Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a allégué que l’employeur avait enfreint l’article 107 de la Loi lorsqu’il a changé sa pratique consistant à rémunérer les employés pour qu’ils agissent à titre de dirigeants ou de représentants syndicaux à temps plein - cette pratique a été modifiée après qu’un avis de négocier ait été signifié par l’agent négociateur - l’employeur a soulevé une objection préliminaire relativement au respect du délai - la formation de la Commission a conclu que le critère lié au respect du délai aux termes de l’article 107 repose sur la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances donnant lieu à la plainte - il s’agit d’une question de fait propre à chaque cas - l’événement déclencheur de la plainte est la date à laquelle les conditions d’emploi, qui sont gelées, ne sont plus respectées - l’échéancier débute lorsque la politique contestée est mise en œuvre - la plainte a été déposée en temps opportun - sur le fond, la preuve a démontré que, pendant de nombreuses années, certains dirigeants syndicaux étaient affectés à des fonctions syndicales à temps plein pour lesquelles ils étaient rémunérés par l’employeur - d’autres dirigeants étaient affectés à des fonctions syndicales à temps partiel - le changement de pratique équivalait-il à un changement dans les conditions d’emploi aux termes de l’article 107? - la formation de la Commission a adopté le critère du <<maintien du statu quo>>, et non le critère des <<attentes raisonnables>> - en appliquant le critère du maintien du statu quo, on a remarqué une tendance, ou une pratique, de la part de l’employeur de rémunérer certains dirigeants syndicaux à temps plein - pour ces employés, on a conclu que l’employeur avait enfreint l’article 107 lorsqu’il a annulé ou modifié la quantité de congés accordés pendant la période de gel - pour les autres employés, on a constaté que l’employeur avait déjà établi une tendance en matière d’octroi, d’annulation ou de modification des congés payés pour activités syndicales avant la période de gel - pour ces employés, l’employeur pouvait mettre fin à la pratique ou à l’entente relative aux congés pour activités syndicales sans enfreindre l’article 107 - l’agent négociateur a assumé les coûts associés au salaire des employés à temps plein et a donc directement subi une perte pécuniaire découlant de la violation de la disposition sur le gel - on a ordonné à l’employeur de verser des dommages à l’agent négociateur - la formation de la Commission demeure saisie de l’affaire pour la mise en œuvre de l’ordonnance. Plainte accueillie en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-04-23
  • Dossier:  561-02-587
  • Référence:  2013 CRTFP 46

Devant une formation de
la Commission des relations de
travail dans la fonction publique


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

plaignante

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

défendeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour la plaignante:
Andrew Raven et Dana Steinfeld

Pour le défendeur:
Richard Fader et Allison Maynard

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 11, 12 et 13 décembre 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plainte devant la Commission

1      Le 29 août 2012, l’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Syndicat des Douanes et de l’Immigration (l’« AFPC » ou la « plaignante ») a déposé une plainte auprès de la Commission en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi » ou la « LRTFP »), dans laquelle elle allègue que l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC », la « défenderesse » ou l’« employeur ») a enfreint l’article 107 de la Loi. En particulier, la plaignante a affirmé que la défenderesse avait contrevenu au gel des conditions d’emploi prévu par l’article 107 de la Loi en mettant fin à l’entente conclue entre la plaignante et la défenderesse, aux termes de laquelle la défenderesse a accepté d’octroyer à certains représentants désignés de la plaignante un congé payé pour activités syndicales à temps plein et, dans certains cas, à temps partiel.

2      La défenderesse a soutenu que l’ASFC avait examiné, dans le cadre de son appui au plan d’action pour la réduction du déficit (le « PARD ») du gouvernement, la pratique courante consistant à rémunérer les employés de l’ASFC qui agissaient à titre de dirigeants ou de représentants syndicaux à temps plein. L’ASFC a décidé qu’elle mettrait fin à cette pratique et a établi qu’à l’avenir cette dernière serait conforme aux dispositions négociées dans la convention collective et que, par conséquent, les conditions d’emploi de la plaignante n’avaient pas été modifiées par ce changement de pratique et l’article 107 de la LRTFP n’avait pas été enfreint.

3      La défenderesse a aussi fait valoir que l’arbitre de grief nommé pour entendre la plainte visée à l’article 190 de la LRTFP n’avait pas compétence pour entendre l’affaire en raison de la question du respect des délais.

4      La plaignante a cité deux témoins à comparaître : Morgan Gay, négociateur national auprès de l’AFPC, et Jean Pierre Fortin, président national du Syndicat des Douanes et de l’Immigration.

5      La défenderesse a cité les témoins suivants à comparaître : Camille Theriault-Power, vice-présidente des Ressources humaines, ASFC; Joe McMahon, directeur par intérim du point d’entrée de Windsor; Christine Durocher, directrice des Opérations des passagers, région du Grand Toronto; Ted Leindecker, négociateur, Conseil du Trésor; Martin Bolduc, vice-président associé des Opérations, ASFC.

II. Questions

6      La plainte a-t-elle été présentée dans les délais prescrits? La défenderesse a déclaré que la plainte avait été déposée 50 jours après le délai de 90 jours prescrit au paragraphe 190(2) de la LRTFP et que, par conséquent, elle devait être rejetée pour non-respect des délais.

7      Si on suppose que la plainte a été présentée dans les délais prescrits, peut-on affirmer que la défenderesse a contrevenu au gel des conditions d’emploi prévu par la LRTFP en mettant fin à l’entente dans le cadre de laquelle l’ASFC a accepté de payer à certains représentants désignés de la plaignante un congé payé pour activités syndicales à temps plein et, dans certains cas, à temps partiel?

8      Je propose de commencer par examiner la question du respect des délais prescrits puis, si j’estime que la plainte a été déposée dans les délais prescrits, j’entendrai la plainte sur le fond.

III. Résumé de la preuve/des faits sur la question du respect des délais

A. Jean-Pierre Fortin

9      Jean-Pierre Fortin est le président national du Syndicat des Douanes et de l’Immigration. Il est employé par l’ASFC et ses prédécesseurs depuis 1981 et a d’abord été agent des douanes, classifié aux groupe et niveau PM-01. Son poste a par la suite été reclassifié, en 1987, pour faire partie des groupe et niveau PM-02. Il occupe des fonctions au sein du Syndicat depuis longtemps. Il a été délégué syndical à Noyon pendant six ans, puis à Clarenceville pendant six ans également. Il est devenu agent financier de la succursale des Cantons-de-l’Est du Syndicat en 1987, puis second vice-président et président de la succursale au début des années 1990.

10 En 2011, M. Fortin a été élu président du Syndicat.

11 Une pratique était en place selon laquelle l’employeur octroyait aux représentants syndicaux à temps plein et à temps partiel un congé payé pour affaires syndicales à temps plein ou à temps partiel, indépendamment des dispositions sur les congés de la convention collective.

12 Les quatre vice-présidents nationaux, le représentant de l’accès à l’égalité et les quatre présidents de succursale étaient en congé payé pour activités syndicales à temps plein. Onze présidents de succursale étaient en congé payé pour activités syndicales à temps partiel.

13 Le 11 avril 2012, M. Fortin a reçu un appel téléphonique de la part de Luc Portelance, président de l’Agence des services frontaliers du Canada. M. Portelance l’a informé qu’on mettrait fin à l’entente sur l’octroi d’un congé payé pour les représentants syndicaux et qu’il recevrait une lettre en ce sens. Il lui a expliqué que cette décision faisait partie du PARD de l’Agence. M. Fortin a indiqué qu’il était atterré par cette décision étant donné qu’elle était prise pendant son premier mandat à titre de président national. Il a avisé M. Portelance du fait que cette décision aurait des répercussions sur les relations syndicales­patronales.

14 Le 11 avril 2012, M. Fortin a reçu une lettre par courriel de Camille Theriault-Power, vice-présidente des Ressources humaines de l’Agence des services frontaliers du Canada. Il a ensuite reçu la version papier de ce message le 17 avril 2012.

15 Le syndicat a réagi en appelant le Centre de l’AFPC afin de déterminer s’il était le seul à avoir reçu une telle lettre, compte tenu du fait que des accords de ce type étaient conclus avec d’autres succursales de l’AFPC.

16 Par la suite, M. Fortin a eu des discussions avec M. Portelance pour savoir pourquoi, à son avis, son élément était traité différemment des autres, et il a été informé du fait que l’abandon de cette pratique était envisagé pour d’autres éléments.

17 Il a consulté son comité national de gestion, et on lui a confié le mandat de négocier un règlement du litige en s’inspirant de ce qu’avaient fait d’autres syndicats. Les membres du comité ne voulaient pas que leur unité de négociation soit traitée différemment des autres.

18 Le 12 juin 2012, il y a eu une réunion du Comité national de consultation patronale­syndicale de l’ASFC et de l’AFPC. Selon le procès-verbal de cette réunion, M. Fortin a mentionné, dans son mot d’ouverture, [traduction] « […] que les six derniers mois avaient été très riches en événements », en faisant allusion au budget de 2012, aux diverses initiatives dans le cadre du PARD ainsi qu’à la négociation collective pour le groupe FP. Il a aussi indiqué que le SDI continuait d’être ouvert à la collaboration avec la direction afin de servir les intérêts de ses membres et aimerait tenir une réunion avec M. Portelance pour continuer les discussions sur des questions d’intérêt mutuel. Il est aussi indiqué dans le procès-verbal, sous le titre [traduction] « engagement », que M. Portelance et M. Fortin se rencontreraient au cours des prochaines semaines [traduction] « pour discuter de questions d’intérêt mutuel ». M. Fortin a affirmé que la question de l’intérêt mutuel dont les parties ont accepté de discuter était celle de l’arrêt de la pratique consistant à rémunérer les représentants syndicaux.

19 Le 21 juin 2012, M. Fortin et M. Portelance se sont rencontrés. Selon M. Fortin, la réunion ne s’est pas bien déroulée. M. Portelance a remis en question l’idée d’avoir un partenariat avec le syndicat alors que celui-ci le critiquait dans les médias en lien avec un incident qui s’était produit à Toronto. Les discussions étaient difficiles étant donné que la principale préoccupation de M. Fortin était de discuter de la question du congé payé, alors que M. Portelance souhaitait aborder l’incident rapporté dans les médias. Ils ont accepté de se rencontrer de nouveau.

20 Le 26 juin 2012, M. Fortin et M. McMichael, premier vice-président national, ont rencontré Marc Thibodeau, directeur des Relations de travail. Lors de cette réunion, M. Fortin cherchait à faire reporter la date prévue d’abandon de la pratique consistant à payer les représentants syndicaux, soit le 1er août 2012, afin de pouvoir tenir une réunion avec les membres de son conseil d’administration. M. Thibodeau l’a informé qu’il transmettrait sa demande à Mme Theriault-Power.

21 M. Fortin a rencontré Mme Theriault-Power le 28 juin 2012. Elle lui a dit que la réponse à sa demande était [traduction] « non », et que la date d’entrée en vigueur de la décision demeurerait le 1er août 2012.

22 Le 10 juillet 2012, M. Fortin a rencontré M. Portelance en privé. Son conseil d’administration lui avait confié le mandat de négocier, lors de cette réunion, la même chose que ce que les autres syndicats avaient, à savoir le maintien de l’entente sur le congé payé pour activités syndicales. M. Portelance a répondu [traduction] « non ». Ils ont discuté d’autres possibilités, notamment le maintien du détachement à temps plein pour les cinq postes nationaux et les quatre postes de président des grandes succursales.

23 M. Fortin a indiqué à M. Portelance que son seul mandat consistait à rétablir l’ensemble des indemnités et qu’il devrait consulter son exécutif national. M. Portelance l’a informé qu’il devrait consulter certaines personnes de son côté et qu’ils se reparleraient bientôt.

24 M. Fortin est allé voir son exécutif et a consulté chacun des membres de l’exécutif national. Le syndicat examinait deux possibilités : faire en sorte que la date limite du 1er août soit reportée au 1er novembre 2012 et que le statu quo soit maintenu jusqu’à cette date pour les neuf postes, ou maintenir le détachement des cinq titulaires des postes nationaux et des quatre présidents de succursale jusqu’au 1er avril 2013. M. Fortin s’est vu confier, par les membres de son exécutif, le mandat de négocier les deux possibilités.

25 M. Fortin et M. Portelance ont eu des discussions téléphoniques à ce sujet. Ils ont également discuté d’un certain nombre d’autres sujets. M. Portelance a informé M. Fortin que les personnes qu’il avait consultées à ce sujet étaient toujours en discussion. M. Fortin a considéré que c’était un « bon signe » et a supposé que les personnes dont M. Portelance parlait faisaient partie du Cabinet du ministre.

26 Le 25 juillet 2012, M. Fortin a reçu un autre appel téléphonique de la part de M. Portelance. Ce dernier l’a avisé que les propositions n’étaient plus sur la table de négociation, que l’employeur demeurait sur sa position et qu’il recevrait un avis officiel.

27 Ce jour-là, M. Fortin a envoyé à ses membres un courriel leur indiquant ce qui suit :

[Traduction]

Comme vous le savez tous, nous avons tenté à plusieurs occasions de convaincre l’ASFC de revoir sa position sur la question du congé payé pour activités syndicales, en particulier sa décision de limiter le congé en date du 1er août 2012.

M. Luc Portelance, président de l’ASFC, m’a informé par téléphone cet après-midi de la décision définitive de l’Agence, prise en consultation avec le Cabinet du ministre : la date butoir du 1er août 2012 sera maintenue.

28 Le 27 juillet 2012, M. Fortin a reçu un appel téléphonique de Mme Theriault-Power, l’avisant que la date de mise en œuvre du 1er août 2012 serait reportée au 15 août 2012.

29 Le 1er août 2012, M. Fortin a reçu une lettre de M. Thibodeau, dont voici un extrait :

[Traduction]

La présente fait suite à votre discussion du vendredi 27 juillet 2012 avec Camille Theriault-Power au sujet de l’arrêt de la pratique consistant à fournir une rémunération aux représentants syndicaux.

Pendant cette conversation, Mme Theriault-Power vous a informé que la date de mise en œuvre de la proposition du plan d’action pour la réduction du déficit [PARD] concernant le congé payé pour activités syndicales serait le 15 août plutôt que le 1er août 2012, comme cela vous avait été précédemment communiqué dans notre lettre du 16 avril 2012.

La présente lettre vise à confirmer votre décision selon laquelle les présidents de succursale à l’échelle régionale et les autres représentants régionaux réintégreront le milieu de travail le 15 août 2012. À partir de cette date, s’ils souhaitent demander un congé pour affaires syndicales, ils devront le faire le plus tôt possible, conformément aux dispositions de leur convention collective respective.

Pour ce qui est des quatre vice-présidents nationaux, soit M. Jason McMichael, M. Carmen Filice, M. Peter Russell et M. Ron Moran, ainsi que de la représentante de l’accès à l’égalité, Mme Karen Church, la présente vise à confirmer votre décision selon laquelle ils seront en congé non payé pour d’autres motifs en date du 15 août 2012.

30 M. Fortin a confirmé que l’agent négociateur avait décidé de payer les représentants nationaux jusqu’à la prochaine réunion du conseil d’administration du syndicat, à la fin d’octobre 2012. À l’exception des cinq représentants nationaux, les représentants, qu’ils soient détachés à temps plein ou à temps partiel, sont retournés immédiatement au travail. Dans le cas où une représentation syndicale était nécessaire pour les membres, un congé devait être demandé conformément aux dispositions de la convention collective.

B. Camille Theriault-Power

31 Mme Theriault-Power occupe actuellement le poste de vice-présidente, Ressources humaines, à l’Agence des services frontaliers du Canada. Elle a rejoint les rangs de la fonction publique en 1984 et a travaillé pendant vingt ans dans le domaine des ressources humaines. Elle a été directrice générale des Ressources humaines pour le ministère de la Justice. Elle s’est jointe à l’ASFC en mai 2009.

32 Dans le cadre de ses fonctions, elle est responsable de tous les aspects liés aux ressources humaines, à la formation, au recrutement et à la formation opérationnelle. Elle relève de M. Portelance, le président. Un certain nombre de directeurs généraux sont placés sous sa direction, notamment M. Thibodeau, qui est responsable des relations de travail et de la rémunération.

33 On lui a demandé comment elle avait réagi aux propos laissant entendre que la décision communiquée dans la lettre du 11 avril 2012 n’était pas définitive. Elle a affirmé que la décision avait été prise par le Cabinet. Elle était la personne responsable de cette question à l’Agence. Elle a indiqué qu’à aucun moment il n’avait été sous-entendu que la décision de ne plus accorder un congé payé pour activités syndicales était en cours d’examen. Elle a affirmé que l’Agence avait informé le Syndicat dès qu’elle a pu, et que la lettre du 11 avril 2012 constituait l’avis officiel de la décision.

34 Elle a admis avoir discuté avec M. Fortin le 27 juillet 2012. Elle se rappelait que M. Fortin l’avait informée du désir du Syndicat de faire en sorte que les présidents de succursale retournent en première ligne. Étant donné que les fonctionnaires sont payés deux semaines en avance, elle avait besoin d’un avis de deux semaines pour remettre les présidents de succursale sur la liste de paye. C’est pour cette raison que la mise en œuvre a été retardée.

35 L’Agence a fourni un avis de quatre mois afin d’accorder au syndicat une période de temps suffisante pour s’adapter au changement. Mme Theriault-Power croyait que le syndicat souhaitait que l’accord précédent se poursuive avec le même nombre de représentants affectés à temps plein et à temps partiel, mais cette fois-ci sur la liste de paye du Syndicat.

C. Argumentation de la défenderesse

36 Le paragraphe 190(2) prescrit un délai pour le dépôt de plaintes : « Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon la Commission, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu. »

37 Selon l’AFPC, les dispositions sur le gel de la LRTFP ont été enfreintes, plus précisément l’article 107. La plaignante a laissé entendre qu’il existait une entente entre les parties visant à verser un salaire à certains employés lorsqu’ils étaient en congé pour affaires syndicales, à temps plein ou à temps partiel. Il n’y a aucun désaccord quant au fait qu’une telle pratique était effectuée en sus des dispositions de la convention collective ni que l’abandon de cette pratique par l’employeur a eu lieu après qu’un avis de négocier collectivement a été signifié.

38 Un avis de négocier a été signifié le 21 février 2012, alors que l’ASFC a mis fin à la pratique le 11 avril 2012. La plainte a été déposée le 29 août 2012. Elle est purement axée sur l’annulation de l’entente entre la plaignante et la défenderesse. Selon la défenderesse, on a procédé à cette annulation lorsque la plaignante a été avisée du fait que la pratique serait abolie, soit le 11 avril 2012.

39 Par conséquent, la plainte a été déposée 50 jours après le délai de 90 jours prescrit au paragraphe 190(2) de la LRTFP. Selon un principe élémentaire de droit, la Commission n’a pas le pouvoir discrétionnaire de prolonger ce délai obligatoire. Une fois qu’il a été déterminé que la plainte a été déposée en dehors du délai de 90 jours, elle doit être rejetée pour non-respect des délais prescrits.

40 Les arguments de la plaignante sur la question du respect des délais sont fondés sur : a) l’allégation que les parties ont continué de négocier cette question jusqu’au 25 juillet 2012 et que, par conséquent, aucune décision définitive n’a été prise avant cette date; b) le fait que le paragraphe 190(2) ne commençait à s’appliquer qu’au moment où l’on a réellement mis en œuvre la décision de mettre fin à la pratique.

41 Les faits en l’espèce ont clairement démontré que, le 11 avril 2012, la décision de l’ASFC a été communiquée à la plaignante. Il importe de distinguer le caractère définitif de la décision de mettre fin à la pratique de sa mise en œuvre. Bien que la plaignante ait tenté de faire valoir sa position dans l’espoir que la décision soit révoquée et qu’elle ait négocié des éléments précis liés à la mise en œuvre de cette décision, la preuve démontre clairement que la décision de mettre fin à la pratique était irrévocable.

42 Selon la jurisprudence, il est établi que la consultation, ou le lobbyisme, ne permet pas de prolonger le délai de dépôt d’une plainte. À l’appui de ses arguments, l’employeur m’a renvoyé à Mark c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2007 CRTFP 34, Williams c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2008 CRTFP 28, Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 100, Éthier c. Service correctionnel du Canada et Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN, 2010 CRTFP 7, et Roy c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2011 PSLRB 142.

43 À quel moment une plainte se cristallise-t-elle?

44 La législation fait mention des mesures ou des circonstances « ayant donné lieu » à la plainte. C’est dans ce concept que se manifeste la volonté du Parlement. Manifestement, l’intention du Parlement est qu’une plainte soit déposée tôt dans le processus. Un plaignant n’a pas à attendre qu’une décision en litige soit mise en œuvre. Pour déterminer les circonstances ayant donné lieu à la plainte, nous devons déterminer la nature de la plainte en soi. La plainte est carrément axée sur la décision du défendeur de mettre fin à l’« entente ».

45 L’ASFC a invoqué la jurisprudence suivante, qui porte sur la question : Newfoundland and Labrador Association of Public and Private Employees v. Labrador School Board District No. 1, [2005] N.L.L.A.A. No. 11 (QL), Barr et Flannery c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 85, et Bunyan et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 85. Ces cas ont découlé de griefs dont on pourrait soutenir qu’ils ont été déposés à l’extérieur des délais prescrits dans les différentes conventions collectives. Ces affaires étayent l’argument qu’une plainte se cristallise dans des circonstances où une ligne de conduite a été mise en œuvre ou lorsqu’une déclaration d’intention de mise en œuvre a été émise.

D. Argumentation de la plaignante

46 Les éléments de preuve en l’espèce confirment que la modification des conditions d’emploi dont il est question à l’article 107 est survenue le 15 août 2012. La plainte a été déposée le 30 août 2012, soit bien avant la fin du délai prescrit.

47 En vertu de la LRTFP, le délai de présentation des plaintes commence à la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances y ayant donné lieu. Il s’agit d’une question de fait dans chaque cas. En premier lieu, la Commission doit déterminer quelle est l’essence de la plainte. En deuxième lieu, elle doit déterminer quel est l’événement déclencheur de la plainte, c’est-à-dire la date à laquelle la plainte s’est cristallisée. Le calcul du délai commence à la date de l’événement qui a donné lieu à la plainte. Dans le cas qui nous occupe, l’événement déclencheur est survenu à la date à laquelle l’article 107 a été enfreint.

48 Tout d’abord, l’essence de la plainte est que, contrairement à l’article 107, l’employeur a modifié une condition d’emploi qui pourrait figurer dans la convention collective, en cessant de respecter l’entente sur les congés pour activités syndicales le 15 août 2012.

49 La Commission a reconnu que pour déterminer si le délai prescrit pour la présentation d’une plainte a été respecté, il est important de tenir compte du contexte de chaque cas. L’analyse doit être guidée par la nature unique de la plainte relative au gel des conditions d’emploi en vertu de la LRTFP, par opposition à d’autres causes d’action. Une plainte relative au gel prévu par la loi peut être déposée lorsque l’obligation prévue par l’article 107 n’est pas respectée.

50 À l’appui de ses arguments, la plaignante m’a renvoyé à Éthier et Hager et al. c. Opérations des enquêtes statistiques (Statistique Canada), 2011 CRTFP 79.

51 Les considérations liées au respect du délai dans le cas des plaintes de manquement au devoir de représentation équitable sont nécessairement différentes de celles qui concernent les plaintes liées au gel des conditions d’emploi prévu par la loi.

52 Étant donné que l’essence de cette plainte réside dans le fait qu’il y a eu violation de l’article 107, l’événement déclencheur de la plainte a eu lieu à la date à laquelle les conditions d’emploi gelées en vertu de la LRTFP n’ont pas été respectées. Il n’y a pas violation de la Loi avant que cela ne survienne.

53 Le délai prescrit dans le cadre d’une plainte liée au gel des conditions d’emploi prévu par la loi est déterminé en fonction de la date de mise en œuvre; voir Canadian Air Line Pilots Association c. Air Canada (1977), 24 di 203, et Syndicat canadien de la Fonction publique c. Air Alliance Inc. (1991), 86 di 13.

54 Le dépôt d’une plainte en vertu de l’article 107 de la LRTFP serait prématuré s’il survenait pendant que les conditions d’emploi étaient encore respectées; voir Vaillancourt c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 165-02-60 (19881219), McInnis et al. c. Association des pilotes d’Air Canada et Air Canada,2009 CCRI 454, et Fraternité internationale des ouvriers en électricité – section locale 2228 c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 36.

55 En l’espèce, la preuve non contredite est qu’il y a eu des discussions entre les parties jusqu’au 25 juillet 2012. L’employeur aurait pu changer sa position au sujet de l’entente relative aux congés pour activités syndicales en tout temps au cours des négociations. Par ailleurs, l’employeur a envisagé la possibilité d’une transition progressive, laquelle aurait conservé partiellement le format actuel des congés pour activités syndicales jusqu’au 1er avril 2013. La position de l’employeur étaitambiguë jusqu’à ce qu’il communique sa décision définitive le 27 juillet 2012. Il est évident que le plan de mise en œuvre aurait pu être modifié, étant donné que l’employeur a reporté la date de résiliation de l’entente du 1er août 2012 au 15 août 2012.

56 La Loi n’a pas été enfreinte le 11 avril 2012. De plus, l’employeur a avisé la plaignante de son intention de mettre fin à l’entente. La Loi a plutôt été enfreinte lorsque l’employeur a cessé de respecter les conditions d’emploi qui étaient gelées, le 15 août 2012, soit la date où l’avis de négocier collective a été signifié. En conséquence, il n’y a pas eu violation de la Loi avant cette date et il n’y avait pas non plus de cause justifiant le dépôt d’une plainte. La plainte s’est cristallisée à la date où la violation du gel des conditions d’emploi prévu par la loi est survenue.

57 Par conséquent, la plainte du 30 août 2012 a été déposée dans les délais prescrits.

IV. Conclusions sur la question du respect du délai

58 Voici les dispositions législatives pertinentes :

[…]

107. Une fois l’avis de négociation collective donné, sauf entente à l’effet contraire entre les parties aux négociations et sous réserve de l’article 132, les parties, y compris les fonctionnaires de l’unité de négociation, sont tenues de respecter chaque condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné, et ce, jusqu’à la conclusion d’une convention collective comportant cette condition ou

a) dans le cas où le mode de règlement des différends est le renvoi à l’arbitrage, jusqu’à ce que la décision arbitrale soit rendue;

b) dans le cas où le mode de règlement des différends est le renvoi à la conciliation, jusqu’à ce qu’une grève puisse être déclarée ou autorisée, le cas échéant, sans qu’il y ait contravention au paragraphe 194(1).

[…]

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

c) l’employeur, l’agent négociateur ou le fonctionnaire a contrevenu à l’article 107 (obligation de respecter les conditions d’emploi); […]

[…]

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

[…]

59 Personne n’a contesté le fait que l’abandon de la pratique consistant à payer les salaires de certains employés lorsqu’ils sont en congé pour activités syndicales, à temps partiel ou à temps plein, est survenu après qu’on eut signifié un avis de négocier collectivement. Cet avis a été signifié le 21 février 2011.

60 Personne n’a contesté le fait que le 11 avril 2012, M. Fortin a reçu un appel téléphonique de M. Portelance, l’avisant qu’on mettrait fin à l’arrangement concernant l’octroi d’un congé payé pour les représentants syndicaux et qu’il recevrait une lettre à ce sujet. Le même jour, il a reçu un courriel, puis une lettre, de la vice-présidente des Ressources humaines de l’ASFC. Dans la lettre, il était mentionné que l’ASFC mettrait fin à cette pratique et veillerait à ce que les employés de l’ASFC qui s’occupent d’affaires syndicales pendant les heures de travail puissent le faire conformément aux dispositions de la convention collective. Il était également mentionné que la décision entrerait en vigueur le 1er août 2012.

61 M. Fortin a déclaré avoir rencontré M. Portelance deux fois, soit le 21 juin 2012 et le 10 juillet 2012, au sujet de l’arrêt des congés payés. La première rencontre n’a pas été fructueuse, car M. Portelance souhaitait discuter plutôt de l’incident lié aux médias, qui a été décrit ci-dessus dans l’examen de la preuve.

62 La rencontre du 12 juillet 2012 a été une rencontre privée durant laquelle, selon M. Fortin, les deux hommes ont examiné d’autres solutions, comme le maintien du détachement à temps plein pour les cinq postes nationaux et les postes de président des quatre grandes succursales. Selon M. Fortin, les deux hommes ont convenu qu’ils devaient consulter d’autres personnes et qu’ils se rencontreraient de nouveau prochainement.

63 Par la suite, lui et M. Portelance se sont parlé au téléphone. M. Portelance lui a dit que les personnes qu’il avait consultées étaient toujours en discussion. M. Fortin a considéré que c’était bon signe et a eu l’impression que les personnes dont M. Portelance parlait travaillaient dans le Cabinet du ministre.

64 Le 25 juillet 2012, M. Portelance a téléphoné à M. Fortin pour l’informer que les propositions n’étaient plus sur la table, que l’employeur demeurait sur sa position et qu’il recevrait un avis officiel à ce sujet.

65 On a demandé à Mme Camille Theriault-Power comment elle avait réagi à l’allégation selon laquelle la décision communiquée dans la lettre du 11 avril 2012 n’était pas définitive. Selon sa preuve, il s’agissait d’une décision du Cabinet. Elle était la responsable de cette question pour l’Agence. Elle a dit qu’on n’avait jamais laissé entendre que la décision de mettre en œuvre l’arrêt des congés payés pour activités syndicales était à l’étude.

66 J’admets le témoignage de M. Fortin selon lequel dans ses discussions privées avec M. Portelance, les deux hommes ont envisagé d’autres solutions, tel qu’il a été décrit par M. Fortin, et qu’ils ont tous les deux cherché à obtenir un mandat pour pouvoir poursuivre leurs discussions. Je conclus donc que la décision n’a pas été définitive avant le 25 juillet 2012. J’admets également le témoignage de Mme Theriault-Power, qui a témoigné dans la mesure de ses connaissances; toutefois, comme les rencontres et les discussions entre M. Portelance et M. Fortin étaient de nature privée, elle n’est pas bien placée pour contredire M. Fortin. M. Portelance n’a pas été appelé à témoigner. J’admets aussi la preuve non contredite figurant dans la lettre du 1er août 2012, dans laquelle on fixait le 15 août 2012 comme date de mise en œuvre du changement de pratique.

67 Le critère lié au délai de présentation d’une plainte en vertu de l’article 107, consiste à déterminer la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances ayant donné lieu à la plainte. Il s’agit d’une question de fait dans chaque cas.

68 J’admets la série de décisions faisant jurisprudence qui démontre que pour déterminer si le délai pour le dépôt d’une plainte a été respecté, il est important de tenir compte des circonstances de chaque cas, et qu’étant donné que la plainte allègue une violation des dispositions relatives au gel des conditions d’emploi prévu par la loi, la nature de la plainte doit guider l’analyse relative au respect du délai.

69 Je trouve convaincant l’argument selon lequel l’événement déclencheur de la plainte a eu lieu à la date à laquelle les conditions d’emploi gelées ont cessé d’être respectées. Il ne peut y avoir contravention à la Loi avant que les conditions d’emploi ne soient modifiées.

70 Utilisant pratiquement la même formulation en ce qui concerne le délai de présentation d’une plainte alléguant une contravention de la période de gel, le Conseil canadien des relations du travail a statué que l’on doit déterminer si le délai a été respecté en se fondant sur la date de mise en œuvre d’un changement proposé. J’adopte le raisonnement de Canadian Air Lines Pilots Association et Syndicat canadien de la Fonction publique, où il a été conclu que le calcul du délai commence lorsque la politique contestée est mise en œuvre.

71 En l’espèce, comme j’ai conclu sur la base des faits qu’on ne peut dire que la contravention alléguée est survenue avant le 15 août 2012, date à laquelle l’ASFC a confirmé officiellement, par ses actions, la mise en œuvre de la décision de réintégrer les employés visés dans le milieu de travail et d’exiger que les demandes de congé pour activités syndicales soient faites conformément aux dispositions des conventions collectives, et ce, à compter du 15 août 2012, je conclus que la plainte du 30 août 2012 a été déposée dans les délais prescrits.

V. Résumé de la preuve/des faits sur le fond de la plainte

72 La défenderesse a-t-elle enfreint le gel des conditions d’emploi prévu dans la LRTFP en mettant fin à l’entente selon laquelle l’ASFC avait convenu d’accorder à certains représentants désignés de la plaignante un congé payé pour activités syndicales à temps plein et, dans certains cas, à temps partiel?

A. Morgan Gay

73 Morgan Gay a témoigné pour le compte de la plaignante. Il travaille pour l’AFPC comme négociateur national depuis novembre 2006. Il a commencé à travailler pour l’unité de négociation des services frontaliers (groupe FB) avant sa certification en décembre 2006. Il a participé à la négociation de la première convention collective du groupe FB, qui a été ratifiée au début de 2009. Cette convention collective est arrivée à échéance le 20 juin 2011.

74 L’AFPC a signifié un avis de négocier le 21 février 2011 et a déposé ses demandes en février 2011. Les parties ont commencé à négocier en mars 2011 et se sont rencontrées mensuellement par la suite jusqu’en mars 2012, date à laquelle la plaignante a demandé la conciliation et la mise sur pied d’une commission de l’intérêt public pour aider les parties à en arriver à une entente. Une commission de l’intérêt public a été formée et les membres se sont réunis le 10 décembre 2012.

75 L’article 14 de la convention collective expirée contenait une disposition concernant la question des congés payés pour activités syndicales.

76 De façon générale, l’article prévoyait que lorsque les nécessités du service le permettaient, l’ASFC accordait un congé payé aux employés qui interviennent au nom d’un autre employé qui dépose une plainte devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique ou aux employés qui interviennent au nom de l’AFPC lorsqu’elle dépose une plainte de ce genre. L’article contenait des dispositions semblables en ce qui concerne les demandes d’accréditation, de comparutions et d’interventions concernant les demandes d’accréditation; les audiences d’une commission d’arbitrage, d’une commission de l’intérêt public et lors d’un mode substitutif de règlement des différends; les audiences d’arbitrage de griefs; les réunions dans le cadre de la procédure de règlement des griefs; les réunions entre l’AFPC et la direction non prévues dans l’article.

77 L’article prévoyait que l’ASFC, lorsque les nécessités du service le permettaient, accorderait un congé non payé à l’employé qui assiste aux séances de négociations contractuelles au nom de l’AFPC, aux réunions préparatoires aux négociations contractuelles, aux réunions du conseil d’administration, du conseil exécutif et aux congrès, ainsi qu’à l’employé qui suit un cours de formation des représentants.

78 Lors de son témoignage, M. Gay a parlé d’une entente ou d’une pratique où les représentants à temps plein ou à temps partiel du syndicat se voyaient accorder par l’ASFC un congé payé pour activités syndicales à temps plein ou à temps partiel, selon le cas. Plus particulièrement, quatre vice-présidents nationaux de l’AFPC, le représentant de l’accès à l’égalité et quatre présidents de succursale avaient droit à un congé payé à temps plein. Onze présidents de succursale avaient droit à un congé payé à temps partiel. Les représentants de l’AFPC qui étaient en congé payé à temps plein pour activités syndicales n’exécutaient pas les fonctions liées à leur poste. Ceux qui étaient en congé payé à temps partiel pendant des heures variées, et ce, hebdomadairement, exécutaient les fonctions de leur poste lorsqu’ils n’étaient pas occupés à des activités syndicales. Les représentants qui étaient en congé payé à temps plein et qui n’exécutaient pas les fonctions liées à leur poste étaient qualifiés de [traduction] « détachés ». Ceux qui étaient en congé payé à temps partiel et qui exécutaient les fonctions liées à leur poste à temps partiel étaient qualifiés de [traduction] « non détachés ».

79 Cette entente ou pratique était appliquée indépendamment des dispositions de la convention collective.

80 Avant la ronde de négociation actuelle, quatre présidents de succursale étaient en congé payé à temps plein pour activités syndicales, soit les présidents des succursales de Toronto, de Montréal, de Vancouver et du siège social. Des présidents d’autres succursales avaient de la difficulté à se voir accorder un congé payé pour exercer leurs fonctions de représentation.

81 M. Gay ne savait pas si la pratique d’accorder des congés payés était prévue dans une entente écrite. Cette pratique était qualifiée d’entente par les présidents de succursale.

82 On a demandé à M. Gay si l’AFPC était au courant, lorsqu’elle s’est engagée dans les négociations, que l’employeur devait réduire ses coûts. M. Gay a répondu qu’il n’était pas au courant que l’employeur devait réduire les congés payés pour activités syndicales. Rien n’indiquait que cette mesure était imminente.

B. M. Fortin

83 M. Fortin, le président national, a décrit la pratique passée de l’employeur qui consistait à accorder des congés payés pour activités syndicales. Les présidents de succursale ont été les premiers à obtenir un congé payé pour activités syndicales. Les présidents de succursale n’étaient pas tous entièrement détachés. Les présidents des quatre grandes succursales – Montréal, Toronto, Vancouver et siège social – étaient entièrement détachés. Il a dit que le président de la succursale de Montréal était entièrement détaché depuis environ 25 ans, celui de la succursale de Vancouver depuis 10 ans, et que celui de la succursale de Toronto était aussi entièrement détaché.

84 Au moment où l’avis de négocier a été donné en février 2011, les postes de premier, deuxième, troisième et quatrième vice-présidents étaient occupés par des employés qui étaient entièrement détachés depuis environ 10 ans. Le représentant de l’accès à l’égalité était entièrement détaché depuis environ 7 ans.

85 Au moment où l’avis de négocier a été donné, environ 10 présidents de succursale étaient en congé payé à temps partiel pour activités syndicales, et ce, durant un nombre d’heures varié; ils étaient donc partiellement détachés. Environ six présidents de succursale n’étaient ni détachés entièrement ni détachés partiellement, mais se voyaient accorder au besoin des congés pour activités syndicales conformément aux dispositions de la convention collective.

86 M. Fortin a participé à la négociation d’ententes au niveau régional pour obtenir 7,5 heures de congé payé par semaine pour activités syndicales pour les trois présidents de succursale de la région de l’Atlantique. Ce congé se serait ajouté aux congés autorisés par la convention collective.

87 Autant que M. Fortin le sache, l’employeur n’avait jamais informé le syndicat, avant avril 2012, qu’il voulait mettre fin à l’entente concernant les employés entièrement détachés pour activités syndicales.

88 Comme nous l’avons vu dans la section sur le respect du délai, M. Fortin a reçu un appel téléphonique de M. Portelance le 11 avril 2012. Ce dernier a informé M. Fortin que l’entente relative à l’octroi d’un congé payé pour les représentants syndicaux ne serait pas maintenue et que M. Fortin recevrait une lettre à ce sujet. Il a expliqué que cette décision s’inscrivait dans le cadre du PARD de l’Agence. M. Fortin a dit avoir été atterré par cette décision étant donné qu’elle était prise pendant son premier mandat à titre de président national. Il a avisé M. Portelance que cette décision aurait des répercussions sur les relations patronales-syndicales.

89 Le 11 avril 2012, il a reçu une lettre par courriel de Mme Theriault-Power; il a reçu la copie papier de cette lettre le 17 avril 2012. La lettre était formulée ainsi, en partie :

[Traduction]

[…]

À la suite de la discussion que nous avons eue récemment, je vous écris à propos des mesures de réduction du déficit qui figurent dans le Budget 2012 qui a été déposé récemment devant le Parlement.

Tous les ministères et organismes ont été invités à élaborer des propositions pour appuyer le plan de réduction du déficit du gouvernement. L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) s’est engagée activement à soutenir ce processus.

[…]

Lorsque nous avons préparé nos propositions, il est apparu que l’ASFC ne pouvait plus maintenir sa pratique d’accorder un congé payé aux employés qui agissent comme dirigeants syndicaux à temps plein si cette pratique met en péril des emplois de première ligne. De plus, cette proposition permettra d’aligner la pratique actuelle sur les dispositions négociées figurant dans la convention collective et sur la pratique en vigueur dans la plupart des autres ministères gouvernementaux.

Par conséquent, dans le cadre de notre plan de réduction du déficit, nous abandonnerons cette pratique et veillerons à ce qu’à l’avenir, les employés de l’ASFC qui exécuteront des activités syndicales pendant les heures de travail le fassent conformément aux dispositions de la convention collective.

Cette décision s’applique à tous les employés de l’ASFC qui agissent à titre de représentants syndicaux. Elle entrera en vigueur le 1er août 2012, ce qui permettra une période de transition appropriée pour le Syndicat des Douanes et de l’Immigration (SDI).

Je vous encourage à communiquer avec moi ou avec Mark Thibodeau, directeur général des Relations de travail et de la rémunération, pour voir comment nous pourrions vous aider au cours de cette transition.

[…]

90 Lors du contre-interrogatoire, M. Fortin a reconnu qu’en 1987, le poste de président de la succursale des Cantons-de-l’Est était entièrement détaché, alors qu’au moment où l’avis de négocier a été signifié, le poste n’était ni entièrement ni partiellement détaché.

91 Il a aussi reconnu avoir eu une discussion avec le directeur régional du Québec en 2007-2008 au sujet du poste de président de succursale à Lacolle, au Québec. À ce moment, M. Bisson était le président de la succursale et il était entièrement détaché.

92 Lorsque Stefan Laroche a été élu président en février 2012, le poste de président de succursale à Lacolle était passé de poste complètement détaché à poste non détaché parce que M. Laroche ne voulait pas perdre son droit aux avantages qui découlaient de l’exécution des fonctions de son poste.

93 À la suite de son élection, Christine Miller, la présidente de succursale des Cantons-de-l’Est, est devenue une employée non détachée.

C. Mme Theriault-Power

94 Mme Theriault-Power a déclaré que l’arrangement conclu avec le syndicat à propos des congés payés pour les représentants syndicaux n’était pas inscrit dans une entente écrite; il n’existait pas non plus de politique écrite relativement à ce genre de congé.

95 Elle a dit que ce genre de congé était accordé lorsque les représentants syndicaux soumettaient leurs feuilles de temps à leur superviseur pour approbation.

96 Elle a déclaré que la décision d’abandonner la pratique qui consistait à payer les représentants syndicaux avait été prise parce que l’Agence était soumise à diverses mesures de réduction des coûts à la suite d’une ronde d’examens stratégiques. À la suite de l’examen de l’été 2011, l’ASFC devait réduire de 5 % son budget opérationnel, ce qui équivalait à 143 millions de dollars. Comme l’Agence devait trouver des moyens de réaliser des économies, il s’est avéré qu’elle ne pourrait pas continuer à payer les représentants syndicaux pendant les heures de travail tout en supprimant en même temps des emplois. Entre 50 % et 60 % du budget total de l’Agence était lié aux salaires de fonctionnement.

97 Avant 2011, on avait pris des mesures pour réduire les coûts. En 2007, à la suite d’un examen stratégique, les budgets de fonctionnement de l’Agence avaient été gelés. On avait imposé des plafonds pour les frais de voyages et les frais d’accueil. L’Agence avait été obligée de réduire ses coûts de 58 millions de dollars, ce qui a mené à une réduction des effectifs. Néanmoins, l’Agence avait offert une garantie d’offre d’emploi raisonnable aux employés touchés par la réduction du personnel. Les réductions avaient été réalisées au moyen de l’attrition ou de la réaffectation du personnel.

98 Devant l’exigence de 2011 de réaliser des réductions de 143 millions de dollars, l’Agence a dressé la liste de quelque 1 100 postes à éliminer. Par le passé, lorsque l’Agence devait réduire ses coûts, elle ciblait les services de soutien plutôt que les opérations. Toutefois, comme les économies de coûts demandées en 2011 étaient importantes, l’administration centrale et les régions devaient toutes deux faire partie des réductions.

99 L’Agence ne disait pas non à tous les types de congés pour activités syndicales. Elle était certes disposée à accorder des congés pour activités syndicales conformément aux dispositions de la convention collective.

100 Lors du contre-interrogatoire, Mme Theriault-Power a dit que l’ampleur des réductions n’a été connue publiquement que lorsqu’elles ont été déposées devant le Parlement le 29 mars 2012. Avant cette date, les réductions étaient soumises au secret ministériel. L’une des propositions de l’Agence au Cabinet était l’abolition de la pratique consistant à payer des congés pour activités syndicales. Selon Mme Theriault-Power, le Service correctionnel et l’ASFC avaient fait ce genre de proposition.

101 Lorsqu’on lui a demandé si elle était d’accord ou non avec la preuve de M. Fortin selon laquelle des gestionnaires avaient dit que l’octroi de congés à temps plein aux représentants syndicaux permettait de réaliser des économies, car il n’était alors pas nécessaire de les remplacer par des employés que l’on devait payer en heures supplémentaires, elle a répondu qu’elle ne le savait pas, car elle n'était pas là à cette époque.

102 Elle a reconnu que l’Agence n’avait pas pris en considération les économies qui pourraient être attribuées au fait de ne pas avoir à remplacer les représentants syndicaux qui devaient prendre un congé pour exécuter des responsabilités syndicales.

103 Elle était d’accord avec le fait que l’arrangement relatif à l’octroi de congés payés pour activités syndicales ne pourrait pas être mis en œuvre sans l’accord du syndicat et de l’employeur.

104 En date du 11 décembre 2012, il n’y avait pas eu de mise en disponibilité; toutefois, il était prévu qu’il pourrait y en avoir avant la fin de l’exercice. L’Agence prévoyait quelque 250 départs involontaires, y compris au niveau de la direction.

D. Joe McMahon

105 M. Joe McMahon est directeur intérimaire du point d’entrée de Windsor. Il a commencé à travailler comme inspecteur des douanes en 1990; de 2005 à 2010, il était directeur des ressources humaines pour Windsor. À ce titre, il était responsable des ports d’entrée de Windsor, de Sarnia et de London, en Ontario.

106 Il y avait trois succursales de l’agent négociateur qui correspondaient aux trois ports d’entrée.

107 Vers 2005, la présidente de la succursale de Windsor, Marie Claire Coppel, se présentait au travail en uniforme, mais elle exécutait principalement des fonctions syndicales, et rarement des fonctions d’agente des services frontaliers. En 2006, elle a accepté un poste au niveau national. De même, un certain M. Jason McMichael, de Sarnia, a accepté un poste au niveau national. Ainsi, au port d’entrée de Windsor, il y avait deux agents des services frontaliers qui exécutaient des fonctions au niveau national.

108 La région trouvait qu’il était préoccupant de payer deux agents des services frontaliers pour exécuter des fonctions syndicales au niveau national et d’avoir trois présidents locaux bénéficiant de divers arrangements. La présidente de la section locale de Windsor, Karen Church, était en congé payé à temps plein pour activités syndicales. Le président de la section locale avait un congé de deux heures par quart de travail pour exécuter des activités syndicales. Le président de la section locale de London ne demandait pas de congé pour activités syndicales, car il occupait un emploi de bureau et pouvait exécuter ses fonctions syndicales tout en s’acquittant de ses autres responsabilités.

109 En 2008, Karen Church est devenue membre de l’exécutif national et M. Anthony Essex est devenu président de la section locale de Windsor. M. McMahon a reçu du centre la directive de réexaminer les arrangements relatifs aux congés pour activités syndicales conclus avec les présidents des sections locales. À la suite de cet examen, l’arrangement concernant le président de la section locale de Windsor a été modifié, et le nombre d’heures payées consacrées aux activités syndicales chaque semaine est passé de 37,5 à 22 heures. Il s’agissait d’une décision de la direction qui n’a pas été négociée avec le syndicat.

110 En septembre 2009, M. Essex a demandé quatre heures de plus par semaine pour accomplir des activités syndicales. Cette demande lui a été refusée. Aucun grief n’a été déposé à la suite de la réduction du nombre d’heures.

E. Christine Durocher

111 Mme Christine Durocher est la directrice des Opérations des passagers de l’ASFC depuis octobre 2011 dans la région du Grand Toronto. Elle est responsable des terminaux un et deux. Elle a commencé à travailler à l’Agence des douanes et du revenu du Canada en 1989, à Fort Erie. À partir de 2001, elle a travaillé à Toronto comme chef du renseignement, puis directrice des Opérations liées au commerce.

112 Elle a déclaré que depuis octobre 2011, aucun congé payé n’était accordé pour des activités syndicales aux Opérations des passagers à Toronto, sauf en ce qui concerne les congés prévus par la convention collective. Lorsqu’elle a accédé à son poste actuel, la présidente de la section locale était Jeneena Lebond. Elle ne savait pas si l’on octroyait à Mme Lebond des congés pour activités syndicales en plus de ceux qui étaient prévus dans la convention collective, car Mme Lebond travaillait au Centre d’exécution de la loi et ne relevait pas d’elle.

113 En novembre 2011, Mark Weber est devenu le nouveau président de la succursale. Peu après l’élection de M. Weber, Mme Durocher l’a rencontré. Il a demandé à avoir accès au bureau syndical qui existait auparavant au terminal un. Il a aussi demandé de conserver son horaire, qui alternait cinq jours de travail avec quatre jours de congé, avec un horaire de 5 h à 15 h. Mme Durocher a dit avoir été ouverte à sa proposition et l’avoir acceptée.

114 Il voulait bénéficier du même arrangement que les anciens présidents de Toronto, c’est-à-dire de ne pas travailler en uniforme et d’être en congé payé à temps plein pour activités syndicales.

115 Mme Durocher a témoigné lui avoir répondu que ce n’était pas la pratique habituelle. Selon son expérience des organisations professionnelles, les présidents du syndicat des organisations professionnelles pour la région du Grand Toronto, tout comme pour Fort Erie, Windsor/St. Clair, London et Hamilton, travaillaient comme agents des services frontaliers et demandaient des congés à différentes occasions. Elle a parlé plus précisément de Fort Erie et de Windsor.

116 M. Weber a répondu qu’il allait devoir discuter de la question avec le directeur général régional et un représentant des Relations de travail. Elle s’est engagée à avoir un autre entretien avec lui par la suite. Aucun grief n’a été déposé et aucune plainte officielle n’a été présentée.

117 Mme Durocher a parlé d’une série de courriels échangés entre les parties entre le 16 décembre 2011 et le 10 février 2012, qui démontraient l’évolution des différentes positions des parties avant de finalement en arriver à une entente.

118 Selon Mme Durocher, M. Weber devait se présenter chaque jour au travail, à 7 heures, en uniforme, et son nom serait ajouté au tableau de service. En collaboration avec le surintendant, ils devaient déterminer dans quelle mesure il exécuterait les fonctions d’agent des services frontaliers ou se verrait accorder un congé pour fonctions syndicales (code 6400) ou un congé non payé.

119 Après avoir parlé au directeur et au directeur général, M. Weber s’attendait à ce qu’on lui offre les mêmes avantages qu’aux trois derniers présidents de la section locale, c’est-à-dire qu’il n’aurait pas à porter l’uniforme et qu’il utiliserait les congés de code 6400 pour toutes ses fonctions syndicales. Il a dit que son uniforme était dans son vestiaire et qu’il serait disposé à prêter main-forte si le surintendant de service avait un besoin urgent de personnel opérationnel.

120 En février, on a porté à l’attention de Mme Durocher le fait que M. Weber demandait chaque semaine un congé payé pour activités syndicales et qu’il ne portait pas son uniforme.

121 Mme Durocher s’est entretenue avec M. Weber à ce propos. Le 9 février, M. Weber a rencontré le directeur général pour discuter de la question. Le 10 février 2012, le directeur général a écrit un courriel à M. Weber pour faire suite à une rencontre qu’ils avaient eue ensemble le jour précédent. Le courriel était formulé ainsi, en partie :

[Traduction]

[…]

Je voudrais d’abord vous remercier pour la rencontre positive et productive d’hier qui nous a permis de préciser la manière dont vos activités seront gérées pour que vous soyez en mesure d’assurer une représentation convenable pour vos membres et pour que la direction ait l’assurance que la gestion des congés pour activités syndicales est conforme aux dispositions de la convention collective. Je veux par la présente confirmer la teneur de la discussion que nous avons eue hier […]

Le chef de qui vous relèverez au sujet de votre présence au travail et des demandes de congé pour activités syndicales sera Darrell Maillet […]

Comme il a été discuté, vous devrez porter l’uniforme pour vous acquitter de vos fonctions d’ASF durant les périodes où vous n’exécuterez pas d’activités syndicales approuvées. Au début de votre quart de travail, si vous avez reçu à l’avance un congé approuvé pour affaires syndicales, vous n’aurez pas à vous présenter en uniforme, mais vous devrez vous changer lorsque les activités syndicales seront terminées et vous présentez au travail. Je reconnais aussi qu’il pourra y avoir des jours où votre congé aura été approuvé pour toute la journée; dans ce cas, en tant qu’employé exécutant des activités syndicales, vous n’aurez pas à porter l’uniforme.

[…]

122 Lors du contre-interrogatoire, on a demandé à Mme Durocher combien de jours M. Weber avait travaillé comme agent des services frontaliers durant la période de février 2012 à août 2012. D’après elle, M. Weber devait se présenter à son chef tous les jours et faire une demande pour obtenir un congé de code 6400. On avait accordé au chef une grande latitude pour permettre à M. Weber d’établir une section locale dans la région du Grand Toronto. Mme Durocher a reconnu que les formulaires 6400 pour congé syndical ne lui étaient pas soumis.

123 Selon le rapport sur les congés de M. Weber et un registre comptable de l’employeur déposés en preuve durant la procédure, M. Weber s’est vu accorder invariablement un congé pour activités syndicales, code 6400, pour les jours où il a travaillé après octobre 2011.

F. Martin Bolduc

124 M. Bolduc est vice-président associé des opérations à l’ASFC. Il travaille à la fonction publique depuis 1988. Il a commencé comme inspecteur des douanes étudiant, puis a occupé le poste d’inspecteur des douanes et divers postes au niveau régional. En 1995, on lui a confié la gestion des opérations, à Dorval. En 2004, il est devenu directeur exécutif de la région du Québec, puis directeur général régional en 2007. En avril 2010, il est déménagé à Ottawa et a commencé à assumer les fonctions du poste qu’il occupe actuellement, soit directeur général régional des opérations du Québec. Il est responsable de la gestion de quelque 2500 employés.

125 Il a témoigné au sujet du statut des congés accordés aux divers présidents de succursale au Québec. Pendant que M. Bolduc était directeur général de la région, Jacques Lafleur était président de la succursale de Montréal, et Claude Bisson président de la succursale de Montigny. Les deux avaient des responsabilités relativement à la succursale de Montréal. Les deux étaient entièrement détachés pour activités syndicales et remettaient des feuilles de temps à l’employeur.

126 La situation a changé lorsque M. Bisson a pris sa retraite. Il y a eu une élection à la succursale et Stefan Laroche a été élu président. Au cours de l’été 2007, avant le départ à la retraite de M. Bisson, M. Bolduc a eu des discussions avec M. Fortin dans le cadre d’une rencontre informelle au sujet de ce qui arriverait après le départ de M. Bisson. M. Bolduc a dit à M. Fortin que l’entente relative aux congés payés pour activités syndicales pour cette succursale prendrait fin à ce moment.

127 On a demandé à M. Bolduc s’il connaissait d’autres exemples où l’employeur avait refusé des demandes de congé payé pour activités syndicales. Il a répondu qu’en 2008, Fleurent Roi était président de succursale pour les Cantons-de-l’Est; M. Roi était un agent des services frontaliers qui effectuait ses quarts de travail habituels tout en essayant d’exécuter ses responsabilités syndicales. M. Roi voulait obtenir plus de congés pour s’acquitter de ses fonctions syndicales. M. Bolduc avait refusé ses demandes.

128 Lors du contre-interrogatoire, M. Bolduc a dit que l’entente relative au détachement complet de M. Bisson était en vigueur avant son entrée en fonction.

129 On lui a fait remarquer que ces ententes avaient été mises en place de façon à ce que l’employeur et le syndicat en profitent en vue de la résolution de problèmes. Il a répondu que cela n’était pas efficace et que le succès de cette mesure était limité.

130 M. Bolduc a expliqué que M. Roi, le président de succursale des Cantons-de-l’Est, avait été remplacé par Christine Miller. M. Roi exécutait les fonctions habituelles de son poste durant le quart de nuit et il s’acquittait de ses activités syndicales pendant son quart de travail. Durant l’été 2008, il avait demandé une journée par semaine pour s’acquitter de ses responsabilités syndicales.

VI. Bien-fondé

A. Argumentation de la plaignante

131 Une fois l’avis de négocier signifié par l’une des parties, le gel imposé par l’article 107 de la Loi exige que les parties respectent chaque condition d’emploi s’appliquant aux fonctionnaires de l’unité de négociation visés par l’avis et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été signifié.

132 La Reine du chef du Canada représentée par le Conseil du Trésor c. L’Association canadienne du contrôle du trafic aérien, [1982] 2 C.F. 80 (C.A.), demeure l’arrêt faisant autorité sur cette question. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a jugé qu’une condition d’emploi pouvait prendre la forme d’une entente ou de l’exercice unilatéral du pouvoir de gestion après consultation. La Cour a admis que la politique sur les heures supplémentaires qui était en cause dans cette affaire, à savoir que les employés ne feraient des heures supplémentaires que s’ils le souhaitaient, qu’elle ait été établie dans le cadre d’une entente ou par une décision unilatérale de la direction, constituait une condition d’emploi parce que « […] cette politique était une mesure des droits et des obligations. Elle pouvait entraîner des conséquences juridiques ».

133 La décision a aussi établi que la disposition sur le gel prévu par la loi ne s’appliquait pas seulement aux conditions d’emploi qui sont incluses expressément dans la convention collective, mais aussi à celles qui sont susceptibles d’être incluses dans la convention collective.

134 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 148-02-196 (19860611), une plainte relative au gel prescrit par la loi concernant l’annulation par l’employeur de ses lignes directrices sur les conflits d’intérêts destinées aux fonctionnaires, la Commission a statué qu’il n’y avait pas de doute que les anciennes lignes directrices sur les conflits d’intérêts étaient bien des conditions d’emploi qui auraient pu ou pourraient à l’avenir figurer dans la convention collective.

135 La condition d’emploi doit avoir été en vigueur au moment où l’avis de négocier a été signifié. Dans le contexte de la disposition sur le gel prévu par la loi, les termes [traduction] « en vigueur » signifient [traduction] « en place », [traduction] « existantes » ou [traduction] « en fonction ». Ces mots ne signifient pas [traduction] « exécutoires ».

136 La jurisprudence de la Commission appuie une interprétation large du gel établi par l’article 107 de la Loi. Les conditions d’emploi qui sont en place au moment où l’avis de négocier est signifié doivent être respectées.

137 La plainte relative au gel sera jugée fondée même dans les cas où la condition d’emploi aurait pu être annulée avant l’entrée en vigueur du gel.

138 En l’espèce, l’entente entre les parties sur les congés pour activités syndicales était une condition d’emploi susceptible de figurer dans la convention collective. L’entente était en vigueur au moment où l’avis de négocier a été signifié. La rupture unilatérale de l’entente par l’employeur pendant la période de gel prescrit par la loi constitue donc une violation de l’article 107 de la Loi.

139 L’agent négociateur m’a renvoyé à Conseil du Trésor c. l’Association canadienne du contrôle du trafic aérien, Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 148-02-187 (19910502), Alliance de la Fonction publique du Canada c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada représentée par le Secrétariat du Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 148-2-75 (19820406), et Association des pilotes fédéraux du Canada c. Conseil du Trésor, 2006 CRTFP 86.

B. Argumentation de la défenderesse

140 Le cas soulève les questions ou principes juridiques suivants :

  • La pratique consistant à accorder des congés payés pour activités syndicales était-elle une condition d’emploi qui s’appliquait aux employés de l’unité de négociation, ou s’agissait-il plutôt d’une série d’arrangements individuels non couverts par l’article 107 de la Loi?

141 L’employeur a allégué que la pratique en question était une série d’arrangements individuels non couverts par l’article. L’article 107 de la LRTFP ne s’applique pas à la décision de la défenderesse relativement à la situation d’un seul individu ou à celle d’un petit groupe d’individus. L’article vise plutôt les conditions d’emploi qui s’appliquent à l’ensemble des employés de l’unité de négociation. Ce que la preuve a révélé, c’est qu’il s’agissait d’une pratique indépendante de la convention collective qui consistait à accorder à un petit nombre d’employés des congés pour activités syndicales. Cette pratique était davantage un privilège accordé à l’agent négociateur qu’une condition d’emploi pour les employés de l’unité de négociation.

142 Dans l’affaire des « bureaux paysagers », Institut professionnel du Service public du Canada c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 148-02-11 (19730709), l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») a indiqué qu’elle avait des doutes quant à savoir si l’obligation de consulter le syndicat pouvait être considérée comme une condition d’emploi applicable aux employés. La Commission a fait remarquer que l’on pourrait probablement mieux décrire cette obligation comme un droit, un privilège ou un devoir de l’agent négociateur et de l’employeur. La défenderesse m’a aussi renvoyé à Royal Ottawa Health Care Group, [1999] OLRB Rep. July/August 711, et Canadian Union of Operating Engineers & General Workers v. AES Data Limited, 79 C.L.L.C. 16,185 (Ont.L.R.B.).

143 La preuve a établi que la pratique variait d’une région à l’autre, d’une période à l’autre et d’un employé à l’autre, et qu’elle était au mieux un ensemble disparate d’arrangements individuels qui n’étaient pas nécessairement transférés aux nouveaux titulaires des postes. Par conséquent, il faudrait rejeter la plainte parce que l’entente alléguée n’est pas visée par la protection accordée par l’article 107.

144 Subsidiairement, si l’on regarde la pratique dans son contexte global, le pouvoir de la défenderesse de cesser d’accorder ces congés subsiste-t-il durant la période de gel? La défenderesse prétend qu’en vertu des principes énoncés dans la Loi sur la gestion des finances publiques et selon le critère de la poursuite des activités normales/des attentes raisonnables, le pouvoir de l’employeur de cesser d’accorder ce genre de congé se poursuivait durant la période de gel.

145 Il est bien établi que la défenderesse a le pouvoir de modifier unilatéralement les conditions d’emploi, sauf exceptions particulières prévues par la loi ou la convention collective. Ce pouvoir découle de l’alinéa 7(1)e) et de l’article 11.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques. On ne peut contester que la défenderesse avait le pouvoir, avant que l’avis de négocier soit signifié, de mettre fin à la pratique consistant à accorder des congés pour activités syndicales en plus de ceux qui étaient prévus dans la convention collective.

146 Selon la défenderesse, si l’on regarde les faits, il s’agit ici d’arrangements ponctuels qui semblent varier selon les périodes et les représentants syndicaux. Des éléments de preuve ont été présentés selon lesquels la défenderesse a exercé son pouvoir de refuser des congés ou de modifier les congés accordés. Ils visent les situations décrites dans la preuve à Windsor, en Saskatchewan, à Lacolle, dans les Cantons-de-l’Est et à Toronto.

147 Ce pouvoir discrétionnaire faisait partie des conditions d’emploi qui continuaient de s’appliquer durant la période de gel; en annulant la pratique liée aux congés, l’employeur n’a fait qu’exercer ce pouvoir discrétionnaire. C’est cette approche dite de la poursuite des activités normales/des attentes raisonnables qui a été adoptée comme critère par la Commission. Les attentes raisonnables des employés relativement à ce genre de congé seraient que pendant une période de difficultés économiques et de compressions budgétaires importantes, la défenderesse pourrait mettre fin à cette pratique discrétionnaire, ce qui serait conforme aux pratiques opérationnelles normales de la défenderesse.

148 La défenderesse m’a renvoyé Spar Aerospace Products Ltd., [1978] 1 Can. LRBR 61; Royalguard Vinyl Co., [1994] OLRB Rep. January 59; Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 148-02-186 (19910724); Alliance de la Fonction publique du Canada c. Commission de la capitale nationale, dossiers de la CRTFP 148-29-218 et 161-29-761 (19951016); Alliance de la Fonction publique du Canada c. Commission de la Capitale nationale, [1996] A.C.F. no 57 (C.A.)(QL); George W. Adams, c.r., Canadian Labour Law, 2e éd.

149 Comme autre argument, l’employeur a allégué qu’il avait usé de sa latitude habituelle pour réagir à des circonstances exceptionnelles.

VII. Conclusions sur le bien-fondé

150 Je conclus sur la base des faits, en me fondant sur la preuve de M. Fortin, qu’au moment où l’avis de négocier a été donné en février 2011, les titulaires des postes de premier, second, troisième et quatrième vice-présidents faisaient l’objet d’un détachement complet depuis environ 10 ans. Je conclus aussi que le poste de représentant de l’accès à l’égalité faisait l’objet d’un détachement complet depuis environ sept ans.

151 En me fondant sur la preuve de M. Fortin, je conclus aussi que le poste de président de la succursale de Montréal faisait l’objet d’un détachement complet depuis environ 25 ans, et les postes de présidents des succursales de Vancouver et du siège social depuis 10 ans.

152 La situation du président de la succursale de Toronto n’est pas aussi nette. Jusqu’en octobre 2011, le poste a fait l’objet d’un détachement complet pendant une longue période. Le nouveau président de la succursale a cherché à obtenir les mêmes arrangements que ses prédécesseurs, soit de ne pas travailler en uniforme et d’avoir un congé payé à temps plein pour activités syndicales. Mme Durocher, qui a été nommée directrice des Opérations des passagers pour la région du Grand Toronto en octobre 2011, était d’avis, selon son expérience, que l’on devait accorder uniquement les congés pour activités syndicales qui étaient prévus par la convention collective.

153 La question a été soumise aux échelons supérieurs et, finalement, a été résolue, du moins sur papier, à la suite d’un échange de courriels entre les parties. M. Weber devait être en uniforme pour exécuter ses fonctions d’agent des services frontaliers lorsqu’il ne s’occupait pas d’activités syndicales approuvées. Toutefois, s’il avait reçu à l’avance une approbation de congé pour activités syndicales au début de son quart de travail, il n’avait pas à se présenter au travail en uniforme. On avait aussi reconnu qu’il pourrait y avoir des journées entières où un congé avait été approuvé et durant lesquelles il n’aurait pas à porter l’uniforme.

154 Malgré l’entente écrite, la preuve documentaire a démontré que M. Weber était déployé à temps plein pour des activités syndicales à partir d’octobre 2011, puisqu’on lui accordait invariablement des congés pour affaires syndicales, code 6400, comme l’a démontré le rapport de la défenderesse sur les congés. Je conclus donc qu’en fait, le président de la succursale de Toronto était aussi en détachement complet.

155 On ne m’a présenté aucune preuve de circonstances où la défenderesse, soit par l’exercice d’une prérogative de la direction soit après consultation informelle avec le syndicat, avait cherché à changer le statut de détachement complet de l’un ou l’autre des titulaires des postes de l’exécutif national ou des présidents des quatre grandes succursales. Tel qu’il a été mentionné, ces postes faisaient l’objet d’un détachement complet depuis des périodes allant de 7 à 25 ans, la plupart étant en détachement complet depuis au moins 10 ans, sauf en ce qui concerne Toronto, ce qui, à mon avis, était plus une question de forme que de fond.

156 Je conclus aussi qu’au moment de l’avis de négocier, 11 présidents de succursale bénéficiaient de congés payés à temps partiel pour des durées variées pour activités syndicales, et étaient donc en détachement partiel. Environ sept présidents de succursale n’étaient ni en détachement complet ni en détachement partiel, mais ils bénéficiaient de congés pour activités syndicales conformément aux dispositions de la convention collective. Je conclus également que le nombre de congés accordés aux présidents de succursale qui étaient en détachement partiel variait de deux jours par semaine à une heure par jour, selon la taille de la succursale.

157 De toute évidence, la situation était différente pour les représentants du syndicat qui n’étaient ni des vice-présidents nationaux ni les présidents des succursales de Toronto, de Montréal, de Vancouver ou du siège social, comme en témoigne la difficulté qu’avaient certains de ces présidents de succursales locales à obtenir, en plus des congés prévus dans la convention collective, des congés payés pour exécuter des fonctions de représentation. Cette situation a amené le syndicat à déposer une demande de négociation collective pour obtenir que tous les présidents de succursale soient traités de la même façon en ce qui concerne les congés payés pour activités syndicales. La preuve a clairement démontré que la proposition ne visait pas à modifier les ententes ou pratiques déjà en place pour les autres représentants syndicaux.

158 La preuve a aussi démontré que M. Fortin avait tenté de négocier une entente au niveau régional pour obtenir 7,5 heures de congé payé par semaine, en plus des congés prévus par la convention collective, pour les trois présidents de succursale de la région de l’Atlantique. M. Fortin a reconnu que la direction avait modifié les postes de président de succursale dans les Cantons-de-l’Est et à Lacolle, au Québec, pour les faire passer de postes à détachement complet à postes non détachés. Les nouveaux présidents ne voulaient pas perdre leur droit aux avantages découlant de l’exercice de l’ensemble des fonctions de leur poste.

159 M. Bolduc a déclaré qu’à la suite d’une décision de la direction, les présidents de la succursale de Montigny, au Québec, ne faisaient plus l’objet d’un détachement complet. Il a aussi dit qu’en 2008, lorsque le président local pour les Cantons-de-l’Est avait cherché à obtenir plus de temps pour exécuter ses responsabilités syndicales conformément aux dispositions de la convention collective, il avait refusé la demande.

160 M. McMahon a dit qu’en 2008, il a reçu la directive de réexaminer les arrangements relatifs aux congés pour activités syndicales avec les présidents des sections locales qui relevaient de lui. Par conséquent, l’arrangement avec le président de la section locale de Windsor a été modifié, et le nombre d’heures consacrées aux activités syndicales chaque semaine, sans compter celles prévues dans la convention collective, est passé de 37,5 à 22 heures.

161 Je conclus, en me fondant sur cette preuve, que la direction a effectivement exercé à l’occasion sa prérogative de modifier la pratique consistant à accorder des congés pour activités syndicales, sans compter les congés prévus dans la convention collective, à des présidents de succursales locales autres que les présidents des succursales de Montréal, de Toronto, de Vancouver et du siège social, au représentant de l’accès à l’égalité et aux premier, second, troisième et quatrième vice-présidents nationaux.

A. Dispositions législatives

162 L’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique prévoit ce qui suit :

107. Une fois l’avis de négociation collective donné, sauf entente à l’effet contraire entre les parties aux négociations et sous réserve de l’article 132, les parties, y compris les fonctionnaires de l’unité de négociation, sont tenues de respecter chaque condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné, et ce, jusqu’à la conclusion d’une convention collective comportant cette condition ou :

a) dans le cas où le mode de règlement des différends est le renvoi à l’arbitrage, jusqu’à ce que la décision arbitrale soit rendue ;

b) dans le cas où le mode de règlement des différends est le renvoi à la conciliation, jusqu’à ce qu’une grève puisse être déclarée ou autorisée, le cas échéant, sans qu’il y ait contravention au paragraphe 194(1).

163 La Cour d’appel fédérale, dans La Reine du chef du Canada, représentée par le Conseil du Trésor c. L’Association canadienne du contrôle du trafic aérien, [1982] 2 C.F. 80, précise ainsi l’objectif de cet article :

[…]

[…] après avis de l'intention de négocier, les rapports employeur-employé, pour ce qui est des conditions d'emploi qui ont cours à la veille de cet avis. L'un des éléments de ces rapports, quoique non inclus dans la convention collective, était la convention entre les parties selon laquelle le droit de l'employeur d'imposer les heures supplémentaires dans les limites fixées par la convention collective avait été modifié de façon à permettre aux employés de les refuser. Bien qu'il ne s'agisse peut-être pas d'un droit ou d'un privilège susceptible d'exécution forcée au titre de la convention collective, ce droit ou ce privilège était certainement « en vigueur » au déclenchement du gel imposé par l'article 51.

[…]

164 Les dispositions de l’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique actuelle sont, tout compte fait, identiques à celles de l’article 51 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

165 Les commissions de relations de travail se sont efforcées de cerner la meilleure façon d’interpréter le but des dispositions sur le gel établi dans la législation régissant les relations de travail.

166 George Adams, dans son ouvrage Canadian Labour Law, deuxième édition, page 10-91, décrit ainsi les différentes approches :

[Traduction]

[…]

[…] les gels en vertu de la loi visent au moins deux objectifs possibles. L’un de ces objectifs est représenté par l’analyse s’appuyant sur le principe de la poursuite des activités normales, où l’on met l’accent sur le maintien des principales conditions d’emploi jusqu’à la fin des négociations […]. Cette approche ne cherche toutefois pas à maintenir le statu quo en tant que tel, mais plutôt à prévenir les changements qui se démarquent de ce qui s’est fait par le passé. Ce point de vue fait valoir que les affaires et la vie au travail doivent se poursuivre […]. L’autre point de vue, au contraire, est caractérisé par le maintien du statu quo, littéralement. Selon ce point de vue, le gel est perçu comme un prélude important à la négociation et attribue une plus grande valeur au processus de négociation collective. En subordonnant les changements à l’accord des deux parties, cette approche permet le maintien d’un « partenariat d’égal à égal », du moins au début des relations fondées sur la négociation collective et pendant les premières étapes de la négociation après la formation des relations. La difficulté de cette approche repose sur son incapacité à permettre la mise en œuvre de changements nécessaires et inévitables, ou encore le prix artificiellement élevé qui peut être demandé pour certains changements dans ces circonstances.

167 La décision faisant autorité pour l’approche de la poursuite des activités normales est Spar Aerospace Products Ltd., une décision de la Commission des relations de travail de l’Ontario, dans laquelle cette dernière a déclaré que l’intention du gel prescrit par la loi était de poursuivre les habitudes antérieures de la relation d’emploi dans son ensemble. Cette commission a affirmé, à la page 68 :

[Traduction]

[…]

L’approche de la poursuite des activités normales ne signifie pas qu’un employeur ne peut continuer de gérer ses activités. Elle signifie simplement qu’un employeur doit continuer de gérer ses activités en poursuivant les habitudes établies avant les circonstances ayant mené au gel, ce qui donne un point de départ clair pour la négociation et élimine l’effet de « douche froide » qu’un retrait d’avantages attendus aurait sur la représentation des employés par un syndicat.

[…]

168 L’ancienne Commission a aussi adopté l’approche de la poursuite des activités normales.

169 Il convient de souligner que le président suppléant Chodos a précisé l’approche dans Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 148-02-186 (19910724). Ce cas portait sur une plainte alléguant que l’employeur avait enfreint l’article 52 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Loi ») en annulant une politique après qu’un avis de négocier eut été signifié. Ladite politique prévoyait que l’employeur permettrait à au moins un contrôleur de la circulation aérienne par jour de prendre un congé, et ce, en dépit du fait que cela pouvait nécessiter le recours aux heures supplémentaires afin de satisfaire aux exigences du service.

170 La principale question dans cette affaire consistait à déterminer s’il existait avant le gel une disposition qui prévoyait un congé pour au moins un contrôleur par jour même si cela entraînait des heures supplémentaires. En s’appuyant sur la preuve, l’arbitre de grief a conclu qu’il était entendu que l’on pouvait avoir recours à des heures supplémentaires pour compenser un quart de travail en congé par jour, à condition que des fonds soient disponibles pour payer les heures supplémentaires. L’arbitre Chodos a déclaré ce qui suit :

[…]

À mon avis, cette réserve faisait tout autant partie des conditions d'emploi visées par le gel prévu à l'article 52 que toute entente portant que l'on autoriserait des heures supplémentaires afin de répondre aux demandes quotidiennes de congé.

Les parties ne contestent pas le fait que l'employeur, avant le début du gel, pouvait unilatéralement révoquer toute politique concernant l'approbation des heures supplémentaires. Me Barnacle soutient que l'employeur n'avait donc pas à exprimer cette restriction. De plus, dit-il, on ne peut invoquer des contraintes financières pour se soustraire à l'application de l'article 52. Or comme l'employeur avait expressément fait connaître la condition à laquelle il autoriserait des heures supplémentaires, je conclus que celle-ci faisait partie des conditions d'emploi qui étaient gelées. Il n'est pas loisible à l'agent négociateur, dans le contexte de l'application de l'article 52, de choisir parmi les aspects d'une entente conclue avec la direction ceux qui font son affaire, et de passer les autres sous silence.

[…]

171 Le président suppléant Chodos a renvoyé au jugement du juge Urie, qui a déclaré ce qui suit dans La Reine du chef du Canada, représentée par le Conseil du Trésor c. L’Association canadienne du contrôle du trafic aérien : « […] l'objectif manifeste de l'article 51 [est] de maintenir, après avis de l'intention de négocier, les rapports employeur-employé, pour ce qui est des conditions d'emploi qui ont cours à la veille de cet avis ». Le juge Urie faisait allusion à l'ensemble des rapports employeur-employé, et non seulement à certains aspects de ceux-ci. Je suis d’avis qu’il s’agit là d’un exemple d’application du critère de la poursuite des activités normales.

172 Comme Adams l’a mentionné dans son ouvrage à la page 10-81, la Commission des relations de travail de l’Ontario, dans Canadian Union of United Brewery Flour, Cereal, Soft Drink and Distillery Workers v. Simpsons Limited, 85 CLLC 16,035, a conclu que le critère de la poursuite des activités normales était efficace pour déterminer les privilèges des employés visés par le gel prévu par l’article 79 (qui est maintenant l’article 86) de la Loi sur les relations de travail de l’Ontario, mais était moins efficace lorsqu’il s’agissait d’événements survenant pour la première fois. En réponse à ces situations, cette commission a exprimé clairement l’approche des attentes raisonnables.

173 Cette commission a formulé le raisonnement suivant :

[Traduction]

[…]

Les dispositions sur le gel couvrent deux catégories d’événements. Il y a les changements qui peuvent être comparés à une tendance (aussi difficile qu’elle soit à préciser), et les antécédents précis de cet employeur en matière d’opérations sont pertinents lors de l’évaluation de l’incidence du gel. Il y a aussi les événements survenant pour la première fois, catégorie pour laquelle le principe de la poursuite des activités normales n’est pas toujours utile pour mesurer la portée des privilèges des employés.

[…]

174 La Commission a décidé qu’en ce qui concerne la catégorie des événements survenant pour la première fois, il fallait adopter l’approche des attentes raisonnables des employés plutôt que de se concentrer sur le principe de la poursuite des activités normales.

175 La Commission a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’approche des attentes raisonnables intègre clairement la « pratique » de l’employeur dans la gestion de ses opérations. La norme est objective : quels privilèges (ou « avantages », pour reprendre un terme souvent utilisé dans la jurisprudence) un employé raisonnable considère-t-il comme acquis dans les circonstances propres à cet employeur. Le critère des attentes raisonnables ne doit toutefois pas être indûment restreint ou mécanique, puisque certains types de décisions en matière de gestion (p. ex. la sous-traitance ou la réorganisation de l’effectif) ne sont pas prises au quotidien. Par conséquent, lorsqu’une tendance à recourir à la sous-traitance est constatée, il est logique de déduire qu’un employé s’attendrait raisonnablement à ce que cela se produise pendant la période de gel […].

176 Selon la Commission, les licenciements étaient conformes à l’approche des attentes raisonnables, puisque peu d’effectifs sont complètement statiques, et l’on attend généralement des employeurs qu’ils réagissent à l’évolution des conditions économiques. En ce sens, il est raisonnable pour les employés de s’attendre à ce qu’un employeur réagisse à une diminution importante du volume d’affaires en procédant à des licenciements, même si les licenciements surviennent pour la première fois au cours de la période de gel.

177 Dans les circonstances propres à Alliance de la Fonction publique du Canada c. Commission de la capitale nationale, dossiers de la CRTFP 148-29-218 et 161-29-761 (19951016), l’ancienne Commission a établi que la bonne interprétation de l’article 52 était celle de la Commission des relations de travail de l’Ontario dans les décisions Spar Aerospace (1978) et Simpsons (1985).

178 Dans cette affaire, la plaignante a allégué que les gestes de la Commission de la capitale nationale, lorsqu’elle s’est lancée dans la sous-traitance et la privatisation à grande échelle, représentaient un changement fondamental des conditions d’emploi des employés de l’unité de négociation, ce qui contrevenait à l’article 52 de la Loi.

179 L’agent négociateur a soutenu que l’ancienne Commission devait adopter le concept d’un gel statique et que la mise en œuvre du gel se traduirait par l’établissement d’un partenariat entre l’employeur, l’agent négociateur et les employés et qu’ainsi, il ne pourrait y avoir de révision des conditions d’emploi sans tenir compte de l’avis des participants au partenariat.

180 L’ancienne Commission a conclu que la plaignante ne s’était pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait. L’ancienne Commission n’était pas convaincue, sur la base de la preuve produite, que les actions et les décisions de la défenderesse ne faisaient pas partie de ses pratiques opérationnelles normales.

181 L’ancienne Commission a déclaré ce qui suit :

La Commission a décidé que, dans le contexte particulier de la présente affaire, l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 52 est celle qui a été adoptée par la Commission des relations de travail de l’Ontario en 1978 dans les décisions Spar Aerospace (précitée) et Simpson (précitée) où elle s’est prononcée sur une disposition semblable. Le Conseil canadien des relations du travail a également fait sienne cette interprétation dans Québec Aviation Limitée (1985) 62 di 41, où il a déclaré que le Conseil doit avant tout, dans ce genre de plaintes, faire preuve d’objectivité, c’est-à-dire examiner les pratiques commerciales courantes de l’employeur et tenter de déterminer, au moyen de la preuve, si les changements dont on se plaint font partie des pratiques normales ou s’ils s’en écartent.

[Je souligne]

182 L’ancienne Commission a conclu ainsi :

De l’avis de la Commission, les employés ne possèdent aucun droit de propriété sur leur emploi et le gel n’oblige pas l’employeur à maintenir le statu quo relativement à la main-d’oeuvre. Les employés ne jouissaient pas du droit de ne pas être mis en disponibilité puisque les témoignages (Mmes Dubé et Tudin) ont établi que la CCN en avait déjà mis en disponibilité par le passé. De plus, la Commission souscrit à l’argument de Me Harnden selon lequel il n’a pas été prouvé que la CCN avait volontairement renoncé à son droit de sous-traiter. Par conséquent, la Commission conclut que, vu les circonstances de la présente affaire, les tâches existantes et les emplois n’étaient pas gelés par suite de l’application de l’article 52 de la Loi.

183 La décision a fait l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour d’appel fédérale dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Commission de la capitale nationale, [1996] A.C.F. no 57 (C.A.) (QL). Le rejet de la demande précisait ce qui suit :

[…]

La Commission des relations de travail dans la Fonction publique a interprété l'article 52 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique d'une manière qui incorpore le critère de « l'usage normal en affaires » ou « des pratiques courantes en affaires » accepté par la Commission des relations de travail de l'Ontario et d'autres dans des affaires comme Spar Aerospace Products Limited, Simpsons Limited, AES Data Limited et The Ottawa Public Library Board. Ce critère dépasse la limite jugée nécessaire par la présente Cour dans l'arrêt ACCTA et englobe dans le gel établi par la loi non seulement les conditions expresses et implicites de l'emploi, les ententes informelles et les politiques de l'employeur déjà établies (l'arrêt ACCTA traitait d'une politique établie concernant les heures supplémentaires facultatives), mais en plus les attentes raisonnables des employés relativement à la conduite de l'employeur. Nous ne jugeons pas nécessaire d'exprimer une opinion quant à savoir si la Commission était justifiée d'appliquer ce critère étant donné qu'il est manifestement celui qui est le plus favorable à la position de la requérante et qu'il était loisible à la Commission d'en arriver à cette conclusion d'après la preuve dont elle était saisie. En fait, la requérante ne conteste pas le fait que l'employeur n'a jamais abandonné son droit de confier des travaux en sous-traitance ou de mettre des employés à pied; c'est plutôt le très grand nombre de mises à pied, associé au projet de « privatisation » de nombreuses opérations de la CCN qui, selon la requérante, vont à l'encontre de la loi. Ce sont des propositions que la Commission a soigneusement examinées avant de les rejeter, et ses conclusions, touchant un domaine qui relève essentiellement de son expérience et de ses connaissances spécialisées et qui exige que soient évalués et mis en balance les intérêts concurrentiels en jeu, ont droit à la plus grande retenue judiciaire […]

[…]

184 En l’espèce, la défenderesse a soutenu que la pratique consistant à accorder des congés payés pour activités syndicales prenait la forme d’une série d’arrangements individuels non couverts par l’article 107, et que cette pratique était variable d’une région à l’autre, d’une période à l’autre et d’un employé à l’autre, et qu’elle était au mieux un ensemble disparate d’arrangements individuels. Elle soutient qu’il faut donc rejeter la plainte parce que l’entente alléguée n’est pas visée par l’ensemble de la protection accordée par l’article 107.

185 Subsidiairement, si l’on applique le critère de la poursuite des activités normales/des attentes raisonnables, le pouvoir de l’ASFC de cesser d’accorder ce genre de congé s’est poursuivi durant la période de gel.

186 Selon la jurisprudence, une condition d’emploi visée par l’article 107 peut prendre la forme d’une entente ou de l’exercice unilatéral des pouvoirs de gestion. Je conclus que la pratique consistant à accorder des congés pour activités syndicales non prévus par la convention collective était une forme d’exercice du pouvoir de gestion, mais aussi une condition d’emploi susceptible d’être intégrée dans la convention collective.

187 Je suis d’avis que l’article 107 ne fait pas de distinction entre les conditions d’emploi applicables à tous les employés de l’unité de négociation et celles qui ne s’appliquent qu’à un petit groupe d’employés faisant partie de l’unité de négociation. La jurisprudence de la Commission favorise une approche large pour évaluer la portée du gel prévu par l’article 107, laquelle ne devrait pas être indûment limitée sur la base du nombre d’employés touchés.

188 Selon moi, la preuve n’appuie pas la conclusion que la pratique consistant à accorder des congés payés pour activités syndicales non prévus dans la convention collective était un ensemble disparate d’arrangements individuels non couverts par la protection accordée par l’article 107. Pendant longtemps, on a accordé de façon constante des congés payés pour activités syndicales aux membres de l’exécutif national, aux présidents des succursales locales de Toronto, de Vancouver, de Montréal et du siège social, de même qu’à d’autres présidents de succursale qui étaient en détachement à temps partiel. Je suis d’avis que cette pratique, de prime abord, relève de l’article 107.

189 Je ne suis pas convaincu que l’article 107 ou la décision de la Cour d’appel fédérale dans ACCTA no 1 nécessite l’adoption d’une approche du statu quo littérale quant au gel ou au gel statique. Je suis d’accord avec le raisonnement du président suppléant Chodos dans ACCTA no 2, qui s’appuyait sur le raisonnement du juge Urie dans ACCTA no 1, selon lequel la relation employeur-employé devrait être préservée dans son ensemble, c’est-à-dire que les habitudes antérieures dans le cadre de la relation d’emploi devraient être maintenues.

190 Par conséquent, je propose d’appliquer l’approche de la poursuite des activités normales et de cerner les tendances de l’employeur en matière d’octroi, d’annulation ou de modification des congés payés pour activités syndicales avant le début de la période de gel.

191 À partir des faits, j’ai conclu qu’au moment où l’avis de négociation a été donné, en février 2011, les quatre vice-présidents, le représentant de l’accès à l’égalité et les présidents des succursales de Toronto, de Vancouver, de Montréal et du siège social étaient en détachement à temps plein depuis longtemps. Aucune preuve n’indique que la direction ait déjà cherché à mettre fin à ces arrangements.

192 Si l’on applique le principe de la poursuite des activités normales à ces postes, je conclus que la pratique opérationnelle de l’employeur ne reflète pas une tendance à annuler ou à modifier les arrangements en matière de congés pour activités syndicales qui pourrait se poursuivre durant la période de gel.

193 J’ai aussi conclu à partir des faits qu’au moment où l’avis de négociation a été signifié, 11 présidents de succursale bénéficiaient de périodes variables (en fonction de la taille de la succursale) de congés pour activités syndicales en plus de celles prévus par la convention collective.

194 Contrairement à la situation qui prévalait pour les quatre vice-présidents, le représentant de l’accès à l’égalité et les présidents des succursales de Toronto, de Vancouver, de Montréal et du siège social, la preuve a révélé que la direction avait exercé à l’occasion son droit d’annuler ou de modifier les congés pour activités syndicales accordés à d’autres présidents de succursales. En appliquant le principe de la poursuite des activités normales à ces postes en détachement à temps partiel, je conclus qu’il y avait une tendance ou une pratique opérationnelle de l’employeur consistant à annuler ou à modifier la quantité de congés accordés, pratique qui pourrait continuer durant la période de gel.

195 L’employeur a exhorté la Commission d’appliquer le critère des attentes raisonnables adopté par la Commission des relations de travail de l’Ontario dans Simpsons Ltd et dont il est fait mention dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Commission de la capitale nationale, dossiers de la CRTFP 148-29-218 et 161-29-761 (19951016), sur laquelle l’ancienne Commission s’est penchée. L’employeur a soutenu que l’attente raisonnable des employés concernant ce type de congé serait qu’en période de graves difficultés économiques et d’importantes réductions budgétaires, la défenderesse pouvait mettre fin à cette pratique discrétionnaire après que l’avis de négociation eut été signifié, puisqu’elle usait de sa latitude habituelle pour réagir à des circonstances exceptionnelles.

196 Il ressort de la discussion tirée de l’ouvrage d’Adams et des extraits de Simpsons Ltd. que la Commission de l’Ontario a précisé l’approche des attentes raisonnables dans les cas où il serait difficile d’appliquer la formule de la poursuite des activités normales, par exemple en raison des circonstances où les changements ne peuvent être mesurés à une tendance et lorsque des événements surviennent pour la première fois après le début de la période de gel.

197 Dans le cas mettant en cause la Commission de la capitale nationale (la « CCN »), le syndicat n’est pas parvenu à renvoyer à une condition d’emploi ou à une pratique susceptible d’être l’objet d’une disposition d’une convention collective que l’employeur aurait violée après que l’avis de négociation a été signifié. Aucune preuve n’indiquait que la CCN avait volontairement renoncé à son droit de recourir à de la sous-traitance. Il y avait des preuves révélant que la CCN avait déjà effectué des licenciements par le passé. Il n’y avait aucune condition d’emploi ou pratique susceptible de faire partie d’une disposition de la convention collective gelée en application de la Loi.

198 Je suis d’avis que l’affaire a été décidée principalement en fonction du principe de la poursuite des activités normales.

199 En l’espèce, il ne s’agit pas d’un cas où nous sommes en présence d’événements survenant pour la première fois ou de circonstances justifiant le recours à une approche autre que celle de la poursuite des activités normales, puisqu’il y a clairement une tendance par rapport à laquelle on peut comparer les changements.

200 Je conclus donc que la décision de l’ASFC de mettre fin à la pratique des congés pour activités syndicales ou aux ententes visant le détachement d’employés – en l’occurrence les quatre vice-présidents, le représentant de l’accès à l’égalité et les présidents des succursales de Toronto, de Montréal, de Vancouver et du siège social – contrevient à la disposition sur le gel formulée à l’article 107 de la LRTFP.

201 Je conclus également que la décision de l’ASFC de mettre fin à la pratique des congés pour activités syndicales ou aux ententes visant les présidents de succursales qui étaient en détachement à temps partiel ne contrevient pas à la disposition sur le gel formulée à l’article 107 de la LRTFP.

202 Je conclus enfin, en m’appuyant sur la preuve présentée par M. Fortin, qu’à compter du 15 août 2012, l’agent négociateur a assumé les coûts associés au salaire des employés détachés et a donc directement subi une perte pécuniaire découlant de la violation par l’ASFC de la disposition sur le gel formulée à l’article 107 de la LRTFP.

203 Je reconnais l’importance des répercussions sur l’Agence des exercices de réduction des coûts exigés dans le cadre de l’examen stratégique. Toutefois, en vertu des dispositions de la Loi sur le gel, la mise en œuvre de cette initiative doit attendre la fin de la période de gel ou, dans l’intervalle, être approuvée par l’agent négociateur.

204 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

205 Je déclare que la défenderesse a enfreint l’article 107 de la LRTFP lorsqu’elle a mis fin aux arrangements sur les congés pour activités syndicales des employés qui étaient en détachement à temps plein, c’est-à-dire les quatre vice-présidents, la représentante de l’accès à l’égalité et les présidents des succursales de Montréal, de Toronto, de Vancouver et du siège social (les « employés détachés »).

206 J’ordonne à la défenderesse de continuer à respecter les arrangements sur les congés pour activités syndicales pour les employés détachés pendant toute la période de gel aux termes de l’article 107 de la LRTFP.

207 J’ordonne à la défenderesse de verser à l’agent négociateur des dommages équivalant aux sommes qui auraient été versées entre le 15 août 2012 et la date de la présente décision aux employés détachés si les arrangements n’avaient pas été annulés.

208 Je demeure saisi de cette affaire pour une période de soixante (60) jours à compter de la date de la présente décision au cas où les parties éprouveraient de la difficulté à la mettre à exécution.

Le 23 avril 2013.

Traduction de la CRTFP

David Olsen,
une formation de la Commission des relations de
travail dans la fonction publique

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