Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésées ont contesté le contenu de leur description de travail respective, alléguant qu’elle n’était pas complète et courante - l’employeur a soulevé des objections préliminaires à la compétence d’un arbitre de grief au motif que les griefs réclamaient un redressement concernant la classification, ce qui n’est pas arbitrable selon l’article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), et au motif que les griefs étaient sans objet, car les fonctionnaires s’estimant lésées avaient reçu une nouvelle description de poste et avaient été reclassées avant de déposer leurs griefs - les fonctionnaires s’estimant lésées étaient des spécialistes adjointes en ressources humaines qui travaillaient dans le domaine de la dotation, et leur description de poste était la description de poste générique utilisée à l’échelle nationale - leurs griefs réclamaient clairement la mise à jour de la description de poste, et leur intention d’être reclassées ne compromettait pas leur droit de renvoyer leurs griefs à l’arbitrage - leurs griefs n’étaient pas sans objet, car elles étaient en droit de recevoir un exposé exact de leurs fonctions pour la période concernée par les griefs - les fonctionnaires s’estimant lésées ne se sont pas acquittées du fardeau de prouver que leur description de poste n’était pas complète et courante - bien qu’elles travaillaient dans la dotation, elles affirmaient aussi offrir des services dans d’autres domaines des RH - l’arbitre de grief a déterminé que les tâches qu’elles voulaient ajouter à leur description de poste représentaient des activités naturelles liées à leurs fonctions de spécialistes adjointes en RH travaillant dans le secteur de la dotation - elles n’étaient pas affectées en rotation à d’autres branches et ne remplaçaient ni ne soutenaient d’autres spécialistes adjoints en RH dans d’autres domaines - le travail qu’elles effectuaient dans d’autres domaines était accessoire à leurs fonctions de dotation. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-07-24
  • Dossier:  566-02-1750 à 1752
  • Référence:  2013 CRTFP 87

Devant un arbitre de grief


ENTRE

STEPHANIE BOWEN, DENISE LANDRIAULT ET MURIEL REVELLE

fonctionnaires s'estimant lésées

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Bowen et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésées:
Christopher Schulz, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue à Kingston (Ontario),
du 11 au 13 décembre 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Stephanie Bowen, Denise Landriault et Muriel Revelle, les fonctionnaires s’estimant lésées (les « fonctionnaires ») ont signé des griefs individuels le 2 avril 2007, lesquels sont libellés comme suit :

[Traduction]

Je conteste les décisions de l’employeur portées dans la lettre du 13 février 2007 de Cheryl Fraser et le courriel du 6 mars 2007 de Bonnie Wellman. Ces décisions sont inappropriées et contraires aux mesures correctives promises par Simon Coakeley dans sa réponse du 10 janvier 2005 au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

2 À titre de redressement, les fonctionnaires ont demandé ce qui suit :

[Traduction]

Je demande que mon employeur revienne sur ses décisions et qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les mesures correctives promises datant du 10 janvier 2005 et émanant du sous-ministre adjoint Simon Coakeley. Ainsi, je demande qu’une nouvelle description de travail pour mon poste soit rédigée en y incluant toutes les fonctions que j’accomplissais, et que cette nouvelle description de travail soit évaluée et sujette à une reclassification appropriée; de plus, étant donné qu’il s’agit de décisions ayant une portée nationale, je demande que le présent grief soit renvoyé directement au dernier palier de la procédure de règlement des griefs pour audience et décision.

3 À l’exception de Mme Bowen, les fonctionnaires occupaient des postes d’adjointes spécialistes en ressources humaines, classifiés au groupe et niveau CR-04, à l’Administration régionale de l’Ontario (ARO) du Service correctionnel du Canada (« SCC » ou l’« employeur »), à Kingston, en Ontario. Au moment de la présentation de leurs griefs, les fonctionnaires étaient membres de l’unité de négociation du groupe Services des programmes et de l’administration (PA); elles étaient visées par la convention collective de ce groupe conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « syndicat »), venant à échéance le 20 juin 2007 (la « convention collective »).

4 Malgré la demande des fonctionnaires que leurs griefs soient entendus seulement au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a décidé d’y répondre au premier palier ainsi qu’au dernier palier, rejetant leurs griefs dans les deux cas. Dans les deux réponses, il était mentionné que les griefs étaient hors délai, mais qu’ils avaient été examinés sur le fond. L’employeur a conclu que la description de travail des fonctionnaires avait été examinée, tel qu’il avait été promis dans sa réponse du 10 janvier 2005 au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, et qu’elle avait été jugée comme étant courante et à jour. Le 17 janvier 2008, les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage.

5 Lors de la conférence préparatoire à l’audience tenue le 9 octobre 2012, l’employeur a avisé qu’il avait l’intention, lors de l’audience, de soulever une objection préliminaire quant à la compétence au motif que les griefs ne portaient pas sur une question visée à l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP »). À l’occasion de cette conférence préparatoire à l’audience, laquelle était présidée par un autre arbitre de grief, les parties ont convenu que l’objection préliminaire serait tranchée au premier jour de l’audience et que les autres journées prévues pour l’audience seraient consacrées à l’examen des griefs sur le fond, dans l’hypothèse où l’arbitre de grief aurait compétence.

6 Tel qu’il a été convenu lors de la conférence préparatoire à l’audience, l’employeur a présenté, lors de la première journée d’audience, son objection préliminaire quant à la compétence au motif que les griefs n’énonçaient pas des questions pouvant faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP. L’employeur a également fait valoir un motif secondaire relativement à l’objection à la compétence, soit que le redressement demandé par les fonctionnaires visait en outre la reclassification de leurs postes, ce qui ne peut être renvoyé à l’arbitrage selon l’article 7 de la LRTFP.

7 Après en avoir discuté, l’employeur a admis que j’aurais compétence si les griefs ne portaient que sur la question de la description de travail des fonctionnaires. Sur la foi du syndicat, qui a dit que la seule question en litige était de savoir si les fonctionnaires avaient reçu un exposé complet et courant de leur description de travail, tel qu’il est prévu à l’article 54 de la convention collective, l’employeur a retiré son objection préliminaire selon laquelle les griefs ne portaient pas sur une question visée à l’article 209 de la LRTFP. Il a alors été convenu de procéder à l’audience des griefs sur le fond. L’employeur s’est toutefois réservé le droit de soulever une objection préliminaire quant à la compétence en invoquant d’autres motifs lors de son argumentation sur le fond.

8 Au cours de l’audience, une préoccupation a été soulevée relativement au grief de Mme Bowen. Alors qu’il était mentionné dans l’exposé du grief et dans le formulaire de renvoi à l’arbitrage du grief que Mme Bowen travaillait au sein des Ressources humaines (RH) à titre d’adjointe spécialiste en ressources humaines classifiée au groupe et niveau CR-04, celle-ci a reconnu en contre-interrogatoire que depuis février 2004, elle n’occupait pas ce poste et ne travaillait pas à un poste classifié dans le groupe CR. Son grief a donc été retiré de l’arbitrage.

III. Résumé de la preuve

9 Les parties ont convenu que les témoignages et les preuves présentées lors de l’audience s’appliqueraient aux deux griefs. Le syndicat a cité Mme Landriault, Mme Bowen et M. John Emerton à témoigner et produit en preuve 16 documents. L’employeur a cité M. Gordon Hamilton, Mme Bonnie Wellman et M. Mike Sadler à témoigner et produit en preuve 9 documents.

10 Les fonctionnaires occupaient chacune le poste d’adjointe spécialiste en ressources humaines, classifié au groupe et niveau CR-04. La description de travail en cause était la description de travail générique utilisée à l’échelle nationale et entrée en vigueur en juin 2002. La description de travail a été produite en preuve (pièce E-3). Le 1er avril 2007, les fonctionnaires ont reçu une nouvelle description de travail et leur poste a été reclassifié au groupe et niveau CR-05. Les griefs en l’espèce ont trait uniquement à la description de travail en vigueur entre juin 2002 et le 1er avril 2007.

11 La section des Ressources humaines de l’ARO, où les fonctionnaires travaillaient, était organisée en diverses fonctions ou disciplines durant la période pertinente. Selon le témoignage de Mme Landriault et de M. Sadler, les services des ressources humaines étaient répartis essentiellement en trois portefeuilles, décrits de manière générale comme étant la dotation, la classification et les relations de travail. Il y avait également un autre portefeuille distinct, celui de la rémunération. Selon l’organigramme des Ressources humaines, (pièce E-5), il y avait des postes de directeur régional pour la dotation et le recrutement, la classification, les relations de travail, ainsi que d’un poste de directeur régional de la rémunération. Chaque directeur régional était responsable d’un groupe d’agents, lesquels étaient appuyés par des adjoints spécialistes en ressources humaines.

12 Les fonctionnaires travaillaient dans le service de la dotation. Mme Landriault a témoigné qu’il y avait cinq ou six adjoints spécialistes en ressources humaines travaillant à la section des Ressources humaines durant la période en cause. Selon l’organigramme, quatre des six adjoints spécialistes en ressources humaines travaillaient dans le service de la dotation. Le directeur du service de la dotation et du recrutement durant la période en question était M. Tom Stolfa. Un agent de dotation, M. Emerton, relevait de M. Stolfa. Les fonctionnaires relevaient également de M. Stolfa, bien qu’au quotidien elles travaillent avec M. Emerton.

13 Les adjoints spécialistes en ressources humaines qui travaillaient au service de la dotation appuient l’agent de dotation lors des processus relatifs aux concours, aux affectations et à la dotation interministérielle. Mme Landriault a témoigné que son travail auprès de l’agent de dotation consistait à rédiger des lettres d’offre, soit des documents à caractère juridique qui devaient donc être très précis. En contre-interrogatoire, elle a reconnu que les lettres d’offre étaient produites à partir d’un modèle-type. Elle devait y inscrire tous les renseignements pertinents se rapportant au groupe et niveau du candidat, la période de stage, ainsi que le salaire et les avantages sociaux pertinents. Les lettres d’offre comportent également un paragraphe traitant de l’équité en matière d’emploi. Elle devait aussi joindre à la lettre un questionnaire d’auto-identification sur l’équité en matière d’emploi.

14 Selon Mme Landriault, elle devait posséder des connaissances en matière de rémunération pour être en mesure d’établir le niveau de rémunération qui s’applique. Elle a précisé que, dans le cas de lettres d’offre pour des candidats à un poste de métier, elle devait calculer le salaire pertinent à partir du tarif horaire. Elle devait également établir le montant des diverses indemnités pertinentes, notamment la primede formation des détenus et l’indemnité de facteur pénologique, qui s’appliquent. Elle a également mentionné qu’elle avait recours au Système de gestion des ressources humaines (SGRH) afin de vérifier des renseignements et qu’elle devait saisir les données requises dans le système.

15 M. Emerton, un agent de dotation affecté à l’ARO de 1997 à 2008, travaillait avec Mme Landriault. Il a confirmé que cette dernière était appelée à calculer le salaire en deux occasions. Elle devait inscrire l’échelle salariale du poste visé lors de la préparation des affiches pour les concours, et elle devait également calculer les salaires et les indemnités lors de la préparation des lettres d’offre. Il a aussi indiqué qu’elle était chargée de saisir les renseignements pertinents dans le SGRH.

16 Lors de la préparation d’une lettre d’offre, l’adjoint spécialiste en ressources humaines doit également vérifier le numéro du poste en question, afin d’établir si le poste en question est exclu, d’établir la cote de sécurité du poste et de s’assurer qu’il s’agit effectivement d’un poste actif. Mme Landriault a témoigné que si le poste visé n’était pas actif, elle devait faire en sorte que le service de la classification l’active de nouveau. Elle a ajouté qu’elle devait également obtenir les renseignements sur la classification nécessaires à la préparation des lettres d’offre et s’assurer que les demandes de dotation étaient exactes. Elle a précisé que, pour obtenir les renseignements dont elle avait besoin, elle devait souvent elle-même récupérer le dossier dans le système maintenu par le service de la classification.

17 M. Emerton a témoigné que les fonctionnaires devaient effectivement utiliser les renseignements sur la classification lors de l’ouverture d’un dossier de dotation. Il a indiqué qu’il existait un dossier de poste pour chaque poste et que ces dossiers étaient du ressort du service de la classification. Les principaux documents du dossier de poste sont la description de travail, l’organigramme, le rapport de vérification sur place, l’évaluation du poste, et le formulaire de décision de classification du poste. Le dossier du poste peut également renfermer un formulaire en matière de langues officielles, précisant le profil linguistique du poste. À la suite d’une demande de dotation, un dossier de concours doit être ouvert. L’adjoint spécialiste en ressources humaines est chargé d’ouvrir le dossier et de veiller à ce que les documents obligatoires y sont consignés. M. Emerton a précisé que l’adjoint spécialiste en ressources humaines doit récupérer le dossier de poste au service de la classification et copier les documents pertinents, en s’assurant qu'il n’en manque aucun.

18 Mme Landriault a témoigné qu’elle accomplissait également des tâches ayant trait à l’équité en matière d’emploi. Elle a indiqué que le gestionnaire responsable de l’équité en matière d’emploi. M. Bob Fisher, recueillait des données sur l’équité en matière d’emploi afin d’établir si la dotation devait cibler des groupes désignés à cet égard. Elle a précisé qu’elle aidait à la tenue du répertoire des candidatures exclusivement en lien avec les groupes désignés aux fins de l’équité en matière d’emploi et qu’elle devait recueillir les données à partir des renseignements fournis par les candidats aux fins d’utilisation par M. Fisher.

19 Mme Landriault a souligné qu’elle aidait également le secteur du recrutement. Elle a indiqué que durant la période pertinente en l’espèce, le SCC voulait embaucher 1000 nouveaux agents correctionnels; ainsi, tous les agents de dotation et les adjoints spécialistes en ressources humaines devaient participer au processus de recrutement, notamment en vérifiant si les dossiers de candidature étaient complets, en répondant aux questions des candidats et en effectuant la mise à jour des listes de répertoire. Mme Bowen, qui était une adjointe spécialiste en ressources humaines durant la période visée, a témoigné qu’elle-même ainsi que d’autres adjointes spécialistes en ressources humaines du service de la dotation assistaient à des foires d’emploi, en équipes de deux, à titre de représentante du ministère. Elle a précisé qu’ils devaient répondre aux questions du public au sujet des occasions d’emploi au SCC, expliquer comment procéder pour présenter une demande d’emploi, et distribuer des feuillets d’information à ce sujet, en plus de donner divers articles promotionnels. Elle a affirmé que le directeur de la dotation et du recrutement lui donnait la directive d’assister à ces foires d’emploi.

20 M. Emerton a témoigné que le recrutement était une fonction distincte de celle de la dotation. Il a affirmé qu’une unité distincte avait été établie pour s’occuper du recrutement; cette section était dirigée par M. Barry Friel jusqu’en 2005. Toutefois, lors de son contre-interrogatoire, il n’a pas été en mesure d’indiquer sur l’organigramme (pièce E-5) où se trouvait la mention d’une telle unité distincte consacrée au recrutement. M. Emerton a affirmé que lorsqu’il effectuait du travail en lien avec le recrutement, il se rapportait directement à M. Friel. Il a précisé qu’en raison de sa participation aux activités de recrutement, Mme Landriault devait nécessairement y participer également, à titre d’adjointe, et assister à des foires d’emploi avec lui, de même qu’avec d’autres adjoints spécialistes en ressources humaines travaillant au service de la dotation.

21 Mme Landriault a témoigné qu’à un certain moment avant le mois de juin 2003, elle avait assisté, à Ottawa, à une session de formation à l’intention des adjoints en dotation, et qu’elle y avait rencontré des adjoints en dotation provenant d’autres régions administratives et d’autres ministères. Elle a découvert qu’elle-même ainsi que les autres adjoints spécialistes en ressources humaines de l’Administration régionale de l’Ontario étaient les seuls dont le poste était classifié au groupe et niveau CR-04, bien qu’ils effectuaient le même travail que les autres adjoints en dotation qui assistaient également à cette formation.

22 Sur la foi de ces renseignements, Mme Landriault et les autres adjoints spécialistes en ressources humaines ont présenté un grief en juillet 2003 (pièce G-2), dans lequel il était allégué que leur description de travail ne rendait pas adéquatement compte de leurs fonctions et leurs responsabilités, et qu’elles accomplissaient les fonctions d’un adjoint généraliste en ressources humaines.

23 En réponse à ce grief, Mme Lynn Lajoie, administratrice régionale des Ressources humaines à l’Administration régionale de l’Ontario, leur a demandé de lui indiquer par écrit les modifications qu’elles souhaitaient apporter à leur description de travail. Le 12 septembre 2003, les fonctionnaires ont fourni les informations demandées en se fondant sur la description de travail du poste d’adjoint(e) généraliste en ressources humaines (pièce G-7). Le 27 octobre 2003, elles ont fourni un complément d’information à ce sujet, soumettant un autre document dans lequel elles donnaient des exemples du travail qu’elles accomplissaient dans d’autres domaines des ressources humaines (pièce G-8). Le 30 octobre 2003, Mme Lajoie a transmis les informations précitées fournies par les fonctionnaires à l’Administration centrale nationale du SCC à Ottawa, et a demandé que le service de la classification de l’Administration centrale nationale étudie le dossier (pièce G-9).

24 Le 10 janvier 2005, M. Simon Coakeley, commissaire adjoint à la gestion des ressources humaines, SCC, a accueilli en partie le grief présenté le 3 juillet 2003. Dans sa réponse, il a indiqué que la description de travail des fonctionnaires serait étudiée afin de s’assurer qu’elle était complète et courante, et que la version mise à jour et signée de la description de travail serait ensuite évaluée par le service de la classification.

25 En réplique à la réponse au dernier palier de la procédure de règlement de leurs griefs, les fonctionnaires de même que d’autres adjoints spécialistes en ressources humaines de l’Administration régionale de l’Ontario ont fait parvenir une note de service à M. Stolfa, y joignant l’ébauche de la description de travail qu’elles voulaient faire classifier et appliquer à leur situation (pièce G-4, annexe D). Mme Landriault a souligné qu’elle s’attendait à ce que son poste soit reclassifié à un niveau supérieur à la suite de l’adoption de la description de travail que les adjoints spécialistes en ressources humaines avaient fournie.

26 Mme Landriault a témoigné qu’en octobre 2005, Mme Sandra Pinard a été dépêchée de l’Administration centrale nationale afin de procéder une vérification de son travail. Selon Mme Landriault, elle et Mme Pinard ont passé en revue la description de travail des fonctionnaires ainsi que de l’ébauche de la description de travail que les fonctionnaires avaient transmis à Mme Lajoie en 2003. Mme Landriault a reçu une copie de la version préliminaire du rapport de Mme Pinard et a soumis des commentaires détaillés à Mme Pinard à cet égard, en plus de lui communiquer divers autres documents (pièce G-4).

27 Le 28 mai 2006, M. Sadler, alors administrateur régional par intérim de la section des Ressources humaines à l’Administration régionale de l’Ontario, en remplacement de Mme Lajoie, a transmis à M. Hamilton, un conseiller en organisation du travail et en classification à l’Administration centrale nationale (pièce G-3), le rapport de Mme Pinard ainsi qu’un sommaire des principales activités supplémentaires accomplies par les fonctionnaires. M. Sadler a témoigné que, pour autant qu’il s’en souvienne, on lui a demandé de donner suite aux engagements pris par M. Coakeley dans la réponse donnée aux fonctionnaires, en 2005, au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Il a indiqué qu’il avait une copie de l’ébauche de la description de travail fournie par les fonctionnaires et leurs commentaires au sujet du rapport sur la vérification sur place. Il s’y trouvait des tâches que les fonctionnaires voulaient faire ajouter à leur description de travail qu’il estimait opportunes. Toutefois, il a témoigné qu’il voulait aussi s’assurer que les fonctionnaires soient formés pour effectuer les tâches en question. Il était donc d’avis qu’il serait prudent d’ajouter ces fonctions en annexe à la description de travail existante et de demander que les fonctionnaires n’accomplissent pas ces tâches avant que l’examen de la classification de leur poste ait été effectué et qu’il ait eu l’occasion de s’assurer que les fonctionnaires aient reçu la formation pertinente.

28 Les quatre tâches particulières isolées par M. Sadler par rapport à l’ensemble des éléments contenus dans la liste des fonctions mentionnées par les fonctionnaires étaient les suivantes : [traduction] « Calculer les salaires, la prime de surveillance fonctionnelle et la prime de formation des détenus lors de la nomination au poste, afin d’inscrire ces renseignements dans la lettre d’offre »; [traduction] « Procéder aux entrevues des étudiants »; [traduction] « Participer aux jurys de sélection dans le cadre des concours aux postes de commis au premier échelon »; [traduction] « Fixer des objectifs, assigner les tâches et surveiller le travail des étudiants en placement dans les ressources humaines et des employés occasionnels ». Il a témoigné qu’il avait identifié ces tâches comme étant celles qui correspondaient le plus aux fonctions effectuées par les fonctionnaires.

29 Il a témoigné qu’il savait que les adjoints spécialistes en ressources humaines calculaient les salaires, mais que, puisque les lettres d’offre avaient un caractère juridique, les conséquences d’une erreur pouvaient être énormes. Par conséquent, il était d’avis que les calculs effectués par les adjoints spécialistes en ressources humaines devaient être vérifiés par un analyste en rémunération. En ce qui a trait aux entrevues des étudiants, M. Sadler a souligné savoir que les adjoints spécialistes en ressources humaines fournissaient des informations et rencontraient des étudiants lors des foires d’emploi. Il a ajouté qu’il ne croyait pas qu’ils procédaient effectivement à des entrevues avec les étudiants, mais plutôt qu’ils les rencontraient. En ce qui a trait à la participation aux jurys de sélection, M. Sadler a témoigné qu’on lui avait dit que les adjoints spécialistes en ressources humaines fournissaient un soutien administratif au jury de sélection, mais qu’elles n’y participaient pas à titre de membres du jury de sélection. Pour ce qui est d’établir des objectifs, M. Sadler a témoigné qu’on lui avait dit qu’il s’agissait là d’une responsabilité partagée entre les conseillers en ressources humaines et les agents de dotation.

30 M. Hamilton était agent d’organisation du travail et de classification à l’Administration centrale nationale de 1998 à 2007. En 2006, il était directeur régional par intérim du service de la classification et était responsable du programme de classification du SCC pour la région de l’Ontario. Il a témoigné que chaque région de la structure administrative du SCC avait sa propre organisation des ressources humaines, bien qu’elles relèvent toutes du commissaire régional adjoint. Les régions jouissent d’une certaine autonomie en ce qui concerne leur structure. Dans certaines régions, les services des Ressources humaines étaient centralisés et le personnel travaille ensemble à l’administration régionale. Ailleurs, ces services étaient rendus au niveau de chaque unité opérationnelle et le personnel travaillait au sein de chaque établissement du SCC. M. Hamilton a expliqué que les services de la région de l’Ontario du SCC étaient décentralisés, chaque établissement disposant de ses propres structures de ressources humaines sur place, en plus du service des Ressources humaines situé à l’Administration régionale de l’Ontario.

31 M. Hamilton a témoigné qu’on lui avait demandé d’examiner la description de travail des fonctionnaires ainsi que les tâches supplémentaires identifiées par M. Sadler. Plus précisément, on lui a demandé de vérifier si ces tâches supplémentaires pouvaient avoir une incidence sur le groupe ou le niveau de la classification de ce poste. On lui a également demandé de décider s’il était opportun d’ajouter ces tâches à la description de travail, étant donné qu’elle était générique et de portée nationale.

32 M. Hamilton a témoigné qu’il avait étudié la description de travail des fonctionnaires (pièce E‑3) de même que le rapport de vérification sur place ainsi que les annexes (pièce G-4). Il a souligné en particulier les domaines dans lesquels les tâches accomplies par les fonctionnaires ne semblaient pas concorder avec leur description de travail. Les domaines de non-concordance ont été notés à la rubrique [traduction] « Conclusions » du rapport de vérification sur place. M. Hamilton a témoigné qu’il les avait étudiés minutieusement. Il a également tenu compte des informations communiquées par les fonctionnaires à Mme Pinard. Il n’a cependant pas parlé aux fonctionnaires. Il s’est fondé uniquement sur les documents qui lui avaient été fournis.

33 M. Hamilton a rédigé un rapport, qu’il a transmis à son superviseur, Mme Wellman (pièce G-5). Il a conclu que les tâches que les fonctionnaires souhaitaient voir ajoutées à leur description de travail y étaient déjà incluses implicitement, sinon explicitement. Il a conclu que les fonctions identifiées par les fonctionnaires se rapportaient à la dotation et n’étaient pas discordantes au regard de leur rôle à titre d'adjointes spécialistes en ressources humaines. Il a précisé par ailleurs que la description de travail des adjoints généralistes en ressources humaines que les fonctionnaires veulent faire appliquer à leur situation n’était pas appropriée, car elle s’appliquait aux personnes travaillant dans plus d’un secteur des ressources humaines, alors que les fonctionnaires ne travaillent qu’à un secteur. La description de travail des adjoints généralistes est classifiée à un niveau supérieur parce que les titulaires doivent posséder des connaissances se rapportant à toute la gamme des fonctions liées à tous les domaines des ressources humaines, alors que les adjoints spécialistes en ressources humaines ne travaillent que dans un de ces secteurs. Il a souligné que la charge de travail ne figure pas dans les descriptions d’emploi. Il a précisé que bien que les fonctionnaires interagissent avec d’autres secteurs des ressources humaines, elles n’étaient pas assignées en rotation à ces autres secteurs comme le sont les adjoints généralistes en ressources humaines.

34 En contre-interrogatoire, M. Hamilton a expliqué que les ressources humaines s’articulaient en trois branches principales : la dotation, les relations de travail, et la classification. Il a reconnu qu’il existait certes d’autres secteurs d’activité au sein des ressources humaines, par exemple celui de la rémunération, mais que ces autres secteurs n’entraient pas dans la catégorie professionnelle des ressources humaines. Il a précisé que le recrutement et l’équité en matière d’emploi étaient des sous-ensembles de la dotation.

35 M. Hamilton a affirmé que, bien qu’il se soit penché en particulier sur les tâches isolées par M. Sadler, il a tenu compte de toutes les informations et a conclu que la plupart des fonctions étaient des sous-ensembles d’autres fonctions. Une fois son rapport transmis à Mme Wellman, ses travaux à cet égard étaient alors achevés.

36 Mme Wellman était directrice, design organisationnel et classification ministérielle, au SCC; elle a travaillé à l’Administration centrale nationale entre 2006 et 2007. M. Hamilton relevait de cette dernière à l’époque. Elle a expliqué que le groupe dont elle était responsable était notamment chargé des questions liées à la classification ayant une portée nationale, dont celles ayant trait aux descriptions de travail génériques. Elle a précisé qu’elle n’avait pas personnellement procédé à l’étude de la description de travail du poste des fonctionnaires mais qu’elle en avait été informée. Elle a également précisé que ce serait effectivement elle qui aurait pris la décision de ne pas modifier la description de travail des fonctionnaires, et que sa décision aurait été prise en se fondant sur les recommandations formulées par M. Hamilton. Elle a indiqué qu’elle aurait informé Mme Cheryl Fraser de sa décision, cette dernière étant à l’époque pertinente la commissaire adjointe aux Ressources humaines du SCC.

37 Mme Wellman a affirmé ne pas se souvenir d’avoir transmis un courriel à l’un des adjoints spécialistes en ressources humaines le 6 mars 2007 (pièce E-4), tout en précisant que cela était logique compte tenu de l’engagement pris par M. Coakeley en réponse au grief initial des fonctionnaires déposé en 2003. Elle a affirmé qu’elle ne faisait que donner suite à cet engagement en avisant les fonctionnaires que le travail avait été fait.

38 Mme Wellman a témoigné que l’examen de la description de travail des fonctionnaires avait été entrepris par suite de l’engagement pris à cet égard par M. Coakeley dans sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement du grief des fonctionnaires présentée en 2003. Lors de son contre-interrogatoire, elle a expliqué que le processus d’examen d’une description de travail nécessitait l’examen des tâches que le titulaire du poste indique qu’il ou elle accomplit effectivement ainsi que l’examen des tâches devant être accomplies selon la description de travail. La vérification sur place consiste en une recherche des faits pour déterminer ce que fait le titulaire du poste. Elle a précisé que ces vérifications servaient notamment à recenser les écarts entre les tâches effectivement accomplies par le titulaire et les tâches devant être accomplies par le titulaire selon sa description de travail.

39 Mme Wellman a expliqué que lorsqu’elle a répondu à la demande provenant d’une des adjointes spécialistes en ressources humaines en vue d’une mise à jour de l’état du dossier de réexamen de sa description de travail, le 6 mars 2007 (pièce E-4), la décision avait déjà été prise de changer la façon dont le travail était organisé à la section des Ressources humaines de l’Administration régionale de l’Ontario. Elle a ajouté que l’employeur avait décidé d’appliquer, à compter du 1er avril 2007, le modèle de l’adjoint généraliste au sein de cette section de l’administration régionale et que, par conséquent, la description de travail du poste d’adjoint généraliste en ressources humaines serait appliquée au lieu de la description de travail du poste d’adjoint spécialiste en ressources humaines que les fonctionnaires voulaient faire modifier. Elle a souligné que la description de travail du poste d’adjoint généraliste en ressources humaines était fort différente de celle du poste d’adjoint spécialiste en ressources humaines, si bien que la région de l’Ontario du SCC devait élaborer des plans d’affectation en rotation et s’assurer que le personnel soit formé avant de mettre en application la nouvelle description de travail.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésées

40 Le syndicat a soutenu que la description de travail des fonctionnaires ne rendait pas compte des réalités de leur travail à plusieurs égards. En particulier, leur description de travail ne reconnaissait que trois branches distinctes dans le secteur des ressources humaines, omettant de ce fait les tâches accomplies dans le domaine de l’équité en matière d’emploi et du recrutement. Les fonctionnaires ont témoigné qu’elles fournissaient des services de soutien et de l’assistance dans d’autres branches que la dotation, leur domaine de spécialisation. Elles ont indiqué qu’elles travaillaient au niveau de la classification, car elles récupéraient leurs dossiers de la section de la classification sans attendre l’aide de l’adjointe spécialiste travaillant dans ce domaine pour les obtenir. Elles réactivaient aussi les postes sans attendre son aide à cet égard.

41 Les fonctionnaires ont également témoigné qu’elles apportaient leur soutien dans le secteur de l’équité en matière d’emploi. Elles ont précisé qu’elles colligeaient des données et administraient les concours des candidats issus des groupes désignés en vertu de l’équité en matière d’emploi. Elles effectuaient également la tenue du répertoire des candidatures qui se limitaient aux candidats désignés aux fins de l’équité en matière d’emploi. Le syndicat a fait valoir que le travail des fonctionnaires dans les dossiers de l’équité en matière d’emploi était en dehors de leur domaine de spécialisation, l’équité en matière d’emploi figurant à l’organigramme à titre de secteur d’activité distinct.

42 Les fonctionnaires ont aussi travaillé dans le secteur du recrutement. Elles ont témoigné qu’elles participaient à des foires d’emploi, fournissaient de l’information et les formulaires appropriés aux candidats, et assuraient le suivi de l’information liée au recrutement. Le syndicat a soutenu que le travail effectué par les fonctionnaires dans le secteur du recrutement démontrait également qu’elles travaillaient dans plus d’un secteur spécialisé. Bien que l’employeur ait soutenu que le recrutement ne constituait pas une branche distincte des ressources humaines, la preuve a démontré qu’il y avait un gestionnaire distinct chargé des activités de recrutement jusqu’en 2005.

43 Le syndicat a soutenu que le fait même que la description de travail des fonctionnaires ne rendait pas compte de leur travail effectué dans d’autres branches que celle de la dotation est la preuve que leur description de travail n’était pas exacte. Le syndicat m’a renvoyé à Jennings et Myers c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2011 CRTFP 20, aux paragraphes 51 et 52; le syndicat a soutenu que la description de travail devait rendre compte de la réalité du travail effectué par l’employé et ne pas omettre d’y mentionner des fonctions que l’employé est tenu d’exercer ou des responsabilités qui lui incombent.

44 Le syndicat a demandé d’élargir la portée de la description de travail de manière à y inclure les secteurs des ressources humaines dans lesquelles les fonctionnaires travaillaient effectivement. À cet égard, il a réitéré que la description de travail des fonctionnaires ne rendait pas fidèlement compte des tâches qu’elles devaient accomplir dans le cadre de leurs fonctions. Leur description de travail devrait notamment inclure des modifications aux activités principales de manière à rendre compte du fait qu’elles travaillaient dans divers secteurs.

45 Le syndicat a souligné les efforts des fonctionnaires afin de répondre à leurs doléances relativement à leur description de travail. En outre, le 3 juillet 2003, elles ont déposé un grief dans lequel elles alléguaient que leur description de travail n’était pas exacte (pièce G-2). Le 10 janvier 2005, dans sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement de ce grief l’employeur l’a accueilli en partie, dans la mesure où l’employeur a accepté de procéder à un examen de la description de travail et de soumettre la version mise à jour à un examen en vue d’une reclassification du poste. À l’automne 2005, une vérification sur place des fonctions accomplies par les fonctionnaires a été réalisée, et plus de 76 fonctions et responsabilités ont été examinées (pièce G-4). En mai 2006, M. Sadler a isolé quatre de ces fonctions et les a fait suivre à M. Hamilton pour que ce dernier détermine si le fait de les ajouter à la description de travail modifierait le niveau de classification. Le 13 février 2007, l’employeur a informé les fonctionnaires que les tâches qu’elles souhaitaient voir rajoutées à leur description de travail y étaient déjà incluses implicitement et que, par conséquent, aucun changement ne serait apporté à la classification et au niveau de leur poste. Or, l’employeur avait déjà décidé le 1er février 2007 que, dans toutes les régions, le poste d’adjoint spécialiste en ressources humaines serait transformé en poste d’adjoint généraliste en ressources humaines, et qu’en conséquence leur poste serait reclassifié et passerait du groupe et niveau CR-04 au groupe et niveau CR-05, en vigueur le 1er avril 2007. Ainsi, les fonctionnaires ont été reclassifiées au groupe et niveau CR-05 le 1er avril 2007. Elles ont présenté les présents griefs le 3 avril 2007.

46 Le syndicat a soutenu que ce grief n’était pas un grief continu. Il m’a renvoyé à Galarneau et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 1, en faisant valoir que les principes en matière de griefs continus avaient trait au respect des délais impartis plutôt qu’au redressement. La décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] J.C.F. no 813 (C.A.) (QL), n’interdit pas qu’un redressement soit ordonné au-delà du délai prescrit de vingt-cinq jours. Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 161-2-703 (19931220), il a été statué que Coallier n’interdisait pas qu’un redressement puisse s’appliquer au-delà de la période de vingt-cinq jours précédant le dépôt du grief. Le syndicat a également observé que dans Butra c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord canadien), dossier de la CRTFP 166‑2‑22221 (19930430), l’arbitre de grief avait accordé un redressement remontant à dix mois, affirmant que les limites énoncées dans Coallier n’avaient pas été appliquées de manière uniforme. Dans Dervin c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2009 CRTFP 50, l’arbitre de grief a modifié une description de travail, avec effet rétroactif.

47 Le syndicat a aussi soutenu que dans Macri c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord canadien), dossier de la CRTFP 166-2-15319 (19871016), il était expliqué de façon rationnelle pourquoi Coallier ne devrait pas s’appliquer. En particulier, le syndicat a souligné que l’arbitre de grief s’était dit préoccupé dans cette affaire que si Coallier devait agir à titre de seuil en ce qui concerne l’ordonnance d’un redressement au–delà du délai de vingt-cinq jours, cela pourrait inciter l’employeur à retarder le traitement des griefs.

48 Le syndicat a fait valoir que les fonctionnaires avaient diligemment tenté de faire reconnaître leurs préoccupations auprès de l’employeur relativement à leur description de travail. Elles avaient présenté un grief en 2003 et donné à l’employeur le temps nécessaire pour examiner leur description de travail. Or, le processus de réexamen était très restreint et ne répondait pas aux doléances des fonctionnaires. Aussitôt qu’elles ont réalisé que le processus n’entraînerait pas l’adoption des modifications qu’elles souhaitaient obtenir, les fonctionnaires ont présenté les griefs en l’espèce. Le syndicat a soutenu que, pour ces motifs, la description de travail des fonctionnaires devrait être modifiée, avec effet rétroactif au mois de juin 2003.

B. Pour l’employeur

49 L’employeur a soutenu qu’à la base, les griefs en l’espèce portaient sur une question de classification et que, partant, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») n’avait pas compétence pour les instruire. Selon l’employeur, il ressort clairement du libellé de l’énoncé des griefs que ce qui était recherché par les fonctionnaires était que leur description de travail soit remplacée par celle des adjoints généralistes en ressources humaines, un poste classifié au groupe et niveau CR-05. La deuxième partie de la mesure de redressement demandée visait à ce que leur description de travail soit réévaluée et reclassifiée.

50 L’employeur a également fait valoir que la preuve présentée appuyait sa prétention que le véritable but recherché par les fonctionnaires en poursuivant leurs griefs soit d’obtenir la reclassification de leurs postes au groupe et niveau CR-05. Ainsi, en réponse à la vérification sur place réalisée en octobre 2005, les fonctionnaires ont fourni divers documents, qui étaient inclus dans la pièce G-4. Parmi ces documents, il y avait un énoncé de la description de travail du poste d’adjoint généraliste en ressources humaines qu’ils voulaient faire appliquer à leur situation. Elles ont également produit en preuve une note de service qu’elles avaient fait parvenir au directeur régional de la dotation et du recrutement en avril 2005, dans laquelle les fonctionnaires exprimaient clairement qu’elles souhaitaient obtenir le soutien de la direction dans leur quête visant à reclassifier leurs postes, pour les diverses raisons énumérées dans ce document. Qui plus est, M. Emerton a témoigné que les préoccupations des fonctionnaires ne visaient pas tant l’inexactitude de la description de travail de leurs postes que le fait que, dans d’autres régions, les adjoints en ressources humaines, qui étaient des généralistes, étaient classifiés à un niveau supérieur.

51 L’employeur m’a renvoyée à Tousignant et Paradis c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 13; Gvildys c. Conseil du Trésor (Santé Canada), 2002 CRTFP 86; Charpentier et Trudeau c. Conseil du Trésor (Environnement Canada), dossiers de la CRTFP 166‑2‑26197 et 26198 (19970131) et Cooper et Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 160, au soutien de sa position voulant qu’un arbitre de grief n’ait pas compétence pour instruire des griefs portant sur la classification d’un poste. En particulier, l’employeur a signalé la similitude entre la question à trancher dans Charpentier et Trudeau et celle des griefs en l’espèce.

52 L’employeur a de plus fait valoir que le redressement demandé était sans objet, puisque la description de travail des fonctionnaires avait changé depuis et que leurs postes avaient été reclassifiés deux jours avant le dépôt de leurs griefs.

53 Quant au bien-fondé des griefs, l’employeur a soutenu que la question à trancher était de savoir s’il s’était acquitté de son obligation en vertu de l’article 54 de la convention collective de fournir aux fonctionnaires une description de travail complète et courante de leurs postes. À cet égard, l’employeur a souligné que la description de travail de leurs postes était effectivement complète et courante. L’employeur s’était engagé à examiner cette description de travail en réponse au premier grief déposé par les fonctionnaires en 2003, a tenu cet engagement, et a conclu que leur description de travail constituait un exposé exact des fonctions exercées par les fonctionnaires.

54 L’employeur m’a renvoyé Hughes c. Conseil du Trésor du Canada (Ressources naturelles Canada), 2000 CRTFP 69; Jennings et Myers; et Jaremy et al. c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes, Accise et Impôt), 2000 CRTFP 59. Il a souligné qu’une description de travail n’avait pas à énumérer toutes les activités accomplies par le titulaire d’un poste ni à les décrire dans le menu détail. Une description générale des fonctions exercées est suffisante.

55 Dans les griefs en l’espèce, la description de travail décrit convenablement les fonctions devant être exercées par les fonctionnaires. La preuve a démontré que l’organisation du travail à la section des Ressources humaines de l’ARO, où travaillaient les fonctionnaires, était différente de celle des autres régions. Le travail était compartimenté, et les adjoints spécialistes en ressources humaines travaillaient dans des domaines spécialisés. L’organigramme (pièce E-5) illustre cette structure, et Mme Landriault a confirmé qu’elle travaillait dans le secteur de la dotation, précisant toutefois que son travail pouvait toucher aux autres secteurs.

56 L’employeur a soutenu qu’il y avait lieu d’examiner la nature précise du travail que Mme Landriault disait effectuer lors de son témoignage. Dans la branche de la classification, elle a dit qu’elle récupérait les dossiers de classification dont elle avait besoin pour effectuer son travail de dotation, lorsque l’adjoint spécialiste en ressources humaines travaillant à la classification était occupé. Elle n’a toutefois pas affirmé qu’elle exerçait l’une ou l’autre des fonctions principales liées à la classification des postes. Elle a également affirmé qu’elle consacrait du temps au calcul des salaires en lien avec les lettres d’offres, affirmant qu’il s’agissait là d’un travail en lien avec la rémunération. Le fait est que ce travail est reflété dans sa description de travail. Elle a également témoigné qu’elle travaillait dans le secteur de l’équité en matière d’emploi, parce qu’elle colligeait des statistiques devant servir à la production d’un rapport utilisé à des fins d’analyse, mais que ce travail relevait purement des fonctions de la dotation.

57 L’employeur a souligné que la description de travail des fonctionnaires était une description de travail générique, de portée nationale, et qu’elle n’avait pas à être détaillée. La description de travail exposait, en termes généraux, les fonctions décrites par les fonctionnaires. À titre d’illustration, à la rubrique intitulée [traduction] « Connaissances contextuelles », il est indiqué que les fonctionnaires devaient connaître les processus des divers secteurs des ressources humaines, pouvoir repérer les différentes sources d’information, et pouvoir appliquer cette information. Il est également indiqué dans la description de travail que les fonctionnaires devaient posséder des connaissances sur diverses dispositions législatives, notamment celles ayant trait à l’équité en matière d’emploi. La collecte de données est également une tâche clairement indiquée dans la description de travail de leurs postes.

58 L’employeur a soutenu qu’il incombait aux fonctionnaires de démontrer les lacunes de leur description de travail, ce qu’elles n’ont pas fait. Par conséquent, elles ne se sont pas acquittées du fardeau de la preuve qui leur incombait et leurs griefs doivent être rejetés. Toutefois, dans l’éventualité où leurs griefs seraient accueillis, l’employeur a soutenu, invoquant Coallier, que le redressement devrait être limité à la période de vingt-cinq jours précédant le dépôt des griefs.

59 L’employeur a soutenu que, malgré la jurisprudence citée par les fonctionnaires au soutien de leur position, les arbitres de grief ont appliqué la décision rendue dans Coallier. Ainsi, dans Manuel et Reid c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2012 CRTFP 9, l’arbitre de grief a appliqué Coallier en dépit de la demande des fonctionnaires s’estimant lésés visant à obtenir un redressement remontant à plusieurs années. Dans Coquet et al. c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 24, l’arbitre de grief a observé qu’à son avis, l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel Coallier ne devrait pas s’appliquer à sa situation avait peu de chances d’être reçu. Tant dans Macri que dans Dervin, deux décisions auxquelles le syndicat m’a renvoyé, l’employeur avait convenu avec les fonctionnaires de la période devant être visée par le redressement, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Par ailleurs, aucune preuve n’a été produite afin d’établir quelles tâches étaient accomplies précisément par les fonctionnaires en 2003, soit le moment à partir duquel elles réclament un redressement.

60 L’employeur a soutenu par ailleurs que, même si on devait conclure que Coallier ne s’applique pas aux circonstances propres aux griefs, le redressement ne devrait pas viser une période antérieure à la date de la note de service envoyée par les fonctionnaires à M. Stolfa en avril 2005, en réplique à la réponse de M. Coakeley au dernier palier de la procédure de règlement de leurs griefs. Un examen approfondi de la description de travail des fonctionnaires a été entrepris consécutivement à la réponse de M. Coakeley au premier grief. L’employeur a réalisé une vérification sur place et procédé à un examen minutieux de la classification de leurs postes. Les quatre fonctions identifiées par M. Sadler aux fins d’un examen particulier résultent des conclusions de la vérification sur place et des commentaires formulés par les fonctionnaires à ce sujet. Bien que l’examen ait pu prendre un certain temps à aboutir, l’analyse était complète et exhaustive et portait sur l’ensemble des éléments de la description de travail.

C. Réplique du syndicat

61 Selon le syndicat, bien que le libellé des griefs présentés par les fonctionnaires aurait pu être plus précis en ce qui concerne les préoccupations des fonctionnaires au sujet de leur description de travail, un vice de forme ne devrait pas l’emporter sur le fond. Le syndicat m’a renvoyé à Canada Safeway Ltd. v. R.W.D.S.U., Loc. 454 (1994), 44 L.A.C. (4e) 325, et à Lannigan c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 34, et a fait valoir qu’il n’y avait pas lieu de permettre que des objections d’ordre technique puissent porter atteinte au droit de présenter un grief lorsqu’il est évident que l’employeur connaissait l’objet du litige, c’est-à-dire, l’exactitude de la description de travail.

62 Le syndicat a souligné que, bien que l’employeur ait mentionné que la structure de l’ARO relevait l’existence de différentes disciplines relatives au domaine des ressources humaines, il n’a fourni aucune précision quant au nombre exact de ces disciplines.

V. Motifs

63 Le 2 avril 2007, les fonctionnaires ont chacune signé des griefs, lesquels énonçaient ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je conteste les décisions de l’employeur portées dans la lettre du 13 février 2007 de Cheryl Fraser et le courriel du 6 mars 2007 de Bonnie Wellman. Ces décisions sont inappropriées et contraires aux mesures correctives promises par Simon Coakeley dans sa réponse du 10 janvier 2005 au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

[…]

64 À titre de redressement, les fonctionnaires ont demandé ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je demande que mon employeur revienne sur ses décisions et qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les mesures correctives promises datant du 10 janvier 2005 et émanant du sous-ministre adjoint Simon Coakeley. Ainsi, je demande qu’une nouvelle description de travail pour mon poste soit rédigée en y incluant toutes les fonctions que j’accomplissais, et que cette nouvelle description de travail soit évaluée et sujette à une reclassification appropriée; de plus, étant donné qu’il s’agit de décisions ayant une portée nationale, je demande que le présent grief soit renvoyé directement au dernier palier de la procédure de règlement des griefs pour audience et décision.

 […]

65 Au début de l’audience, l’employeur a présenté deux objections préliminaires. Dans la première, il a fait valoir que les griefs ne contenaient aucune allégation portée en vertu du paragraphe 209(1) de la LRTFP. Cette première objection quant à la compétence a été retirée. Dans la deuxième, l’employeur a fait valoir qu’à la lumière du redressement demandé par les fonctionnaires, il était clair que les griefs portaient sur la classification et qu’un arbitre de grief de la CRTFP n’avait pas compétence pour instruire ce grief. Dans son argumentation de clôture, l’employeur a de plus soutenu que les griefs étaient sans objet, puisque les fonctionnaires s’étaient vues attribuer une nouvelle description de travail et que leurs postes avaient été reclassifiés à compter du 1er avril 2007, soit deux jours avant le dépôt de leurs griefs.

66 Même s’il ne fait aucun doute que les griefs auraient pu être libellés plus clairement, les réponses données par l’employeur à leur égard laissent clairement entendre qu’il savait pertinemment que leurs griefs portaient sur une demande de mise à jour de leur description de travail. Alors qu’il m’apparaît tout aussi clairement que les demandes des fonctionnaires en vue d’une mise à jour de leur description de travail étaient motivées par leur détermination à faire en sorte que leur poste soit classifié à un niveau supérieur, cette intention ne peut compromettre leur droit de renvoyer à l’arbitrage des griefs portant sur le contenu de la description de travail. J’estime qu’il serait difficile de trouver un grief portant sur le contenu d’une description de travail qui ne soit, à la base, mû par un désir de voir son poste reclassifié.

67 En vertu de la clause 54.01 de la convention collective, l’employeur est tenu de fournir à l’employé qui en fait la demande, un exposé « complet et courant » de ses fonctions et responsabilités; cette clause est libellée comme suit :

54.01 Sur demande écrite, l'employé-e reçoit un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités, y compris le niveau de classification du poste et, le cas échéant, la cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu'un organigramme décrivant le classement de son poste dans l'organisation.

68  Comme en font foi les réponses aux griefs, l’employeur était bien au fait que les fonctionnaires estimaient que leur description de travail n’était pas complète et courante, et qu’elles voulaient qu’elle soit modifiée à titre d’étape préliminaire à la reclassification. Je ne crois pas que les fonctionnaires aient tenté de modifier leurs griefs ou les motifs qui les sous-tendent, à l’étape de l’arbitrage. Dans la mesure où ces griefs portent sur l’obligation découlant du libellé de la clause 54.01 de la convention collective, je conclus que j’ai compétence pour les instruire. En juger autrement serait inutilement technique. Je suis d’accord avec l’arbitre de grief dans United Electrical Workers, Local 504 v. Canadian Westinghouse Co. Ltd. (1964), 14 L.A.C. 279, page 283, tel que cité dans l’ouvrage de Gorsky, Evidence and Procedure in Canadian Labour Arbitration, aux paragraphes 4 à 19, lorsqu’il a déclaré que [traduction] […] un conseil d’arbitrage doit tenter d’instruire et de se prononcer sur le grief véritable, plutôt que sur le grief apparent opposant les parties, par ce que le contraire constituerait un déni de justice naturelle envers les parties. »

69 Même si les fonctionnaires ont reçu une nouvelle description de travail et que leurs postes ont été reclassifiés  en date du 1er avril 2007, soit deux jours avant la présentation des griefs, je ne peux conclure que les griefs sont sans objet. Dans Dervin, des faits similaires étaient en cause et l’arbitre de grief a conclu que l’enjeu soulevé par le grief n’était pas de nature purement théorique et soulevait un « litige actuel ». Au paragraphe 11 de la décision, il a souligné que le fonctionnaire s’estimant lésé : « […] est parfaitement en droit de recevoir un exposé exact des fonctions pour la période pendant laquelle il a occupé le poste ». Je suis d’accord avec cette affirmation puisqu’elle s’applique aux faits en l’espèce. Bien que je n’aie pas compétence pour trancher des questions portant sur la classification, les fonctionnaires ont le droit d’aller de l’avant avec de telles questions au moyen d’autres procédures administratives; une conclusion que les griefs sont sans objet pourrait indûment porter atteinte à ce droit.

70 Comme j’ai conclu que l’objection de l’employeur relativement à la compétence et au caractère théorique des griefs ne pourraient aboutir, il est nécessaire d’examiner les griefs sur le fond. Il incombait aux fonctionnaires d’établir que leur description de travail n’était pas complète et courante. Pour les motifs exposés ci-après, je conclus qu’elles ne se sont pas acquittées de ce fardeau.

71 Les fonctionnaires étaient des adjointes spécialistes en ressources humaines qui travaillaient dans la branche de la dotation. Essentiellement, elles ont allégué que, bien qu’elles travaillaient dans la branche de la dotation, elles fournissaient également des services à d’autres secteurs des ressources humaines au sein de la section des Ressources humaines de l’ARO. Mme Landriault a témoigné qu’elle fournissait des services de classification, car elle devait souvent récupérer elle-même les dossiers de classification dont elle avait besoin pour préparer les lettres d’offre et ouvrir les dossiers de concours, au lieu d’attendre que l’adjointe spécialiste en ressources humaines qui travaillait dans la branche de la classification les obtienne pour elle. Elle a témoigné qu’afin de pouvoir ouvrir un dossier de dotation, elle devait vérifier s’il s’agissait d’un poste actif et, si ce n’était pas le cas, elle demandait au service de la classification de le réactiver. Elle a également affirmé qu’elle travaillait dans le secteur de la rémunération parce qu’elle devait calculer les salaires et les indemnités, et établir les avantages sociaux en vue de préparer les affiches des concours et les lettres d’offres. Elle a aussi affirmé qu’elle travaillait dans le secteur de l’équité en matière d’emploi, parce qu’elle colligeait des données à partir des dossiers de concours pour l’agent responsable de l’équité en matière d’emploi, en plus de tenir un répertoire des candidats en fonction des critères établis pour l’équité en matière d’emploi. Elle a de plus affirmé travailler dans le secteur du recrutement, parce qu’elle participait à des foires d’emploi, répondait aux questions des candidats potentiels et au public en général au sujet des emplois offerts au SCC, et qu’elle aidait les candidats à remplir les formulaires au besoin.

72 L’employeur n’a pas contesté le fait que les fonctionnaires accomplissaient les tâches décrites par Mme Landriault dans son témoignage. Il a toutefois fait valoir que ces tâches étaient toutes en lien avec leurs postes d’adjointes spécialistes en ressources humaines travaillant dans la branche de la dotation. L’employeur a soutenu que ces tâches étaient incluses implicitement dans leur description de travail et qu’elles étaient naturellement et logiquement en lien avec leurs fonctions exercées dans la branche de la dotation. L’employeur a en outre affirmé qu’aucune preuve n’avait été présentée voulant que les fonctionnaires aient exercé l’une ou l’autre des fonctions principales des adjoints spécialistes en ressources humaines dans les branches des relations de travail ou de la classification, ni l’une ou l’autre des fonctions principales d’un adjoint en rémunération.

73 Les fonctionnaires ont présenté en preuve plusieurs documents décrivant les fonctions supplémentaires qui, selon elles, devraient être incluses dans leur description de travail et qui étayaient à leur avis leur allégation selon laquelle elles travaillaient dans plusieurs secteurs des ressources humaines, notamment l’annexe A du rapport de vérification sur place des tâches accomplies (pièce G-4). Or, selon le rapport de vérification sur place, l’annexe A en question a été produite par un groupe de travail composé d’adjoints spécialistes en ressources humaines de la région de l’Ontario, sans préciser les auteurs de ce document. Lors de son témoignage, Mme Landriault a isolé les tâches en lien avec la rémunération, la classification, l’équité en matière d’emploi et le recrutement. Ainsi, à défaut d’éléments de preuve supplémentaires ou d’autres explications à cet égard, je n’ai considéré que les tâches énumérées.

74 Je suis d’accord avec l’employeur que toutes les tâches décrites par Mme Landriault semblent représenter des activités naturelles liées aux fonctions exercées par les fonctionnaires à titre d’adjointes spécialistes en ressources humaines travaillant dans la branche de la dotation. Les fonctions de classification que Mme Landriault prétendait exercer, par exemple, n’étaient que des étapes à franchir en vue d’accomplir son travail de préparation des dossiers de dotation et de concours. Il en est de même pour le calcul des salaires qui, selon elle, était du travail de rémunération. La tenue de données sur l’équité en matière d’emploi était également une fonction attachée à son rôle en dotation. Dans la même veine, il est difficile de séparer le recrutement et la dotation. Bien qu’on ait laissé entendre que le recrutement formait un service distinct de la dotation avant 2005, au moment de la présentation des griefs en l’espèce, l’organigramme (pièce E-5) démontrait que le superviseur des fonctionnaires, M. Stolfa, était le directeur de la dotation et du recrutement. L’organigramme ne faisait état d’aucun service du recrutement distinct.

75 Les fonctionnaires n’ont pas affirmé qu’elles étaient assignées en rotation dans les divers services, comme c’était le cas notamment des adjoints en ressources humaines de la région du Québec du SCC. Elles n’ont pas affirmé qu’elles remplaçaient ou aidaient régulièrement les adjoints spécialistes en ressources humaines travaillant dans les autres secteurs. Toutes les tâches qu’elles ont identifiées découlaient de leurs propres fonctions dans le cadre de la dotation. M. Sadler et Mme Wellman ont témoigné que la section des Ressources humaines de l’ARO était structurée en services distincts, ou compartimentés, durant la période visée, et qu’il n’était pas attendu des fonctionnaires qu’elles travaillent à l’extérieur de leur secteur d’affectation. Il n’y a aucune preuve selon qu’elles auraient travaillé à l’extérieur de leur secteur d’affectation, que ce soit sur une base régulière ou ponctuelle.

76 Selon la description de travail des fonctionnaires (pièce E-3), elles devaient fournir [traduction] « […] des services de soutien administratif à l’une des branches suivantes (classification, dotation, relations de travail) aux gestionnaires, directeurs et employés des Ressources humaines du SCC ». Je conclus que c’est effectivement ce qu’elles faisaient. Même si, comme l’ont prétendu les fonctionnaires, le recrutement et l’équité en matière d’emploi constituaient des services distincts au sein de la section des Ressources humaines, le travail qu’elles effectuaient en lien avec ces services était accessoire à leurs fonctions de dotation. À titre d’exemple, M. Emerton, un agent de dotation, a témoigné que les fonctionnaires travaillaient avec lui lorsqu’il effectuait des activités liées au recrutement et qu’elles participaient avec lui à des foires d’emploi en raison de leur rôle d’adjointes. Il n’a tout simplement pas été établi en preuve que les fonctionnaires travaillaient dans plusieurs secteurs, comme elles l’ont allégué.

77 La description de travail des fonctionnaires était générique et avait une portée nationale. Par définition, les descriptions de travail de cette nature ne sont pas détaillées. Or, comme il a été observé dans Jennings et Myers, une description de travail générique satisfait à l’exigence d’un exposé de fonctions complet et courant tant qu’elle n’omet pas des responsabilités ou des fonctions particulières devant être exercées par l’employé.

78 La description de travail des fonctionnaires semble par ailleurs inclure les fonctions qu’elles souhaitaient y voir ajoutées. Par exemple, à la rubrique « Activités principales », on y indique que les adjoints spécialistes traitent les documents et assurent la tenue et la mise à jour des dossiers. On y lit en outre que les adjoints spécialistes en ressources humaines sont chargés de [traduction] « […] fournir de l’information et des conseils aux gestionnaires, aux employés, aux représentants syndicaux et au public en général […] » au sujet de diverses questions liées aux ressources humaines. On y lit en outre que les adjoints spécialistes en ressources humaines [traduction] « […] créent et préparent des rapports en repérant, récupérant, triant et organisant les données pertinentes archivées dans les divers systèmes informatisés, de manière à fournir à leur superviseur, aux autres employés de la section des Ressources humaines ainsi qu’à d’autres gestionnaires les informations requises afin de prendre des décisions. » Il m’apparaît que les activités précitées décrivent le travail accompli par les fonctionnaires.

79 D’autres rubriques de leur description de travail s’appliquent également au travail que les fonctionnaires m’ont décrit. Ainsi, à la rubrique intitulée [traduction] « Renseignements à l’usage d’autres personnes », les adjoints spécialistes en ressources humaines sont chargés d’échanger de l’information avec d’autres employés et gestionnaires des ressources humaines, d’autres ministères et le public en général, afin de leur expliquer les processus des ressources humaines et répondre à leurs questions. L’adjoint spécialiste est également chargé de créer, de tenir et de mettre à jour les dossiers utilisés par les agents et les gestionnaires des ressources humaines, et de rechercher puis récupérer des informations pertinentes aux ressources humaines, des politiques et des informations émanant de diverses autres sources en vue de leur utilisation dans les processus de dotation.

80 Il incombait aux fonctionnaires de démontrer les lacunes de leur description de travail. L’essentiel de leur argumentation était que leur description de travail ne rendait pas compte du travail qu’elles devaient effectuer dans d’autres branches des ressources humaines. J’ai conclu qu’elles n’étaient pas appelées à travailler de manière significative à l’extérieur de leur secteur d’affectation, soit celui de la dotation, et qu’au demeurant, le travail ainsi effectué faisait partie implicitement de la description de travail des adjoints spécialistes en ressources humaines. Par conséquent, les fonctionnaires n’ont pas établi qu’elles n’avaient pas reçu une description de travail complète et courante, tel qu’il est prévu à la clause 54.01 de la convention collective.

81 Une grande partie de la preuve et de l’argumentation qui m’a été présentée avait trait aux tentatives continues des fonctionnaires de faire modifier leur description de travail. Le but de cette preuve visait à justifier un redressement rétroactif jusqu’en 2003, alors que le premier grief des fonctionnaires a été présenté. Comme j’ai conclu que l’exposé des fonctions et responsabilités des fonctionnaires était complet et courant, il ne m’est pas nécessaire de considérer les arguments quant au redressement. J’aimerais toutefois relever l’argument des fonctionnaires selon lequel il ne s’agit pas de griefs continus. Cet argument a de quoi surprendre, surtout que les fonctionnaires ont présenté ces griefs après le 2 avril 2007, soit plus de vingt-cinq jours après avoir reçu la lettre de Mme Fraser les informant que l’employeur ne modifierait pas leur description de travail. Il s’agissait pourtant du décideur. S’il ne s’agissait pas de griefs continus, alors ils étaient, en toute probabilité, hors délai, comme l’a allégué l’employeur dans ses réponses aux fonctionnaires. Puisque l’employeur a admis lors de l’audience que les griefs étaient de nature continue, la question du respect des délais ne s’est pas posée.

82 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

83 Le grief de Stephanie Bowen est retiré.

84 Les griefs de Denise Landriault et de Muriel Revelle sont rejetés.

Le 24 juillet 2013.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
arbitre de grief

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