajouté que vous aviez « […] des motifs suffisants justifiant non seulement la citation à comparaître de Jane Robertson mais également son interrogatoire préalable à l’audience […] ». Vous avez alors fourni certaines précisions quant à la pertinence de son témoignage éventuel.

Quant à votre question sur la divulgation de documents, vous devez préciser en quoi les documents demandés sont pertinents à votre grief et, si possible, le titre des documents requis, leur auteur, et les dates ou l’époque à laquelle ces documents auraient été produits. L’énoncé de votre grief mentionnait ce qui suit : « Je conteste la lettre de licenciement datée du 18 février 2010. » Nous n’ordonnerons que la divulgation des documents se rapportant à votre grief ou à la teneur de la lettre de licenciement. Vous devez nous expliquer quel est le lien entre votre demande de communication de documents et la lettre de licenciement. Le même raisonnement s’applique en ce qui a trait à la citation des témoins à comparaître.

Vous demandez qu’une citation à comparaître soit signifiée à Mme Jane Robertson. Vous avez fourni quelques renseignements au sujet des motifs pour lesquels Mme Robertson devrait être citée à comparaître comme témoin lors de l’audience. Veuillez nous confirmer d’ici le 1er juin 2012 si les motifs que vous invoquez se rapportent à la lettre de licenciement. Nous avons également besoin du titre du poste occupé par Mme Robertson et son adresse de correspondance au travail. Je dois toutefois souligner que Mme Robertson ne sera pas convoquée à un interrogatoire préalable comme vous l’avez demandé; si elle est citée à témoigner, elle devra répondre à vos questions se rapportant à votre grief et à votre licenciement. L’employeur ainsi que l’arbitre de grief pourront également lui poser des questions

[Les passages en évidence le sont dans l’original].

6 À la suite de l’envoi de cette lettre à la fonctionnaire, plusieurs échanges ont eu lieu avec cette dernière avant l’audience du mois de juin 2012 à propos de la divulgation de documents et de la citation à comparaître de témoins. Une des dernières demandes de la fonctionnaire concernait la citation à comparaître de deux témoins qui auraient été impliqués dans certains incidents survenus en 2006 que la fonctionnaire n’était toutefois pas en mesure de relier à son licenciement en 2010. À cet égard, le 21 juin 2012, le greffe a fait parvenir à la fonctionnaire la lettre suivante :

[Traduction]

[…]

L’arbitre de grief a pris connaissance de votre lettre transmise par télécopie et datée du 20 juin 2012, et décidé de ne pas citer à comparaître Mme Judy Harris ni Mme Karen Beck lors de l’audience qui aura lieu du 26 au 29 juin 2012. Vous n’avez pas établi en quoi ces deux personnes avaient un rapport avec votre licenciement survenu en février 2010, votre licenciement étant, faut-il le rappeler, l’objet de votre grief. L’audience qui aura lieu prochainement portera sur votre licenciement de 2010 et non sur quelque incident ayant pu se produire en 2006. Il aurait fallu contester ces incidents dans les vingt-cinq jours suivant la survenance de ces incidents, délai échu depuis longtemps.

Dans le dernier paragraphe de votre lettre, vous avez indiqué que vous n’agiriez pas dans votre « défense légale » et « [qu’]une transcription sera essentielle en prévision d’un appel » interjeté en votre nom. Vous avez ajouté que vous entendiez « utiliser uniquement l’audience pour obtenir des informations afin d’obtenir la communication [de renseignements] ». L’arbitre de grief désire vous aviser qu’aucun dispositif d’enregistrement ne sera admis dans le cadre de l’audience et qu’aucune transcription ne sera produite à la suite de l’audience. L’employeur présentera d’abord ses arguments à l’appui de sa décision de vous licencier. Ensuite, vous devrez présenter vos arguments en contestation de la décision de l’employeur de vous licencier. L’audience ne se limite pas à la recherche des faits et son objet n’est pas la communication de renseignements à un fonctionnaire s’estimant lésé. Vous devez notamment savoir que l’arbitre de grief décidera si l’employeur avait effectivement le droit de vous licencier. Aussi, en vertu du paragraphe 233(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la décision de l’arbitre de grief est définitive. Veuillez vous préparer en conséquence.

7 L’audience a eu lieu du 26 au 28 juin 2012. Elle a été ajournée un jour avant la fin prévue parce que la fonctionnaire voulait consulter certains documents pour finir son contre-interrogatoire d’un des témoins de l’employeur. La fonctionnaire avait alors entrepris son contre-interrogatoire d’un témoin de l’employeur, soit M. Charles Spivak, mais ne l’avait pas terminé. À la fin du mois de juin 2012, le rôle d’audience de la Commission pour le mois de janvier 2013 avait déjà été établi. Le 5 juillet 2012, le greffe a écrit aux parties afin de s’enquérir de leurs disponibilités pour le mois de février 2013 pour la reprise de l’audience. La fonctionnaire a alors indiqué qu’elle était disponible en février 2013, mais l’employeur a fait savoir qu’il ne l’était pas. Le 26 juillet 2012, les parties ont été avisées que l’audience aurait lieu du 18 au 22 mars 2013. À ma demande, ces dates ont été changées pour la période du 18 au 20 mars 2013.

8 Entre-temps, la fonctionnaire a continué de laisser des dizaines de messages téléphoniques au greffe, plusieurs dont la teneur n’avait rien à voir avec l’affaire en l’espèce. Le 16 juillet 2012, à ma demande, le greffe lui a écrit pour lui demander de bien vouloir communiquer dorénavant uniquement par écrit pour faciliter la gestion de son dossier par la Commission. La fonctionnaire a fait fi de cette demande. En 2012 et au début de 2013, le greffe a pris connaissance de la plupart des messages téléphoniques ainsi laissés par la fonctionnaire bien que, comme mentionné précédemment, une bonne partie de ce qui était relaté n’était que peu sinon pas du tout pertinent à l’affaire en l’espèce. Toutefois, certains de ces messages avaient trait à l’audience de mars 2013 et à certaines questions de procédure. Afin d’éviter tout malentendu à cet égard, le greffe a envoyé à la fonctionnaire, à ma demande, la lettre suivante le 28 janvier 2013 :

[Traduction]

[…]

Tel qu’il est mentionné dans ma lettre datée du 16 juillet 2012, on vous a demandé de bien vouloir communiquer dorénavant uniquement par écrit afin de faciliter la gestion de votre dossier par la Commission et la tenue à jour de votre dossier.

Ceci étant, la teneur de vos messages téléphoniques a néanmoins été communiquée à l’arbitre de grief et il m’a donné instruction de vous informer de ce qui suit :

Si la fonctionnaire a l’intention de demander un report de l’audience, la production de documents ou la délivrance de citations à comparaître, elle doit présenter ses demandes, le cas échéant, par écrit, et préciser brièvement les motifs pour lesquels elle en fait la demande.

[…]

9  Le 15 février 2013, la fonctionnaire a écrit à la Commission, s’opposant notamment à ma décision de raccourcir le temps d’audience prévu et faisant état de ses préoccupations au sujet de la divulgation de certains renseignements. Pendant ce temps, elle a continué à laisser beaucoup de messages téléphoniques au greffe de la Commission. Le 28 février 2013, à ma demande, le greffe lui a envoyé la lettre qui suit :

[Traduction]

[…]

Les communications précitées ont été portées à l’attention de l’arbitre de grief et j’ai reçu instruction d’informer les parties de ce qui suit :

Tel qu’il a été mentionné dans la lettre de la Commission datée du 1er février 2013, l’arbitre de grief désigné pour cette affaire est d’avis que trois jours d’audience devraient suffire pour mener à terme l’audience de la présente affaire.

Il convient ici de souligner que malgré plusieurs rappels à cet égard (formulés tant verbalement que par écrit), Mme Okrent continue de laisser de nombreux messages téléphoniques de longue durée dans la boîte vocale de la Commission. La présente se veut un dernier rappel à son intention que ses communications avec la Commission, dans le cours normal des activités, doivent être adressées par écrit.

De plus, une bonne partie de la teneur des messages téléphoniques récents de Mme Okrent semblent être de nature personnelle et sans rapport avec l’affaire en l’espèce. Le greffe de la Commission n’écoutera plus les messages téléphoniques de cette nature.

Enfin, en ce qui a trait à la demande de divulgation de documents présentée par Mme Okrent, il convient de rappeler à celle-ci que la façon de procéder à cet égard lui a été précisée dans la lettre de la Commission à ce sujet datée du 2 mars 2012 [dont l’extrait pertinent est cité ci-après].

Communication de documents

Vous devez nous fournir […] une liste détaillée de tous les documents que vous souhaitez que l’employeur divulgue, en précisant, si possible, le titre des documents, leurs auteurs, et les dates ou l’époque à laquelle ces documents auraient été produits.

Vous devez également préciser les raisons pour lesquelles ces documents sont pertinents à votre grief.

L’arbitre de grief ne rendra pas d’ordonnance de divulgation de documents concernant les documents pour lesquels il ne dispose pas des informations requises.

[…]

10 Tel qu’il a été prévu, l’audience a repris le 18 mars 2013, à Toronto. L’audience devait commencer à 9 h 30. La fonctionnaire est arrivée avec plus d’une heure de retard. Elle a expliqué qu’elle devait photocopier des documents et que le commerce où elle faisait ses photocopies n’était pas ouvert avant 9 h 30.

11 Je reviendrai plus tard dans cette décision à la preuve présentée par l’employeur ainsi qu’aux détails du contre-interrogatoire par la fonctionnaire des témoins de l’employeur lors de la partie de l’audience ayant eu lieu au mois de juin 2012. Il suffira de dire pour l’instant que, le 18 mars 2013, le premier point à l’ordre du jour était que la fonctionnaire termine le contre-interrogatoire de M. Charles Spivak qu’elle n’avait pas achevé à la levée de l’audience du 27 juin 2012. Cela n’a pas eu lieu. Ainsi, à partir d’environ 10 h 45 jusque vers 12 h 15, la fonctionnaire a soulevé des questions au sujet de la divulgation de documents et de la transcription de la teneur des messages téléphoniques qu’elle avait laissés à M. Spivak. Elle voulait également produire en preuve ses notes personnelles se rapportant à ces messages téléphoniques, afin d’interroger M. Spivak à partir de ces notes. Mais elle voulait tout d’abord expurger ses observations manuscrites de ce document avant de le produire en preuve.

12 Par ailleurs, la fonctionnaire m’a fait part de son insatisfaction quant à mes décisions antérieures sur ses demandes de divulgation de renseignements et de citation à comparaître de témoins, ainsi qu’à ma façon d’instruire l’affaire. Elle a proposé que je me récuse, estimant que je n’étais pas impartial à son égard. Je l’ai informée qu’elle devrait alors présenter une demande de récusation appuyée de ses arguments au soutien de sa demande de récusation. Je lui ai aussi expliqué que l’employeur aurait également l’occasion de présenter ses arguments à ce sujet. Enfin, je déciderais par la suite de l’opportunité de me récuser en me fondant sur le critère élaboré par la jurisprudence à cet égard.

13 Vers 12 h 15, j’ai suspendu l’audience pour la pause du midi. La fonctionnaire a demandé une pause plus longue que celle qui était normalement prévue, afin d’avoir le temps d’expurger ses notes personnelles concernant les messages téléphoniques qu’elle avait laissés à M. Spivak ou de préparer sa demande en récusation, auquel cas elle n’aurait pas besoin de travailler sur ses notes personnelles. Elle a convenu de revenir pour la reprise de l’audience à 14 h 30. À l’heure convenue, la fonctionnaire ne s’est pas présentée. Le greffe de la Commission a réussi à la joindre un peu plus tard, au téléphone. Elle a dit qu’elle ne reviendrait pas à l’audience et qu’elle présenterait plus tard par écrit une demande de récusation en bonne et due forme. J’ai alors décidé d'annuler les dates d’audience prévues pour le reste de la semaine.

14 Au cours des trois journées suivantes, la fonctionnaire a laissé de nombreux et longs messages téléphoniques auprès du greffe de la Commission. Il m’est alors apparu important de lui répéter de cesser d’employer cette méthode pour communiquer avec la Commission. Je voulais également préciser ses intentions quant à sa demande de récusation, afin d’être en mesure soit d’aller de l’avant avec cette affaire soit de demander l’affectation au dossier d’un autre arbitre de grief si je décidais que je devais me récuser en appliquant le critère juridique qui s’applique en matière de récusation. Le 22 mars 2013, j’ai demandé au greffe de la Commission de rédiger la lettre qui suit à l’intention de la fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

L’arbitre de grief saisi de l’affaire mentionnée en rubrique m’a donné instruction d’aviser les parties de ce qui suit, à savoir :

1. Demande de récusation

La présente fait suite à la reprise de l’audience dans l’affaire mentionnée ci-dessus, laquelle devait avoir lieu du 18 au 20 mars 2013 mais qui a été ajournée l’après-midi du 18 mars 2013 puisque la fonctionnaire s’estimant lésée n’est pas revenue à l’audience.

Le 18 mars 2013, soit le jour de la reprise de l’audience, l’audience devait en principe commencer à 9 h 30 comme précisé à l’avis d’audience transmis aux parties le 19 février 2013. Au cours de la matinée du 18 mars, la fonctionnaire s’estimant lésée a avisé le greffe de la Commission qu’elle devait photocopier certains documents avant l’audience. Elle est arrivée à l’audience vers 10 h 45, et l’audience a commencé peu après.

Le même jour, juste avant la pause du midi, une discussion a eu lieu au sujet de l’insatisfaction de la fonctionnaire s’estimant lésée au sujet de diverses questions. La fonctionnaire s’estimant lésée a demandé une courte pause pour lui permettre d’examiner, de modifier et de photocopier un document qu’elle voulait produire en preuve. Au même moment, la fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué qu’elle songeait présenter une demande de récusation à mon égard. J’ai accordé à la fonctionnaire une pause jusqu’à 14 h 30.

J’ai également alors clairement demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle revienne à la salle d’audience à 14 h 30, soit pour présenter ses arguments relativement à sa demande de récusation, soit pour entendre l’affaire sur le fond. Or, la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée à la reprise de l’audience.

J’ai alors demandé au greffe de la Commission de communiquer par téléphone avec la fonctionnaire s’estimant lésée afin de savoir où elle était et quelles étaient ses intentions. Elle a alors indiqué qu’elle ne reviendrait pas à l’audience et qu’elle présenterait plutôt par écrit une demande de récusation en bonne et due forme en plus de déposer une plainte au président par intérim de la Commission.

Dans l’éventualité où la fonctionnaire s’estimant lésée aurait l’intention de présenter une demande de récusation à mon égard, elle devrait le faire au plus tard le 12 avril 2013. Sa demande doit être présentée par écrit et préciser les motifs au soutien de sa demande. Ses arguments doivent répondre au critère juridique d’existence d’une cause raisonnable de crainte ou d’une probabilité raisonnable de partialité, tel qu’élaboré par la Cour suprême du Canada dans Committee for Justice and Liberty et al. c. L’Office national de l’énergie et al., [1978] 1 R.C.S. 369, à savoir :

« […] La crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question […] de façon réaliste et pratique? ».

De plus, comme requis dans Adams v. British Columbia (Workers’ Compensation Board) (1989), 42 B.C.L.R. (2d) 228 (B.C.C.A.), ses arguments doivent présenter [traduction] « […] suffisamment d’éléments de preuve démontrant que, de l’avis d’une personne raisonnable, il y a de bonnes raisons de craindre que la personne visée par la demande de récusation n’exercera pas son jugement en toute impartialité dans l’affaire […] un simple soupçon n’est pas suffisant […]. »

On peut consulter ces décisions à l’adresse http://www.canlii.org/fr/index.php.

Une fois la demande de récusation reçue, l’employeur aura l’occasion d’y répondre. Une fois les arguments écrits échangés de part et d’autre, la question sera renvoyée à l’arbitre de grief, lequel pourra alors rendre une décision basée sur les arguments écrits et les éléments consignés au dossier. Si l’arbitre de grief estime que des arguments supplémentaires sont nécessaires ou qu’une audience des parties est requise, les parties en seront avisées en conséquence.

2. Communications courantes avec la Commission

On a demandé à maintes reprises à la fonctionnaire de communiquer par écrit avec la Commission, dont récemment, par courrier envoyé aux parties le 28 février 2013. En dépit des directives qui lui ont été formulées très clairement à cet effet, la fonctionnaire a continué à communiquer avec la Commission au moyen d’appels téléphoniques et en laissant des messages téléphoniques. Nous notons qu’elle a laissé sur le système téléphonique de la Commission, et ce, au cours de la dernière semaine seulement, six longs messages téléphoniques. À l’exception du message avisant la Commission qu’elle se présenterait en retard à l’audience du 18 mars dernier, ses messages téléphoniques ne contenaient aucune information qui n’aurait pas pu être fournie par écrit. La présente vise à confirmer que, dorénavant, à moins que la Commission n’en avise autrement les parties, la Commission n’acceptera de la fonctionnaire que les communications écrites. Les appels téléphoniques et les messages téléphoniques ne seront plus acceptés. Il est rappelé à la fonctionnaire qu’elle peut transmettre ses communications écrites destinées à la Commission aux coordonnées suivantes :

[…]

15 La fonctionnaire n’a pas répondu à la lettre du 22 mars 2013 du greffe de la Commission. À ma demande, le 2 mai 2013, le greffe lui a envoyé la lettre qui suit :

[Traduction]

[…]

L’arbitre de grief saisi de l’affaire mentionnée ci-dessus m’a donné instruction d’aviser les parties de ce qui suit :

« Le 18 mars 2013, j’ai ajourné l’audience parce que la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’était pas présentée après la pause déjeuner, bien que je lui aie demandé de revenir avant 14 h 30. À son retour prévu à 14 h 30, elle devait produire en preuve un document qu’elle voulait tout d'abord réviser et modifier pendant la pause déjeuner, ou présenter ses arguments au soutien de sa demande visant ma récusation. Peu après 14 h 30, la fonctionnaire ayant fait défaut de se présenter, le greffe a joint la fonctionnaire s’estimant lésée au téléphone. Elle a alors indiqué qu’elle ne reviendrait pas à l’audience et qu’elle présenterait par écrit une demande de récusation en bonne et due forme.

Le 22 mars 2013, à ma demande, le greffe a écrit à la fonctionnaire s’estimant lésée et l’a invitée à présenter sa demande de récusation, par écrit, au plus tard le 12 avril 2013. La lettre du greffe lui expliquait aussi le critère juridique régissant les demandes de récusation d’un arbitre de grief. La fonctionnaire s’estimant lésée n’a jamais présenté la demande en question. Le 22 mars 2013, il a été rappelé à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’on lui avait demandé à plusieurs reprises de communiquer avec la Commission par écrit, mais elle a néanmoins continué à téléphoner aux bureaux de la Commission. On l’a aussi avisée, par une lettre du greffe datée du 12 avril 2013, que la Commission n’accepterait que les communications écrites de sa part et que les appels et les messages téléphoniques ne seraient plus acceptés. On lui a également rappelé l’adresse de correspondance de la Commission. Malgré ces directives, la fonctionnaire a continué de laisser des messages téléphoniques à la Commission, mais le personnel de la Commission n’écoute plus de ces messages.

Depuis le début de l’audience d’arbitrage, l’employeur a présenté sa preuve documentaire ainsi que ses témoignages. M. Charles Spivak a été le dernier témoin à être interrogé par l’avocat de l’employeur. La fonctionnaire s’estimant lésée a déjà contre-interrogé M. Spivak et ce, pendant deux jours. Le 18 mars 2013, lors de la reprise de l’audience, la fonctionnaire s’estimant lésée devait terminer son contre-interrogatoire, mais ne l’a pas fait, car elle a quitté l’audience et n’est pas revenue. Il était prévu qu’après son contre-interrogatoire de M. Spivak, la fonctionnaire s’estimant lésée ferait entendre comme témoin une ancienne conseillère des ressources humaines de l’employeur, Mme Ferguson. Aucun autre témoignage n’est prévu, la fonctionnaire s’estimant lésée ayant déjà indiqué qu’elle ne témoignerait pas à l’audience.

Afin de continuer l’instance, je donne par la présente instruction à la fonctionnaire s’estimant lésée de soumettre à la Commission par écrit, au plus tard le 24 mai 2013, les questions qu’elle entend poser à M. Spivak, en plus d’une copie du document qu’elle désirait déposer en preuve l’après-midi du 18 mars 2013. Ces questions doivent se rapporter aux événements ou aux faits ayant trait à son licenciement. J’examinerai alors ces questions et demanderai au greffe de communiquer celles qui sont pertinentes à M. Spivak pour qu’il y réponde par écrit. La fonctionnaire s’estimant lésée pourra demander des précisions à ces réponses si elle le souhaite. À la fin de cet exercice, je donnerai l’occasion à l’employeur de contre-interroger M. Spivak, par écrit.

Normalement, les témoignages sont rendus oralement devant un arbitre de grief. Toutefois, étant donné le fait que l’audience du mois de mars a été une perte de temps, puisque rien n’a été accompli et que pas une seule question n’a été posée à M. Spivak, j’ai décidé de recourir à ce procédé certes inusité pour faire avancer l’instruction de cette affaire et clore, dans la mesure du possible, le contre-interrogatoire de M. Spivak par la fonctionnaire s’estimant lésée.

Si la fonctionnaire s’estimant lésée ne présente pas par écrit les éléments précités d’ici au plus tard le 24 mai 2013, je pourrais conclure qu’elle est réputée avoir abandonné ou a effectivement abandonné son grief. Ou encore, je pourrais rendre une décision sur son grief en me fondant sur la preuve qui m’a été présentée jusqu’à présent. »

[…]

16 La fonctionnaire n’a pas répondu à cette lettre.

III. Résumé de la preuve

A. Introduction

17 Lors des journées d’audience de juin 2012, l’employeur a déposé en preuve vingt-trois documents. Il a cité Robert Fowlie, Catherine Vick, Jennifer Touhey, Mark Cann, Jean-Luc Caron et Charles Spivak à témoigner. Au moment du dépôt du grief, tous les témoins travaillaient à TPSGC. M. Fowlie était directeur des finances pour la région de l’Ontario; Mme Vick était directrice des ressources humaines de cette même région; Mme Touhey était conseillère principale en relations de travail du ministère; M. Cann était directeur des stratégies de transformation et des services (régions); M. Caron était directeur général de l’administration financière; M. Spivak était directeur des opérations financières de la région de l’Ontario.

18 La fonctionnaire a déposé en preuve cinq séries de documents. Il s’agissait notamment de courriels échangés entre elle, les représentants de l’employeur et son syndicat, la version de 2001 de sa description de travail, des notes personnelles ayant trait à des conversations téléphoniques entre elle et des représentants de l’employeur, ainsi que des notes versées au dossier écrites par M. Spivak en 2008.

19 La fonctionnaire m’a demandé de citer à témoigner divers représentants de l’employeur. Sauf en ce qui concerne Mme Jane Robertson, j’ai refusé d’y donner suite, car la fonctionnaire ne m’a jamais fourni quelque explication satisfaisante quant au lien entre le témoignage éventuel de ces témoins et son licenciement. Leur témoignage semblait plutôt avoir trait à des incidents survenus en 2006 qui n’avaient rien à voir avec son licenciement.

20 Quant à Mme Robertson, j’ai accepté de la cité à comparaître, même si je doutais que son témoignage puisse jeter quelque éclairage sur le licenciement de la fonctionnaire. Mme Robertson est aujourd’hui à la retraite. À l’époque de la présentation du grief, elle travaillait comme agente de relations de travail pour l’employeur au bureau régional de Toronto. Ce n’est pas elle qui a pris la décision de licencier la fonctionnaire. Toutefois, selon la fonctionnaire, Mme Robertson pourrait avoir été impliquée dans son licenciement. Finalement, Mme Robertson n’a pas témoigné. Je me dois ici d’ajouter que rien dans la preuve présentée à l’audience, y compris dans les longs contre-interrogatoires des divers témoins de la part de la fonctionnaire, ne peut m’amener à conclure que Mme Robertson ait eu quelque rôle dans la décision de licencier la fonctionnaire ou qu’elle y ait participé.

21 La fonctionnaire a fait savoir dès le début de l’audience qu’elle ne témoignerait pas. À plusieurs reprises durant l’audience, elle a demandé à produire en preuve certaines de ses notes personnelles. Je lui ai alors dit qu’il me serait difficile de les admettre en preuve sans qu’elle témoigne à l’audience. Elle a toutefois résolument maintenu sa position de ne pas témoigner. Lors de la reprise de l’audience le 18 mars 2013, je lui ai à nouveau suggéré qu’il pouvait être utile pour elle de témoigner si ce n’était que pour présenter sa propre preuve sur les faits ayant mené à son licenciement. Elle a maintenu sa position, expliquant qu’un avocat chevronné en relations de travail de Toronto, aujourd’hui décédé, lui avait conseillé qu’il valait mieux qu’elle ne témoigne pas.

22  Tout au long de l’audience, la fonctionnaire a tenté à maintes reprises de présenter en preuve des éléments se rapportant à des incidents portant sur des problèmes remontant à 2006 qui n’avaient rien à voir avec son licenciement. J’ai refusé d’admettre cette preuve, car elle n’a pas pu expliquer en quoi cette preuve était pertinente à son licenciement. Je lui ai expliqué à plusieurs reprises qu’il vaudrait mieux pour elle de se concentrer sur les raisons qui ont amené l’employeur à la licencier et sur la preuve qui pourrait me convaincre que l’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer que son licenciement était justifié.

B. Les éléments fondamentaux de la preuve

23 Les 12, 22 et 26 août 2008, la fonctionnaire a envoyé des courriels à divers représentants de l’employeur, y compris au sous-ministre de TPSGC. Elle leur a demandé de la retirer de la direction pour laquelle elle travaillait parce qu’elle estimait que le climat de travail y était toxique et qu’il lui causait un préjudice. Elle voulait également savoir quelles solutions pouvaient être envisagées pour l’aider à composer avec cette situation. Le 28 août 2008, Mme Vick a répondu à la fonctionnaire, l’informant qu’elle voulait la rencontrer avec son directeur afin de discuter de ses allégations et de sa demande de mesures d’adaptation. Le 2 septembre 2008, la fonctionnaire a répondu ceci à Mme Vick :

[Traduction]

[…]

En ce qui concerne votre demande de rencontre, cela est impossible aujourd’hui. Je dois préparer mon RGM ce matin parce que j’ai un rendez-vous chez le médecin cet après-midi. Par ailleurs, s’il a déjà été décidé de ne pas m’accorder une mesure d’adaptation, alors je ne vois pas l’utilité d’une telle rencontre. Vous et la direction dans son ensemble avez en main toute la documentation qu’il vous faut pour arriver à la décision qui s’impose. Ma situation nécessite une mesure d’adaptation. Je ne fais que fournir au sous-ministre la documentation que j’ai pour justifier ma position parce que je sais qu’il a le pouvoir d’écarter la décision.

[…]

24 Le 3 septembre 2008, la fonctionnaire a avisé l’employeur qu’elle ne se présenterait pas au travail parce qu’elle était malade. Vers le 22 septembre 2008, elle a soumis un certificat médical daté du 18 septembre 2008 dans lequel le médecin indiquait ce qui suit : [traduction] « Elle sera en mesure de retourner au travail lorsqu’une mesure d’adaptation aura été prise quant à sa demande de relever des personnes auxquelles elle doit fournir des services ». La fonctionnaire n’est jamais retournée au travail après le 2 septembre 2008.

25 Le 7 octobre 2008, Mme Vick a écrit à la fonctionnaire. Elle a notamment écrit ce qui suit relativement à sa demande de mesures d’adaptation :

[Traduction]

[…]

Vous avez aussi demandé une mesure d’adaptation. En matière d’adaptation, il faut fournir des informations satisfaisantes émanant d’un expert médical confirmant la nécessité de prendre une mesure d’adaptation en lien avec une invalidité, ainsi que des recommandations sur les moyens à prendre à cet égard. Nous avons reçu votre certificat médical, mais il ne précise pas ce type d’information. Afin d’obtenir des précisions à ce sujet, vous devez communiquer avec votre directeur, Charles Spivak, qui vous informera des communications requises de la part de votre médecin ou d’une éventuelle évaluation de la part de Santé Canada.

[…]

26 Le 15 décembre 2008, M. Cann a écrit à la fonctionnaire, lui rappelant notamment la demande de Mme Vick selon laquelle elle devait envoyer la documentation requise justifiant son congé. Il a précisé que si elle ne présentait un formulaire de congé dûment rempli, son congé pourrait être considéré comme étant une absence non autorisée.

27 Le 21 janvier 2009, Mme Touhey a écrit également à la fonctionnaire. Elle lui a rappelé notamment la teneur de la lettre du 7 octobre 2008 de Mme Vick portant sur les mesures d’adaptation. Elle a ajouté également ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Votre certificat médical a été reçu, mais il ne précise pas le type d’informations requises. Vous trouverez ci-joint un formulaire d’attestation médicale. La direction vous demande de présenter ce formulaire à votre médecin traitant afin qu’il ou elle le remplisse et de le retourner au ministère dans les meilleurs délais.

Nous désirons également vous aviser que la direction serait disposée, selon le cas, à faire examiner votre dossier médical par un spécialiste de Santé Canada afin d’en corroborer les conclusions. Je vous demanderais donc de veiller à ce que ceci soit dûment rempli et renvoyé à votre superviseur au plus tard le 1er février 2009.

À ce jour, la direction n’a pas reçu la documentation requise en ce qui a trait à votre congé de maladie. Je joins donc sous ce pli les formulaires de congé requis ainsi qu’une enveloppe préadressée et préaffranchie, que je vous demanderais de remplir et de renvoyer sans délai à l’attention de M. Charles Spivak, afin de confirmer votre demande de congé de maladie. Si vous ne soumettez pas sans délai les formulaires de congé requis, vos absences pourraient être considérées comme étant non autorisées. Il ne suffit pas de simplement présenter un certificat médical. L’employeur doit également autoriser le congé demandé.

[…]

28 Le 23 février 2009, M. Spivak a écrit à son tour à la fonctionnaire. Entre autres, il lui a rappelé qu’elle devait présenter la documentation requise pour justifier son congé et qu’elle ne l’avait pas encore fait jusqu’alors.

29 Le 2 avril 2009, M. Spivak a écrit de nouveau à la fonctionnaire. Dans sa missive, il lui a rappelé entre autres qu’elle devait présenter la documentation médicale requise. Il a précisé ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Il faudrait notamment qu’il y soit indiqué la date éventuelle de votre retour au travail, les recommandations de votre médecin traitant quant aux mesures que pourrait prendre la direction afin de donner suite à votre demande d’adaptation, et toute autre information pouvant faciliter votre retour au travail. Ainsi qu’il a été observé dans la correspondance précédente, un certificat médical a bel et bien été reçu en septembre 2008, mais il ne fournit pas précisément ce type d’information.

Je dois vous aviser que le défaut de fournir ces informations d’ici le 30 avril 2009 pourrait faire en sorte que votre congé soit considéré comme étant non autorisé. Un congé non autorisé est passible de sanctions administratives ou disciplinaires, ce qui pourrait avoir une incidence notamment sur vos prestations de retraite et vos avantages sociaux.

[…]

30 Le 19 juin 2009, M. Spivak et M. André Latreille, directeur général, Relations de travail et rémunération, TPSGC, ont écrit à la fonctionnaire. Ils lui ont alors dit que, contrairement aux messages qu’elle avait laissés dans leur messagerie vocale respective, aucune enquête pour harcèlement n’était en cours, car elle n’avait jamais déposé de plainte de harcèlement en bonne et due forme. Ils lui ont également rappelé que M. Cann et Mme Touhey l’avaient déjà informée par écrit, respectivement en décembre 2008 et en janvier 2009, de la marche à suivre afin de déposer une telle plainte. Ils lui ont également rappelé qu’elle n’avait toujours pas fourni les renseignements médicaux demandés. À cet égard, ils ont écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

En ce qui a trait à la lettre qui vous a été transmise le 2 avril 2009, vous n’avez pas envoyé à ce jour les formulaires de congé et les renseignements médicaux requis de votre médecin. Il vous incombe de répondre aux demandes de votre employeur à cet égard afin de justifier votre absence. Malgré les nombreuses tentatives de divers fonctionnaires du ministère de communiquer avec vous au sujet de votre absence, vous n’avez pas communiqué avec le ministère pour lui faire connaître vos intentions au sujet de votre emploi. Par conséquent, je dois considérer vos absences à ce jour comme étant non autorisées et vous aviser que si vous persistez dans votre défaut de répondre à cette demande, la direction pourrait devoir envisager des mesures disciplinaires contre vous, pouvant aller jusqu’à votre licenciement.

Vous avez jusqu’au 10 juillet 2009 pour présenter les informations demandées relativement à votre congé ainsi que les renseignements médicaux.

[…]

31 Le 23 septembre 2009, M. Cann a écrit à la fonctionnaire, lui rappelant qu’on lui avait maintes fois demandé de fournir les formulaires de congé requis et les renseignements médicaux requis pour justifier ses absences du travail depuis le 3 septembre 2008 et qu’elle ne l’avait pas fait. Il lui a donné l’avertissement suivant :

[Traduction]

[…]

Après l’examen de votre dossier avec nos experts en relations de travail, il a été décidé que votre persistance à ne pas vous conformer aux demandes de fournir les informations requises pour justifier votre congé et les informations médicales requises à cet égard ne sera pas traitée à l’heure actuelle en recourant au processus disciplinaire. Cependant, si vous ne vous conformez pas à ces demandes d’ici le 7 octobre 2009, je n’aurai pas d’autre choix que de formuler une recommandation de licenciement en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

[…]

32 Le 5 octobre 2009, M. Spivak a écrit à la fonctionnaire, lui rappelant qu’on l’avait avisée à plusieurs reprises qu’elle devait fournir un certificat médical et des formulaires de congé détaillés. Le 16 octobre 2009, M. Spivak lui a écrit de nouveau, demandant encore les informations précitées, et l’avisant que si elle ne fournissait ces informations, l’employeur [traduction] « […] formulera une recommandation de licenciement en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques ».

33 La fonctionnaire n’a répondu à aucune des lettres de l’employeur des 7 octobre et 15 décembre 2008, ni des 21 janvier, 23 février, 2 avril, 19 juin, 23 septembre, 5 octobre et 16 octobre 2009.

34 Le 18 février 2010, M. Caron a envoyé une note de service à M. Lakroni, directeur des finances de TPSGC, résumant ce qu’il comprenait des événements concernant la fonctionnaire depuis le mois de septembre 2008 et recommandant son licenciement. Il a joint à cette note de service une ébauche de lettre de licenciement qu’il avait rédigée avec le concours de la division des relations de travail du ministère. M. Lakroni a entériné la recommandation de M. Caron et signé la lettre de licenciement la journée même.

IV. Motifs

35 Je trouve regrettable que la fonctionnaire ait choisi de ne pas témoigner lors de l’audience. Cela lui aurait donné l’occasion de s’expliquer à propos du fait qu’elle n’a pas répondu aux nombreuses demandes de l’employeur de lui fournir les informations médicales requises et les formulaires de congé demandés. Elle est la seule personne qui aurait pu fournir de telles explications à cet égard. Quant à Mme Robertson, je suis profondément convaincu, à partir de l’ensemble de la preuve documentaire et des témoignages présentés à l’audience, qu’elle n’avait rien à voir avec le licenciement de la fonctionnaire et que son témoignage n’aurait pas été utile afin de rendre une décision relativement au présent grief.

36 Le 2 mai 2013, le greffe de la Commission a écrit à la fonctionnaire, lui demandant de lui communiquer les questions qu’elle souhaitait poser à M. Spivak au plus tard le 24 mai 2013. Dans cette lettre, la fonctionnaire a été avisée que si elle ne communiquait pas ses questions et ne se conformait pas à mes directives précises, je pourrais rendre ma décision sur son grief à partir de la preuve qui m’a été présentée jusqu’à maintenant. La fonctionnaire n’a pas répondu à cette lettre du 2 mai 2013.

37 Bien que le déroulement de cette affaire soit plutôt inusité, notamment en raison de la persistance de la fonctionnaire à ne pas se conformer aux consignes précises données par le greffe de la Commission suivant mes directives à cet égard et également en raison du fait qu’elle n’ait pas donné suite aux diverses solutions que je lui ai proposées quant à la gestion de l’instruction, j’étais fondamentalement convaincu que la fonctionnaire ne présenterait pas quelque autre élément de preuve pertinent qui pourrait m’aider à me prononcer sur le bien-fondé de son grief. Par conséquent, j’ai passé en revue toute la preuve qui m’a été présentée et j’estime avoir suffisamment d’informations en mains pour prendre une décision éclairée en l’espèce.

38 Il ne fait aucun doute dans mon esprit que l’employeur a clairement et explicitement averti la fonctionnaire qu’elle devait fournir des renseignements de nature médicale et remplir les formulaires de congé requis, sinon elle s’exposait à son licenciement pour des raisons administratives. La fonctionnaire ne s’est jamais conformée aux demandes de l’employeur. Après une absence de dix-sept mois de son travail, et en l’absence d’information médicale détaillée, hormis celle présentée par la fonctionnaire le 22 septembre 2008, il était légitime de la part de l’employeur de la licencier au mois de février 2010.

39 Je conclus que l’employeur a licencié la fonctionnaire pour un motif administratif en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques (la « LGFP »). On lui a demandé par écrit à maintes reprises de remplir les formulaires de congé requis et de fournir les informations médicales requises afin de justifier ses absences du travail et d’étayer sa demande de mesures d’adaptation. Le 23 septembre 2009, après plusieurs lettres détaillées précisant clairement les conséquences du défaut de collaborer avec l’employeur à cet égard, M. Cann l’a avertie une dernière fois qu’elle devait se conformer aux demandes de l’employeur au plus tard le 7 octobre 2009, à défaut de quoi elle serait licenciée. La fonctionnaire a fait fi de cet avertissement final et n’a pas fourni les informations requises par l’employeur. Elle a alors été licenciée.

40 La fonctionnaire n’a présenté aucune preuve justifiant son défaut de collaborer avec l’employeur en fournissant les informations qu’on lui demandait. Qui plus est, elle n’a même pas répondu aux lettres lui demandant de fournir ces informations que l’employeur lui avait envoyées les 7 octobre et 15 décembre 2008, ainsi que les 21 janvier, 23 février, 2 avril, 19 juin, 23 septembre, 5 octobre et 16 octobre 2009.

41 Par ses actes, ou plutôt ses omissions, elle est réputée avoir abandonné son poste. L’extrait qui suit est tiré de Lindsay c. Agence des services frontaliers du Canada, 2009 CRTFP 62 :

[…]

Un employeur a pleinement le droit de s’attendre à ce qu’un employé se présente au travail. Il s’agit d’un élément intrinsèque de la relation d’emploi et d’un contrat d’emploi. L’employé doit avoir une autorisation préalable pour s’absenter du travail […] Les seules exceptions à cette logique fondamentale seraient les situations où l’employé ne peut pas, pour des motifs impérieux, communiquer avec l’employeur pour obtenir une autorisation.

[…]

Je souscris pleinement à ce raisonnement. Il n’y a absolument aucune preuve que la fonctionnaire avait quelque motif impérieux l’empêchant de communiquer avec l’employeur pour obtenir l’autorisation de s’absenter du travail. En dépit de consignes très claires et des explications qui lui ont été données quant aux conséquences éventuelles de son refus de collaborer, la fonctionnaire a choisi de ne pas tenir compte des demandes légitimes de son employeur. Elle s’est absentée de son travail pendant des mois sans que ce congé ait été autorisé. Par conséquent, je conclus que la fonctionnaire est réputée avoir abandonné son poste, à l’instar de la situation dans Lindsay où l’arbitre de grief a écrit au paragraphe 97 : [Traduction] « En l’espèce, je conclus que la fonctionnaire a abandonné son poste en s'absentant sans autorisation de son travail pendant une longue période ».

42 Je conclus que l’employeur avait amplement de motifs administratifs de licencier la fonctionnaire en raison de sa persistance à ne pas donner suite à ses demandes d’information légitimes afin de justifier ses absences du travail. L’employeur avait le droit de licencier la fonctionnaire en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la LGFP.

43 Selon la prépondérance des probabilités, l’employeur a démontré qu’il avait agi équitablement et de bonne foi en licenciant la fonctionnaire. Je me dois d’ajouter que l’employeur a fait preuve de beaucoup de patience envers la fonctionnaire et qu’il aurait pu la licencier plus tôt, compte tenu de ses nombreuses tentatives de lui faciliter sa mise en conformité en lui donnant des consignes claires et légitimes à cet égard, et de la persistance de la fonctionnaire à ne pas s’y conformer.

44 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

45 Le grief est rejeté.

Le 4 juin 2013.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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