Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu pendant deuxjours pour insubordination et comportement irrespectueux dont il aurait fait preuve pendant une conversation avec un gestionnaire et pendant 10 jours pour usage inapproprié du réseau ministériel - le fonctionnaire s’estimant lésé a supervisé un employé qui avait été soupçonné d’utilisation abusive d’un congé de maladie - lorsqu’une gestionnaire a demandé au fonctionnaire s’estimant lésé où pouvait bien être cet employé, une discussion s’en est suivie, au cours de laquelle la gestionnaire a accusé le fonctionnaire s’estimant lésé de l’avoir traitée de menteuse et de lui avoir parlé de façon déplaisante et haineuse - le fonctionnaire s’estimant lésé a admis ne pas avoir voulu répondre à ses questions, mais a affirmé qu’on ne lui avait jamais ordonné de le faire et a nié avoir été irrespectueux ou avoir traité la gestionnaire de menteuse - au cours de l’enquête de l’employeur au sujet de l’utilisation des congés de maladie par l’employé, l’ordinateur du fonctionnaire s’estimant lésé a été fouillé, et l’employeur a trouvé 11images déplacées - le fonctionnaire s’estimant lésé a reconnu les avoir enregistrées à partir d’un courriel reçu d’un ami, et a affirmé qu’il avait oublié qu’elles étaient là - il ne les avait jamais consultées de nouveau et ne les avait pas partagées - il les a supprimées une fois qu’elles ont été portées à son attention - l’employeur a prétendu que le fonctionnaire était une personne ayant un comportement de confrontation - à titre d’illustration, il a attiré l’attention sur l’utilisation que le fonctionnaire s’estimant lésé a fait du Système de gestion informelle des conflits - l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas fait preuve d’insubordination puisqu’il n’avait jamais reçu d’ordre - en ce qui a trait à l’allégation de manque de respect, l’arbitre de grief n’a pas pu déterminer ce qui s’est passé entre le fonctionnaire s’estimant lésé et la gestionnaire - puisque le fardeau de la preuve incombe à l’employeur, l’arbitre de grief a estimé que l’employeur ne l’a pas acquitté et l’arbitre de grief a annulé la mesure disciplinaire - l’arbitre de grief a statué que le fonctionnaire s’estimant lésé a violé les politiques de l’employeur en enregistrant les images - l’employeur n’a produit aucune preuve sur l’échelle du caractère offensant, même s’il possédait cette information - vu les circonstances atténuantes liées au nombre d’années de service que le fonctionnaire s’estimant lésé a accumulé, au fait qu’il a reconnu son erreur, qu’il n’a jamais consulté les images et qu’il ne les a pas partagées et au fait que c’était la première fois qu’il se voyait imposer une mesure disciplinaire, l’arbitre de grief a réduit la suspension à une journée. Grief contre la suspension d’un jour accueilli. Grief contre la suspension de 10 jours accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-06-28
  • Dossier:  566-02-6496 et 6565
  • Référence:  2013 CRTFP 74

Devant un arbitre de grief


ENTRE

STEPHEN PAYNTER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence des services frontaliers du Canada)

défendeur

Répertorié
Paynter c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michael F. McNamara, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Pierre Ouellet, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour le défendeur:
Michel Girard, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 30 et 31 janvier 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Cette affaire concerne deux griefs portant sur deux suspensions imposées à Stephen Paynter, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »).

2      Les motifs des suspensions sont énoncés de la façon suivante dans des lettres datées du 30 juin 2011 (pièces E-4 et E-6), envoyées par Pierre Ferland, directeur général (le « DG »), Direction générale des solutions, de l’information, des sciences et de la technologie, Agence des services frontaliers du Canada (l’« employeur ») :

Pièce E-4 (suspension de deux jours) :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à l’audience disciplinaire tenue le 18 avril 2011 et a pour but de vous aviser que vous ferez l’objet de mesures disciplinaires pour insubordination et comportement irrespectueux.

Lors de l’audience, nous avons discuté du fait que, le 11 avril 2011, vous avez fait preuve d’insubordination et avez manqué de respect à l’endroit de Karen Lyon, directrice, Division de l’élaboration des systèmes commerciaux.

À la lumière de la recherche des faits et de l’audience disciplinaire, j’ai conclu que ce type de comportement était inacceptable et qu’il enfreignait le Code de conduitede l’ASFC ainsi que le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique.

Au moment de déterminer la mesure disciplinaire appropriée à imposer, j’ai pris en considération tous les facteurs atténuants, notamment vos années de service, l’absence de problèmes de rendement et l’absence d’infractions disciplinaires antérieures. J’ai aussi tenu compte de tous les facteurs aggravants, notamment l’absence de remords et le sentiment de responsabilité limitée affichés lors de l’audience disciplinaire, de même que votre position d’autorité à titre de chef de projet.

[…]

Pièce E-6 (suspension de dix jours) :

[…]

La présente fait suite à l’audience disciplinaire tenue le 18 avril 2011 afin de vous aviser que vous feriez l’objet de mesures disciplinaires pour usage inapproprié du réseau ministériel de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

Lors de l’audience, nous avons discuté du fait que l’équipe de surveillance du réseau de l’ASFC a trouvé 11 images déplacées dans le dossier « My Documents/My Pictures » du lecteur H: qui vous est assigné, soit huit images présentant de la nudité ou des parties génitales et trois images déplacées de femmes célèbres.

À la lumière de l’audience disciplinaire, j’ai conclu que vos actions représentaient une inconduite grave qui remet en question votre sens du jugement; en outre, vos actions sont une violation grave du Code de conduitede l’ASFC, de la Politique sur l’utilisation des ressources électroniquesde l’ASFC, de la Politique sur l’utilisation des réseaux électroniquesdu Conseil du Trésor, et du Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique.

[…]

3      Les parties ont présenté 15 éléments de preuve. L’avocat de l’employeur a cité deux témoins à comparaître, alors que le représentant du fonctionnaire a cité le fonctionnaire à comparaître.

II. Résumé de la preuve

4      Les parties ont abordé les deux griefs de façon consécutive.

5      Le fonctionnaire est chef de projet classifié au groupe et niveau CS-03. Il supervisait trois employés et deux consultants au moment des faits. Une enquête sur l’un des employés, qui relevait du fonctionnaire, fait partie intégrante de la preuve produite. Puisque les gestes de cet employé ne sont pas en cause dans la présente affaire, et puisque cet employé n’a pas témoigné et n’a donc pas eu l’occasion de se défendre, il sera nommé « M. X » tout au long de cette décision.

A. Karen Lyon

6      Karen Lyon travaille pour l’employeur à titre de directrice, Systèmes de communication, Division de l’élaboration. Elle est responsable de la prestation de projets d’élaboration de systèmes. Bon nombre des systèmes sont interreliés. Elle est responsable d’un très grand projet intitulé le « Manifeste électronique », auquel participent d’autres directions générales; elle doit être disponible pour bon nombre de consultations. Les produits livrables externes et leurs échéanciers ont des répercussions sur les échéanciers serrés et les produits livrables de ce projet.

7      Au fil des ans, Mme Lyon a travaillé avec le fonctionnaire en tant que gestionnaire et en tant que directrice de celui-ci. Elle a déclaré qu’ils entretenaient une bonne relation de travail. Toutefois, lorsqu’elle est devenue directrice, elle a trouvé qu’il était [traduction] « plus difficile » de travailler avec lui. Elle a mentionné qu’en janvier 2009, [traduction] « un certain nombre d’incidents » ont été portés à son attention. Elle a précisé que jusqu’au moment des événements en cause, il avait toujours été respectueux.

8      Au moment de l’incident qui a mené à la suspension du fonctionnaire, Mme Lyon n’était plus sa directrice.

1. Premier incident

9      En avril 2011, Mme Lyon menait une enquête sur M. X en raison de préoccupations concernant son utilisation des congés de maladie. M. X était supervisé par le fonctionnaire. Mme Lyon poursuivait une enquête qui avait commencé alors qu’elle était leur directrice.

10 Mme Lyon est allée voir M. X, qui n’était pas à son bureau. Le bureau de M. X était situé à côté du cubicule de M. Paynter. Mme Lyon a déclaré avoir constaté que le fonctionnaire [traduction] « [la] regardait ». Elle a demandé au fonctionnaire si M. X était au travail ce jour-là, mais le fonctionnaire ne lui a pas répondu.

11 Mme Lyon a de nouveau posé la question. Le fonctionnaire lui a répondu [traduction] « Je ne veux pas te le dire », et il a répété sa réponse. Mme Lyon a déclaré avoir alors dit : [traduction] « À titre de chef de projet de M. X, je te demande si l’employé est au travail aujourd’hui. » D’après Mme Lyon, le fonctionnaire est alors devenu très agité. Il s’est rapidement fâché et a déclaré : [traduction] « Je ne veux pas te le dire, tu es une menteuse, tu n’es pas ma directrice, je ne suis pas obligé de te répondre. »

12 Mme Lyon a alors dit au fonctionnaire qu’elle irait parler à son directeur, puis elle est partie.

13 Lorsqu’on lui a demandé si elle croyait que le fonctionnaire était au courant de l’enquête visant M. X, Mme Lyon a indiqué qu’elle avait parlé au fonctionnaire quelques jours plus tôt au sujet des congés de M. X. Elle supposait donc que le fonctionnaire était au courant de l’enquête.

14 En raison d’une réorganisation survenue un peu avant les faits, Mme Lyon n’était plus la directrice du fonctionnaire. Toutefois, comme le nouveau directeur venait juste de partir et qu’il avait été remplacé par un directeur intérimaire, le DG et la Direction générale des ressources humaines (RH) ont estimé que Mme Lyon devait conserver la responsabilité de l’enquête. Mme Lyon a affirmé que le fonctionnaire aurait été au courant de cette décision. Elle a rencontré M. Paynter parce qu’il était responsable de l’approbation des congés de M. X.

15 Lorsqu’on lui a demandé quelle avait été sa réaction à la réponse du fonctionnaire, Mme Lyon a déclaré avoir été stupéfaite. Il ne s’agissait que d’une simple question, à laquelle il avait répondu rapidement. Elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « Il m’a traitée de menteuse. Ce manque de respect m’a beaucoup dérangé. Je fais mon possible. Il l’a fait devant tous mes employés. »

16 Mme Lyon a déclaré avoir parlé de l’incident à son DG et à la Direction générale des relations de travail de l’employeur. Elle a rapporté l’absence de M. X aux Relations de travail. Elle a rapporté la confrontation avec M. Paynter au DG.

17 M. Paynter ne s’est jamais excusé auprès de Mme Lyon.

2. Deuxième incident

18 Mme Lyon a déclaré qu’en tant que superviseur de M. X, M. Paynter aurait dû constater la tendance quant à l’utilisation des congés de maladie de M. X. Elle a pensé qu’il y avait peut-être eu des échanges de courriels entre les deux à ce sujet et a demandé aux responsables de la Sécurité de l’employeur (la « Sécurité ») de lui dire s’il s’agissait d’un motif valable pour enquêter ou effectuer une recherche dans les courriels du fonctionnaire. On lui a dit que, dès que la direction a un motif, la Sécurité décide s’il faut procéder ainsi.

19 Mme Lyon a expliqué qu’elle avait l’impression que M. Paynter plaçait son écran d’ordinateur dans un drôle d’angle afin qu’il ne puisse être vu par d’autres personnes. À une occasion, alors que Mme Lyon s’était volontairement assise dans la chaise d’invité du fonctionnaire pour voir ce qui était affiché à l’écran, M. Paynter a tout de suite minimisé la fenêtre qu’il était en train de consulter. Elle a trouvé qu’il s’agissait là d’un comportement très suspect. La Sécurité a dit qu’elle regarderait dans son ordinateur.

20 Il n’y a eu aucun témoignage concernant des échanges de courriels sur la question des congés, mais Mme Lyon a affirmé que la Sécurité avait trouvé 11 images inappropriées sur le lecteur H: de M. Paynter.

21 Mme Lyon a parlé au gestionnaire de M. Paynter, qui lui a affirmé que seul M. Paynter aurait été en mesure de sauvegarder les 11 images à cet endroit, puisque personne d’autre n’y avait accès.

22 Avant de rencontrer la Sécurité, Mme Lyon a discuté avec les Relations de travail pour déterminer à quel point les images trouvées sur l’ordinateur du fonctionnaire étaient inappropriées. L’ASFC, en tant que gardienne des frontières canadiennes contre l’entrée de matériel inapproprié au pays, se sert d’un système pour déterminer si du matériel est inapproprié et dans quelle mesure. La Sécurité a examiné les fichiers et a indiqué à Mme Lyon dans quelle mesure ils étaient inappropriés. On a montré une photo à Mme Lyon. Sur cette photo, on voyait une femme en tenue légère sur une voiture.

23 Après la réunion avec la Sécurité, Mme Lyon a transmis leurs observations aux Relations de travail et à son DG.

24 Le DG a alors pris la responsabilité du dossier. Mme Lyon n’a pas participé davantage à l’enquête ni à l’audience disciplinaire du 18 avril 2011, et elle n’a pas eu d’autre rôle à jouer en ce qui concerne les images.

3. Premier incident : détails

25 En contre-interrogatoire, Mme Lyon a confirmé que son résumé des allégations, cité ci-dessous, était [traduction] « très précis » (pièce 3). Ce résumé a été remis à M. Paynter le 13 avril 2011, par M. Ferland, en même temps qu’un avis d’audience disciplinaire fixée au 18 avril 2011 :

[Traduction]

[…]

J’avais promis de fournir à [M. X] une mise à jour sur les prochaines étapes en lien avec un problème de RH sur lequel nous travaillions. Le matin du 11 avril, je suis allée au bureau de [M. X] pour lui transmettre quelques informations. M. X ne se trouvait pas à son bureau. Juste à côté du bureau de M. X, se trouve le cubicule de Stephen Paynter, son chef de projet. Comme je me retournais pour partir, j’ai vu que Stephen me regardait. Je me suis arrêtée et lui ai demandé si M. X était présent aujourd’hui. Stephen semblait mécontent et m’a demandé pourquoi je voulais voir M. X. Je lui ai répondu que je voulais lui transmettre quelques renseignements; je lui ai demandé de nouveau si M. X était au travail aujourd’hui. J’ai ajouté que je voulais le savoir pour déterminer si je devais revenir plus tard ou non ou, s’il était en vacances, quand il reviendrait. Stephen a déclaré qu’il ne voulait pas répondre. J’ai trouvé cela étrange, alors je lui ai demandé de simplement me dire, à titre de chef de projet de M. X, si celui-ci était présent ce jour-là ou non. Stephen semblait agité et m’a répondu qu’il ne voulait pas me le dire. (Relativement à la question de RH dont je m’occupais, j’avais eu une conversation avec Stephen concernant ses responsabilités à l’égard de la surveillance des congés de ses employés. J’étais donc au courant du fait que Stephen n’était pas content et je pouvais comprendre pourquoi il affichait une certaine susceptibilité par rapport à ma question sur la présence de M. X.) J’étais toutefois perplexe quant à la raison qui pouvait pousser Stephen à s’offenser relativement à une question aussi simple et à réagir avec autant de vigueur et de façon aussi irrespectueuse. Je lui ai déclaré que comme il était le chef de projet de M. X, je lui posais une simple question et voulais savoir pourquoi il ne voulait pas me répondre. Stephen s’est énervé et a élevé la voix. Il a dit, sur un ton déplaisant et haineux, que M. X était absent. Il a déclaré que j’étais une menteuse et qu’il ne voulait pas avoir à traiter avec des menteurs. Il a affirmé que je lui avais dit que M. X avait dit des choses qu’il n’avait jamais dites et que j’étais une menteuse. Il criait presque et a souligné qu’il ne travaillait pas pour moi et n’avait pas à me dire quoi que ce soit. Je ne voulais pas que la situation continue de s’envenimer, puisque nous étions au milieu de l’aire de bureaux. Je lui ai alors dit que c’était correct et que j’allais demander l’information à son propre directeur, puis je suis partie.

Je suis partie complètement abasourdie. Il ne s’agissait au début que d’une question banale posée sur un ton amical et courtois. Je suis extrêmement offusquée du fait qu’il m’ait traitée de menteuse.

26 Selon Mme Lyon, le recours abusif aux congés de M. X était flagrant; trop évident pour ne pas s’en rendre compte. Elle avait rencontré le fonctionnaire à ce sujet parce qu’il avait approuvé le congé. Lors de cette conversation, qui avait été difficile selon ses dires, la réponse du fonctionnaire avait été [traduction] : « Tout le monde le fait, il n’y a pas de quoi en faire un plat ». Mme Lyon a déclaré avoir dit au fonctionnaire : [traduction] « J’ai une opinion différente de cela et j’en parlerai au nouveau directeur ».

27 Mme Lyon a affirmé qu’elle n’avait pas l’intention de parler au fonctionnaire lorsqu’elle est allée voir M. X. La situation a commencé par une simple question. Elle a déclaré ceci : [traduction] « Je ne sais pas pourquoi il a refusé de répondre à la question ».

28 Mme Lyon a résumé de la façon suivante ses réflexions et ses observations au au sujet du fonctionnaire : [traduction] « Il a dit de façon déplaisante et haineuse que M. X n’était pas présent ». Mme Lyon a alors donné des précisions : [traduction] « le ton de sa voix, son visage, il était très fâché, son ton était sec, haineux, agressif, fâché, il criait presque, ce qui m’a offensée ». Elle a affirmé qu’elle n’exagérait pas.

29 Selon Mme Lyon, il y avait entre quatre et six cubicules près de celui du fonctionnaire, mais il n’était pas nécessairement possible de voir les gens qui y travaillaient. Elle a indiqué que personne n’a réagi lors de ce débordement. Elle a déclaré ceci : [traduction] « L’incident a été très bref. Je suis rapidement partie et lui ai dit que je parlerais à son directeur ».

30 À la question de savoir s’il y avait eu des plaintes, Mme Lyon a répondu que [traduction] « personne n’a formulé de plainte » auprès d’elle au sujet de cet incident. Elle ne savait pas si d’autres personnes étaient présentes dans les autres cubicules. Elle a ajouté que [traduction] « les gens font parfois comme s’il ne s’était rien passé plutôt que de s’en mêler ».

31 Selon Mme Lyon, elle n’a pas mal interprété les propos de M. Paynter. Il lui a dit : [traduction] « Tu es une menteuse ». Elle a été surprise par ses gestes; elle n’a rien imaginé, même si elle était ébranlée.

32 Mme Lyon connaissait le fonctionnaire depuis de nombreuses années. Elle n’a mentionné aucune autre altercation, mais a affirmé que [traduction] « du personnel lui a parlé de certaines choses », mais jamais des insultes ou des cris. Elle a précisé avoir déjà eu à [traduction] « [s’]occuper de certains incidents qui avaient été portés à [son] attention ».

33 Lorsqu’on lui a demandé de décrire M. Paynter, Mme Lyon a répondu ce qui suit :

[Traduction]

[Il possédait] beaucoup de connaissances, était un bon travailleur, mais il avait beaucoup de difficulté avec les relations interpersonnelles, il était sur la défensive, et les gens avaient de la difficulté à travailler avec lui. Il aspirait à améliorer ses compétences afin d’obtenir un poste de gestion. Il n’a jamais fait l’objet d’une réprimande; son dossier est vierge. On a discuté avec lui à plus d’une occasion; l’historique est long. Il y a eu des discussions sur le meilleur endroit où le placer.

34 Mme Lyon a ajouté qu’il y avait eu plusieurs incidents impliquant le fonctionnaire. Elle a cité comme exemple le fait qu’il avait eu recours à un certain moment au Système de gestion informelle des conflits (le « SGIC »). Il y avait aussi d’importants problèmes de communication entre deux groupes de projets. Le fonctionnaire et Mme Lyon avaient aussi eu recours au SGIC pour régler ce problème. Le DG savait qu’on avait eu recours au SGIC, même s’il n’était pas DG au moment où cela s’est produit.

35 En passant en revue son témoignage quant à sa réaction aux paroles de M. Paynter à son égard, Mme Lyon a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je suis partie. Je lui ai dit : “C’est correct, je vais demander à ton directeur” ». Mais elle ne l’a pas fait immédiatement, et elle ne savait pas si le directeur de M. Paynter avait donné suite au problème. Selon ses propres mots : [traduction] « Ça s’est transformé en une enquête du DG ».

36 Au début, Mme Lyon n’a pas posé la question au sujet de M. X de manière officielle, mais elle a fini par demander au fonctionnaire : [traduction] « À titre de chef de projet de M. X, est-il au travail aujourd’hui? ».

37 En réponse à des questions concernant le fonctionnaire et M. X, Mme Lyon a déclaré qu’elle [traduction] « [s’informait] de l’absence de M. X, [qu’elle ne savait] pas si M. Paynter était au courant d’autres problèmes. [Elle pensait] qu’ils étaient amis. »

38 En réponse à des questions concernant M. X, Mme Lyon a indiqué que M. X n’avait pas de problème avec elle. Elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « M. X avait des problèmes et il formulait des commentaires désobligeants à l’endroit de l’ASFC et de son processus de sélection. M. X avait déposé un certain nombre de griefs à ce sujet. M. X était un élément important du problème de communication entre les deux groupes de projets. M. X avait toujours une opinion sur les mesures de dotation prises. »

4. Second incident : détails

39 L’interrogation a alors porté sur la question des images inappropriées trouvées sur l’ordinateur du fonctionnaire et sur la suspension de dix jours qui lui a été imposée.

40 Mme Lyon a déclaré que la façon dont l’écran d’ordinateur de M. Paynter était placé [traduction] « semblait inconfortable, alors [elle est] entrée dans son bureau et [s’est] assise sur la chaise d’invité, et il a fermé ce qu’il y avait à l’écran ». Elle a précisé qu’elle voulait [traduction] « confirmer sa théorie selon laquelle il cachait quelque chose ». Lorsqu’on lui a demandé quand cela s’était produit, une note de service du 15 mars 2011 a été présentée, dans laquelle on parlait d’un examen des 11 images inappropriées qui se trouvaient sur le lecteur H: de M. Paynter.

41 Mme Lyon a dit qu’elle n’avait pas initié l’enquête de l’ordinateur du fonctionnaire, mais que cette enquête faisait partie de celle sur les courriels que M. X et M. Paynter auraient pu s’échanger au sujet des congés de M. X. [Traduction] « Nous avons demandé ce que nous devrions chercher, et la Sécurité a regardé dans l’ordinateur. » Mme Lyon ne pouvait se rappeler à quel moment les fichiers de l’ordinateur de M. Paynter avaient été enquêtés.

42 M. Paynter n’a pas eu à fournir un [traduction] « registre des congés » de M. X à Mme Lyon, puisqu’elle y avait déjà accès. Elle n’a parlé à M. Paynter que lorsqu’on a soulevé un problème concernant les habitudes de M. X en matière de congés.

B. M. Ferland

43 M. Ferland travaille pour l’employeur depuis février 2010 à titre de DG, Solutions en matière de technologies de l’information (les « TI »). M. Paynter et lui travaillent au quatrième étage du 250, rue Tremblay, à Ottawa, où l’employeur possède des bureaux. Ils n’ont jamais travaillé ensemble.

1. Premier incident

44 Lors de l’audience disciplinaire du 18 avril 2011, M. Ferland avait la tâche d’évaluer les faits et de rendre une décision.

45 Au sujet de l’évaluation des faits, M. Ferland a déclaré que le fonctionnaire [traduction] « reconnaissait les faits survenus dans les deux griefs ». Il a ajouté que [traduction] « le processus disciplinaire prend du temps. Dans certains cas, ils comprennent et il n’y a pas lieu d’imposer de sanctions disciplinaires, mais ce n’était pas le cas à cette audience. Il n’y avait ni remords ni excuses. »

46 M. Ferland a déclaré que le fonctionnaire était [traduction] « insubordonné; il refusait d’exécuter une fonction qui faisait partie de ses tâches. Karen [Mme Lyon] fait partie de l’organisation, quoiqu’elle n’est pas la directrice dont relève M. Paynter ». Il a indiqué que durant l’audience M. Paynter, par son ton et ses propos, avait été irrespectueux. M. Ferland a ajouté que M. Paynter avait dit qu’il s’était [traduction] « mal exprimé », en parlant du premier incident.

47 M. Ferland entretient une bonne relation avec Mme Lyon, et il a confiance en elle. Elle avait mentionné que M. Paynter était un communicateur conflictuel et qu’elle se sentait parfois intimidée par lui. En tant que DG, M. Ferland doit surveiller ce type de situations et protéger les employés.

48 M. Ferland a témoigné que [traduction] « Mme Lyon estime que son intégrité est très importante ». Il a dit qu’il l’a choisie pour gérer le projet de Manifeste électronique parce qu’elle [traduction] « est résiliente, professionnelle, authentique et loyale. Elle est capable de faire de la caractérisation de façon précise ».

49 M. Ferland a indiqué qu’à la suite du premier incident avec le fonctionnaire, Mme Lyon était très bouleversée. Il a avancé que, pour elle, il n’y avait peut-être pas pire insulte que de se faire traiter de menteuse. Il lui a demandé de prendre une profonde respiration et de lui raconter ce qui s’était passé.

50 M. Ferland savait que le fonctionnaire avait été impliqué dans des incidents où l’on avait eu recours au SGIC. Il était au courant des allégations d’intimidation, de problèmes d’espace restreint dans le milieu de travail et du manque de fenêtres. Il a déclaré que les discussions difficiles devraient normalement être tenues derrière des portes closes.

51 On a demandé à M. Ferland d’examiner le passage du « Code de conduite » de l’employeur qui porte sur la discipline. Voici ce qu’il a déclaré :

[Traduction]

On y parle de respect. Chaque année, 90 millions de visiteurs sont traités en personne, et il faut parfois affronter des situations difficiles. Cela fait partie de la culture de l’organisation. Parmi les éléments importants, mentionnons le ton de la voix, le choix des mots et le professionnalisme. M. Paynter aurait dû répondre à la question de Mme Lyon.

52 M. Ferland a cerné des facteurs atténuants qui sont à l’avantage du fonctionnaire, comme son bon dossier d’emploi et l’absence de sanctions disciplinaires officielles dans son dossier. Parmi les facteurs aggravants qui ont été pris en considération, il y a l’absence de remords de la part du fonctionnaire et son sentiment de responsabilité limitée, de même que ses nombreuses tentatives, lors de l’audience, de confirmer que Mme Lyon n’aurait pas dû lui poser cette question concernant M. X.

53 M. Ferland a ajouté ce qui suit :

[Traduction]

Lors du processus d’évaluation disciplinaire, il est important de faire comprendre […] que cela ne doit pas se produire dans le milieu de travail […] en tant que membre de la direction et de la gestion, un employé a une incidence et doit donner l’exemple. Plus un employé gravit les échelons de l’organisation, plus les attentes sont élevées.

54 Les RH ont recommandé l’imposition d’une suspension de deux jours au fonctionnaire, ce qui était adéquat selon M. Ferland.

2. Deuxième incident

55 En ce qui concerne les 11 images déplacées, le fonctionnaire a reconnu les avoir copiées sur son lecteur H:.

56 Les facteurs atténuants pour le fonctionnaire sont le nombre d’années de service de celui-ci, l’absence de sanctions disciplinaires officielles dans son dossier et le fait qu’il n’avait pas regardé les images récemment.

57 Parmi les facteurs aggravants, il y a sa connaissance des politiques en matière de TI, la gravité de l’incident, son manque de remords, son sentiment de responsabilité limitée, le contenu à caractère sexuel des images et son poste de chef de projet.

58 M. Ferland a déclaré ce qui suit : [traduction] « L’ASFC est très stricte relativement à ses politiques et à la perception du public. Il ne s’agit pas du type de leadership que nous voulons présenter au public. Nous valorisons la protection, l’assurance et l’intégrité. »

59 Le groupe de la Sécurité des TI a créé ces politiques à partir de celles que le prédécesseur de l’employeur, l’Agence des douanes et du revenu du Canada, avait établies. Ces politiques s’appliquent à 60 000 employés.

60 En évaluant la situation, M. Ferland n’a pas trouvé que le fonctionnaire comprenait pourquoi les images étaient inappropriées. Il s’agissait d’images à connotation sexuelle. M. Ferland ne les a pas vues, mais elles ont été envoyées à la Sécurité en vue d’établir dans quelle mesure elles étaient inappropriées. L’employeur, en tant qu’agence gouvernementale, s’appuie sur un processus pour empêcher la pornographie d’entrer au pays. Il se sert d’une [traduction] « échelle du caractère offensant ». L’employeur n’a toutefois pas présenté en preuve les conclusions de la Sécurité précisant où les images se situaient dans cette échelle.

61 Selon M. Ferland, le fonctionnaire a enfreint au moins cinq politiques de l’employeur.

62 En s’appuyant sur un résumé de la jurisprudence en la matière, les RH ont recommandé l’imposition au fonctionnaire d’une suspension de dix jours, ce que M. Ferland a jugé adéquat, compte tenu du contenu à caractère sexuel et de la mesure disciplinaire imposée en raison de l’incident avec Mme Lyon.

3. Contre-interrogatoire

63 En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Ferland ce qu’il connaissait de M. Paynter. Selon les éléments de preuve qu’il a présentés, M. Ferland, en tant que DG, n’avait jamais travaillé directement avec M. Paynter, mais il le connaissait depuis plus de trois ans.

64 Quand on lui a demandé quelles qualités étaient nécessaires pour occuper le poste de chef de projet, M. Ferland a nommé les qualités suivantes [traduction] : « leadership, habiletés en communication et capacité de coordonner le travail des autres ». Il a admis que, puisque M. Paynter occupait ce poste depuis 1999, il devait posséder ces qualités, bien que certaines améliorations étaient requises. Le travail de M. Paynter n’a jamais été remis en question.

65 À la réunion du 18 avril 2011, M. Ferland a décrit la réticence de M. Paynter, d’admettre ces écarts de conduite, ce qui a donné lieu à bien des discussions. M. Ferland essayait de comprendre si les allégations de Mme Lyon étaient factuelles.

66 M. Ferland a déclaré ce qui suit au sujet de M. Paynter [traduction] : « Il a utilisé les mots “mais je me suis mal exprimé” […] la discussion a été longue […] il ne rend pas des comptes à Karen [Mme Lyon]. Finalement, il a dit : “je l’ai traitée de menteuse” […] il a reconnu que les allégations étaient vraies, mais il ne l’a pas vraiment dit. » M. Ferland a indiqué qu’il aurait voulu une réponse proactive de la part de M. Paynter et qu’il ne voulait pas avoir à lui tirer les vers du nez afin d’avoir un aveu.

67 M. Ferland a comparé les versions des faits de Mme Lyon et de M. Paynter. Il a déclaré qu’il avait aussi pris en considération [traduction] : « l’état d’esprit dans lequel se trouvait Mme Lyon ce jour-là dans [son] bureau », après sa confrontation avec M. Paynter.

68 M. Ferland ne croyait pas que Mme Lyon, le jour de l’incident avec le fonctionnaire, ait simplement passé une mauvaise journée. Il ne croyait pas qu’elle ait inventé son récit. Selon lui, elle se sentait intimidée. Il a déclaré ce qui suit [traduction] : « Quand elle était dans mon bureau, elle avait son sang-froid, et elle s’en tenait aux faits, mais elle a bafouillé un peu pendant notre entretien ».

69 Mme Lyon a dit à M. Ferland que le comportement de M. Paynter en était un de confrontation et que c’était la raison pour laquelle on avait employé le SGIC. Au cours des années, il y avait eu des discussions, au niveau de la direction, concernant le style de communication de M. Paynter. Le SGIC n’avait été utilisé que cinq fois pendant les trois années en poste de M. Ferland, et M. Paynter avait été impliqué dans deux des cas. Les séances du SGIC servent à promouvoir le travail d’équipe. Le SGIC est utilisé pour tenter de trouver des solutions informelles.

70 M. Ferland a indiqué qu’il savait qu’il y avait eu des problèmes avec M. Paynter dans le passé. Toutefois, ce n’est pas lui, mais Mme Lyon, qui a parlé au fonctionnaire quand ces problèmes sont survenus.

71 À l’époque pertinente, M. Ferland n’a pas parlé de l’incident au directeur intérimaire de M. Paynter. Il ne voyait pas de raison de l’impliquer dans cette affaire. M. Ferland était responsable de l’enquête. Des allégations avaient été faites, et il a décidé de limiter le nombre de personnes ayant connaissance de ces allégations.

72 Pour ce qui est de la suspension de deux jours recommandée par les RH, M. Ferland a demandé si la sanction était proportionnelle à la faute, et il a reçu une réponse positive. M. Ferland était d’avis qu’une suspension de deux jours était une sanction appropriée. Si l’incident avait mis en cause un employé en uniforme, une mesure plus sévère aurait été prise.

73 Quand il a décrit Mme Lyon, M. Ferland a dit qu’elle était intègre et loyale à l’employeur.

74 Quand on lui a demandé si Mme Lyon avait fait l’objet de critiques de la part d’employés, M. Ferland a indiqué que des griefs avaient été présentés, mais que ce n’était rien d’anormal. Il a déclaré qu’elle avait fait preuve d’une grande compassion dans ses réponses à ces griefs et critiques.

75 En ce qui concerne les images inappropriées sauvegardées dans l’ordinateur du fonctionnaire, M. Ferland a indiqué que le fonctionnaire avait admis à la réunion du 18 avril 2011 qu’il avait sauvegardé les images sur son disque dur. Il n’a pas été question de la raison pour laquelle il avait sauvegardé les images à cet endroit. Le fonctionnaire n’a démontré aucun remords et n’a pas vraiment réagi à l’accusation. Il n’a pas demandé s’il devait supprimer les images. La Sécurité aurait voulu que ces images soient retirées. On a posé à M. Ferland la question suivante [traduction] « Vous a-t-il dit qu’il avait enlevé les images? », et il a répondu [traduction] : « C’est possible. Je ne m’en souviens pas. »

76 Les images inappropriées étaient composées de huit photos contenant de la nudité et de trois photos de personnes célèbres. Elles ont été examinées en fonction de l’échelle du caractère offensant de l’employeur, mais le résultat de cet examen n’a pas été fourni à l’audience d’arbitrage. Les images ont été considérées comme offensantes, mais non pornographiques. Elles n’illustraient aucune violence ou pédophilie, et elles n’étaient pas illégales.

77 Les recommandations des RH étaient fondées sur un examen de la jurisprudence. Les suspensions doivent être correctives, et non punitives. La jurisprudence recommande que l’employé soit congédié si les images ont été partagées, et aucune preuve n’a été produite en ce sens dans le cas du fonctionnaire.

C. M. Paynter

78 Le fonctionnaire est chef de projet (CS-03) pour l’employeur.

79 Le fonctionnaire relève d’un gestionnaire de projet (CS-04) qui, lui, relève du directeur des TI (CS-05). Cette personne rend des comptes à un directeur général (EX-03), qui à son tour relève d’un vice-président.

80 Le fonctionnaire ne rend des comptes à aucun autre directeur, sinon par l’intermédiaire de son gestionnaire de projet. Normalement, il rend des comptes dans des circonstances exceptionnelles. Autrement, il rend des comptes toutes les semaines ou tous les mois, selon les besoins.

1. Premier incident

81 Le 11 avril 2011, le fonctionnaire rendait des comptes à un autre directeur et non à Mme Lyon. À partir de novembre 2010, jusqu’au 4 mars 2011, il a occupé par intérim un poste CS-04, dans une autre direction et à un autre endroit.

82 Le 11 avril 2011, Mme Lyon a questionné le fonctionnaire au sujet de M. X. Dans son témoignage, le fonctionnaire a déclaré ce qui suit [traduction] : « Son bureau était situé à côté du mien […] cinq personnes de mon secteur relèvent de moi, dont M. X ».

83 Le contexte de la conversation avec Mme Lyon était difficile. Mme Lyon a été très sèche avec le fonctionnaire. Elle a dit [traduction] : « Est-ce que l’employé est ici? » Le fonctionnaire a répondu [traduction] : « Non, il n’est pas ici ». Ils ont échangé encore quelques mots, et le fonctionnaire n’a donné aucune information au sujet de l’endroit où M. X pouvait être. Il a dit à Mme Lyon que M. X lui avait dit que [traduction] : « M. X n’a pas dit ce que tu as dit qu’il avait dit ».

84 Le fonctionnaire a indiqué que cette phrase renvoyait à une conversation qu’il avait eue avec M. X après la rencontre de ce dernier avec Mme Lyon concernant la question de ses congés de maladie. Le fonctionnaire a déclaré que M. X était [traduction] « en état de choc et souffrait de détresse émotionnelle […] en voyant dans quel état il se trouvait, je l’ai laissé tranquille. Je m’inquiétais pour lui. »

85 Quand Mme Lyon lui a adressé la parole et lui a demandé encore une fois où était M. X, le fonctionnaire a déclaré ce qui suit [traduction] : « Je me suis rappelé les images de la semaine précédente […] je ne voulais pas ajouter au stress ». Ainsi, il a affirmé ceci [traduction] : « Je préférais ne pas répondre. J’aurais pu répondre que je ne savais pas, mais c’est moi qui suis responsable de ces employés jour après jour. Karen [Mme Lyon] a tapé du pied, puis elle est retournée à son bureau [50 ou 60 pieds plus loin]. »

86 Le fonctionnaire a déclaré que Mme Lyon ne lui avait pas ordonné directement de lui répondre.

87 Le fonctionnaire a commenté le résumé des allégations (pièce E-3), particulièrement le passage suivant [traduction] : « Objet : Stephen [le fonctionnaire] semblait troublé et a dit qu’il ne voulait pas me [Mme Lyon] répondre ». Le fonctionnaire a déclaré ce qui suit [traduction] : « Ça ne ressemble pas à ce que les gens diraient de moi. Je suis calme et décontracté […] je parle toujours sur le même ton. Je suis tranquille. Je ne hausse pas le ton, peu importe le contexte. Je ne suis pas une personne émotive. »

88 Concernant l’allégation [traduction] : « Objet : Il [le fonctionnaire] a dit, sur un ton déplaisant et haineux, que M. X n’était pas là », le fonctionnaire a déclaré ce qui suit [traduction] : « Non, j’ai dit que M. X n’était pas là, sans intonation dans la voix. »

89 Concernant l’allégation [traduction] : « Objet : Il [le fonctionnaire] a dit que j’étais [Mme Lyon] une menteuse et qu’il ne voulait rien savoir des menteurs », le fonctionnaire a déclaré ce qui suit [traduction] : « Ça ne fait aucun sens. Elle a perdu son sang-froid et s’est éloignée en tapant du pied […] j’ai dit au DG qu’elle s’emportait [...] elle aurait pété les plombs si je l’avais traitée de menteuse […] ça aurait été l’apocalypse […] il n’y a pas beaucoup de monde qui accepterait de se faire traiter de menteur. »

90 Concernant l’allégation [traduction] : « Objet : Il [le fonctionnaire] criait quasiment », le fonctionnaire a déclaré ce qui suit [traduction] : « Non, je n’ai rien dit de tel. Je n’ai pas tendance à me laisser aller à du verbiage inutile, et je n’ai pas pour habitude de crier. »

91 Le fonctionnaire a décrit son poste de travail par rapport à ceux de ses collègues comme étant accolé à un mur extérieur, sur le bord d’une fenêtre. Le directeur et le DG ont un bureau sans fenêtre. Les employés haut placés ont un poste de travail sur le bord d’une fenêtre. Les entrepreneurs et les consultants, de même que les employés moins haut placés, ont un poste de travail sans fenêtre. Cinq ou six cubicules séparent le poste de travail du fonctionnaire du bureau de Mme Lyon.

92 Le fonctionnaire a déclaré ce qui suit [traduction] : « Je refuse catégoriquement de reconnaître que j’ai crié. Mes employés apprécient mon équilibre émotionnel. Je suis toujours d’une humeur égale. Au contraire, les gens pourraient croire que je me fiche de tout puisque je ne montre pas d’émotion. Aucun de mes collègues ne m’a dit avoir entendu un court incident bruyant. »

93 Concernant l’allégation [traduction] : « Objet : Le problème de RH et les commentaires de Karen [Mme Lyon] : “As-tu remarqué cette tendance pour ce qui est des congés de M. X? M. X n’était pas malade.” » le fonctionnaire a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Je lui ai répondu que non, je n’avais pas remarqué de tendance. Pendant une partie de la période en question, j’étais en affectation intérimaire à un autre endroit, et le gestionnaire ne m’a signalé aucune irrégularité. Je trouvais que les crédits de congé de M. X correspondaient à ceux d’un employé en poste depuis 20 ans. Elle [Mme Lyon] s’est lancée dans une diatribe sur les congés de maladie et leur usage abusif à la fonction publique, et elle m’a dit que je ne faisais pas mon travail. J’ai écrit au vice-président à ce sujet, et j’ai parlé avec d’autres personnes au sujet des congés de M. X.

94 Concernant l’allégation [traduction] : « Objet : Je [le fonctionnaire] ne voulais pas aggraver la situation », le fonctionnaire a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Après son départ, je pensais que ma directrice allait me reparler de cette affaire, mais ce ne fut pas le cas. Elle ne m’en a jamais reparlé. M. X était mon collègue. Nous n’étions pas des amis à l’extérieur du travail. Mme Lyon croyait que nous étions amis et que je le protégeais. On a eu recours au SGIC à deux occasions : la première fois, pour mes plaintes au DG de l’époque concernant les communications de Mme Lyon à mon endroit, et la deuxième fois, pour un conflit entre deux groupes de travail, car M. X avait été intégré à notre groupe après avoir […] présenté des griefs de harcèlement, et après que des problèmes de personnel étaient survenus dans l’autre groupe. M. X a initié la deuxième SGIC.

95 Le 18 avril, à la réunion visant à établir les faits, le fonctionnaire a trouvé que M. Ferland était hostile et que son langage corporel et ses expressions faciales étaient très négatifs. Le fonctionnaire a eu le sentiment qu’il était traité comme le pire des criminels après avoir passé 20 ans avec un dossier sans tache. Il a indiqué ce qui suit [traduction] : « Je n’ai jamais reconnu avoir traité Mme Lyon de menteuse, car ce n’est pas vrai, et c’est ce que j’ai maintenu à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs. J’ai admis que nous avions un historique. »

96 La lettre disciplinaire du 30 juin 2011 (pièce E-4) imposait une suspension de deux jours au fonctionnaire pour insubordination et comportement irrespectueux. Les facteurs atténuants étaient son dossier disciplinaire sans tache et l’absence de problèmes de rendement. Les principaux facteurs aggravants étaient [traduction] : « […] l’absence de remords et le sentiment de responsabilité limitée affichés lors de l’audience disciplinaire […] ». M. Paynter a expliqué ce qui suit [traduction] : « Il y avait clairement un désaccord concernant le déroulement réel des événements. Je ne pensais pas avoir fait quoi que ce soit, que ce soit relativement au ton, au haussement de voix, aux injures, à la remise en question de son [Mme Lyon] autorité […] ce n’est pas arrivé. »

97 On peut lire ce qui suit au deuxième paragraphe de la réponse au dernier palier, datée du 16 décembre 2011 (pièce 12) :

[Traduction]

Je crois comprendre que la directrice de la Division de l’élaboration des systèmes commerciaux gère les problèmes de ressources humaines touchant les employés qui vous rendent directement des comptes. Je comprends également que vous étiez au courant de cette entente. Cependant, quand votre directrice vous a demandé plusieurs fois de l’information sur cet employé, vous avez refusé de lui répondre sous prétexte que vous vouliez protéger la vie privée de l’employé en question. Enfin, vous avez aussi employé un langage inacceptable envers votre directrice.

98 M. Paynter a déclaré que ces déclarations étaient inexactes et qu’il n’était pas au courant d’une telle entente. Il a indiqué ce qui suit [traduction] : « Le 31 mars, Mme Lyon ne m’a pas parlé d’un problème quelconque. Karen [Mme Lyon] n’était pas ma directrice, donc la formulation “votre directrice” est inexacte ». Il a ajouté qu’il n’avait aucune expérience avec [traduction] « ces affaires de discipline » et qu’il n’avait pas employé un langage inacceptable.

2. Deuxième incident

99 Le fonctionnaire a fait preuve de beaucoup de transparence et de candeur au sujet des préoccupations. En 2008, il a placé sur son lecteur H: 11 images inappropriées. Il les avait reçues d’un ami, les avait consultées, les avait enregistrées et n’y a jamais retouché. Cet ami lui envoie aussi d’autres courriels qui peuvent inclure des photos, comme des photos de famille et des photos de sa mère, ainsi que des blagues et des insignes de loge. Le fonctionnaire enregistre tout. Il a dit qu’il était une personne occupée et qu’il avait demandé aux gens de ne pas lui envoyer de tels courriels. Il a affirmé avoir dit à son ami de ne plus lui envoyer [traduction] « des choses ». Il a dit qu’il avait réalisé que ces images étaient sur son lecteur H: lorsque l’employeur les a portées à son attention. Il n’a pas dit qu’il avait oublié qu’elles s’y trouvaient et il n’a pas dit pourquoi il ne les avait pas supprimées. Elles n’ont été partagées avec personne d’autre.

100 Le fonctionnaire a affirmé avoir eu de la difficulté à retrouver les courriels après qu’on lui a dit qu’ils se trouvaient sur son ordinateur. Il a donc tout supprimé.

101 Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas supprimé les images plus tôt, le fonctionnaire a seulement dit qu’il s’agissait d’une erreur de jugement.

102 Le fonctionnaire a supprimé les images le jour même où il a été informé de leur existence. Il ne comprenait donc pas pourquoi on disait qu’il avait affiché une [traduction] « absence de remords ».

103 En résumé, le fonctionnaire a témoigné qu’il n’avait pas transféré d’images, de vidéos ou de [traduction] « porno ». Lors de l’audience, un représentant des RH a déclaré que les images n’étaient pas de nature pornographique, qu’elles ne contenaient aucune violence et qu’il ne s’agissait pas de pornographie infantile; elles ne contenaient que de la nudité. Aucun collègue n’a vu les images ou ne s’en est plaint. Le fonctionnaire a affirmé que s’il n’était pas aussi occupé au travail, ces images ne seraient pas restées sur son ordinateur.

104 Lors de l’audience disciplinaire du 18 avril, les suspensions de deux jours et de dix jours ont été imposées en même temps. Le fonctionnaire n’a pas vu les photos. Ce n’est que lors de la journée de l’audience qu’il a su comment elles avaient été découvertes. Il n’a dit à personne qu’il avait supprimé les photos, mais lors de la rencontre suivante, le représentant des RH lui a dit qu’il savait que le fonctionnaire les avait supprimées. Le fonctionnaire a supposé qu’il était surveillé de façon continue.

105 Le fonctionnaire a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Lors de la rencontre du 18 avril, M. Ferland n’a pas aimé mon absence de remords; j’ai toutefois assumé ma responsabilité lors de la rencontre, j’ai confirmé que les images n’auraient pas dû se trouver là, je les ai supprimées, j’ai convenu que j’étais responsable. J’en ai discuté avec l’agent des relations de travail de mon syndicat avant la réunion et, selon lui, ma réaction était appropriée à tous les points de vue. Le 30 juin, j’ai pensé qu’après le troisième palier, on me donnerait une chance, mais la suspension est demeurée à dix jours. Je savais alors que j’interjetterais appel auprès de la CRTFP.

106 L’employeur a alors demandé que Mme Lyon soit interrogée de nouveau.

107 Mme Lyon a affirmé que M. Paynter était en affectation au cours de l’hiver 2010-2011. L’employeur enquêtait sur le recours abusif aux congés de M. X. Selon Mme Lyon, M. X avait admis avoir abusé des congés. Celui qui a remplacé M. Paynter pendant quatre mois n’avait peut-être pas remarqué une tendance en ce qui concerne l’utilisation des congés de maladie de M. X. Mme Lyon a porté la question à l’attention de M. Paynter vers la fin du mois de mars 2011, soit le jour après avoir rencontré M. X. Son allégation portait sur le fait qu’il y avait manifestement un recours abusif aux congés, que M. Paynter, à titre de superviseur de M. X, aurait dû s’en rendre compte, et qu’il y aurait dû y avoir une enquête.

108 M. Paynter a été contre-interrogé par l’employeur. Il n’était pas d’accord avec le résumé des allégations compris dans la pièce E-3, tel qu’il a été présenté par Mme Lyon. Plus précisément, il a déclaré qu’il n’avait pas été déplaisant et qu’il n’avait pas agi de façon haineuse. Il a déclaré qu’il ne s’était pas énervé, qu’il n’avait pas crié ni été déplaisant et qu’il n’avait pas adopté un ton haineux. Il a affirmé qu’il n’élevait jamais la voix, qu’il conservait une attitude calme et qu’il n’était pas du genre à exagérer.

109 En réponse aux questions sur la rencontre de mars avec Mme Lyon au sujet des habitudes de M. X en matière de congés, M. Paynter a affirmé qu’il n’avait pas été averti de l’objet de la rencontre, que Mme Lyon lui avait fourni peu de renseignements, que la réunion n’était pas structurée et que des accusations avaient été soulevées au sujet des habitudes de M. X en ce qui concerne l’utilisation de ses congés. Lorsque Mme Lyon a déclaré lors de la réunion que M. X avait admis prendre des congés de maladie alors qu’il n’était pas malade, le fonctionnaire a pensé que cela ne correspondait pas à ce qu’il avait compris.

110 M. X souffrait de troubles émotionnels depuis trois ans, comme l’a constaté M. Paynter, et il était en état de choc. M. Paynter s’inquiétait de l’état émotionnel de M. X, étant donné qu’il voyait un médecin pour des problèmes de stress, et il ne voulait pas contribuer à l’accroissement du stress de M. X.

111  M. Paynter a déclaré qu’il ne s’excusait pas d’être au courant de certaines choses et d’avoir ses opinions.

112 M. Paynter ne savait pas que M. X avait admis des torts. M. Paynter a déclaré que Mme Lyon avait avancé que M. X avait admis ne pas être malade. Le fonctionnaire a indiqué qu’il devait avoir approuvé la demande de congé que M. X avait présentée dans les trois semaines depuis que le fonctionnaire était revenu travailler dans cette unité.

113 Lorsque le fonctionnaire a parlé à M. X et lui a dit avoir entendu que M. X avait admis ne pas être malade, M. X a répondu : [traduction] « Je n’ai jamais dit ça. »

114 M. Paynter a ensuite été interrogé par l’employeur au sujet d’un échange de courriels survenu en décembre 2008 avec son gestionnaire au sujet d’une question liée au travail. M. Paynter s’était offusqué qu’on le conseille deux fois sur la même question, une fois directement et l’autre fois lorsque son gestionnaire lui a transféré l’avis original. Il a répondu en majuscules et semblait frustré parce qu’il se sentait trop surveillé. M. Paynter ne pouvait se souvenir du contexte ni expliquer cet emportement et son apparente perte de contrôle.

115 L’interrogatoire s’est poursuivi sur la question de l’audience disciplinaire du 18 avril 2011 et le témoignage de M. Ferland. Selon ce dernier, M. Paynter avait reconnu les allégations de Mme Lyon sans pourtant le dire explicitement. Selon M. Paynter, la présomption de M. Ferland était erronée. M. Paynter n’a pas reconnu avoir dit le mot [traduction] « menteuse ».

116 En réponse à l’affirmation de M. Ferland selon laquelle le fonctionnaire a dit s’être mal exprimé lorsqu’il a été confronté par Mme Lyon, le fonctionnaire a déclaré ne pas se souvenir d’avoir dit cela.

117 On a demandé à M. Paynter si Mme Lyon avait menti en ce qui concerne sa liste d’allégations. Il a répondu qu’il ne pouvait s’avancer sur les motivations de Mme Lyon, mais que selon lui, certaines des allégations découlaient de leur passé. M. Paynter a dit qu’il y avait un certain passé entre eux depuis qu’il avait présenté des plaintes, en 2009.

118 M. Paynter ne savait pas pourquoi ni comment on avait accédé aux fichiers de son ordinateur. Il a affirmé n’avoir appris qu’à l’audience d’arbitrage que Mme Lyon soupçonnait qu’il y avait peut-être eu des échanges de courriels concernant les problèmes de congés de M. X et qu’elle avait lancé une enquête visant à chercher dans les dossiers de l’ordinateur de M. Paynter. Il a ajouté qu’on ne l’avait pas informé qu’une enquête était en cours au sujet de l’utilisation des congés de maladie par M. X.

119 Selon le témoignage de M. Paynter concernant les images trouvées sur son ordinateur, il avait reçu d’un ami un courriel contenant des pièces jointes. Il avait ouvert le courriel, ouvert et enregistré les pièces jointes, puis supprimé le courriel, comme il le faisait avec la plupart de ses courriels. Il a déclaré qu’il était normalement très occupé et qu’il avait enregistré toutes sortes de fichiers, dont des photos de famille, des blagues, etc. Il supprimait les courriels parce qu’il n’en avait plus besoin et n’allait pas les transférer à d’autres personnes.

120 Le fonctionnaire a confirmé qu’il connaissait les politiques de l’employeur sur l’utilisation adéquate des courriels et son code de conduite et d’éthique.

121 Le représentant de M. Paynter lui a posé des questions au sujet du contexte de la pièce E-14 et du courriel en caractères gras envoyé à sa gestionnaire. M. Paynter a expliqué qu’ils mettaient en œuvre un remplacement pour une fonctionnalité d’un logiciel existant. Il a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Il y avait beaucoup de consternation dans l’organisation au sujet du logiciel. L’autre équipe nous manquait de respect (à mon équipe). Les gens me tenaient responsable des changements, alors que je n’ai pas développé le logiciel, je n’ai fait que le mettre en œuvre. Mon équipe faisait injustement l’objet de beaucoup de railleries.

122 Au bout du compte, la gestionnaire du fonctionnaire est venue le voir au sujet de cet échange pour lui dire qu’elle n’avait rien voulu dire de mal, et la situation ne s’est pas envenimée.

IV. Résumé de l’argumentation

123 L’employeur a abordé les questions de la façon suivante :

  • Pour la suspension de deux jours, est-ce que le comportement allégué a été adopté? Est-ce que la mesure disciplinaire était raisonnable?
  • Pour la suspension de dix jours, est-ce que le comportement allégué a été adopté? Est-ce que la mesure disciplinaire était raisonnable?

124 Le jour où Mme Lyon cherchait M. X, il n’y avait personne au bureau de celui-ci. Le fonctionnaire ne lui a pas répondu lorsqu’elle lui a demandé si M. X était au travail. Le fonctionnaire est devenu agressif, bruyant, déplaisant et hostile. Il s’est mis à crier et l’a traitée de menteuse.

125 En ce qui concerne la suspension de dix jours, M. Paynter a admis avoir enfreint plusieurs politiques de l’employeur. L’employeur lui a imposé ce qu’il estimait être une mesure disciplinaire adéquate.

126 Dans les deux cas, l’employeur a suivi une recommandation des RH, laquelle était soutenue par un résumé de la jurisprudence.

127 Malgré le dossier disciplinaire vierge du fonctionnaire, l’employeur lui a imposé une suspension de deux jours en raison de la gravité de la confrontation et du fait qu’il a accusée Mme Lyon de mentir. Compte tenu des fonctions de supervision de M. Paynter, il était important de donner l’exemple.

128 À l’appui de sa position, l’employeur m’a renvoyé à : Sheet Metal Workers’ International Association, Local 473 v. Bruce Power LP, [2009] Can Lii 31586 (ONLRB); Maple Leaf Consumer Foods, a Division of Maple Leaf Foods Inc. v. United Food and Commercial Workers Canada, Local 175, (2008) Can Lii 63548 (ONLA); Chauvin c. Administrateur général (Commissariats à l’information et à la protection de la vie privée du Canada), 2012 CRTFP 66; Doucette c. Conseil du Trésor (Ministère de la Défense nationale), 2003 CRTFP 66; Johnston c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2003 CRTFP 66; Schuberg c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-15123, 15159, 15350 et 15424 (19860318); Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2012 CRTFP 107; Ferguson c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-26970 (19961028).

129 En ce qui concerne la suspension de dix jours, l’employeur a résumé la situation ayant mené à la découverte des images inappropriées et l’a liée à la suspension de deux jours pour insubordination, qui a été imposée en même temps.

130 Compte tenu de la suspension de deux jours et en fonction du principe des mesures disciplinaires progressives, M. Ferland a de nouveau suivi la recommandation des RH et imposé une suspension de dix jours; à cet égard, il m’a renvoyé à : Gannon c. Conseil du Trésor (Défense nationale), 2002 CRTFP 32; Andrews c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CRTFP 100; Briar et al. c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2003 CRTFP 3.

131 M. Ferland a souligné que l’employeur agissait à titre de gardien et avait la responsabilité d’empêcher le matériel inapproprié d’entrer au Canada, et qu’il devait donc faire preuve de leadership en la matière. C’est pourquoi une suspension de dix jours était appropriée.

132 Le représentant du fonctionnaire a contesté le portrait que l’employeur avait dressé de M. Paynter, soit qu’il était antisocial et conflictuel et qu’il ne démontrait aucun remord, n’assumait pas se responsabilité et qu’il contestait ce qui était arrivé. Il s’agit d’exagérations flagrantes qui ne servent qu’à permettre à l’employeur d’arriver à ses fins.

133 Les antécédents de travail de M. Paynter et ses responsabilités au travail ont été examinés. Il a été souligné que, selon les témoins de l’employeur, le fonctionnaire effectuait du bon travail et était un employé responsable depuis 1999.

134 La majeure partie de la preuve présentée et du résumé des allégations était du type [traduction] « il a dit ceci et elle a dit cela », sans qu’un tiers puisse appuyer ces allégations.

135 M. Paynter a affirmé qu’il était préoccupé par le bien-être de son employé et qu’il a peut-être fait preuve d’une trop grande prudence et été trop sur la défensive dans ses échanges avec Mme Lyon. Il n’a pas cherché la confrontation. Il ne croyait pas avoir l’obligation de répondre. Il n’a pas dit : [traduction] « Je ne le sais pas »; il a plutôt dit : [traduction] « Je préférerais ne pas répondre », car il ne voulait pas imposer davantage de stress à M. X.

136 À l’appui de sa position, le fonctionnaire m’a renvoyé au Black’s Law Dictionary (9e édition) et à sa définition du terme [traduction] « insubordination », de même qu’à Province of Manitoba v. Manitoba Government and General Employees’ Union, Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 141, Focker c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 7, et Mohan c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2005 CRTFP 172. Il m’a également renvoyé à d’autres affaires où des sanctions moins sévères ont été imposées pour des incidents plus graves.

137 En ce qui concerne la suspension de dix jours, le représentant du fonctionnaire a affirmé que le fonctionnaire avait tout divulgué et admis qu’il avait mal agi en enregistrant les images. Il a souligné que les images n’avaient été reçues et enregistrées qu’une seule fois; elles n’ont jamais été partagées ou transférées à une autre personne, ni consultées par une autre personne. Le fonctionnaire n’a jamais eu l’intention de faire quoi que ce soit avec ces images. Il était occupé. Il reçoit régulièrement des courriels et les enregistre presque systématiquement. Il a eu de la difficulté à retrouver les images en question sur son ordinateur, alors il a complètement supprimé le dossier en cause, y compris d’autres messages personnels et des photos de famille.

138 Un représentant du syndicat du fonctionnaire a déclaré qu’une suspension de dix jours n’était pas une sanction raisonnable compte tenu des images en cause et il a fait valoir que la rationalisation de l’employeur en ce qui concerne sa jurisprudence n’était pas raisonnable dans les circonstances. Les images ne contenaient pas de pornographie, il ne s’agissait pas de pédophilie et il n’y avait pas non plus d’asservissement sexuel. Il n’y avait pas de vidéo; uniquement de la nudité. Les images n’ont jamais été partagées, que ce soit intentionnellement ou non. Cette affaire a pris des proportions exagérées.

V. Motifs

A. Premier incident

139 Le fonctionnaire a été suspendu pendant deux jours pour une présumée confrontation avec une directrice de l’employeur. Les parties ont produit des éléments de preuve démontrant qu’il y avait des problèmes entre le fonctionnaire et la directrice. Toutefois, ces éléments de preuve ont également démontré que le rendement du fonctionnaire avait toujours été bon, qu’il n’y avait jamais eu de problème concernant la qualité de son travail, et qu’avant la présumée confrontation, il avait toujours été considéré comme un employé respectueux.

140 Pour tenter de faire passer le fonctionnaire pour une personne difficile, l’employeur a mentionné son recours au SGIC. Il a laissé entendre que le processus du SGIC avait été amorcé deux fois à cause du fonctionnaire. Toute d’abord, le fonctionnaire a clairement réfuté cette conclusion en déclarant que le processus avait été lancé la première fois en raison de ses plaintes portant sur ses échanges avec Mme Lyon, et que la deuxième fois, le processus avait été lancé par M. X et portait sur la relation rompue entre deux groupes de travail. Ensuite, je ne vois rien dans les éléments de preuve de l’employeur au sujet du recours au SGIC du fonctionnaire qui appuie l’argument que ce dernier serait une personne difficile. Selon ce qui a été démontré par les éléments de preuve, le fonctionnaire a utilisé de manière appropriée un processus qui était à sa disposition, et ce simple fait ne peut pas être retenu contre lui. Rien dans les éléments de preuve ou dans les allégations présentées n’indique que le fonctionnaire aurait utilisé le SGIC de mauvaise foi ou de façon frivole ou abusive lorsqu’il a lui-même lancé le processus.

141 Le fonctionnaire a établi qu’il s’inquiétait pour son employé, ce qui semble avoir obscurci son jugement quand il a répondu à Mme Lyon. Il aurait dû répondre à la question de Mme Lyon, peu importe la compassion qu’il éprouvait à l’endroit de M. X. Je ne peux toutefois pas conclure que le fonctionnaire a fait preuve d’insubordination, car il a déclaré n’avoir reçu aucun ordre de Mme Lyon, et cette déclaration n’a pas été contestée.

142 Pour ce qui est du comportement irrespectueux du fonctionnaire, l’employeur a appuyé son allégation sur le ton du fonctionnaire. Il a effectivement décrit le fonctionnaire comme étant agressif, bruyant et hostile. Si un échange bref, quoique houleux, où on en est presque venu aux cris, a eu lieu entre le fonctionnaire et Mme Lyon, il aurait été utile d’entendre les propos des témoins, qui se trouvaient supposément à proximité. Et si l’échange s’est déroulé comme le fonctionnaire l’a décrit, le concept de milieu de travail ouvert aurait permis aux personnes qui se trouvaient à proximité d’entendre tout échange sur un ton normal. Aucune des deux parties n’a offert de faire témoigner un tiers, mais je suis conscient du fait que le fardeau de la preuve sur ce point incombait à l’employeur. Ce dernier a suggéré que les gens auraient préféré faire comme si rien ne s’était passé plutôt que de s’en mêler. Je crois que c’est possible, mais il est tout aussi probable que ces gens ont été réticents à témoigner parce qu’ils n’ont rien entendu et qu’ils auraient contredit une directrice de l’employeur s’ils avaient avoué ce fait.

143 Pour ce qui est de la prépondérance des probabilités, je conclus que, bien que des mots ont peut-être été échangés entre les parties, je ne peux pas déterminer comment la conversation s’est déroulée et ce qui a été dit par chaque partie. Mme Lyon et le fonctionnaire ont tous les deux fait un témoignage honnête et sérieux, mais leurs versions des faits sont opposées. L’employeur a imposé une mesure disciplinaire à M. Paynter pour avoir parlé sur un ton bruyant, agressif et hostile à Mme Lyon. De son côté, le fonctionnaire a admis qu’il ne voulait pas répondre à la question de Mme Lyon, mais il a déclaré clairement qu’il n’avait pas haussé la voix ou défié l’autorité de l’employeur. Les deux versions étaient cohérentes en elles-mêmes, et les témoins étaient crédibles, ce qui fait que je suis incapable de déterminer ce qui s’est vraiment passé ce jour-là. Il incombait à l’employeur de s’acquitter du fardeau de la preuve sur ce point, et de me convaincre selon la prépondérance des probabilités que l’incident s’était produit comme il est décrit dans sa lettre de suspension. L’employeur ne m’a pas convaincu et je dois annuler la suspension.

B. Deuxième incident

144 Le fonctionnaire a été suspendu pendant dix jours parce qu’il avait 11 images inappropriées sur son ordinateur.

145 Le fonctionnaire a reconnu que les images se trouvaient sur son lecteur H: et il en a immédiatement assumé la responsabilité. L’employeur a mis l’accent sur le fait que cela n’indiquait pas des remords de la part du fonctionnaire. Le fait que le fonctionnaire a ouvert les images, qu’il les a enregistrées, et qu’il n’a rien fait avec ces images, ni même les consulter, n’a pas été contesté.

146 Le fait d’avoir ouvert le courriel n’est pas un tort en soi; en fait, nous ouvrons tous des courriels dont le contenu peut parfois nous surprendre.

147 Il faut cependant tenir compte du fait que les images ont été enregistrées. L’employeur a relevé cinq de ses politiques qui ont été violées en les enregistrant :

- le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique;

- la Politique d’utilisation des réseaux électroniques du Conseil du Trésor;

- le Code de conduite de l’ASFC;

- la Politique sur l’utilisation des ressources électroniques de l’ASFC;

- la Politique sur l’utilisation adéquate du courrier électronique (courriels) de l’ASFC

Le fonctionnaire était au courant de ces politiques et j’en conclus qu’il a violé la Politique d’utilisation des réseaux électroniques (annexe C) du Conseil du Trésor en recevant et en téléchargeant un fichier contenant principalement des éléments de nudité. Pour la même raison, il a aussi enfreint l’annexe D de la Politique sur l’utilisation des ressources électroniques de l’ASFC.

148 L’employeur a déclaré qu’un système permettant d’évaluer à quel point une image est offensante avait été mis en place. Il a indiqué avoir soumis les images en question pour qu’elles soient évaluées. Même si je les lui ai demandés, l’employeur n’a pas présenté les résultats de cette évaluation. Je ne peux donc que spéculer quant à l’incidence de ces résultats sur la sanction disciplinaire imposée.

149 Comme je l’ai déjà indiqué, aucune mesure disciplinaire n’aurait dû être imposée pour l’échange entre Mme Lyon et M. Paynter.

150 Je dois tenir compte du fait qu’il n’y a maintenant plus de mesure disciplinaire inscrite au dossier du fonctionnaire au moment d’évaluer si la sanction disciplinaire imposée pour cet incident était raisonnable ou non.

151 C’est la première fois que M. Paynter se voit imposer une mesure disciplinaire. Il a de bons antécédents de travail et j’ai pris en considération ses d’années de service. J’ai aussi tenu compte du fait qu’il a immédiatement reconnu s’être mal conduit et le fait qu’il n’a jamais consulté ou partagé les images après les avoir reçues. Je crois que la sanction de dix jours n’est pas raisonnable et qu’elle devrait être considérablement réduite compte tenu du fait qu’il s’agit d’une première inconduite. Je dois donc déterminer quelle est la sanction adéquate. Je ne trouve pas que la plus grande partie de la jurisprudence mentionnée par l’une ou l’autre des parties m’est utile dans cette décision.

152 Je m’appuie toutefois sur la mesure disciplinaire imposée dans Province of Manitoba v. Manitoba Government and General Employees Union, [2009] M.G.A.D. No. 18.

153 Dans cette affaire, trois agents correctionnels ont été suspendus pendant trois à sept jours pour avoir reçu, consulté et envoyé par courriel une vidéo pornographique. Celle-ci a aussi été vue par deux détenus, et le tout s’est déroulé dans une unité spécialisée pour les délinquants sexuels.

154 Dans Manitoba, il y a eu une inconduite grave, les gestes ayant été prémédités, et les sanctions imposées étaient donc sévères. En l’espèce, la conduite du fonctionnaire était moins grave, puisqu’il ne s’agissait que d’une action passagère qui n’a pas été une source d’embarras pour l’employeur et n’a pas affecté le milieu de travail.

155 Dans le cas de M. Paynter, je conclus donc que seule une mesure de dissuasion minimale est requise et qu’une suspension d’une journée suffit.

156 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

157 J’accueille le premier grief et j’annule la suspension de deux jours.

158 J’accueille partiellement le deuxième grief. J’annule la suspension de dix jours, et je la remplace par une suspension d’une journée.

159 J’ordonne à l’employeur de rembourser onze jours de salaire et d’avantages sociaux à M. Paynter.

160 Je demeure saisi de cette affaire pendant une période de 90 jours à partir de la date de ma décision pour régler les conflits qui pourraient survenir concernant le calcul des montants à rembourser à M. Paynter.

Le 28 juin 2013.

Traduction de la CRTFP

Michael F. McNamara,
arbitre de grief

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