Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont allégué que l’employeur avait violé une clause de la convention collective, laquelle prévoit que, sur demande écrite, un exposé complet et courant des fonctions liées à son poste soit remise à un employé - l’arbitre de grief a rejeté le grief - il incombait aux fonctionnaires s’estimant lésés de démontrer que leur description de travail respective n’était pas complète et courante - le terme <<courant>> dans la convention collective doit être interprété en tenant compte du libellé de cette clause - la période visée était comprise entre le 1 er septembre 2004, lorsque les fonctionnaires s’estimant lésés ont rejeté par écrit les descriptions de travail, et le 6 juin 2005, date à laquelle les griefs ont été présentés - il n’est pas nécessaire qu’une description de travail contienne une liste détaillée des activités exercées dans le cadre d’une fonction particulière - une description de travail peut être modifiée de manière à tenir compte notamment du degré de complexité d’une tâche, si cela est un facteur déterminant - pour conclure que le libellé décrivant les tâches est inadéquat, il faut démontrer à l’aide de preuve quels sont les divers niveaux de complexité du travail et la norme à l’égard de laquelle il est possible de les évaluer - il n’y avait aucune preuve démontrant que les tâches accomplies étaient plus complexes que leur description l’indiquait ou qu’elles nécessitaient qu’on y apporte des précisions - même s’il y avait des éléments probants concernant une formation sur le fonctionnement des systèmes, cette formation était un événement ponctuel qui n’était habituellement pas requis - des éléments de preuve ont été présentés au sujet de la manutention de marchandises dangereuses à une occasion très récente - l’argument des fonctionnaires s’estimant lésés relatif au chevauchement de leur travail avec un employé CR-05 n’a pu être étayé, car il y avait peu de preuves relatives aux tâches d’un employé CR-05, et lorsqu’il était en congé, ses tâches étaient réparties entre différentes personnes - de plus, il n’y avait aucun élément de preuve démontrant que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient fourni des conseils ou en quoi cela était différent du fait de fournir des renseignements ou des options, ce qui faisait partie des tâches figurant dans leur description de travail - un parallèle peut être établi avec l’interprétation législative du terme <<ou>> dans la description de travail, utilisé pour joindre des activités clés et, en l’espèce, il faut lui accorder une fonction conjonctive pour éviter un résultat absurde. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-06-13
  • Dossier:  566-02-2773 et 2774
  • Référence:  2013 CRTFP 69

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JOSEPH BELLIVEAU ET ESTHER SINNESAEL

fonctionnaire s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire)

employeur

Répertorié
Belliveau et Sinnesael c. Conseil du Trésor (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John G. Jaworski, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Jacek Janczur, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Nancy Paradis, avocate

Affaire entendue à London (Ontario),
du 26 au 28 février 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1  Joseph Belliveau et Esther Sinnesael, les fonctionnaires s’estimant lésés, (les « fonctionnaires ») étaient, pendant toute la période pertinente, au service du ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire (l’« employeur »). Au moment de la présentation de leurs griefs, les deux fonctionnaires travaillaient au groupe et au niveau CR-04 à l’établissement de l’employeur situé à Delhi (Ontario).

2 Le 10 juin 2005, les fonctionnaires ont chacun présenté un grief, alléguant que l’employeur avait violé l’article 54 de leur convention collective, en particulier que l’employeur avait manqué à son obligation de leur fournir une description de travail complète et courante.

3 Le grief a été rejeté aux deux premiers paliers de la procédure de règlement des griefs. Il a toutefois été accueilli en partie au troisième palier, et un addenda a été ajouté (l’« addenda »). Insatisfaits des changements, ils ont renvoyé l’affaire à l’arbitrage.

II. Résumé de la preuve

4 Quatre documents ont été produits sur consentement : la description de travail de chacun des fonctionnaires, un organigramme, et un document intitulé [traduction] « Modèle de description de travail, adjoint/adjointe aux finances et à l’approvisionnement, décision 35017, classification CR-05 » (la « description de travail du poste CR-05 »).

5 Les descriptions de travail de chacun des fonctionnaires étaient identiques, sauf pour la page de signature.

6 L’employeur gère 21 centres de recherche répartis dans tout le pays, dont le Centre de recherches du Sud sur la phytoprotection et les aliments (le « CRSPA »), situé dans le sud-ouest de l’Ontario, qui compte trois bureaux, situés à London, à Vineland et à Delhi. Au moment de la présentation des griefs, le CRSPA comptait un effectif d’environ 130 employés à temps plein.

7 Les fonctionnaires travaillaient au sein de l’Équipe de gestion des biens, une section spécialisée du CRSPA. Au moment de la présentation des griefs, l’Équipe de gestion des biens comptait 24 employés. L’organigramme indique que M. Belliveau occupe un poste de commis aux comptes et aux approvisionnements, et que Mme Sinnesael occupe un poste de commis au soutien administratif. Au moment de la présentation des griefs, les deux fonctionnaires relevaient de Eldon Ashby, un agent administratif, du bureau de Delhi. M. Ashby a pris sa retraite en 2008; à partir de ce moment, les fonctionnaires ont relevé de Ruth Loewen, agente administrative au bureau de Vineland. M. Ashby et Mme Loewen relevaient tous les deux de Richard Leduc, gestionnaire des services intégrés pour l’Équipe de gestion des biens; il était rattaché au bureau de London. M. Leduc a pris sa retraite en juin 2010.

8 John Porter était commis aux finances au sein de l’Équipe de gestion des biens, un poste au groupe et au niveau CR-05, et il était rattaché au bureau de London. Il n’est pas clair à quelle date M. Porter a cessé de travailler au sein de l’Équipe de gestion des biens; il semble toutefois y avoir consensus qu’il serait décédé au cours de l’année 2009.

9 L’Équipe de gestion des biens fournissait des services de soutien aux activités menées par le personnel scientifique et les chercheurs du CRSPA. Ces services se déclinaient en diverses activités, touchant à divers domaines dont l’administration financière, la gestion des locaux, la gestion du parc automobile, les stocks, les ressources humaines et les achats. L’Équipe de gestion des biens était chargée de satisfaire aux divers besoins des scientifiques et des chercheurs dans l’accomplissement de leurs travaux. L’équipe s’occupait, entre autres, du paiement des installations opérationnelles et des ressources requises, notamment l’achat de matériel neuf, la réparation de l’équipement, les démarches requises pour construire ou rénover les installations et les ressources humaines. Il pouvait s’agir d’activités simples, telles que l’achat de stylos et de papier, et le paiement des redevances des services publics, ou alors d’activités plus complexes, comme la coordination de la construction d’un nouveau bâtiment ou l’achat d’un appareil cher.

10 M. Belliveau est entré dans la fonction publique en mai 1982 en tant que commis aux finances et aux approvisionnements, au groupe et au niveau CR-03. Il est passé au groupe et au niveau CR-04 en 1984. Il a passé toute sa carrière au service du CRSPA. M. Belliveau a décrit le travail qu’il effectuait à l’établissement de Delhi, une ferme expérimentale. Il y était surtout chargé des comptes créditeurs et des comptes débiteurs, de la gestion de la petite caisse, et de la garde en lieu sûr et de la remise des chèques de paie. Il n’accomplissait pas d’activités relevant du domaine des ressources humaines. M. Belliveau a été réinstallé au bureau de London en juillet 2012.

11 Mme Sinnesael est entrée dans la fonction publique en novembre 1984, travaillant au début à titre de dactylographe au groupe et au niveau OCE-3. Elle a travaillé pendant un certain temps au service du soutien informatique, puis en 2000 elle s’est réinstallée à Delhi, y occupant un poste de CR-04 à temps plein, fournissant un soutien administratif au bureau de London. Elle a dit que son travail consistait à régler les achats et les paiements. Mme Sinnesael a pris sa retraite en décembre 2012.

12 M. Belliveau a décrit la méthode de traitement des comptes débiteurs et des comptes créditeurs. Il a décrit les systèmes informatiques utilisés dans la gestion financière, y compris le [traduction] « projet des comptes débiteurs commerciaux » ainsi que le système « SATURN ».

13 M. Belliveau a également décrit ses activités dans le cadre du processus d’approvisionnement du CRSPA. Les approvisionnements se faisaient au moyen de bons de commande, de commandes subséquentes à une offre permanente, ou par l’établissement d’un contrat de services professionnels, selon le cas. Il fallait remplir des formulaires ou des documents différents selon le type de bien en cause, y attribuer un code particulier, et les saisir dans le système de gestion financière informatisé.

14 Il ressort clairement de la preuve recueillie que la plus grande partie du travail effectué par les fonctionnaires avait trait au traitement financier des achats.

15 M. Belliveau et M. Leduc ont tous les deux décrit le processus d’achat. Ils m’ont fourni divers exemples des types d’achats effectués. Tous les achats et les paiements effectués nécessitaient la tenue de dossiers financiers, tant sur support papier qu’électronique. Le type d’achat dictait le type de la documentation requise et son ampleur. Pendant que les fonctionnaires traitaient la documentation relative aux factures et aux paiements, le chèque était envoyé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC).

16 M. Belliveau a expliqué qu’au fil des ans le système de commande et de facturation, d’expédition, de réception et de paiement était devenu de plus en plus technique et informatisé. Il a précisé qu’au début on utilisait seulement quelques codes pour traiter les diverses opérations financières, et qu’au moment de la présentation des griefs on disposait d’une palette de quelque 60 à 70 codes différents pour traiter les opérations, selon leur type.

17 M. Belliveau a témoigné que vers les années 1999-2000, le système informatisé de gestion financière SATURN a été mis en place. Il a été envoyé pour une formation d’une semaine sur le fonctionnement de ce système. Il a dit qu’il utilise le système SATURN tous les jours dans le cadre de son travail.

18 Mme Sinnesael a également témoigné quant à son recours au système SATURN et aussi à un autre système, dénommé « Enterprise ». Elle a décrit chacun de ces systèmes et expliqué comment les deux systèmes pouvaient fournir des informations similaires au sujet de diverses opérations financières et servir à produire différents types de rapports financiers.

19 Le CRSPA est doté d’un budget, au sujet duquel on ne m’a pas fourni davantage de précisions. Il suffit toutefois de dire que divers personnes et groupes au sein du CRSPA sont responsables de différents éléments du budget global et disposent du pouvoir de dépenser les sommes qui leur sont accordées. La capacité d’achat dépend des besoins, du pouvoir de dépenser et de l’enveloppe budgétaire. M. Leduc a témoigné qu’en plus de lui-même, les titulaires dotés d’un budget et du pouvoir de dépenser au CRSPA étaient notamment les directeurs des centres et les chercheurs (des scientifiques ou des techniciens, selon le cas).

20 Il ressort clairement des témoignages qu’une partie du budget était consacrée à certaines dépenses fixes récurrentes, par exemple les services publics et les frais d’entretien. Ces paiements réguliers devaient être comptabilisés dans le système de gestion financière; il fallait également traiter les factures et les paiements.

21 Lorsqu’une personne ayant un budget décidait qu’il fallait effectuer un achat quelconque, il lui revenait d’établir les spécifications de l’achat envisagé. Selon le type d’achat prévu, il pouvait y avoir des consultations avec d’autres personnes, groupes ou services, notamment des experts en la matière, pour établir les spécifications en question. En bout de ligne, le titulaire du budget était responsable de la manière dont le budget était dépensé. Selon le type et la valeur du bien acheté, il fallait se conformer aux règles ou aux directives d’usage à cet égard.

22 Tant M. Belliveau que M. Leduc ont donné des exemples d’opérations d’achat. Il ressort clairement de la preuve que les fonctionnaires intervenaient dans le processus d’achat.

23 M. Leduc a décrit en outre un exemple d’une opération d’achat complexe. Il a expliqué les modalités de présentation de la demande, de l’établissement des spécifications par le ou les chercheurs, selon le cas, ainsi que la gestion du processus suivi, à partir de l’appel d’offres initial pour le produit jusqu’à la rédaction et la conclusion du contrat d’achat et de vente. Les chercheurs (ayant besoin du matériel en question) préciseraient les besoins et les exigences; M. Leduc et M. Ashby établiraient les parties essentielles du contrat écrit. Les fonctionnaires devaient alors inscrire les informations dans la documentation pertinente et saisir ces informations dans le système de gestion financière informatisé. Le processus comprenait notamment l’inscription de certaines informations contractuelles dans la documentation normalisée pertinente, ainsi que le codage. S’ensuivait la réception des factures et le traitement éventuel du paiement.

24 Selon M. Leduc, la personne chargée de s’assurer de la conformité des spécifications du produit ou du service visé, lors de sa livraison, était la personne l’ayant commandé.

25 Les fonctionnaires ne possédaient pas de pouvoirs délégués prévus à l’article 32 ou 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (la « LGFP »).

26 M. Belliveau et M. Leduc ont tous les deux décrit un cas particulier que l’on a dénommé [traduction] « l’incident des bleuets ». M. Belliveau a précisé qu’il s’agissait d’un problème épineux nécessitant une solution en matière d’établissement de contrat et d’achat. Un chercheur avait passé une entente avec un agriculteur prévoyant le paiement à ce dernier d’une certaine somme en contrepartie du droit d’effectuer des essais en champ d’un produit sur certaines cultures sur les terres du fermier. Malheureusement, le produit mis à l’essai s’est retrouvé dans d’autres champs situés sur les terres de l’agriculteur (à l’extérieur du lieu prévu pour les essais), entraînant la contamination d’une bleuetière. La solution a consisté en l’achat par le CRSPA des bleuets contaminés. M. Belliveau a alors décrit son rôle dans l’établissement du bon de commande pour l’achat des bleuets en question. Il ne m’a pas précisé l’époque à laquelle l’incident s’est produit.

27 M. Leduc a également évoqué l’incident des bleuets. Il a affirmé qu’il n’était pas rare à une certaine époque (antérieure à 2004 selon son souvenir) pour les chercheurs de conclure des ententes souvent informelles avec des propriétaires fonciers en vertu desquelles il leur était permis de procéder à des travaux de recherche sur des terres n’appartenant pas au CRSPA. Il arrivait parfois, comme dans le cas précité des bleuets, que lors de l’épandage d’un produit, le vent ou la pluie provoquent la contamination des terres et des cultures avoisinantes par le produit, engageant la responsabilité civile éventuelle de l’État. M. Leduc n’a pas remis en cause l’existence de l’incident des bleuets décrit par M. Belliveau ni le fait que ce dernier ait participé à sa résolution. Il a cependant décrit l’incident comme étant une situation beaucoup plus épineuse et complexe, nécessitant que l’Équipe de gestion des biens conclue des baux fonciers ou des contrats de location avec des propriétaires fonciers et des agriculteurs afin de protéger le CRSPA et l’État contre d’éventuelles poursuites en responsabilité. Il a précisé qu’à compter de 2004, il était responsable de l’établissement de tous les baux fonciers et contrats de location relativement aux recherches menées sur des terres qui n’appartiennent pas au CRSPA

28 M. Belliveau a témoigné au sujet des demandes de remboursement de frais de déplacement qu’il devait traiter, soulignant la complexité de certaines de ces demandes, puisqu’un seul voyage pouvait comporter des déplacements dans plusieurs pays, compliquant le traitement de ces demandes selon les pays visités et les dépenses dont le remboursement était réclamé. Les indemnités, les allocations quotidiennes et les taux de change pouvaient tous être différents. M. Belliveau a souligné que les fonctionnaires tentaient de régler ces demandes de remboursement dans les meilleurs délais pour éviter que les personnes en cause ne se trouvent pas à court d’argent.

29 M. Belliveau a affirmé qu’il y avait un grand nombre de codes et que cela allongeait le temps d’exécution des tâches des fonctionnaires. Il a indiqué que, par exemple, lorsqu’ils devaient remplir la documentation requise pour procéder à un achat, les chercheurs, scientifiques ou techniciens devaient se servir d’un grand nombre de codes différents, et il devait donc leur fournir des informations à cet égard et les corriger, au besoin, afin que le codage soit celui qui convenait pour qu’il puisse effectuer l’achat.

30 M. Belliveau a témoigné que lui et Mme Sinnesael étaient les premiers points de contact à Delhi pour l’expédition et la réception de marchandises, notamment de matières dangereuses. Ils étaient tenus de suivre la formation sur la manutention des marchandises dangereuses et de suivre des cours de recyclage en la matière. M. Belliveau a affirmé qu’étant donné la nature des activités du CRSPA, il n’était pas rare que des produits chimiques de toutes sortes soient envoyés à divers endroits et aussi renvoyés de ces divers endroits vers d’autres destinations. Il a souligné qu’une telle formation s’imposait, non seulement pour la sécurité des personnes du service chargées de la manutention des colis, mais également pour ceux qui reçoivent les envois. L’étiquetage conforme était particulièrement essentiel à la sécurité des personnes chargées de la manutention de ces produits au départ de l’envoi.

31 M. Belliveau a confirmé en contre-interrogatoire, et M. Leduc a affirmé lors de son témoignage, que tous les employés recevaient une formation en manutention des matières dangereuses et devaient suivre des cours de recyclage en la matière tous les deux ans. En contre-interrogatoire, M. Belliveau a témoigné qu’il n’avait jamais demandé ni reçu l’indemnité prévue à l’article 64 de la convention collective, laquelle se lit comme suit :

Un employé-e certifié aux termes de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses à qui est confié la responsabilité d’emballer et d’étiqueter des marchandises dangereuses pour le transport conformément à la Loi, doit recevoir une indemnité quotidienne de trois dollars et cinquante (3,50 $) pour chaque jour où ils doivent emballer et étiqueter des marchandises dangereuses pour le transport, jusqu’à concurrence de soixante-quinze dollars (75 $) par mois, pour chaque mois au cours duquel il ou elle conserve cette certification.

32 M. Belliveau a donné un exemple où il a manutentionné une expédition de marchandises dangereuses. Cependant, l’exemple était très récent, puisque c’était après sa mutation à London, pendant le remplacement par le fonctionnaire, à l’occasion de la fête de Noël, de son collègue de travail qui était chargé habituellement de la manutention des marchandises dangereuses.

33 Par ailleurs, il arrivait souvent que les chercheurs embauchent des étudiants, payés à même le budget du chercheur. Ce type de paiement est appelé une allocation. On m’a présenté des preuves sur la manière dont les fonctionnaires traitaient le versement des allocations.

34 On m’a expliqué le recours aux pièces de journal, des pièces servant à enregistrer la contrepassation d’écritures de dépenses d’un poste codé à un autre dans les livres comptables. On se servait de ces pièces de journal, entre autres, lorsqu’une erreur nécessitant une contrepassation était décelée.

35 Un autre exemple du recours aux pièces de journal m’a été donné, cette fois pour l’achat d’équipement ou de matériel nécessitant la mise en commun de ressources financières provenant du budget. Cela compliquait la comptabilisation du bien ainsi acquis. M. Belliveau a donné l’exemple de l’achat d’un appareil cher qui intéresserait plusieurs chercheurs. Un chercheur à lui seul ne dispose pas d’un budget suffisant pour acquérir l’article en question, alors les ressources sont mises en commun pour pouvoir procéder à l’achat. Il a indiqué que, bien que plusieurs codes différents soient requis pour traiter l’opération, le système comptable n’utilise qu’une ligne de code. Les fonctionnaires devaient donc recourir à des pièces de journal pour comptabiliser adéquatement la transaction dans le système.

36 M. Belliveau a témoigné au sujet des interactions que les fonctionnaires devaient avoir avec d’autres ministères ou organismes de l’extérieur du gouvernement. Ainsi, à titre d’exemple, ils devaient communiquer avec des fournisseurs pour obtenir des propositions de prix des différents produits dont l’achat était envisagé, ou encore obtenir une prolongation des délais pour régler des factures.

37 Tant M. Belliveau que Mme Sinnesael ont témoigné qu’il n’était pas rare que des erreurs se produisent dans la documentation financière, et que ces erreurs devaient être corrigées. Ils ont décrit diverses façons dont des erreurs pouvaient se produire, puis comment ils devaient les corriger. Dans la preuve, il y avait un certain désaccord au sujet du pouvoir de chacun de corriger des erreurs de manière autonome. M. Belliveau a témoigné que lorsqu’il découvrait une erreur, en général, il la corrigeait et en avisait parfois ensuite la partie ayant commis l’erreur, mais pas toujours. M. Leduc a témoigné que M. Belliveau était chargé de relever les erreurs et de les signaler, mais non de les corriger à moins d’en avoir obtenu l’autorisation.

38 Les fonctionnaires m’ont expliqué leurs responsabilités au niveau de la vérification de la conformité. Ils m’ont également expliqué qu’ils devaient mutuellement vérifier leur travail, afin de s’assurer qu’il n’y avait pas d’erreur et de réduire la probabilité d’erreur. Cela s’ajoutait à leurs responsabilités consistant à s’assurer que la documentation comportait les informations pertinentes et exactes, notamment que les bons codes y avaient été inscrits, avant de saisir ces informations dans le système de gestion financière informatisé.

39 Les fonctionnaires ont témoigné qu’ils devaient produire plusieurs rapports et vérifier l’exactitude des informations qu’ils contenaient.

40 M. Belliveau a témoigné au sujet d’un type d’erreur particulier, où le prix indiqué sur le bon de commande pour un bien ou un service ne correspond pas au montant de la facture à régler. L’exemple donné concernait une réparation autorisée au devis proposé. Pendant la réparation, on s’est rendu compte qu’il fallait faire d’autres travaux, et on les a faits. Lorsque la facture a été présentée pour règlement, soit qu’il n’y avait pas suffisamment de fonds dans le budget pour payer les travaux effectués, soit que la personne ayant autorisé l’entrepreneur à procéder aux travaux ne disposait pas du pouvoir nécessaire pour faire la modification. M. Belliveau m’a alors expliqué le rôle des fonctionnaires pour s’assurer d’obtenir le pouvoir au niveau requis et que le paiement approprié soit effectué et dûment comptabilisé.

41 M. Belliveau m’a expliqué que les fonctionnaires devaient bien connaître la LGFP et les dispositions pertinentes d’autres textes de loi et directives, notamment celles établies par l’employeur et celles prescrites par TPSGC. Ils devaient aussi connaître plusieurs accords commerciaux. Ils devaient également être au courant des principes comptables généralement reconnus et savoir comment se servir de divers logiciels, en particulier du programme employé pour les transactions financières.

42 M. Belliveau a indiqué qu’il avait participé en 1999-2000 au groupe de travail chargé de l’élaboration du programme SATURN. Il a ajouté qu’il avait également participé à une séance d’une journée à Guelph dans le cadre de discussions sur la réorganisation du CRSPA.

43 Les deux fonctionnaires ont raconté dans leur témoignage comment, de leur commune initiative, ils ont élaboré un formulaire permettant de faciliter certains aspects du processus d’achat. Le formulaire qu’ils ont conçu a été adapté de manière à pouvoir être utilisé par les systèmes informatiques, et demeure toujours en usage chez l’employeur. Ils ont également tous les deux témoigné au sujet d’un formulaire élaboré par Mme Sinnesael servant au traitement des paiements par MasterCard.

44 Mme Sinnesael a témoigné au sujet d’une occasion en 2009 où elle avait découvert et signalé une situation de conflit d’intérêts à son superviseur.

45 M. Belliveau a reconnu en contre-interrogatoire que les fonctions suivantes, qui ne figurent pas dans sa description de travail, se sont ajoutées du fait de l’addenda :

  • recueillir le courrier;
  • recevoir et distribuer les chèques;
  • traiter les paiements de la carte d’achats;
  • recevoir les appels téléphoniques des visiteurs;
  • comptabiliser les opérations avec pièces de journal;
  • comptabiliser les engagements de fonds.

46 Les fonctionnaires n’exerçaient pas de fonction de supervision d’autres employés.

47 Selon les témoignages entendus, lorsque M. Porter était en congé, ses tâches étaient réparties parmi les autres membres de l’Équipe de gestion des biens, certaines de ces tâches étant affectées aux fonctionnaires. Les fonctionnaires ont témoigné que lorsqu’ils effectuaient des tâches normalement rattachées au poste de M. Porter, ils demandaient une rémunération d’intérim, sans toutefois qu’on leur accorde la rémunération d’intérim demandée, et qu’ils n’avaient présenté aucun grief contestant cette situation.

48 La description de travail du poste CR-05 n’a été reconnue par aucun des deux fonctionnaires; personne ne l’a signée non plus. Interrogé à ce sujet, M. Leduc a témoigné que cette description de travail ne visait aucun des postes de l’Équipe de gestion des biens et que ce n’était pas non plus la description de travail du poste de M. Porter.

49 La description de travail de M. Porter en tant que commis aux finances au groupe et au niveau CR-05, n’a pas été versée au dossier.

50 M. Leduc a été contre-interrogé au sujet de deux documents, lesquels n’ont toutefois pas été versés au dossier comme pièces car il ne les a pas reconnus et qu’ils n’avaient pas par ailleurs été présentés par d’autres témoins. Je leur ai attribué une cote uniquement aux fins de leur identification pendant que M. Leduc était interrogé sur leur teneur.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

51 La position des fonctionnaires est qu’en 2004 et 2005, et en ce qui a trait à M. Belliveau, jusqu’à ce jour, ils continuent à accomplir les tâches décrites plus à la rubrique [traduction] « Activités-clés » de la description de travail du poste CR-05. Ils demandent que j’ordonne à l’employeur de supprimer la rubrique [traduction] « Activités-clés » de leur description de travail et que je la remplace par le libellé de la rubrique [traduction] « Activités-clés » de la description de travail du poste CR-05.

52 Les fonctionnaires estiment qu’il n’était pas nécessaire qu’ils soient affectés à des tâches par l’employeur pour que ces tâches soient énoncées dans leur description de travail. S’ils accomplissent ces tâches, alors ces tâches devraient figurer dans leur description de travail.

53 Les fonctionnaires ont fait valoir que leurs descriptions de travail sont incomplètes telles qu’elles sont présentement rédigées en comparaison de la description de travail du poste CR-05. Ils ont soutenu que, selon leurs libellés actuels, leurs descriptions de travail minimisent le travail qu’ils effectuent. Les fonctionnaires ont affirmé qu’à la lecture de la rubrique [traduction] « Activités-clés » de leur description de travail, l’emploi du terme [traduction] « ou » a une fonction disjonctive, et laisse entendre que cela s’applique à un titulaire de poste qui n’accomplirait qu’une des différentes activités mentionnées dans cette rubrique. Selon les fonctionnaires, ils accomplissent toutes les tâches qui y sont énumérées.

54 Les fonctionnaires ont également souligné que leur description de travail omet d’indiquer qu’ils doivent avoir des études et posséder des connaissances en matière de comptabilité générale et de tenue de livres.

55 Ils soutiennent que leur description de travail ne reconnaît pas suffisamment le travail qu’ils accomplissent lorsqu’ils traitent les demandes et fournissent des conseils, des solutions et des démarches à effectuer dans le cadre des opérations d’achat, comme énuméré dans la description de travail du poste CR-05. Ils ont également fait valoir que les tâches qu’ils accomplissent lorsqu’ils examinent et vérifient les opérations financières, étudient et élucident les écarts et établissent les méthodes à suivre, ne figurent pas dans leur description de travail, mais sont énoncées dans la description de travail du poste CR-05.

56 Selon les fonctionnaires, l’énoncé de leurs descriptions de travail ne rend pas compte de la complexité du travail qu’ils effectuent, puisqu’on n’y précise pas :

  • qu’ils ont la responsabilité en matière de contacts;
  • qu’ils doivent traiter avec des fonctionnaires d’autres ministères et organismes gouvernementaux afin d’obtenir des renseignements ou de leur en fournir;
  • qu’ils doivent fournir des conseils et de l’assistance à des personnes au sein du CRSPA lorsque ces personnes ont besoin de conseils au sujet des achats et des contrats;
  • qu’ils doivent interpréter une panoplie de politiques et procédures, de lois et de règlements, dont les lignes directrices du Conseil du Trésor et l’Accord de libre-échange nord-américain;
  • qu’ils doivent fournir des renseignements et des conseils nécessitant qu’ils possèdent une bonne maîtrise des organismes centraux du gouvernement ainsi que des politiques ministérielles régissant les finances et l’approvisionnement.

57 Les fonctionnaires ont témoigné qu’ils travaillaient de manière autonome et qu’ils faisaient preuve d’initiative dans l’exercice de leurs fonctions. Ils traitaient couramment avec des personnes travaillant dans d’autres bureaux. Ils devaient résoudre divers problèmes nécessitant qu’ils établissent des procédures ou adaptent les procédures existantes. Ils ont cité à titre d’exemple de leurs aptitudes à la résolution des problèmes et de leur esprit d’initiative l’achat des bleuets dans une situation où les terres n’étaient pas prises à bail, de même la conception du document pour les achats par la carte MasterCard et la création du formulaire de demande électronique, ces documents étant dorénavant utilisés dans l’ensemble des services du CRSPA.

58 Les fonctionnaires ont soutenu que la description de travail du poste CR-05 était de toute évidence une description plus pertinente de leur travail, compte tenu de la facilité avec laquelle ils ont interagi avec M. Porter, titulaire du poste de CR-05 affecté à l’Équipe de gestion des biens et qui travaillaient dans plusieurs des mêmes domaines d’intervention que les fonctionnaires.

59 Le travail des fonctionnaires avait une incidence sur le respect des échéances et l’intégrité des services du CRSPA, et les conséquences d’une erreur dans l’accomplissement de leur travail pouvaient engager la responsabilité du CRSPA. Ils devaient également déceler des problèmes importants, notamment les conflits d’intérêts.

60 Les fonctionnaires ont invoqué Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2012 CRTFP 86; Carter c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2011 CRTFP 89; Jennings et Myers c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2011 CRTFP 20; Dervin c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2009 CRTFP 50.

B. Pour l’employeur

61 L’employeur a soutenu que je ne peux prendre en compte que la preuve visant la période précédant l’année 2005, puisque c’est à cette époque que les griefs ont été déposés. Je ne devrais donc pas tenir compte de la preuve ou des témoignages quant aux tâches accomplies par les fonctionnaires depuis cette époque jusqu’à aujourd’hui. En outre, il a soutenu qu’en cas de contradiction dans les preuves, on doit privilégier l’employeur.

62 L’employeur a fait valoir que ce que les fonctionnaires cherchent vraiment à obtenir c’est que je reclasse leur poste, ce qui ressort clairement de la manière dont les témoignages ont été présentés et le redressement demandé par les fonctionnaires.

63 Une description de travail vise avant tout le poste en cause. L’article 7 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (la « LGFP ») confère à l’employeur la responsabilité exclusive d’affecter les fonctionnaires à des tâches et de classer des postes. Si l’employeur n’affecte pas un fonctionnaire à une tâche donnée, alors ce dernier n’est pas tenu de l’accomplir. À cet égard, l’employeur a invoqué Batiot et al. c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2005 CRTFP 114, et Taylor c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise) dossier de la CRTFP 166-02-20396 (19901221).

64 Dans Batiot, la Commission a statué que si un fonctionnaire choisit d’accomplir des tâches non incluses dans sa description de travail sans en être requis, il le fait volontairement. L’employeur a le droit de gérer les lieux de travail et de décider qui accomplit telle ou telle tâche. Dans Taylor, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a statué que, si un fonctionnaire accomplit certaines tâches alors qu’il est attendu ou requis qu’il accomplisse ces tâches, et que ces tâches ne figurent pas dans sa description de travail, alors la description de travail est réputée incomplète. Cependant, si le fonctionnaire n’est pas tenu d’accomplir une tâche et qu’il l’accomplit quand même, cela est réputé alors avoir été fait volontairement et ne fait pas partie de ses fonctions et, partant, ne doit pas être inclus dans la description de travail.

65 L’employeur soutient que les tâches accomplies par les fonctionnaires en communiquant avec des fournisseurs ou d’autres organisations externes (que ce soit d’autres ministères ou organismes non gouvernementaux) l’ont été volontairement, et donc, n’ont pas à être énumérées dans leur description de travail.

66 L’employeur ne souscrit pas à l’interprétation des fonctionnaires quant à l’emploi du terme [traduction] « ou » au premier paragraphe de la rubrique [traduction] « Activités-clés » de leur description de travail respective. Ce terme peut avoir une fonction conjonctive ou disjonctive, selon le contexte. Au soutien de cette position, l’employeur m’a renvoyé à l’ouvrage de Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e édition, aux pages 81 à 84 (« Sullivan »); Leach c. Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale [1991] 3 C.F. 560 (1re inst.); Churchill v. Hullet (Township) (1905), 11 O.L.R. 284 (C. divis. Ont.); McDonnell Douglas Canada Ltd. (Re), [1993] O.O.H.S.A.D., no 11 (QL).

67 L’employeur a soutenu que, dans le contexte du premier paragraphe de la rubrique [traduction] « Activités-clés » de la description de travail des fonctionnaires, le terme [traduction] « ou » devait être interprété de façon conjonctive, et qu’une interprétation disjonctive de ce terme, telle que proposée par les fonctionnaires, mènerait à une absurdité.

68 La position de l’employeur est que les descriptions de travail des fonctionnaires, dans leur version modifiée, étaient à la fois complètes et courantes à l’époque pertinente et, par conséquent, les griefs devraient être rejetés.

69 L’employeur a également invoqué Hughes c. Conseil du Trésor du Canada (Ressources naturelles Canada), 2000 CRTFP 69; Jaremy c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Accise, Douanes et Impôt), 2000 CRTFP 59; Barnes c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 13; Dervin; Fedun c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt), dossiers de la CRTFP 166-02-28728 à 28288 (19980611).

C. Réplique des fonctionnaires s’estimant lésés

70 Les fonctionnaires ont soutenu que, bien que M. Leduc n’ait pas nécessairement voulu qu’ils accomplissent certaines tâches, ses bureaux ne se trouvaient pas à Delhi mais à London, et le supérieur immédiat des fonctionnaires, M. Ashby, aurait alors très bien pu les affecter à ces tâches. Partant, il n’y a aucune preuve qu’on n’ait pas demandé aux fonctionnaires d’accomplir le travail qu’ils affirment avoir accompli.

71 En ce qui a trait à la prétention de l’employeur quant à l’interprétation qu’il convient de donner au terme [traduction] « ou », l’extrait tiré de Sullivan ainsi que la jurisprudence citée se rapportent à l’interprétation de ce terme tel qu’il est employé dans des dispositions législatives ou réglementaires. Or, la présente affaire porte sur l’interprétation d’une description de travail et, par conséquent, il convient d’appliquer le sens courant et usuel attribué à ce terme.

72 Les fonctionnaires ont affirmé que, bien que plusieurs des tâches qu’ils avaient relevées soient visées par leurs descriptions de travail, ils soutenaient néanmoins que leur description de travail ne rend pas suffisamment compte de la complexité de leur travail, lequel correspond mieux à la description de travail du poste CR-05.

73 Les fonctionnaires ont souligné qu’ils devaient suivre une formation approfondie afin d’atteindre le niveau de compétence dont ils ont besoin pour être capable de se servir du système SATURN comme outil de travail.

IV. Motifs

74 Le 31 août 2004 et le 1er septembre 2004 respectivement, Mme Sinnesael et M. Belliveau ont confirmé la réception et l’examen de leurs descriptions de travail respectives, intitulées [traduction] « Niveau de fonctionnement complet CR-04 (Volet des services de traitement) 00066. » Leurs descriptions de travail étaient identiques. Le 26 septembre 2007, au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, leurs griefs ont été accueillis en partie, prévoyant que l’addenda soit rédigé et ajouté à leurs descriptions de travail. Le 7 novembre 2007, l’addenda a été présenté aux fonctionnaires.

75 La seule question que je dois trancher est de savoir si les descriptions de travail des fonctionnaires, avec l’addenda daté de novembre 2007, constituait un énoncé complet et courant des fonctions et des responsabilités de leurs postes. L’article pertinent de la convention collective est l’article 54, dont la clause 54.01 précise ce qui suit :

54.01 Sur demande écrite, l’employé-e reçoit un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités, y compris le niveau de classification du poste et, le cas échéant, la cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu’un organigramme décrivant le classement de son poste dans l’organisation.

76 Il incombait aux fonctionnaires d’établir en preuve que leur description de travail respective n’était pas complète et courante.

77 Dans Hughes, au paragraphe 26, l’arbitre de grief a affirmé « [qu’] il n’est pas indispensable qu’une description de travail contienne une liste détaillée de toutes les activités exercées dans le cadre d’une tâche particulière. Il n’est pas nécessaire non plus qu’elle décrive par le menu la façon dont ces activités sont exercées. » Ce principe a également été suivi dans Jaremy ainsi que dans Barnes.

78 Dans Jennings et Myers, au paragraphe 52, la présente Commission a statué comme suit à ce sujet :

[52] […] Les parties et les décisions arbitrales sur lesquelles elles s’appuient conviennent qu’une description de travail doit renfermer suffisamment de renseignements pour rendre compte précisément de ce que fait un employé. Elle ne doit pas « omettre de mentionner une fonction ou responsabilité particulière que le fonctionnaire doit remplir »; voir Taylor c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accises), dossier de la CRTFP 166-02-20396 (19901221). Une description de travail contenant des descriptions générales et génériques est acceptable dans la mesure où elle satisfait à cette exigence fondamentale […]

79 Il ne s’agit toutefois pas ici de trancher si le libellé d’une ébauche de la description de travail ou d’une autre description de travail décrit mieux le travail confié aux fonctionnaires visés, mais plutôt de décider si les descriptions de travail qui leur ont été fournies satisfont aux exigences énoncées dans la convention collective et la jurisprudence.

80 L’employeur a soutenu qu’une importante partie de la preuve présentée par les fonctionnaires n’était pas pertinente, car elle ne se rapportait pas à l’époque du grief, soit en juin 2005. La description de travail des fonctionnaires leur a été remise en septembre 2004; après quelques échanges avec l’employeur, ils ont présenté un grief en juin 2005. En novembre 2007, durant le processus de règlement des griefs, l’employeur a fait droit en partie à leurs griefs en y ajoutant un addenda. Étant donné le libellé de l’article 54 de la convention collective, « [s]ur demande écrite, l’employé-e reçoit un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités […] », avant de me lancer dans l’analyse visant à établir si l’exposé des tâches figurant dans les descriptions de travail des fonctionnaires était complet, je me dois tout d’abord me pencher sur le sens à donner au terme « courant ».

81 Le terme « courant » n’est pas défini à la convention collective; dans le Canadian Oxford Dictionary, 2e édition, on lui donne le sens de [traduction] « appartenant au temps présent; se produisant maintenant ».

82 Le terme « courant », tout comme les phrases [traduction] « appartenant au temps présent » et [traduction] « se produisant maintenant » sont fluides et peuvent évoquer plusieurs choses, selon les termes et les locutions qu’ils déterminent ou qui les déterminent. Ainsi, cela peut signifier le moment immédiat ou la présente heure, le jour courant ou la semaine courante, ou même le mois courant ou l’année courante.

83 L’article 54 stipule : « […] [s]ur demande écrite, […] un exposé complet et courant […] ». De toute évidence, le terme « courant » doit être interprété en tenant compte du moment où la demande écrite est formulée. La question qui se pose est celle-ci : les fonctionnaires ont-ils présenté une demande écrite et, si oui, à quel moment? Aucune preuve ne m’a été présentée quant aux raisons pour lesquelles les descriptions de travail des fonctionnaires leur ont été fournies à ce moment-là. Retenons simplement qu’elles ont été fournies aux fonctionnaires vers la fin du mois d’août 2004, et que les deux fonctionnaires en ont accusé réception par écrit, Mme Sinnesael le 31 août 2004 et M. Belliveau, le 1er septembre 2004.

84 En accusant réception de leur description de travail respective, les fonctionnaires ont également joint une lettre à l’intention de l’employeur l’informant qu’ils n’étaient pas d’accord que la description de travail qui leur avait été fournie était complète et courante. Un dialogue s’ensuivi entre les parties afin de tenter de résoudre leur différend, qui s’est terminé par la présentation des griefs le 5 juin 2005. Appliquant le libellé de l’article 54 de la convention collective aux faits entourant la communication des descriptions de travail, il m’apparaît que le rejet initial par écrit des descriptions de travail par les fonctionnaires (le 31 août et le 1er septembre 2004, respectivement) et leurs griefs constituaient une demande écrite de leur part pour obtenir une description de travail courante et complète. Par conséquent, l’époque devant être considérée comme étant courante aux fins des griefs précités est la période comprise entre le 1er septembre 2004 et le 6 juin 2005.

85 Ce qui m’a essentiellement été affirmé par les fonctionnaires n’était pas tant que les descriptions de travail qu’on leur a fournies ne comprenaient pas les tâches qu’ils accomplissaient, mais plutôt que ces descriptions ne rendaient pas compte de la complexité du travail ou minimisaient leur travail. Bien que cela ressemble effectivement à une opération de classification de poste, il y a certes lieu de modifier une description de travail de manière à tenir compte notamment du degré de complexité d’une tâche si cela est un facteur déterminant d’un poste particulier; toutefois, il faut néanmoins qu’il y ait de la preuve permettant d’étayer la conclusion que la description de travail ne décrit pas suffisamment le travail qui est accompli. Pour que je puisse conclure à l’insuffisance du libellé décrivant les tâches figurant dans les descriptions de travail, il faut qu’il y ait une preuve des divers degrés de complexité de la tâche et de la norme à l’égard de laquelle il est possible de comparer ces divers degrés de complexité.

86 Alors que les fonctionnaires ont décrit parfois avec moult détails la nature de leurs tâches et en quoi elles étaient importantes, cela n’équivaut pas à établir que les tâches n’étaient pas énoncées dans leur description de travail ou que l’énoncé de ces tâches était incomplet. Aucune preuve ne m’a été présentée pouvant établir que les tâches qu’ils accomplissaient étaient plus complexes que leur description l’indiquait ou qu’elles nécessitaient qu’on y apporte des précisions.

87 À titre d’exemple, il y a eu la participation de M. Belliveau à la formation du système SATURN. Je me suis fait décrire combien de temps la formation qu’il avait alors suivie en 1999-2000 durait, en quoi le système SATURN était important et comment les fonctionnaires l’utilisaient dans le cadre de leur travail. Or, la formation était un événement ponctuel. Il ne s’agissait pas d’une tâche que l’employeur exigeait habituellement des fonctionnaires d’accomplir.

88 Les témoignages présentés au sujet de la formation sur la manutention des marchandises dangereuses constituent un autre exemple. Alors que les fonctionnaires m’ont décrit l’importance de cette formation et m’ont dit qu’ils pourraient être éventuellement appelés à manipuler des marchandises dangereuses, la seule fois où cela s’est produit, c’était en décembre 2012. Et, à cette occasion, M. Belliveau remplaçait la personne qui accomplissait habituellement cette tâche. Ici encore, il ne s’agissait pas d’une tâche que l’employeur exigeait habituellement des fonctionnaires d’accomplir.

89 Dans le cadre de leur argumentation, les fonctionnaires ont affirmé que leur description de travail n’était pas complète puisqu’ils avaient facilement pu interagir avec M. Porter, dont le poste est classé au groupe et au niveau CR-05. La description de travail de ce dernier n’a pas été produite en preuve. J’ai entendu peu de preuves quant à ce qu’il faisait. À en juger par ce que j’ai entendu, le travail de M. Porter était différent de celui des fonctionnaires, bien que leur travail puisse parfois se recouper. Les fonctionnaires ont témoigné, et cela a été confirmé par M. Leduc, que lorsque M. Porter était en congé, certaines de ses tâches étaient réparties et affectées aux fonctionnaires. Les fonctionnaires ont confirmé qu’ils avaient alors demandé une rémunération d’intérim, demande rejetée par l’employeur sans contestation des fonctionnaires. M. Leduc a de plus témoigné que, bien que les fonctionnaires aient accompli certaines des tâches normalement accomplies par M. Porter (pendant qu’il était en congé), les autres tâches normalement accomplies par M. Porter étaient confiées à d’autres membres de l’Équipe de gestion des biens, notamment M. Ashby, Mme Loewen et lui-même. Cela ne me convainc pas que la description de travail des fonctionnaires n’était pas courante ni complète.

90 Les fonctionnaires m’ont expliqué comment ils avaient simplifié le processus en créant un formulaire facilitant les opérations d’achat, et comment Mme Sinnesael avait créé un formulaire facilitant les paiements effectués avec la carte MasterCard. J’ai certes été impressionné par le dévouement et la diligence manifestés par les deux fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions et de l’esprit d’initiative manifesté dans la création de ces formulaires. Cependant, il ne leur avait pas été demandé de créer ces formulaires; et il ne s’agissait pas de tâches qu’ils accomplissaient régulièrement. Par conséquent, il ne s’agit pas là de tâches devant être incluses dans leurs descriptions de travail.

91 Les fonctionnaires ont également fait valoir que leur travail comportait la prestation de conseils. Aucune preuve n’a été présentée quant au fait qu’ils aient fourni des conseils, plutôt que des renseignements ou des options. De plus, aucune preuve n’a été présentée pour établir en quoi cela était différent du fait de fournir des renseignements ou de proposer diverses options, ce qui fait partie des tâches figurant dans leur description de travail.

92 À partir de la preuve présentée à l’audience, je conclus que la description d’emploi des fonctionnaires était complète et décrivait exactement le travail qu’ils effectuaient. Bien qu’on n’y retrouve pas une énumération détaillée des diverses tâches ou processus qu’ils devaient accomplir, leur description de travail respective satisfait aux critères établis dans la jurisprudence et couvrent le travail qu’ils m’ont décrit lors de leur témoignage.

93 Les fonctionnaires ont accordé une grande importance au libellé de la rubrique des activités-clés énoncées dans la description de travail. Ils ont soutenu qu’il convenait d’accorder une fonction disjonctive, et non conjonctive, au terme [traduction] « ou ». Le premier paragraphe de la description de travail se lit comme suit :

[Traduction]

Donner de l’information aux clients et leur proposer diverses options, pour les aider à comprendre ou à se conformer aux exigences en matière de traitement des finances, des ressources humaines, de l’approvisionnement ou de traitement administratif, et résoudre des problèmes banals ou de difficulté modérée, ayant trait par exemple au codage inexact, au non-respect des lignes directrices, de la production de renseignements incomplets ou imprécis au soutien d’une demande.

94 En ce qui a trait à l’emploi du terme [traduction] « ou » aux rubriques [traduction] « Profil / Résultats pour le service à la clientèle » et [traduction] « Activités-clés » des descriptions de travail, il incombait aux fonctionnaires d’établir que l’emploi de ce terme était imprécis ou inapproprié et qu’il portait à confusion. Le terme [traduction] « ou » peut être à la fois conjonctif et disjonctif. La professeure Sullivan précise ce qui suit à cet égard dans son ouvrage précité :

[Traduction]

[…]

« et » / « ou », les tribunaux accordent généralement une fonction conjonctive au terme « et », et disjonctive au terme « ou », mais pour éviter un résultat absurde ils doivent parfois interpréter le terme « et » comme signifiant « ou » — ou vice versa.

[…]

Dans International Woodworkers of America, Local 2-306 v. Miramichi Forest Products Ltd., […] le juge d’appel Hughes écrit :

Bien que le terme « ou » […] marque habituellement une alternative ou propose un choix, indiquant par là qu’il s’agit d’exercer un choix entre deux éléments, ce terme ne doit pas être interprété de cette manière s’il en résulte une absurdité ou si l’objet manifeste de la disposition dans laquelle il est employé s’en trouve contredit […]

Il a fondé cette proposition sur l’arrêt faisant jurisprudence en la matière, Clergue v. HH Vivian & Co. Quoique Clergue ait porté sur l’interprétation d’un contrat, l’extrait suivant est souvent cité dans les décisions portant sur l’interprétation d’une disposition législative :

Afin de donner plein effet à la volonté des parties, le terme « ou » doit être interprété comme s’il s’agissait du terme « et ».

[…]

95 Bien qu’une description de travail ne soit ni une disposition législative ni un contrat, je conclus que le raisonnement de la professeure Sullivan relève du bon sens. Le terme [traduction] « ou » peut être à la fois conjonctif et disjonctif. Est-ce que l’emploi de ce terme dans la description de travail des fonctionnaires entraîne une absurdité? Si on lui accorde une fonction conjonctive, cela ne mène à aucune absurdité. À la lecture des rubriques [traduction] « Profil / Résultats pour le service à la clientèle », [traduction] « Activités-clés » ainsi que les critères à la rubrique [traduction] « Connaissances et compétences » des descriptions de travail des fonctionnaires, dans le contexte de l’emploi du terme [traduction] « ou » dans ces rubriques, j’en ai compris que ce que les fonctionnaires étaient tenus d’accomplir dépendait de l’objet de la demande que le client leur présentait. Le client pouvait leur demander d’effectuer telle ou telle autre tâche; cependant, cela dépendait de la situation et des besoins du client. Les fonctionnaires devaient posséder les connaissances et la compétence pour répondre aux diverses questions pouvant se poser dans tous les domaines précisés à leurs descriptions d’emploi, mais pouvaient être ponctuellement appelés à répondre à des questions ou à fournir des services dans un seul domaine en particulier. Il serait certes absurde qu’ils soient tenus de posséder des connaissances dans tous les divers domaines pour pouvoir répondre aux questions ou accomplir diverses tâches, et de n’être tenus que d’effectuer une seule tâche.

96 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

97 Les griefs sont rejetés.

Le 13 juin 2013.

Traduction de la CRTFP

John G. Jaworski,
arbitre de grief

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