Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté la décision de l’employeur de ne pas lui payer les indemnités prévues dans les directives 55 et 58 sur le service extérieur (DSE 55 et 58) du Conseil nationale mixte (CNM) lors de sa participation à une mission de l’Organisation des nations unies (ONU) à Haïti - la clause 41.03 de la convention collective stipule que les DSE font partie de la convention collective - l’employeur et le CNM ont rejeté la demande sur la base que l’ONU versait une indemnité de subsistance de mission (ISM) - l’ISM visait la même question que les DSE en litige et était supérieure au total combiné des indemnités prévues dans les DSE 55 et 58 - à l’audience, l’employeur a soulevé un nouvel argument selon lequel les DSE ne s’appliquent pas à la présente situation parce que la mission n’était pas une affectation à l’étranger au sens de la DSE 3 - le fonctionnaire s’estimant lésé a signé une entente dans laquelle il acceptait de travailler dans une prison en Haïti - selon l’entente, les avantages et les indemnités des DSE auxquels le fonctionnaire s’estimant lésé avait droit se trouvaient à l’annexe B de l’entente; le fonctionnaire s’estimant lésé droit à plusieurs DSE, mais les DSE 55 et 58 n’en faisaient pas partie - l’arbitre de grief a rejeté l’argument de l’employeur que les DSE ne s’appliquaient pas - il était préclus de faire valoir cet argument après avoir stipulé à maintes occasions, verbalement et par écrit, que les DSE s’appliquaient à la mission - selon les documents préparés par l’ONU, l’ISM est une indemnité quotidienne pour les frais de subsistance, permettant à ceux qui la reçoivent de couvrir leurs dépenses - l’ISM est un remboursement de dépenses et non pas une compensation pour les désagréments relevant de conditions de travail difficiles - la DSE 55 prévoit le paiement d’une indemnité de subsistance de mission pour compenser l’achat de produits et des services plus chers - le paiement simultané de l’ISM et de la DSE 55 équivaudrait à un double paiement pour indemniser un seul et unique élément, soit le coût de la vie - l’employeur avait donc le droit de refuser de lui payer les indemnités prévues dans la DSE 55 - par contre, la DSE 58 ne vise pas le remboursement des dépenses mais plutôt une compensation financière pour des conditions de travail difficiles - l’employeur a donc violé la convention collective en refusant de lui payer les indemnités prévues dans la DSE 58 - l’arbitre de grief a déclaré que la mesure corrective ne s’appliquait qu’à partir des 25 jours avant le dépôt du grief. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-05-29
  • Dossier:  566-02-6774
  • Référence:  2013 CRTFP 62

Devant un arbitre de grief


ENTRE

STEVE STOCKLESS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Stockless c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Marie-Pier Dupuis-Langis, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour l'employeur:
Léa Bou Karam, avocate

Affaire entendue à Montréal (Québec),
les 17 et 18 avril 2013.
Arguments écrits déposés le 19 avril 2013.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Le 10 août 2011, Steve Stockless, le fonctionnaire s'estimant lésé, a déposé un grief contre la décision du Service correctionnel du Canada (l'« employeur » ou le SCC) de ne pas lui payer les indemnités prévues dans les Directives sur le service extérieur 55 et 58 (DSE 55 et 58) du Conseil national mixte (CNM) lors de sa participation à une mission de l'Organisation des nations unies (ONU) à Haïti. M. Stockless travaille comme agent correctionnel à l'établissement Leclerc situé à Laval. Il a participé à la mission en Haïti du 23 septembre 2010 au 22 mars 2012.

2 La convention collective applicable est celle signée le 26 juin 2006 pour le groupe des Services correctionnels par le Conseil du Trésor et l'Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (le syndicat) (la « convention collective »). La clause 41.03 de la convention collective stipule que les DSE font partie de la convention collective.

3 Compte tenu que le grief implique une directive du CNM, il a été traité selon la procédure particulière à ce type de grief. Aux deux paliers ministériels de la procédure de grief, l'employeur a rejeté le grief sur la base qu'il n'avait pas été soumis dans les délais. Il l'a aussi rejeté sur la base que l'ONU versait une indemnité de subsistance de mission (ISM) à M. Stockless et que cette indemnité était versée pour couvrir les frais encourus en raison du déploiement temporaire à une mission spéciale. L'employeur a alors pris comme position que, lorsque plusieurs indemnités visent la même question, il doit s'assurer que l'employé ne touche aucun avantage en double. Le CNM a rejeté le grief sur la base que la DSE 3.01 stipule qu'un employé ne peut « bénéficier deux fois des mêmes avantages ». Le CNM reconnaît que M. Stockless n'a pas reçu les indemnités payables selon les directives 55 et 58, mais il constate qu'il a reçu l'ISM de l'ONU qui est supérieure au total combiné des indemnités prévues dans les DSE 55 et 58.

4 Lors du renvoi à l'arbitrage ou lors de l'audience, l'employeur n'a pas soulevé d'objection sur la base que le grief avait été déposé en dehors des délais. Il m'a cependant demandé de limiter la mesure corrective à 25 jours avant le dépôt du grief. Selon la clause 20.10 de la convention collective, un employé peut déposer un grief dans les 25 jours où il prend connaissance des faits ou de la décision qu'il conteste.

II. Résumé de la preuve

5 M. Stockless a témoigné. Il a aussi appelé Pierre Dumont comme témoin. M. Dumont est agent correctionnel à l'établissement de Donnacona. Il est aussi le président régional du syndicat pour la région du Québec. L'employeur a appelé Kimberley Gowing et Martin Maltby comme témoins. Mme Gowing est directrice de la gestion des régimes de pension et des politiques de réglementation au Secrétariat du Conseil du Trésor. Entre 2006 et 2009, elle était une analyste principale spécialisée dans les DSE et, à ce titre, fournissait régulièrement des avis au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) sur ces directives. M. Maltby est analyste principal des politiques pour l'employeur. » Il a été impliqué à plusieurs reprises et il a géré les questions liées aux affectations à l'étranger et à l'application des DSE pour les employés du SCC.

6 À la suite d'une offre par l'employeur, M. Stockless a accepté d'être déployé ou affecté en Haïti pour travailler au sein de la mission de l'ONU pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Son affectation a débuté le 23 septembre 2010 et était censée se terminer le 22 septembre 2011. L'affectation a été prolongée de sorte qu'elle s'est terminée le 22 mars 2012.

7 L'entente écrite d'affectation a été signée par M. Stockless, M. Maltby et un représentant du Secrétariat du Conseil du Trésor dont la signature est illisible. M. Stockless a signé l'entente le 1er septembre 2010. Cette entente, entre autres choses, stipule que M. Stockless travaillera sur un horaire continu de sept jours sur sept « dans des prisons haïtiennes dont l'environnement est délabré ». L'entente stipule aussi que les tâches seront déterminées par l'ONU et pourraient notamment comprendre la formation d'agents correctionnels haïtiens, la promotion du respect des droits des délinquants, l'élaboration de programmes de formation, la conduite d'enquêtes, la gestion des urgences et la mise en place de mécanismes de surveillance. L'entente stipule que M. Stockless demeurera un employé du SCC pendant son affectation et qu'il continuera de recevoir son salaire et ses avantages sociaux. Par contre, il ne pourra prendre de congés pendant son affectation, si ce n'est que pour les congés compensatoires accumulés à cause de l'horaire continu de sept jours sur sept. L'entente stipule aussi que M. Stockless recevra une indemnité quotidienne de subsistance. Enfin, l'entente stipule que les avantages et les indemnités des DSE auxquels M. Stockless avait droit se trouvaient à l'annexe B de l'entente. Cette annexe se lit comme suit :

ANNEXE B

Directives sur le service extérieur (DSE) du gouvernement du Canada

Voici les avantages et indemnités des DSEs dont vous avez droits :

DSE 50 – Aide au déplacement de vacance

DSE 51 – Réunion de famille (s'il y a lieu)

DSE 56 – Indemnités incitatives de service extérieur

DSE 56.10 – Indemnité spéciale de mission

DSE 70 – Obligation de faire rapport et vérification des indemnités.

[Sic pour l'ensemble de la citation]

8 M. Stockless, comme ses collègues agents correctionnels de la mission, faisait partie de l'UNPOL, c'est-à-dire le groupe « policier » de l'ONU présent en Haïti au moment de la mission. Ce groupe comprenait entre autres des agents correctionnels et des membres de la Gendarmerie Royale du Canda et de corps policiers municipaux.

9 Comme l'entente d'affectation le prévoyait, M. Stockless travaillait sept jours sur sept et aucun surtemps ne lui était payé. Il cumulait alors des heures de congé de sorte qu'il bénéficiait à peu près de deux semaines de congé tous les deux mois. Ces congés compensaient pour les jours de travail en trop. De plus, sur une base volontaire et de sa propre initiative, M. Stockless travaillait une heure, une heure et demie en surplus de ses heures de travail quotidiennes afin de pouvoir remplir divers documents ou rapports relatifs à son travail. Il n'était pas payé pour ces heures.

10 M. Stockless, comme ses collègues, demeurait dans une zone sécurisée à l'écart de la population dans une maison clôturée avec un gardien armé présent en tout temps. Il n'avait pas d'eau chaude et l'électricité était intermittente. Il y avait de l'électricité, mais, sans aucun préavis, le service était interrompu et revenait un peu plus tard. Il faisait très chaud dans l'appartement car l'air climatisé ne fonctionnait que quand il y avait de l'électricité. En moyenne, il y avait de l'électricité de 10 à 12 heures par jour. M. Stockless devait payer une dame qui faisait son lavage car il n'était pas équipé pour le faire dans l'appartement très modeste qu'il partageait avec un collègue au coût de 1 500 $ (USD) par mois. Il n'y avait que quelques rares endroits sécurisés où il pouvait se rendre pour acheter de la nourriture. Le coût des denrées était très élevé. Il lui en coûtait 350 $ (USD) par semaine d'épicerie avec son collègue seulement pour le souper. À titre d'exemple, une boîte d'ailes de poulet coûtait 50 $ (USD). Les loisirs étaient rares. Certes, il y avait une piscine dans le complexe d'habitations où demeurait M. Stockless. Il était cependant assez difficile de sortir de ce complexe pour des raisons de sécurité.

11 Le pénitencier où travaillaient M. Stockless et ses collègues se trouvait dans la zone rouge, soit la zone la plus dangereuse de la ville. Ils s'y rendaient en utilisant un véhicule utilitaire fourni par l'ONU. Pour aller travailler, ils devaient d'abord se rendre à la base de l'ONU (ce qui prenait une quinzaine de minutes), puis, de là, se rendre au pénitencier pour un déplacement supplémentaire de 75 à 90 minutes (quand tout allait bien). C'était un défi de se rendre au travail car il y avait souvent des manifestations spontanées de violence. Parfois, le trajet prenait beaucoup plus de temps s'il y avait des incidents particuliers qui se produisaient le long ou au centre du parcours. À titre d'exemple, M. Stockless et ses collègues devaient être escortés par des militaires pour se rendre au travail pendant des élections. Il arrivait aussi qu'il y avait des manifestations; il fallait donc plus de temps pour se rendre au travail ou en revenir. Ils ont même vu sur leur trajet une femme se faire couper la tête et leur véhicule a déjà été attaqué à coup de bâtons et de grosses pierres en revenant du travail. Des vitres du véhicule ont d'ailleurs été fracassées. En moyenne, M. Stockless passait trois heures sur la route pour se rendre au travail et en revenir dans des conditions pas toujours sécuritaires alors qu'ici, il fait le trajet aller-retour de chez lui à l'établissement Leclerc à Laval en une heure.

12 Les conditions au pénitencier étaient extrêmement difficiles. Il faisait souvent autour de 40˚C sans air climatisé. Une bonne partie du pénitencier a été brûlée et est devenue inutilisable, ce qui fait que les détenus sont entassés de 30 à 150 par cellule. Il n'y a pas de toilettes dans ces cellules et, quand les détenus n'ont d'autres choix, ils se soulagent dans des sacs qu'ils jettent par la suite par la fenêtre dans un corridor intérieur qui donne dans un autre secteur de la prison. Il y a une quinzaine de fosses septiques dans la prison, mais elles sont presque toujours pleines. L'odeur est très mauvaise, il fait très chaud et les conditions d'hygiène sont en-dessous des normes reconnues. Les détenus sont lavés avec des boyaux d'incendie et le savon est presque inexistant. La nourriture servie aux détenus n'est pas adéquate. Il y a beaucoup de cas d'anémie chez les détenus et des épidémies de choléra. M. Stockless se rappelle qu'il y avait de deux à trois morts par jour au pénitencier. Il y avait aussi beaucoup de cas de tuberculose. Il y avait très peu de soins médicaux offerts aux détenus.

13 Il était dangereux de travailler dans la prison. Dans chaque cellule, il y avait un détenu qui était appelé le « major » de cellule et qui possédait la clé de la cellule. C'était en quelque sorte le patron de la cellule. Les agents correctionnels devaient garder les yeux ouverts en tout temps. M. Stockless et ses collègues n'étaient pas armés et n'avaient aucun outil de défense. Ils ne comptaient que sur une radio portable et sur des messages de sécurité qu'ils recevaient à l'occasion. Quelques mois avant l'arrivée de M. Stockless, il y avait eu une prise d'otages impliquant du personnel de MINUSTAH. Les otages ont été libérés sans qu'il y ait de blessures, mais un détenu y a perdu la vie.

14 M. Stockless a participé en août 2010 à une session de formation avant son départ pour Haïti. Il se souvient que l'employeur et une personne du MAECI lui avaient alors expliqué de façon sommaire que les DSE s'appliquaient à la mission et qu'il recevrait divers montants en vertu de ces directives. Par contre, l'employeur ne lui a pas remis une copie des DSE en question. M. Stockless confirme que pendant son affectation, il a reçu de l'employeur les sommes suivantes en vertu des DSE : 1 000 $ pour l'aide au voyage selon la DSE 50, 1 773 $ pour réunion de famille selon la DSE 56, 9 524 $ en guise de prime du service extérieur selon la DSE 56, et une allocation spéciale de poste de 2 583 $ selon la DSE 56.10. Il a aussi reçu son salaire régulier de 70 131 $ par année.

15 Au cours de la période de 18 mois qu'a duré l'affection de M. Stockless en Haïti, il a reçu une indemnité quotidienne de subsistance de l'ONU de 216 $ (USD) pour chacun des 30 premiers jours de son affectation et de 150 $ (USD) pour les 516 autres jours de son affectation. Même si Haïti est considéré par l'ONU comme une zone où les conditions de vie et de travail sont difficiles, M. Stockless a témoigné qu'il n'a reçu aucune prime de l'ONU pour compenser ces conditions ou le risque encouru.

16 M. Stockless a présenté en preuve divers documents faisant état d'indemnités reçues par des agents de la GRC en mission en Haïti ou par des agents correctionnels en mission en Afghanistan dans le cadre d'une mission chapeautée par les Forces armées canadiennes. Il croît qu'il était en droit de recevoir les mêmes avantages que ces gens. Il ajoute que sa situation ne peut être comparée à celle des employés des ambassades qui vivent et travaillent dans des conditions nettement plus favorables que celles auxquelles il était assujetti.

17  M. Dumont a témoigné que plusieurs membres du syndicat avaient été déployés en mission en Haïti et qu'ils étaient insatisfaits des indemnités qu'ils avaient alors reçues de l'employeur. La question a d'ailleurs fait l'objet de discussions aux rencontres patronales-syndicales nationales de février, avril et septembre 2012. Des rencontres spéciales étaient aussi censées avoir lieu entre le syndicat, l'employeur, le MAECI et le Secrétariat du Conseil du Trésor pour discuter de l'application de la DSE 55 et de la DSE 58 lors de la mission en Haïti. Les rencontres n'ont jamais eu lieu car elles ont été annulées par l'employeur.

18 Mme Gowing a témoigné que les DSE prévoient le paiement de diverses indemnités visant à fournir aux employés en mission un niveau de vie comparable à celui qu'ils ont au Canada et les inciter à accepter d'être déployés à l'étranger. Selon Mme Gowing, l'ONU paye une indemnité de subsistance de mission (ISM) aux employés déployés dans ses missions afin de couvrir leurs dépenses pour le logement, l'alimentation, les appels téléphoniques et les dépenses diverses, ainsi que pour compenser les conditions générales prévalant dans la région où l'employé est déployé. Le SCC a consulté Mme Gowing sur la question de l'application simultanée des DSE 55 et 58 et de l'ISM. Mme Gowing a rédigé une lettre envoyée par sa directrice au SCC expliquant que les montants prévus dans les DSE 55 et 58 ne peuvent être payés aux employés car ceux-ci reçoivent déjà l'ISM qui repose sur des critères similaires que ces deux DSE et vise les mêmes buts. Lors du témoignage de Mme Gowing, la lettre en question a été déposée en preuve ainsi que des documents de l'ONU expliquant la raison de l'ISM.

19  Toutes les DSE applicables ont été déposées en preuve. Divers autres documents ont aussi été déposés en preuve démontrant que les indemnités prévues à la DSE 58 avaient été payées à des employés du SCC pour des missions à l'étranger, même si les employés étaient déjà logés et nourris. M. Maltby a répondu, sans autre précision, que les arrangements étaient alors différents de ceux pour la mission en Haïti.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour M. Stockless

20 M. Stockless a argumenté que l'employeur avait violé la convention collective en ne lui versant pas les indemnités prévues dans les DSE 55 et 58. La preuve démontre que le coût de la vie en mission était plus élevé qu'au Canada. La DSE 55 s'appliquait donc. La preuve démontre aussi que la DSE 58 aurait dû être appliquée compte tenu des dangers et des conditions difficiles associés à la mission.

21 L'ISM et les DSE 55 et 58 visent des sujets différents et peuvent être payées en même temps. L'ISM est une indemnité quotidienne pour les dépenses de subsistance liées au logement et à la nourriture. La DSE 55 prévoit le paiement d'une indemnité de subsistance uniquement aux missions dont l'indice de mission est supérieur à 100. Cet indice est calculé en comparant le coût de la vie de la mission à celui du Canada. La DSE 58 est une indemnité différentielle de mission s'appliquant uniquement aux missions désignées comme des missions difficiles. Les missions les moins difficiles sont classées au niveau I, alors que les missions les plus difficiles sont classées au niveau V. La mission en Haïti est classée au niveau V dans l'annexe de la DSE 58.

22 L'ONU elle-même reconnaît dans ses propres documents que certains employés en mission sont éligibles à recevoir en même temps, l'ISM, une prime de risque ou de danger pour les missions plus difficiles et une prime de vie chère. C'est donc dire que ces différentes indemnités ou primes couvrent des sujets différents.

23 M. Stockless m'a renvoyé aux différentes sections des DSE qui s'appliquent en l'espèce et a fait ressortir les éléments de preuve qui justifient le paiement des indemnités demandées. Sur la question de l'application de ma décision à une date antérieure à 25 jours du dépôt du grief, il m'a renvoyé à Kullar c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 3.

24 M. Stockless m'a demandé d'accueillir le grief et de laisser aux parties le soin de calculer les montants que l'employeur aurait dû lui payer selon les DSE 55 et 58.

B. Pour l'employeur

25 M. Stockless a le fardeau de prouver que l'employeur a violé la convention collective en refusant de payer les indemnités payables en vertu des DSE 55 et 58. Il ne s'est pas acquitté de ce fardeau.

26  L'employeur prétend que les DSE ne s'appliquent pas à la situation de M. Stockless et à son grief, car la mission de l'ONU en Haïti n'est pas une affectation à l'étranger au sens de la DSE 3. Selon la DSE 3, les DSE ne s'appliquent que dans les situations qui sont stipulées dans la DSE 3. Or, aucune de ces situations ne correspond à la mission de l'ONU en Haïti ou à des missions similaires. Certes, l'employeur a accepté de verser certaines indemnités prévues dans des DSE, mais il l'a fait en vertu des pouvoirs discrétionnaires que lui confère la Loi sur la gestion des finances publiques. L'employeur n'a donc pas violé la convention collective, car rien ne l'obligeait à appliquer aucune des DSE, incluant les DSE 55 et 58.

27 Si l'arbitre de grief conclut que les DSE s'appliquent, l'employeur prétend qu'il n'a pas violé la convention collective en ne payant pas les indemnités prévues aux DSE 55 et 58, car ces indemnités visent des éléments de dépenses déjà remboursés ou pris en compte par l'ISM payée par l'ONU. Un employé ne peut recevoir le même avantage deux fois et c'est ce qui se produirait si le grief était accordé.

28 M. Stockless a reçu les indemnités auxquelles il avait droit. À lui seul, le montant de l'ISM payé par l'ONU représente beaucoup plus que la somme des indemnités payables selon les DSE 55 et 58. De plus, l'objectif des DSE n'est pas qu'un employé reçoive plus à l'étranger qu'au Canada, mais plutôt qu'il soit indemnisé pour les coûts supplémentaires encourus.

29 Dans l'éventualité où j'acceptais le grief, l'employeur m'a demandé de limiter la mesure corrective à 25 jours avant son dépôt. Sur ce point, il m'a renvoyé à Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. 813.

30 L'employeur m'a aussi renvoyé à Gill et Bourque c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 12; Syndicat canadien des communications, de l'énergie et des travailleurs du papier, section locale 30 v. Les Pâtes et Papiers Irving limitée, 2002 NBCA 30; Greater Essex County District School Board v. United Association of Journeymen and Apprentices of the Plumbing and Pipefitting Industry of the United States and Canada, Local 552, 2011 ONSC 5554; Canada (Procureur général) c. Lamothe, 2009 CAF 2; Canada (Procureur général) c. McKindsey, 2008 CF 73; Stevens et al. c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 34; Roy c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2012 CRTFP 43.

IV. Motifs

31 La clause 41.03 de la convention collective stipule que les DSE font partie de la convention collective. Ce point n'est pas l'objet du présent grief. Ce qui est plutôt en litige est, dans un premier temps, l'applicabilité des DSE pour la mission en Haïti, et s'il y a lieu, l'obligation pour l'employeur de payer les indemnités prévues dans les DSE 55 et 58 compte tenu que l'ONU a versé une ISM.

A. L'applicabilité des DSE pour la mission MINUSTAH en Haïti

32 L'employeur prétend que les DSE ne s'appliquent pas à la situation de M. Stockless parce que cette mission en Haïti n'est pas une affectation à l'étranger au sens de la DSE 3. Selon la DSE 3, les DSE ne s'appliquent que dans les situations qui y sont stipulées. Or, pour l'employeur, aucune de ces situations ne correspond à la mission de l'ONU en Haïti ou à des missions similaires.

33 Les dispositions suivantes de la DSE 3 en vigueur lors de l'affectation de M. Stockless en Haïti, en tenant compte des faits et de la preuve présentée, doivent être examinées pour décider si les différentes DSE s'appliquent en l'espèce :

[…]

Directive 3

3.01 Sauf indication contraire, et sous réserve des dispositions de la DSE 8 - Affectations de courte durée à l'extérieur du Canada, les présentes directives s'appliquent aux fonctionnaires qui font carrière dans le service extérieur et aux fonctionnaires qui sont affectés à l'étranger dans le cadre d'affectations à l'extérieur du Canada, étant entendu que :

a) une affectation a normalement une durée d'au moins 12 mois;

b) les fonctionnaires qui font carrière dans le service extérieur sont des fonctionnaires tenus, pour occuper leur emploi, d'être affectés successivement à un certain nombre de missions à l'étranger durant leur carrière. Il peut arriver à l'occasion qu'en raison des nécessités du service, un fonctionnaire soit affecté à seulement quelques missions, voire à une seule;

c) les fonctionnaires affectés à l'étranger sont des fonctionnaires qui ne se sont pas engagés à être affectés successivement à un certain nombre de missions à l'étranger durant leur carrière, mais qui sont, à l'occasion, affectés à une poste à l'étranger;

d) une affectation s'entend d'une affectation à un bureau du gouvernement du Canada situé à une mission, ou :

e) lorsqu'un congé payé est autorisé et qu'aucune aide financière ou avantage connexe n'est accordé au fonctionnaire par l'organisme d'accueil, une affectation s'entend d'une affectation :

(i) à un organisme international situé à l'extérieur du Canada;

(ii) à un projet mis en œuvre à l'extérieur du Canada et subventionné, directement ou indirectement, par l'Agence canadienne de développement international;

(iii) à un gouvernement étranger ou à une entreprise ou organisme privé œuvrant à l'extérieur du Canada, en vertu d'une entente officielle entre le ministère employeur et l'organisme d'accueil;

(iv) à un établissement de recherche ou à une université à l'extérieur du Canada, lorsque les fonctionnaires ont reçu l'ordre de continuer de travailler à plein temps dans leur domaine;

sauf que

f) nonobstant l'article 3.01g), la DSE 15 - Réinstallation, pourra s'appliquer en partie aux affectations de formation ou de perfectionnement à un établissement d'enseignement reconnu, comme il suit :

(i) Déplacement à l'occasion de la réinstallation (DSE 15.03 - DSE 15.12)

(ii) Déménagement des effets mobiliers (DSE 15.13, DSE 15.14 et DSE 15.15)

(iii) Indemnité pour effets mobiliers endommagés ou perdus (DSE 15.18 - DSE 15.26)

(iv) Frais de subsistance dans un logement temporaire (DSE 15.33) - Ces frais seront payés pour des périodes maximales de deux jours à l'ancien lieu d'affectation, de cinq jours à l'extérieur du Canada et de deux jours au retour au Canada, et

g) avec le consentement de l'agent négociateur et sous réserve de consultations avec le personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor, selon les nécessités du service,

(i) les présentes directives peuvent s'appliquer en totalité ou en partie aux affectations pour lesquelles le fonctionnaire a obtenu un congé non payé, y compris un congé d'études non payé;

(ii) les présentes directives peuvent s'appliquer en totalité ou en partie à d'autres affectations, y compris aux affectations de formation et de perfectionnement pour lesquelles le fonctionnaire a obtenu un congé de perfectionnement professionnel en vertu d'une convention collective;

(iii) les présentes directives peuvent s'appliquer en partie aux affectations pour lesquelles un fonctionnaire reçoit une aide financière ou des avantages de l'organisme d'accueil; ou

(iv) lorsqu'un fonctionnaire a demandé une affectation ou a fait des arrangements en vue d'une affectation autre qu'une affectation à un bureau du gouvernement du Canada situé à une mission, l'administrateur général peut ordonner qu'un fonctionnaire soit exempté de l'application de toutes ou de certaines dispositions des Directives sur le service extérieur pendant une affectation à l'extérieur du Canada.

Instructions

1. Les Directives sur le service extérieur s'appliquent aux personnes autres que des fonctionnaires affectés à une Mission à l'étranger par un ministère ou un organisme dans le cadre du programme Échanges Canada, ou du Programme d'échanges de cadres de direction entre les milieux d'affaires et l'administration fédérale, tel qu'il est précisé dans le contrat d'affectation.

2. Au moment d'appliquer l'article 3.01g), il faut s'assurer que les fonctionnaires :

a) ne bénéficient pas deux fois des mêmes avantages, et

b) ne sont pas traités de façon plus favorable que les fonctionnaires qui servent à l'extérieur du Canada en vertu des dispositions des Directives sur le service extérieur, et

c) sont pleinement informés de l'application particulière des Directives sur le service extérieur.

[…]

34 Selon ces dispositions, les DSE s'appliquent aux fonctionnaires qui font carrière dans le service extérieur, ce qui n'est pas le cas de M. Stockless. Elles s'appliquent aussi aux fonctionnaires qui sont affectés à l'étranger pour une affectation d'une durée d'au moins 12 mois (clause 3.01a)). A priori, la situation de M. Stockless respecte cette condition. Les clauses 3.01b) et 3.01c) apportent des précisions sur la distinction entre ces deux types de fonctionnaires. Les clauses 3.01d) et e) précisent le sens à donner au terme « affectation ». Selon la clause 3.01d), une affectation est un travail à un bureau du gouvernement canadien à une mission. Selon la clause 3.01e), une affectation peut aussi être un travail pour un organisme international, au sein d'un projet de l'Agence canadienne de développement international, pour un gouvernement étranger ou une entreprise œuvrant à l'extérieur du Canada ou pour un établissement de recherche ou une université à l'extérieur du Canada. D'entrée de jeu, la clause 3.01e) précise que l'employé affecté est en congé payé autorisé. Selon les documents soumis, M. Stockless n'était pas en congé payé. Il était plutôt déployé ou affecté à un travail à l'extérieur du pays au service d'une mission de l'ONU. Il était alors dispensé de ses tâches à l'établissement Leclerc tout en recevant son salaire habituel de l'employeur, tel qu'il est déterminé par la convention collective.

35 L'entente d'affectation stipule que M. Stockless travaillera sur un horaire continu et donne un aperçu de ses tâches. Elle stipule aussi que M. Stockless demeurera un employé du SCC pendant son affectation et qu'il ne pourra prendre de congés pendant son affectation, si ce n'est que pour les congés compensatoires accumulés à cause de son horaire continu. Il est clair que M. Stockless n'était pas en congé avec ou sans solde, mais plutôt au travail dans une affectation autre que son affectation habituelle. Par contre, l'entente d'affectation stipule aussi que M. Stockless recevra alors l'ISM ainsi que les avantages et indemnités de certaines des DSE, notamment ceux compris dans les DSE 50, 51, 56 et 70.

36 L'analyse hors contexte du libellé de la DSE 3.01 m'amènerait à accepter l'argument avancé par l'employeur voulant que l'affectation de M. Stockless en Haïti ne soit pas une affectation pour les fins d'application des DSE. Je rejetterai cependant cet argument sur la base que l'employeur est préclus de le faire valoir après avoir stipulé à maintes occasions, verbalement et par écrit que les DSE s'appliquaient à la mission en Haïti. Il ne peut maintenant s'en remettre au strict libellé de la DSE 3.01.

37 La doctrine de la préclusion (promissory estoppel) s'applique à ce grief. Cette doctrine a été décrite comme suit par Lord Denning dans Amalgamated Investment and Property Co. Ltd. v. Texas Commerce International Bank Ltd., [1981] 3 All E.R. 577 :

[Traduction]

[…]

Le principe de l'irrecevabilité est l'une des armes les plus souples et les plus utiles dans l'arsenal de la loi… Parallèlement, on a tenté de le limiter par une série de maximes : l'irrecevabilité est seulement une règle de preuve; l'irrecevabilité ne peut donner lieu à une cause d'action; l'irrecevabilité ne peut remplacer la nécessité d'un examen, etc. Aujourd'hui, toutes ces maximes semblent être intégrées dans un principe général, qui n'est pas assorti de limites. Lorsque les parties à une affaire agissent en fonction d'une hypothèse sous-jacente (que ce soit une hypothèse de fait ou de droit, ou encore qu'elle découle d'une fausse déclaration ou d'une erreur, il n'y a pas de différence), qui a orienté leurs rapports, ni l'une ni l'autre ne peut être autorisée à abandonner cette hypothèse s'il semblerait injuste ou inéquitable de la laisser faire. Si l'une des parties tente de l'écarter, les tribunaux donneront à l'autre partie le redressement que justifie l'équité de l'affaire.

[…]

38 Dans Canada (Procureur général) c. Molbak, [1996] A.C.F. no 892 (1re inst.) (QL), la Cour fédérale a statué qu'un arbitre de grief en vertu de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique a la compétence pour appliquer le principe de la préclusion. Rien ne m'amène à croire que ceci a changé avec la nouvelle Loi. Dans Nor-Man Regional Health Authority Inc. c. Manitoba Association of Health Care Professionals, 2011 CSC 59, la Cour suprême réitérait ce principe et écrivait ce qui suit sur les rôles et pouvoirs des arbitres de griefs :

[…]

[44] Certes, les doctrines de common law et d'equity émanent des tribunaux, mais il ne s'ensuit pas pour autant que les arbitres sont dépourvus du pouvoir légal ou de l'expertise nécessaires pour les adapter et les appliquer de façon plus judicieuse à l'arbitrage de différends et de griefs dans le contexte des relations du travail.

[45] Au contraire, les arbitres en relations du travail, grâce à leurs larges mandats légal et contractuel — et à leur expertise —, ont tous les outils nécessaires pour adapter les doctrines de common law et d'equity qu'ils estiment pertinentes dans les limites de leur sphère circonscrite de créativité. Ils peuvent à bon droit, à cette fin, élaborer des doctrines et concevoir des réparations adéquates dans leur domaine, en s'inspirant des principes juridiques généraux, des buts et objectifs du régime législatif, des principes des relations du travail, de la nature du processus de négociation collective et du fondement factuel des griefs dont ils sont saisis.

[46] Cette latitude découle du large pouvoir conféré aux arbitres par les conventions collectives et les textes législatifs, comme la Loi qui s'applique dans le cas qui nous occupe. Par exemple, l'art. 121 de la Loi précise que l'arbitre ou le conseil d'arbitrage tient compte non seulement de la convention collective, mais également « de la substance réelle de la question en litige entre les parties ». Il « n'est pas lié par une interprétation juridique stricte de la question en litige », et sa sentence « règle de façon définitive et péremptoire la question soumise à l'arbitrage ».

[47] Le large mandat dont les arbitres sont investis découle également de leur rôle particulier de promotion de la paix dans les relations industrielles (Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487 (« F.E.E.E.S.O., district 15 »), par. 36; Parry Sound (district), Conseil d'administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, [2003] 2 R.C.S. 157, par. 17).

[…]

39 Les faits m'amenant à conclure à la préclusion pour l'employeur d'invoquer la non applicabilité des DSE 3 peuvent ainsi être résumés. Le 1er septembre 2010, l'employeur a signé avec M. Stockless une entente d'affectation stipulant explicitement que les DSE 50, 51, 56 et 70 s'appliquaient. Il a par le fait même indiqué à M. Stockless que les DSE s'appliquaient à la mission en Haïti et à son affectation. Auparavant, soit en août 2010 lors d'une session de formation, l'employeur avait expliqué aux employés partant en mission incluant M. Stockless que les DSE s'appliquaient à la mission. En août 2011, M. Stockless a déposé un grief pour réclamer le paiement des indemnités payables selon les DSE 55 et 58. Le grief impliquait une directive du CNM et il a été traité selon la procédure particulière à ce type de grief. Au palier ministériel, l'employeur l'a rejeté sur la base que l'ONU versait une ISM pour couvrir les frais encourus et que M. Stockless ne pouvait recevoir un avantage en double. Le CNM a rejeté le grief sur la base que la DSE 3.01 stipule qu'il ne pouvait bénéficier deux fois des mêmes avantages et que l'ISM reçue de l'ONU était supérieure au total combiné des indemnités prévues dans les DSE 55 et 58. Lors des rencontres patronales-syndicales de 2012, la preuve révèle que la question en litige était l'application des DSE 55 et 58 et non pas l'applicabilité des DSE dans leur ensemble à la mission en Haïti. Enfin, Mme Gowing a témoigné que le SCC l'avait consultée sur la question de l'application des DSE 55 et 58 et de l'ISM et qu'elle avait rédigé une lettre expliquant que les montants prévus dans les DSE 55 et 58 ne pouvaient être payés car les employés recevaient déjà l'ISM qui repose sur des critères similaires aux deux DSE. Tous ces éléments de preuve expriment éloquemment que la position de l'employeur, maintes fois réitérée, était que les DSE s'appliquaient.

40 Le fait d'accepter la nouvelle position de l'employeur équivaudrait à accepter que l'employeur ait induit M. Stockless en erreur lorsqu'il l'a affecté en Haïti en lui faisant croire dans l'entente d'affectation qu'il avait des droits qu'il n'avait pas, que l'employeur lui faisait une « faveur » en lui consentant des avantages en sus de ceux que la convention collective prévoit, et en induisant, lui et son syndicat, en erreur en leur fournissant des motifs erronés de refus de grief tout en poursuivant avec le syndicat des discussions subséquentes au grief laissant clairement entendre que les DSE s'appliquaient. Je n'adhère évidemment pas à cette thèse, et je conclus que l'employeur est préclus de s'en remettre à une interprétation stricte de la DSE 3 alors que depuis près de trois ans il a adopté une interprétation plus large. Il a explicitement « promis » que les DES s'appliquaient à la mission en Haïti et il doit s'en tenir à cette « promesse ».

B. L'applicabilité des DSE 55 et 58

41 Hormis l'argument ci-haut rejeté et présenté lors de l'audience, l'employeur a refusé le paiement des indemnités prévues dans les DSE 55 et 58 parce que M. Stockless avait reçu l'ISM qui, selon l'employeur, couvrait les mêmes éléments que ces deux DSE. Pour décider si les DSE 55 et 58 s'appliquent à la situation de M. Stockless, je dois donc examiner l'objectif de ces DES et celui de l'ISM et les éléments qui les composent. Les dispositions suivantes des DSE 55 et 58 permettent d'en saisir l'essence :

DSE 55 - Indemnité de subsistance de mission

Introduction

Pour aider les fonctionnaires affectés à l'étranger qui font face à un coût de la vie plus élevé à la mission qu'à Ottawa/Gatineau, l'employeur prévoit une indemnité non soumise à une justification pour compenser l'achat des produits et services plus chers au lieu de la mission.

Directive 55

55.01 L'administrateur général autorisera le versement d'une indemnité de subsistance de mission (VISM) à chaque fonctionnaire en poste dans une mission dont l'indice (de la mission) est supérieur à 100, conformément à l'appendice de la présente directive, et ce, de la façon suivante :

a) les fonctionnaires recevront une compensation pour la proportion du traitement réellement dépensée à la mission, calculée en fonction de leur traitement nominal et en tenant compte du rajustement de l'indice de la mission;

b) le traitement nominal est le point médian de la fourchette salariale d'un fonctionnaire, comme l'indique l'appendice de la présente directive;

c) l'indice de la mission exprime la différence de prix entre le coût de la vie à la mission et le coût de la vie à Ottawa, selon les rapports mensuels remis à l'administrateur général par Statistique Canada.

[…]

DSE 58 - Indemnité différentielle de mission

Introduction

La présente indemnité est versée conformément à l'appendice de la présente directive à titre de compensation pour les conditions désagréables qui peuvent exister dans certaines missions. On a délégué au sous-ministre des Affaires étrangères le pouvoir de modifier, au besoin, les niveaux d'évaluation des missions sur la recommandation du comité interministériel compétent de coordination du service extérieur.

Directive 58

58.01 L'administrateur général doit autoriser le paiement d'une indemnité différentielle de mission au taux applicable en tenant compte du niveau d'évaluation de la mission et de la taille de la famille du fonctionnaire, conformément à l'appendice de la présente directive; dans ce cas :

a) les montants de l'indemnité différentielle de mission seront révisés le 1er avril de chaque année, conformément à la méthode adoptée par le Comité des directives sur le service extérieur du Conseil national mixte, et publiés sur le site Web du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international; et

b) les niveaux d'évaluation des missions seront établis et(ou) modifiés, au besoin, par le sous-ministre des Affaires étrangères, sur la recommandation du comité interministériel compétent de coordination du service extérieur, et publiés sur le site Web du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international; et

[…]

42 Les parties reconnaissent qu'Haïti ou Port-au-Prince sont des zones géographiques où le coût de la vie est plus élevé que celui de la région d'Ottawa/Gatineau aux fins de l'application de la DSE 55. Les parties reconnaissent aussi que Port-au-Prince est une mission éligible à l'indemnité différentielle de mission (DSE 58) au niveau V, soit le plus haut niveau de conditions désagréables de mission. À eux seuls, le coût de la vie et les conditions désagréables qui caractérisent les affectations à Port-au-Prince justifieraient donc le paiement des indemnités prévues dans les DSE 55 et 58. Ce point ne me semble pas en litige. La question réside plutôt dans le paiement simultané de ces indemnités et de l'ISM. Si l'ISM vise autre chose que les indemnités payables selon les DSE 55 et 58, les indemnités en question pourraient être payées en même temps que l'ISM. Pour le savoir, il faut examiner en quoi consiste l'ISM et sur quels éléments elle repose.

43 Mme Gowing a expliqué que, selon elle, l'ISM couvre déjà les éléments pris en compte pour payer les indemnités comprises dans les DSE 55 et 58. Elle n'a pas été qualifiée comme témoin expert. Elle n'a pas non plus témoigné dans le contexte d'une preuve extrinsèque visant à saisir le sens à donner à un texte qui n'est pas clair. Mme Gowing a plutôt témoigné comme une spécialiste de l'employeur sur la question des DSE et son témoignage a la même valeur probante limitée que celle que je donnerais au témoignage d'un représentant syndical qui s'y connaît sur une question devant moi. Ce type de témoignage se rapproche beaucoup plus d'un élément argumentaire présenté par une des parties que d'un élément de preuve en appui à l'argument en question.

44 Les parties m'ont soumis deux documents préparés par l'ONU sur la question de l'ISM. Le premier document n'est pas daté et a été soumis en preuve par M. Stockless. Il expose brièvement ce qu'est une ISM et explique très sommairement comment les indemnités sont établies. Il fournit en annexe une liste des différentes missions et des indemnités qui y sont payables. Les dernières révisions du montant des indemnités datent de 2009. Le document définit une ISM comme une indemnité quotidienne payable par l'ONU aux employés en mission pour leurs frais de subsistance. Le document spécifie que le taux de l'ISM est établi pour chaque mission en tenant compte du coût du logement à long terme, de la nourriture et des dépenses diverses sur place. Les taux peuvent être réduits dans les cas où la nourriture ou le logement sont fournis par l'ONU. Par exemple, dans les cas où le logement est fourni, l'ISM est réduite de 50 %.

45 Le second document a été soumis en preuve par l'employeur lors de son réexamen du témoignage de Mme Gowing. Il s'agit d'un compte rendu de 39 pages daté du 1er décembre 1995, faisant état de décisions prises par l'ONU et ayant comme titre « Indemnités accordées au personnel affecté à des missions sur le terrain, y compris l'indemnité de subsistance (missions) ». J'ai lu attentivement le document afin de saisir la nature de l'ISM et les éléments pris en compte pour en établir le taux. En ce sens, les extraits suivants du document sont utiles pour comprendre l'ISM :

[…]

19. a) Tout le personnel affecté à une même zone, dans les mêmes conditions, reçoit les mêmes émoluments. En d'autres termes, tous ceux qui ont droit à une indemnité de subsistance (missions) – qu'il s'agisse du personnel des Nations Unies, de personnes expressément recrutées pour la mission, de civils, d'observateurs militaires ou de contrôleurs de la police civile – reçoivent la même indemnité de subsistance pour couvrir leurs dépenses dans la zone de la mission;

[…]

22. L'indemnité de subsistance (missions) est destinée à couvrir les dépenses faites sur le terrain. Elle ne tient pas compte de la difficulté des conditions de vie et de travail et n'inclut pas de prime d'incitation

[…]

24. Lorsqu'une mission spéciale est créée, généralement par décision du Conseil de sécurité, un spécialiste de la rémunération du Service du régime commun et de la rémunération (Bureau de la gestion des ressources humaines) procède à une enquête sur le terrain, en collaboration avec la Division de l'administration et de la logistique des missions (Département des opérations de maintien de la paix), afin de rassembler des données sur le coût de la vie, qui serviront à déterminer les montants initiaux de l'indemnité de subsistance (missions) payable au personnel en mission. Une évaluation détaillée des frais de logement, de repas et des frais connexes (y compris, éventuellement, dans les cas où l'Organisation fournit le logement), est établie. Il est tenu compte du fait que certains produits de base, biens et services, voire d'infrastructures peuvent manquer dans la localité d'affectation, par exemple quand les équipements collectifs ont été détruits ou abandonnés. Les coûts de communication avec l'extérieur, ainsi que les conditions de vie et de travail dans la zone (altitude, services médicaux, rigueur du climat ou existence de journaux et périodiques) entrent également en ligne de compte.

[…]

27. Par la suite, les montants de l'indemnité de subsistance (missions) sont régulièrement revus afin de vérifier que les différents facteurs et coûts qui avaient été pris en compte pour calculer les montants initiaux restent valables. Le Service du régime commun et de la rémunération procède au besoin à une nouvelle analyse sur le terrain. Entre deux enquêtes, les montants de l'indemnité peuvent également être ajustés périodiquement, sur la base d'informations concernant l'évolution du coût de la vie dans la zone de la mission, communiquées par le chef de l'administration et les services administratifs de la mission.

28. Comme indiqué plus haut, le calcul du taux de l'indemnité de subsistance (missions) tient compte des besoins opérationnels de la mission. Dans certains cas, la mission peut sous-traiter en bloc la fourniture du logement, de la nourriture et d'autres services pour l'ensemble du personnel. L'indemnité de subsistance (missions) est alors réduite en conséquence, d'un montant qui varie selon la formule, à savoir « logement seul » ou « pension complète ». Cette option est plus économique que le versement de l'indemnité de subsistance (missions) complète.

29. Dans certaines zones de missions, des biens ou des services manquent cruellement ou sont totalement inexistants. Le montant de l'indemnité de subsistance (missions) doit alors refléter les dépenses que les fonctionnaires ont dû faire pour se les procurer dans la zone de la mission. Par exemple, l'eau potable peut être soit fournie gratuitement (l'indemnité de subsistance est alors moins élevée) soit vendue (le montant de l'indemnité est alors majoré).

[…]

36. L'indemnité journalière de subsistance est donc essentiellement destinée à couvrir les frais du fonctionnaire pendant des déplacements de brève durée effectués dans des conditions normales. Quant à l'indemnité de subsistance (missions), elle est destinée à couvrir les frais de subsistance pendant des missions de longue durée dans des conditions variables. L'indemnité journalière de subsistance correspond uniquement aux dépenses liées au voyage, alors que l'indemnité de subsistance (missions) tient compte de paramètres plus variés se rapportant à l'affectation et aux conditions de vie et de travail.

[…]

88. […] L'indemnité de subsistance (missions), qui est la principale indemnité, répond aux besoins opérationnels des missions; c'est un moyen efficace et administrativement simple de défrayer les fonctionnaires de leurs dépenses de subsistance sur le terrain. Les taux de l'indemnité de subsistance (missions) établis par la CFPI sont inférieurs à ceux des indemnités journalières de subsistance versées aux fonctionnaires pendant les voyages de courte durée; ils sont également inférieurs à leur équivalent dans la fonction publique de référence, qu'il s'agisse de courts ou de longs séjours. Les indemnités de subsistance (missions), telles qu'elles sont actuellement établies et attribuées, correspondent sensiblement aux dépenses découlant de l'affectation à une mission.

[Je souligne]

46 De par son titre même, l'ISM vise la subsistance, c'est-à-dire l'existence matérielle ou le fait de subvenir à ses besoins. Elle permet aux personnes qui la reçoivent de « couvrir leurs dépenses dans la zone d'affectation » (paragr. 19a) ou « faites sur le terrain » (paragr. 22). L'essence même de l'ISM est le remboursement de dépenses et non pas une compensation pour les désagréments à vivre dans des conditions difficiles. Il est d'ailleurs expressément spécifié au paragraphe 22 que l'ISM « ne tient pas compte de la difficulté des conditions de vie et de travail et n'inclut pas de prime d'incitation ».

47 Pour établir le montant de l'ISM, l'ONU rassemble « des données sur le coût de la vie qui serviront à déterminer les montants initiaux de l'indemnité de subsistance (missions) » (paragr. 24). Puis, l'ONU fait une évaluation des frais de logement, de repas et des frais connexes. Il est tenu compte que certains produits de base ou équipements peuvent manquer (paragr. 24). Enfin, le paragraphe 24 spécifie que les coûts de communication avec l'extérieur ainsi que les conditions de vie et de travail (altitude, services médicaux, climat, existence de journaux ou périodiques) entrent en ligne de compte.

48 Au paragraphe 27, il est fait mention que l'ISM est ajustée régulièrement en fonction du coût de la vie dans la zone de mission. Le paragraphe 29 apporte des précisions sur la composition de l'ISM qui tient compte des dépenses supplémentaires que peut engendrer le manque de biens ou de services dans la zone d'affectation. On cite à titre d'exemple le manque d'eau potable. Enfin, au paragraphe 88, on qualifie l'ISM de « moyen efficace et administrativement simple de défrayer les fonctionnaires de leurs dépenses de subsistance sur le terrain ». Plus loin, le même paragraphe stipule que « les ISM, telles qu'elles sont actuellement établies et attribuées, correspondent sensiblement aux dépenses découlant de l'affectation à une mission ».

49 La DSE 55 prévoit le paiement d'une indemnité de subsistance de mission pour compenser l'achat de produits et des services plus chers au lieu de la mission que dans la région de Gatineau Ottawa. Elle est calculée sur la base de l'indice du coût de la vie du pays de la mission. L'ISM est aussi une indemnité de subsistance qui est établie en tenant compte elle aussi du coût de la vie du pays de la mission. Accepter le paiement simultané de l'ISM et de l'indemnité prévue dans la DSE 55 serait accepter le principe d'un paiement en double pour indemniser un seul et unique élément, soit le coût de la vie. Le double paiement est interdit explicitement à la clause 2 des instructions de la DSE 3. Le double paiement irait aussi à l'encontre d'un des principes à la base des DSE selon lequel les fonctionnaires en mission à l'étranger « ne devraient être ni plus ni moins favorisés que s'ils travaillaient au Canada ». Cette partie du grief est donc rejetée. L'employeur était en droit de refuser de payer à M. Stockless les indemnités prévues dans la DSE 55.

50  L'ISM vise le remboursement de dépenses de subsistance. Selon l'ONU (voir le paragraphe 88 ci-haut cité), l'indemnité de subsistance correspond sensiblement aux dépenses encourues par l'employé en affectation. La DSE 58 ne vise pas le remboursement de dépenses. Il n'y est pas question de dépenses, mais plutôt d'une compensation financière « pour des conditions désagréables qui peuvent exister dans certaines missions ». Il est spécifié dans les instructions de la DSE 58 que les missions sont classées sur une échelle de I à V selon les « degrés relatifs de difficulté que présentent les missions. La formule évalue l'environnement physique, la situation locale, la sécurité personnelle ». Plus une mission présente un degré relatif élevé de difficulté, plus les indemnités payées sont élevées. Il ne s'agit pas d'indemniser des dépenses encourues, mais plutôt les désagréments ou difficultés que comporte la mission. Une mission en Haïti est considérée une mission de niveau V, c'est-à-dire une mission comportant un degré de difficulté très élevé. Compte tenu que l'ISM et la DSE 58 ne visent pas le même objectif et ne reposent pas sur les mêmes éléments, j'en arrive à la conclusion que l'employeur a violé la convention collective en refusant de payer à M. Stockless les indemnités prévues dans la DSE 58.

51 Même si l'ISM vise le remboursement des dépenses de subsistance, le document de l'ONU ci-haut cité spécifie au paragraphe 24 que les données sur le coût des logements, des repas et des frais connexes sont pris en compte pour calculer l'ISM. Ce même paragraphe fait aussi mention qu'on tient compte des conditions de vie et de travail dans la zone pour établir l'ISM. Pourtant, au paragraphe 22, le même document spécifie que l'ISM est destinée à couvrir les dépenses sur le terrain et qu'elle ne tient pas compte des conditions de vie et de travail et n'inclut pas de prime d'incitation. J'en conclus que la référence aux conditions de vie et de travail du paragraphe 24 réfère aux dépenses ou coûts supplémentaires que peuvent occasionner ces conditions et non pas pour servir de prime de « désagrément » ou de « difficulté » ou de « risque » encourus par les conditions difficiles.

52 La DSE 58 prévoit une indemnité mensuelle approximative de 1 000 $ en guise d'indemnisation pour les conditions désagréables caractérisant la mission en Haïti. Rien dans la preuve présentée ne m'amène à croire que le paiement de cette indemnité ferait que M. Stockless recevrait un traitement global supérieur à ce qu'il aurait reçu s'il avait été au Canada. Une trentaine de dollars par jour n'est certainement pas une indemnisation disproportionnée pour les conditions difficiles de sa mission. Qui plus est, il s'agit là d'une toute autre question que celle du droit de recevoir l'indemnité payable en vertu de la DSE 58.

53 J'ai révisé les décisions citées par les parties et elles ne sont pas directement liées aux questions devant moi si ce n'est que pour rappeler certains principes d'interprétation. Je ne reviendrai donc pas sur ces décisions.

54 M. Stockless a soumis en preuve divers documents pouvant laisser croire que les employés de la GRC auraient reçus des bénéfices supérieurs aux siens lors de missions en Haïti. L'employeur n'a aucune obligation de payer à un employée ce que d'autres employeurs payent dans des circonstances comparables. M. Stockless a aussi soumis en preuve des documents qui montrent que certains employés du SCC auraient reçus des bénéfices supérieurs aux siens lors d'affectations en Afghanistan. Je suis d'accord avec l'employeur pour dire que les règles applicables ne sont pas les mêmes car les affectations en question ont été faites dans le cadre d'une mission canadienne et non pas d'une mission de l'ONU.

55 L'employeur avait rejeté les griefs au premier et au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs sur la base qu'ils étaient hors délai. Il ne semble pas avoir soulevé ce point au CNM et ne l'a pas fait à la suite du renvoi à l'arbitrage. Il a cependant demandé à ce que la mesure corrective ne s'applique qu'à partir des 25 jours avant le dépôt du grief. Sur ce point, il m'a renvoyé à Coallier. M. Stockless n'est pas d'accord avec l'employeur et prétend plutôt que ma décision devrait s'appliquer à partir du début de son affectation en Haïti. En appui à son argument, il m'a renvoyé à Kullar.

56 Je suis d'accord avec l'employeur. M. Stockless a commencé son affectation en Haïti le 23 septembre 2010. Il avait au préalable signé une entente d'affectation qui comprenait la liste des DSE qui s'appliquaient. Cette entente ne comprenait pas les DSE 55 et 58 et M. Stockless connaissait dès septembre 2010 l'existence du présent litige. Ce n'est que le 10 août 2011, soit 11 mois plus tard, qu'il a déposé un grief. Selon le principe établi par la Cour fédérale dans Coallier, le grief de M. Stockless ne peut que porter sur les indemnités que l'employeur aurait dû lui payer dans les 25 jours précédant la présentation du grief. Les faits entourant le grief de M. Stockless diffèrent de ceux dans Kullar où l'arbitre de grief a accepté d'appliquer les mesures correctives plus de 25 jours avant le dépôt du grief. Dans Kullar, il y avait eu plusieurs discussions avant le dépôt du grief entre le syndicat et l'employeur afin de tenter de résoudre le litige en question permettant de croire à un règlement global des demandes de tous les employés visés incluant celles du fonctionnaire s'estimant lésé. Dans le présent grief, il y a eu des discussions entre le syndicat et l'employeur, mais elles ont eu lieu après le dépôt du grief. Ces discussions ne peuvent évidemment justifier le dépôt tardif du grief comme dans Kullar et donner droit à une mesure corrective rétroactive à 11 mois avant le dépôt du grief.

57 Je conclus donc que l'employeur a violé la clause 41.03 de la convention collective en ne versant pas à M. Stockless l'indemnité prévue dans la DSE 58. Il devra payer cette indemnité à M. Stockless rétroactivement à 25 jours avant le dépôt de son grief.

58 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

59 Le grief de M. Stockless est accueilli en partie. J'ordonne à l'employeur de payer à M. Stockless l'indemnité prévue à la DSE 58 à partir de 25 jours avant le dépôt de son grief jusqu'à la fin de son affectation.

60  Je laisse aux parties le soin de s'entendre sur le calcul des sommes que l'employeur doit payer à M. Stockless.

61 L'employeur devra rembourser les sommes dues à M. Stockless dans les 60 jours de ma décision.

62 Je demeure saisi du grief de M. Stockless pour une période de 90 jours suivant la date de ma décision pour résoudre tout litige sur le calcul de la somme payable à M. Stockless.

Le 29 mai 2013.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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