Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur avait manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard - il s’était plaint de douleur et avait exprimé ses préoccupations relativement à un poste par intérim classifié au groupe et niveau AU-01 exigeant de porter sur le terrain un porte-documents de vérification sécurisé et un ordinateur portable - le fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que, tant en 2003 qu’en 2005, le processus d’adaptation suivi par l’employeur manquait de transparence - l’employeur a affirmé que, tant en 2003 qu’en 2005, il avait agi de bonne foi en acceptant les dires du fonctionnaire s’estimant lésé et en fournissant des efforts en vue de l’accommoder - il a souligné que, en octobre2003, le fonctionnaire s’estimant lésé avait décidé de retourner à son poste au service du recouvrement avant que l’employeur ne puisse effectuer l’évaluation demandée - l’employeur a rectifié une évaluation du rendement effectuée au premier mandat du fonctionnaire s’estimant lésé en 2003, alors que celui-ci occupait un poste par intérim classifié au groupe et niveau AU-01 - il a également soutenu que la preuve médicale obtenue ne démontrait pas que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas en mesure de soulever, de transporter ou de tirer un porte-documents et un ordinateur portable plus légers, que l’employeur lui avait fourni - l’arbitre de grief a conclu que l’existence de la douleur n’établissait pas nécessairement l’existence d’une invalidité qui empêchait le fonctionnaire s’estimant lésé d’exercer les fonctions liées à son poste - on a fourni au fonctionnaire s’estimant lésé un poste de travail ergonomique, un casque d’écoute, un ordinateur portable plus léger et un porte-document de vérification à roulettes plus léger - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas démontré qu’il était incapable d’exercer ces fonctions, à tout le moins lorsqu’il pouvait se prévaloir d’une mesure d’adaptation sous la forme de matériel modifié - l’arbitre de grief a exprimé ses préoccupations au sujet de la crédibilité du fonctionnaire s’estimant lésé - le fonctionnaire s’estimant lésé a tout fait sauf essayer de réaliser une vérification sur le terrain en utilisant le matériel modifié qui lui avait été fourni à cet égard - la preuve objective a démontré que le poids combiné du porte-documents de vérification et de l’ordinateur portable était dans les limites de ce que le fonctionnaire s’estimant lésé pouvait transporter et qu’il avait consacré peu d’efforts lors des essais - le fonctionnaire s’estimant lésé a eu recours à des scénarios improbables pour expliquer pourquoi il ne devrait pas tenter de réaliser les tâches d’un vérificateur sur le terrain - bien que l’arbitre de grief ait reconnu que les commentaires de la part de la haute direction n’appuyaient pas toujours l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, l’arbitre de grief n’était pas d’accord avec l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel l’employeur n’avait pas mis en place de mesures d’adaptation intérimaires et a conclu que des mesures d’adaptation avaient été prises dès le départ - l’arbitre de grief a fait remarquer que le fonctionnaire s’estimant lésé avait tenté d’utiliser l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation afin de se prévaloir d’un autre poste - un employé n’est pas en droit de dicter à l’employeur le choix du poste visé par une mesure d’adaptation lorsque plus d’un poste est disponible - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a fait aucun effort pour collaborer au processus visant à établir si des mesures d’adaptation pouvaient être prises relativement au poste de vérificateur sur le terrain. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-05-27
  • Dossier:  566-34-2124
  • Référence:  2013 CRTFP 60

Devant un arbitre de grief


ENTRE

NASIRUDDIN AHMAD

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Ahmad c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Augustus Richardson, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Steve Eadie, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Victoria Yankou et Rachel Doran, avocates

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
les 21 et 22 août 2012 et les 24 et 25 janvier 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») travaillait en 2005 pour l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’« Agence » ou l’« employeur ») à son bureau de Toronto, en Ontario. Le 31 octobre 2005, le fonctionnaire a présenté un grief afin de contester le fait que [traduction] « […] la direction n’avait pas pris la mesure d’adaptation requise en raison de [son] invalidité, tel qu’il est prescrit à l’article 43 de la convention collective, durant son affectation par intérim à un poste classifié AU-1 ». Il a allégué qu’il [traduction] « […] avait été contraint de quitter [son] affectation par intérim à un poste classifié AU-1 en raison du manquement de la direction à son obligation de lui offrir une mesure d’adaptation convenable ». À titre de réparation, il a demandé sa réintégration au poste classifié AU-1 et un dédommagement pour les pertes qu’il a subies. Il a également demandé [traduction] « […] qu’une mesure d’adaptation convenable lui soit offerte en raison de [ses] contraintes physiques [et] toute autre mesure corrective intégrale appropriée ».

2 Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 18 juin 2008 devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique. La Commission canadienne des droits de la personne a été avisée de ce renvoi vers le 23 juillet 2008. L’avis déposé au nom du fonctionnaire décrivait la question à trancher sommairement comme suit : [traduction] « […] manquement à l’obligation de prendre une mesure d’adaptation – motif de distinction illicite – déficience – l’employeur a manqué à son obligation envers M. Ahmad de prendre une mesure d’adaptation, et il a été contraint de renoncer à son affectation [au poste] AU-1 et de retourner à un poste de PM ».

3 Le fonctionnaire a témoigné pour son propre compte lors de l’audience.

4 Les témoins suivants ont témoigné à l’audience pour le compte de l’employeur :

  1. Kevin McKinley, qui était, à l’automne 2003, le chef d’équipe intérimaire du fonctionnaire au sein de la section de la vérification;
  2. Laura Palermo, qui était, en 2004, la conseillère en relations de travail auprès du ministère d’attache du fonctionnaire;
  3. Mary Baldassini, qui était devenue, en août 2005, la chef d’équipe intérimaire de la vérification, et qui était la chef d’équipe du fonctionnaire à l’époque pertinente;
  4. James McNamara, qui était depuis 1999 gestionnaire de la vérification au bureau de Toronto.

5 Tous les témoins travaillaient au bureau de l’Agence, à Toronto.

6 Plusieurs documents ont été produits en preuve. Il y a malheureusement eu un bon nombre de dédoublements à cet égard. La plupart sinon la totalité des documents produits en preuve à titre de pièces individuelles par le fonctionnaire figuraient aussi dans le dossier de documents produit en preuve par l’employeur (pièce E61). Cela aurait certes facilité la tâche à toutes les personnes concernées si les parties avaient pu coordonner à l’avance le dépôt des documents. Quoi qu’il en soit, à cause de ce dédoublement des pièces et par souci de commodité, je renverrai, de manière générale, à la pièce E61, à moins qu’un document en particulier ne figure pas dans ce dossier.

II. Les faits

7 Selon le fonctionnaire, pour bien comprendre l’objet de son grief de 2005, il faut remonter à l’année 2003.

8 Pendant toute la période pertinente, le fonctionnaire occupait le poste d’agent des contacts pour les recouvrements, un poste classifié au groupe et niveau PM-01, au sein de l’Agence. Il s’agit d’un poste de débutant dans l’exercice des fonctions d’agent des contacts pour les recouvrements. L’agent des contacts pour les recouvrements ne fait pas de travail sur le terrain. Il ou elle est plutôt affecté à un poste de travail dans un bureau de l’Agence. Son travail consiste à traiter avec les contribuables qui ont reçu un avis de cotisation et qui doivent de l’impôt. Les contacts avec les contribuables se font essentiellement par téléphone, bien qu’il arrive parfois que l’agent reçoive des contribuables au bureau de l’Agence.

9 Le fonctionnaire espérait progresser au sein de l’Agence pour éventuellement devenir gestionnaire de la section de vérification de l’Agence. Cette section est divisée en deux unités. L’unité SP s’occupe des déclarations de revenu des particuliers. Une fois qu’un fonctionnaire a gravi les échelons du groupe SP, il ou elle peut passer au groupe AU. Le groupe AU s’occupe des déclarations de revenu des entreprises. En matière de rémunération et de poste, un poste de débutant classifié au groupe et niveau AU-01 est au moins quatre niveaux plus élevé qu’un poste classifié au groupe et niveau PM-01.

10 Le fonctionnaire avait été muté de Calgary (Alberta) au bureau de Toronto au printemps 2001. Dès 2002, il a constaté que le fait de travailler à son bureau et de passer beaucoup de temps au téléphone lui occasionnait de la douleur au cou. Il arrivait difficilement à taper du côté droit. Il a ensuite pris un congé non payé vers la fin de juillet 2002; il a repris ses fonctions habituelles en décembre 2002. En février 2003, il a présenté une ordonnance médicale lui prescrivant le travail à mi-temps pendant une période de quatre semaines; voir la pièce E61, onglet 2.

11 Le 26 février 2003, l’employeur a écrit au Dr Chernin, médecin en santé du travail à l’Agence de santé et sécurité au travail de l’Agence, demandant à ce dernier qu’il procède à une évaluation de l’aptitude au travail du fonctionnaire; voir la pièce E61, onglet 2. L’employeur a informé le Dr Chernin que M. Ahmad travaillait à l’Agence à titre d’agent des contacts pour les recouvrements au groupe et niveau PM-01; il lui a fourni une copie de sa description de travail de l’époque. L’employeur a demandé au Dr Chernin si le fonctionnaire était apte à retourner au travail à temps complet ou à mi-temps, quelles étaient ses restrictions médicales éventuelles et, le cas échéant, quelles mesures d’adaptation pouvaient faciliter son retour au travail.

12 Le Dr Chernin a répondu le 15 mai 2013. Selon lui, le fonctionnaire pouvait travailler à temps plein, mais que [traduction] « […] des adaptations ergonomiques [devraient] être apportées à son poste de travail pour tenir compte de son affection médicale chronique ». Il a notamment suggéré l’utilisation d’un casque téléphonique. Il a également recommandé de [traduction] « […] procéder à une évaluation ergonomique de son poste de travail » avant que les adaptations ergonomiques soient apportées; voir la pièce E61, onglet 3.

13 Un casque téléphonique a été fourni au fonctionnaire à son retour au travail à temps plein en mai 2003. On lui a également fourni par la suite un poste de travail ergonomique.

14 Au cours de l’année 2003, un concours a été lancé pour des postes de débutant au groupe et niveau AU-01. Le fonctionnaire a postulé. Le 4 septembre 2003, le fonctionnaire a été informé qu’il avait été nommé à un poste de vérificateur de l’impôt, aux groupe et niveau AU-01, et ce, par intérim. Sa nomination allait du 2 septembre 2003 au 27 août 2004; voir la pièce E61, onglet 4. Tel qu’il est énoncé dans la description de travail (pièce E61, onglet 48, page 4), les exigences physiques du poste sont les suivantes :

[Traduction]

Un effort physique est requis pour accomplir le travail à effectuer dans le cadre d’un environnement de travail de bureau typique.

Le travail exige notamment de porter des porte-documents de sécurité contenant des documents délicats et/ou un ordinateur portable en se rendant à l’établissement du contribuable.

La lecture prolongée de documents écrits et l’utilisation d’un ordinateur de bureau ou portable et d’un terminal relié à l’unité centrale pendant des périodes prolongées peuvent causer une fatigue oculaire et des microtraumatismes répétés.

15 Les agents sur le terrain, classifiés au groupe et niveau AU-01, effectuent environ la moitié de leur travail sur le terrain. Ils examinent les déclarations de revenu des entreprises qui feront l'objet d'une vérification. Ils se rendent au bureau du contribuable et y examinent son matériel et sa documentation. Ils portent avec eux un porte-documents de vérification sécurisé, de format et de taille similaire à ceux que les avocats ont l’habitude de porter. Ils portent aussi avec eux un ordinateur portable dans lequel ils consignent les renseignements obtenus durant la vérification. Ils doivent parfois rapporter aux bureaux de l’Agence des documents ou des dossiers du contribuable.

16 Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait effectué quelques vérifications externes, mais qu’il trouvait difficile de porter le porte-documents de vérification sécurisé et l’ordinateur portable à ces occasions. Il les trouvait trop lourds pour lui. À l’audience, il a déclaré : [traduction] « Il m’était difficile de porter le porte-documents de vérification […] c’est comme ces porte-documents que portent les avocats […] j’avais de la difficulté à le soulever, il pesait près de 30 livres, et à cause de mon nerf coincé [au cou] il était pénible pour moi de porter le porte-documents ».

17 Le fonctionnaire a obtenu une note de son médecin de famille, le Dr Mary Chacko. Dans cette note, datée du 10 octobre 2003, le médecin a indiqué que le fonctionnaire [traduction] « […] souffrait d’un syndrome discal cervical et devait être évalué par un ergothérapeute, car son emploi actuel nécessite qu’il traîne un porte-documents pesant près de 30 livres »; voir la pièce U6. (Aucune preuve n’a été présentée quant à la source de l’information du Dr Chacko relativement au poids du porte-documents; je présume que cette information lui avait été fournie par le fonctionnaire.)

18 À l’époque, le chef d’équipe du fonctionnaire était M. McKinley. Celui-ci a témoigné que le fonctionnaire était venu le voir et lui avait dit [traduction] « [qu’il] avait des maux de dos ». M. McKinley a affirmé qu’il lui avait alors dit de ne plus aller faire des vérifications sur le terrain si le porte-documents lui occasionnait des maux. Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait discuté de ce problème avec M. McKinley. Il a ajouté que M. McKinley ne lui avait pas semblé particulièrement empathique envers lui à cet égard. M. McKinley lui aurait dit qu’environ 50 % du travail à effectuer devait l’être sur le terrain et lui aurait demandé, selon le fonctionnaire, [traduction] « pourquoi est-ce que [j’]avais postulé pour cet emploi si j’avais un tel problème », et lui a dit qu’il [traduction] « aurait dû [s]e faire opérer tout d’abord puis poser [s]a candidature au poste de vérificateur ».

19 Malgré le manque d’empathie à son égard, M. McKinley a envoyé un courriel à ce sujet à Sue Barwick, conseillère en relations de travail, le 14 octobre 2003. Il y a souligné qu’une partie du travail du fonctionnaire consistait à effectuer des vérifications dans les établissements des contribuables. Il a précisé que le fonctionnaire lui avait dit que le fait de porter un porte-documents et un ordinateur portable [traduction] « […] [lui] occasionnait de l’inconfort et qu’un problème existant au dos l’empêche d’accomplir son travail ». Ceci étant, M. McKinley a demandé une évaluation de Santé Canada [traduction] « […] portant sur les contraintes de M. Ahmed [sic] dans l’accomplissement de ses fonctions ». En attendant, M. McKinley a proposé que le fonctionnaire soit affecté [traduction] « […] à un travail de bureau qui ne nécessiterait pas qu’il porte un porte-documents de vérification et un ordinateur portable »; voir la pièce E61, onglet 5.

20 Le 16 octobre, Mme Barwick a écrit au Dr Chernin. Elle lui a demandé une évaluation [traduction] « […] pour établir quelles mesures d’adaptation pourraient être requises ou recommandées pour aider M. Ahmad à exercer ses fonctions »; voir la pièce E61, onglet 6.

21 Le 23 octobre 2003, le fonctionnaire a obtenu une note de sa physiothérapeute. Elle y a notamment indiqué que le fonctionnaire la consultait à cette époque à sa clinique de physiothérapie. Elle y effectue les recommandations suivantes (pièce U7) :

[Traduction]

[…] qu’il évite de lever des objets au-dessus de sa tête en utilisant les épaules, les activités consistant à pousser ou à soulever des objets, et qu’il fasse des exercices à chaque heure pendant sa période de travail (c’est-à-dire une pause de quelques minutes pour faire des étirements et des exercices). Cela lui permettra de travailler de manière plus efficace et à contrôler davantage les symptômes douloureux, la paresthésie, la faiblesse des extrémités supérieures.

22 Je note que la physiothérapeute n’a pas expressément exclu que le fonctionnaire travaille à titre de vérificateur sur le terrain. Elle n’a pas précisé ce qu’elle entendait par des [traduction] « activités consistant à […] soulever des objets ». Par contre, elle a plutôt semblé exprimer l’avis que le fonctionnaire pouvait effectivement travailler à condition qu’il lui soit permis de prendre quelques minutes toutes les heures pour faire des étirements et des exercices.

23 Malgré le fait que l’employeur était en attente de l’évaluation commandée au Dr Chernin, le fonctionnaire a décidé d’arrêter de travailler au poste classifié AU-01 et de retourner au recouvrement. Ainsi, le 28 octobre, le fonctionnaire a écrit ce qui suit à M. McKinley (pièce E61, onglet 7) :

[Traduction]

J’apprécie vraiment l’offre d’un poste par intérim classifié au groupe et niveau AU-01 qui m’a été faite en septembre. Cependant, depuis que j’ai commencé à y travailler en septembre 2003, j’ai dû porter un lourd porte-documents à l’occasion de trois mandats de vérification et cela m’a causé des blessures au cou, à l’épaule et au dos. Durant ma réflexion sur la poursuite de ma carrière en vérification, vous m’avez fait savoir que je devrai utiliser ce porte-documents à l’occasion des mandats de vérification à l’avenir. En raison de mon état antérieur [illisible] blessure au cou [illisible] je ne pense pas être capable d’utiliser le porte-documents lourd dans les vérifications à l'avenir, car cela aura un impact sur  mon cou et mon épaule.

Étant donné les circonstances, et après avoir appris de votre part qu’il n’y avait pas d’autres solutions, je souhaiterais pouvoir retourner prochainement au recouvrement (non- déclarants).

24 Étant donné le retour du fonctionnaire à son poste antérieur, l’employeur a annulé, le 29 octobre, la demande d’évaluation qu’il avait faite précédemment au Dr Chernin. Par la même occasion, il a souligné qu’une évaluation ergonomique du poste de travail du fonctionnaire à la section du recouvrement avait déjà été réalisée et que des adaptations ergonomiques y avaient été apportées; voir la pièce E61, onglet 8.

25 Un rapport de gestion du rendement du fonctionnaire a été communiqué au fonctionnaire en décembre 2003. Le rapport avait été rédigé par M. McKinley. Selon l’ensemble de l’évaluation du rendement du fonctionnaire, ce dernier [traduction] « ne satisfaisait pas » les exigences du poste de vérificateur sur le terrain classifié AU-01; voir la pièce U8.

26 Le fonctionnaire a témoigné qu’il s’était plaint de cette évaluation en invoquant plusieurs motifs. Il a soutenu qu’il n’avait pas reçu une formation adéquate ni suffisante pour ce poste. De plus, en raison de ses contraintes physiques, il n’avait pas pu finir son affectation de six mois, et n’avait donc pas travaillé pendant une période suffisamment longue pour qu’une évaluation juste de son rendement au poste de vérificateur sur le terrain puisse être effectuée.

27 Il avait été question des doléances du fonctionnaire lors de diverses réunions de la haute direction. Une décision a finalement été prise de donner au fonctionnaire une deuxième chance au poste de vérificateur sur le terrain classifié au groupe et niveau AU-01 et de lui accorder des mesures d’adaptation lors de cette tentative. On l’a avisé de cette décision lors d’une rencontre le 14 avril 2004. La réponse qu’il aurait donnée à cette occasion, selon les notes de la rencontre prises à l’époque, était qu’un retour à la vérification [traduction] « […] était son deuxième choix, son premier choix étant plutôt d’être affecté à la section des appels ». Il avait alors expliqué qu’il [traduction] « […] ne voyait pas comment la vérification pourrait s’adapter à ses besoins, parce qu’il ne pouvait pas porter le porte-documents, ne pouvait sortir des dossiers du classeur, etc. »; voir la pièce E61, onglet 9. Les représentants de l’employeur qui assistaient à cette rencontre auraient tenté, toujours selon le compte-rendu de la réunion, d’assurer le fonctionnaire [traduction] « […] qu’avec une évaluation d’aptitude au travail, les gestionnaires de la section de la vérification essaieraient de lui offrir des mesures d’adaptation en fonction de son affection médicale »; voir la pièce E61, onglet 9. Le fonctionnaire aurait alors affirmé qu’il [traduction] « […] ne pensait pas que cela était possible »; voir la pièce E61, onglet 9.

28 Le 11 mai 2004, Mme Palermo, conseillère en relations de travail, a écrit au Dr Jeffries, médecin-hygiéniste auprès du Programme de santé au travail et de sécurité du public à Santé Canada. Elle l’a informé que le fonctionnaire avait été choisi aux fins d’une nomination au poste de vérificateur de l’impôt classifié au groupe et niveau AU-01. Elle a précisé que le poste nécessitait en outre que les vérificateurs procèdent à une vérification aux bureaux des contribuables, et que le vérificateur devait alors porter [traduction] « […] un porte-documents de sécurité renfermant des documents confidentiels et un ordinateur portable ». Elle a demandé une évaluation de l’aptitude au travail [traduction] « […] pour établir quelles mesures d’adaptation pourraient être requises ou recommandées pour aider M. Ahmad à exercer ses fonctions de vérificateur de l’impôt »; voir la pièce E61, onglet 10.

29 Le Dr Jeffries a répondu à cette demande le 14 mai 2004. Il a observé que le fonctionnaire avait déjà été traité par [traduction] « un spécialiste chevronné [Dr Tator] ». Il a donc recommandé que l’employeur transmette une copie de la description de poste au Dr Tator [traduction] « […] afin d’obtenir son opinion quant aux contraintes au travail en l’espèce […] », précisant que si le Dr Tator était d’avis que [traduction] « […] M. Ahmad n’était pas en mesure d’effectuer des vérifications sur le terrain, alors il n’était pas apte à occuper ce poste d’attache ». La lettre du Dr Jeffries a été transmise en copie conforme au fonctionnaire; voir la pièce E61, onglet 11. Le 21 mai, l’employeur a décidé de demander au Dr Tator de lui préparer un rapport à ce sujet; voir la pièce E61, onglet 13.

30 Le 25 mai, Mme Palermo a écrit au Dr Tator. Elle a inclus une copie de la description de travail pour le poste de vérificateur sur le terrain. Elle a également précisé ce qui suit (pièce E61, onglet 14) :

[Traduction]

L’employé a fait part à la direction de son incapacité d’accomplir certaines des fonctions du poste de vérificateur sur le terrain en raison de son affection médicale. Plus particulièrement, il ne peut pas porter le porte-documents sécurisé fourni par le gouvernement et soulever des dossiers lourds. Il a aussi de la difficulté à taper et à feuilleter les pages des dossiers. La direction vous prie d’examiner la description d’emploi et de nous faire part de ses limites, le cas échéant. De plus, nous vous saurions gré de nous formuler des recommandations sur les mesures d’adaptation, s’il en est, que nous pourrions prendre relativement à cet employé pour le poste précité.

31 Le Dr Tator a répondu le 23 juin. Il a signalé que le fonctionnaire devait subir une intervention de fusion cervicale le 2 juillet 2004. Le Dr Tator a précisé qu’il ne pourrait formuler une opinion à ce sujet avant trois à six mois après l’intervention précitée; voir la pièce E61, onglet 15.

32 Le 29 septembre, le Dr Tator a émis l’avis que le fonctionnaire [traduction] « […] devrait être en mesure de retourner au travail le 18 octobre, et je suggère qu’il travaille alors à mi-temps pendant une période d’environ quatre semaines »; voir la pièce E61, onglet 16.

33 En septembre 2004, le fonctionnaire a accepté de faire une autre évaluation; voir la pièce E61, onglet 17. Il est retourné travailler au recouvrement le 18 octobre, avec une note de son médecin indiquant qu’il [traduction] « devrait » être apte à travailler à titre d’agent de recouvrement classifié au groupe et niveau PM-01 pour des demi-journées pendant une période d’un mois. Le 21 octobre, Mme Palermo, préoccupée du fait que la note en question n’indiquait pas que le fonctionnaire [traduction] « était » effectivement apte à retourner au travail, a demandé au Dr Chernin un certificat médical attestant que le fonctionnaire [traduction] « […] était présentement apte au travail […] »; voir la pièce E61, onglet 18. Or, le poste pour lequel l’employeur avait demandé une évaluation de la part du Dr Chernin était celui de vérificateur sur le terrain classifié au groupe et niveau AU-01. Il est indiqué ce qui suit à cet égard (pièce E61, onglet 18) :

[Traduction]

M. Ahmad a réussi un concours pour un poste il y a un an. Lorsqu’il est entré en service à ce poste, son affection médicale préexistante s’est aggravée en raison de ses fonctions exercées dans le cadre du poste classifié au groupe et niveau AU-01. Il a demandé d’être réintégré à son poste d’attache au service du recouvrement. Or, depuis lors, la direction a décidé qu’elle voudrait lui accorder une autre occasion de travailler à la section de la vérification, s’il est apte à travailler à ce poste.

34 Mme Palermo a conclu sa lettre en demandant au Dr Chernin si le fonctionnaire [traduction] « […] était présentement apte au travail afin d’accomplir toutes les fonctions du poste de vérificateur sur le terrain, classifié au groupe et niveau AU-01. Si oui, y a-t-il des mesures d’adaptation qu’il y aurait lieu d’envisager dans ce cas? »; voir la pièce E61, onglet 18.

35 Le 3 novembre, le Dr Chernin a écrit à Mme Palermo. Il a indiqué qu’il avait de la difficulté à obtenir de l’information du médecin traitant du fonctionnaire et que s’il n’obtenait pas sous peu cette information, il s’arrangerait pour avoir une évaluation indépendante; voir la pièce E61, onglet 19.

36 Le 5 novembre, le Dr Tator a signé une note adressée [traduction] « À qui de droit », dans laquelle il confirme que le fonctionnaire était [traduction] « […] apte à retourner au travail »; voir la pièce E61, onglet 20.

37 Le 15 décembre 2004, le Dr Chernin a écrit de nouveau à Mme Palermo. Il a indiqué qu’il avait communiqué avec le Dr Tator. Il a déclaré qu’en se fondant sur l’information qu’il avait obtenue de Mme Palermo et du Dr Tator, il était en mesure de formuler les commentaires et les recommandations suivantes (pièce E61, onglet 21) :

[Traduction]

M. Ahmad devrait être considéré comme étant apte à retourner aux fonctions de son poste d’attache. Dans le cadre de son retour, il devrait travailler à mi-temps pendant les quatre premières semaines, après quoi il devrait être capable de retourner à   temps plein. Les contraintes à recommander dans son cas seraient qu’il évite de soulever des objets lourds et de faire des mouvements répétés du cou. Il devrait essayer de travailler avec le cou en position neutre. Les contraintes quant au fait de soulever des objets lourds sont d’éviter de soulever des objets de plus de 20 kilos [soit 44 livres] et de façon répétée. S’il est requis de porter des objets, il devrait alors utiliser un porte-bagages à roulettes.

38 Dans son témoignage, le fonctionnaire a mis en doute l’opinion du Dr Chernin selon laquelle il serait en mesure de soulever des objets pouvant peser jusqu’à 20 kilos, bien que son opinion ait pu avoir été fondée sur ses discussions avec le Dr Tator. Il a fait valoir que le Dr Tator était un neurochirurgien, et non un physiothérapeute, et donc qu’il [traduction] « […] ne sait pas ce que mon corps est capable de faire. »

39 Le 21 décembre, Mme Palermo a demandé au Dr Chernin des précisions au sujet de sa lettre du 15 décembre. Elle lui a demandé si, compte tenu de ses recommandations, il estimait que le fonctionnaire était [traduction] « […] capable d’accomplir les fonctions du poste classifié au groupe et niveau AU-01 s’il évite les activités que vous avez précisées dans votre lettre »; voir la pièce E61, onglet 22. Le même jour, le Dr Chernin lui a téléphoné pour l’informer qu’il examinerait de nouveau le dossier et lui répondrait d’ici quelques jours; voir la pièce E61, onglet 22.

40 Le 24 décembre, le Dr Chernin a écrit de nouveau à Mme Palermo. Il lui a indiqué que le fonctionnaire devrait être en mesure d’accomplir [traduction] « la plupart » des fonctions du poste classifié au groupe et niveau AU-01 s’il suivait les recommandations formulées dans sa lettre du 15 décembre. Il a précisé toutefois ce qui suit (pièce E61, onglet 23) :

[Traduction]

Notre seule réserve à cet égard concerne les visites sur le terrain, qu’il devrait éviter selon nos recommandations pour les trois premiers mois, pour ne commencer à en faire qu'à compter de ce moment-là, et d'une façon limitée, pendant les deux mois suivants. Après la fin des deux mois où il aurait effectué des visites sur le terrain de façon limitée, je recommande qu’il me soit renvoyé afin qu’il soit évalué de nouveau.

Lors des vérifications sur le terrain, il faudrait lui fournir un porte-bagages à roulettes de manière à ce qu’il puisse éviter de soulever des objets lourds et de faire des mouvements répétés, lui permettant ainsi de transporter des dossiers et un ordinateur portable. Veuillez prendre note de ma lettre datée du 15 décembre 2004 dans laquelle j’énonçais les contraintes sur les objets lourds à soulever précisant qu’il ne devrait pas soulever des objets de plus de 20 kg et éviter de le faire de manière répétitive.

41 À la mi-novembre 2004, le fonctionnaire travaillait à temps complet à la section chargée du recouvrement, mais n’avait pas encore recommencé à la section de la vérification. En raison de ce fait, Mme Palermo était plutôt incertaine du sens à donner aux recommandations du Dr Chernin. Le 11 janvier 2005, elle lui écrit en lui demandant ce qui suit au sujet de la période de trois mois qu’il évoquait dans sa lettre (pièce E61, onglet 24) :

[Traduction]

[…si cela] comprenait la période durant laquelle il doit éviter les vérifications sur le terrain. En d’autres termes, est-ce que la période de trois mois sans effectuer des vérifications sur le terrain commencerait le 18 octobre 2004 [à son retour au travail de manière progressive] et se terminerait donc le 18 janvier 2005? Ou est-ce que cette période commencerait à compter du jour où il commence à travailler à titre de vérificateur sur le terrain, soit une date d’entrée en vigueur qui reste à déterminer à ce stade-ci?

42 Le 19 janvier, le Dr Chernin a répondu à la question de Mme Palermo en recommandant que la période de trois mois au cours de laquelle le fonctionnaire devrait éviter les vérifications sur le terrain commence [traduction] « […] à partir du jour de son retour au travail à temps complet auprès de Revenu Canada »; voir la pièce E61, onglet 26.

43 Entre-temps, l’employeur a conclu que l’évaluation du rendement du fonctionnaire de décembre 2003 selon laquelle il [traduction] « ne satisfaisait pas » les exigences du poste devrait être modifiée en y inscrivant à la place la mention [traduction] « impossible à évaluer »; voir la pièce E61, onglet 9. L’employeur a également décidé, en se fondant sur l’information obtenue, que le fonctionnaire était apte à effectuer des vérifications sur le terrain de manière limitée à compter du 18 février 2005. Il a décidé de lui proposer alors de commencer à travailler au poste classifié au groupe et niveau AU-01 à compter du 21 février 2005 pour une période de six mois. Son rendement établirait si son affectation serait prolongée, s’il se verrait offrir une nomination permanente ou s’il retournerait à son poste antérieur à la section du recouvrement. Son poste de travail à la section de la vérification devait également être configuré suivant les recommandations de l’évaluation ergonomique qui avait été réalisée pour son poste de travail à la section du recouvrement; voir la pièce E61, onglet 25.

44 Le 23 février, le fonctionnaire a été avisé que sa nomination intérimaire au poste de vérificateur sur le terrain classifié au groupe et niveau AU-01 avait été approuvée. Sa nomination entrerait en vigueur le 1er avril et prendrait fin le 30 septembre 2005; voir la pièce E61, onglet 27. Son nouveau poste de travail serait reconfiguré de façon ergonomique et on lui fournirait un casque téléphonique; voir la pièce E61, onglet 28.

45 Il se trouve que le fonctionnaire n’a pas été en mesure de commencer le 1er avril. Le 7 avril, l’employeur l’a avisé qu’il révisait les dates inscrites dans sa lettre datée du 23 février de manière à ce que sa nomination intérimaire soit pour la période du 6 septembre 2005 au 3 mars 2006; voir la pièce E61, onglet 29.

46 Le fonctionnaire a effectivement assumé l’intérim au poste de vérificateur sur le terrain classifié au groupe et niveau AU-01 le 6 septembre 2005. Le 8 septembre, il a demandé à rencontrer son chef d’équipe, Mme Baldassini, afin de [traduction] « […] tirer au clair certaines questions avant de commencer à effectuer des vérifications »; voir la pièce E61, onglet 30. Selon ce qu’elle a inscrit dans ses notes au dossier, le fonctionnaire lui aurait dit notamment ceci (pièce E61, onglet 30) :

[Traduction]

[…] son médecin l’a avisé qu’il était incapable de soulever des objets d’un certain poids, car cela pouvait affecter son cou, son dos et son épaule. De plus, il voulait qu’une évaluation d’un ergothérapeute soit effectuée pour établir jusqu’à quel poids il pouvait soulever.

47 Après cette rencontre, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Baldassini lui faisant part de ses préoccupations à ce sujet. Il l’a avisée de ce qui suit :

[Traduction]

[… Je] voudrais qu’une évaluation soit effectuée par un ergothérapeute pour savoir quel poids je peux porter. Mon médecin m’a conseillé et suggéré de faire effectuer une évaluation professionnelle pour savoir quel poids maximum j’étais en mesure de porter. Le poids du porte-documents de vérification est de 11 lb et l’ordinateur portable pèse 6 lb = 17 lb. Si on ajoute à cela le poids d’autres documents et pièces de dossier, alors le poids total peut s’élever à 20 ou 25 lb environ. En plus, je dois porter ce porte-documents pesant entre 20 et 25 lb dans les escaliers du métro (lorsqu’il y a une panne de courant) et cela peut affecter ma condition physique. Présentement, je ne me sens pas vraiment apte à porter un porte-documents de 20 à 25 lb. Bien que j’aie eu une opération à la région C5-C6, le médecin m’a averti que j’avais une dégénérescence graduelle au niveau de la région T1-T3 qui n’est pas encore grave, mais qui pourrait le devenir, je crois, selon les charges que je vais porter. De plus, je dois faire des exercices en mains libres à chaque heure pendant cinq à dix minutes pour la circulation dans l’épaule et le cou (les muscles autour du cou et de l’épaule deviennent raides lorsque je dois rester assis et au clavier continuellement). Aussi, le médecin m’a demandé de ne pas pencher le cou au-delà d’un certain degré parce que cela m’occasionne de la douleur.

48 Le fonctionnaire a poursuivi ainsi (pièce E61, onglets 30 et 31) :

[Traduction]

J’avais demandé (verbalement), par l’entremise de la section du recouvrement, une évaluation complète par un ergothérapeute; bien qu’on ait effectué une évaluation ergonomique, une évaluation complète par un ergothérapeute n’a pas été faite, car je n’avais pas à soulever des objets d’après ma description de travail antérieure ni effectuer des visites sur le terrain. Je suis intéressé par le poste actuel et j’ai besoin de mesures d’adaptation pour m’aider en raison de mon affection médicale actuelle.

49 À l’audience, le fonctionnaire a expliqué la raison pour laquelle il avait écrit le courriel à ce moment-là. Il a affirmé qu’il avait [traduction] « peur pour ma santé future si je devais porter des charges. […] Je ne savais pas quel poids je pouvais porter. […] J’attendais que les choses se passent, qu’on réalise une évaluation, avant d’entreprendre une vérification sur le terrain ». Il a poursuivi en expliquant qu’il s’inquiétait parce qu’il y avait parfois des pannes d'électricité dans les immeubles ou même que les escaliers mécaniques des métros (qu'il prenait pour se rendre dans les bureaux des contribuables) ou des immeubles des contribuables pouvaient tomber en panne. Selon lui, dans une telle situation, il aurait à porter un porte-document de vérification et un ordinateur portable dans les escaliers. Il s’inquiétait du fait que, ne sachant pas quel poids il pouvait porter, il n’arriverait peut-être pas à le faire. Il a aussi indiqué que l’employeur devait être en mesure de déterminer si l’immeuble d’un contribuable possède un ascenseur en téléphonant au client. Comme il l’a mentionné, [traduction] « la chef d’équipe pourrait vérifier si le bureau du client se trouve dans un immeuble qui a un ascenseur, ou elle pourrait le vérifier auprès d’autres vérificateurs qui se sont déjà rendus dans cet immeuble ». En l’absence d’une telle vérification de la part de l’employeur, le fonctionnaire avait peur d’arriver dans un endroit dépourvu d’ascenseur en état de fonctionnement, et de ne pas pouvoir se rendre au bureau du contribuable.

50 Le 9 septembre, Mme Baldassini et Charles Thompson, gestionnaire intérimaire de section de la Division de la validation et de l’exécution,ont rencontré le fonctionnaire pour discuter de ses préoccupations. Ce dernier a affirmé qu’il voulait qu’on le soumette à une évaluation fonctionnelle pour déterminer quel poids il pouvait porter. M. Thompson a répondu au fonctionnaire qu’à sa connaissance, il était apte à exercer ses fonctions de vérificateur sur le terrain sans mesure d’adaptation. Il a aussi dit que le fonctionnaire aurait dû régler ses problèmes de santé avant d’accepter le poste intérimaire, et qu’il consulterait la direction générale des ressources humaines de l’Agence afin de déterminer les mesures à prendre (voir pièce E61, onglet 30).

51 Vu les commentaires négatifs de M. Thompson, il n’est pas étonnant que le fonctionnaire ait décidé de rencontrer Mme Baldassini plus tard ce jour-là. Il lui a dit qu’il estimait que l’employeur devait être en mesure de répondre à ses besoins et qu’il connaissait la marque de deux ordinateurs portables plus légers que l’ordinateur portable réglementaire. Mme Baldassini, qui avait déjà commencé à chercher des ordinateurs portables plus légers, a répondu qu’elle examinerait cette possibilité. Le fonctionnaire a aussi indiqué à Mme Baldassini qu’il ne pouvait pas utiliser le tiroir du bas du classeur de son poste de travail, parce qu'il avait des spasmes au dos lorsqu'il se penchait pour y déposer son porte-documents. Elle lui a répondu d'arrêter d'utiliser ce classeur (voir pièce E61, onglet 30).

52 Quelques jours plus tard, le 12 septembre, Mme Baldassini a découvert que le fonctionnaire utilisait toujours le tiroir du bas de son classeur. Lorsqu’elle l’a questionné à ce sujet, il a affirmé qu’étant donné qu’on lui fournissait un ordinateur portable plus léger, il continuerait d’utiliser le classeur, en dépit des préoccupations exprimées précédemment (voir pièce E62, page 2).

53 Mme Baldassini a rencontré M. Thompson et Mme Barwick le 14 septembre. Le groupe a examiné les évaluations de Santé Canada (du Dr Chernin) et a conclu que le fonctionnaire [traduction] « pouvait exercer ses fonctions de vérificateur » (voir pièce E61, onglet 32). Ils ont entre autres décidé d'annoncer au fonctionnaire qu'il ne subirait pas d’évaluation fonctionnelle, et qu'on s'attendait à ce qu'il effectue des vérifications hors site avec un porte-documents de vérification et un ordinateur portable légers approuvés. Ils ont aussi décidé que s’il devait porter de gros dossiers à son bureau, il pouvait s’arranger avec sa chef d’équipe pour prendre un taxi, bien qu’il doive examiner les documents dans les bureaux de contribuables le plus souvent possible. Le fonctionnaire recevrait aussi 75 heures additionnelles de formation (voir pièce E61, onglet 32).

54 Le 16 septembre, Mme Baldassini a trouvé un nouveau porte-document de vérification sécurisé pour le fonctionnaire, muni de roulettes. Elle a pris les dispositions nécessaires pour qu'il soit remis au fonctionnaire (voir pièce E61, onglet 30).

55 Le 19 septembre, Mme Baldassini a rencontré le fonctionnaire. Comme l’indiquaient ses notes de la réunion, elle lui a annoncé qu'il ne subirait pas d'évaluation fonctionnelle, et qu’il recevrait 75 heures additionnelles de formation. Elle lui a aussi demandé d’organiser une première réunion avec les contribuables le 3 octobre. C’est à ce moment que le fonctionnaire a informé sa chef d’équipe qu’il avait rencontré son médecin la semaine précédente. Cette dernière a noté qu’[traduction] « il faut tester son cœur – il a peut-être, en ce moment, des problèmes cardiaques ». Le fonctionnaire lui a indiqué qu'il porterait un moniteur cardiaque pour les semaines suivantes, et Mme Baldassini a ajouté à ses notes [traduction] « qu’il a des problèmes avec son genou droit et sa cuisse – il subira des tests pour cela » (voir pièce E61, onglet 30).

56 Le 20 septembre, Mme Baldassini a rencontré le fonctionnaire une fois de plus. Elle lui a dit que le bureau en face d’elle était ergonomique et qu'il devrait l'utiliser, ainsi que la chaise ergonomique assortie. Le fonctionnaire a refusé. Il souhaitait plutôt être assis à un petit bureau non ergonomique pour s’habituer aux situations qui pourraient survenir sur le terrain. Elle lui a dit qu’étant donné ses problèmes de santé, il devait utiliser le bureau ergonomique. M. Thompson lui a par la suite dit la même chose. Le fonctionnaire a finalement accepté (voir pièce E61, onglet 30). Mme Baldassini a aussi indiqué au fonctionnaire qu’il devrait utiliser le casque d’écoute qu’on lui avait fourni, encore une fois pour la même raison. Lors de son contre-interrogatoire, le fonctionnaire a admis qu’on lui avait fourni un casque d’écoute, mais qu’il n'avait pas à l'utiliser parce qu'il recevait peu d'appels à son bureau.

57 Le mercredi 21 septembre, Mme Baldassini a pris les dispositions nécessaires pour que le fonctionnaire ait un [traduction] « partenaire » pour l’aider, pendant deux jours, à faire des vérifications sur le terrain qui devaient commencer la semaine du lundi 3 octobre (voir pièce E61, onglet 30). Le partenaire devait agir à titre de conseiller technique. Il ne devait pas aider le fonctionnaire à effectuer les vérifications ou porter quoi que ce soit pour lui. On a informé le fonctionnaire qu’on lui fournissait de l’aide technique pour sa première vérification sur le terrain cette semaine-là (voir pièce E61, onglet 30).

58 Lors de son témoignage, le fonctionnaire a déclaré qu’à ce moment-là, il savait que l'immeuble du contribuable où il allait effectuer une vérification la semaine suivante avait un ascenseur. Alors, il a réalisé une expérience. Il a apporté chez lui le nouvel ordinateur portable et le sac qu'on lui avait remis le jeudi 23 septembre, et a pris un jour de congé annuel pour le lendemain. Il voulait vérifier, en ses termes [traduction] « si je pouvais les apporter à la maison et les rapporter au bureau sans nuire à ma santé ». Il a déclaré avoir pris l’autobus et le métro pour se rendre chez lui. Plus tard, il a expliqué que l’escalier mécanique de la station de métro était hors d’usage de sorte qu’il a dû prendre les escaliers. Au moment où il est arrivé chez lui, il était [traduction] « presque épuisé et avait très mal à l'épaule ». Il a demandé à son fils de peser le sac au sous-sol. Son fils lui a indiqué que le sac pesait 15 livres, alors que le fonctionnaire croyait qu'il pesait près de 20 livres (voir pièce E61, onglet 33).

59 Le lundi 26 septembre, Mme Baldassini a envoyé un courriel au fonctionnaire pour l'informer de l’identité du conseiller technique qui l’accompagnerait sur le terrain le lundi 3 octobre. Le même jour, le fonctionnaire s’est déclaré malade, de même que le jour suivant.

60 Le mercredi 28 septembre, le fonctionnaire s’est présenté au travail et a rencontré Mme Baldassini. Elle a inscrit dans ses notes que le fonctionnaire lui avait dit qu’il venait de passer deux jours difficiles et pénibles. Il lui a fait part de son expérience, en lui précisant qu’un ami avait pesé son sac. Lorsqu’elle lui a demandé si son ami avait utilisé une balance, il a répondu que [traduction] « non », mais que son ami était un haltérophile et qu’il savait par conséquent ce que pesaient 15 livres. Le fonctionnaire a ajouté qu'en raison de cette situation, il ne se sentait pas à l’aise d’effectuer la vérification sur le terrain la semaine prochaine. Selon Mme Baldassini, le fonctionnaire pouvait tout de même effectuer du travail léger sur le terrain, mais ce dernier lui a indiqué qu'il refusait et qu'il annulerait le rendez-vous (voir pièce E61, onglet 30).

61 Le 28 septembre, après la réunion, le fonctionnaire a rassemblé toute l’information et l’a envoyée par courriel à Mme Baldassini. Il a expliqué que le bureau qu’il s’apprêtait à visiter dans le cadre de sa vérification n’avait pas d’ascenseur et qu’il ne savait pas, selon ses termes, [traduction] « […] comment je vais faire pour monter trois escaliers avec le sac de vérification étant donné ma récente et pénible expérience ». Il a demandé à Mme Baldassini [traduction] « quelles mesures d’adaptation pouvaient être prises ». Il a ajouté qu’il avait déjà postulé pour un poste en RSDE (recherche et développement) qui débutait en octobre. Il a affirmé que l’autre poste [traduction] « auquel je vais postuler est un poste intérimaire dans le domaine des recours [des contribuables] ou dans toute autre section où je peux utiliser mes compétences sans travailler sur le terrain » (voir pièce E61, onglet 33).

62 Lors de son contre-interrogatoire, le fonctionnaire a nié avoir annulé la vérification sur le terrain prévue. Il a expliqué qu’il avait discuté avec un autre vérificateur qui l'avait informé que l'immeuble n’avait pas d'ascenseur, mais des escaliers seulement. C’est la raison pour laquelle il avait fait un essai en apportant son sac à la maison pour la fin de semaine. Selon moi, le fonctionnaire a préféré essayer de faire le travail sans réellement le faire. Il a réalisé une expérience qui simule ce qu’il pensait avoir à vivre, même s'il n'existe aucun moyen de savoir si son expérience reflète vraiment ce qu’il aurait vécu s’il avait fait la vérification sur le terrain.

63 M. Thompson a reçu une copie du courriel du fonctionnaire. Il était manifestement mécontent. Il a dit à Mme Baldassini et à Mme Barwick qu’à son avis, le fonctionnaire n’avait [traduction] « […] aucune intention d’exercer les fonctions d’un vérificateur classifié au groupe et niveau AU-01 », qu'on lui avait clairement expliqué qu'il devait faire du travail sur le terrain, mais qu’il refusait de le faire, et que s’il continuait à refuser de travailler sur le terrain, il [traduction] « […] manquait à son engagement de travailler à titre de AU-01 et on devrait le renvoyer à son poste au recouvrement » (voir pièce E61, onglet 33).

64 Lors de l’audience, on a questionné Mme Baldassini au sujet de l’opinion de M. Thompson et de l’influence qu’elle avait eue sur elle, le cas échéant. Mme Baldassini a déclaré que même si elle n’avait suivi aucune formation particulière sur les politiques d’adaptation de l’employeur, elle estimait qu'elle avait l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. En ce qui concerne M. Thompson, elle a reconnu qu'il était le décideur en dernier ressort, mais que c’était elle, à titre de chef d'équipe intérimaire, qui dirigeait le processus, et que son objectif était toujours de donner les moyens de réussir aux employés.

65 Mme Baldassini a préparé pour Mme Barwick un procès-verbal détaillé d’une réunion de la direction qui avait été organisée pour discuter du courriel que le fonctionnaire avait envoyé le 28 septembre 2005 (pièce E62). Voici les points saillants de la réponse :

a. le poste de vérificateur sur le terrain classifié au groupe et niveau AU-01 exige le transport d’un sac de vérification et d’un ordinateur portable;

b. la direction a facilité les choses pour le fonctionnaire en lui fournissant un sac de vérification et un ordinateur portable plus légers, un poste de travail et une chaise ergonomiques, ainsi qu’un casque d’écoute qu’il n’a pas utilisé, et en lui permettant de prendre un taxi pour transporter les documents des contribuables, si nécessaire;

c. le fonctionnaire ne possédait ni la formation ni l’expérience nécessaire pour occuper les autres postes pour lesquels il a démontré de l'intérêt, à titre de mesure d’adaptation (voir pièce E6).

66 Elle a noté la conclusion suivante dans son procès-verbal :

[Traduction]

[…le fonctionnaire] a affirmé qu’il ne voulait pas travailler sur le terrain en raison de ses problèmes de santé, et il a exprimé des préoccupations relativement au travail sur le terrain, puisqu’il est incapable de soulever le porte-document de vérification. À cet égard et selon l’analyse précédente, il est incapable d’exercer les fonctions d’un vérificateur de l’impôt classifié au groupe et niveau AU-01.

67 Le jeudi 29 septembre, le fonctionnaire a informé Mme Baldassini qu’il avait été chez son médecin la veille et qu’il avait une note précisant qu’il avait une fatigue de la nuque, qu’il devait suivre un traitement de physiothérapie et qu'on devait l’affecter à des travaux légers pendant deux semaines. Elle lui a dit que la note n’était pas particulièrement utile, puisqu’elle ne lui indiquait pas ce qu’il pouvait ou non soulever ou faire comme travail léger. Néanmoins, elle lui a affirmé qu'elle examinerait la situation (voir pièce E61, onglet 30).

68 Plus tard ce jour-là, le fonctionnaire a rencontré Mme Baldassini et M. Thompson. La discussion portait sur le courriel du 28 septembre du fonctionnaire. Ce dernier a affirmé qu’il voulait faire son travail, mais qu’il ne pouvait pas travailler sur le terrain en raison des événements de la fin de semaine précédente. Il voulait bien retourner à son ancien poste au recouvrement, et a demandé à M. Thompson s’il pouvait le recommander pour un poste en RSDE, où il n’aurait pas à effectuer du travail sur le terrain. M. Thompson a refusé parce qu’il n’avait pas d’éléments d’appréciation et a suggéré au fonctionnaire de demander une recommandation à son supérieur au recouvrement (voir pièce E61, onglet 30).

69 Le jour suivant, soit le vendredi 30 septembre, Mme Baldassini a rencontré le fonctionnaire et un autre vérificateur sur le terrain. Le plan était de jumeler le fonctionnaire avec le vérificateur sur le terrain le lundi suivant afin que le fonctionnaire observe comment se déroule le travail. Le même jour, Mme Baldassini a rencontré Mme Barwick et M. Thompson pour discuter de la situation du fonctionnaire. Ils ont décidé de demander une nouvelle évaluation de Santé Canada [traduction] « puisqu’il [le fonctionnaire] remet encore tous ces problèmes sur le tapis » (pièce E60, onglet 30).

70 Le fonctionnaire et Mme Baldassini se sont rencontrés à la fin de la journée du vendredi 30 septembre. Ils ont discuté pour déterminer si le fonctionnaire irait sur le terrain avec l’autre vérificateur le lundi suivant comme prévu, étant donné l’ordonnance médicale du fonctionnaire qui l’astreignait aux travaux légers. Ils n’ont pris aucune décision, bien que le fonctionnaire ait affirmé qu'il préférait aller sur le terrain. Le fonctionnaire a aussi affirmé qu'il ne voulait plus utiliser le porte-documents de vérification léger à roulettes qu'on lui avait fourni, puisqu’il avait mal à l’épaule lorsqu’il le tirait ou le soulevait. Il voulait plutôt un sac plus léger pour y mettre son ordinateur portable uniquement (voir pièce E61, onglet 30).

71 Les souvenirs des événements de la semaine suivante sont un peu vagues. Mme Baldassini a déclaré que, autant qu’elle s’en souvienne, le fonctionnaire n’a pas été sur le terrain avec l'autre vérificateur le lundi 3 octobre, mais elle n'en était pas certaine. Elle se souvient qu’il avait passé la semaine à travailler dans son bureau sur certains dossiers que l’employeur avait trouvés qui devaient être traités. Durant la même semaine, elle a passé du temps à préparer la demande d’évaluation. À la fin de la semaine, le vendredi 7 octobre, elle a recommandé par écrit à Mme Barwick que le fonctionnaire se rende aux bureaux de Santé Canada pour subir une évaluation de l’aptitude au travail (voir pièce E61, onglet 34).

72 Le lundi 10 octobre était un jour férié. Le fonctionnaire s’est présenté au travail le jour suivant. Mme Baldassini l’a aperçu et lui a demandé comment s'était déroulée sa fin de semaine. Il a répondu [traduction] « mal », et lui a expliqué qu’il s’était blessé au cou en tondant le gazon chez lui. Il a ajouté qu’il lui était maintenant difficile de bouger son dos, et qu’il lui enverrait un courriel, ce qu’il a fait quelques minutes plus tard (voir pièce E61, onglet 30). Son courriel se lisait comme suit : [traduction] « [a]près mûre réflexion concernant mon état de santé/stress physique, j'ai décidé de quitter ce poste en date d'aujourd'hui, le 11 octobre 2005. Je vous prie d’excuser le dérangement que cela pourrait vous occasionner » (voir pièce E61, onglet 35).

73 Le fonctionnaire a ensuite rencontré Mme Baldassini. Il lui a dit que, après l’incident de la tonte de gazon de la fin de semaine, il avait conclu qu'il ne pouvait plus faire ce travail. Elle a noté lui avoir dit qu’elle était toujours prête à travailler avec lui afin de lui trouver des tâches nécessitant peu de travail sur le terrain. Cependant, selon elle, le fonctionnaire ne voulait plus occuper le poste et a demandé à reprendre son poste d’attache aux recouvrements (voir pièce E61, onglet 30).

74 Quelques réunions ont été organisées dans les jours suivants. Je suis convaincu, selon les éléments de preuve présentés par le fonctionnaire et Mme Baldassini et les pièces justificatives, que les réunions avaient permis de conclure que :

a. le fonctionnaire avait refusé de porter un porte-documents de vérification et un ordinateur portable par crainte de se blesser;

b. le fonctionnaire voulait subir une évaluation fonctionnelle pour évaluer quel poids il pouvait soulever ou porter;

c. il n’existe aucun autre poste classifié au groupe et niveau AU-01 qui ne comportait aucun travail sur le terrain;

d. le fonctionnaire ne possédait pas les qualifications nécessaires pour occuper les autres postes auxquels il voulait être affecté pour quitter son poste de vérificateur sur le terrain (voir pièce E61, onglets 34, 37 et 38).

75 En ce qui concerne la réalisation d'une vraie vérification sur le terrain (ce que le fonctionnaire n’avait pas encore fait en 2005), la position du fonctionnaire, comme l’indique un courriel daté du 12 octobre, était la suivante (pièce E61, onglet 37) :

[Traduction]

[…]

[i]l est inutile de mettre à l’essai différents sacs. C’est une perte de temps et c’est mal avisé. Cela a été mon point de vue dès le premier jour, mais, si malheureux que cela puisse paraître, la direction a refusé de m’écouter. L’évaluation de Santé Canada était basée sur mon évaluation de 2004, qui était une évaluation générale. Depuis ce temps, de nouvelles souffrances physiques se sont ajoutées à mes peines, après mon opération au cou. Le seul moyen de mesurer correctement ces facteurs de stress était de réaliser une évaluation fonctionnelle, ce qui n’a pas été fait.

76 Le fonctionnaire a présenté ce grief le 31 octobre 2005. La réponse au premier palier, en date du 23 décembre 2005, a été préparée par M. McNamara, gestionnaire de la Division de la vérification. On avait fait appel à ce dernier en raison de son statut de gestionnaire exclu, c’est-à-dire non syndiqué. M. Thompson était pour sa part syndiqué, ce qui, en raison du grief, le rendait non habilité à traiter avec le fonctionnaire.

77 M. McNamara a rejeté le grief au motif que, selon ses renseignements, le porte-document de vérification pesait 6,5 livres et l’ordinateur portable, 10 livres, ce qui est largement en-deçà de la limite de 20 kilogrammes prescrite pour le fonctionnaire. M. McNamara a jugé que la suggestion du fonctionnaire, soit de se passer d’ordinateur portable, de prendre des notes à la main au bureau du contribuable et de recopier ces notes dans le système informatique de son bureau à partir de son poste de travail, n’avait pas de sens d’un point de vue opérationnel; à ce moment-là, tout le travail se faisait à l’ordinateur.

78 Lors de l’audience, M. McNamara a affirmé que le grief avait été entendu au second palier par le directeur, Bruce Allen. À ce palier, on a décidé à titre de réparation de soumettre le fonctionnaire à l’« évaluation des capacités fonctionnelles » qu’il réclamait. Le 6 mars 2006, l’employeur a donc écrit à Total Rehabilitation Management Inc. (« Total Rehab ») pour leur demander une telle évaluation. La demande comprenait une description du poste de vérificateur sur le terrain et des attentes liées à ce poste.

79 Le 28 mars 2006, Susan Scott et James MacDonald, ergothérapeutes chez Total Rehab, ont rendu un rapport sur l’évaluation des capacités fonctionnelles du fonctionnaire (voir la pièce E61, onglet 41). En lien avec les questions de cette affaire, les observations ci-dessous ont été relevées (pièce E61, onglet 41, pages 3 à 5) :

  1. Le fonctionnaire a pu descendre et remonter un escalier de 9 marches avec une valise à roulettes d’un poids total de 15,5 livres.
  2. Il a pu descendre et remonter 2 escaliers de 9 marches avec un sac de cuir chargé de manière similaire, d’un poids total de 12 livres.
  3. L’« effort variable » qu’il a démontré au cours de l’évaluation a mené les auteurs à conclure que [traduction] « les données et les observations cliniques relevées lors des tests de force statique témoignent d’un niveau d’effort autolimité ou varié ».
  4. Il a démontré [traduction] « […] la capacité de tirer et de soulever une valise à roulettes dont le contenu pesait 8 livres (pour un poids total de 15 livres) et de descendre un escalier en portant cette valise ».
  5. Il a été capable [traduction] « […] de soulever et de porter un sac à bandoulière (poids combiné du sac et de l’ordinateur : 12 livres) lors de toutes les simulations de travail demandées ».

80 Les auteurs ont noté qu’une valise à roulettes [traduction] « […] est généralement perçue comme beaucoup plus commode pour transporter un ordinateur portable, des fichiers et les outils de travail nécessaires. Cependant, M. Ahmad exprime une forte préférence pour le sac à bandoulière en raison de son poids inférieur »; voir la pièce E61, onglet 41, page 7.

81 Les auteurs du rapport en sont venus à la conclusion suivante (pièce E61, onglet 41, page 5) :

[Traduction]

M. Ahmad a démontré des capacités dans les catégories de travail « sédentaire » à « léger ». Il a simulé avec succès des tâches avec un sac à bandoulière; il a cependant refusé de monter un escalier avec une valise à roulettes (une situation qui pourrait se produire dans le métro ou dans des bâtiments sans ascenseurs opérationnels).

Les données et les observations cliniques indiquent un niveau variable d’effort déployé. Il est donc possible que la douleur ou son appréhension ait empêché le client de fournir un effort maximal et que ses capacités réelles soient supérieures à celles qu’il a démontrées aujourd’hui.

Selon les résultats de l’évaluation des capacités fonctionnelles, M. Ahmad dispose des capacités fonctionnelles nécessaires pour mener à bien les tâches d’un vérificateur de l’impôt, à condition d’appliquer les modifications décrites plus haut.

[Les passages en évidence le sont dans l’original.]

82 Par la mention de [traduction] « modifications », les auteurs veulent dire que le fonctionnaire [traduction] « peut mener ses vérifications sur le terrain si on lui offre des moyens plus légers qu’une valise à roulettes ordinaire pour transporter son matériel » (voir la pièce E61, onglet 41, page 5).

83 L’autre mise en garde des auteurs concerne les inquiétudes exprimées par le fonctionnaire tenant aux difficultés qu’il éprouvait après avoir soulevé et porté des charges très légères. Selon lui, un tel effort lui était douloureux et il se sentait essoufflé après une montée d’escaliers. À la lumière de ces plaintes d’ordre subjectif, les auteurs ont dit qu’il serait prudent de recevoir des certificats de santé d’un chirurgien orthopédiste ou d’un neurochirurgien, ainsi que d’un [traduction] « professionnel médical approprié ayant accès au dossier médical du client […] pour vérifier qu’il n’existe aucune restriction cardiovasculaire liée à la rare exigence de monter des escaliers » (voir la pièce E61, onglet 41, page 7).

84 Une copie du rapport de l’évaluation des capacités fonctionnelles a été remise au fonctionnaire. Le 2 juin 2006, M. McNamara a organisé par courriel une rencontre avec le fonctionnaire pour discuter du rapport [traduction] « et [lui] acheter les articles, les sacs, les verrous et l’ordinateur portable nécessaires et lui fournir la formation dont [il aura] besoin pour exercer les tâches d’un vérificateur sur le terrain de niveau AU-01 » (voir la pièce E61, onglet 42).

85 Le fonctionnaire a répondu à M. McNamara qu’il pourrait le rencontrer le 8 juin (pièce E61, onglet 43). Lors de la rencontre, M. McNamara a exprimé son point de vue sur le rapport, à savoir que, avec les modifications proposées, le fonctionnaire pourrait exercer les fonctions d’un vérificateur sur le terrain classifié au groupe et niveau AU-01. Il a déclaré que sa seule réserve était la mention de possibles restrictions cardiovasculaires relatives à la montée d’escaliers. Selon lui, la rencontre a été très amicale et tous les participants, y compris le fonctionnaire et son représentant syndical, ont jugé bon d’attendre les évaluations médicales supplémentaires que le fonctionnaire a dit avoir planifiées.

86 Le 13 juillet 2006, le fonctionnaire a indiqué à Mme Barwick qu’il avait pris rendez-vous avec plusieurs médecins en ce qui concerne son cou, sa hanche et son état cardiovasculaire. Le dernier de ces rendez-vous était fixé pour le 2 octobre. Il a ajouté : [traduction] « Il y aura peut-être plus d’un rendez-vous pour la hanche, l’os du cou ou la poitrine, selon l’évaluation initiale. Je vous tiendrai au courant » (voir la pièce E61, onglet 44).

87 L’employeur a attendu les résultats des rendez-vous pris par le fonctionnaire; aucun ne lui est parvenu. Le 14 février 2007, M. McNamara a écrit au fonctionnaire que la direction n’avait toujours rien reçu des médecins, [traduction] « ce qui indique que [le fonctionnaire était] jugé médicalement apte à occuper à titre intérimaire [son] poste classifié au groupe et niveau AU-01 à la Division de la vérification ». Il a ajouté qu’il donnait au fonctionnaire [traduction] « […] une dernière chance pour [se] montrer médicalement apte à occuper par intérim [son] poste classifié au groupe et niveau AU-01 à la Division de la vérification ». Il a aussi souligné que, s’il ne recevait rien des médecins du fonctionnaire, [traduction] « […il conclura] que [le fonctionnaire n’a] n’est plus intéressé ou apte à assumer par intérim le poste classifié au groupe et niveau AU-01 et [qu’il considérera] le dossier comme étant classé en date du 30 mars 2007 » (voir la pièce E61, onglet 45).

88 M. McNamara a déclaré ne pas avoir reçu de réponse du fonctionnaire. Par conséquent, il a classé le dossier.

89 Lors de l’audience, les parties étaient d’accord pour dire que l’employeur avait fini par recevoir les évaluations médicales supplémentaires le 28 juin 2010. Ces documents ont été soumis collectivement en tant que pièce U27, laquelle contient les éléments suivants :

  1. Un rapport du Dr Tator au Dr Chacko, daté du 26 juillet 2006, selon lequel le fonctionnaire aurait dit au Dr Tator que sa récente évaluation en milieu de travail l’avait déclaré inapte à soulever [traduction] « plus de 12 livres environ». Le rapport soutient, par ailleurs, que l’examen neurologique mené par le Dr Tator [traduction] « n’a relevé aucune déficience claire en matière de force ».
  2. Un rapport orthopédique du Dr Syed daté du 11 septembre 2007, qui relève une bonne amplitude de mouvement de la hanche droite du fonctionnaire, avec une certaine sensibilité au niveau du grand trochanter (une partie de l’os iliaque) et une certaine raideur de la bande de Maissiat du côté droit; le Dr Syed recommande la physiothérapie pour y remédier.
  3. Un rapport du Dr Janmohamed, cardiologue, daté du 6 février 2007, qui ne signale rien d’extraordinaire et ne fait mention d’aucune difficulté du fonctionnaire à monter un escalier.
  4. Un rapport de radiographie daté du 10 avril 2007 qui note des excroissances dégénératives dans la colonne lombaire du fonctionnaire et une absence de rétrécissement des disques; mais, ces observations mises à part, témoigne d’un « examen normal ».
  5. Une note du Dr Albert daté du 1er novembre 2007 soulignant que le fonctionnaire [traduction] « devrait éviter de rester assis trop longtemps en raison de ses problèmes de dos. Il devrait se lever et marcher, s’étirer ou faire de l’exercice pendant 5 minutes à chaque heure qu’il passe à l’ordinateur ».

III. Résumé des arguments

A. Pour le fonctionnaire

90 Le représentant du fonctionnaire a commencé son argumentation en soulignant que les affaires mettant en cause l’obligation de prendre des mesures d’adaptation étaient toujours tributaires des faits en l’espèce. La première question à trancher est de déterminer si le fonctionnaire est atteint d’une invalidité. Il a répondu par l’affirmative à cette question. Le fonctionnaire avait subi une blessure au cou, faisant en sorte qu’il ne pouvait soulever tout au plus qu’un poids de 15 livres. L’employeur n’a jamais mis en cause l’existence de son invalidité. En fait, l’employeur a convenu que l’état de santé du fonctionnaire était tel qu’il ne pouvait exercer les fonctions de vérificateur sur le terrain. Le représentant de l’employeur a notamment renvoyé au compte rendu préparé par Mme Baldassini produit à titre de pièce 62 en tant que preuve concluante à cet égard.

91 Le représentant du fonctionnaire a soutenu qu’il n’y avait aucune preuve voulant qu’il était ou aurait été impossible pour l’employeur de prendre une mesure d’adaptation en regard de l’invalidité du fonctionnaire. Il a fait valoir que le problème résidait plutôt dans le fait que l’employeur ne savait pas comment il devait composer avec cette situation. Il n’avait prévu aucune disposition en 2003 pour s’acquitter de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire, alors lorsque la situation s’est produite à nouveau en 2005, il a tenté simplement de procéder comme il l’avait fait auparavant.

92 Le représentant du fonctionnaire a indiqué que l’employeur disposait d’une politique en la matière depuis 2004. Pourtant, Mme Baldassini n’avait reçu aucune formation à cet égard. Quoi qu’il en soit, même si la direction était au courant de l’existence d’une telle politique, elle ne s’y est pas conformée. Elle n’a pas communiqué au fonctionnaire quelle mesure d’adaptation elle envisageait mettre en œuvre. Par exemple, la suggestion qu’il puisse prendre un taxi au lieu du transport en commun ne lui avait jamais été communiquée. Alors qu’il appert de la preuve que la direction avait reconnu l’existence de son obligation de prendre des mesures d’adaptation, le représentant du fonctionnaire a fait valoir qu’il revenait alors à la direction de s’acquitter dûment de son obligation.

93 Interrogé quant à la nature précise de l’invalidité en question, le représentant du fonctionnaire a soutenu qu’il [traduction] « existait abondamment de preuve » que le fonctionnaire était atteint d’une invalidité, en dépit du fait que celle-ci n’ait pas été [traduction] « nommément étiquetée ». Le fonctionnaire souffrait de toute évidence de [traduction] « problèmes de santé » constituant une « invalidité physique » au sens de l’article 43 de la convention collective. Il a fait valoir que des douleurs au dos pouvaient constituer une invalidité. Le fonctionnaire ne pouvait pas exercer les fonctions requises pour accomplir son travail, et l’employeur savait et reconnaissait qu’une mesure d’adaptation s’imposait.

94 Le représentant du fonctionnaire a en outre soutenu qu’on ne pouvait reprocher au fonctionnaire d’être retourné à son poste antérieur, lorsqu’il l’a fait. Il a reconnu que l’employeur avait entrepris certaines démarches en vue d’offrir des mesures d’adaptations au fonctionnaire, mais que, du point de vue de ce dernier, cela ne se déroulait pas comme il aurait fallu. Il avait reçu une évaluation de rendement défavorable de la part de M. McKinley en 2003. C’est justement en raison de ce qui s’était alors produit en 2003 qu’en 2005 le fonctionnaire avait voulu obtenir des mesures d’adaptation avant d’entreprendre ses fonctions de vérificateur sur le terrain, mais en vain.

95 Le représentant du fonctionnaire a également soutenu que la demande d’une évaluation de ses capacités fonctionnelles n’était pas frivole. Cette évaluation aurait pu apporter une réponse à la question consistant à déterminer ce qu’il pouvait et ne pouvait pas accomplir.

96 Le représentant du fonctionnaire a reconnu qu’à part M. Thompson (à son avis), aucun autre gestionnaire n’avait agi de mauvaise foi. Chacun avait essayé de s’acquitter de l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation. Selon le représentant du fonctionnaire, le problème était [traduction] « qu’ils ne savaient simplement pas quoi faire ». Il ne revenait pas non plus au fonctionnaire de savoir quoi faire : cette obligation incombait plutôt à la direction. Il n’incombait pas davantage au fonctionnaire d’établir ce qu’il était capable ou incapable de faire.

97 Abordant la deuxième question, à savoir si les mesures d’adaptation envisagées étaient convenables en l’espèce, le représentant du fonctionnaire a soutenu que, du point de vue du fonctionnaire, les efforts de la direction en ce sens étaient inadéquats. En outre, la direction n’a pas consulté le fonctionnaire dans le cadre de ses délibérations visant à établir ce qu’il convenait de faire pour accommoder son invalidité ni comment s’y prendre pour ce faire. Le processus n’était pas transparent. Au demeurant, les efforts consentis par l’employeur à cet égard étaient [traduction] « loin d’être parfaits ». Partant, le manquement de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation constituait de la discrimination tant en vertu de la convention collective que de la Loi canadienne des droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6.

98 Le représentant du fonctionnaire a soutenu qu’il n’y avait par ailleurs aucune preuve que le fonctionnaire ait de quelque manière omis de coopérer avec la direction pour tenter de trouver une mesure d’adaptation convenable. De plus, le fonctionnaire pouvait raisonnablement craindre de se blesser à nouveau ou d’exacerber sa blessure existante. Il ignorait que l’employeur envisageait de demander une évaluation de son état de santé malgré le fait qu’il ait auparavant refusé sa demande d’effectuer une évaluation de ses capacités fonctionnelles. Avoir su que l’employeur envisageait cela en septembre 2005, le fonctionnaire aurait peut-être conservé son poste intérimaire. Or, il n’était pas au courant de cela. Du point de vue du fonctionnaire, il ne se passait à peu près rien dans son dossier. Alors, il est retourné à son ancien poste. Ironie du sort, lorsque l’évaluation a effectivement été réalisée en 2006, [traduction] « ses inquiétudes se sont malheureusement avérées légitimes ».

99 Le représentant du fonctionnaire a fait valoir que l’évaluation des capacités fonctionnelles du fonctionnaire réalisée en mars 2006 constituait [traduction] « un constat des plus clairs » confirmant l’existence de l’invalidité du fonctionnaire et des contraintes qui en découlaient. Une fois le rapport en mains, l’employeur connaissait alors non seulement la nature des contraintes du fonctionnaire, mais aussi comment il pouvait les prendre en compte. Le fait qu’une évaluation cardiaque soit recommandée dans le rapport d’évaluation ne signifiait pas que l’employeur devait attendre avant de prendre les mesures qui s’imposaient. L’employeur aurait pu dès lors procéder à l’élaboration et à la mise en place d’une mesure d’adaptation intérimaire convenableen attendant les résultats des autres examens. Le fonctionnaire se trouvait alors lui-même aux prises avec un dilemme : il ne pouvait obtenir une autorisation médicale sans savoir précisément quel travail il serait appelé à faire dans le cadre de son emploi, ce qui nécessitait en retour qu’il sache quelles mesures d’adaptation lui seraient offertes et quel serait leur impact sur sa capacité à exercer les fonctions de son poste.

100 Le représentant du fonctionnaire a aussi soutenu que M. McNamara n’était pas du tout la personne à laquelle il devait revenir de prendre connaissance et de prendre en compte le rapport d’évaluation des capacités fonctionnelles du fonctionnaire. En effet, il se trouvait en conflit d’intérêts. Puisqu’il avait refusé le grief du fonctionnaire au premier palier de la procédure, il ne fallait pas s’attendre à ce qu’il étudie le rapport d’évaluation en toute objectivité. Le fait de s’attendre à ce que M. McNamara soit capable d’étudier le rapport objectivement n’était pas réaliste de la part de l’employeur, et constituait un manque de diligence raisonnable de sa part. Il était déraisonnable de la part de l’employeur de remettre l’examen du rapport d’évaluation des capacités fonctionnelles du fonctionnaire à quelqu’un ayant participé à la procédure de règlement des griefs et ayant déjà exprimé un avis défavorable envers la position du fonctionnaire.

101 En ce qui a trait à l’obligation de l’employé de collaborer quant aux mesures d’adaptation, le représentant du fonctionnaire a soutenu que le fonctionnaire avait fait preuve de collaboration en l’espèce. Il avait notamment fait part à l’employeur avant même d’entrer en fonction à son nouveau poste qu’il aurait sans doute besoin d’une mesure d’adaptation. Le fonctionnaire s’était investi dans le processus, mais en raison du peu de connaissances qu’il avait de ce processus et parce qu’il en saisissait mal les rouages (à cause du fait que l’employeur ne l’avait pas tenu au courant des diverses étapes de ce processus), il s’est senti frustré et avait perdu confiance envers ce processus au vu du refus initial de l’employeur de donner suite à sa demande d’évaluation de ses capacités fonctionnelles.

102 En ce qui a trait à l’évaluation des capacités fonctionnelles du fonctionnaire, le représentant du fonctionnaire a souligné que cette évaluation avait été réalisée six mois après que le fonctionnaire en ait fait la demande et cinq mois après qu’il soit revenu à son ancien poste. Et là, le rapport d’évaluation recommandait encore d’autres examens. Il ne fallait donc pas se surprendre qu’il soit découragé de tout ce processus.

103 Le représentant du fonctionnaire a aussi fait valoir que, tant en 2003 qu’en 2005, le processus suivi par l’employeur manquait manifestement de transparence. Les rapports n’avaient pas été communiqués au fonctionnaire. On ne lui avait pas non plus informé des intentions de l’employeur quant aux mesures d’adaptation envisagées. L’employeur semblait plutôt aborder l’affaire comme si le fonctionnaire lui demandait de lui accorder une faveur et que celui-ci devait lui être reconnaissant de même songer à envisager quoi que ce soit à cet égard.

104 Le représentant du fonctionnaire a soutenu que le problème ici n’était pas qu’il manquait l’information nécessaire pour que l’employeur soit en mesure de proposer une mesure d’adaptation au fonctionnaire, mais plutôt à savoir pourquoi l’évaluation des capacités fonctionnelles du fonctionnaire n’était pas suffisante pour que l’employeur puisse à tout le moins envisager une mesure d’adaptation provisoire ou intérimaire en attendant le rapport d’examen cardiaque du fonctionnaire. L’employeur aurait pu mettre en place les mesures d’adaptation physiques formulées dans le rapport en attendant l’évaluation de son état cardiaque. Par ailleurs, le rapport des capacités fonctionnelles établissait que le fonctionnaire pouvait effectuer d’autres fonctions. Il aurait alors pu être affecté à d’autres fonctions relevant du poste de groupe et niveau AU-1 au lieu des vérifications sur le terrain. Il aurait pu effectuer des travaux préparatoires ou des travaux légers, des solutions de rechange plausibles au lieu de suspendre le processus menant aux mesures d’adaptation en demandant un complément d’information. Aucune analyse des fonctions essentielles du poste n’a été effectuée afin d’établir si le fonctionnaire était capable de les accomplir en attendant le rapport final de l’examen cardiaque. Bref, l’employeur n’a fait aucune démarche visant à réviser sa description d’emploi afin de l’adapter à sa situation. L’employeur, contrairement à ce que prescrit pourtant sa politique en matière d’adaptation, n’a pas institué un plan d’adaptation personnalisé.

105 À titre de redressement, le représentant du fonctionnaire demande qu’une ordonnance soit rendue précisant ce qui suit :

a. que le fonctionnaire reçoive à titre de dommages une somme correspondant à soixante-quatre (64) semaines de salaire selon l’échelle de rémunération du groupe et niveau AU-01 (déduction faite de la rémunération qu’il a touchée durant cette période);

b. qu’il reçoive un montant à titre de dommages généraux;

c. qu’il lui soit permis de participer à nouveau à l’évaluation ou au concours du poste de groupe et niveau AU-01.

B. Pour l’employeur

106 La représentante de l’employeur a commencé son argumentation en mentionnant que l’employeur avait fait des efforts pour satisfaire les demandes de mesures d’adaptation du fonctionnaire tant en 2003 qu’en 2005. Toutefois, à ces deux occasions, le fonctionnaire était, de son propre chef et après seulement quelques semaines, retourné à son ancien poste. À aucune de ces occasions n’avait-il accordé à l’employeur l’opportunité ni le temps suffisant pour qu’il puisse comprendre l’état de santé invoqué par le fonctionnaire et établir s’il y avait lieu de prendre des mesures d’adaptation et, le cas échéant, lesquelles étaient indiquées en l’espèce.

107 La représentante de l’employeur a fait valoir qu’il fallait tout d’abord établir s’il existait effectivement une invalidité et, dans l’affirmative, la nature de l’invalidité. Il n’existait à cet égard aucune information médicale, soit avant la période pendant laquelle le fonctionnaire a occupé le poste de groupe et niveau AU-01 ou durant cette période, quant à l’existence de quelque invalidité pouvant restreindre sa capacité à exercer ses fonctions.

108 En dépit de l’absence d’une telle information médicale indépendante, l’employeur a manifesté sa bonne foi en acceptant les dires du fonctionnaire et en consentant des efforts afin de lui offrir des mesures d’adaptation. Ainsi, en 2003, lorsque le fonctionnaire a affirmé qu’il n’était pas capable de transporter le porte-documents de vérification, on lui a dit de ne plus se rendre sur le terrain pour effectuer des vérifications. Le même jour, son chef d’équipe, M. McKinley, a demandé une évaluation auprès de Santé Canada et, à titre de mesure intérimaire, il a affecté le fonctionnaire dans le bureau à des dossiers d’équité. Pourtant, avant même que quelque évaluation ne soit effectuée, le fonctionnaire a choisi de retourner à son ancien poste.

109 Quant à l’évaluation de son rendement en 2003, le fonctionnaire aurait pu contester l’évaluation [traduction] « ne satisfaisait pas », mais il ne l’a pas fait. La direction souhaitant néanmoins lui accorder un nouveau départ, l’a affecté à un nouveau chef d’équipe et accordé une deuxième occasion d’occuper le poste qu’il convoitait. Pourtant, il est retourné encore une fois à son ancien poste. Qui plus est, en octobre 2003, l’employeur a demandé une évaluation médicale en réponse à ses doléances; néanmoins, cette démarche est devenue sans objet à partir du moment où, de son propre chef, le fonctionnaire a décidé de retourner à son poste au service du recouvrement.

110 L’évaluation selon laquelle le fonctionnaire pouvait soulever jusqu’à 20 kilos (environ 44 lb) émanait du Dr Tator, qui avait par ailleurs examiné la description d’emploi du fonctionnaire. Ceci étant, il était raisonnable pour l’employeur de conclure que le fonctionnaire était prêt à entreprendre du travail sur le terrain en septembre 2005.

111 Lorsque le fonctionnaire a commencé à travailler en septembre 2005, il l’a fait sous la direction d’un chef d’équipe (Mme Baldassini) dont la philosophie était de [traduction] « mettre l’employé en position de réussite ». Elle a pris une mesure d’adaptation en réponse aux préoccupations du fonctionnaire en obtenant un ordinateur portable plus léger et un porte-documents plus léger pour lui. En ce qui avait trait au sac en bandoulière, le fonctionnaire ne lui avait pas fait part de cette problématique. La première fois qu’elle en a eu vent, c’était lors du rapport d’évaluation de ses capacités fonctionnelles.

112 En ce qui a trait aux commentaires défavorables qu’aurait formulés M. Thompson au sujet du fonctionnaire à l’automne 2005, ces commentaires n’étaient pas pertinents en l’espèce. Ils n’ont eu aucun effet sur les interventions de la direction. Mme Baldassini avait pris en charge les interventions en réponse aux doléances du fonctionnaire. Ses efforts en vue de proposer des mesures d’adaptation n’ont en rien été mis en échec par M. Thompson, et il n’y a aucune preuve selon laquelle elle aurait dévié de ses efforts visant à répondre aux demandes du fonctionnaire de prendre des mesures d’adaptation à son égard en raison de quelque opinion exprimée par M. Thompson.

113 Par ailleurs, le fait que l’employeur ait ou non tenu le fonctionnaire au fait des mesures d’adaptation qu’il envisageait n’était pas davantage pertinent en l’espèce. Un employeur envisageant l’opportunité de prendre des mesures d’adaptation et la nature de celles-ci, le cas échéant, doit disposer du temps nécessaire pour recueillir les informations pertinentes et les étudier. Or, en l’espèce, le fonctionnaire a enlevé cette occasion à l’employeur en refusant d’employer les mesures d’adaptation offertes puis en renonçant aussi rapidement qu’il l’a fait au poste de vérificateur sur le terrain.

114 La représentante de l’employeur a reconnu que le fonctionnaire avait une restriction, mais la question à trancher était de savoir l’ampleur de cette restriction. La preuve médicale obtenue par l’employeur tant auprès du Dr Chernin que du Dr Tator indiquait que le fonctionnaire pouvait soulever jusqu’à 20 kilos. Rien ne suggère qu’il n’était pas en mesure de soulever, de transporter ou de tirer des porte-documents ou ordinateurs portables plus légers que cela.

115 La représentante de l’employeur a cité plusieurs décisions jurisprudentielles et une doctrine abondante. Elle a soutenu qu’on y voit bien que la mise en place de mesures d’adaptation est une responsabilité partagée entre le fonctionnaire en cause, son employeur et son syndicat. La première étape du processus, à laquelle le fonctionnaire est en outre tenu de collaborer, consiste à recueillir toute l’information pertinente. Par ailleurs, les efforts déployés par l’employeur en vue d’offrir des mesures d’adaptation doivent être évalués en se fondant sur l’information à laquelle l’employeur a accès à ce moment-là. En l’espèce, l’employeur a répondu aux préoccupations du fonctionnaire et offert des mesures d’adaptation en fonction de l’information dont il disposait, mais le fonctionnaire ne s’en est pas prévalu.

116 En ce qui concerne le redressement demandé, la représentante de l’employeur a soutenu qu’il n’y avait pas lieu d’accorder des dommages, puisque l’employeur n’avait jamais nié son obligation de prendre des mesures d’adaptation et avait consenti des efforts afin d’offrir de telles mesures au fonctionnaire. Elle a soutenu que, par conséquent, il y avait lieu de rejeter le grief.

C. Réplique du fonctionnaire

117 Le représentant du fonctionnaire a réitéré les éléments principaux de son argumentation. Il a passé en revue la jurisprudence à laquelle m’a renvoyée la représentante de l’employeur. Il a soutenu que l’employeur n’avait jamais analysé les composantes essentielles du poste de vérificateur sur le terrain et n’avait jamais entrepris d’évaluer ce que le fonctionnaire pouvait ou non soulever ou transporter. Il n’était dès lors pas surprenant que le fonctionnaire se soit découragé et ait décidé de retourner à son ancien poste au service du recouvrement.

IV. Analyse et décision

118 À mon avis, cette affaire m’apparaît relativement simple au plan du droit, mais plutôt complexe sur le plan des faits. Partant, je ne vois pas la nécessité de répéter ici la jurisprudence et la doctrine auxquelles les représentants respectifs des parties m’ont renvoyé.

119 Afin d’établir que l’employeur avait manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation (sans m’étendre sur la question des contraintes excessives), le fonctionnaire devait établir en preuve ce qui suit, à savoir :

a. qu’il était atteint d’une invalidité l’empêchant d’exercer une ou plusieurs des fonctions essentielles de son poste;

b. qu’il avait avisé l’employeur de l’existence de son invalidité;

c. que l’employeur avait manqué à son obligation de prendre les mesures d’adaptation qui s’imposaient en l’espèce.

120 Il est également évident qu’un employé demandant une mesure d’adaptation en raison de son invalidité a l’obligation de collaborer avec l’employeur à la recherche d’une mesure d’adaptation convenable.

121 Ces trois éléments sont interreliés et j’en traiterai donc concurremment.

A. L’invalidité et son incidence sur la capacité du fonctionnaire à exercer les fonctions essentielles du poste de vérificateur sur le terrain

122 La première obligation du fonctionnaire consistait en l’espèce à établir qu’il était atteint d'une invalidité. J’accepte la preuve qu’il pouvait ressentir de la douleur à l’occasion. J’accepte également que, de temps à autre, certaines activités physiques – selon leur degré et leur nombre – pouvaient lui occasionner de la douleur ou augmenter la douleur qu’il pouvait ressentir.

123 Mais cela n’est pas suffisant en soi pour établir en preuve l’existence d’une invalidité. Une invalidité n’existe que lorsqu’un état physique ou mental particulier empêche un individu d’accomplir une partie importante de ses fonctions. Ainsi, à titre d’exemple, la perte du petit doigt peut constituer une invalidité pour un joueur de harpe, mais non pour une manœuvre.

124 Le fait qu’une personne ressente de la douleur à certaines occasions ne suffit pas pour établir l’existence d’une invalidité. L’expérience de la douleur est subjective et variable. La douleur est, dans une certaine mesure, une composante de l’existence d’un grand nombre de personnes sans pour autant constituer une invalidité. On a souvent entendu que ce monde était une vallée de larmes. Par ailleurs, la télévision regorge d’annonces d’analgésiques de tous genres. On retrouve sur les tablettes des pharmacies une panoplie de produits destinés à soulager différents types de douleurs causées par différentes activités. Tout cela ne fait que renforcer cette vérité générale voulant que le fait de souffrir de la douleur n’est pas en soi la preuve de l’existence d’une invalidité. L’existence de la douleur n’est pour ainsi dire qu’une première phase dans l’établissement de l’existence d’une invalidité, mais n’est pas pour autant concluante à cet égard. La personne prétendant être atteinte d’une invalidité en raison de la présence d’une douleur doit aussi établir, selon la prépondérance des probabilités, que cette douleur est telle qu’il serait déraisonnable de s’attendre à ce que cette personne soit capable d’accomplir les activités qui lui occasionnent cette douleur.

125 Dans le cadre de cet exercice, la crédibilité de l’employé, du moins quant à la nature et à l’ampleur de la douleur ainsi ressentie, est nécessairement en jeu. La douleur est subjective. Il n’existe pas d’examen véritablement objectif et externe permettant d’évaluer la douleur effectivement ressentie par l’individu. Certes, l’observation objective de l’individu alors qu’il ou elle accomplit une activité peut donner certaines indications, mais cela dépend en dernière analyse du récit-même de l’individu en cause.

126 Le fait que l’employeur semble avoir accepté que l’état du fonctionnaire était tel qu’il nécessitait des mesures d’adaptation n’est pas non plus suffisant en soi pour relever le fonctionnaire de son obligation d’établir en preuve l’existence d’une invalidité. Un arbitre de grief n’est pas tenu d’en arriver aux mêmes conclusions que les parties dans le cadre du différend qui les oppose. Les parties fondent leurs décisions sur de l’information qui peut parfois être incomplète. Elles peuvent prendre des décisions pour des motifs autres que les faits dont ils disposent pour ce faire. À titre d’illustration, un employeur peut choisir d’acquiescer à une demande d’un employé en lui accordant le bénéfice du doute, ou encore afin de maintenir son ardeur au travail ou des relations de travail harmonieuses. Mais lorsqu’une affaire est rendue à l’arbitrage, le fonctionnaire s’estimant lésé est tenu d’établir en preuve tous les éléments requis pour établir le bien-fondé de son grief, à moins d’une admission en bonne et due forme à cet égard, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire.

127 Je reviens maintenant à la question du seuil à établir : Est-ce que le fonctionnaire était, de fait, incapable en raison de sa douleur ou de son état physique, ou des deux, d’exercer les fonctions de vérificateur sur le terrain de groupe et niveau AU-01? Le fonctionnaire a soutenu qu’il en était incapable. Or, à mon avis, le fonctionnaire n’a pas établi qu’il était incapable d’exercer ces fonctions, à tout le moins lorsqu’il pouvait se prévaloir d’une mesure d’adaptation sous la forme du recours à un porte-documents de vérification plus léger (ou muni de roulettes) et à un ordinateur portable plus léger.

128 Il est ici fondamental de noter qu’en 2005, le fonctionnaire n’a jamais effectivement réalisé une vérification sur le terrain en utilisant le porte-documents plus léger et l’ordinateur portable plus léger qui lui avaient pourtant été fournis. S’il l’avait fait, il y aurait au moins quelque fondement objectif quant à sa prétention voulant que son état de santé, la douleur qu’il ressentait ou les restrictions physiques qu’il pouvait avoir, nuisaient de façon importante à sa capacité d’accomplir les activités qu’il devait réaliser dans l’exercice de ses fonctions de vérificateur sur le terrain.

129 Le fonctionnaire a voulu combler l’écart créé par l’absence d’une preuve directe à cet égard en se fondant plutôt sur son propre témoignage voulant qu’il avait lui-même réalisé une épreuve attestant de ce fait. Tel que mentionné précédemment, il a témoigné qu’il avait rapporté chez lui le porte-documents de vérification et l’ordinateur portable et les avait transportés en montant et en descendant des escaliers. Il a affirmé que la douleur qu’il avait alors ressentie indiquait qu’il n’était pas capable d’accomplir les activités requises dans le cadre d’une vérification sur le terrain.

130 La difficulté réside ici dans le fait que tout ce que cela démontre c’est, au mieux, qu’il ne pouvait accomplir l’activité qu’il avait choisie lui-même d’accomplir, et non qu’il ne pouvait pas l’effectuer dans l’exercice de ses fonctions. Je reconnais qu’il se pouvait que les deux activités soient similaires, mais aucune preuve n’a démontré qu’elles étaient effectivement identiques.

131 Cette problématique est exacerbée par le fait que je ne peux que me fier à la parole du fonctionnaire selon laquelle il a effectivement fait ce qu’il a affirmé avoir fait. Et je me dois d’ajouter que je n’ai pas trouvé le fonctionnaire digne de foi en ce qui a trait à la description de la nature et de l’ampleur de ses restrictions physiques, et ce pour diverses raisons.

132 En premier lieu, il y a le fait que le fonctionnaire a choisi de réaliser sa propre épreuve, au lieu de réaliser ou de tenter de réaliser une vérification sur le terrain comme tel. L’explication qu’il a donnée de ce choix, soit qu’il craignait de ne pas être capable de transporter le porte-documents au bureau du contribuable puis de le ramener, m’apparaît illogique. Selon ses dires, l’épreuve qu’il aurait réalisée avait pour but de reproduire les activités qu’il aurait à accomplir lors d’une vérification sur le terrain. En d’autres termes, il aurait tenté de faire chez lui ce qu’il aurait été appelé à faire pendant son travail. Mais si cela était vraiment son intention, alors pourquoi ne pas simplement le faire en se rendant à une vérification sur le terrain?

133 Deuxièmement, et ceci découle du premier point, il y avait cette insistance étrange il me semble, tout au long de l’audience, qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’il réalise ou même tente de réaliser une vérification sur le terrain sans tout d’abord avoir subi une évaluation de ses capacités fonctionnelles. Certes, le fonctionnaire lui-même était le meilleur juge de ce qu’il pouvait ou non soulever, et certes la meilleure épreuve à cet effet était de tenter d’accomplir justement l’activité pouvant permettre d’en juger. Or, pendant toute la période pertinente, le fonctionnaire a tout fait sauf essayer de réaliser une vérification sur le terrain en utilisant le matériel modifié qui lui avait été fourni à cette fin.

134 Troisièmement, et abordant maintenant la question de l’évaluation de ses capacités fonctionnelles, on ne peut s’empêcher de constater que, malgré l’effort peu convaincant du fonctionnaire, sa capacité de soulever et de transporter des objets a néanmoins été observée comme étant à l’intérieur de ce qu’il serait appelé à soulever ou transporter en réalisant une vérification sur le terrain. La seule preuve objective devant moi, outre le simple ouë-dire du fonctionnaire quant à l’opinion à cet égard de son ami haltérophile, est que le poids combiné du porte-documents de vérification et de l’ordinateur portable était d’environ 15 livres, tout au plus. Or, il a été établi dans le rapport d’évaluation de ses capacités fonctionnelles que le fonctionnaire, même en y consacrant peu d’efforts, était capable de soulever et de transporter des objets de ce poids en montant et en descendant un escalier.

135 Il appert à la lecture du rapport d’évaluation des capacités fonctionnelles du fonctionnaire que les efforts consacrés par celui-ci lors des épreuves [traduction] « […] témoignent d’un niveau d’effort autolimité ou varié ». En d’autres termes, le fonctionnaire n’y avait pas consacré autant d’efforts que les épreuves objectives l’auraient nécessité. Il y est notamment indiqué qu’il se pouvait que [traduction] « […] la douleur ou son appréhension ait empêché le client de fournir un effort maximal […] » Plus loin, il y est précisé que ce comportement d’autolimitation pouvait aussi signifier que [traduction] « […] ses capacités réelles soient supérieures à celles qu’il a démontrées [le jour des épreuves] ».

136 Quatrièmement, je n’ai pas été très impressionné par l’accent mis par le fonctionnaire sur des scénarios improbables au soutien de sa prétention qu’on ne pouvait s’attendre à ce qu’il ose même tenter de réaliser les activités attendues d’un vérificateur sur le terrain. Tout au long de l’audience, le fonctionnaire a cherché à justifier son refus de tenter d’accomplir des activités qu’il aurait normalement été appelé à accomplir, en évoquant des événements potentiels, mais peu probables qui auraient pu lui rendre plus difficile la tâche de transporter le porte-documents de vérification et l’ordinateur portable au bureau d’un contribuable. Ainsi, le fonctionnaire a mentionné à plusieurs reprises qu’il lui faudrait peut-être transporter le porte-documents dans les escaliers mécaniques du métro en cas de panne de courant ou sur plusieurs étages d’un édifice à bureau en cas de panne d’ascenseur. Il arrive effectivement que les escaliers mécaniques du métro ne fonctionnent pas mais la plupart du temps ils fonctionnent. Les édifices suffisamment hauts pour être dotés d’ascenseurs en ont généralement au moins deux; un qui fonctionne habituellement lorsque l’autre n’est pas en service. Et même s’il n’y avait qu’un ascenseur dans l’édifice, pourquoi partir avec la prémisse que l’ascenseur ne fonctionne pas avant même de se rendre sur place pour le constater? Pourquoi ne pas s’y rendre et, dans l’éventualité peu probable que le seul ascenseur ne fonctionne pas, décider de la suite des choses une fois rendu sur place? Ou encore, pourquoi ne pas appeler à l’avance pour savoir s’il y a un quelconque problème d’accès et puis, le cas échéant, simplement décider de se rendre à la place au bureau d’un autre contribuable cette journée-là? Ou encore, dans le pire des cas, pourquoi ne pas se trouver quelque chose d’autre à faire au bureau cette journée-là, étant donné que seulement cinquante pour cent du temps d’un vérificateur sur le terrain est consacré à des visites au bureau des contribuables?

137 En d’autres termes, le fait que le fonctionnaire aurait pu être empêché de se rendre au bureau d’un contribuable un jour donné ne permet pas d’établir qu’il n’était pas capable d’accomplir les activités d’un vérificateur sur le terrain un autre jour sinon la plupart des autres jours. L’insistance du fonctionnaire qu’un tel empêchement établissait ce fait était à la fois inconvenante et peu convaincante.

138 Cinquièmement, il y a lieu de constater que, à chaque fois que l’employeur a tenté de proposer une solution aux prétendues restrictions du fonctionnaire, ce dernier soit refusait de l’accepter, soit invoquait un autre problème, comme il l’a fait tant en 2003 qu’en 2005, où il a simplement renoncé à essayer et est retourné à son ancien poste. Ainsi, en septembre 2005, lorsque le fonctionnaire a exprimé des réserves quant à sa capacité de soulever et de transporter le porte-documents de vérification et l’ordinateur portable normalement fournis aux vérificateurs sur le terrain, l’employeur en a obtenu de plus légers. Mais le fonctionnaire n’a pas essayé de les utiliser pour réaliser une vérification sur le terrain. Tant le Dr Chernin que les auteurs du rapport d’évaluation des capacités fonctionnelles ont recommandé que le fonctionnaire utilise un porte-documents de vérification à roulettes. L’employeur a suivi cette recommandation, mais le fonctionnaire, après avoir effectué ses propres essais, a refusé d’utiliser un tel dispositif. Quand on lui a fourni un poste de travail ergonomique, il a rechigné à l’utiliser. Lorsqu’on lui a fourni un casque téléphonique, il ne l’a pas utilisé. Et, après avoir enfin obtenu la réalisation de l’évaluation de ses capacités fonctionnelles qu’il avait demandée avec insistance depuis le début, il n’a pas consenti les efforts raisonnables aux épreuves requises, puis a soulevé encore d’autres préoccupations rendant impossible pour lui d’accomplir les activités requises pour exercer les fonctions du poste visé.

139 Après avoir pris en compte tous ces facteurs, je ne suis pas convaincu que le fonctionnaire ne pouvait pas accomplir les activités requises sur le terrain d’un vérificateur sur le terrain de groupe et niveau AU-01 en utilisant à cette fin le porte-documents de vérification léger et l’ordinateur portable léger qui lui avaient été proposés par l’employeur. Ceci étant, je ne suis pas convaincu qu’il était atteint d’une invalidité au vu de la mesure d’adaptation qui lui a été proposée. Puisque le fonctionnaire n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, que son état (la douleur) l’empêchait d’exercer ses fonctions à titre de vérificateur sur le terrain, il en va tout autant qu’il n’a pas établi que son employeur avait manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard. Tout ce qu’il a pu établir c’est qu’il avait lui-même manqué à son obligation de collaborer dans le cadre du processus d’élaboration de mesures d’adaptation effectivement initié par l’employeur.

140 Ceci m’amène à aborder l’argument du représentant du fonctionnaire voulant qu’une fois produit le rapport d’évaluation des capacités fonctionnelles, l’employeur aurait dû mettre en place une mesure d’adaptation intérimaire quelconque en attendant l’autorisation médicale relative à l’état cardiaque du fonctionnaire. Je ne puis souscrire à cette proposition, car cela va à l’encontre de la preuve présentée dans cette affaire. En effet, l’employeur avait offert dès le départ une mesure d’adaptation intérimaire, que le fonctionnaire a refusé d’accepter. Le fait de suggérer que le fonctionnaire aurait dû être muté à un autre poste fait fi du fait que le poste pour lequel il avait postulé – et le poste pour lequel la mesure d’adaptation était nécessaire (dans la mesure où la prétention du fonctionnaire était recevable) – était un poste de vérificateur sur le terrain au groupe et niveau AU-01. Si le fonctionnaire était capable d’exercer ces fonctions à l’aide de la mesure d’adaptation offerte, alors c’était là le seul poste qu’il avait le droit d’occuper (en supposant qu’il satisfaisait par ailleurs les autres exigences de rendement pour ce poste). Jusqu’à ce que le fonctionnaire établisse qu’il n’était pas en mesure d’exercer les fonctions de ce poste malgré la mesure d’adaptation offerte, il n’avait pas le droit de prétendre à un autre poste que celui-là. Aussi, tel qu’observé préalablement, le fonctionnaire n’a pas établi ce fait fondamental.

141 À cet égard, je reconnais que certaines interventions de la part de la haute direction n’ont pas été particulièrement soucieuses de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Ainsi, la suggestion voulant que le fonctionnaire n’aurait pas dû poser sa candidature au poste de vérificateur sur le terrain au groupe et niveau AU-01 sachant qu’il avait des contraintes physiques rendant difficile pour lui l’accomplissement des fonctions requises était certes inconvenante. L’existence de contraintes ne doit pas être un empêchement à une promotion ou à l’avancement de la carrière d’un individu. Cela ne devient problématique que lorsqu’il s’avère impossible de prendre des mesures d’adaptation sans que cela n’occasionne des contraintes excessives. Par contre, je suis convaincu que l’employeur, en tant qu’organisme dans son ensemble, a dûment tenté de satisfaire les demandes du fonctionnaire en regard de ses contraintes physiques. L’employeur a consenti des efforts de bonne foi tant afin de saisir la nature des contraintes du fonctionnaire que d’élaborer des mesures d’adaptation. La véritable lacune résidait plutôt dans le fait que le fonctionnaire ait refusé de participer au processus d’adaptation ou d’y donner l’occasion de réussir.

142 Tout cela m’amène à une conclusion subsidiaire. Je suis convaincu, à partir de l’ensemble de la preuve présentée, que le fonctionnaire n’était pas intéressé à obtenir des mesures d’adaptation au poste de vérificateur sur le terrain. Il a tenté d’utiliser l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation afin de se prévaloir d’un autre poste. Or, un employé, invalide ou non, n’est pas en droit de dicter à l’employeur le choix du poste visé par une mesure d’adaptation lorsque plus d’un poste est disponible. Puisque le fonctionnaire n’a fait aucun effort pour collaborer au processus visant à établir si des mesures d’adaptation pouvaient être prises relativement au poste de vérificateur sur le terrain, il n’avait aucun droit de demander qu’on lui confie un autre poste que celui-là.

143 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

144 Le grief est rejeté.

Le 27 mai 2013.

Traduction de la CRTFP

Augustus Richardson,
arbitre de grief

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