Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant était représenté par un représentant de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) dans le cadre d’un grief - lorsqu’un nouveau représentant lui a été assigné, le plaignant a demandé que quelqu’un d’autre le représente - il a déposé une plainte contre l’IPFPC relativement à une pratique déloyale de travail - ses préoccupations concernaient les responsabilités découlant du portefeuille de son représentant, un conflit d’intérêts allégué et son désaccord avec les déclarations publiques de l’IPFPC à l’égard de certaines questions - il a par la suite demandé que trois autres personnes soient ajoutées à titre de parties à sa plainte, les identifiant comme étant des cadres s’acquittant de certaines fonctions aux termes du Code canadien du travail (le <<Code>>) - les défendeurs ont soutenu que la Commission n’avait pas la compétence pour examiner la plainte, car elle soulève des questions qui relèvent uniquement de la gestion interne des affaires d’un syndicat - les défendeurs ont soutenu subsidiairement qu’ils n’avaient pas agi d’une manière arbitraire ou discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi - la Commission a rejeté la motion du plaignant visant à ajouter des parties - aucune preuve n'indiquait qu'ils étaient des dirigeants ou des employés d’une organisation syndicale, et leurs fonctions en vertu du Code n’avaient aucune incidence sur la plainte - la Commission a rejeté la motion des défendeurs concernant la compétence, car ils n’ont pas présenté suffisamment de preuves pour conclure que l’affaire concernait uniquement une question de gestion interne du syndicat - la Commission a conclu que les allégations du plaignant n’établissaient aucunement que la décision d’assigner un nouveau représentant avait été prise de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi - le fait que le représentant pouvait représenter des membres de l’IPFPC travaillant pour des organismes faisant partie de son portefeuille ne constitue pas une preuve que l’IPFPC se soit conduit de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi - le fait que le plaignant était en désaccord avec une prise de position de l’IPFPC n’établissait aucunement, en soi, qu’il y avait eu violation de l’article 187 de la Loi - les preuves présentées à la Commission n’établissaient pas que l’IPFPC avait agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard du plaignant. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-08-02
  • Dossier:  561-02-607
  • Référence:  2013 CRTFP 93

Devant une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique président


ENTRE

NIALL MICHAEL ZELEM

plaignant

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA, GARY CORBETT, NANCY LAMARCHE, ET SIMON FERRAND

défendeurs

Répertorié
Zelem c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada et al.

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour les défendeurs:
Isabelle Roy, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 15 mars, le 12 avril, les 15, 17 et 30 mai, et les 6, 11, et 19 juin 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 15 mars 2013, Niall Michael Zelem (le « plaignant »), a déposé une plainte contre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« IPFPC »), Gary Corbett, Nancy Lamarche et Simon Ferrand (collectivement, les « défendeurs »), en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »).

2 La plainte découle de la représentation du plaignant par l’IPFPC dans le cadre d’un grief contestant son licenciement (le « grief »); les détails de la plainte sont exposés dans les deux annexes jointes à sa plainte.

3 En décembre 2012, la représentante de l’IPFPC qui représentait le plaignant dans le cadre de son grief a pris un congé pour une durée indéterminée et un autre représentant de l’IPFPC a dû assumer la représentation du plaignant. Le plaignant a écrit à l’IPFPC et demandé d’avoir droit de regard sur le choix du nouveau représentant.

4 L’IPFPC n’aurait pas répondu à sa demande, et le plaignant a alors écrit à M. Corbett, réitérant sa demande. L’IPFPC n’a pas accédé à sa demande et a assigné M. Ferrand à titre de représentant dans son dossier.

5 Dans sa plainte, le plaignant a demandé comme mesure de redressement d’être représenté par M. Eric Langlais, un autre représentant de l’IPFPC, plutôt que par M. Ferrand. De plus, il a demandé que [traduction] « […] toutes les plaintes portant sur le milieu de travail et sur la qualité de l’air déposées au cours des sept dernières années (date de la demande de décembre 2012) tel qu’il a été demandé par ma représentante syndicale à l’origine, Mme Ross, soient reproduites et qu’on me remette un exemplaire et que l’autre exemplaire soit conservé à l’IPFPC. » Le plaignant a également demandé le versement d’un dédommagement selon le montant jugé convenable par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») ainsi que la dissolution de l’IPFPC.

6 Le 12 avril 2013, les défendeurs ont produit une réponse à la plainte; le plaignant a produit sa réplique le 15 mai 2013.

7 Le 17 mai 2013, le plaignant a transmis à la Commission et aux défendeurs, par courriel, une copie de sa réplique aux arguments écrits des défendeurs. Lors de la transmission de sa réplique, il a ajouté trois nouveaux noms à la section des destinataires. En plus d’ajouter ces noms, le plaignant a également mentionné ce qui suit dans le corps du texte du courriel :

[Traduction]

Une copie de la lettre transmise par télécopie à toutes les parties le 15 mai 2012 est jointe.

Trois nouveaux destinataires ont été ajoutés à titre de parties à ma plainte dans le dossier de la CRTFP 561-02-607.

8 Le 30 mai 2013, en réponse au courriel du plaignant du 17 mai 2013, l’avocate des défendeurs a envoyé un courriel à la Commission, avec copie conforme au plaignant, demandant des précisions quant au sens de la mention relative à l’ajout de défendeurs faite par le plaignant.

9 Le 6 juin 2013, la Commission a écrit aux parties et leur a fait part de ce qui suit :

[Traduction]

La formation de la Commission adopte la position suivante, à savoir que le plaignant n’a pas, dans son courriel daté du 17 mai 2013, ajouté des parties ou des défendeurs à cette plainte. Selon le libellé employé par le plaignant, il semble qu’il avait simplement l’intention d’ajouter trois nouveaux destinataires à sa communication et y a incorrectement renvoyé comme étant des « parties ». En déposant sa plainte, le plaignant a clairement identifié quatre défendeurs (l’IPFPC, Gary Corbett, Nancy Lamarche et Simon Ferrand), et l’ajout de quelque autre défendeur à la plainte nécessiterait l’approbation de la Commission après que celle-ci ait entendu l’argumentation des deux parties sur la question de modifier la plainte. Aucune demande à cet égard n’a été présentée par le plaignant, et les défendeurs demeurent tels qu’ils ont été précédemment identifiés dans la correspondance avec la Commission.

10 Le 6 juin 2013, le plaignant a envoyé un courriel à la Commission et aux défendeurs, de même qu’aux trois parties qu’il avait ajoutées dans son courriel du 17 mai 2013. Dans son courriel du 6 juin 2013, le plaignant a affirmé ce qui suit :

[Traduction]

Le 17 mai 2013, j’ai envoyé un message indiquant que trois nouveaux défendeurs avaient été ajoutés, en incluant trois nouveaux destinataires à la ligne des destinataires du message électronique. Remarquez que parmi les destinataires du courriel, il était évident que trois adresses de messagerie électronique y figurant se distinguaient en ce qu’elles ne correspondaient qu’à des employés de mon ancien lieu de travail.

11 Le 7 juin 2013, la Commission a écrit aux parties, accusant réception tant de la communication des défendeurs datée du 30 mai 2013 que de celle du plaignant datée du 6 juin 2013, et confirmant la position de la Commission relativement à la déclaration du plaignant que de nouveaux défendeurs ou de nouvelles parties avaient été ajoutés. La position de la Commission à l’égard de cette question est demeurée la même que celle énoncée au paragraphe 9 ci-dessus.

12 Le 11 juin 2013, le plaignant a écrit à la Commission et a présenté une demande de modification de la plainte afin d’y ajouter Claude Mathieu, Andre Gelinas et Andrew Strong à titre de défendeurs. Le 19 juin 2013, les défendeurs ont répondu à cette demande de modification, faisant savoir qu’ils s’y opposaient.

II. Résumé de la preuve

A. La plainte

13 Le plaignant travaillait à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, une agence établie sous l’égide d’Industrie Canada (l’« employeur »). Il a été licencié en avril 2011. Le 3 octobre 2012, avec l’aide de l’IPFPC, il a présenté un grief contestant son licenciement (dossier de la CRTFP 566-02-8286). Dans le cadre de son grief, il était représenté par Mme Laura Ross, une agente des relations du travail (« ART ») de l’IPFPC.

14 Vers la fin de l’année 2012, le plaignant a appris que Mme Ross prenait un congé prolongé. Il a affirmé qu’il avait écrit à Mme Ross le 20 décembre 2012, lui demandant qu’on lui permette d’avoir son mot à dire dans le choix de son nouvel ART. Il a affirmé qu’il avait suggéré à Mme Ross de lui fournir les noms de trois personnes qu’elle jugeait compétentes et qu’il en choisirait une parmi cette liste.

15 Selon le plaignant, Mme Ross lui a confirmé que Mme Lamarche, une représentante régionale au bureau de la Région de la capitale nationale (« BRCN ») de l’IPFPC, avait reçu son message. Il a affirmé que sa demande avait été ignorée. Par la suite, il a transmis sa demande à M. Corbett, le président-directeur général de l’IPFPC. Selon le plaignant, M. Corbett a également ignoré sa demande et a refusé de permettre à Mme Ross de rédiger une ébauche d’arguments pour le compte du plaignant avant de partir en congé.

16 Selon le plaignant, le 14 janvier 2013, M. Ferrand, un ART du BRCN, a été assigné afin de le représenter dans son dossier de grief.

17 Le plaignant a allégué que le portefeuille de M. Ferrand comprenait les dossiers de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC »). Selon le plaignant, il existerait un conflit d’intérêts apparent lorsque le dossier d’un membre du syndicat est transféré à un représentant dont le portefeuille de dossiers inclut ceux de la GRC, car cela compromet la capacité du membre de communiquer avec la GRC; on porterait alors atteinte à son droit à une approche objective auprès de la GRC. Il a également allégué qu’il s’agissait d’une préoccupation, car l’employeur retardait les démarches relativement à son grief.

18 En plus du fait que le portefeuille de M. Ferrand comprenait la GRC, le plaignant a précisé que M. Ferrand représentait également les membres qui travaillent pour le Service correctionnel du Canada (le « SCC »), la Commission nationale des libérations conditionnelles (la « CNLC ») et le ministère des Ressources naturelles (le « MRN »).

19 Le plaignant a allégué que Mme Lamarche avait tardé pendant deux mois à remédier à la situation, et il a donc déposé deux plaintes d’atteinte aux droits de la personne en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. H 19. Aucune précision n’a été donnée quant aux détails ou l’état de ces plaintes.

20 Le plaignant a affirmé qu’il avait raison d’être mécontent du traitement qu’il a reçu en 2008. Selon ses allégations, il n’était pas content de la manière dont l’IPFPC avait traité une question ayant trait aux évaluations de travail, ce qui aurait contribué à rendre plus difficile son départ du travail à l’occasion du décès de sa sœur. Aucune autre précision n’a été fournie.

21 Le plaignant est également préoccupé par des gestes que l’IPFPC aurait posés publiquement en regard de certains actes du gouvernement fédéral. À titre d’exemple, il a mentionné le décès d’un avocat du ministère de la Justice et la réaction publique de M. Corbett à ce sujet. Il est aussi préoccupé par d’autres actions prises par le gouvernement fédéral, et estime que l’IPFPC et M. Corbett devraient agir relativement à ces actions.

22 Le plaignant a affirmé qu’il croyait avoir été aspergé d’un produit chimique à son travail. Il en a avisé son employeur en décembre 2006. Il a précisé que son médecin avait demandé que des examens soient effectués, lesquels ont été faits en 2008. Il a déclaré que les résultats étaient positifs en regard d’une substance en particulier. Il a joint à ses arguments écrits une photocopie d’un rapport d’analyse en laboratoire. Le plaignant n’a toutefois pas précisé de quelle substance il s’agissait et n’était pas en mesure de confirmer qu’il avait été exposé à cette substance à son travail. Des parties du rapport d’analyse en laboratoire joint à ses arguments écrits ont été supprimées, notamment les résultats de l’analyse. Le plaignant est d’avis que l’exposition à la substance pourrait avoir déclenché chez lui des problèmes de santé mentale à long terme ayant contribué à son incapacité à retourner au travail.

23 Le plaignant a affirmé qu’en décembre 2012, Mme Ross avait demandé certains documents à l’employeur, supposément en lien avec son grief. Ces documents, selon le plaignant, concernaient [traduction] « […] les plaintes portant sur le milieu de travail et la qualité de l’air déposées au cours des sept dernières années […]. »

24 Depuis le 15 mai 2013, M. Langlais, le représentant de l’IPFPC que le plaignant souhaitait initialement avoir comme ART, est le représentant du fonctionnaire en ce qui concerne le grief.

B. Demande de modification de la plainte afin d’y ajouter des défendeurs

25 Dans sa communication datée du 11 juin 2013 dans laquelle il a demandé à la Commission d’ajouter à sa plainte MM. Mathieu, Gelinas et Strong, les seuls faits formulés par le plaignant à l’appui de sa demande étaient les suivants :

1. que ces trois personnes avaient agi à titre de gestionnaire responsable de section à certains moments, entre les années 2006 et 2008, alors qu’ils travaillaient au même étage que lui;

2. que ces derniers, contrairement aux employés de la gestion des locaux et des immeubles qui sont responsables de l’ensemble de l’immeuble, regroupant ainsi plusieurs sections de diverses directions générales, n’étaient sans doute pas quotidiennement inondés de plaintes portant sur le milieu de travail;

3. qu’ils devraient être en mesure de se souvenir des événements pertinents.

26 Les défendeurs ont affirmé que les trois individus que le plaignant souhaite ajouter à sa plainte semblent tous avoir agi pour le compte de l’employeur dans le cadre de leurs relations avec le plaignant.

III. Résumé de l’argumentation

A. Demande de modification de la plainte afin d’y ajouter des défendeurs

1. Pour le plaignant

27 Le plaignant a soutenu que la justification dans le but d’ajouter les trois individus, soit MM. Mathieu, Gelinas et Strong, est tellement évidente qu’elle peut être formulée sans y ajouter des précisions au sujet de son ancien emploi et de la procédure actuelle de règlement de grief.

28 À l’appui de ses prétentions, il m’a renvoyé à l’alinéa 125(1)s) du Code canadien du travail (le « Code »), (qu’il a identifié comme étant le [traduction] « Code du travail du Canada ») lequel prévoit que l’employeur est tenu « […] de veiller à ce que soient portés à l’attention de chaque employé les risques connus ou prévisibles que présente pour sa santé et sa sécurité l’endroit où il travaille. » Il a fait valoir que cette disposition du Code vise essentiellement à s’assurer qu’un milieu de travail informé soit mis en place de manière à ce qu’il soit possible de détecter et de prévenir les risques prévisibles.

29 Toujours dans le cadre de son argumentation, le plaignant a fait valoir que lorsqu’une plainte est déposée auprès de la Commission et qu’un redressement partiel est demandé relativement au milieu de travail et à la qualité de l’air, conformément au Code, des garanties de sécurité devraient être établies. Tout en soulignant qu’il ne souhaite pas être condescendant, il a formulé la réponse qui, selon lui, aurait dû lui être envoyée par la Commission les 6 et 7 juin 2013. Il a souligné que l’ajout de ces trois individus à titre de défendeurs constituait également une garantie de sécurité idéale.

30 Le plaignant a fait valoir que MM. Mathieu, Gelinas et Strong ont tous les trois travaillé au même étage que lui à titre de gestionnaires responsables de section à certains moments entre 2006 et 2008 et que, par conséquent, ils devraient être en mesure de se souvenir des événements pertinents. Il a poursuivi son argumentation en ajoutant que :

[Traduction]

« […] s’ils avaient suivi la procédure appropriée et avisé leurs supérieurs de toute plainte concernant le milieu de travail en lien avec des événements survenus à mon étage, ils reconnaîtraient alors sans doute leur immunité en regard du non-respect de l’alinéa 125(1)s) du Code canadien du travail, en cas de non-conformité, ce qui rendrait plus probable qu’ils dénoncent une faute, si faute il y a. »

31 Le plaignant a affirmé qu’en ajoutant MM. Mathieu, Gelinas et Strong à la plainte, ils avaient alors le fardeau de divulguer toute information pertinente quant au défaut de se conformer à l’alinéa 125(1)s) du Code.

32 En concluant son argumentation, le plaignant a soutenu que cette demande pourrait être rejetée seulement sur la base du délai imparti et que ce ne serait pas un motif valable pour refuser la présente demande, car il y aurait eu moyen d’accélérer le processus de traitement des plaintes.

2. Pour les défendeurs

33 Les défendeurs ont fait valoir que la plainte avait été déposée en vertu de l’article 190 de la Loi et que le plaignant avait allégué une pratique déloyale de travail au sens de l’article 185 de la Loi. Ils ont fait valoir que MM. Mathieu, Gelinas et Strong semblaient être des employés cadres et que, par conséquent, ils n’étaient pas en mesure s’exprimer sur leur conduite puisqu’’ils agissaient au nom de l’employeur. Pour ce motif, les défendeurs ont affirmé qu’ils ne consentaient pas à ce que ces individus soient ajoutés à la plainte à titre de défendeurs. De plus, les défendeurs ont également soutenu qu’ils n’étaient pas en mesure de parler de la conduite des individus qui agissent au nom de l’employeur.

34 Les défendeurs ont souligné que les défendeurs nommés dans la plainte initiale sont considérés comme des plaignants éventuels en vertu de l’article 187 de la Loi, puisqu’ils concernent l’organisation syndicale, ses dirigeants ou ses représentants. Ils ont toutefois soutenu que les trois individus supplémentaires dont les noms figurent dans la lettre du 11 juin 2013 n’étaient pas visés par ces dispositions.

35 Les défendeurs ont déclaré que la demande devrait être rejetée.

B. La plainte

1. Pour le plaignant

36 Le plaignant a soutenu qu’en raison de la façon dont il a été traité par l’IPFPC en 2008 relativement à une question en lien avec ses évaluations de travail et le décès de sa sœur, pour des motifs humanitaires et éthiques, il devrait lui être permis de choisir son ART.

37 Selon le plaignant, des dirigeants de l’IPFPC, notamment M. Corbett, ont manqué à leurs obligations. Par conséquent, il doute de leur capacité à nommer en toute équité un ART. À l’appui de ses arguments, il a affirmé que M. Corbett et d’autres dirigeants de l’IPFPC étaient obligés de prendre position publiquement au sujet du décès d’un avocat du ministère de la Justice. Le plaignant a poursuivi son argumentation en formulant ce que l’IPFPC et M. Corbett auraient dû dire lors de leurs communications aux médias au sujet du décès de cet avocat.

38 Selon le plaignant, la conduite publique de la direction de l’IPFPC soulève d’importantes questions quant à leur aptitude à nommer en toute équité un agent des relations du travail à son dossier de grief, ce qui justifie qu’il choisisse lui-même son représentant parmi les personnes disponibles.

39 Selon le plaignant, puisqu’il s’est plaint au sujet de politiciens auprès de la GRC, et puisque M. Ferrand est responsable des dossiers de la GRC, les défendeurs ne devraient jamais, peu importe les circonstances ou qu’un membre de l’IPFPC ait ou non porté plainte à la GRC par le passé, transférer un membre de son agent de relations du travail initial à un agent dont le portefeuille de dossiers comprend ceux de la GRC.

40 Le plaignant a affirmé qu’il ne savait rien au sujet de M. Ferrand. Il a néanmoins précisé que M. Ferrand était responsable de la GRC, du SCC, du MRN et de la CNLC, et que trois de ces organismes concernent des activités criminelles et comprennent des enjeux à caractère physique qui, à son avis, ont davantage la possibilité de soulever la controverse au niveau politique que toute autre catégorie de membres représentée par l’IPFPC. De plus, il a affirmé qu’étant donné qu’il avait activement milité en politique par le passé, il était raisonnable de sa part de refuser le choix de M. Ferrand comme représentant dans son dossier et de demander un autre représentant.

41 À l’annexe B de sa plainte, le plaignant a affirmé ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] en décembre 2012, Mme Ross avait demandé des comptes rendus des plaintes portant sur le milieu de travail et la qualité de l’air pour les sept dernières années. À ma connaissance, mon ancien employeur ne lui a pas transmis ces comptes rendus en raison d’un délai inusité du membre patronal du comité de santé et du transfert subit par l’IPFPC à M. Ferrand de son dossier. Je trouvais cette séquence d’évènements étrange, et j’ai conclu qu’elle constituait un motif valable d’éviter de transiger avec M. Ferrand.

[…]

2. Pour les défendeurs

42 Les défendeurs ont soutenu que la Commission n’avait pas compétence pour examiner la plainte car celle-ci portait uniquement sur des questions de gestion interne des affaires d’une organisation syndicale. Dans sa plainte, le plaignant n’a pas allégué qu’il n’avait pas eu droit à la représentation syndicale, pas plus qu’il n’a dévoilé quelque préoccupation au plan de la qualité de la représentation. Le plaignant est toujours représenté par l’IPFPC.

43 L’essentiel de la plainte réside dans le fait que le plaignant n’a pas eu le droit de choisir l’ART qui le représenterait dans le cadre de son grief. Le plaignant a aussi énoncé des préoccupations générales quant à l’assignation des tâches par l’IPFPC à ses représentants.

44 Les défendeurs m’ont renvoyé à George W. Adams, Canadian Labour Law, 2e édition, au paragraphe 13.266, ainsi qu’à Tucci c. Hindle, [1997], CRTFP, no 146 (dossier de la CRTFP 161-02-840 (19971229)), White c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 62, et Bracciale c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicat des employé(e)s de l’impôt, section locale 00048), 2000 CRTFP 88, à l’appui de la proposition voulant que la compétence d’une commission des relations de travail pour trancher si un agent négociateur a agi ou non en violation de son devoir de représentation équitable ne confère pas à cette commission un pouvoir de surveillance sur les affaires internes ou la gestion des syndicats.

45 L’assignation des représentants et la distribution de leur travail relèvent de la gestion interne du syndicat. L’IPFPC a le pouvoir légitime d’établir l’assignation du travail au sein de son organisation. Le prédécesseur de la Commission, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique s’est prononcée à ce sujet dans Tucci, statuant qu’il n’était pas du ressort de la Commission d’entendre une plainte de la part d’un membre du syndicat alléguant qu’il s’agissait d’une pratique déloyale de travail de la part d’un syndicat de lui refuser le droit d’être représenté par le représentant de son choix lors d’une audience.

46 Puisque la plainte n’a rien à voir avec la relation du plaignant avec son employeur et plutôt tout à voir avec les affaires internes de l’IPFPC, la Commission n’a pas compétence et la plainte devrait être rejetée.

47 Subsidiairement et advenant que la Commission conclue qu’elle a compétence, les défendeurs ont déclaré qu’ils n’avaient pas agi de façon arbitraire, discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi dans leur représentation du plaignant.

48 Les défendeurs ont également fait valoir qu’il incombait au plaignant d’établir qu’ils avaient commis quelque manquement en ce qui concerne leurs obligations en vertu de l’article 187 de la Loi, et que le plaignant n’avait présenté aucune preuve à ce sujet.

49 Les défendeurs s’appuient sur Rayonier of Canada (B.C.) Ltd. v. IWA, Local 1-217, [1975] 2 Can. L.R.B.R., 196 (C.-B.), aux pages 201 et 202 :

[Traduction]

[…]

[…] Le syndicat ne doit pas être mû par la mauvaise foi, c’est-à-dire en faisant preuve d’hostilité, en agissant par vengeance politique ou par malhonnêteté. Il ne doit pas non plus agir de manière discriminatoire, traiter certains employés de façon inéquitable que ce soit pour des motifs liés à son origine ethnique ou son sexe (interdits en vertu du Code des droits de la personne) ou simplement par favoritisme envers un individu. […] Enfin, un syndicat ne peut agir de manière arbitraire, faisant fi des intérêts d’un des employés de manière cavalière. Il doit plutôt adopter une approche raisonnable du problème qui se pose, et arriver à une décision réfléchie pour le résoudre, après avoir soupesé les diverses considérations pertinentes et divergentes.

[…]

50 Alors que le plaignant a vaguement fait allusion dans sa plainte au fait que les défendeurs savent qu’il avait des [traduction] « problèmes de santé mentale », il n’a pas fourni aux défendeurs quelque information à l’appui de son allégation qu’il ne peut être représenté par une autre personne que M. Langlais.

51 Les défendeurs ont soutenu qu’en l’absence de toute preuve établissant l’exigence dûment établie et justifiée de fournir une mesure d’adaptation, il ne peut être reproché à l’IPFPC d’avoir manqué à son devoir de représentation équitable en choisissant de refuser la demande d’un membre d’être représenté par un membre de son équipe de représentants au lieu d’un autre sur la base de simples soupçons ou de simples inférences.

52 Les défendeurs ont pris leurs décisions de bonne foi, après avoir tenu compte de tous les renseignements pertinents. Ils n’étaient pas motivés par quelque hostilité personnelle, et n’ont pas agi de manière arbitraire ou discriminatoire à l’égard du plaignant.

3. Réplique du plaignant

53 Le plaignant a soutenu que les arguments des défendeurs étaient sans objet, car les activités opérationnelles d’un syndicat relevaient de la compétence de la Commission. Il a également fait valoir que le mandat de la Commission comprenait notamment le fait de vérifier si les agents négociateurs ou les organisations syndicales agissent de manière discriminatoire et, le cas échéant, d’ordonner les mesures de redressement appropriées.

V. Motifs

A. Demande de modification de la plainte en vue d’ajouter des défendeurs

54 Lors du dépôt des arguments écrits, le plaignant a tenté de manière unilatérale d’ajouter trois nouveaux défendeurs à la plainte en ajoutant leurs noms à la ligne des destinataires de son courriel dans lequel il transmettait ses arguments en réplique, le 17 mai 2013.

55 En l’absence d’une demande de modification de la plainte, j’ai jugé que les trois personnes nommées n’étaient pas parties à la plainte et la Commission a écrit aux parties afin de leur confirmer cette position.

56 Le 11 juin 2013, le plaignant a officiellement demandé à la Commission de modifier la plainte et d’y ajouter à titre de défendeurs MM. Mathieu, Gelinas et Strong.

57 La demande de modification de la plainte en vue d’ajouter à titre de défendeurs MM. Mathieu, Gelinas et Strong doit être rejetée, pour les motifs exposés ci-après.

58 Une plainte de pratique déloyale contre un agent négociateur déposée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi, alléguant une pratique déloyale de travail au sens de l’article 185 de la Loi, vise toute pratique interdite en vertu de l’article 187 de la Loi. L’article 187 se lit comme suit :

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

59 Pour que MM. Mathieu, Gelinas ou Strong puisse être désigné à titre de défendeur à la plainte, celui-ci doit être un dirigeant ou un employé d’une organisation syndicale. Or, il n’y a aucune preuve que MM. Mathieu, Gelinas ou Strong soient membres de l’organisation syndicale défenderesse, l’IPFPC, et encore moins que l’un ou l’autre soit un dirigeant ou un employé de cette même organisation. Le plaignant les a identifiés comme étant des employés cadres de l’employeur.

60 Par ailleurs, il n’y a aucune preuve que MM. Mathieu, Gelinas ou Strong aient agi, à titre de dirigeant ou d’employé d’une organisation syndicale, de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

61 Le plaignant n’a pas établi de motif pouvant justifier l’ajout de MM. Mathieu, Gelinas et Strong à titre de défendeurs, ni renvoyé à quelque disposition de la Loi oude son règlement ni à quelque jurisprudence à l’appui de sa position.

62 L’alinéa 125(1)s) du Code, sur lequelle plaignant semble s’appuyer pour ajouter MM. Mathieu, Gelinas et Strong à titre de défendeurs à la plainte, prévoit ce qui suit :

125(1). Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève,

s) de veiller à ce que soient portés à l’attention de chaque employé les risques connus ou prévisibles que présente pour sa santé et sa sécurité l’endroit où il travaille.

63 L’alinéa 125(1)s) du Code énonce et impose des responsabilités à un employeur au sens dudit Code. L’employeur du plaignant, tant au sens de la Loi que du Code, est l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, une agence établie sous l’égide d’Industrie Canada. L’alinéa 125(1)s) ne vise aucunement la plainte dont je suis saisi et n’est pas pertinente aux fins de la présente plainte.

B. La plainte

64 Les défendeurs se sont opposés à la compétence de la Commission au motif que l’article 187 de la Loi ne s’applique pas aux affaires internes de l’IPFPC.

65 Puisqu’ils se sont opposés à la compétence de la Commission, il incombe aux défendeurs de présenter une preuve suffisante pour me convaincre que l’affaire dont je suis saisi concerne uniquement une question de gestion interne du syndicat. La preuve présentée est insuffisante pour satisfaire ce fardeau.

66 Une plainte déposée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi allègue qu’il y a pratique déloyale de travail au sens de l’article 185 de la Loi, lequel énonce ce qui suit :

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

67 La partie de l’article 185 de la Loi sur laquelle se fonde le plaignant est l’article 187, imposant aux organisations syndicales un devoir de représentation équitable; cet article se lit comme suit :

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

68 Pour réussir, le plaignant doit établir en preuve que les défendeurs ou leurs dirigeants ou représentants ont agi, dans le cadre de leur mandat de représentation du plaignant, de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

69 La Commission a maintes fois affirmé qu’un plaignant avait le fardeau d’établir une preuve prima facie de l’existence d’une pratique déloyale de travail. (Voir notamment Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28, Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 64, Baun c. Élément national de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 127.)

70 Le plaignant a présenté un grief contre son employeur, lequel avait mis fin à son emploi en avril 2011. Il était représenté dans ce différend par l’IPFFPC, et continue de l’être. Le ou vers le mois de décembre 2012, il a su que son agente des relations de travail, Mme Ross, partait en congé prolongé, et il lui a alors écrit pour lui demander qu’on lui permette d’avoir son mot à dire dans le choix de son nouvel agent. Il lui a suggéré de lui fournir les noms de trois personnes qu’elle jugeait compétentes et signalé qu’il en choisirait une.

71 D’après le plaignant, Mme Lamarche était au courant de sa demande et n’y aurait pas donné suite. Comme ni l’IPFPC ni Mme Lamarche n’ont donné suite à sa demande, il a écrit directement au président de l’IPFPC, M. Corbett. L’IPFPC n’a pas accédé à sa demande, et a plutôt assigné M. Ferrand pour le représenter dans son grief contre son employeur. Le plaignant ne voulait pas être représenté par M. Ferrand; il voulait plutôt être représenté par M. Langlais. Cette action est celle ayant mené au dépôt de la plainte dont je suis saisi.

72 Puisqu’il appert qu’à compter du 15 mai 2013, M. Langlais a remplacé M. Ferrand à titre de représentant du plaignant dans son grief, cela rend sans objet une partie du redressement demandé dans le cadre de cette plainte. Il y a lieu toutefois de trancher le bien-fondé des allégations formulées par le plaignant.

73  Le plaignant s’appuie essentiellement sur les trois arguments suivants :

  1. le traitement dont il a fait l’objet de la part de l’IPFPC en 2008;
  2. le portefeuille de M. Ferrand;
  3. la direction de l’IPFPC.

C. Le traitement dont le plaignant a fait l’objet de la part de l’IPFPC en 2008

74 Le plaignant a affirmé qu’en raison de la façon dont il a été traité par l’IPFPC en 2008, il devrait pouvoir se prononcer sur le choix de son représentant de l’IPFPC. Il a formulé des allégations plutôt vagues au sujet de la représentation de l’IPFPC en 2008. Selon lui, l’IPFPC ne lui aurait pas fourni d’exemplaires certifiés d’évaluation de travail au cours de la période de décès de sa sœur, ce qui aurait contribué, d’une certaine manière, à rendre plus difficile son absence du travail avant le décès de celle-ci. Selon le plaignant, cela démontre de l’apathie de la part de l’IPFPC et de ses dirigeants; si ces derniers avaient fait preuve d’empathie et d’éthique, ils lui auraient permis de choisir l’ART qui remplacerait Mme Ross.

75 L’insatisfaction quant au traitement dont une personne fait l’objet n’équivaut pas à une conduite arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Les allégations du plaignant relativement à des événements survenus en 2008 n’établissent aucunement que la décision d’assigner M. Ferrand à son dossier en 2013 ait été prise de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Bien que le plaignant ait pu avoir raison d’être mécontent en 2008, il n’a pas démontré que quelque acte ou événement qui se serait produit à cette époque ait eu une incidence quelconque sur sa représentation quant au grief ou à l’assignation de M. Ferrand à titre d’ART.

D. Le portefeuille de M. Ferrand

76 Le plaignant a affirmé dans son argumentation qu’il ne connaissait rien au sujet de M. Ferrand et qu’il ne s’attaquait pas à ce dernier personnellement, n’ayant jamais eu à transiger avec lui ni entendu dire quoi que soit de négatif quant à l’éthique professionnelle de ce dernier. En fait, rien dans les documents produits ne suggère que quelque action de la part de M. Ferrand à titre d’agent des relations du travail de l’IPFPC en lien avec sa représentation du plaignant ait été arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

77 Le plaignant s’est fortement appuyé sur l’argument voulant qu’aucun membre ne devrait être obligé d’avoir M. Ferrand à titre de représentant parce que, dans le cadre de ses fonctions, il pourrait lui arriver de représenter des membres de l’IPFPC travaillant pour la GRC, le SCC, le MRN ou CNLC, et que les organismes précités, à part le MRN, concernent des activités criminelles et comprennent des enjeux à caractère physique qui, à son avis, ont davantage la possibilité de soulever la controverse au plan politique. L’argument avancé par le plaignant semble suggérer que M. Ferrand ne pose pas problème en lui-même, mais que tout représentant de membres travaillant pour l’un ou l’autre de ces organismes serait problématique. Or, le fait que ces organismes pourraient faire partie du portefeuille de M. Ferrand et qu’il pourrait représenter des membres de l’IPFPC de ces organismes, que le plaignant estime controversés au plan politique, ne constitue pas une preuve que l’IPFPC se soit conduit de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi en ce qui a trait à sa représentation du plaignant.

78 Le plaignant a spécifiquement souligné le fait que lorsqu’un représentant s’occupe des membres qui travaillent pour la GRC, ce représentant compromet les autres membres (qui ne travaillent pas pour la GRC) qui pourraient vouloir communiquer avec la GRC. Il a allégué que cela porterait atteinte à une approche objective de la part d’un membre de l’IPFPC auprès de la GRC. Aucune preuve n’appuie cette prétention, et même s’il y en avait, il n’est pas indiqué clairement en quoi cela contreviendrait à l’article 187 de la Loi ou rendrait arbitraire, discriminatoire ou empreint de mauvaise foi quelque acte des défendeurs.

E. La direction de l’IPFPC

79 Le plaignant a fait valoir qu’il n’était pas satisfait de la manière dont l’IPFPC et ses dirigeants avaient abordé certains enjeux publics. Il a cité en exemple le décès d’un avocat du ministère de la Justice en septembre 2012 et a expliqué qu’il estimait qu’il incombait à l’IPFPC et à ses dirigeants de diffuser une déclaration publique savamment articulée au sujet de cet événement, puisque l’IPFPC est notamment chargée de la représentation des avocats du ministère de la Justice. Il a de plus soutenu qu’à son avis, la lettre rédigée par M. Corbett avait esquivé les principaux enjeux et les questions essentielles. Le plaignant a affirmé que l’incapacité de l’IPFPC et de sa direction d’agir d’une manière qu’il jugeait appropriée soulevait des questions quant à la capacité de l’IPFPC de désigner un représentant pour agir en son nom. Le plaignant a poursuivi son argumentation en énonçant ce qu’il croyait que les dirigeants de l’IPFPC auraient dû faire dans les circonstances.

80 Les avocats du ministère de la Justice ne sont pas représentés par l’IPFPC, mais plutôt par l’Association of Justice Counsel - Association des Juristes de Justice. Quoi qu’il en soit, le fait que le plaignant soit en désaccord avec une prise de position de l’IPFPC et de M. Corbett ne constitue pas, en soi, une violation de l’article 187 de la Loi. Le plaignant doit établir en preuve qu’un acte posé par les défendeurs ou, en ce qui a trait à l’IPFPC, par ses dirigeants ou représentants, dans le cadre de leur représentation du plaignant, l’aurait été d’une manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Le plaignant n’a pas établi une telle preuve.

81 Le plaignant a affirmé qu’il avait déposé deux plaintes en matière de droits de la personne en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario. Mis à part l’énoncé de ce fait, il ne semble y avoir aucun lien entre ces plaintes et la violation alléguée de l’article 187 de la Loi. Le plaignant n’a pas élaboré sur les droits qu’il prétend avoir été violés ni en quoi ces violations alléguées, le cas échéant, étaient de nature discriminatoire.

82 Les documents et les faits présentés par le plaignant n’établissent pas une violation prima facie de l’article 187 de la Loi. Il ne semble pas y avoir quelque preuve que les défendeurs auraient agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi dans la nomination de M. Ferrand à titre de représentant du plaignant.

F. Demande de documents

83 Le plaignant a aussi demandé comme redressement :

[Traduction]

« […] toutes les plaintes portant sur le milieu de travail et sur la qualité de l’air déposées au cours des sept dernières années (date de la demande de décembre 2012) tel qu’il a été demandé par ma représentante syndicale à l’origine, Mme Ross, soient reproduites et qu’on me remette un exemplaire et que l’autre exemplaire soit conservé à l’IPFPC […].

84 Selon la documentation fournie, il semblerait que le plaignant croyait qu’il avait été aspergé au travail avec un produit chimique inconnu. Il a avisé son employeur de ce fait en 2006. D’après les arguments formulés par le plaignant, il se serait fondé en partie sur cette croyance pour s’absenter de son travail, et cela pourrait avoir un lien avec son licenciement. Il a affirmé que des analyses avaient été demandées et qu’elles avaient été effectuées en 2008. Il a affirmé que le résultat était positif en regard d’une substance en particulier et il a joint à ses arguments écrits une photocopie d’un rapport d’analyse en laboratoire. Le document ne précise pas toutefois de quelle substance il s’agit et le plaignant a admis ne pas être en mesure d’affirmer qu’il a été exposé à cette substance à son travail.

85 Bien que le plaignant ait peut-être des problèmes de santé, il n’a présenté aucune preuve précisant de quels problèmes il s’agirait ni en quoi ils auraient une incidence sur sa plainte déposée en vertu de l’article 187 de la Loi.

86  Dans ses arguments, le plaignant renvoie au Code canadien du travail et à certains droits qu’il aurait en regard [traduction] « de plaintes portant sur son milieu de travail et la qualité de l’air. » Il ne m’a fourni aucune documentation précisant en quoi constituent les plaintes portant sur son milieu de travail et la qualité de l’air, si elles existent ou si elles ont déjà existé, et n’a pas mentionné en vertu de quelle disposition du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, il fondait ses prétentions.

87 D’après ce que j’ai compris des arguments déposés, la demande formulée par Mme Ross serait une forme de demande de production de documents adressée à l’employeur dans le cadre du grief portant sur le licenciement du fonctionnaire. Alors qu’il pourrait y avoir un certain bien-fondé à la demande visant la production de ces documents dans le dossier de grief, le plaignant n’a toutefois pas démontré que la demande était pertinente à la plainte de pratique déloyale dont je suis saisi. L’existence de ces documents et leur pertinence eu égard au grief devraient être traitées dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

88 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

89 La demande visant à ajouter MM. Mathieu, Gelinas et Strong à titre de défendeurs à la plainte est refusée.

90 L’objection relative à la compétence est rejetée.

91 La plainte est rejetée.

Traduction de la CRTFP

Le 2 août 2013.

John G. Jaworski,
une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique

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