Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté une suspension de trois jours qui lui a été imposée au motif qu’il aurait harcelé sexuellement une autre employée au cours d’une séance de formation sur les armes à feu - le fonctionnaire s’estimant lésé a reconnu avoir fait le commentaire en question, mais il a affirmé que le but de son commentaire avait été mal interprété - le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué qu’il y avait eu des manquements à l’équité procédurale au cours de l’enquête menée par l’employeur; le fonctionnaire n’était pas syndiqué et l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour se pencher sur cette allégation - quoi qu’il en soit, toute injustice a été réparée par cette audience de novo - l’arbitre de grief a retenu la version du fonctionnaire s’estimant lésé en ce qui concerne les événements et son intention - selon la prépondérance des probabilités, l’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-07-02
  • Dossier:  566-20-6116
  • Référence:  2013 CRTFP 75

Devant un arbitre de grief


ENTRE

“B”

fonctionnaire s'estimant lésé

et

SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

employeur

Répertorié
« B » c. Service canadien du renseignement de sécurité

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Sean Kelly, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 4 au 6 juin 2013.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Le 30 mai 2011, le fonctionnaire s’estimant lésé (« B » ou le « fonctionnaire ») a déposé un grief contre le Service canadien du renseignement de sécurité ( « SCRS » ou l’« employeur ») contestant la décision de l’employeur du 21 avril 2011 de lui imposer une suspension sans solde de trois jours pour avoir prétendument harcelé sexuellement une employée du SCRS le 27 octobre 2010. Le fonctionnaire est un agent de renseignement du SCRS. La plupart des témoins sont aussi des agents de renseignement du SCRS ou des gestionnaires d’agents de renseignement. Compte tenu de l’article 18 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, l’identité de ces témoins ne sera pas révélée et je ferai référence à eux en utilisant seulement une lettre de l’alphabet.

2 Le fonctionnaire conteste la suspension de trois jours qui lui a été imposée. Il conteste aussi la façon dont l’enquête de harcèlement a été menée et le manque d’équité procédurale dont avait fait preuve l’employeur tout au long du processus qui a mené à sa suspension. Il me demande d’annuler la suspension et d’ordonner à l’employeur de lui remettre tous les documents liés à la suspension. Il me demande aussi d’ordonner à l’employeur une lettre d’excuses et qu’il lui verse une compensation financière de 27 000 $ pour les 500 heures de travail (54,35 $ par heure) pour la préparation de son dossier. Aussi, si je concluais à la mauvaise foi de l’employeur, il demande que cette somme soit doublée.

II. Résumé de la preuve

3 L’employeur a appelé comme témoin l’agente C qui a déposé une plainte de harcèlement contre le fonctionnaire, les agentes D et E qui étaient présentes lors de l’incident du 27 octobre 2010, un directeur général du personnel en 2010 F et la directrice générale G qui a pris la décision de suspendre le fonctionnaire. L’employeur a aussi appelé comme témoin le sergent-détective Craig Bridgeman de la police provinciale de l’Ontario, qui était responsable de la séance de formation sur les armes à feu où s’est déroulé l’incident du 27 octobre 2010. L’employeur a déposé 13 documents en preuve. Le fonctionnaire a témoigné. Il a appelé comme témoin l’agent « H » qui était un des formateurs dans le cadre du cours d’enquêteur qui comprenait la séance de formation du 27 octobre 2010. Il a aussi appelé comme témoin la gestionnaire « I » qui a mené l’enquête à la suite de la plainte de harcèlement déposée par l’agente « C ». Le fonctionnaire a déposé quatre documents en preuve; l’un d’eux comprenait plusieurs échanges écrits, portions de rapports et notes d’entrevue.

4 Le fonctionnaire est un agent de renseignement expérimenté qui possède une quinzaine d’années d’expérience au SCRS. Il occupe un poste de supervision dans la région d’Ottawa. En 2010, il travaillait comme formateur au sein de l’équipe qui forme les nouveaux enquêteurs. En milieu d’année, il a été en congé de maladie pour une période de quatre à cinq mois. Il aurait dû être affecté à la formation de la classe no 50 des nouveaux enquêteurs à l’automne 2010, mais puisqu’il était encore en congé de maladie quand la formation de la classe no 50 a commencé, un autre formateur y a été assigné.

5 Le 27 octobre 2010, les agents de la classe no 50 se sont rendus au champ de tir Connaught dans l’ouest d’Ottawa pour une séance de formation sur les armes à feu. Cette séance était sous la direction générale du sergent-détective Bridgeman. Ce dernier a expliqué comment ces séances se déroulent et l’ensemble des mesures de sécurité qui sont alors prises. Au cours de l’avant-midi, une séance sur les armes à feu est dispensée en salle de classe. L’après-midi, les participants manient différentes armes à feu. Ils choisissent une arme et remplissent le chargeur avec les munitions appropriées. Puis, ils tirent aux endroits réservés à cette fin. Le sergent-détective Bridgeman coordonne la partie pratique de la formation avec l’aide d’autres officiers de police. Les formateurs du SCRS sont là pour l’encadrement plus général des participants, mais n’agissent pas directement comme formateurs sur les armes à feu. Le sergent-détective Bridgeman ne se souvient d’aucun indicent particulier qui se soit produit à la séance de formation du 27 octobre 2010.

6 Lors de la formation sur les armes à feu, les participants se tenaient en ligne de six ou sept en attente de remplir le chargeur de l’arme à feu avec laquelle ils allaient tirer. À la fin de cette ligne, il y avait une table sur laquelle se trouvaient les munitions. Les participants étaient censés remplir leur chargeur « à la table » avec les bonnes munitions sous la surveillance d’un instructeur qui était un policier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Pour le fonctionnaire, « à la table » veut dire tout près de la table. Pour d’autres témoins, cela veut dire « à portée de bras ». Pour le sergent‑détective Bridgeman, cela peut aller jusqu’à 10 pieds.

7 La plupart des participants remplissaient leur chargeur debout à la table ou tout près de la table. À un moment donné, l’agente C s’est plutôt éloignée de la table d’une distance de quatre à cinq pieds, s’est mise à genoux et a rempli son chargeur. Selon son propre témoignage, ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’elle procédait ainsi au cours de l’après-midi pour remplir son chargeur. Selon l’agente D, C était la seule à ne pas charger son arme debout à la table. Selon E, les participants étaient debout à la table et chargeaient leurs armes. Selon l’agente C, au moment où elle chargeait son arme à genoux sur le sol, le fonctionnaire lui aurait alors dit : « C, tu as l’air d’aimer ça être à genoux ». Selon l’agente C, le fonctionnaire avait alors un « ton à caractère sexuel ». Au moment de la remarque en question, le fonctionnaire se trouvait de 10 à 15 pieds d’elle. Le policier de la GRC se trouvait à côté de la table à munition, à mi-distance entre le fonctionnaire et l’agente C. Quant à elles, les agentes D et E se trouvaient alors à une dizaine de pieds du fonctionnaire dans la direction opposée de la table de munition et de l’agente C. Une autre agente se trouvait entre les agentes D et E et le fonctionnaire. Cette dernière n’a pas été appelée comme témoin.

8 L’agente « D » a témoigné avoir entendu le fonctionnaire dire à C : « C aime bien ça être à genoux. » Selon elle, il affichait un petit sourire quand il a fait cette remarque. L’agente « E » a témoigné que le fonctionnaire aurait alors dit à C : « Ouin, on dirait que C elle aime cela être à genoux ». Selon l’agente E, le fonctionnaire semblait alors sérieux et n’avait aucune expression précise sur le visage. L’agente E était alors à l’arrière du fonctionnaire et l’agente D était aussi à l’arrière du fonctionnaire, mais un peu de biais. Selon les témoins, l’agente C n’a pas réagi à la remarque du fonctionnaire, elle a rempli son chargeur et elle a quitté cet endroit pour aller tirer. Elle était insultée et a trouvé le commentaire déplacé. Par la suite, elle en a parlé avec les agentes D et E qui étaient du même avis et qui lui ont suggéré de déposer une plainte contre le fonctionnaire. Le lendemain de l’incident, C en a parlé à sa superviseure et au chef de la formation qui, en l’occurrence, était le superviseur du fonctionnaire. Elle a aussi rediscuté avec les agentes D et E et, le 5 novembre 2010, elle a déposé une plainte de harcèlement contre le fonctionnaire.

9  Peu de temps après l’incident du 27 octobre 2010, le chef de la formation aurait reproché au fonctionnaire ses paroles du 27 octobre et lui aurait demandé de ne pas parler à C. Dans les jours qui suivirent, mais avant le dépôt de la plainte, le fonctionnaire a croisé C et lui a dit : « Si je t’ai offensé, je suis désolé. Je suis assez homme pour m’excuser. » C a alors simplement hoché de la tête et s’est éloignée. Elle a témoigné qu’elle considérait les excuses du fonctionnaire comme un « commentaire sexiste qui sonne un peu macho ».

10 Le fonctionnaire ne nie pas avoir dit les paroles en question lors de la formation sur les armes à feu. À la suite à sa rencontre avec son superviseur, il a réalisé que ses paroles avaient été prises dans un sens autre que celui qu’il voulait leur donner. C’est pourquoi il a voulu s’excuser. Le fonctionnaire a dit avoir parlé deux fois à C de sa façon de remplir son chargeur à genoux car elle était la seule à procéder ainsi et à laisser son chargeur par terre. La première fois, il lui aurait dit : « Qu’est-ce que tu fais à genoux quand il y a une table pour recharger les magazines? » C n’a pas répondu. Elle a dit ne pas avoir entendu ce commentaire. Un peu plus tard, selon le fonctionnaire, C est revenue à la table de munition, puis s’est éloignée de quelques pieds et a rempli son chargeur de la même manière qu’elle l’avait fait un peu plus tôt. Le fonctionnaire a déclaré à l’enquêtrice que les agents de police qui donnaient le cours l’ont regardé en voulant dire implicitement de faire quelque chose. C’est à ce moment qu’il a adressé à C les paroles qui ont donné lieu à la plainte. Selon le fonctionnaire, il manque la dernière partie des paroles en question. Il aurait plutôt dit en regardant C d’un ton neutre : « Tu dois aimer ça à genoux – il y a une table pour charger les munitions pour les magazines. » C, D, et E disent ne pas voir entendu la deuxième partie du commentaire.

11 Tous les témoins avaient déjà eu de la formation sur les armes à feu ou avaient été au champ de tir. Ils ont tous dit qu’il y a beaucoup de bruit et qu’il s’agit d’un environnement dangereux. Selon certains témoins, les participants et les formateurs portent des cache-oreilles pour se protéger du bruit. Selon le sergent-détective Bridgeman qui a encadré un grand nombre de ces séances de formation sur les armes à feu, les participants sont habituellement très stimulés par la formation, mais sont aussi parfois craintifs et agités. Certains ressentent une poussée d’adrénaline et leur capacité de bien juger les choses est parfois affectée. Toujours selon le sergent‑détective Bridgeman, il est fort possible que le bruit élevé au champ de tir puisse empêcher les participants d’entendre ce qui se dit.

12 Certains témoins se sont souvenu que les conditions climatiques n’étaient pas idéales le 27 octobre 2010 au champ de tir. C’était nuageux et venteux. De plus, il y avait de la boue par terre et des excréments d’oiseaux jonchaient çà et là sur le sol. Selon le fonctionnaire, ces conditions augmentaient les risques de laisser un chargeur ou des munitions par terre, et il pouvait y avoir des saletés qui s’introduisent dans le chargeur. D, qui est très familière avec les armes à feu, était d’accord avec le fonctionnaire à l’effet qu’il faut être prudent afin que rien ne s’introduise dans le chargeur. Par contre, le sergent-détective Bridgeman, qui est un expert en matière d’armes à feu, croyait que cela ne représentait pas un danger et qu’au pire l’obstruction du chargeur empêcherait simplement l’arme de fonctionner.

13 Avant l’incident du 27 octobre 2010, C a témoigné qu’elle ne connaissait pas le fonctionnaire si ce n’est de l’avoir vu trois fois dans les semaines précédentes. Au début octobre 2010, le fonctionnaire a témoigné que C lui avait parlé alors qu’il était assis avec son ancienne superviseure. Il lui aurait alors dit « C’est toi la petite fille de la ville Y qui a étudié à la polyvalente X ». C a trouvé ce commentaire très étrange. Le fonctionnaire a déclaré lors de l’enquête sur la plainte de harcèlement que C lui avait dit d’où elle venait et qu’il en avait déduit quelle école elle avait fréquentée car il est de cette même communauté urbaine. C a aussi témoigné qu’au cours de la même période, lors d’une pause-café, elle marchait à la cafétéria avec une collègue de travail. Le fonctionnaire était assis à la cafétéria avec H. Tous les deux les auraient regardées longuement et C s’est senti mal à l’aise. H a catégoriquement nié cet incident lors de son témoignage. De plus, il n’y a aucune mention de l’incident dans le rapport d’enquête sur la plainte de harcèlement. La troisième fois que C a croisé le fonctionnaire est quand il s’est présenté dans la salle de formation pour demander aux participants de remettre certains travaux liés à la formation.

14 Le fonctionnaire n’était pas un des formateurs attitrés à la classe no 50 même s’il occupait un poste de formateur pour le SCRS. Il n’était ni un participant ni un formateur lors de la séance de formation sur les armes à feu. H lui avait offert d’assister à la formation et le chef de la formation avait accepté. Le fonctionnaire a alors aidé le policier de la GRC à la table de munition à distribuer des munitions aux participants. Il s’est aussi pratiqué à tirer.

15 L’employeur a présenté en preuve diverses politiques du SCRS sur les ressources humaines, la prévention du harcèlement, le règlement des plaintes, les écarts de conduite et les mesures disciplinaires. Il a aussi présenté une liste de tous les cours que le fonctionnaire avait suivis depuis son entrée en fonction au SCRS. Cette liste fait état d’une formation sur la prévention du harcèlement suivie en octobre 2009. L’employeur a soumis une copie du manuel du participant qui avait alors été remis au fonctionnaire.

16  Le fonctionnaire a 52 ans et il est un père de trois enfants. Il dit être un homme fidèle qui n’a aucune intention envers d’autres femmes. Il a toujours eu de bons rapports avec les autres employés du SCRS. Il a témoigné que son commentaire du 27 octobre 2010 se voulait au sens premier et non une remarque à caractère sexuel. Il n’a jamais reçu de mesures disciplinaires dans sa carrière et a un dossier impeccable. Il se dit professionnel dans son travail et n’a jamais insulté un autre employé ou atteint la dignité de personne. Hormis l’incident du 27 octobre 2010, l’employeur n’a soumis aucune preuve pour contredire cette partie du témoignage du fonctionnaire.

17 Lors du contre-interrogatoire de certains témoins de l’employeur et en s’appuyant sur de la preuve documentaire, le fonctionnaire a voulu faire ressortir les manquements à l’équité procédurale lors de l’enquête menée par l’employeur à la suite de la plainte de C et lors du processus disciplinaire qui s’en est suivi. Je ne rapporterai pas cette preuve et j’expliquerai pourquoi dans les motifs de cette décision.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

18 Selon l’alinéa 290(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), la compétence de l’arbitre de grief se limite à examiner la pertinence de la mesure disciplinaire imposée. Les questions d’équité au niveau des procédures d’enquête ou du processus disciplinaire ne peuvent être décidées par l’arbitre de grief. Qui plus est, lors de l’audience d’arbitrage du grief, l’arbitre examine tout le processus de novo et le fonctionnaire a alors toute la latitude de faire valoir son point de vue, de présenter sa version des faits et la preuve pertinente.

19 Selon l’employeur, la preuve de cette affaire est assez simple. Le 27 octobre 2010 le fonctionnaire, un formateur au SCRS, a participé à la séance de formation sur les armes à feu. Lors de cette séance, C a rempli un chargeur à genoux et le fonctionnaire lui a alors dit : « C tu as l’air d’aimer cela être à genoux. » Le fonctionnaire prétend avoir ajouté dans cette même phrase, « Il y a une table pour charger les munitions. » Sa version n’est tout simplement pas crédible. Le fonctionnaire n’a appelé aucun témoin pour corroborer sa version des faits. Par contre, trois témoins de l’employeur ont affirmé ne pas avoir entendu la deuxième partie de la phrase. Ces trois témoins ont perçu que ce commentaire était à connotation sexuelle. Enfin, le sergent-détective Bridgeman a témoigné que la façon utilisée par C pour remplir son chargeur était conforme au protocole.

20 Selon l’employeur, le commentaire du fonctionnaire était clairement à connotation sexuelle et un seul commentaire du genre suffit pour conclure qu’il y a eu harcèlement sexuel et pour imposer des mesures disciplinaires. Les politiques de l’employeur sur le harcèlement et les écarts de conduite sont assez claires à savoir que ce type de comportement n’est pas acceptable au SCRS. Le fonctionnaire connaissait bien ces politiques et il avait reçu la formation sur la prévention du harcèlement en milieu de travail.

21 Le rôle de l’arbitre de grief n’est pas de décider si la mesure disciplinaire imposée est celle qu’il aurait lui-même imposée s’il avait conclu à un manquement disciplinaire. Son rôle est plutôt d’examiner la mesure imposée par l’employeur à la lumière de la preuve et de la jurisprudence et d’évaluer si cette mesure est déraisonnable. Dans le cas présent, la suspension de trois jours imposée par l’employeur est appropriée et raisonnable.

22 Certains facteurs aggravants doivent être pris en considération. Tout d’abord, le fonctionnaire ne reconnaît pas qu’il a commis une faute. Certes, il s’est excusé, mais à ce jour encore, il ne reconnaît pas le sérieux de ses propos. Le fait pour C de remplir son chargeur à genoux ne constituait pas un risque à la sécurité et il ne s’agit là que d’un prétexte avancé par le fonctionnaire pour justifier son commentaire inapproprié. Aussi, le fonctionnaire était un formateur et un superviseur au SCRS et, à ce titre, il avait un certain contrôle sur les participants au programme de formation. Enfin, le SCRS est un milieu de travail traditionnellement masculin et il est doublement important d’agir de façon respectueuse envers les employées de sexe féminin.

23 L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Maas et Turner c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 123; Pajic c. Opérations des enquêtes statistiques, 2012 CRTFP 70; Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. No. 818 (C.A.) (QL); Noël c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2002 CRTFP 26; Morrow c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 43; Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A.C.B.); Ontario English Catholic Teachers’ Association c. St-Clair Catholic District School Board, [2007] O.L.A.A. No 517; Imperial Parking Canada Corporation c. Construction and Specialized Workers’ Union, [2003] B.C.C.A.A.A. No. 310; Canadian Broadcasting Corporation c. Canadian Media Guild (2002), 105 L.A.C. (4th) 1; Valspar Inc. United Steelworkers of America, Local 3, [2002] O.L.A.A. No. 168; Calgary (City) v. Calgary Fire Fighters Association, International Association of Fire Fighters, Local 255, [2012] A.G.A.A. No. 37; Canada (Procureur général) c. Mowat, 2011 CSC 53.

B. Arguments du fonctionnaire

24 Le fonctionnaire est tout d’abord revenu sur les questions d’équité procédurale. Il prétend qu’il n’a pas eu la chance de pleinement répliquer aux allégations contre lui car l’employeur ne lui en a pas donné l’occasion. Si l’enquête avait été bien faite, on n’en serait pas là aujourd’hui et la situation aurait pu être réglée.

25 Dans sa décision, l’employeur n’a pas tenu compte du fait que le fonctionnaire s’était excusé quand il a réalisé que son commentaire avait été mal compris. Il n’a pas tenu compte non plus que les versions des faits de ce que les témoins C, D et E ont entendu varient.

26 L’employeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve à savoir qu’il y a eu harcèlement sexuel. Dans chacun des cas auxquels l’employeur fait référence, l’intimé avait prononcé des paroles ou posé des gestes à connotation sexuelle explicite. Ce n’est pas le cas ici. Au plus, les paroles du fonctionnaire était malhabiles.

27 Il est clair dans la jurisprudence que pour conclure au harcèlement sexuel, il doit y avoir plus d’un incident, c’est-à-dire une série d’actes ou de paroles. Dans le cas présent, il n’y a qu’un seul incident qui est reproché au fonctionnaire. On ne peut conclure qu’il y a harcèlement sur la base d’un incident unique de cette nature. On ne peut non plus imposer une suspension de trois jours pour une maladresse verbale. Une réprimande verbale aurait suffi.

28 Le fonctionnaire m’a renvoyé aux décisions suivantes : Bédirian c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2002 CRTFP 89; Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1252; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Forces armées canadiennes) (re Franke), [1999] A.C.F. no 757; Teeluck c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel du Canada) , dossier de la CRTFP 166-2-27956 (19980820); Fillet c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 43; Johnson c. Conseil du Trésor (Commission de la fonction publique), dossier de la CRTFP 166-2-22252 (19930107); Samra c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), dossier de la CRTFP 166-2-26543 (19960911); Gale c. Conseil du trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2001 CRTFP 85; Azerad c. l’Office national du film, dossier de la CRTFP 166-8-21610 (19920609); Dutton c. Tribunal des droits de la personne de la Colombie Britannique et al., 2001 BCSC 1256.

IV. Motifs

29 Le fonctionnaire a présenté de la preuve eu égard à des prétendus manquements à l’équité procédurale lors de l’enquête administrative menée par l’employeur et lors du processus disciplinaire qui s’en est suivi. Je n’ai pas la compétence pour trancher cette question. Le fonctionnaire n’est pas un employé syndiqué couvert par une convention collective qui pourrait obliger l’employeur a respecté certaines règles en matière disciplinaire. Le seul recours que lui offre la Loi est celui prévu à l’alinéa 209(1)b) qui se lit comme suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

30 Certes, le manque d’équité procédurale aurait pu avoir des effets négatifs sur le fonctionnaire car les conclusions de l’enquête et du processus disciplinaire lui aurait peut-être été plus favorable s’il y avait eu un plein droit de réplique. Cependant, comme la Cour d’appel fédérale l’écrit dans Tipple, ces possibles effets négatifs ont été entièrement réparés par l’audition de novo de toute l’affaire devant l’arbitre. Lors de l’audience, le fonctionnaire a eu pleinement l’occasion de donner sa version des faits et de répliquer à celle de l’employeur et de ses témoins. Le tort qu’il a pu subir a alors été réparé.

31 Les positions des parties sur le fond du grief diffèrent à deux égards. Tout d’abord, les parties n’ont pas la même conception de ce que constitue du harcèlement sexuel. Pour l’employeur, un seul commentaire suffit pour conclure qu’il y a eu harcèlement, alors que pour le fonctionnaire, il doit y avoir plus d’un incident pour conclure au harcèlement. Les parties ne s’entendent pas non plus sur ce que le fonctionnaire a dit à C le 27 octobre 2010. À la lumière de la jurisprudence et de la preuve déposée, je vais examiner successivement ces deux questions, puis déterminer si l’employeur était en droit d’imposer au fonctionnaire une suspension sans solde de trois jours.

32 L’employeur a soumis en preuve sa politique de prévention du harcèlement qui contient une définition du harcèlement sexuel. Il a aussi soumis le manuel du participant de la séance de formation sur le harcèlement à laquelle le fonctionnaire avait assisté en octobre 2009. Ces deux définitions sont quasi identiques. La définition de la politique de l’employeur se lit ainsi :

[…]

Harcèlement sexuel : Tout comportement, propos, geste ou contact d’ordre sexuel dont il est raisonnable de penser qu’il peut humilier une personne ou qu’une personne peut raisonnablement interpréter comme l’assujettissement de son emploi ou d’une possibilité de formation ou d’avancement à des conditions d’ordre sexuel.

[…]

33  Il est clair selon cette définition qu’un seul propos d’ordre sexuel suffit pour conclure qu’il y a harcèlement s’il est raisonnable de penser que le propos peut humilier. La deuxième partie de la définition s’applique mal aux faits de ce grief en ce sens que rien dans la preuve ou dans l’argumentation de l’employeur ne laisse croire ou renvoie à un quelconque assujettissement de l’emploi ou de la carrière à des conditions d’ordre sexuel.

34 J’ai révisé toutes les décisions soumises par les parties et les définitions du harcèlement sexuel qu’elles proposent. La définition du harcèlement sexuel de l’employeur, quoique rédigée différemment, est conforme à celle contenue dans ces décisions. Dans Janzen, la Cour suprême du Canada, après un survol de la jurisprudence et de la doctrine, en arrive à qualifier le harcèlement sexuel de la façon suivante àa la page 1284 :

[…]

Sans chercher à fournir une définition exhaustive de cette expression, j'estime que le harcèlement sexuel en milieu de travail peut se définir de façon générale comme étant une conduite de nature sexuelle non sollicitée qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d'emploi pour les victimes du harcèlement. C'est un abus de pouvoir, comme l'a souligné l'arbitre Shime dans la décision Bell v. Ladas, précitée, et comme cela a été largement reconnu par d'autres arbitres et commentateurs. Le harcèlement sexuel en milieu de travail est un abus de pouvoir tant économique que sexuel. Le harcèlement sexuel est une pratique dégradante, qui inflige un grave affront à la dignité des employés forcés de le subir. En imposant à un employé de faire face à des gestes sexuels importuns ou à des demandes sexuelles explicites, le harcèlement sexuel sur le lieu de travail est une atteinte à la dignité de la victime et à son respect de soi, à la fois comme employé et comme être humain.

[…]

35 Le harcèlement sexuel peut prendre différentes formes et divers degrés de gravité. Il est clair, selon cette interprétation, qu’un seul incident peut suffire et qu’un seul commentaire non sollicité de nature sexuelle puisse être considéré comme du harcèlement sexuel s’il est dégradant et qu’il constitue un affront à la dignité de la personne.

36 Toutes les personnes qui ont témoigné, incluant le fonctionnaire, m’ont donné l’impression d’être des personnes raisonnables. Autant pour C qui a déposé une plainte de harcèlement que pour D et E qui étaient là au moment de l’incident ou pour I qui a mené l’enquête ainsi que pour G qui a imposé les mesures disciplinaires, la phrase « C semble aimer cela à genoux » est un commentaire à connotation sexuelle. Je suis d’accord avec C et les quatre autres témoins que la phrase en question peut avoir une connotation sexuelle. Prise seule, elle constitue une blague déplacée non sollicitée à caractère sexuel qui, implicitement, renvoie aux préférences ou pratiques sexuelles de C. Ce type de commentaire non sollicité n’a simplement pas sa place dans un milieu de travail et constitue du harcèlement sexuel. Par le fait même, l’employeur serait tout à fait en droit, sur cette seule base, d’imposer une mesure disciplinaire, incluant une suspension sans solde de courte durée.

37 Ceci dit, le fonctionnaire admet avoir prononcé un bout de phrase qui ressemble à celui entendu par C, D et E, mais il prétend qu’il y a ajouté : « il y a une table pour charger les munitions pour les magazines ». Il prétend aussi qu’un peu plus tôt il lui aurait dit : « Qu’est-ce que tu fais à genoux quand il y a une table pour recharger les magazines? ». Si je m’en remettais à la version du fonctionnaire et au sens qu’il a voulu donner à ce qu’il a dit, je ne conclurais pas qu’il y a eu harcèlement. Je conclurais plutôt que le fonctionnaire s’est exprimé d’une façon qui peut porter à interprétation pour certains et les excuses qu’il a présentées à C pourraient suffire pour clarifier la situation.

38  Pour déterminer ce qui s’est vraiment dit au champ de tir le 27 octobre 2010, je dois examiner la crédibilité des témoins et de leurs témoignages. Sur la question de la crédibilité, les arbitres font souvent référence à la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans Faryna v. Chorny. À la page 357 de sa décision, le juge O'Halloran a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

En bref, ce qui permet de vérifier réellement si le témoin dit la vérité en pareil cas, c'est la compatibilité de sa version avec la prépondérance des probabilités que reconnaîtrait d'emblée une personne pratique et informée qui se trouverait dans ce lieu et dans ces conditions.

[…]

39 Dans le présent cas, il me faut être convaincu, sur la base de la prépondérance des probabilités, que l'incident allégué a bien eu lieu de la façon dont C, D et E le décrivent pour conclure que l'employeur avait raison d’imposer des mesures disciplinaires contre le fonctionnaire.

40 Je crois que C a bel et bien entendu le fonctionnaire lui dire quelque chose qui ressemble à : « C semble aimer cela à genoux ». Je crois aussi que D et E ont entendu à peu près la même chose. Même si les mots entendus ne sont pas exactement les mêmes, ils sont assez similaires pour croire que les trois témoins ont entendu la même chose. D’ailleurs, le fonctionnaire ne nie pas avoir prononcé des mots qui ressemblent à ceux entendus par ces trois témoins.

41 Ceci dit, l’employeur ne m’a cependant pas convaincu, sur la base de la prépondérance des probabilités, que le fonctionnaire n’a pas ajouté les mots qu’il dit avoir ajoutés au bout de la phrase en question. Je crois les témoignages de C, D et E à savoir qu’elles n’ont pas entendu les mots : « il y a une table pour charger les munitions pour les magazines ». Cela ne prouve cependant pas que le fonctionnaire ne les ait pas dits. Son témoignage est plausible et il est tout à fait possible qu’il ait ajouté ces mots car, selon lui, C aurait dû être plus près de la table pour remplir son chargeur. Même si le sergent-détective Bridgeman n’y voyait pas un problème, il est crédible que le fonctionnaire ait été de bonne foi préoccupé par le fait que C chargeait son arme assez loin de la table à munition à genoux par terre alors que les conditions du terrain n’étaient pas idéales. Il est aussi possible compte tenu du contexte, de la distance qui séparait chacun des témoins et du bruit élevé au champ de tir que C, D et E n’aient pas entendu la deuxième partie de la phrase du fonctionnaire. Compte tenu de toute la preuve qui m’a été présentée, je crois donc que la version du fonctionnaire sur ce qu’il a dit et sur le sens qu’il a voulu donner aux mots qu’il a prononcé.

42 Le témoignage du fonctionnaire a été cohérent. Je n’y ai décelé aucune contradiction. Il m’a semblé être une personne d’une grande intégrité et d’un grand professionnalisme. Tout au long de l’audience, le fonctionnaire était à 12 pieds de moi. Quand il a contre-interrogé les témoins, j’ai dû lui faire répéter des parties de questions ou des commentaires à au moins quatre reprises et lui demander de parler plus fort car sa voix ne portait pas. Pourtant, je n’ai aucun problème d’audition et il n’y avait aucun bruit dans la salle d’audience. Il est donc fort plausible que les témoins C, D et E n’aient pas entendu la deuxième partie de la phrase du fonctionnaire, d’autant plus que c’était très bruyant au champ de tir.

43  Je n’ai pas à être absolument convaincu que le fonctionnaire m’a dit la vérité lors de l’audience et qu’il n’a pas menti en affirmant qu’il avait ajouté la deuxième partie de sa phrase. Mon rôle est plutôt d’examiner l’ensemble de la preuve incluant la crédibilité des témoins et de déterminer si l’employeur a satisfait à son fardeau de la preuve sur la prépondérance des probabilités. Tous les témoins étaient crédibles, incluant le fonctionnaire. La version des faits de ce dernier me semble crédible. Certes, on pourrait donner une interprétation de deuxième niveau à ce qu’il a dit mais je le crois quand il dit que son commentaire du 27 octobre 2010 se voulait au sens premier et non pas une remarque à caractère sexuel. Sur la base de la prépondérance des probabilités, j’en conclus donc que l’employeur n’a pas fait la preuve du comportement fautif du fonctionnaire.

44 C a témoigné que le fonctionnaire lui aurait parlé alors qu’il était assis avec son ancienne superviseure peu de temps avant le 27 octobre 2010 et qu’il lui aurait alors dit qu’elle avait étudié à l’école X. Il est fort plausible que le fonctionnaire, comme il l’a dit, en soit arrivé à cette conclusion car il est originaire de cette même communauté urbaine. Je n’y vois rien d’étrange ou d’anormal. C a aussi témoigné qu’au cours de la même période, lors d’une pause-café, elle marchait à la cafétéria avec une collègue de travail et que le fonctionnaire et H les auraient toutes deux regardées longuement. Cette collègue de travail n’a pas été appelée comme témoin. Qui plus est, H a nié l’incident. Enfin, il n’y a aucune mention de cet incident dans le rapport d’enquête sur la plainte de harcèlement alors qu’il y est fait mention de l’incident de l’école.

45 Considérant ce qui précède, j’en conclus que la mesure disciplinaire imposée par l’employeur n’est pas justifiée. J’annule donc la suspension de trois jours que l’employeur lui a imposé. Au pire, le fonctionnaire a fait un mauvais choix de mots mal pesés qui pouvaient porter à une double interprétation. Il a présenté ses excuses à C et cela aurait dû suffire si C avait entendu toute la phrase du fonctionnaire, mais ce ne fut pas le cas. Dans un tel contexte, il était tout à fait compréhensible qu’elle dépose une plainte.

46 Tous les témoins m’ont semblé être des personnes honnêtes et dévouées envers l’organisation pour laquelle ils travaillent. La façon dont I a mené son enquête n’est certes pas parfaite, et l’approche utilisée par G pour imposer des mesures disciplinaires comportait certaines lacunes. Sur la base de ce que j’ai pu entendre et lire dans le cadre de cette audience, je suis cependant convaincu qu’elles ont toutes deux agi de bonne foi et formulé les recommandations ou pris les décisions qu’elles croyaient justes et correctes. Je ne suis donc pas disposé à ordonner le versement de quelque compensation financière que ce soit au fonctionnaire si ce n’est le remboursement de ses trois jours de salaire ainsi que les avantages liés au salaire perdu. De plus, la Loi ne me confère pas le pouvoir d’ordonner le remboursement des frais juridiques ou, dans ce cas-ci, de leur équivalent. Sur ce, je me réfère à Mowat où la Cour suprême du Canada a statué qu’un tribunal administratif peut seulement accorder des dépens si sa législation habilitante lui confère ce pouvoir. Enfin, je ne crois pas qu’il soit dans mes pouvoirs d’ordonner à quelqu’un de s’excuser. Même si j’avais ce pouvoir, je ne l’exercerais pas, car je crois que l’employeur et ses représentants ont agi de bonne foi dans ce dossier.

47 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

48 Le grief est accueilli.

49 J’ordonne à l’employeur de rembourser au fonctionnaire trois jours de salaire et les avantages qui y sont associés.

50 J’ordonne à l’employeur d’enlever du dossier du fonctionnaire toute référence à la suspension de trois jours qui lui avait été imposée.

Le 2 juillet, 2013.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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