Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé deux plaintes contre son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’<<AFPC>>), alléguant que celle-ci s’était livrée à une pratique de travail déloyale aux termes des paragraphes 188c) et d) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique [traduction] <<[...] en [lui] refusant le bénéfice d'un examen des mesures disciplinaires prises à [son] égard [...]>> et en n’étant pas en mesure de conclure une entente avec lui au sujet de la procédure pour traiter les plaintes à l’interne - l’AFPC a soulevé une objection préliminaire invoquant le non-respect des délais - le comité d’enquête de l’AFPC avait effectué une enquête à la suite de nombreuses plaintes internes concernant plusieurs personnes et sections locales - à la suite de l’enquête, l’AFPC a adressé au plaignant une lettre de réprimande - le plaignant a alors déposé quatre plaintes à la Commission, pour ensuite les retirer en 2008 - les plaintes dont la Commission est actuellement saisie ont été déposées par la suite en 2011 et en 2012 - le plaignant a reconnu en contre-interrogatoire que ses deux plaintes étaient liées à la décision de la défenderesse de lui adresser une lettre de réprimande et d’examiner ses plaintes internes - la formation de la Commission a conclu que le délai prescrit au paragraphe190(2) de la Loi était obligatoire et qu’il ne pouvait être prolongé - la formation a également conclu que les circonstances qui ont donné lieu aux plaintes ne se sont pas produites dans la période de 90 jours précédant le dépôt des plaintes et que ces circonstances étaient par ailleurs directement liées à des événements qui s’étaient produits en 2005 et en 2006. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-06-21
  • Dossier:  561-34-523 et 566
  • Référence:  2013 CRTFP 72

Devant une formation de la
Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

DES SCOTT

plaignant

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Scott c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant des plaintes visées à l'article 190 de la Loi sur les relations
de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour la défenderesse:
Patricia Harewood, avocate

Affaire entendue à Edmonton (Alberta),
le 26 mars 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plaintes devant la Commission

1 Le 13 juillet 2011, Des Scott (le « plaignant ») a déposé une plainte en vertu de l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») contre son agent négociateur, l'Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse » ou AFPC). Dans sa formule de plainte, le plaignant a décrit la nature de sa plainte comme suit :

[Traduction]

L'AFPC s'est livrée à une pratique déloyale de travail aux termes de l'alinéa 188c) en me refusant le bénéfice d'un examen des mesures disciplinaires prises à mon égard. Ce refus arbitraire, inconséquent et discriminatoire est permanent.

2 Le 11 mai 2012, le plaignant a déposé une deuxième plainte en vertu de l'article 190 de la Loi contre la défenderesse. Dans cette formule de plainte, le plaignant a décrit la nature de sa deuxième plainte comme suit :

[Traduction]

Le 3 février 2012 et le 29 mars 2012, j'ai déposé des plaintes auprès du Syndicat des employé-e-s de l'impôt, un élément de l'AFPC. Je joins la correspondance connexe. L'élément et moi n'avons pas été en mesure de nous entendre sur une procédure concernant le traitement des plaintes.

Par conséquent, je dépose des plaintes contre l'élément, comme suit :

Violation de l'alinéa 188c) pour ne pas m'avoir fourni de représentation.

Violation de l'alinéa 188c) pour ne pas m'avoir fourni les preuves documentaires demandées.

Violation de l'alinéa 188c) pour ne pas avoir examiné mes plaintes de façon impartiale.

Violation de l'alinéa 188c) pour ne pas m'avoir protégé pendant le traitement de mes plaintes.

Violation de l'article 5 et de l'alinéa 188d) pour la délivrance d'une lettre de réprimande.

[…]

3 Les deux plaintes ont été entendues au même moment. Lors de l'audience, le plaignant a précisé que le 3 février 2012 et le 29 mars 2012, les plaintes contenues dans sa deuxième formule de plainte étaient des plaintes internes déposées auprès de l'AFPC, plutôt qu'auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »). Le plaignant a aussi confirmé que les plaintes qu'il avait déposées auprès de la Commission (dossiers 561-34-523 et 561-34-566) étaient basées sur les alinéas 188c) et d) de la Loi. Ces dispositions se lisent comme suit :

188.   Il est interdit à l'organisation syndicale, à ses dirigeants ou représentants ainsi qu'aux autres personnes agissant pour son compte :

[…]

c) de prendre des mesures disciplinaires contre un fonctionnaire ou de lui imposer une sanction quelconque en appliquant d'une manière discriminatoire les normes de discipline de l'organisation syndicale;

d) d'expulser un fonctionnaire de l'organisation syndicale, de le suspendre, de prendre contre lui des mesures disciplinaires ou de lui imposer une sanction quelconque parce qu'il a exercé un droit prévu par la présente partie ou la partie 2 ou qu'il a refusé d'accomplir un acte contraire à la présente partie […]

[…]

4 Dans sa réponse écrite, ainsi qu'à l'audience, la défenderesse a soulevé une objection préliminaire, affirmant que les plaintes étaient irrecevables et qu'elles devaient être rejetées de façon sommaire puisqu'elles n'avaient pas été déposées à l'intérieur du délai prévu par le paragraphe 190(2) de la Loi, qui se lit comme suit :

190.   (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

5 L'objectif de l'audience était uniquement de déterminer si les plaintes avaient été déposées dans les 90 jours suivant la date à laquelle le plaignant a eu, ou aurait dû avoir, connaissance des circonstances qui ont donné lieu aux plaintes.

II. Résumé de la preuve

6 Lors de l'audience, j'ai entendu le témoignage de Kent MacDonald, un agent des relations de travail du Syndicat des employé-e-s de l'impôt (SEI), un élément de l'AFPC, et celui du plaignant.

7 M. MacDonald a dit lors de son témoignage qu'il est agent des relations de travail au SEI depuis 2007. Auparavant, il était vice-président régional du bureau régional du Nord de l'Ontario du SEI, à Thunder Bay, en Ontario.

8 En septembre 2005, le président national du SEI a confié à M. MacDonald la présidence du comité d'enquête chargé d'examiner environ 13 plaintes internes concernant un vice-président régional du SEI, des membres de deux sections locales du SEI et des membres exécutifs d'une autre section locale, dont le plaignant, qui était cité dans cinq plaintes, soit comme plaignant soit comme personne visée par la plainte.

9 M. MacDonald a indiqué qu'il avait réalisé quatre séances d'entrevue entre le 26 octobre 2005 et le 28 février 2006, et qu'il avait interrogé le plaignant à propos des cinq plaintes internes le concernant les 27 et 28 février 2006. À la suite du long processus d'enquête, M. MacDonald a présenté cinq rapports d'enquête au Conseil exécutif du SEI le 22 mars 2006, dont deux concernant le plaignant. Il a présenté six rapports d'enquête supplémentaires le 6 juin 2006, au Conseil exécutif, dont un concernant le plaignant. Le 24 septembre 2006, il en a présenté deux autres au Conseil exécutif, tous deux concernant le plaignant. Selon M. MacDonald, quatre des cinq rapports concernant le plaignant ne nécessitaient aucune mesure corrective à son égard. Cependant, dans l'un de ses rapports concernant le plaignant, le comité d'enquête a recommandé la délivrance d'une lettre de réprimande de la part du président national du SEI contre le plaignant à titre de mesure disciplinaire, ce qui a été fait le 3 juin 2006.

10 À la suite de la réception de la lettre de réprimande, le plaignant a déposé quatre plaintes distinctes à la Commission contre l'AFPC et le SEI en vertu de l'article 190 de la Loi. Les plaintes portaient les numéros de dossier 561-34-131, 132, 142 et 143, et elles étaient toutes liées aux plaintes internes de 2005, à l'enquête interne qui s'ensuivit et à la délivrance de la lettre de réprimande. Toutefois, il a retiré ses quatre plaintes le 31 juillet 2008.

11 Le 13 juillet 2011 et le 11 mai 2012 respectivement, le plaignant a déposé deux nouvelles plaintes en vertu de l'article 190 contre la défenderesse. La présente décision porte sur ces deux plaintes. Selon M. MacDonald, la seule mesure disciplinaire imposée par la défenderesse qui soit susceptible de fonder les plaintes déposées en vertu des alinéas 188c) et d) de la Loi était la lettre de réprimande de 2006. Il n'avait été mis au courant d'aucune autre mesure disciplinaire imposée au plaignant par la défenderesse.

12 Bien qu'au départ le plaignant ait hésité à témoigner à l'audience, il a volontairement décidé de le faire après le témoignage de M. MacDonald, et ce, pour présenter des preuves documentaires qui appuyaient, selon lui, ses plaintes (pièces 8 à 16). Il n'a pas fourni de précisions concernant ses plaintes lors de son interrogatoire principal. Toutefois, lors de son contre-interrogatoire, le plaignant a fait deux importantes concessions. Lorsqu'on lui a demandé plus particulièrement si les actes de la défenderesse qui faisaient l'objet de sa première plainte (dossier de la CRTFP 561-34-523) étaient essentiellement liés à la décision de la défenderesse de délivrer une lettre de réprimande à son égard le 3 juin 2006, le plaignant a reconnu qu'ils l'étaient. De la même façon, lorsqu'on lui a demandé si les actes de la défenderesse qui faisaient l'objet de sa deuxième plainte (dossier de la CRTFP 561-34-566), plus particulièrement le refus allégué de lui fournir une représentation, des preuves documentaires, un examen impartial de ses plaintes internes, une protection pendant le traitement de ses plaintes, ainsi que la délivrance d'une lettre de réprimande, étaient tous directement liés à ses plaintes internes déposées en 2005, à l'enquête interne sur ces plaintes et à la lettre de réprimande qu'il a reçue en juin 2006, le plaignant a reconnu qu'ils l'étaient.

13 Enfin, lors de son contre-interrogatoire, le plaignant a affirmé qu'il considérait que la lettre de réprimande de 2006 était futile et sans conséquence. Cette affirmation corroborait celle de M. MacDonald, qui avait déclaré dans son témoignage que malgré la délivrance de la lettre de réprimande, le plaignant avait été élu président de sa section locale du SEI en 2007, et qu'il avait occupé cette charge pendant trois ans.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour la défenderesse

14 La défenderesse a soutenu qu'il était tout à fait clair que les circonstances qui ont donné lieu aux deux plaintes concernent exclusivement les événements qui se sont déroulés en 2005 et en 2006, soit les cinq plaintes internes concernant le plaignant, l'enquête interne qui s'ensuivit et la lettre de réprimande délivrée contre lui le 3 juin 2006. Selon la défenderesse, les admissions du plaignant lors de son contre-interrogatoire établissent ces faits sans l'ombre d'un doute.

15 La défenderesse a aussi allégué que ces plaintes ne constituent rien de moins qu'une tentative du plaignant visant à reprendre les plaintes de pratique déloyale de travail  qu'il avait déposées en 2006, et retirées en 2008.

16 La défenderesse a prétendu que les plaintes étaient hors délai, puisqu'elles n'avaient pas été déposées dans le délai obligatoire de 90 jours prescrit par le paragraphe 190(2) de la Loi. Selon elle, le paragraphe 190(2) est obligatoire, et le délai qu'il prévoit ne peut être prorogé. Par conséquent, si elle peut démontrer que le plaignant a eu, ou aurait dû avoir connaissance des circonstances qui ont donné lieu à ses plaintes avant la période de 90 jours applicable – ce que la défenderesse a affirmé être le cas – les plaintes devraient être déclarées hors délai.

17 La défenderesse a aussi prétendu qu'aucune des preuves présentées au cours de l'audience n'établissait que le plaignant s'était prévalu du processus d'appel interne de l'AFPC pour contester la lettre de réprimande de 2006 ou qu'il a exprimé son intention de le faire.

18 Selon la défenderesse, la preuve, plus précisément les admissions du plaignant lors de son contre-interrogatoire, établissait clairement que la vraie source des plaintes remontait à 2006, ce qui signifiait qu'elles étaient hors délai.

19 La défenderesse m'a renvoyé à d'autres décisions de la Commission, notamment Walters c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2008 CRTFP 106; Panula c. Agence du revenu du Canada et Bannon, 2008 CRTFP 4; Bouchard c. Alliance de la Fonction publique du Canada et al., 2008 CRTFP 82; Roy c. Institution professionnel de la fonction publique du Canada, 2011 CRTFP 142.

B. Pour le plaignant

20 Le plaignant a donné lecture de deux arguments écrits qu'il avait préparés en lien avec chacune de ses plaintes. À mon avis, ses arguments écrits n'étaient pas très clairs et étaient peu pertinents. J'ai reproduit les deux documents en annexe de la présente décision. Les arguments du plaignant sur la plainte 561-34-523 se trouvent à l'annexe I de la présente décision, tandis que ceux de la plainte 561-34-566 se trouvent à l'annexe II. Les références aux numéros des pièces justificatives dans ces documents ne correspondent pas aux pièces versées lors de l'audience.

21 Essentiellement, les arguments du plaignant relativement à la plainte 561­34­523 étaient axés sur son allégation selon laquelle la défenderesse ne lui avait pas offert ce qu'il considère comme un processus d'appel obligatoire. Ses arguments soutenaient son affirmation selon laquelle son agent négociateur était obligé de lui fournir une telle procédure conformément aux dispositions de la Loi. Cependant, ils ne traitaient nullement de la question du délai. Ses arguments relativement à la plainte 561-34-566 portaient largement sur des allégations selon lesquelles la défenderesse et lui-même étaient [traduction] « incapables de s'entendre sur une procédure pour traiter ses plaintes ». La dernière partie de ses arguments inclut une longue citation de l'article 190 de la Loi, l'article où l'on mentionne le délai de soumission des plaintes. Le plaignant a enfin conclu que ses plaintes n'étaient pas hors délai. Toutefois, il n'a fourmi aucune analyse ni explication pour appuyer sa conclusion.

IV. Motifs

22 La présente décision traite exclusivement de l'objection de la défenderesse selon laquelle les plaintes sont hors délai. Comme je l'ai indiqué dans Roy, le respect des délais est un facteur primordial, et l'élément d'appréciation clé à cet égard se trouve au paragraphe 190(2) de la Loi qui prévoit que :

190.   (2) […] les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

23 Je suis d'accord avec l'affirmation de la défenderesse selon laquelle le délai de 90 jours prescrit par le paragraphe 190(2) de la Loi est obligatoire et aucune autre disposition de la Loi n'autorise la Commission à le proroger. Il s'agit d'un compte rendu exact de l'état actuel du droit qui s'applique au présent cas. Cela signifie que je dois déterminer le moment auquel le plaignant a eu, ou aurait dû avoir connaissance, des circonstances qui ont donné lieu à ses plaintes et s'il a déposé ses plaintes dans les 90 jours suivant cette date.

24 Ayant pris en considération l'ensemble de la preuve qui m'a été présentée, je suis convaincu que les circonstances sur lesquelles portent les plaintes ne se sont pas produites dans la période de 90 jours précédant le dépôt des plaintes. Comme dans Panula, « […] les véritables raisons des plaintes datent de bien plus longtemps ». Elles remontent à 2006, cinq ans avant le dépôt des plaintes.

25 Il est très clair que les circonstances qui ont donné lieu aux plaintes sont directement liées aux cinq plaintes internes concernant le plaignant, qui ont été déposées auprès de l'AFPC en 2005, à l'enquête interne qui s'ensuivit, présidée par M. MacDonald, ainsi qu'à la lettre de réprimande, délivrée contre le plaignant le 3 juin 2006. Ces faits fondamentaux ont été clairement établis par les preuves, y compris les admissions du plaignant lors de son contre-interrogatoire.

26 On ne m'a présenté aucune preuve laissant croire que les circonstances qui ont donné lieu aux plaintes étaient liées d'une façon quelconque à l'accès du plaignant à un examen de la décision qu'a prise la défenderesse de le censurer en 2006. Par conséquent, je conclus que ce n'était simplement pas le cas. Je suis convaincu que la nature réelle de ces plaintes est uniquement la lettre de réprimande qu'a reçue le plaignant en 2006. Comme l'a laissé entendre la défenderesse, la plainte vise à contester un événement qui s'est déroulé cinq ans avant le dépôt de ses plaintes et à remettre en litige des plaintes qu'il avait retirées en 2008. Je conclus que les tentatives du plaignant sont à la fois abusives et frivoles.

27 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

28 Les plaintes sont rejetées.

Le 21 juin 2013.

Traduction de la CRTFP

Stephan J. Bertrand,
une formation de la Commission
des relations de travail dans la
fonction publique

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