Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était conseiller principal en ressources humaines et il a été licencié pour insubordination - il n'avait pas respecté les procédures administratives pour justifier ses absences du lieu de travail - le fonctionnaire s’estimant lésé a qualifié son renvoi de mesure excessive et discriminatoire fondée sur l’invalidité et la situation familiale - le fonctionnaire s’estimant lésé souffrait d’un trouble d’anxiété chronique et en avait informé son employeur - son enfant avait par ailleurs de graves problèmes de santé et de comportement - son enfant refusait souvent d’aller à l’école et, par conséquent, le fonctionnaire s’estimant lésé a souvent dû s’absenter du travail - le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé avoir subi une rechute de son trouble d’anxiété en 2008, et il a souvent dû s’absenter du travail en 2008 et 2009 - son médecin a témoigné que son humeur était restée stable de juin 2009 à son licenciement, y compris au cours des suspensions ayant mené à son congédiement, mais que le fonctionnaire s’estimant lésé lui avait dit juste avant son congédiement que son anxiété était en recrudescence - il vivait à ce moment-là des problèmes conjugaux et financiers - son médecin a indiqué que les troubles médicaux du fonctionnaire s’estimant lésé pourraient avoir contribué à son incapacité à suivre les procédures recommandées pour déclarer ses absences - avant son congédiement, le fonctionnaire s’estimant lésé avait reçu une lettre de réprimande et avait été suspendu pour 2, 3, 10 et 20 jours pour ne pas avoir suivi la procédure administrative selon laquelle il faut signaler oralement ses absences du travail - l’employeur avait changé les tâches du fonctionnaire s’estimant lésé, car les absences fréquentes de ce dernier entraînaient des perturbations au sein de son unité de travail - après son retour au travail, à la suite de sa suspension de 20 jours, le fonctionnaire s’estimant lésé a été absent à plusieurs reprises - il a omis de signaler oralement certaines de ses absences, alors que dans d’autres cas, même s’il signalait son absence, il mentait à son employeur quant au motif de son absence - il a justifié des absences par le refus de son enfant d’aller à l’école alors qu’en réalité il avait [traduction] <<touché le fond de sa maladie>> - le fonctionnaire s’estimant lésé s’est opposé au fait que la personne qui a rendu la décision définitive dans son cas n’ait pas assisté à l’audience du grief - l’arbitre de grief a estimé que cette personne n’avait aucune obligation d’y assister - en fait, l'employeur n’était pas obligé de tenir une audience orale de grief - le fonctionnaire s’estimant lésé a aussi contesté le fait de ne pas avoir été préalablement avisé de l’objet de sa rencontre de licenciement, ni de son droit d’être représenté - l’arbitre de grief a soutenu que ces irrégularités étaient corrigées par le fait que l’arbitrage était une audience de novo - aucun dommage punitif n’était dû, car les actes de l’employeur n’étaient pas répréhensibles, malveillants, inacceptables, de mauvaise foi, ou en eux-mêmes passibles de sanctions - en ce qui concerne la discrimination fondée sur l’invalidité et la situation familiale, c’est le défaut du fonctionnaire de signaler ses absences qui a motivé son licenciement, et non la fréquence de ses absences, et le fonctionnaire n’a jamais demandé de mesure d’adaptation relativement à la procédure de signalement de ses absences - les incidents culminants ayant mené au congédiement sont tous liés aux raisons pour lesquelles il a été soumis cinq fois à des mesures disciplinaires - le fonctionnaire s’estimant lésé était coupable d’inconduite et a même menti à son employeur en utilisant son enfant comme prétexte - son inconduite justifie la décision de son employeur de le licencier. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-06-06
  • Dossier:  566-02-6916
  • Référence:  2013 CRTFP 67

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ROBERT PHILLIPS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence des services frontaliers du Canada)

défendeur

Répertorié
Phillips c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Phillip Hunt, avocat

Pour le défendeur:
Sean Kelly, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 18 au 22 février et le 10 mai 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Robert Phillips, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était conseiller principal en ressources humaines à l’Agence des services frontaliers du Canada (la « défenderesse », l’« employeur » ou l’ASFC). Le 20 janvier 2012, l’employeur a licencié le fonctionnaire parce qu’il n’avait pas respecté les procédures administratives qu’il devait suivre pour justifier ses absences du travail. On l’a licencié après l’avoir suspendu quatre fois pour la même raison entre avril et novembre 2011.

2 Le 10 février 2012, le fonctionnaire a présenté un grief par suite de la décision de l’employeur de le licencier. Selon lui, cette décision était une mesure disciplinaire excessive pour son inconduite alléguée et constituait un acte de discrimination et de harcèlement fondé sur l’invalidité et la situation familiale. Le fonctionnaire demandait à être réintégré dans le poste qu’il occupait ou dans un poste de même groupe et de même niveau dans la fonction publique fédérale. Le fonctionnaire a aussi avisé la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) qu’il avait l’intention de soulever une question à propos de l’interprétation ou de l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (LCDP). La CCDP a avisé la Commission qu’elle n’avait pas l’intention de présenter des arguments dans cette affaire.

3 Le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 21 mars 2012, et il a été renvoyé à l’arbitrage le 24 avril 2012. En renvoyant le grief à l’arbitrage, le fonctionnaire a avisé de son intention de modifier le grief pour y ajouter que l’employeur avait tardé, sans raison valable, à lui remettre les copies qu’il avait demandées des documents liés à l’évaluation par Santé Canada et qu’il ne lui avait pas donné de préavis de la rencontre de licenciement tenue le 20 janvier 2012. Le fonctionnaire voulait aussi soulever le fait qu’on ne l’avait pas avisé de son droit d’être accompagné d’un représentant à cette réunion et qu’on ne lui avait pas fourni des motifs suffisants pour justifier son licenciement au moment où on l’avait licencié. Enfin, il entendait aussi soulever le fait que l’audience du grief au dernier palier n’avait pas été tenue par la personne qui avait la responsabilité de rendre la décision à ce palier. Le fonctionnaire a demandé à l’arbitre de conclure, de façon préliminaire, que la décision de le licencier était nulle ab initio (dès le départ).

4 L’employeur s’est opposé à la modification du grief au motif que le fonctionnaire y avait ajouté de nouveaux éléments. Il a aussi allégué qu’il n’est pas obligé de tenir des audiences de grief en personne et que le décideur n’était pas tenu d’être présent à l’audience du grief au dernier palier. Sur ces points, l’employeur m’a renvoyé à Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), et à Hagel c. Procureur général du Canada, 2009 CF 329.

5 Au début de l’audience, j’ai avisé les parties que je ne prononcerais ma décision sur les modifications apportées au grief qu’après avoir entendu la preuve et les arguments sur le fond du grief et les modifications proposées.

II. Résumé de la preuve

6 L’employeur a présenté en preuve 58 documents. Il a cité comme témoins Margaret Fortin, Elie Saad, Lisa Carpinteiro et France Guèvremont. M. Saad était le superviseur immédiat du fonctionnaire. Mme Fortin était la directrice de la Division des programmes et services pour le groupe EX de novembre 2010 à juin 2011. En juin 2011, Mme Carpinteiro l’a remplacée à ce poste. Mme Guèvremont était la directrice générale de la Direction des services aux EX, du leadership et de la gestion des talents. M. Saad relevait de Mme Fortin et de Mme Carpinteiro, qui relevaient de Mme Guèvremont. Le fonctionnaire a cité comme témoin son médecin de famille, le Dr John Saar. Il a aussi témoigné. Il a produit en preuve 18 documents.

A. Contexte

7 Le fonctionnaire a obtenu un baccalauréat en administration des affaires de l’Université d’Ottawa en 1990. Tout de suite après, il a commencé à travailler pour la fonction publique fédérale dans le domaine des ressources humaines (RH). Il a commencé sa carrière comme adjoint aux RH au ministère des Ressources naturelles du Canada, a été promu plusieurs fois, a travaillé pour Statistique Canada pendant plusieurs années et a ensuite accepté un poste de conseiller principal en ressources humaines pour l’employeur en juillet 2006. Ce poste était classé aux groupe et niveau PE-04. Les employés du groupe PE ne sont pas syndiqués.

8 Le fonctionnaire a produit en preuve un rapport décrivant ses réalisations et ses difficultés au travail pour la période allant de juillet 2006 à mars 2007. Dans ce rapport, Josée Tremblay, la directrice du fonctionnaire à l’époque, a écrit qu’il avait une excellente connaissance de la dotation et des RH en général et qu’il travaillait bien, seul ou avec ses collègues. Mme Tremblay a également souligné que le fonctionnaire avait des difficultés personnelles, que sa fiche de présence s’était améliorée et qu’elle était persuadée que la situation continuerait à s’améliorer durant l’année qui suivrait. Mme Fortin a déclaré dans son témoignage que le fonctionnaire était un spécialiste des RH compétent et qu’il connaissait bien ses dossiers.

9 Le fonctionnaire a témoigné qu’il souffrait d’un trouble d’anxiété chronique et qu’il en avait informé l’employeur. La preuve écrite corrobore son témoignage sur cette question. Le rapport qui décrit ses réalisations et ses difficultés contient un énoncé de Mme Tremblay selon lequel le fonctionnaire avait appris à [traduction] « parler avec assurance de certaines de ces difficultés ». En 2008, selon son propre témoignage, le fonctionnaire a eu une rechute de son trouble d’anxiété. En conséquence, il s’est absenté du travail de nombreuses fois entre avril 2008 et novembre 2009.

10 Selon un rapport médical préparé par le Dr Saar le 17 mai 2012, le fonctionnaire a reçu un diagnostic d’anxiété chronique en juillet 2003. Il prend des médicaments depuis ce temps. Pendant un certain temps, il a aussi consulté un psychologue. Dans son rapport, le Dr Saar a écrit que le fonctionnaire prenait encore des médicaments et que son humeur était demeurée stable entre juin 2009 et janvier 2012, y compris pendant ses nombreuses suspensions en 2011. Le 11 janvier 2012, le Dr Saar a rencontré le fonctionnaire, qui lui a dit que son anxiété avait augmenté et qu’il y avait plus de stress dans sa vie. Le Dr Saar a décidé d’augmenter la dose quotidienne de médicament du fonctionnaire et lui a signé une note pour qu’il prenne un congé du 6 au 10 janvier 2012 en raison de son humeur. Le Dr Saar a écrit qu’il se pouvait que l’aggravation récurrente de l’anxiété du fonctionnaire ait contribué aux insuffisances qu’il a manifestées à suivre les procédures recommandées pour déclarer ses absences. Le Dr Saar a écrit que le fonctionnaire pouvait retourner au travail et apporter sa contribution à la fonction publique, mais dans une autre division gérée par des personnes différentes.

11 En 2010 et 2011, le Dr Saar a signé plusieurs certificats médicaux pour justifier les absences du fonctionnaire, mais aucun ne concernait des problèmes d’anxiété, même si le fonctionnaire continuait à souffrir d’anxiété chronique. Le Dr Saar a écrit dans son rapport médical du 17 mai 2012 qu’il soupçonnait que les autres problèmes médicaux du fonctionnaire avaient peut-être été causés par [traduction] « l’anxiété ».

12 En janvier 2010, un médecin en santé du travail de Santé Canada a évalué l’aptitude au travail du fonctionnaire. Il a écrit avoir [traduction] « décelé des troubles médicaux qui ont affecté sa capacité de remplir ses fonctions », mais que le fonctionnaire était jugé apte au travail. Le médecin a aussi écrit que [traduction] « des rechutes ne sont pas prévues pour le moment, mais ces dernières pourraient être difficiles à prévoir ».

13 Le fonctionnaire a déclaré que sa santé n’était pas le seul problème personnel avec lequel il était aux prises lorsqu’il travaillait pour l’employeur. Son enfant de 10 ans avait aussi de graves problèmes de santé et de comportement. Entre autres, son enfant avait de la difficulté à accepter les règles imposées par l’école, ce qui l’amenait souvent à refuser d’aller à l’école. Cette situation est maintenant réglée, mais son enfant a eu de graves problèmes de comportement entre 2007 et 2012. Le fonctionnaire avait averti l’employeur des graves problèmes de santé et de comportement de son enfant.

14 Le fonctionnaire s’est marié en 1995. En 2008, son mariage s’est dissous. Il a obtenu une séparation légale en 2011. Toutefois, pour des raisons économiques, il a continué à vivre sous le même toit que son ex-conjointe jusqu’à ce que chacun d’eux ait les moyens de se payer un nouveau lieu de résidence. Le fonctionnaire a aussi connu de graves problèmes financiers. Plutôt que d’être en cessation des paiements, il a rempli une proposition de consommateur en avril 2011. Depuis ce temps, il respecte ses obligations financières. Toutefois, pendant la même période, son ex-conjointe a fait une déclaration de cessation des paiements.

15 Le fonctionnaire a travaillé dans une autre division de l’employeur du 24 septembre 2010 au 18 février 2011. Pendant ces cinq mois, il s’est absenté du travail 30 jours ouvrables pour plusieurs raisons. À la fin de cette période, sa gestionnaire a évalué son rendement. Elle a écrit qu’il avait une bonne connaissance du travail et qu’il était capable de comprendre rapidement le programme dans le cadre duquel il travaillait. Toutefois, ses nombreuses absences diminuaient sa capacité de mettre à contribution les membres de son équipe et ses clients. Il ne parvenait pas à accomplir certains éléments de son travail et ne réussissait pas à terminer plusieurs tâches à cause de ses absences.

B. Les mesures disciplinaires imposées au fonctionnaire s’estimant lésé avant son licenciement

16 En août 2009, l’employeur a écrit au fonctionnaire pour lui énoncer ses attentes relativement à sa présence, à ses heures de travail et à ses congés de maladie. L’employeur a entre autres demandé au fonctionnaire de communiquer avec sa gestionnaire, par téléphone, dans les 30 minutes suivant le début de son horaire de travail lorsqu’il était malade et de laisser un message sur le répondeur si sa gestionnaire n’était pas là. Il devait aussi fournir un certificat médical dans les deux jours suivant son retour au travail.

17 Le 8 février 2011, l’employeur a envoyé une lettre de réprimande au fonctionnaire parce que ce dernier n’avait pas fourni de documents et d’explications appropriés pour justifier ses absences des 25 et 31 janvier 2011.

18 Les 21 et 22 février 2011, le fonctionnaire ne s’est pas présenté au travail. La directrice par intérim, Mme Fortin, n’était pas d’accord avec la façon dont le fonctionnaire avait déclaré ces absences. Elle l’a rencontré le 25 février 2011 et lui a écrit un courriel, la même journée, pour lui faire part de ses attentes relativement à la procédure qu’il devait utiliser pour signaler ses absences et de certaines mesures destinées à gérer les conséquences de ses absences fréquentes. Entre autres, Mme Fortin demandait au fonctionnaire de communiquer avec son gestionnaire par téléphone avant 9 h pour lui expliquer la raison pour laquelle il ne pouvait pas se présenter au travail. Elle précisait que l’envoi d’un courriel ne serait pas suffisant et que, dans ce cas, l’absence serait considérée comme non autorisée. Elle demandait aussi au fonctionnaire de produire un certificat médical chaque fois qu’il s’absentait parce que lui ou un membre de sa famille était malade. Elle informait le fonctionnaire que le non-respect de ces directives serait traité comme une infraction disciplinaire.

19 Le 24 mars 2011, l’employeur a imposé au fonctionnaire une suspension de deux jours parce qu’il ne s’était pas conformé aux directives qui lui avaient été données le 25 février 2011 sur la façon d’informer l’employeur de ses absences et parce qu’il n’avait pas produit de certificats médicaux. Dans la lettre disciplinaire, l’employeur a écrit qu’il avait pris en considération le fait que le fonctionnaire avait quatre années de service à l’ASFC.

20 Le 13 avril 2011, l’employeur a imposé au fonctionnaire une suspension de trois jours parce qu’il ne s’était pas conformé aux directives qui lui avaient été données plusieurs fois sur la façon d’informer l’employeur de ses absences. Plus précisément, l’employeur reprochait au fonctionnaire de ne pas avoir respecté ces directives pour ses absences du 31 mars et du 6 avril 2011. Dans la lettre disciplinaire, l’employeur a écrit qu’il avait pris en considération le fait que le fonctionnaire avait quatre années de service à l’ASFC. Le fonctionnaire a écrit sur la lettre disciplinaire qu’il était [traduction] « en total désaccord » avec la lettre.

21 En février 2011, l’employeur a changé les tâches du fonctionnaire en raison de ses absences fréquentes, afin que la clientèle qu’il servait ne soit pas perturbée. Le fonctionnaire devrait rencontrer chaque jour son gestionnaire, qui lui assignerait des objectifs de travail précis et lui fixerait des délais. En mars 2011, le fonctionnaire a écrit à Mme Fortin et à M. Saad pour leur dire qu’il n’était pas motivé à travailler parce que le travail qu’on lui confiait était parfois insignifiant. Mme Fortin lui a répondu qu’elle était d’accord pour lui confier du travail plus significatif, mais qu’elle devait s’assurer que ses absences n’auraient pas d’incidence négative sur ce travail. Le 1er juin 2011, Mme Fortin a écrit à M. Saad que lorsque le fonctionnaire [traduction] « […] est ici, au travail, il réclame d’autres dossiers ». Elle ajoutait que lorsqu’elle lui donnait d’autres dossiers, il ne se présentait pas au travail. Elle écrivait aussi qu’elle avait commencé à rédiger une ébauche de lettre de licenciement.

22 Le 8 juin 2011 à 12 h 8, Mme Fortin a écrit un courriel au fonctionnaire pour faire suite à une discussion qu’elle avait eue avec lui la veille. Elle lui a rappelé que ses [traduction] « […] absences répétées continuent à perturber l’unité de travail ». Elle s’attendait à ce que le fonctionnaire rencontre son gestionnaire chaque jour pour que ce dernier lui fasse part de ses objectifs de travail et lui fixe des délais. Elle s’attendait aussi à ce que le fonctionnaire, s’il ne se présentait pas au travail, téléphone à son gestionnaire avant 9 h pour lui expliquer la raison de son impossibilité de se présenter au travail et pour qu’il autorise son absence. Elle a précisé que l’envoi d’un courriel ne serait pas suffisant et aurait pour effet que son absence serait considérée comme non autorisée. Elle a aussi demandé au fonctionnaire de produire un certificat médical chaque fois qu’il s’absentait parce que lui ou un membre de sa famille était malade.

23 Le 8 juin 2011, à 14 h 7, Mme Fortin a écrit au fonctionnaire que s’il ne réalisait pas de progrès, il pourrait être licencié pour des motifs non disciplinaires. Voici quelles étaient les attentes de Mme Fortin :

[Traduction]

  1. Vous ferez tout votre possible pour régler votre problème d’absentéisme, que la direction juge inacceptable (taux d’absentéisme de 40 % depuis février 2011).
  2. Nous nous attendons à ce que vous soyez présent au travail de façon continue et à temps plein, sauf en cas d’absences préautorisées ou de congés de maladie justifiés par un certificat médical, ou si un médecin traitant confirme que vous étiez auprès d’un enfant malade, lorsque la durée de la maladie dépasse une journée dans la même semaine.
  3. Nous nous attendons à ce que vous vous acquittiez de vos obligations en tant que parent et que vous preniez les dispositions qui s’avèrent nécessaires pour la garde de vos enfants.
  4. Dans les occasions où il vous est impossible de faire garder votre [enfant] handicapé, nous nous attendons à ce que vous collaboriez avec la direction pour trouver des accommodements raisonnables à court terme, par exemple le partage des responsabilités de la garde de votre enfant avec votre femme, des modalités de travail flexibles au sens de la convention collective, un autre type de congé prévu dans la convention collective, etc.

24 Le 24 juin 2011, Mme Carpinteiro, qui occupait alors le poste occupé auparavant par Mme Fortin, a écrit au fonctionnaire pour l’informer que son problème d’absentéisme ne s’était pas atténué. En fait, son taux d’absentéisme était passé de 40 % à 60 %. Elle a écrit que si la situation ne s’améliorait pas, le fonctionnaire pourrait se voir imposer une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. Le 21 juillet 2011, le fonctionnaire a écrit à Mme Carpinteiro pour lui dire qu’il serait mieux pour lui de travailler dans une autre division de l’ASFC ou dans un autre ministère. Il a expliqué que sa santé était gravement affectée par la situation qu’il vivait au travail et par les autres problèmes personnels qu’il connaissait et qu’il avait besoin de se retrouver dans un milieu de travail qui était assez souple pour lui permettre d’élever son enfant handicapé. Le 26 juillet 2011, Mme Carpinteiro lui a répondu qu’il devrait l’avertir deux jours à l’avance s’il devait s’absenter du travail pour aller passer une entrevue. Elle lui a aussi rappelé de suivre la procédure établie lorsqu’il devait s’absenter et a indiqué qu’elle organiserait une réunion avec lui et la section des relations de travail de l’ASFC afin de discuter de ses absences récentes.

25 Le 19 août 2011, l’employeur a imposé au fonctionnaire une suspension de 10 jours parce qu’il n’avait pas respecté les directives de l’employeur en omettant de signaler oralement ses absences et de produire des certificats médicaux. Dans la lettre disciplinaire, l’employeur a écrit qu’il avait pris en considération le fait que le fonctionnaire avait quatre années de service à l’ASFC. Il a aussi écrit que les infractions subséquentes ne seraient pas tolérées et entraîneraient son licenciement. Le fonctionnaire a écrit à l’employeur pour demander que sa suspension de 10 jours soit convertie en une suspension de 5 jours. Mme Guèvremont lui a répondu que la suspension de 10 jours resterait inchangée.

26 Le 5 octobre 2011, le fonctionnaire a écrit un courriel à Mme Guèvremont dans lequel il proposait des mesures concrètes pour améliorer son assiduité. Il a déclaré qu’il était prêt à tout lorsqu’il avait écrit ce courriel. À ce moment, il se sentait perdu et désemparé, et il n’avait pas les idées claires. Dans ce courriel, il a écrit entre autres qu’il serait présent au travail cinq jours par semaine, à moins qu’une absence ait été autorisée, et que s’il devait s’absenter, il produirait un certificat médical le jour suivant. Il proposait que si l’employeur n’était pas satisfait après 30 jours, on pourrait le licencier immédiatement. Mme Guèvremont a remercié le fonctionnaire pour son courriel et lui a rappelé ses obligations.

27 L’employeur lui a demandé de se présenter à une réunion disciplinaire le 9 novembre 2011. À la réception de cette invitation, le fonctionnaire a écrit à l’employeur, se disant surpris de l’objet de la réunion. Il croyait avoir respecté les exigences de l’employeur pour ce qui était de signaler ses absences. Il a expliqué que ses absences récentes étaient dues à une grave infection pulmonaire et avaient été justifiées par un certificat médical. Il a aussi écrit qu’il avait récemment changé le dosage de ses médicaments pour [traduction] « le stress/l’anxiété/la dépression », espérant que cela l’aiderait à améliorer son assiduité au travail. Le stress qu’il ressentait alors était attribuable en partie à sa situation au travail, aux problèmes qu’il avait avec son fils, à sa séparation et à ses problèmes financiers.

28 Le 10 novembre 2011, l’employeur a imposé une suspension de 20 jours au fonctionnaire parce qu’il n’avait pas respecté la directive de signaler oralement ses absences. Dans la lettre disciplinaire, l’employeur a écrit qu’il avait pris en considération le fait que le fonctionnaire avait 23 ans de service dans la fonction publique fédérale. Il a aussi écrit que les infractions subséquentes ne seraient pas tolérées et pourraient entraîner le licenciement. Le 14 novembre 2011, le fonctionnaire a écrit à l’employeur pour lui dire qu’il comprenait que l’employeur avait des exigences opérationnelles, mais qu’il estimait toutefois que la sanction disciplinaire qui lui était imposée était sévère, étant donné qu’il avait omis de respecter la directive de signaler son absence seulement deux fois sur 10 absences.

C. Le licenciement

29 Du 15 novembre au 12 décembre 2011, le fonctionnaire a purgé sa suspension de 20 jours. Il a travaillé les 13 et 14 décembre, a été absent les 15, 16, 19, 20 et 21, et a travaillé les 22 et 23 décembre. Il a été en congé (jours fériés) les 26 et 27 décembre 2011 et le 2 janvier 2012, et il a été en congé annuel les 28, 29 et 30 décembre 2011. Il a été absent les 4, 5, 6, 9, 10, 12, 16, 17, 18 et 19 janvier 2012. Il a travaillé les 11, 13 et 20 janvier. En tout, il a travaillé 6 jours ouvrables sur 26 entre la fin de sa suspension de 20 jours et le jour de son licenciement le 20 janvier 2012.

30 Après sa suspension de 20 jours, le fonctionnaire s’est absenté du travail pendant 20 jours jusqu’à son licenciement. Pour les huit jours où il a été absent en décembre 2011, il a téléphoné à son gestionnaire avant 9 h, selon les directives qui lui avaient été communiquées de nombreuses fois par l’employeur. Il a fait de même pour ses absences des 6, 9, 16 et 17 janvier 2011. Les notes de M. Saad ne montrent pas si le fonctionnaire a téléphoné pour justifier son absence du 19 janvier 2011. Il ne se souvient pas si le fonctionnaire l’a appelé ce jour-là. M. Saad n’a pas noté cette information parce qu’il savait alors que l’employeur avait déjà décidé de licencier le fonctionnaire.

31 Les preuves produites durant l’audience montrent que les 4, 5, 10, 12 et 18 janvier 2012, le fonctionnaire n’a pas respecté les directives de l’employeur sur la façon de signaler ses absences. M. Saad n’était pas au travail la première semaine de janvier 2012; on avait dit au fonctionnaire de signaler ses absences à Mme Carpinteiro pendant cette semaine-là.

32 Le 4 janvier, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Carpinteiro pour l’informer qu’il resterait à la maison avec son fils et qu’il lui téléphonerait entre 8 h et 9 h. Il ne l’a pas appelée.

33 Le 5 janvier, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Carpinteiro pour l’informer qu’il resterait à la maison avec son fils, qui ne voulait pas aller à la garderie, et qu’il lui téléphonerait entre 8 h et 9 h. Il ne lui a pas parlé, mais il lui a écrit un courriel à 15 h 38 pour lui dire qu’il l’avait appelée quelques fois et lui avait laissé des messages. Il lui a rappelé son numéro de téléphone.

34 Le 10 janvier, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Saad pour l’informer qu’il ne se sentait pas bien et qu’il resterait à la maison. Il a écrit qu’il appellerait M. Saad plus tard ou que M. Saad pouvait l’appeler à la maison. Le fonctionnaire n’a pas appelé M. Saad ce jour-là.

35 Le 12 janvier, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Saad pour l’informer qu’il resterait à la maison avec son enfant et qu’il avait une réunion avec des responsables de l’école en après-midi. Il a aussi laissé un message vocal à M. Saad à 7 h 20 pour l’informer que l’autobus scolaire ne passait pas ce jour-là en raison de la tempête de neige. Il n’a pas parlé directement à M. Saad ce jour-là.

36 Le 18 janvier, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Saad pour l’informer qu’il resterait à la maison avec son fils, mais qu’il serait présent au travail le reste de la semaine. Il a aussi laissé un message sur le répondeur de M. Saad à 7 h 7. Il n’a pas parlé directement à M. Saad ce jour-là.

37 Le 20 janvier 2012, l’employeur a rencontré le fonctionnaire et lui a remis la lettre de licenciement. Les passages qui suivent résument le contenu de la lettre :

[Traduction]

[…]

Depuis votre retour à la Division des services au groupe de la direction en février 2011, la direction a pris des mesures exhaustives pour essayer de résoudre votre problème d’absentéisme qui perdure depuis longtemps. Malheureusement, tous les efforts visant à améliorer la situation n’ont pas donné les résultats escomptés.

Vos absences fréquentes ont eu des conséquences importantes sur le milieu de travail et vous n’avez pas fait d’efforts pour améliorer la situation. La direction a tenté de corriger votre conduite en mettant en place des procédures administratives que vous deviez suivre pour signaler et justifier vos absences du bureau. Toutefois, vous avez continué à ne pas respecter la procédure mise en place, bien qu’elle vous ait été communiquée de nombreuses fois et qu’elle ait été acceptée par toutes les parties. La direction a donc dû vous imposer des mesures disciplinaires dans l’espoir qu’elles permettraient de corriger votre conduite. À ce stade-ci, votre situation cause une contrainte excessive à l’Agence.

Conformément à l’alinéa 12 (1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques, je mets fin par la présente à votre emploi à l’Agence des services frontaliers du Canada et dans la fonction publique fédérale; cette décision prend effet  le 20 janvier 2012 à l’heure de la fermeture des bureaux.

[…]

38 C’est Mme Guèvremont qui a pris la décision de licencier le fonctionnaire. Elle a témoigné que la décision a été prise le 17 ou le 18 janvier 2012. Elle a écrit la lettre de licenciement avec l’aide de Mme Carpinteiro et de la section des relations de travail de l’ASFC. Elle a décidé de licencier le fonctionnaire parce qu’il faisait preuve d’insubordination en ne suivant pas les directives qu’on lui avait données pour signaler ses absences. Des mesures disciplinaires lui avaient été imposées plusieurs fois pour la même raison, et il n’a pas corrigé son comportement. Plus particulièrement, le fonctionnaire n’avait pas de raison de ne pas signaler ses absences des 4, 5, 10, 12 et 18 janvier 2012 de la façon convenue.

39 Le fonctionnaire a été licencié le 20 janvier 2012, un vendredi. Selon le témoignage de M. Saad, la décision de licencier le fonctionnaire avait été prise plus tôt au cours de la semaine. Le 19 janvier 2012 à 10 h 7, l’adjoint de Mme Guèvremont a écrit au bureau de la sécurité de l’ASFC pour demander qu’on retire de façon permanente l’accès du fonctionnaire à tous les édifices de l’ASFC et de la fonction publique. Le bureau de la sécurité a répondu que cela serait fait dans l’heure suivante. Le 19 janvier, on a aussi demandé de désactiver le compte de courrier électronique du fonctionnaire. Le 20 janvier 2012 à 7 h 36, un employé de la section de la surveillance du réseau de l’ASFC a confirmé que le compte du fonctionnaire avait été désactivé.

40 Le 20 janvier 2012, le fonctionnaire s’est rendu au travail vers 8 h. Il a essayé d’entrer dans l’immeuble, mais il n’a pas pu ouvrir la porte avec sa carte. Un autre employé l’a laissé entrer. Il est allé à son bureau et a ouvert son ordinateur, mais il n’a pas pu entrer dans le système. Il en a parlé à M. Saad, qui l’a informé que son accès au réseau avait été désactivé. M. Saad est allé voir Mme Guèvremont. Lorsqu’il est revenu, il a informé le fonctionnaire que Mme Guèvremont voulait le rencontrer. Le fonctionnaire s’est rendu au bureau de Mme Guèvremont avec M. Saad. Il s’est assis et on lui a remis la lettre de licenciement. Mme Guèvremont a informé le fonctionnaire qu’il était licencié parce qu’il n’avait pas suivi le protocole établi pour signaler ses absences. Le fonctionnaire a demandé s’il y avait possibilité d’en discuter. Mme Guèvremont a répondu que sa décision n’était pas négociable. Elle a insisté pour que le fonctionnaire signe la lettre de licenciement, ce qu’il a fait. Le fonctionnaire a témoigné qu’on ne l’avait pas averti qu’il s’agissait d’une rencontre de nature disciplinaire. On ne lui a jamais demandé s’il voulait être représenté ou être accompagné durant cette rencontre. Mme Guèvremont a reconnu qu’on n’avait pas averti le fonctionnaire qu’il s’agissait d’une rencontre disciplinaire et qu’on ne l’avait pas informé qu’il pouvait être représenté ou accompagné.

41 Durant le contre-interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré ne pas se souvenir d’avoir soulevé durant l’audience du grief au dernier palier, le 6 mars 2012, plusieurs questions que selon son représentant il soulevait encore dans une lettre envoyée à l’employeur en avril 2012. Voici ces questions : que l’employeur a tardé à fournir au fonctionnaire les documents de Santé Canada en vue d’une évaluation, que l’employeur ne l’a pas prévenu que la rencontre du 20 janvier 2012 était de nature disciplinaire et ne l’a pas avisé de son droit d’être représenté à cette réunion, qu’il n’a pas été avisé à l’avance des motifs de son licenciement, et que l’audience du grief au dernier palier n’a pas été menée par le représentant de l’employeur qui devait rendre la décision.

D. Demande en vue d’une évaluation par Santé Canada en 2011 et 2012

42 En février 2011, Mme Fortin et le fonctionnaire ont discuté de la possibilité que le fonctionnaire soit évalué par Santé Canada. Selon son témoignage, le fonctionnaire était réceptif à cette idée, mais Mme Fortin a abandonné l’idée parce que ce genre d’évaluation avait été faite en 2010 et on avait conclu que le fonctionnaire était apte au travail.

43 Le 9 novembre 2011, le fonctionnaire a écrit un courriel à Mme Guèvremont pour lui dire qu’il n’avait aucun problème à se soumettre [traduction] « tout de suite » à une évaluation de son aptitude au travail par Santé Canada. À ce moment, il croyait qu’on le déclarerait peut-être inapte au travail. À la réunion disciplinaire qui a eu lieu le même jour, le fonctionnaire a réitéré qu’il était prêt à subir une évaluation de Santé Canada. Après la réunion, l’agente des relations de travail a confirmé dans un courriel envoyé à 16 h 7 que le fonctionnaire avait offert de subir une évaluation médicale. Elle a recommandé à Mme Guèvremont de ne pas imposer de mesure disciplinaire à ce moment et de demander que le fonctionnaire subisse une évaluation médicale. Elle a ajouté que même si une sanction disciplinaire était imposée, le fonctionnaire devrait être soumis à une évaluation médicale.

44 Mme Guèvremont a témoigné que le 14 décembre 2011, probablement durant l’avant-midi, elle a laissé sur le bureau du fonctionnaire une trousse de documents en vue d’une évaluation médicale. Elle n’a pas parlé au fonctionnaire ce jour-là. Dans sa note d’accompagnement, Mme Guèvremont a écrit qu’elle avait préparé la trousse [traduction] « […] pour amorcer le processus en vue d’une évaluation ». Elle a aussi demandé au fonctionnaire de lui faire savoir s’il voulait encore subir une évaluation et de lui retourner les documents. La lettre d’instruction détaillée à l’évaluateur médical indique que quatre documents sont joints. Le fonctionnaire a témoigné qu’il n’avait pas vu la trousse sur son bureau lorsqu’il est allé au travail le 14 décembre. Il l’a vue le 22 décembre 2011. Toutefois, selon lui, il n’y avait pas de documents joints à la lettre. Il a pensé que cette lettre était une ébauche. Le fonctionnaire était absent du travail entre le 15 et le 21 décembre. Le 22 décembre, après avoir vu la lettre concernant l’évaluation, le fonctionnaire a écrit un courriel à Mme Guèvremont pour lui dire qu’il était d’accord pour subir une évaluation de Santé Canada. Mme Guèvremont a répondu au fonctionnaire le même jour et lui a demandé de lui retourner les formulaires signés. Le fonctionnaire a envoyé la trousse à Mme Guèvremont le 11 janvier 2012, mais il n’a pas signé le formulaire de consentement. Le 16 janvier 2012, Mme Guèvremont a laissé une note sur le bureau du fonctionnaire pour lui redemander de signer le formulaire de consentement à l’évaluation médicale.

E. Autres éléments de preuve

45 Le 13 décembre 2011, à son retour au travail après la suspension de 20 jours, le fonctionnaire a justifié huit de ses absences en décembre 2011 et en janvier 2012 en disant que son enfant était malade ou ne voulait pas aller à l’école. En vue de l’audience d’arbitrage, l’employeur a demandé au fonctionnaire de produire une lettre de l’école précisant les jours où son enfant avait manqué l’école. Cette lettre a été fournie à l’employeur seulement pendant l’audience en février 2013. Il y est indiqué qu’entre le 15 décembre 2011 et le 19 janvier 2012, l’enfant du fonctionnaire a été absent de l’école le 21 décembre 2011 et les 12 et 17 janvier 2012, et que l’école était fermée entre le 23 décembre 2011 et le 6 janvier 2012 pour les Fêtes.

46 Le fonctionnaire a avoué dans son témoignage qu’il avait menti au sujet des motifs de ses absences des 15, 16, 19 et 20 décembre 2011 et du 18 janvier 2012. Ces jours-là, ses absences n’étaient pas liées à son enfant. Il a déclaré regretter s’être servi de son enfant pour justifier ses absences et s’être servi de son handicap comme béquille. Il a expliqué que vers le 15 décembre 2011, il [traduction] « était à bout et avait touché le fond dans [sa] maladie ». Il a dit qu’il était plus facile pour lui de dire qu’il devait rester à la maison avec son enfant que d’avouer une rechute majeure dans sa maladie.

47 Durant 2011 et 2012, le fonctionnaire et l’employeur ont échangé des communications sur les arrangements qu’on pourrait trouver pour accommoder le fonctionnaire relativement à la situation de son enfant. Le 29 avril 2011, Mme Fortin avait, par écrit, suggéré au fonctionnaire que lorsque son enfant ne voulait pas aller à l’école, le fonctionnaire pourrait rester à la maison avec lui pour une demi-journée et que sa femme pourrait prendre la relève pour le reste de la journée. Le fonctionnaire pourrait alors se rendre au travail et y demeurer plus tard pour récupérer le temps perdu. Le fonctionnaire n’a jamais donné suite à cette suggestion, car cette solution n’était pas pratique pour lui. Plus tard en 2011, l’employeur a proposé au fonctionnaire de travailler à temps partiel. Le fonctionnaire estimait que ce n’était pas une solution durable. En juin 2011, le fonctionnaire a demandé à l’employeur s’il pourrait reprendre pendant la fin de semaine le temps perdu à cause de ses absences. L’employeur ne trouvait pas cette offre acceptable, étant donné les exigences opérationnelles et les questions de santé et de sécurité. Le fonctionnaire a témoigné qu’en décembre 2011, il avait demandé à M. Saad s’il pouvait travailler à la maison certains des jours où son enfant ne voulait pas aller à l’école. Il a dit que M. Saad n’a jamais répondu à sa demande.

48 Le fonctionnaire a témoigné qu’à l’automne 2011, il avait fait une demande pour être muté dans un autre ministère fédéral. Le 28 novembre 2011, M. Saad a donné des références sur le fonctionnaire à ce ministère. Le 2 décembre 2011, le fonctionnaire a été informé par ce ministère qu’il n’avait pas obtenu le poste à cause des références données par M. Saad, qui a déclaré dans son témoignage qu’il avait informé le ministère des problèmes d’absentéisme du fonctionnaire.

49 Le fonctionnaire a présenté en preuve la politique du Conseil du Trésor sur la gestion du rendement insatisfaisant pour des motifs non disciplinaires. Il a dit connaître cette politique.

50 Le fonctionnaire a déclaré que depuis juillet 2012, il travaille à temps plein comme gardien de sécurité à faire du travail de surveillance dans un immeuble d’habitation en copropriété à Ottawa. Depuis qu’il a perdu son emploi chez l’employeur, il a pris des mesures positives pour gérer sa maladie et la situation de son enfant s’est améliorée. En conséquence, il n’a pas manqué une journée de travail dans son nouvel emploi. Il a pris des dispositions spéciales avec son nouvel employeur pour venir assister à l’audience.

51 Le fonctionnaire a déclaré qu’il aimerait revenir travailler dans la fonction publique fédérale. C’est ce qu’il a fait pendant plus de 20 ans. Depuis l’obtention de son diplôme, il a passé toute sa carrière dans le domaine des ressources humaines, et il aimait ce travail. Il a de très bonnes connaissances de ce domaine et il donnait un bon rendement. Le fonctionnaire a aussi déclaré regretter ses actions et ses décisions. Il voudrait laisser tout cela derrière lui, et il espère en l’avenir.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

52 Lorsqu’il a renvoyé à l’arbitrage le grief, le fonctionnaire a indiqué qu’il le modifiait afin de soulever plusieurs questions procédurales. Ces questions comprenaient le fait que l’employeur a tardé à fournir les documents liés à l’évaluation de Santé Canada, que l’employeur a omis de donner un préavis sur la rencontre de licenciement, qu’il ne l’a pas avisé qu’il avait le droit d’être représenté lors de la rencontre, et que l’audience du grief au dernier palier n’avait pas été tenue par la personne qui avait la responsabilité de rendre la décision à ce palier. L’employeur a soutenu qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour statuer sur les allégations de vices de procédures dans le contexte du présent grief étant donné que ces vices ne sont pas des questions qui peuvent être renvoyées à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »).

53 L’employeur a également soutenu que le fonctionnaire n’a pas soulevé ces questions durant la procédure de règlement des griefs. Lorsqu’un fonctionnaire s’estimant lésé ne soulève pas une question avant la fin de la procédure de règlement des griefs, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas, en fait, présenté un grief sur cette question fraîchement soulevée jusqu’au dernier palier de la procédure applicable. Cela fait obstacle à l’arbitrage.

54 Il n’est pas contesté que le fonctionnaire n’a pas respecté les directives de l’employeur pour aviser de ses absences. Il a fait preuve d’insubordination. Même si le fonctionnaire pourrait avoir une certaine invalidité, il n’a pas fourni de preuve convaincante pour établir le lien entre l’inconduite et l’invalidité. L’employeur a affirmé que, à cet égard, la preuve présentée par le Dr Saar est vague, très hypothétique et a peu de valeur probante. En réponse aux questions que le représentant du fonctionnaire lui a soumises par écrit, le Dr Saar a écrit dans son rapport qu’il se pouvait que la maladie du fonctionnaire ait contribué à son incapacité de suivre la procédure recommandée pour déclarer ses absences. Il a également écrit ce qui suit : [traduction] « […] mais malheureusement, à l’époque de ses nombreuses suspensions en 2011, il ne s’est pas présenté au travail à cause de l’aggravation de son état d’anxiété ». Dans son témoignage, le Dr Saar était incapable de conclure avec certitude que l’inconduite du fonctionnaire était attribuable à sa maladie.

55  Il est bien établi en droit que la demande de mesures d’adaptation soumise par un employé, y compris dans le contexte de questions d’ordre disciplinaire, doit être rejetée en l’absence de coopération de l’employé dans le processus lié aux mesures d’adaptation. Un employeur a besoin de renseignements médicaux suffisants pour être en mesure de remplir ses obligations en matière d’adaptation. Il ne peut être blâmé si l’employé ne fournit pas assez de renseignements médicaux pour que que les mesures d’adaptation nécessaires soient prises, le cas échéant. Dans le présent cas, le fonctionnaire a omis de signer le formulaire de consentement de l’évaluation médicale. Par conséquent, l’employeur n’a jamais reçu les renseignements médicaux demandés.

56 Tout employé doit respecter l’obligation fondamentale de se présenter au travail ou alors d’expliquer pourquoi cela lui est impossible. Ne pas aviser l’employeur d’une absence au travail ou ne pas en demander l’autorisation donne à l’employeur un motif juste et raisonnable pour imposer des mesures disciplinaires. De façon similaire, il est raisonnable d’exiger qu’un employé informe personnellement un membre précis de la direction de toute absence, et si l’employé ne respecte pas cette exigence, l’employeur aura un motif juste et raisonnable d’imposer des mesures disciplinaires. Dans le cas qui nous occupe, un protocole ou un ensemble d’exigences sur la façon de déclarer les absences a été clairement communiqué au fonctionnaire. L’employeur a fait valoir que ces exigences constituaient un exercice raisonnable de son droit de gérer les opérations dans le milieu de travail. Ces exigences étaient raisonnables et liées aux exigences du milieu de travail du fonctionnaire et ont été imposées de bonne foi.

57 En 2011, le fonctionnaire a reçu une réprimande écrite, une suspension de 2 jours, une suspension de 3 jours, une suspension de 10 jours et une suspension de 20 jours pour ne pas avoir respecté les exigences en matière de déclaration de ses absences. Au terme de sa dernière suspension, le 12 décembre 2011, le fonctionnaire n’a pas respecté les exigences liées à la déclaration de ses absences à cinq reprises, soit les 4, 5, 10, 12 et 18 janvier 2012. L’employeur s’est fondé sur ces incidents déterminants pour licencier le fonctionnaire.

58 Selon la doctrine de l’incident déterminant, si un employé a commis un acte d’inconduite final et déterminant, il est tout à fait justifié pour l’employeur de tenir compte des mauvais antécédents ou des antécédents plus ou moins bons de l’employé lorsqu’il décide de la sanction appropriée à l’égard de cet incident final. L’employeur a soutenu que le licenciement était la mesure disciplinaire appropriée, compte tenu du dossier disciplinaire du fonctionnaire.

59 L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2012 CRTFP 107; Boudreau c. Canada (Procureur général du Canada), 2011 CF 868; Burchill; Bygrave c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2010 CRTFP 78; Canada Bread Co. v. Bakery, Confectionery, Tobacco Workers, and Grain Millers International Union, Local 468, [2011] B.C.C.A.A.A. No. 154 (QL); Cargill Foods, division of Cargill Ltd. v. United Food and Commercial Workers International Union, Local 633, [2009] O.L.A.A. No. 653 (QL); Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970; Complex Services Inc. (Casino Niagara) v. Ontario Public Service Employees Union, Local 278, [2012] O.L.A.A. No. 409 (QL); Desrochers c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-26340 (19980116); Hagel; Johnston c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2009 CRTFP 53; Luscar Ltd. v. International Union of Operating Engineers, Local 115, [2002] B.C.C.A.A.A. No. 379 (QL); Maas et Turner c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 123; Mallette c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accises), dossier de la CRTFP 166-02-10203 (19820505); Mohawk Hospital Services Inc. v. Canadian Union of Public Employees, Local 1605, [1993] O.L.A.A. No. 799 (QL); Northern Lights College v. British Columbia Government Employees’ Union, [2009] B.C.C.A.A.A. No. 61 (QL); Pajic c. Opérations des enquêtes statistiques, 2012 CRTFP 70; Rhéaume c. Canada (Procureur général), 2009 CF 1273; Riche c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 35; Shneidman c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 192; Star Choice Television Network Inc. v. Tatulea, [2012] C.L.A.D. No. 32 (QL); Syndicat canadien de la fonction publique (Syndicat des employés de Vidéotron ltée, section locale 2815) c. Vidéotron ltée, [2008] D.A.T.C. no 193 (« Vidéotron »); Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.F.) (QL); Westroc Industries Ltd. v. Teamsters Local Union No. 213, [2001] B.C.C.A.A.A. no 112 (QL).

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

60 Dans ses arguments, le fonctionnaire a reconnu qu’il a commis des fautes de conduite, et que les mesures disciplinaires étaient justifiées. Toutefois, on aurait dû prendre en considération des circonstances atténuantes, et ne pas le licencier. Le fonctionnaire comptait plus de 20 ans de service dans la fonction publique fédérale. Avant 2009, il avait un bon dossier en tant qu’employé. Puis, en 2009, ses problèmes d’absentéisme au travail ont commencé en raison de graves problèmes de santé et d’autres problèmes personnels. Le dossier d’emploi satisfaisant du fonctionnaire n’a pas été pris en considération dans la décision de le licencier.

61 Le fonctionnaire a toujours reconnu ses fautes. Après avoir reçu une réprimande écrite et une suspension de deux jours, il a écrit à l’employeur et a reconnu son inconduite. Cependant, il n’était pas d’accord avec les mesures disciplinaires qu’on lui avait imposées. Il en est de même de la suspension de 10 jours. Il a reconnu avoir agi de façon fautive, mais a demandé que la suspension soit réduite ou que la réduction de 10 jours de son salaire soit répartie sur plus d’un chèque de paie. Après la suspension de 20 jours, il a reconnu qu’il n’avait pas respecté le protocole recommandé pour déclarer ses absences, mais il a soutenu que la sanction était trop sévère. Lorsqu’on l’a informé qu’il était licencié, le fonctionnaire n’a pas prétendu n’avoir commis aucune faute, mais il a demandé qu’on lui accorde une dernière chance. Enfin, le fonctionnaire a reconnu dans son témoignage qu’il n’a pas respecté le protocole de déclaration des absences à cinq reprises en janvier 2012.

62 L’employeur savait que le fonctionnaire était atteint de graves troubles médicaux. La preuve montre que ce dernier en a informé l’employeur à plusieurs occasions. En outre, dans certains documents, l’employeur affirme que le fonctionnaire souffre de troubles médicaux.

63 Le rapport du Dr Saar souligne la possibilité d’un lien entre les troubles médicaux du fonctionnaire, ses absences au travail et le non-respect par lui des procédures de déclaration des absences. Même si l’employeur savait que le fonctionnaire était malade, il ne lui a pas fait subir une évaluation médicale en 2011 ni au début de 2012. Le fonctionnaire a déjà informé l’employeur qu’il acceptait de se soumettre à une évaluation médicale. L’employeur aurait dû faire bien davantage afin de prendre les dispositions nécessaires pour que cette évaluation soit effectuée, étant donné qu’il savait que le fonctionnaire était angoissé.

64 L’employeur a reconnu que le motif du licenciement était le fait que le fonctionnaire n’avait pas adéquatement déclaré ses absences à cinq reprises en janvier 2012. Le fonctionnaire a reconnu sa faute. Toutefois, ces jours-là, il était en congé non payé, quelle que soit la raison de son absence. Cela n’a pas entrainé de coûts pour l’employeur.

65 Le comportement du fonctionnaire était irrégulier. Certains jours, il respectait les instructions de l’employeur pour déclarer ses absences, et d’autres jours, il ne les respectait pas. Il respectait partiellement les instructions de l’employeur, ce qui signifie qu’il n’était pas un employé incontrôlable qui ne respectait jamais les règles.

66 La preuve révèle que le fonctionnaire était un employé très compétent et parfaitement formé. Après son licenciement, il était très poli et très cordial avec les représentants de l’employeur. Les témoins de l’employeur n’ont produit aucune preuve selon laquelle ils auraient de la difficulté à travailler de nouveau avec le fonctionnaire. Ces témoins n’avaient rien à dire contre le fonctionnaire, à l’exception de ses absences et du fait qu’il ne respectait pas les procédures de déclaration lorsqu’il était absent.

67 Le fonctionnaire a réclamé des dommages punitifs. L’employeur n’a pas tenu compte des conseils de son spécialiste des relations de travail, qui a recommandé de traiter les absences du fonctionnaire comme un comportement non répréhensible et de lui faire subir une évaluation médicale. L’employeur a plutôt décidé d’imposer des mesures disciplinaires au fonctionnaire. Il a reconnu dans un document qu’il n’a pas tenu compte de ces conseils, car ils auraient entrainé d’autres retards. En outre, l’employeur n’a pas fait preuve d’équité dans la procédure de licenciement. Il n’a pas donné de préavis de la rencontre de licenciement et n’a pas informé le fonctionnaire qu’il pouvait être représenté. Ces vices de procédure sont suffisants pour justifier l’annulation du licenciement ab initio. Subsidiairement, l’arbitre de grief devrait imposer des dommages punitifs à l’employeur pour son comportement. De plus, l’employeur a invoqué l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (LGFP), pour licencier le fonctionnaire. Cette disposition porte sur le licenciement pour un comportement non répréhensible. Toutefois, la preuve démontre que le fonctionnaire a été licencié pour un comportement répréhensible.

68 Le fonctionnaire m’a renvoyé aux décisions suivantes : Wentges c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2010 CRTFP 24; Dupont Canada v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 28-0 (2011), 208 L.A.C. (4e) 174; McKinley c. BC Tel, 2001 CSC 38; Tipple c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2010 CRTFP 83; Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports), 2010 CRTFP 70.

IV. Motifs

69 Le fonctionnaire conteste la décision de l’employeur de le licencier. Dans son grief, il allègue aussi que l’employeur a agi d’une manière discriminatoire envers lui et l’a harcelé en raison de sa situation familiale et de son invalidité. Lorsqu’il a renvoyé le grief à l’arbitrage, le fonctionnaire a indiqué qu’il voulait modifier son grief pour y ajouter plusieurs questions procédurales. À l’audience, il a réclamé des dommages punitifs pour le non-respect de la procédure disciplinaire. Je trancherai les questions dans cet ordre : questions procédurales et dommages punitifs; allégations de discrimination et de harcèlement; licenciement.

A. Questions procédurales et dommages punitifs

70  La preuve appuie l’allégation du fonctionnaire selon laquelle l’employeur ne lui a donné aucun préavis pour l’informer que la rencontre du 20 janvier 2012 était une rencontre de licenciement. Le fonctionnaire en a été informé lors de la rencontre. La preuve appuie également l’allégation que le fonctionnaire n’a pas été informé de son droit d’être représenté lors de cette rencontre. En outre, l’employeur a reconnu que la personne qui a rendu la décision au dernier palier de la procédure de règlement des griefs n’a pas assisté à l’audience du grief.

71 Sur le dernier point, je suis d’accord avec l’employeur que la personne qui a rendu la décision au dernier palier de la procédure de règlement des griefs n’est pas tenue d’assister à l’audience du grief. En fait, il n’est pas obligatoire de tenir une audience. Sur ces points, la Cour fédérale, dans Hagel, a écrit ce qui suit au paragraphe 35 :

[…]

[…] De plus, aucune disposition de la LRTFP-2003 ne donne lieu à une obligation de tenir une audience et les demandeurs n'ont renvoyé la Cour à aucun autre document de politique qui la prévoyait. Dans ces circonstances, je rejette la prétention des demandeurs selon laquelle le décideur était tenu d'être présent en personne à la présentation des auteurs des griefs.

72 Je crois que c’est une mauvaise pratique en matière de relations de travail de la part d’un employeur que de ne donner aucun préavis indiquant la tenue d’une rencontre disciplinaire et de négliger d’informer un employé qu’il a le droit d’être représenté. Dans le cas d’un employé syndiqué, ce serait une violation de la convention collective, puisqu’un tel droit est conféré par de nombreuses conventions collectives. En raison de cette mauvaise pratique en matière de relations de travail de la part de l’employeur, le fonctionnaire n’a pas eu l’occasion de se préparer pour la rencontre disciplinaire ni de demander à quelqu’un de le représenter lors de la rencontre.

73 L’injustice créée par la mauvaise pratique de l’employeur a été corrigée en donnant au fonctionnaire l’occasion d’exprimer son point de vue, de présenter ses arguments et d’être représenté s’il le souhaitait au cours de l’audience du grief au dernier palier. En outre, l’audience d’arbitrage des griefs conçue pour déterminer si l’employeur avait raison d’imposer des sanctions disciplinaires est une audition de novo. Sur ce point, la Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit dans Tipple :

[…]

En supposant qu’il y ait eu injustice sur le plan de la procédure lorsque les supérieurs du requérant ont recueilli les déclarations de ce dernier (hypothèse dont nous doutons beaucoup) cette injustice a été entièrement réparée par l’audition de novo qui a eu lieu devant l’arbitre, où le requérant a été pleinement informé dès [sic] allégations qui pesaient contre lui et où il a eu pleinement l’occasion d’y répondre. De façon plus particulière, l’arbitre n’a pas erré en droit en accordant la valeur probante qu'il considérait appropriée aux déclarations qu’il a, à bon droit selon nous, jugées recevables en preuve. La demande fondée sur l’article 28 sera rejetée.

[…]

74 Étant donné qu’il s’agit d’une audition de novo qui remédie à des lacunes procédurales dans la procédure disciplinaire, je ne peux conclure que le licenciement était nul ab initio.

75 Lorsque le fonctionnaire a renvoyé le grief à l’arbitrage, il a également soulevé la question que l’employeur a tardé, sans raison valable, à lui fournir les copies demandées des documents de l’évaluation de Santé Canada. Le fonctionnaire a soutenu que le rapport du Dr Saar, qui a été rédigé plusieurs mois après le licenciement, soulignait la possibilité d’un lien entre les troubles médicaux du fonctionnaire et le non-respect par lui de la procédure de déclaration des absences au travail. Selon la preuve, le fonctionnaire n’a jamais soulevé cette question auprès de l’employeur. Il ressort plutôt de la preuve que l’objet de toute évaluation de Santé Canada aurait été l’état de santé du fonctionnaire et sa capacité de travailler régulièrement. En outre, même en l’absence d’une évaluation par Santé Canada, le fonctionnaire était tout à fait capable d’obtenir les documents médicaux auprès de son médecin de famille afin de confirmer son incapacité potentielle de signaler ses absences conformément aux instructions de l’employeur. Il ne s’agit pas là d’un employé qui a été licencié pour son incapacité à travailler ni même pour ses absences au travail. Dans le présent cas, il s’agit plutôt d’un employé qui ne respectait pas les procédures de l’employeur pour déclarer ses absences au travail. Dans ce contexte, il n’est pas pertinent de déterminer qui devra porter le blâme pour l’absence d’une évaluation par Santé Canada. Le fonctionnaire était malade, mais pas à un tel point qu’il ne pouvait pas obtenir de son médecin traitant une évaluation de sa capacité à respecter les instructions de l’employeur en matière de déclaration des absences au travail.

76 Je ne suis pas disposé à ordonner à l’employeur de payer des dommages punitifs pour les mauvaises pratiques en matière de relations de travail qu’il a appliquées le 20 janvier 2012, ou pour ne pas avoir fait référence aux dispositions appropriées de la LGFP dans la lettre de licenciement, ou pour ne pas avoir pris en considération les conseils des RH. Le fonctionnaire m’a renvoyé aux cas Tipple et Robitaille, dans lesquels les arbitres de grief ont ordonné le paiement de dommages punitifs. En tout respect, la gravité des erreurs ou omissions de l’employeur dans ces deux cas est de loin plus importante que dans le présent cas. De plus, le fonctionnaire est un spécialiste des RH expérimenté qui a travaillé auparavant dans le domaine des relations de travail. Il connaissait ses droits, et il aurait pu les invoquer au moment pertinent. Il aurait pu demander à l’employeur de reporter la rencontre disciplinaire du 20 janvier 2012, mais il ne l’a pas fait. Enfin, rien n’oblige la haute direction à suivre les conseils reçus des RH. Les décisions disciplinaires sont prises par les cadres responsables, et non les conseillers. Je ne crois pas que les actes de l’employeur soient démesurés, malveillants ou inacceptables, ou posés de mauvaise foi. Je ne crois pas non plus qu’ils soient en eux-mêmes passibles de sanctions. Par conséquent, je refuse d’adjuger des dommages punitifs.

77 Compte tenu de ces commentaires, il n’est pas nécessaire que je statue sur les objections de l’employeur selon lesquelles le fonctionnaire ne pouvait pas modifier son grief ou sur sa contestation de ma compétence pour statuer sur ces questions procédurales.

B. Allégations de discrimination et de harcèlement

78 Dans son grief, le fonctionnaire a allégué que la décision de le licencier constituait de la discrimination et du harcèlement à son égard en raison de sa situation familiale et de son invalidité. Il a avisé la CCDP qu’il avait l’intention de soulever une question portant sur l’interprétation ou l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Toutefois, cela a été à peine abordé à l’audience. En outre, aucun argument n’a été avancé à l’audience selon lequel l’employeur avait fait preuve de discrimination à l’égard du fonctionnaire.

79 L’employeur a affirmé qu’il n’a pas fait preuve de discrimination à l’endroit du fonctionnaire, et qu’une demande de mesures d’adaptation doit être rejetée. L’employeur a fait valoir que le fonctionnaire a omis de signer le formulaire de consentement en vue de l’évaluation médicale. Par conséquent, l’employeur n’a jamais reçu les renseignements médicaux demandés.

80 Il ressort de la preuve que le fonctionnaire souffre d’un trouble d’anxiété chronique et que son enfant a de sérieux problèmes de santé et de comportement. La preuve révèle également que le fonctionnaire avait informé l’employeur de ses problèmes de santé et des problèmes de son enfant.

81 Cependant, il importe de souligner que le fonctionnaire n’a pas été licencié en raison de la fréquence de ses absences au travail, mais plutôt parce qu’il aurait omis de se conformer à la procédure exigée par l’employeur pour déclarer ses absences au travail. Il n’y a absolument aucune preuve que le fonctionnaire a demandé des mesures d’adaptation relativement à la procédure de déclaration de ses absences au travail en raison de son état de santé ou de la situation de son enfant. Il n’existait pas non plus de preuve que l’employeur a refusé des suggestions formulées par le fonctionnaire à ce sujet. Je tiens également à ajouter qu’à l’audience, et dans aucun des arguments présentés, je n’ai entendu ni les témoins ni le fonctionnaire prononcer une seule fois le mot « harcèlement ». Le fonctionnaire semble avoir abandonné cette allégation.

82 Compte tenu de ces commentaires, je conclus que la décision de licencier le fonctionnaire ne constitue pas de la discrimination ou du harcèlement fondés sur l’invalidité et la situation familiale.

C. Licenciement

83 L’employeur a soutenu que le fonctionnaire a été licencié pour ne pas avoir respecté le protocole de déclaration de ses absences. Mme Guèvremont a témoigné que c’était la raison du licenciement. Plus particulièrement, la preuve démontre que, après sa dernière suspension, le fonctionnaire n’a pas respecté ce protocole les 4, 5, 10, 12 et 18 janvier 2012. Le fonctionnaire a reconnu ne pas avoir respecté le protocole à ces dates. Avant janvier 2012, la preuve démontre qu’en 2011 le fonctionnaire avait reçu une réprimande écrite, une suspension de 2 jours, une suspension de 3 jours, une suspension de 10 jours et une suspension de 20 jours pour avoir omis de se conformer au protocole de déclaration des absences. Les deux parties n’ont contesté aucun de ces faits.

84 Je suis convaincu que les cinq fois où le fonctionnaire n’a pas déclaré ses absences en janvier 2012 conformément au protocole constituent une inconduite et un motif juste et raisonnable pour imposer des mesures disciplinaires. Comme indiqué dans Riche ou dans Luscar Ltd., il est raisonnable qu’un employeur établisse des règles pour la déclaration des absences, et l’employeur a le droit d’imposer des mesures disciplinaires en cas de non-respect de ces règles. Dans le présent cas, les règles étaient simples; le fonctionnaire devait déclarer verbalement ses absences à son gestionnaire en appelant par téléphone entre 8 h et 9 h.

85 Le 4 janvier, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Carpinteiro pour l’informer de son absence, mais il ne l’a pas appelée et ne lui a pas parlé. Le 5 janvier, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Carpinteiro pour l’informer de son absence. Il lui a également laissé des messages sur sa boîte vocale, mais il ne lui a pas parlé. Le 10 janvier, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Saad pour l’informer de son absence, mais il ne l’a pas appelé. Le 12 janvier, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Saad pour l’informer de son absence. Il lui a également laissé des messages sur sa boîte vocale, mais il ne lui a pas parlé. Le 18 janvier, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Saad pour l’informer de son absence. Il lui a laissé un message, mais il ne lui a pas parlé. Ces cinq jours-là, le fonctionnaire n’a pas respecté le protocole pour déclarer ses absences.

86 La preuve démontre qu’il s’agit d’incidents déterminants qui se rapportent tous aux mêmes motifs pour lesquels le fonctionnaire a fait l’objet de mesures disciplinaires cinq fois en 2011. Compte tenu du principe des mesures disciplinaires progressives et du fait que la dernière sanction imposée au fonctionnaire était une suspension de 20 jours, je dois maintenant décider si le licenciement était une sanction raisonnable.

87 Dans Desrochers, le fonctionnaire s’estimant lésé avait déjà reçu plusieurs sanctions disciplinaires en raison de ses absences ou du défaut de déclarer adéquatement les absences. La dernière sanction avant le licenciement était une suspension de 14 jours. L’incident déterminant résidait dans le fait qu’il n’avait pas communiqué avec son superviseur pour lui donner les raisons de son absence et lui fournir un certificat médical dans les 72 heures, conformément aux instructions qu’il avait reçues. L’arbitre de grief a maintenu le licenciement.

88 Dans Westroc Industries Ltd., le fonctionnaire s’estimant lésé avait déjà fait l’objet de deux réprimandes écrites et de trois suspensions pour ne pas avoir suivi les directives en matière de déclaration des absences. La dernière sanction avant le licenciement était une suspension de six jours. L’incident déterminant résidait dans le fait qu’il n’avait appelé son superviseur pour l’aviser de son absence. L’arbitre de grief a conclu que le licenciement n’était pas une sanction excessive.

89 Dans Vidéotron, le fonctionnaire s’estimant lésé avait déjà fait l’objet de deux réprimandes écrites et de deux suspensions pour ne pas avoir déclaré ses absences dans le délai prévu par la convention collective. La dernière sanction avant le licenciement était une suspension de trois jours. L’incident déterminant résidait dans le fait qu’il n’a pas déclaré son absence conformément à la convention collective. Selon cette convention collective, pour une cinquième infraction, l’employeur pouvait imposer une suspension ou mettre fin à l’emploi. L’employeur a décidé de licencier le fonctionnaire, et l’arbitre de grief n’a pas annulé la décision de l’employeur.

90 Dans Luscar Ltd., le conseil d’arbitrage a rejeté le grief d’un employé qui a été licencié en raison de ses absences du lieu de travail. Selon le conseil, la décision de l’employeur de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas excessive.

91 Dans Wentges, le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié à la suite de trois incidents pour lesquels l’employeur estimait que le fonctionnaire avait fait preuve d’insubordination. Il avait déjà fait l’objet, à plusieurs reprises, de mesures disciplinaires pour des incidents de même nature. L’arbitre de grief a conclu qu’il n’y avait pas eu d’insubordination dans deux de ces incidents. Toutefois, le fonctionnaire a fait preuve d’insubordination à une occasion où il n’a pas suivi les instructions pour déclarer son absence. L’arbitre de grief a accueilli le grief en partie et a remplacé le licenciement par une suspension de 30 jours. Dans ce cas, le fonctionnaire a été licencié à la suite d’un incident déterminant mineur d’inconduite.

92 Le fonctionnaire a admis ses écarts de conduites, y compris le fait d’avoir menti à quelques occasions en disant que son enfant s’était absenté de l’école. Il semble comprendre la gravité de ses fautes. Il a déclaré qu’il regrettait ses actes et les décisions qu’il avait prises. Le fonctionnaire a témoigné qu’il travaille à temps plein depuis juillet 2012 et qu’il n’a pas manqué une journée de travail. Il a également déclaré qu’il a pris des mesures concrètes pour contrôler sa maladie, et que la situation de son enfant s’est améliorée. Il compte plus de 20 ans de service auprès de son employeur, et rien n’indique qu’il avait des problèmes d’absentéisme au travail avant 2009. De plus, la preuve démontre que le rendement du fonctionnaire était satisfaisant. Il était un spécialiste en RH compétent et expérimenté.

93 Je crois que le fonctionnaire a reconnu sincèrement ses écarts de conduite, mais il aurait pu les reconnaitre après chaque sanction disciplinaire que l’employeur lui a imposée et corriger son comportement par la suite, ce qu’il n’a pas fait. En outre, même si le fonctionnaire a reconnu ses écarts de conduite, il n’en demeure pas moins qu’il est coupable d’inconduite. Il a même menti à l’employeur à maintes reprises, en utilisant la situation de son enfant comme prétexte pour ne pas se rendre au travail. Je tiens également à ajouter que, même si le fonctionnaire était un employé compétent, l’employeur ne pouvait pas être sûr qu’il serait au travail un jour donné.

94  Le fonctionnaire a été coupable d’inconduite à cinq reprises en janvier 2012. Ces fautes de conduite étaient de la même nature que celles qui lui ont valu des sanctions disciplinaires à plusieurs occasions. Il n’a pas suivi les instructions de l’employeur pour déclarer ses absences, et les jours où il les a suivies, il a parfois menti au sujet de la raison de son absence. Le fonctionnaire a été prévenu par l’employeur qu’il pourrait être licencié après la suspension de 10 jours et la suspension de 20 jours s’il ne corrigeait pas son comportement. Il devait connaitre les conséquences de ses actes. Le fonctionnaire a reçu des avertissements clairs; étant un spécialiste en RH expérimenté, il en comprenait parfaitement la signification.

95 Dans de telles circonstances, je ne vois aucune raison de modifier la sanction disciplinaire que l’employeur a imposée à la suite de l’inconduite du fonctionnaire. Je conclus que la décision de l’employeur était tout à fait raisonnable et pleinement justifiée dans les circonstances. Le fonctionnaire a répété sa faute d’inconduite. L’employeur a imposé des mesures disciplinaires progressives, car le fonctionnaire n’a pas déclaré ses absences conformément à la procédure légitime que l’employeur a mise en place. Les mesures disciplinaires progressives comprenaient des lettres de réprimande, une suspension de 2 jours, une suspension de 3 jours, une suspension de 10 jours et une suspension de 20 jours. Le fonctionnaire n’a pas corrigé son comportement pour autant.

96 Le fonctionnaire n’a travaillé que 6 jours au cours de la période de 26 jours ouvrables allant de la fin de la suspension de 20 jours jusqu’à son licenciement. Au cours de cette période, il a enfreint les procédures de déclaration à cinq reprises. De toute évidence, le fonctionnaire n’a pas corrigé son comportement, et les cinq incidents déterminants étaient suffisants pour justifier la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi.

97 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

98 Le grief est rejeté.

Le 6 juin 2013.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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