Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suspension (10jours) - Insubordination - Attitude de l’employé - Manque de respect envers la direction - Refus de rencontrer la direction - Crédibilité - Mesures disciplinaires progressives La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté une suspension disciplinaire de 10jours pour insubordination - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait manqué de respect envers ses gestionnaires et avait fait preuve d’insubordination en refusant de les rencontrer pour discuter de son évaluation du rendement - l’arbitre de grief a aussi conclu que les gestionnaires de la fonctionnaire s’estimant lésée n’avaient pas approuvé son comportement général au travail - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée méritait qu’on lui impose une mesure disciplinaire pour son insubordination et que la suspension de 10jours n’était pas une sanction trop sévère, étant donné la relation difficile entre la fonctionnaire s’estimant lésée et ses gestionnaires et le fait que la suspension faisait partie d’une série de mesures disciplinaires progressives. Grief rejeté. Cote de sécurité - Suspension de la cote de sécurité en attendant le résultat d’une révision - Révocation de la cote de sécurité - Suspension des fonctions en attendant une décision sur la situation d’emploi - Conditions d’emploi - Compétence - Y a-t-il eu mesure disciplinaire? - Y a-t-il eu mauvaise foi? - Y a-t-il eu violation des règles d’équité procédurale? - Crédibilité La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté la suspension de sa cote de sécurité en attendant le résultat d’une révision, la révocation de sa cote de sécurité et la suspension de ses fonctions en attendant une décision sur sa situation d’emploi - l’administrateur général s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre les affaires - l’arbitre de grief a conclu qu’elle avait compétence pour entendre les affaires si les décisions étaient des mesures disciplinaires déguisées - l’arbitre de grief n’a trouvé aucune preuve de mauvaise foi de la part de l’administrateur général; les décisions n’étaient pas un stratagème, un subterfuge ou un camouflage - l’arbitre de grief a aussi conclu qu’il n’y avait pas eu violation des règles d’équité procédurale et que, dans tous les cas, une telle violation aurait été réparée par la nouvelle audience devant elle. Objection accueillie. Suspension de la cote de sécurité en attendant le résultat d’une révision - Révocation de la cote de sécurité - Déni de représentation par l’agent négociateur - Y a-t-il eu violation de la convention collective? La fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu que l’employeur avait violé la convention collective en ne lui permettant pas d’être représentée par l’agent négociateur quand on lui a donné la lettre l’informant que sa cote de sécurité avait été suspendue en attendant le résultat d’une révision et la lettre l’information que sa cote de sécurité avait été révoquée - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas le droit d’être représentée par l’agent négociateur, parce que la suspension et la révocation de sa cote de sécurité n’étaient pas des mesures disciplinaires. Griefs rejetés. Licenciement - Perte de la cote de sécurité - Condition d’emploi - Compétence La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté son licenciement dû à la perte de sa cote de sécurité - l’administrateur général s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le grief - l’arbitre de grief a conclu qu’elle avait compétence pour entendre le grief de licenciement, que le licenciement ait été ou non de nature disciplinaire - l’arbitre de grief n’a trouvé aucune preuve de mauvaise foi de la part de l’administrateur général - l’arbitre de grief a aussi conclu qu’il n’y avait pas eu violation des règles d’équité procédurale et que, dans tous les cas, une telle violation aurait été réparée par la nouvelle audience devant elle. Objection rejetée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



L'ancienne Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique
et
la nouvelle Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-07-19
  • Dossier:  166-02-37094 et 566-02-173 à 176, 395 et 1298
  • Référence:  2013 CRTFP 80

Devant un arbitre de grief


ENTRE

VALERIE BERGEY

fonctionnaire s'estimant l'ésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Gendarmerie royale du Canada)

employeur

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Gendarmerie royale du Canada)

défendeur

Indexed as
Bergey c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada) et Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret E. Hughes, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
David Yazbeck, avocat

Pour l'employeur et l'administrateur général:
Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue à Prince George (Colombie-Britannique)
du 16 au 19 septembre 2008, du 20 au 23 avril, du 4 au 8 mai,
du 26 au 30 octobre, du 23 au 27 novembre et du 7 au 11 décembre 2009,
et à Ottawa (Ontario), du 11 au 15 janvier,
les 30 et 31 août et du 1er au 3 septembre 2010
(arguments écrits déposés les 3 et 30 septembre, le 31 octobre et le 19 novembre 2010)
(Traduction de la CRTFP)

Table des matières

I. Introduction

II. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

III. Objection concernant la compétence de l’arbitre de grief

IV. Témoins

V. Contexte

VI. Résumé de la preuve, partie 1 : 2001 à 2004

A. Déménagement des bureaux et nouvelles fonctions et préoccupations

B. Quatre événements à noter

1. Médailles commémoratives du Jubilé de Sa Majesté la Reine Elizabeth II

2. Ateliers sur la sensibilisation au harcèlement et une date de fin a-t-elle été établie

3. Plaintes de harcèlement et enquêtes

4. Rendement au travail

C. Événements de 2004

1. De janvier à mars

2. D’avril à juin

3. De juillet à septembre

4. D’octobre à décembre

a. Le 28 octobre : en avant-midi

b. Le 28 octobre : en après-midi

VII. Expression syndicale

A. Résumé des arguments

1. Pour la fonctionnaire

2. Pour l’employeur

B. Décision

VIII. Le grief contre la suspension de 10 jours

A. Crédibilité

B. Résumé des observations

1. Pour l’employeur

2. Pour la fonctionnaire

3. Réplique de l’employeur

C. Décision

1. La conduite de la fonctionnaire justifiait-elle l’imposition d’une sanction disciplinaire?

2. La suspension de 10 jours était-elle une sanction trop sévère dans les circonstances?

IX. Résumé de la preuve, partie 2 : les six autres griefs

A. Témoignages

1. Le sergent d’état-major Beach

2. Le sergent d’état-major Hildebrand

3. Le surintendant principal Clark

4. La fonctionnaire

B. Le deuxième incident à l’imprimante et le rapport du caporal Flewelling

C. Les enregistrements clandestins de la fonctionnaire

1. Témoignage du surintendant Morris

2. Le témoignage de la fonctionnaire

3. Témoignage connexe

D. Le rapport provisoire du sergent Lennox

1. Contexte

2. Témoignage

a. Le sergent Lennox

b. La fonctionnaire

c. Témoignage connexe

E. Preuve et rapport de M. Briske

F. Les décisions de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC

1. Le témoignage du surintendant principal Lanthier

a. La suspension de la cote de fiabilité de la GRC

b. Révocation de la cote de fiabilité de la GRC

2. Témoignage de M. O’Donnell

G. Décisions liées à la suspension des fonctions

1. Témoignage du surintendant principal Clark

X. Les six autres griefs

A. Résumé des arguments

1. Pour l’employeur

2. Pour la fonctionnaire

3. Réplique de l’employeur

B. Demande visant à présenter des observations supplémentaires

XI. Motifs

A. Compétence relative à la révocation d’une cote de fiabilité de la GRC

B. Compétence pour entendre une affaire portant sur un licenciement découlant de la perte de la cote de fiabilité de la GRC

C. Mesure disciplinaire

D. Mauvaise foi

1. Général

2. Le surintendant principal Lanthier

3. Le surintendant Morris

E. Équité procédurale

F. Décision concernant les griefs sur la suspension et la révocation de la cote de fiabilité de la GRC

G. Décision concernant les griefs sur la représentation syndicale

H. Décision concernant les griefs contre la suspension

I. Décision concernant le grief de licenciement

XII. Ordonnance


I. Introduction

1 Valerie Bergey, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), était une employée civile qui a été renvoyée de son poste de commis de détachement au service opérationnel de la sécurité routière (autoroute) au Bureau du district nord (le « Bureau du district nord »), aussi appelé le District nord de la Division « E », de la Région du Pacifique (qui comprend la Colombie-Britannique et le Yukon) de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC » ou l’« employeur »), à Prince George (Colombie-Britannique). La fonctionnaire travaillait pour la GRC depuis plus de sept ans.

2 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la décision concernant le dossier de la CRTFP 166-02-37094, renvoyé à l’arbitrage, doit être prise conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P -35 (l’« ancienne Loi »).

3 La fonctionnaire était classifiée au groupe et niveau CR-03. La convention collective en vigueur lorsque les griefs ont été présentés a été conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») pour le groupe des Services des programmes et de l’administration. La convention collective est arrivée à échéance le 20 juin 2007 (la « convention collective »; pièce 8).

4 La fonctionnaire a occupé plusieurs postes auprès du Syndicat des employés du Solliciteur général (le « SESG »), une composante de l’AFPC. Elle a été présidente de la section locale à partir de mai 1999 approximativement, et ce, jusqu’à sa démission le 13 décembre 2003.

5 Pendant la période visée, l’employeur a pris des décisions qui ont abouti au licenciement de la fonctionnaire. Les décisions en litige sont les suivantes :

  • Une suspension de dix jours sans traitement imposée à la fonctionnaire le 4 novembre 2004 par le surintendant M.J. (Mike) Morris.
  • La suspension de la cote de fiabilité approfondie de la GRC (la « cote de fiabilité de la GRC »), imposée par le surintendant principal Robert Lanthier, le 22 mars 2005, en attendant le résultat d’un examen de sécurité visant à déterminer si la cote de fiabilité de la GRC devrait demeurer valide ou être révoquée avec motif.
  • Une prolongation de la suspension sans traitement de la fonctionnaire pour une période indéterminée, imposée par le surintendant principal Barry Clark à compter du 22 mars 2005, en attendant la fin de l’examen de sécurité.
  • La révocation de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire à compter du 22 juillet 2005 à la suite d’une lettre du surintendant principal Lanthier.
  • La prolongation de la suspension pour une période indéterminée imposée par le surintendant principal Clark le 4 août 2005, jusqu’à ce qu’une décision soit prise concernant l’emploi de la fonctionnaire à la GRC, étant donné que la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire avait été révoquée.
  • Le licenciement motivé de la fonctionnaire le 3 janvier 2006, à la suite d’une lettre du commissaire de la GRC, Giuliano Zaccardelli, parce qu’elle avait perdu sa cote de fiabilité de la GRC.

6 La fonctionnaire a présenté plusieurs griefs à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP »), dont huit m’ont été renvoyés. Les décisions au dernier palier de la procédure de règlement des griefs pour les huit griefs (ainsi que pour d’autres griefs dont je ne suis pas saisi) ont été communiquées à la fonctionnaire dans une lettre du commissaire Zaccardelli datée du 8 décembre 2005. Les huit griefs ont été rejetés (pièce 172).

7 Les parties ont convenu à l’audience qu’un des griefs (dossier de la CRTFP 166-02-37093, présenté le 28 février 2006) avait été retiré à la suite d’une lettre datée du 22 février 2008, envoyée par l’AFPC à la CRTFP. J’ai traité ce dossier comme un dossier fermé. Je demeure saisi des sept autres griefs, lesquels sont visés par la présente décision.

8 L’instruction de ces sept griefs a été longue, difficile et complexe. Il y a eu 38 jours d’audience, et des arguments écrits exhaustifs ont été présentés pendant deux années. L’employeur a cité onze témoins à comparaître et produit les éléments de preuve de deux autres témoins par affidavit. La fonctionnaire a témoigné en son nom. Des centaines de pages de documents ont été présentées en preuve, dont de nombreux courriels échangés entre les parties, la fonctionnaire et ses collègues, et avec le personnel des Ressources humaines; plusieurs rapports d’enquête; des documents présentés par la fonctionnaire pendant les enquêtes pour appuyer sa position; ainsi que des transcriptions de déclarations faites par des personnes questionnées par les enquêteurs et les transcriptions de conversations qui ont eu lieu au Bureau du district nord en 2004 et qui ont été enregistrées clandestinement, puis transcrites, par la fonctionnaire. Le témoignage à l’audience n’a pas été enregistré.

II. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

9 Pour faciliter la compréhension, je présenterai les griefs en ordre chronologique selon les décisions contestées de l’employeur plutôt que selon leur date de soumission ou leur numéro de dossier de la CRTFP. La terminologie utilisée dans les griefs porte parfois à confusion et leur contenu se répète parfois. Voici les griefs :

  1. Dans le premier grief (dossier de la CRTFP 166-02-37094; pièce 110), la fonctionnaire a contesté la décision du 4 novembre 2004 de l’employeur de lui imposer une suspension de dix jours sans traitement. Le grief est daté du 12 décembre 2004, mais il n’a été renvoyé à la CRTFP que le 28 février 2006. Dans ce grief, la fonctionnaire a soutenu que la mesure disciplinaire était injuste et non fondée. Le grief a été présenté à la CRTFP en vertu de l’ancienne Loi au moyen de la formule 14. La fonctionnaire a demandé, notamment, des excuses écrites pour la suspension et pour la fausse accusation d’infraction à la sécurité; l’annulation de la lettre de suspension et sa réintégration avec remboursement de toute perte de salaire et d’avantages sociaux; une indemnité financière pour souffrance et douleur, stress et anxiété, humiliation, diffamation et propos diffamatoires; une mutation pour raisons familiales à un endroit mutuellement acceptable; une garantie d’emploi pour les 20 prochaines années de la part de l’employeur, et ce, indépendamment de toute restructuration au sein de la GRC; le retrait permanent du lieu de travail de son superviseur immédiat, le sergent d’état-major Dave Beach, et du surintendant Morris, au Bureau du district nord.
  2. Dans le deuxième grief (dossier de la CRTFP 566-02-1298; pièce 138; qui remplace le dossier de la CRTFP 166-02-37093), la fonctionnaire a contesté la décision du 22 mars 2005 de l’employeur de suspendre sa cote de fiabilité de la GRC en attendant le résultat d’un examen de sécurité. Dans ce grief, la fonctionnaire a soutenu que la décision était une mesure disciplinaire déguisée. Elle a aussi contesté la décision de l’employeur du 24 mars 2005 de la suspendre sans traitement pour une période indéterminée à compter du 22 mars 2005, parce que sa cote de fiabilité de la GRC avait été suspendue et qu’elle ne répondait donc plus à l’une des conditions de son emploi. Le grief a été présenté le 15 avril 2005. La fonctionnaire y a demandé l’annulation de la lettre de suspension, le rétablissement de sa cote de fiabilité de la GRC et sa réintégration dans son poste avec paiement intégral de son salaire et de ses avantages. Elle a également demandé des dommages généraux et punitifs détaillés, entre autres pour les motifs suivants : négligence, rupture de contrat, souffrances et douleurs, diffamation, comportement inconsidéré et délibéré, comportement insultant déguisé en mesure disciplinaire et manquement à l’obligation de diligence. Elle a aussi demandé des intérêts sur tous les dommages.
  3. Dans le troisième grief (dossier de la CRTFP 566-02-175; pièce 140), la fonctionnaire a contesté la décision du 27 juillet 2005 de l’employeur de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC. Cette décision lui a été communiquée dans une lettre du surintendant principal Lanthier à la suite d’un examen de sécurité. La fonctionnaire a soutenu que la décision était une mesure disciplinaire déguisée imposée de mauvaise foi et sans motif valable. Dans ce grief daté du 27 septembre 2005 et présenté le 28 février 2006, la fonctionnaire a demandé une longue liste de mesures correctives, dont le rétablissement de sa cote de fiabilité de la GRC; sa réintégration dans son poste avec salaire et avantages rétroactifs; le retrait de nombreux documents de son dossier personnel; des millions de dollars en indemnité pour préjudice moral, souffrances et douleurs, stress, embarras et humiliation, propos diffamatoires, diffamation et calomnie; des millions de dollars en dommages généraux, libres d’impôt, pour la négligence de l’employeur, son comportement inconsidéré, délibéré et insultant à son égard; des millions de dollars, libres d’impôt, pour rupture de contrat.
  4. Dans le quatrième grief (dossier de la CRTFP 566-02-174; pièce 139), la fonctionnaire a contesté la décision du 4 avril 2005 de l’employeur, qui lui a été signifiée à la même date par une lettre du surintendant principal Clark qui l’informait qu’elle ne satisfaisait plus aux conditions de son emploi et qu’elle ne pouvait plus assumer les fonctions associées à son poste au Bureau du district nord parce que sa cote de fiabilité de la GRC avait été révoquée le 27 juillet 2005. La fonctionnaire a aussi contesté la décision de l’employeur de prolonger sa suspension sans traitement jusqu’à ce que des précisions lui soient fournies concernant sa situation d’emploi. La fonctionnaire a soutenu que les décisions de l’employeur étaient des mesures disciplinaires déguisées non fondées et imposées de mauvaise foi. Le grief est daté du 27 septembre 2005, mais n’a été présenté à la CRTFP que le 28 février 2006. Dans le grief, la fonctionnaire a dressé une liste détaillée de mesures correctives, notamment le rétablissement de sa cote de fiabilité de la GRC, la reconnaissance du fait qu’elle satisfaisait aux conditions de son emploi, sa réintégration dans son poste et un redressement financier semblable à celui demandé dans le troisième grief.
  5. Les cinquième et sixième griefs (dossiers de la CRTFP 566-02-173 et 176) ont été produits sous forme abrégée (pièce 209), mais les versions complètes ont été consignées dans les dossiers de la CRTFP. La fonctionnaire a signé les deux griefs le 27 septembre 2005, et ils ont été présentés à la CRTFP le 28 février 2006. Leur libellé est identique pour ce qui est de leur description et des mesures correctives demandées. Dans les deux griefs, la fonctionnaire a contesté la décision de l’employeur de lui refuser une représentation syndicale ou l’accès à une représentation syndicale quand on lui a donné la lettre l’informant de la révocation de sa cote de fiabilité de la GRC ainsi que la lettre d’accompagnement et la documentation la concernant. Aucune date n’est précisée pour ce qui est de la mesure contestée. Je note dans les éléments de preuve que l’employeur a remis à la fonctionnaire une lettre l’informant de la suspension de sa cote de fiabilité de la GRC le 22 mars 2005 et une autre l’informant de la révocation de sa cote de fiabilité le 22 juillet 2005. La fonctionnaire a allégué que les décisions et les mesures de l’employeur étaient des mesures disciplinaires déguisées imposées de mauvaise foi et sans motif valable, et que ces mesures n’étaient pas justifiées. Elle a dressé une liste détaillée des mesures correctives et des dommages demandés relativement au refus de l’employeur quant à la représentation syndicale.
  6. Dans le septième grief (dossier de la CRTFP 566-02-395; pièce 144), la fonctionnaire a contesté la décision du 3 janvier 2006 de l’employeur de la licencier. Cette décision lui a été communiquée par une lettre du commissaire Zaccardelli, conformément à l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques (la « LGFP »), L.R.C. (1985), ch. F-11. La fonctionnaire a soutenu que le licenciement était une mesure disciplinaire déguisée imposée de mauvaise foi et sans motif valable, et que cette mesure n’était pas justifiée. Dans ce grief, présenté le 24 janvier 2006, la fonctionnaire a demandé certaines mesures correctives, dont le rétablissement de sa cote de fiabilité de la GRC, sa réintégration dans son poste avec une indemnisation intégrale pour la perte de salaire et des avantages sociaux, et le remboursement de ses congés annuels et de maladie, de même que des dommages compensatoires et d’autres dommages s’élevant à 50 millions de dollars, à jamais libres d’impôt, des dommages additionnels pour les pertes non pécuniaires, dont 40 ans de salaire, libre d’impôt, et des intérêts sur tous les dommages, libres d’impôt.

10 Tous les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la nouvelle Loi. La plupart des griefs renvoyaient précisément à l’alinéa 209(1)b) et au sous-alinéa 209(1)c)(i) de la nouvelle Loi. Les deux griefs alléguant un déni de représentation syndicale lorsque les décisions sur la suspension et la révocation ont été communiquées mentionnaient une violation des dispositions de la convention collective sur la discipline, et ils ont été renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la nouvelle Loi.

11 L’avocate de l’employeur a fait valoir que les cinquième et sixième griefs étaient pareils. L’avocat de la fonctionnaire ne l’a pas contesté. Je vais donc examiner ces griefs ensemble.

12 Les délais ne sont pas en litige. L’employeur a accepté de reporter la date limite pour la présentation des quatre griefs que la fonctionnaire a signés le 27 septembre 2005 et soumis à la CRTFP le 28 février 2006.

13 Comme les questions soulevées dans les griefs sont liées entre elles, elles ont été regroupées pour l’audience. Cependant, l’avocate de l’employeur a insisté sur le fait que les griefs eux-mêmes n’étaient pas regroupés. Elle a également souligné que chaque grief, à l’exception des cinquième et sixième griefs, avait été présenté pour contester un acte distinct de l’employeur et qu’ils devaient être entendus et examinés individuellement. D’autre part, l’avocat de la fonctionnaire a souligné que, bien que les griefs soient distincts et qu’ils doivent être tranchés séparément, ils ne devraient pas être considérés de manière isolée ou individuelle, mais plutôt comme démontrant un modèle commun inapproprié relatif au comportement de l’employeur à l’endroit de la fonctionnaire.

14 Le président de la CRTFP m’a confié la tâche d’entendre et de trancher ces affaires en qualité d’arbitre de grief.

III. Objection concernant la compétence de l’arbitre de grief

15 Beaucoup de correspondance a été échangée entre les parties, le greffe de la CRTFP et un autre arbitre de grief avant que je sois nommée pour entendre ces griefs.

16 L’employeur ne s’est pas opposé à la compétence d’un arbitre de grief nommé en vertu de la nouvelle Loi pour entendre le grief sur la suspension disciplinaire de dix jours. Cependant, dans cinq lettres séparées, toutes datées du 28 mai 2007, il a contesté la compétence d’un arbitre de grief d’entendre les griefs deux à six, lesquels contestent les décisions de l’employeur de suspendre, et plus tard de révoquer, la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire et de la suspendre sans traitement pour une période indéterminée parce qu’elle avait perdu sa cote de fiabilité de la GRC. L’employeur a fait valoir que ces décisions étaient de nature administrative et non disciplinaire, et qu’une action disciplinaire était requise pour qu’un arbitre de grief ait compétence en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la nouvelle Loi. L’employeur a aussi précisé que, pour qu’un grief puisse être renvoyé à l’arbitrage en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i), l’objet du grief devait porter sur une rétrogradation ou un licenciement en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la LGFP, ce qui n’était pas le cas en ce qui concerne les décisions de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire et de la suspendre de ses fonctions, lesquelles sont contestées dans les griefs dont je suis saisie. L’employeur a soutenu que la bonne démarche pour contester ces décisions une fois qu’elles sont rendues au dernier palier de la procédure de règlement des griefs aurait été de présenter une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale.

17 L’employeur a aussi fait valoir qu’un arbitre de grief n’avait pas compétence en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la nouvelle Loi, qui couvre les griefs sur l’interprétation et l’application des dispositions d’une convention collective, pour entendre la contestation de la fonctionnaire relativement au déni de son droit de représentation syndicale quand elle reçu la lettre de l’employeur l’informant de la suspension et de la révocation de sa cote de fiabilité, car ces décisions n’étaient pas de nature disciplinaire. Par conséquent, la fonctionnaire n’a pas été convoquée à une réunion disciplinaire et n’a pas reçu de lettre disciplinaire, tel qu’il est requis avant que le droit à la représentation syndicale prévu à l’article sur la discipline (article 17) de la convention collective puisse être invoqué.

18 Au début de l’audience, l’avocate de l’employeur a renouvelé l’objection de l’employeur quant à ma compétence pour entendre les griefs, et elle a étendu cette objection afin d’inclure le grief au dossier de la CRTFP 566-02-395, dans lequel la fonctionnaire a contesté, en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la nouvelle Loi, la décision de l’employeur de la licencier parce qu’elle ne satisfaisait plus à une condition de son emploi à la suite de la révocation de sa cote de fiabilité de la GRC. L’objection était fondée sur les mêmes motifs que ceux mentionnés dans les lettres du 28 mai 2007 envoyées à la Commission. L’employeur a demandé que tous les griefs, sauf celui portant sur la suspension de dix jours, soient rejetés faute de compétence.

19 L’avocat de la fonctionnaire a souligné qu’il ne s’opposait pas à la portée élargie de l’objection préliminaire de l’employeur quant à la compétence de la Commission pour entendre tous les griefs sauf celui portant sur la suspension disciplinaire.

20 L’employeur a par ailleurs fait valoir sous toutes réserves que, si un arbitre de grief a compétence pour examiner ses décisions de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC, cette compétence se limite à déterminer si les décisions en questions constituent des mesures disciplinaires déguisées, ou si elles ont été prises de mauvaise foi ou représentent un manquement à l’équité procédurale. S’il s’avère que les décisions sont des mesures disciplinaires déguisées, il est clair qu’un arbitre de grief n’a pas le pouvoir de rétablir une cote de fiabilité de la GRC.

21 L’avocat de la fonctionnaire a répondu aux objections de l’employeur en déclarant qu’un arbitre de grief nommé en vertu de la nouvelle Loi avait compétence pour entendre les griefs, car toutes les décisions de l’employeur qui sont contestées, bien que ce dernier les qualifie d’administratives, constituaient des mesures disciplinaires déguisées. Par conséquent, ces décisions constituent les mesures disciplinaires requises par la nouvelle Loi. La fonctionnaire a également affirmé que l’employeur avait fait preuve de mauvaise foi et avait violé son droit à l’équité procédurale.

22 La fonctionnaire a aussi fait valoir qu’un arbitre nommé en vertu de la nouvelle Loi avait compétence en ce qui concerne la décision de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC, parce que la cote de fiabilité de la GRC est une condition d’emploi. Selon le paragraphe 12(1) de la LGFP, un administrateur général ne dispose que de trois moyens pour licencier un employé. La fonctionnaire a le droit de contester toute décision de l’administrateur général pour conserver sa relation de travail.

23 Au départ, le greffe de la Commission a organisé une audience pour régler la question de l’objection préliminaire de l’employeur quant à ma compétence; le greffe a aussi demandé aux parties de se préparer à débattre l’affaire sur le fond. Au début de l’audience, l’avocate de l’employeur a demandé que les objections de l’employeur en matière de compétence soient traitées comme une question préliminaire. L’avocat de la fonctionnaire a fait valoir énergiquement que l’audience ne devait pas être divisée. Il a indiqué, d’une part, que les éléments de preuve quant à ma compétence étaient intimement liés aux éléments de preuve sur le fond, particulièrement les arguments de la fonctionnaire relativement aux mesures disciplinaires déguisées, à la mauvaise foi et au manquement à l’équité procédurale en ce qui concerne le processus décisionnel de l’employeur, et que les mêmes témoins, dont plusieurs venaient de très loin, devraient être cités deux fois à comparaître si l’audience était divisée.

24 Après avoir entendu les parties, j’ai conclu que je devais entendre les éléments de preuve sur le fond avant de prendre une décision sur la compétence, et j’ai convenu que les avocats pouvaient débattre les objections en matière de compétence de manière plus complète dans le cadre de leur plaidoirie finale. Par conséquent, cette décision porte sur les objections de l’employeur et sur le fond des griefs, des questions pour lesquelles j’ai la compétence requise.

25 Les parties ont convenu qu’il incombait à l’employeur de démontrer qu’il avait un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire. Par conséquent, l’employeur a présenté ses arguments en premier, comme pour un grief disciplinaire normal. Il a également été convenu que, puisque les gestes de l’employeur ont éventuellement mené au licenciement de la fonctionnaire, l’employeur allait présenter tous ses arguments en premier. L’employeur a toutefois souligné que, lorsqu’il aurait présenté les éléments de preuve visant à me convaincre que la décision de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire était de nature administrative et non disciplinaire, il incomberait alors à la fonctionnaire de démontrer que la mesure était entachée d’une intention disciplinaire ou que la décision avait été prise de mauvaise foi ou représentait un manquement à l’équité procédurale.

26 En revanche, la fonctionnaire a fait valoir qu’il incombait à l’employeur d’établir non seulement que ses décisions de suspendre et de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC étaient de nature administrative et non disciplinaire, mais aussi qu’elles étaient raisonnables, avant qu’elle soit tenue de démontrer que ces décisions étaient injustes parce qu’elles étaient des mesures disciplinaires déguisées, qu’elles avaient été prises de mauvaise foi ou qu’elles représentaient un manquement à l’équité procédurale.

IV. Témoins

27 Tel qu’il a été mentionné, sept griefs ont été entendus. L’employeur a cité 11 témoins à comparaître et produit des éléments de preuve par affidavit de deux autres témoins, dont un a été assermenté et questionné par la fonctionnaire relativement à ses éléments de preuve par affidavit. Étant donné la complexité de cette affaire, je vais énumérer les témoins de l’employeur et décrire brièvement, selon l’information produite en preuve, leur carrière, leur poste pendant la période visée et leur rôle principal ou rôles principaux relativement aux griefs dont je suis saisie.

28 Au nom de l’employeur, j’ai entendu des éléments de preuve des personnes suivantes, mais pas dans l’ordre énuméré ci-dessus :

  1. Le sergent d’état-major Beach était le sous-officier responsable du Service de la sécurité routière de Fraser/Fort George, situé au Bureau du district nord, du 10 mars 2003 au 17 mars 2005. Il était le superviseur direct de la fonctionnaire. En mars 2004, à la suite d’une plainte du sergent d’état-major, un enquêteur a été nommé pour mener un examen visant à déterminer si la fonctionnaire avait enfreint la politique de sécurité de la GRC lorsqu’elle a supposément retiré des documents des dossiers de travail. À titre de superviseur immédiat de la fonctionnaire pendant une partie de la période visée par l’examen, le sergent d’état-major Beach lui a fourni des évaluations du rendement, une orientation et des directives sur le milieu de travail, lesquelles ont parfois été contestées par la fonctionnaire.
  2. Le surintendant Morris a été le surintendant et agent de district du District nord de la Division « E » responsable de la région du Nord de la Colombie-Britannique de 1998 jusqu’à sa retraite en décembre 2004, soit après presque 32 années de service. Son bureau était situé dans l’immeuble du Bureau du district nord, à Prince George. Il avait sous sa responsabilité plus de 1 000 employés, 35 détachements où des fonctionnaires étaient affectés, des détachements contractuels municipaux, provinciaux et judiciaires, ainsi que de nombreuses collectivités des Premières Nations. Il a imposé à la fonctionnaire la suspension disciplinaire de dix jours le 4 novembre 2004. Le 29 novembre 2004, il a écrit à la Section de la sécurité ministérielle du District nord de la Division « E », à Vancouver, pour demander que la fonctionnaire soit soumise à un examen de la sécurité. Bien qu’il était à la retraite au moment de l’audience, tout au long de cette décision, il sera intitulé surintendant Morris.
  3. Le surintendant principal Clark était le chef du District nord de la Division « E » au moment de l’audience. Il a été nommé à ce poste à la mi-janvier 2005, après le départ à la retraite du surintendant Morris. Le surintendant principal Clark était au District nord de la Division « E » depuis juin 1999. Le Service de la sécurité routière du Bureau du district nord, où travaillait la fonctionnaire, était parmi les unités opérationnelles qui relevaient de son autorité à titre d’inspecteur. Entre avril 2004 et janvier 2005, le surintendant principal Clark était un inspecteur et il a remplacé l’inspecteur Bob Wheadon  à titre d’agent de district adjoint, lequel agit comme responsable du côté non opérationnel (personnel) des activités. En octobre 2004, en tant qu’agent de district adjoint, il a demandé l’examen administratif d’un formulaire de plainte alléguée en matière de sécurité ministérielle déposée par la fonctionnaire contre son superviseur direct, le sergent d’état-major Beach. En novembre 2004, il a envoyé les résultats d’une enquête sur une infraction alléguée à la sécurité que la fonctionnaire aurait commise à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. C’est lui, en qualité de surintendant principal, qui a donné à la fonctionnaire les avis de suspension sans traitement pour une période indéterminée prenant effet le 22 mars 2005, après que sa cote de fiabilité de la GRC a été suspendue, et le 4 août 2005, après que sa cote a été révoquée pour un motif valable. Pour éviter toute confusion, et aux fins de la présente décision, M. Clark aura deux dénominations : inspecteur Clark pour ce qui est des actions qu’il a posées jusqu’à janvier 2005, lorsque le surintendant Morris était responsable du District nord de la Division « E », et surintendant principal pour ce qui est de son témoignage à l’audience et des décisions qu’il a prises, dont celle de suspendre la fonctionnaire pour une période indéterminée, après qu’il est devenu le chef du District nord de la Division « E », en janvier 2005.
  4. Bonnie Bailey était une fonctionnaire. Elle était représentée par le SESG, comme la fonctionnaire. Elle était la chef des services administratifs du District nord de la Division « E », et son bureau était situé au Bureau du district nord. Elle faisait donc partie de l’équipe de direction du surintendant Morris. En 2003, elle était classifiée AS-04. Mme Bailey relevait du surintendant Morris. Après le départ à la retraite du surintendant Morris, elle relevait du surintendant principal Clark. Elle a également coanimé avec la fonctionnaire un atelier sur la formation en sensibilisation au harcèlement sexuel au travail. Elle a présenté en décembre 2003 un grief de harcèlement contre la fonctionnaire. Le grief a été accueilli. À la suite de ce grief, la fonctionnaire a été suspendue pendant trois jours en septembre 2004. Mme Bailey a été visée par un grief de harcèlement présenté par la fonctionnaire en février 2004. Après enquête, le grief a été jugé non fondé.
  5. Durant la période pertinente, le caporal Tom Adair était le coordonnateur et conseiller en matière de harcèlement et de droits de la personne au District nord de la Division « E », à Vancouver. Il a occupé ce poste pendant environ sept ans avant d’être promu, en 2009, au poste de gestionnaire de programme pour les programmes nationaux de respect en milieu de travail de la GRC. En octobre 2004, à la demande du surintendant Morris, il a pris des mesures pour enquêter sur les allégations de la fonctionnaire que le harcèlement était un problème croissant au District nord de la Division « E » et que le surintendant Morris ne prenait pas le harcèlement en milieu de travail au sérieux. M. Adair a confié à deux enquêteurs de l’extérieur du Bureau du district nord la tâche d’examiner les allégations de harcèlement de la fonctionnaire contre deux de ses collègues.
  6. Debbie Stangrecki était une fonctionnaire qui travaillait pour la GRC depuis 30 ans. Elle a déjà travaillé avec la fonctionnaire au Service de la sécurité routière du détachement de Prince George. Elle a été vice-présidente et déléguée syndicale en chef du SESG à Prince George de 2001 à 2003 approximativement. La fonctionnaire était présidente à ce moment-là, et elle a elle-même présenté plusieurs plaintes et griefs de harcèlement. Mme Stangrecki est devenue présidente peu après la démission de la fonctionnaire, en décembre 2003. La fonctionnaire a plus tard déposé une plainte de harcèlement contre elle.
  7. Le sergent d’état-major Walter Gordon Flewelling était un caporal au Service de la sécurité routière du District nord de la Division « E » en 2004. Le 8 novembre 2004, il a donné à la fonctionnaire une lettre modifiée l’informant qu’elle était suspendue pour dix jours, et il a fait rapport au surintendant Morris de sa conversation avec la fonctionnaire lors de la réunion du 8 novembre concernant un incident survenu près de l’imprimante le 29 octobre 2004 au Bureau du district nord. Il est appelé le caporal Flewelling dans la présente décision.
  8. Le sergent d’état-major Keith Hildebrand était le sous-officier responsable du détachement de Quesnel, qui relève du Bureau du district nord. Il a pris sa retraite en avril 2008 après 26 années de service à la GRC, où il a surtout occupé des postes à Vancouver et dans le district continental sud. Il a enquêté sur une infraction à la politique de sécurité que la fonctionnaire aurait commise après que le sergent d’état-major Beach  lui eût rapporté qu’elle retirait des documents des dossiers opérationnels du Bureau du district nord. Son rapport est daté du 13 octobre 2004.
  9. Le sergent D.E. Lennox était le sous-officier responsable du Programme de l’intégrité des frontières du District nord de la Division « E ». Il a pris sa retraite de la GRC en avril 2005 après 34 années de service. Son bureau était situé au Bureau du district nord, mais il ne relevait pas du surintendant Morris. En 2004, il a réalisé un examen administratif relativement à une allégation d’infraction à la sécurité lancée par la fonctionnaire contre son superviseur direct, le sergent d’état-major Beach. Son rapport est daté du 2 décembre 2004.
  10. En 2005, le surintendant principal Lanthier était directeur général de la Direction de la Sécurité ministérielle, et son bureau était situé à Ottawa. En tant qu’agent de la Sécurité ministérielle de la GRC, il était globalement responsable de la sécurité ministérielle dans les quatre régions de la GRC dans tout le Canada. Il a pris la décision en mars 2005 de suspendre puis, en juillet 2005, de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire pour un motif valable. Le surintendant principal Lanthier a pris sa retraite en 2007. Au moment de l’audience, il était directeur de la Division de la sécurité nucléaire de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
  11. R.A. (Bob) Briske était membre de la GRC depuis plus de 37 ans quand il a pris sa retraite en 1999. Il a par la suite fait du travail contractuel pour la GRC. En 2005, il a travaillé comme analyste de la gestion du risque pour la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. Son bureau était situé à Vancouver, et ses tâches consistaient entre autres à examiner des dossiers portant sur des infractions possibles à la sécurité par des employés de la GRC dans la Région du Pacifique. Il devait aussi évaluer la pertinence de remettre une cote de fiabilité de la GRC à une personne, ou la retenir. En tant qu’analyste ayant répondu à la note de service du 29 novembre 2004 du surintendant Morris à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, il a mené l’examen et préparé le rapport de sécurité qui a été envoyé le 12 février 2005 à l’agent de la sécurité ministérielle à Ottawa, le surintendant principal Lanthier, et dans lequel on recommandait de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire.
  12. C.A. (Art) O’Donnell était le gestionnaire responsable de la Section de la sécurité du personnel de la Direction de la Sécurité ministérielle. Il avait son bureau à Ottawa, et il rendait des comptes au surintendant principal Lanthier. Ses responsabilités de gestionnaire comprenaient les enquêtes sur la sécurité nationale portant sur des infractions présumées à la sécurité et l’attribution de cotes de fiabilité de la GRC et d’autorisations de sécurité. Il supervisait les interactions entre les quatre bureaux régionaux de la GRC et la Direction de la Sécurité ministérielle, à Ottawa. Il assumait un rôle de superviseur et de conseiller dans l’examen de la sécurité réalisé par René Bourgeois, un analyste de la Section de la sécurité du personnel, pour le surintendant principal Lanthier avant que ce dernier ne décide de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, décision que la fonctionnaire conteste dans ses griefs.

29 J’ai également reçu au nom de l’employeur des éléments de preuve par affidavit de Dana Bouchard, qui était une fonctionnaire travaillant pour la GRC au détachement de Quesnel. En avril 2003, la fonctionnaire lui a envoyé par télécopieur des documents tirés de un ou plusieurs dossiers opérationnels du Bureau du district nord.

30 J’ai entendu les éléments de preuve présentés par la fonctionnaire en son nom.

V. Contexte

31 La relation de travail entre les parties est devenue de plus en plus difficile et hargneuse. Elle s’est détériorée tout au long de la période d’emploi d’environ cinq ans et demi qui a débuté au printemps 2001et s’est terminée le 3 janvier 2006, soit la date du licenciement de la fonctionnaire. Les deux parties ont insisté sur l’importance des antécédents et du contexte des sept griefs dont je suis saisie.

32 On a examiné en détail l’historique de l’emploi de la fonctionnaire à la GRC. Les parties ont produit des éléments de preuve exhaustifs sur les faits, les enquêtes officielles et officieuses, les interactions passées et les communications entre un grand nombre de personnes. Cependant, elles ont souvent présenté des versions très différentes des faits, des enquêtes, des échanges et des raisons pour lesquelles la relation entre la fonctionnaire et la direction était de plus en plus tendue. Des centaines de documents et de courriels ont été produits en preuve, dont beaucoup n’étaient pas directement liés aux griefs dont je suis saisie, mais offraient un contexte général pour expliquer ou justifier les actes contestés des parties ou pour démontrer une tendance de comportement déplacé au travail.

33 L’employeur a fait valoir que les éléments de preuve démontraient que la fonctionnaire avait une tendance à mentir et à avoir un comportement trompeur, et ce, sur plusieurs années, et qu’elle avait tendance à s’en prendre à toute personne qui essayait de la guider et de corriger son comportement au travail. D’autre part, la fonctionnaire a fait valoir que les éléments de preuve démontraient que l’employeur avait tendance à rejeter systématiquement ses plaintes de harcèlement et à la traiter comme si elle manquait de crédibilité. Elle a ajouté qu’elle avait été microgérée, réprimandée, soumise à des évaluations psychiatriques et visée par des enquêtes, et que toutes ces mesures équivalaient à du harcèlement.

34 J’ai divisé le résumé des éléments de preuve en deux parties. La première partie fournit le contexte relatif aux sept griefs. Étant donné la quantité d’éléments de preuve qui ont été présentés et le fait que bon nombre des faits, des échanges et des enquêtes étaient reliés et avaient souvent lieu durant la même période, mais à divers endroits et entre différentes personnes, j’ai choisi de décrire les faits tirés des éléments de preuve principalement par ordre chronologique à partir de 2001, jusqu’à la fin de décembre 2004. Le premier grief, lequel conteste la suspension de dix jours, a été signé par la fonctionnaire le 12 décembre 2004. Comme je n’ai devant moi aucun grief de harcèlement ni aucune plainte en matière d’évaluation du rendement, j’ai choisi de limiter les éléments de preuve historiques exhaustifs à ceux qui sont pertinents aux sept griefs.

35 Dans la deuxième partie du résumé des éléments de preuve, j’ai regroupé les éléments de preuve qui sont les plus pertinents aux six griefs restants, et je les ai organisés davantage selon les témoignages plutôt qu’en respectant l’ordre chronologique à la lettre. La deuxième partie comprend des descriptions élargies de certains des éléments de preuve présentés en ordre chronologique dans la première partie, ainsi que des éléments de preuve détaillés sur les principaux faits ayant mené aux enquêtes majeures et aux présumées mesures administratives (de sécurité) non disciplinaires qui ont été prises pour révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, la suspendre de ses fonctions en raison de la révocation et éventuellement la licencier.

36 Il est important de noter deux points inhabituels dans cette affaire. Le premier est la fréquence et la longueur des courriels écrits par la fonctionnaire pendant la période pertinente. Selon l’employeur, la fonctionnaire rédigeait souvent ces courriels pendant les heures de travail sur le réseau de messagerie GroupWise de la GRC ou à l’aide du Système de bureautique de la GRC (aussi son réseau de courriel), ce qui allait à l’encontre des directives de l’employeur. Un grand nombre de ces courriels contiennent des résumés, rédigés selon la perspective de la fonctionnaire, d’incidents survenus dans le milieu de travail. La fonctionnaire était la présidente de la section locale du SESG à ce moment-là, et elle a soutenu que certains des courriels avaient été rédigés dans le cadre de sa charge de présidente. Dans ces courriels, elle demandait des conseils à d’autres membres du syndicat, soulevant la question de l’expression syndicale. De nombreux courriels ont été envoyés à la direction de la GRC en guise de plainte concernant des incidents, et d’autres ont été envoyés à des gens à l’extérieur du Bureau du district nord, comme des conseillers en matière de harcèlement et de droits de la personne, des agents responsables de l’éthique et des enquêteurs en matière de sécurité, et relataient la version des faits de la fonctionnaire. Bien des courriels ont été envoyés en copie conforme invisible à d’autres personnes. Les courriels se répètent dans bien des cas, car la fonctionnaire envoyait souvent, le même jour, des courriels distincts à des gens ou à des groupes différents afin d’exprimer son point de vue concernant des incidents survenus au travail. À plusieurs reprises, la fonctionnaire et l’employeur ont produit en preuve les mêmes courriels, mais les détails sur les personnes ayant reçu les courriels en copie conforme différaient et étaient plus courts dans les pièces justificatives de la fonctionnaire.

37 Le deuxième point inhabituel est l’utilisation clandestine par la fonctionnaire d’un dispositif enregistreur de poche pour enregistrer des conversations de travail au Bureau du district nord. Les éléments de preuve ne permettent pas d’établir clairement quand elle a commencé à effectuer ces enregistrements, mais selon les transcriptions qu’elle a produites en preuve, cette pratique aurait eu lieu au moins du début août 2004, après qu’elle ait reçu la lettre sur les attentes, jusqu’à la mi-novembre 2004, quand elle a été suspendue de ses fonctions (elle n’est pas retournée au travail par la suite). Les deux avocats ont mentionné la mauvaise qualité des enregistrements; les transcriptions contiennent plusieurs échanges incompréhensibles. La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait senti qu’elle n’avait pas le choix d’enregistrer clandestinement ces interactions, car elle était victime de harcèlement et d’intimidation et que personne ne croyait sa version des faits. Les éléments de preuve ont aussi démontré qu’à au moins une occasion, lorsque l’inspecteur Clark lui a demandé si elle enregistrait leur conversation, elle avait répondu par la négative.

38 Je note également que l’avocate de l’employeur a demandé que la pièce 14 soit scellée, car elle contient des informations de police de nature délicate. L’avocat de la fonctionnaire ne s’y est pas opposé.

39 Dans Pajic c. Opérations des enquêtes statistiques, 2012 CRTFP 70, un arbitre de grief a dû examiner une demande similaire de mise sous scellé. Il a résumé les principes applicables comme suit aux paragraphes 9 et 10 :

[9] […] Pour trancher cette question, je dois suivre les paramètres qui sont devenus le critère connu sous le nom de « Dagenais/Mentuck ». Selon la règle, les audiences des cours et des tribunaux quasi judiciaires sont publiques, de même que les documents au dossier, comme les pièces. Toutefois, une cour ou un tribunal quasi judiciaire peuvent imposer des restrictions concernant l’accès à leurs audiences ou à leurs dossiers dans certaines circonstances, s’il est établi que le besoin de protéger un autre droit important a préséance sur le principe de transparence judiciaire. Dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, la Cour suprême du Canada a reformulé le critère Dagenais/Mentuck:

[…]

  1. lorsqu’elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque, et
  2. lorsque ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

[10] Dans Vancouver Sun (Re), 2004 CSC 43, la Cour suprême du Canada a statué que le critère Dagenais/Mentuck s’appliquait à toutes les décisions discrétionnaires qui limitent le droit à l’information pendant les procédures judiciaires. Plus récemment, la Cour suprême du Canada a confirmé dans Société Radio-Canada c. La Reine, 2011 CSC 3 (paragraphe 13), que « [l]a grille d’analyse établie dans les arrêts Dagenais et Mentuck s’applique à toutes les décisions discrétionnaires touchant la publicité des débats ». De plus, comme je n’ai entendu dans la présente affaire aucun argument appuyant l’intérêt du public à l’égard de la transparence des débats, je dois considérer cet intérêt sans argument : R. c. Mentuck, 2001 CSC 76 (paragraphe 38) et Vancouver Sun (Re) (paragraphe 48).

40 La pièce 14 contient des précisions sur la saisie et le retrait de mandats non visés spécifiquement identifiées dans le système du Centre d’information de la police canadienne, et sur l’identification d’erreurs alléguées par la fonctionnaire lors de la saisie de données dans le système, dont une erreur qui aurait mené à l’arrestation illégale d’un simple citoyen identifié à cause d’une erreur d’opérateur où le mandant non visé n’avait pas été retiré en temps opportun du système. Il est nécessaire de mettre sous scellés la pièce 14 pour prévenir un risque important à l’intérêt du public en matière de protection de la vie privée. De plus, les effets bénéfiques de cette ordonnance sur l’efficacité de l’administration de la justice surpassent ses effets préjudiciables sur le droit à la liberté d’expression, qui comprend l’intérêt du public dans les procédures judiciaires transparentes et accessibles. Par conséquent, la pièce 14 a été mise sous scellés.

VI. Résumé de la preuve, partie 1 : 2001 à 2004

A. Déménagement des bureaux et nouvelles fonctions et préoccupations

41 La fonctionnaire a été embauchée en 1993 par le gouvernement fédéral au ministère de la Défense nationale, à Lazo (Colombie-Britannique). Elle a alors réussi l’enquête de sécurité au niveau requis.

42 En 1996, la fonctionnaire a été transférée à Prince George pour occuper un poste de commis de détachement au Service de la sécurité routière de Prince George au détachement de Prince George de la GRC. En mars et avril 2001, la section est déménagée dans le nouvel immeuble du Bureau du district nord et est devenue autonome. La fonctionnaire est également déménagée. Elle était la seule fonctionnaire de la section provinciale des patrouilles routières au Bureau du district nord, et ses fonctions ont un peu changé après le déménagement. Au Bureau du district nord, elle offrait du soutien aux quelque huit membres en uniforme de la section. Elle traitait moins de contraventions pour infraction aux règlements de la circulation et faisait plus de tenue de dossier.

43 L’immeuble du Bureau du district nord était la Direction générale des opérations de la GRC dans la région du Nord de la Colombie-Britannique (qui englobe presque toute la province au nord de Vancouver). Le bureau du surintendant Morris était situé à cet endroit. Parmi les 1 000 employés du district nord de la Division « E », plus de 100 travaillaient à l’immeuble du Bureau du district nord, à Prince George.

44 Il y avait trois catégories d’employés à la GRC : les membres réguliers, qui étaient généralement des policiers, les membres civils de la GRC, qui n’étaient pas des policiers à part entière, et les fonctionnaires, qui faisaient partie de la structure de la GRC, mais qui étaient des employés du Conseil du Trésor, et non des membres de la GRC.

45 Le surintendant Morris a déclaré que, lorsque la fonctionnaire est déménagée au Bureau du district nord en 2001, il ne la connaissait pas personnellement et n’avait pas affaire avec elle directement. En raison de ses vastes responsabilités au bureau et en matière de déplacements, il avait habituellement peu de contacts avec les fonctionnaires du Bureau du district nord, sauf quand il était question d’examiner et de signer les évaluations annuelles du rendement préparées par les superviseurs directs des fonctionnaires avant de les envoyer au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, à Vancouver. Cependant, cette pratique habituelle n’a pas été appliquée dans le cas de la fonctionnaire, et ce, pour plusieurs raisons.

46 Le surintendant Morris a déclaré qu’il est parti à la retraite en décembre 2004, environ cinq ans avant l’audience, et qu’il n’a pas emporté de dossiers de travail avec lui. Il se rappelait les interactions majeures avec la fonctionnaire et concernant cette dernière, mais il a indiqué que les notes de service et la correspondance qu’il avait écrites pendant la période en cause rendraient compte plus fidèlement des événements tels qu’il les percevait à ce moment-là.

47 La fonctionnaire relevait directement du sous-officier responsable du Service de la sécurité routière de Prince George. Après son déménagement au Bureau du district nord en 2001, son superviseur immédiat était le caporal Wayne Czernicki. Au printemps de 2003, son superviseur immédiat est devenu le sergent d’état-major Beach. Le surintendant principal Clark, qui détenait le grade d’inspecteur à ce moment-là, était le chef des opérations et connaissait la fonctionnaire, car il avait la responsabilité ultime du Service de la sécurité routière. Le surintendant principal Clark est devenu surintendant principal en janvier 2005, après le départ à la retraite du surintendant Morris.

48 Au moment de son déménagement au Bureau du district nord, la fonctionnaire était présidente de la section locale du SESG (on y fait parfois référence sous ce nom dans la preuve). En 2001, la section locale comptait autour de 40 ou 45 membres répartis dans le District nord de la Division « E ». Entre 10 à 15 de ces membres travaillaient au Bureau du district nord. Au cours de sa carrière, la fonctionnaire a occupé plusieurs postes au sein du SESG, dont celui de présidente de la section locale, de mai 1999 environ à sa démission, le 13 décembre 2003. Elle a aussi agi à titre de conseillère en matière de lutte contre la discrimination et de droits de la personne pour le SESG. La liste de diffusion pour les courriels de la section locale était la [traduction] « nouvelle section locale ».

49 Mme Bailey, une autre fonctionnaire membre du SESG, comme la fonctionnaire, était la gestionnaire responsable de l’administration du district, au Bureau du district nord. Elle était aussi membre de l’équipe de direction. Le Bureau du district nord comportait plusieurs services, dont le Groupe des crimes graves, la Section de sensibilisation aux drogues, le Service de l’informatique, le Centre de commandement opérationnel (qui traitait les appels 911), le Programme de l’intégrité des frontières et le Service de la sécurité routière, où travaillait la fonctionnaire. Mme Bailey relevait du surintendant et de l’agent de district, qui étaient d’abord le surintendant Morris et, par la suite, le surintendant principal Clark.

50 Au cours de sa carrière, Mme Bailey est passée de la classification AS-01 à la classification AS-02. Elle a été classifiée AS-04 en 2003. Plus tard, en 2004 ou 2005, on a déterminé qu’elle était exclue du syndicat en raison de ses obligations en matière de relations de travail. Elle a déclaré que, après que sa reclassification a été affichée, la fonctionnaire lui avait demandé pourquoi son niveau de classification avait été modifié à la hausse.

51 De mémoire, Mme Bailey a dit que les interactions difficiles avec la fonctionnaire remontaient à 2001, alors qu’elle était présidente de la section locale du SESG et que le syndicat avait lancé une grève partielle, intitulée les [traduction] « mercredis sans travail ». En tant que membre de la section locale, Mme Bailey s’était engagée à préparer des biscuits pour cet événement, mais elle a fait une chute grave au travail et s’est blessée aux deux bras, ce qui lui a causé beaucoup de douleur et l’a empêché de cuisiner. Quand elle a appelé la fonctionnaire pour lui expliquer la situation, cette dernière lui a dit qu’elle devait fournir une note de son médecin au syndicat, sans quoi on pourrait lui imposer une amende.

52 La fonctionnaire ne relevait pas de Mme Bailey. Cependant, en tant que gestionnaire responsable de l’administration du district nord, Mme Bailey offrait du soutien à la fonctionnaire quand elle avait besoin d’aide pour s’adapter à ses nouvelles fonctions au Service de la sécurité routière du Bureau du district nord. Peu de temps après le déménagement, on a constaté des irrégularités dans la saisie des données et la tenue des dossiers. Le Bureau du district nord avait un système central pour les dossiers administratifs (finances et planification stratégique) et opérationnels, ce qui signifie que les dossiers étaient conservés dans un bureau central des dossiers et qu’une seule personne était responsable d’ouvrir et de traiter ces dossiers administratifs et opérationnels. Les dossiers devaient rester dans la salle des dossiers, sauf si un membre de la GRC apposait sa signature pour sortir un dossier de la salle pour son travail. Mme Bailey a déclaré que la fonctionnaire avait son propre système de gestion des dossiers opérationnels au Service de la sécurité routière, ce qui allait à l’encontre des consignes. Elle a ajouté qu’elle donnait des conseils à la fonctionnaire sur des sujets tels que la façon d’ouvrir le courrier et de traiter les dossiers, et qu’elle lui avait dit qu’elle devait l’aviser si elle comptait s’absenter du travail pour qu’on ne laisse pas de courrier sur son bureau. La fonctionnaire semblait bien accueillir les conseils et les directives de Mme Bailey. Il arrivait toutefois que quelque chose soit mis au jour, et il apparaissait alors que la fonctionnaire n’avait pas été réceptive en fin de compte. Par exemple, Mme Bailey a déclaré qu’elle avait dû demander plusieurs fois que le Service de la sécurité routière n’ouvre pas des dossiers opérationnels en raison du processus central de tenue des dossiers qui devait être suivi au Bureau du district nord.

53 Le gendarme Barry Wolney était le spécialiste résident du Bureau du district nord en gestion des dossiers. Son travail était de s’assurer que les dossiers étaient consignés correctement et que le système de gestion des dossiers était bien géré. Il n’avait aucune responsabilité de supervision. Quand on a remarqué qu’il y avait des irrégularités dans les dossiers, on lui a donné la tâche d’aider la fonctionnaire et de s’assurer qu’elle se conformait aux instructions concernant les dossiers. Le manque de conformité et les erreurs de la fonctionnaire a persisté malgré les directives de M. Wolney. Le surintendant Morris a déclaré que la fonctionnaire avait adopté une attitude défensive et extrêmement réfractaire aux conseils et aux directives du gendarme Wolney et de Mme Bailey.

54 Le 24 octobre 2001, la fonctionnaire a écrit à Dellie Lidyard, présidente du SESG pour la Région du Pacifique. Elle a indiqué dans son message qu’on lui avait dit à la mi-juin qu’elle ne créerait plus de dossiers opérationnels dans le Système intégré de répartition de l’information ou le Système de récupération de renseignements judiciaires et n’attribuerait plus points, et que c’était [traduction] « l’idée du gendarme Wolney » (pièce 1, onglet 8-Q, page 6). Elle a ajouté qu’elle avait le mauvais sentiment que l’employeur allait lui enlever autant de tâches qu’il le pourrait et qu’elle n’aurait plus grand-chose à faire. Elle a ajouté qu’on n’avait pas besoin d’elle à la section des patrouilles routières et qu’on voulait qu’elle soit commis aux dossiers à temps plein dans la salle des dossiers. Elle a accusé le gendarme Wolney de se présenter au bureau sans raison et de surveiller ce qu’elle faisait. Elle a soutenu que le surintendant Morris avait une relation [traduction] « de très longue date » avec le gendarme Wolney et que, par conséquent, rien de ce qu’elle disait ne serait pris en considération. Elle a indiqué qu’elle ne voulait pas avoir deux supérieurs dans deux sections différentes, et elle a soulevé la question d’actes de harcèlement potentiel de la part du gendarme Wolney.

55 Le 24 octobre 2009, Mme Lidyard a répondu à la fonctionnaire. Elle a indiqué que le fait de [traduction] « placer [la fonctionnaire] sous une surveillance excessive constituait une forme de harcèlement ». Mme Lidyard a envoyé plus tard dans la journée un autre courriel dans lequel elle répétait ce commentaire et disait à la fonctionnaire que l’employeur avait le droit de réorganiser son milieu de travail et de donner ou de réaffecter des tâches, et que [traduction] « […] le seul espoir de conserver [son] poste tel quel consiste à déposer une plainte de harcèlement pour abus de pouvoir » (pièce 1, onglet 8-Q, pages 2 et 5).

56 Mme Bailey a déclaré qu’elle n’avait jamais vu la correspondance entre Mme Lidyard et la fonctionnaire avant de passer en revue la documentation préparée pour l’audience. Elle a indiqué qu’on n’avait jamais envisagé de changer le poste de la fonctionnaire pour qu’elle relève de deux personnes, que la fonctionnaire offrait un soutien temporaire seulement et que son allégation qu’on comptait sortir le poste de [traduction] « sténo des patrouilles routières » (ce qui correspond à la façon dont la fonctionnaire percevait son poste) du Service de la sécurité routière pour l’intégrer au bureau des dossiers n’avait aucun sens.

57 Mme Lidyard a envoyé sa réponse du 24 octobre 2001 à Patricia Elliot du SESG aux fins de commentaires. Mme Elliot a indiqué que la réponse Mme Lidyard était parfaite et qu’elle n’y ajouterait rien, sinon que [traduction] « […] si des actes de harcèlement sont commis, [la fonctionnaire] devrait seulement leur dire qu’elle sait ce qui se passe et qu’elle consigne ces préoccupations au cas où elle en aurait besoin ». Mme Bailey a déclaré qu’elle ne savait pas à ce moment-là que la fonctionnaire enregistrait des conversations au travail.

58 Le surintendant Morris a déclaré qu’il ne connaissait pas le gendarme Wolney avant de l’embaucher en 2001, au moment du déménagement dans le nouvel immeuble du Bureau du district nord, qu’il ne le connaissait que comme collègue de travail et qu’il ne le fréquentait pas à l’extérieur du travail. Le travail du gendarme Wolney était de veiller à ce que les dossiers opérationnels soient précis. Il n’aurait pas eu l’idée de changer la description de travail de la fonctionnaire.

59 Le surintendant Morris a également parlé du commentaire de la fonctionnaire dans son courriel du 25 octobre 2001 à Mme Lidyard, dans lequel elle a indiqué que [traduction] « nous » avions dit au surintendant Morris que, si elle en avait le temps, elle était disposée à aider dans d’autres domaines. Il a déclaré ne pas se rappeler d’une telle réunion et que, bien qu’il connaissait Mme Lidyard et qu’il lui avait parlé régulièrement de questions de haut niveau en matière de fonction publique provinciale et nationale, le niveau de son poste faisait en sorte qu’il n’aurait pas assisté à une telle réunion sur les descriptions de travail comme l’a décrit la fonctionnaire.

60 M. Stephenson, à l’immeuble du Bureau du district nord, était Bob Stephenson. Il était membre du Corps des commissionnaires de la Colombie-Britannique. Son travail consistait entre autres à s’occuper de la dotation de la réception et à interagir avec les membres du public qui entraient dans l’immeuble du Bureau du district nord. Il s’occupait aussi des livraisons postales et des messages pour les employés. Il était un employé contractuel et son poste n’était pas syndiqué. En mai 2001, l’AFPC a mené une campagne de recrutement. En sa qualité de présidente du SESG, la fonctionnaire a abordé M. Stephenson pendant les heures de travail et a tenté de le recruter.

61 La fonctionnaire a jugé que le surintendant Morris avait adopté un comportement antisyndical en 2001. Le surintendant Morris a déclaré qu’il avait tenté de doter un poste à la réception quand le Bureau du district nord a ouvert ses portes, mais que sa demande avait été rejetée. Il n’avait alors eu d’autres choix que d’embaucher un employé contractuel, ce qu’il a fait par l’entremise du Corps des commissionnaires de la Colombie-Britannique. Il a déclaré qu’il ne connaissait pas M. Stephenson avant de l’embaucher en 2001, qu’il n’avait eu que des échanges professionnels de courtoisie normaux avec lui au Bureau du district nord et qu’il ne l’avait jamais rencontré socialement à l’extérieur du travail.

62 Le surintendant Morris a déclaré que la fonctionnaire avait confronté M. Stephenson, qu’elle avait tenté de le convaincre de joindre le SESG, et que M. Stephenson s’était plaint de son comportement à son organisation, le Corps des commissionnaires de la Colombie-Britannique. Le dirigeant de cette organisation a ensuite écrit au supérieur du surintendant Morris pour se plaindre de l’incident. Le surintendant Morris a reçu du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique une lettre dans laquelle on lui a ordonné de dire à la fonctionnaire de ne pas recruter pour son syndicat pendant les heures de travail. Il a obtempéré. Le surintendant Morris a déclaré que, à partir de ce moment-là, la fonctionnaire a montré de l’aversion pour M. Stephenson. Elle s’en est prise à lui et l’a persécuté pour s’être plainte de son comportement.

63 La fonctionnaire a donné une version différente des faits. Elle a déclaré qu’elle avait effectivement abordé M. Stephenson pendant les heures de bureau aux fins de recrutement, mais que leur discussion avait été amicale. Elle n’a pas été agressive avec lui, ne l’a pas poussé à joindre le syndicat et n’a pas insisté quand il a exprimé son désintérêt.

64 Après cet incident de recrutement, la relation entre la fonctionnaire et M. Stephenson est devenue tendue. À l’automne 2001, la fonctionnaire s’est plainte à Mme Bailey que M. Stephenson la harcelait, car il la dévisageait et l’ignorait quand elle lui parlait. Elle l’a accusé d’impolitesses à répétition.

65 Mme Bailey a parlé à M. Stephenson des préoccupations de la fonctionnaire selon lesquels elle trouvait qu’il était impoli avec elle et ne lui montrait pas le respect qui lui était dû. M. Stephenson ne faisait plus confiance à la fonctionnaire. Il a limité ses interactions avec elle et a évité de lui parler lorsque ce n’était pas nécessaire.

66 À de nombreuses occasions, le surintendant Morris a conclu que non seulement la fonctionnaire était très réfractaire aux conseils et directives de son superviseur et plusieurs de ses collègues, mais aussi qu’elle visait certains de ses superviseurs et collègues et les persécutait parce qu’ils se montraient préoccupés par son comportement ou s’en plaignaient.

67 Le surintendant Morris a mentionné en particulier que la fonctionnaire avait pris pour cible et persécuté le gendarme Wolney, le spécialiste résident en gestion des dossiers, à qui on avait donné la tâche de surveiller la conformité en matière de gestion des dossiers. Elle aurait aussi pris pour cible M. Stephenson, qui s’était plaint au sujet de la tentative de la fonctionnaire, pendant les heures de travail, de le pousser à adhérer à son syndicat, et Mme Bailey, qui avait offert à la fonctionnaire de l’aider à améliorer ses compétences en tant que coanimatrice des ateliers sur la sensibilisation au harcèlement du District nord de la Division « E ». Il a noté que la fonctionnaire avait par la suite accusé le gendarme Wolney, M. Stephenson et Mme Bailey de harcèlement.

68 Dans son rôle de commis de détachement entre 1996 et 2002, la fonctionnaire a reçu plusieurs évaluations du rendement positives, notamment en octobre 2001 et en août 2002. En octobre 2001, elle a aussi reçu une nouvelle description de travail qui comprenait de nouvelles tâches clés : compiler, examiner, tenir des dossiers et gérer des systèmes de gestion des dossiers; vérifier, coter et clore des dossiers dans le Système intégré de répartition de l’information; télécharger des dossiers dans le Système de récupération de renseignements judiciaires; faire les modifications et les ajouts requis et clore des dossiers dans le Système de récupération de renseignements judiciaires.

B. Quatre événements à noter

69 La situation a continué à évoluer. Je souhaite mentionner quatre événements en particulier.

1. Médailles commémoratives du Jubilé de Sa Majesté la Reine Elizabeth II

70 Au début de 2002, on cherchait des candidatures en vue de trouver des récipiendaires dignes de la médaille commémorative du Jubilé de Sa Majesté la Reine Elizabeth II (la « médaille du Jubilé de la Reine »). La médaille visait à honorer les employés de la GRC de partout au Canada ayant accompli quelque chose d’important ou apporté une contribution exceptionnelle à leurs concitoyens, à leur communauté ou à leur pays. Le processus consistait à remplir par écrit un formulaire de mise en candidature standard et de l’envoyer aux présidents du comité de sélection régional/de division. Chaque division établissait ses propres échéanciers pour la mise en candidature. L’échéancier devait être établi bien avant la date où les présidents du comité de sélection régional/de division devaient envoyer la liste des récipiendaires recommandés à Ottawa, soit au plus tard le 30 août 2002.

71 Le 25 septembre 2002, au moyen d’une lettre du sergent-major Hugh Stewart, sous-officier administratif du sous-commissaire responsable de la Région du Pacifique et commandant du District nord de la Division « E », Mme Bailey a été informée qu’elle allait recevoir la médaille du Jubilé de la Reine. Cette dernière a été décernée à Mme Bailey et aux autres récipiendaires du District nord de la Division « E » de la GRC dans le cadre d’une cérémonie publique qui a eu lieu le 9 décembre 2002. Mme Bailey a déclaré qu’elle ne savait rien de sa candidature à titre de récipiendaire de la médaille du Jubilé de la Reine avant de recevoir le message du sergent-major Stewart.

72 Le 22 janvier 2003, lors d’une réunion conjointe syndicale-patronale entre les cadres supérieurs de la GRC et les représentants syndicaux, à laquelle la fonctionnaire et le surintendant Morris étaient présents, la fonctionnaire ou le président du syndicat (qu’elle avait informé) ont annoncé que la fonctionnaire avait proposé la candidature de quatre fonctionnaires à titre de récipiendaire de la médaille du Jubilée de la Reine, et qu’elle avait soumis les formulaires de mise en candidature à la gestionnaire de bureau. On a alors déduit que la gestionnaire de bureau, Mme Bailey, avait omis par négligence, sinon intentionnellement, d’envoyer les recommandations de la fonctionnaire au comité de mise en candidature et de sélection à Vancouver. Résultat : la candidature des quatre fonctionnaires n’a pas été considérée pour la médaille du Jubilé de la Reine.

73 Cette allégation était très grave. Le surintendant Morris a reçu de son supérieur la directive de mener une enquête et de lui faire rapport.

74 Le surintendant Morris a déclaré qu’il était en déplacement après la réunion, mais que, quand il est revenu au Bureau du district nord au début de février, il a rencontré la fonctionnaire pour préciser les détails des candidatures qu’elle a dit avoir soumises. Il a fait valoir qu’elle avait tout d’abord soutenu qu’elle avait placé les formulaires de candidatures dans une enveloppe qu’elle avait laissée sur le bureau de Mme Bailey. Plus tard, la fonctionnaire a affirmé avoir dit au surintendant Morris qu’elle avait laissé l’enveloppe adressée à Mme Bailey dans le courrier interne, à la salle du courrier. Elle ne se rappelait pas quand elle avait soumis ses recommandations et ne pouvait pas donner au surintendant Morris une copie du formulaire des candidatures. Le surintendant Morris a vérifié attentivement la salle du courrier, qui est adjacente à son bureau et qui n’est pas accessible au public. Il n’a trouvé aucune trace de l’enveloppe.

75 Le surintendant Morris a conclu que la fonctionnaire mentait, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, elle a changé son récit quant à l’endroit où elle avait laissé l’enveloppe. Deuxièmement, elle n’a pas précisé à quelle date elle avait soumis les formulaires de candidatures. Troisièmement, deux des fonctionnaires dont elle disait avoir proposé la candidature ne travaillaient même pas au Bureau du district nord. Quatrièmement, elle n’avait pas besoin et n’avait aucune raison de donner ses formulaires de candidature à Mme Bailey, et ce, même dans le cas des deux fonctionnaires qui travaillaient au Bureau du district nord car, selon le processus établi, les formulaires devaient être envoyés directement au comité de mise en candidature, à Vancouver.

76 Par ailleurs, le surintendant Morris a déclaré que la fonctionnaire lui avait dit qu’elle s’était excusée auprès de ses candidats le jour de la présentation au Bureau du district nord, car leurs noms ne figuraient pas sur la liste et qu’elle ne savait pas ce qu’il était advenu des candidatures qu’elle avait soumises. Le surintendant Morris a indiqué qu’il a fait plusieurs recherches. Il a parlé aux deux employés du Bureau du district nord dont la fonctionnaire disait avoir proposé la candidature et ils ne savaient pas qu’ils avaient été recommandés. Ils ont dit avoir reçu, au début de mars 2003, un courriel dans lequel la fonctionnaire leur demandait des renseignements sur leur emploi et leur travail communautaire, mais qu’elle ne leur avait pas dit pourquoi elle demandait ces renseignements. De plus, ils ont dit que la fonctionnaire ne leur avait pas présenté d’excuses, tel qu’elle l’a prétendu.

77 Mme Bailey a déclaré qu’elle ne savait rien des allégations de la fonctionnaire avant d’être questionnée par le surintendant Morris après la réunion du 22 janvier 2003, soit bien plus de six mois après la date limite pour la présentation des candidatures. Elle a déclaré qu’elle avait été très bouleversée par l’allégation qu’elle aurait perdu les propositions ou négligé de les soumettre, alors que c’était faux. Elle a précisé que la fonctionnaire ne lui avait jamais demandé ce qu’il était advenu de ses recommandations, et qu’il n’y avait aucune raison pour la fonctionnaire de lui confier les formulaires. Mme Bailey ne jouait aucun rôle dans le processus de mise en candidature, et elle n’avait donné aucune information ou directive aux employés concernant la médaille du Jubilé de la Reine ou le processus de mise en candidature. Tous les fonctionnaires avaient reçu du bureau central de la GRC la même information sur la médaille et le processus. En sa qualité de gestionnaire de bureau, elle n’avait aucune raison de signer les formulaires de mise en candidature avant qu’ils soient envoyés à Vancouver. Mme Bailey a corroboré le témoignage du surintendant Morris en confirmant que deux des fonctionnaires dont la candidature avait prétendument été proposée ne travaillaient même pas au Bureau du district nord.

78 Lors du contre-interrogatoire, Mme Bailey s’est vivement opposé à la suggestion de l’avocat de la fonctionnaire qu’il était possible que cette dernière n’ait pas menti et que toute cette histoire n’ait été qu’un malentendu.

79 À la suite de son enquête, le surintendant Morris a rencontré la fonctionnaire et lui a dit qu’il croyait qu’elle mentait et qu’elle n’avait proposé aucune candidature pour la médaille du Jubilé de la Reine. Il lui a dit qu’elle devrait s’excuser auprès des personnes qu’elle avait impliquées dans son histoire.

80 La fonctionnaire a corroboré le témoignage du surintendant Morris en confirmant qu’ils s’étaient rencontrés et que ce dernier lui avait dit qu’il croyait qu’elle n’avait proposé aucune candidature et qu’elle devrait s’excuser auprès de certaines personnes. Toutefois, son témoignage différait sur d’autres points.

81 La fonctionnaire a déclaré que le processus de mise en candidature n’exigeait pas que les candidats soient avisés, et que, par conséquent, elle ne l’avait pas fait. Elle a déclaré qu’elle avait laissé les formulaires de candidature à Mme Bailey, car le superviseur ou le gestionnaire devait le signer. Elle a indiqué qu’elle avait soumis les formulaires en mai 2002, qu’elle les avait placés, dans une enveloppe, dans la case de Mme Bailey, dans la salle du courrier, et qu’elle avait utilisé une note adhésive pour obtenir la signature de Mme Bailey. Elle a aussi déclaré qu’elle n’avait pas nommé Mme Bailey à la réunion de janvier, et qu’elle ne l’avait pas accusée d’avoir omis intentionnellement d’envoyer les formulaires. Elle avait seulement dit qu’elle avait laissé les formulaires de candidature à la gestionnaire de bureau, et que c’est le surintendant Morris qui avait mentionné le nom de Mme Bailey à la réunion.

82 La fonctionnaire a reconnu que deux des quatre fonctionnaires dont elle avait proposé la candidature ne travaillaient pas au Bureau du district nord, mais bien au District nord de la Division « E ». Elle a admis que les formulaires ne devaient pas être signés par la direction, que selon le processus de mise en candidature, ils devaient être envoyés directement à Vancouver, et qu’elle aurait dû respecter le processus établi. Elle a reconnu que Mme Bailey était la gestionnaire de bureau et qu’elle n’avait pas effectué de suivi auprès d’elle, que ce soit pour lui demander si elle avait envoyé les formulaires ou pour lui poser des questions concernant la perte des formulaires de candidature après l’annonce des récipiendaires lorsqu’elle s’est aperçue qu’aucun de ses candidats n’avait reçu la médaille du Jubilé de la Reine.

83 La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait tenté d’obtenir, vers la fin de février et au début de mars 2003, des renseignements généraux au sujet de plusieurs fonctionnaires du Bureau du district nord dont elle a proposé la candidature pour la médaille du Jubilé de la Reine, comme Mme Stangrecki, dans le but de proposer leur nom pour un autre prix pour leur long état de service (pièce 55).

84 Le 19 mars 2003, la fonctionnaire a envoyé un courriel au surintendant principal Bill Dingwall, l’agent responsable des Ressources humaines pour la Région du Pacifique. Dans ce courriel, elle a nommé les quatre individus dont elle avait prétendument proposé la candidature en mai 2002 pour la médaille du Jubilé de la Reine et a donné une courte biographie de chacune de ces personnes. Elle n’a toutefois pas envoyé les formulaires de mise en candidature, car elle ne les trouvait pas dans ses documents. Elle n’a pas envoyé ce courriel en copie conforme au surintendant Morris (pièce 32).

85 Le 27 mars 2003, la fonctionnaire a écrit au sergent-major Stewart et envoyé en copie conforme à 14 personnes un courriel dans lequel elle déclarait qu’elle avait soumis les propositions de candidature, même si elle ne pouvait pas donner une date exacte au surintendant Morris précisant quand elle l’avait fait. Elle a également écrit qu’elle avait présenté des excuses à des membres du SESG le jour de la présentation du Bureau du district nord parce que leurs noms ne figuraient pas sur la liste, et qu’elle ne savait pas ce qu’il était advenu des candidatures qu’elle avait envoyées. Elle a écrit que [traduction] « le problème n’est pas la gestionnaire de bureau », et [traduction] « […] que ce soit parce qu’on a commis une erreur involontaire, qu’on a oublié de s’en occuper plus tard, qu’on a égaré l’enveloppe, etc. », elle les avait bel et bien soumis (pièce 1, onglet 5-E).

86 Le surintendant Morris a déclaré que, quand il a lu le courriel de la fonctionnaire, il était étonné de constater son mépris flagrant de la vérité. Il s’est entretenu avec elle et lui a dit que son courriel au sergent-major Stewart n’était pas professionnel et ne respectait pas les valeurs fondamentales de la GRC. Le 27 mars 2003, le surintendant Morris a envoyé un courriel non seulement au sergent-major Stewart, mais aussi au surintendant principal Dingwall et à Mme Janine Major-Hurt au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, à qui il a exprimé le [traduction] « grand désespoir » qu’il avait ressenti en lisant le courriel de la fonctionnaire, car elle avait menti sur le fait qu’elle avait soumis les candidatures et avait laissé entendre que Mme Bailey avait omis de les envoyer.

87 La fonctionnaire a déclaré qu’elle ne croyait pas qu’elle avait quoi que ce soit à se reprocher et qu’elle s’était excusée uniquement parce que le surintendant Morris lui avait forcé la main. Elle a aussi indiqué que le surintendant Morris voulait censurer ce qu’elle allait dire dans ses excuses. Plus tard en après-midi, le 27 mars 2003, la fonctionnaire a envoyé un courriel au sergent-major Stewart et au surintendant principal Dingwall avec copie conforme invisible à d’autres personnes. Le courriel commençait par : [traduction] « Encore une fois, bonne journée à vous Monsieur et à toutes les personnes concernées », une salutation qui renvoyait aux délibérations avec [traduction] « notre très cher surintendant Morris ». La fonctionnaire y a admis qu’elle ne pouvait pas contester les arguments du surintendant Morris, soit qu’elle n’avait pas respecté la politique sur le processus de mise en candidature, qu’elle avait proposé la candidature de quelqu’un dont elle ne pouvait pas proposer le nom, qu’elle aurait dû discuter de ses préoccupations avec le surintendant Morris en 2002 quand elle a vu que ses candidats ne figuraient pas sur la liste plutôt que d’attendre quatre mois, jusqu’à la réunion de janvier 2003, et qu’elle avait insisté sur le fait qu’elle avait soumis les formulaires de candidature (les échanges de courriel concernant les excuses se trouvent à la pièce 1, onglet 5-E.)

88 L’incident de la médaille du Jubilé de la Reine a été soulevé plusieurs fois en preuve plus tard au cours de l’audience. La fonctionnaire a mentionné l’incident dans sa correspondance subséquente avec plusieurs personnes. Dans un courriel qu’elle a envoyé le 1er octobre 2003 à Mme Stangrecki et à d’autres destinataires cachés, la fonctionnaire a déclaré qu’elle avait soumis les formulaires de candidature et que son seul tort avait été de ne pas respecter le processus et la politique appropriés, ce pour quoi elle s’était excusée. Elle a soutenu que le surintendant Morris était très en colère contre elle parce qu’elle avait envoyé sa réponse en copie conforme à d’autres personnes. Elle a ajouté que le fait qu’il ait encore abordé la question alors qu’ils parlaient de sa plainte de harcèlement démontrait qu’il avait besoin de formation pour devenir un gestionnaire plus compétent et fiable, et pour améliorer son leadership et ses aptitudes en gestion (pièce 1, onglet 5-I).

89 Dans sa plainte du 24 juin 2004 au conseiller en éthique et en intégrité à Ottawa, la fonctionnaire a accusé le surintendant Morris de vouloir contrôler le processus de mise en candidature pour la médaille du Jubilé de la Reine et de manquer d’éthique sur bien des fronts. Elle a aussi envoyé à Mme Lidyard (le 26 février 2003) un courriel dans lequel elle a fait une accusation similaire, mais plus générale, où elle a allégué que [traduction] « certaines personnes » voulaient un droit de veto sur les candidatures pour que les candidats qu’ils n’aiment pas ne puissent pas recevoir la médaille (pièce 55).

90 La fonctionnaire a dit n’avoir trouvé ses copies des formulaires de mise en candidature qu’elle a soumis en mai 2002 qu’en avril 2005, lorsqu’elle a regroupé ses documents pour le surintendant principal Lanthier.

91 Le 22 mars 2005, le surintendant principal Lanthier a soulevé pour la première fois la question de la crédibilité de la fonctionnaire quant à l’incident de la médaille du Jubilé de la Reine comme motif pour justifier la suspension de sa cote de fiabilité de la GRC. Le 27 juillet 2005, il a de nouveau soulevé cette question comme motif pour la révocation de sa cote (pièce 1, onglets 4 et 5-B). En avril 2005, en réponse à sa lettre de suspension, la fonctionnaire a présenté des copies des quatre formulaires de candidature qu’elle prétendait avoir soumis en mai 2002. Le surintendant principal Lanthier a déclaré que les formulaires qu’il avait reçus en avril 2005 n’étaient pas datés ni signés par les candidats (pièce 1, onglet 8-E).

2. Ateliers sur la sensibilisation au harcèlement et une date de fin a-t-elle été établie

92 En novembre 2000, la fonctionnaire, en tant que conseillère en matière de lutte contre la discrimination et de droits de la personne du syndicat, et Mme Bailey, en tant que représentante de l’employeur, ont assisté à Ottawa à un atelier de [traduction] « formation des formateurs » conçu pour préparer les animateurs de partout au Canada à présenter dans leur district les ateliers obligatoires sur la sensibilisation au harcèlement. L’objectif de cette formation était que la fonctionnaire et Mme Bailey coaniment les ateliers pour le District nord de la Division « E ».

93 Les ateliers étaient initialement prévus pour la direction, mais plus tard, leur portée a été étendue afin de les offrir à tous les employés de la GRC, tant aux fonctionnaires qu’aux membres réguliers, qu’ils soient ou non superviseurs. Le sergent d’état-major Mike Racicot a été ajouté à titre de coanimateur en tant que représentant des membres de la GRC du District nord de la Division « E » pour offrir une approche d’équipe complète, et ce, même s’il n’avait pas assisté à la formation à Ottawa.

94 Des désaccords ont surgi par la suite entre la fonctionnaire et Mme Bailey concernant l’organisation, la présentation et le calendrier des ateliers sur la sensibilisation au harcèlement. Plusieurs courriels et notes ont été produits en preuve. Certains, envoyés en mai 2002 (pièce 1, onglet 5-U, pages 30 à 32), décrivaient des problèmes de communication et de planification.

95 La fonctionnaire et Mme Bailey ont présenté des perspectives différentes dans leurs témoignages pour ce qui est de savoir qui, de Mme Bailey ou de la fonctionnaire, devait améliorer son aptitude en matière de présentation, selon la rétroaction des participants. Mme Bailey a indiqué qu’elle avait offert un vaste éventail de ressources ainsi que du soutien à la fonctionnaire pour l’aider à améliorer ses aptitudes et que la fonctionnaire avait rejeté ses critiques et toute forme d’appui. La fonctionnaire a indiqué qu’elle n’était pas celle qui avait besoin de s’améliorer et que les documents qu’on lui avait donnés n’étaient pas utiles. Selon le surintendant Morris, c’est à cette époque que la fonctionnaire a semblé commencer à s’en prendre à Mme Bailey.

96 Mme Bailey a déclaré que le programme de formation obligatoire sur la sensibilisation au harcèlement, qui était offert à tous les employés et pas seulement aux superviseurs dans tout le District nord de la Division « E », était ambitieux en raison de sa taille. Le coût prévu était considérable. De plus, le budget provincial du District nord de la Division « E » avait été diminué de 11 % en 2001, ce qui faisait qu’il était difficile de donner les ateliers. Cependant, on s’attendait à ce que du nouveau financement soit disponible pour les ateliers après avril 2002.

97  Mme Bailey a déclaré qu’elle avait été très surprise par un courriel qu’elle avait reçu de la fonctionnaire le 27 janvier 2003, dans lequel cette dernière disait qu’elles devaient terminer la présentation de la formation conjointe sur la sensibilisation au harcèlement avant le 31 mars 2003 (pièce 1, onglet 5-D, page 1). Elle a répondu par courriel, le 30 janvier 2003, que c’était la première fois qu’elle entendait parler d’une date de fin prévue. Elle a demandé à la fonctionnaire d’où elle tenait cette directive et pourquoi elle n’avait pas été communiquée d’une manière ou d’une autre aux animateurs pour déterminer si l’objectif était atteignable. Le même jour, la fonctionnaire a répondu à Mme Bailey par courriel et lui a dit de ne pas s’en faire, car elle allait demander [traduction] « […] que la date de fin soit annulée pour le District nord et qu’une nouvelle date de fin soit fixée à la fin de l’été, le plus tard [qu’elle croyait qu’on] devrait la fixer ». La fonctionnaire a indiqué qu’elle savait que la date de fin avait été reportée à mai ou juin pour un autre district, et que c’est pour cette raison qu’elle avait dit que [traduction] « nous [ne devrions pas nous en faire] ». La fonctionnaire a écrit que [traduction] « [la] date de fin [leur] a été donnée à Ottawa à la formation. Elle a aussi été mentionnée à la réunion conjointe syndicale-patronale à Vancouver la semaine dernière. » (À noter que les phrases citées sont soulignées dans la pièce 1, onglet 5-D, page 1, mais qu’elles ne le sont pas dans la pièce 1, onglet 5-U, page 25).

98 Mme Bailey a demandé à la fonctionnaire de venir la rencontrer dans son bureau pour clarifier ses propos. Elle a précisé que lors de cette rencontre, le 30 janvier 2003, leur discussion avait été calme, sans colère, mais que la fonctionnaire avait fait des commentaires désobligeants et sarcastiques au sujet de l’équipe de direction du Bureau du district nord et s’était plainte de son antipathie et de son manque de communication. La fonctionnaire a refusé de donner des exemples ou des détails de ce manque présumé de communication. Elle a accusé Mme Bailey de tout suranalyser. Comme elle pensait que la discussion ne menait nulle part, Mme Bailey a fini par dire à la fonctionnaire sur un ton neutre et mesuré que la rencontre était terminée. La fonctionnaire est partie.

99 Mme Bailey a déclaré qu’elle ne se souvenait pas qu’une date de fin ait été donnée aux participants à Ottawa pour la formation obligatoire sur la sensibilisation au harcèlement. Elle n’avait pas confiance en l’information de la fonctionnaire, car elle lui avait été fournie juste après que cette dernière l’ait accusée, à la réunion conjointe syndicale-patronale du 22 janvier 2003 à Vancouver, d’avoir omis de transmettre ses recommandations de candidats pour la médaille du Jubilé de la Reine. Après sa rencontre avec la fonctionnaire, Mme Bailey a communiqué avec Mme Major-Hurt, au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, et avec la personne-ressource en matière de sensibilisation au harcèlement à Ottawa pour savoir s’ils avaient eu vent d’une date de fin pour les ateliers. Les deux personnes ont indiqué qu’elles n’avaient pas connaissance qu’une date de fin avait été établie.

100 Mme Bailey a déclaré que la fonctionnaire avait un historique en ce qui concerne des interactions et des commentaires inappropriés à son égard et à l’égard d’autres personnes, souvent par courriel, malgré les tentatives de Mme Bailey de demeurer professionnelle, polie et ouverte dans son comportement et ses échanges avec elle. Elle a déclaré que des rencontres et des événements avaient eu lieu, et que la fonctionnaire avait nié leur existence. Mme Bailey a donc commencé à prendre des notes personnelles pour se rappeler les détails. Par conséquent, après que la fonctionnaire a quitté son bureau le 30 janvier 2003, Mme Bailey a pris quelques notes personnelles, car elle était préoccupée par la rencontre et les accusations de la fonctionnaire. Ces notes sont en format courriel, car le réseau de messagerie GroupWise de la GRC était en usage au Bureau du district nord. Mme Bailey a toutefois déclaré qu’elle n’avait pas l’intention de les envoyer par courriel à qui que ce soit, et qu’elle ne l’avait d’ailleurs jamais fait (pièce 1, onglet 5-D, pages 3 et 4).

101 Mme Bailey a souligné que la déclaration de la fonctionnaire, à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique (pièce 1, onglet 8-U, paragraphe 26, page 10), selon laquelle elle et la fonctionnaire avaient [traduction] « […] un bon niveau de communication, de professionnalisme et de politesse au bureau » était fausse. Selon elle, le professionnalisme était unilatéral.

102 Le surintendant Morris a déclaré que, lors d’un des ateliers obligatoires, la fonctionnaire avait ajouté du contenu de son propre gré au matériel, sans en discuter au préalable avec ses coanimateurs ou le syndicat, et sans autorisation. Cette initiative était jugée problématique en raison de la nature obligatoire des ateliers. À cause de ce geste de la fonctionnaire, le surintendant Morris a déclaré qu’il voulait que les ateliers se poursuivent, mais que la fonctionnaire soit remplacée par un autre représentant syndical à titre d’animateur. Il a envoyé sa demande par écrit au surintendant principal Dingwall en mai 2004 (pièce 29, onglet C-15).

103 La fonctionnaire n’a pas nié avoir ajouté du contenu à l’atelier sans en discuter d’abord avec ses coanimateurs, mais elle a précisé que le matériel additionnel était pertinent et fondé sur sa grande expérience personnelle en tant que conseillère syndicale en matière de lutte contre la discrimination et de droits de la personne. Elle a soutenu qu’elle n’avait pas changé le contenu obligatoire de la formation, mais avait plutôt ajouté à ce contenu, et que le matériel additionnel avait été bien reçu. Elle a aussi déclaré qu’elle avait cessé de participer à la formation après l’envoi du courriel du surintendant Morris.

104 Selon le témoignage de la fonctionnaire, une personne à Ottawa lui a dit pendant la séance de formation que la fin de la formation initiale sur le harcèlement était prévue le 30 mars 2003. Elle a déclaré qu’elle ne se souvenait pas si elle avait effectivement demandé que la date de fin soit annulée pour le District nord de la Division « E », comme elle a dit qu’elle ferait.

105 Je note que la question de la crédibilité de la fonctionnaire pour ce qui est de son courriel du 30 janvier 2003 à Mme Bailey concernant la fin de la formation sur la sensibilisation au harcèlement, dans lequel elle prétendait que la formation devait prendre fin le 31 mars 2003, avait été soulevée en 2005 par le surintendant principal Lanthier, la première fois en tant que motif pour la suspension de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, le 22 mars 2005, puis en tant que motif pour la révocation de sa cote, le 27 juillet 2005 (pièce 1, onglets 4 et 5-B). Dans sa réponse au surintendant principal Lanthier le 6 avril 2005, la fonctionnaire a écrit ce qui suit : [traduction] « À ma connaissance, nous avions effectivement une date de fin pour la formation initiale. L’information que j’ai fournie était exacte » (pièce 1, onglet 8-E).

3. Plaintes de harcèlement et enquêtes

106 Le 3 mars 2003, la fonctionnaire est allée au bureau de l’inspecteur Clark et, en employant un langage grossier, a accusé M. Stephenson de lui refuser l’accès à la salle de premiers soins et d’abuser de son autorité. À peine quelques minutes plus tard, l’inspecteur Clark a discuté avec M. Stephenson. Celui-ci a affirmé que le Comité de santé et de sécurité avait préparé un protocole à la suite de préoccupations concernant les employés qui s’automédicamentent afin d’assurer un suivi des fournitures. Ce protocole était affiché près de la porte de la salle de premiers soins. Il a précisé que seuls les secouristes formés pouvaient entrer dans la pièce. Les autres personnes devaient fournir une raison valable à M. Stephenson pour y avoir accès. La fonctionnaire faisait partie du Comité.

107 L’inspecteur Clark a affirmé que M. Stephenson était calme et avait indiqué très franchement ce qu’il avait demandé à la fonctionnaire, c’est-à-dire si elle était secouriste. Lorsqu’elle a répondu qu’elle l’était, il l’a laissée entrer. L’inspecteur Clark a constaté que la porte de la salle de premiers soins était difficile à ouvrir, mais qu’elle n’était pas verrouillée, comme l’a avancé la fonctionnaire. L’inspecteur Clark a conclu que M. Stephenson avait bien fait son travail en respectant le protocole, peu importe qui voulait entrer dans la pièce, et c’est ce qu’il a dit à la fonctionnaire.

108 Un peu plus tard, la fonctionnaire a envoyé à l’inspecteur Clark un courriel de suivi, dans lequel elle a expliqué sa version des faits et donné des renseignements additionnels, en alléguant par exemple avoir été [traduction] « soumise à un interrogatoire ». Selon l’inspecteur Clark, cette allégation était exagérée. Il a répondu en lui répétant la raison pour laquelle le Comité de santé et de sécurité avait élaboré les lignes directrices pour l’accès et en lui rappelant le rôle assigné à M. Stephenson. Selon lui, M. Stephenson n’a pas dépassé les bornes. Le lendemain, la fonctionnaire a envoyé à l’inspecteur Clark un courriel affirmant qu’ils devaient discuter plus en détail de cette situation, notamment le fait qu’il ne comprenait pas comment M. Stephenson avait abusé de son autorité (échange de courriels : pièce 29, onglet C-1). À une date ultérieure, Catherine Chagnon a mené une enquête relativement à cet incident (une description est donnée à la pièce 60, page 22).

109 Selon le témoignage de la fonctionnaire, M. Stephenson a abusé de son autorité parce qu’il l’a humiliée en la dévisageant et en l’observant pendant un bon moment lorsqu’elle a demandé l’accès à la salle de premiers soins.

110 En septembre 2003, la fonctionnaire a rencontré Mme Bailey et lui a demandé de l’information à savoir si l’affectation de M. Stephenson au Bureau du district nord était permanente et pour obtenir des détails relativement à son contrat. Elle a demandé pourquoi il n’occupait pas un poste de fonctionnaire. Au cours de la conversation, elle a demandé comment elle pouvait se débarrasser de lui et a dit à Mme Bailey qu’il avait été impoli et qu’il était trop tard pour des excuses.

111 Lors de son témoignage, la fonctionnaire a affirmé qu’à la mi-septembre 2003, elle a officiellement annoncé ses plaintes de harcèlement à son superviseur, le sergent d’état-major Beach, ainsi qu’au surintendant Morris, mais qu’elle n’a déposé ses plaintes officielles de harcèlement contre M. Stephenson et le gendarme Wolney que les 26 septembre 2003 et 29 octobre 2003, respectivement (pièces 161 et 162).

112 La fonctionnaire a précisé que sa définition de harcèlement était [traduction] « tout ce qui pourrait embarrasser, humilier ou rabaisser une personne ». Elle a souligné que c’était le point de vue de la victime qui comptait.

113 Le sergent d’état-major Beach a déclaré qu’en septembre 2003 il a eu une conversation avec la fonctionnaire au sujet de ses plaintes portant sur le comportement de M. Stephenson. Le sergent d’état-major Beach a affirmé que, selon les renseignements dont il disposait, les plaintes n’étaient étayées par aucun motif valable. Au cours de leur conversation, la fonctionnaire a mentionné qu’elle était au courant d’une autre personne faisant partie du Détachement de Prince George qui avait été victime de harcèlement et à qui la GRC avait versé un montant dans les cinq chiffres. Lorsque le sergent d’état-major Beach lui a demandé quel type de règlement elle voulait recevoir, elle a répondu qu’elle espérait recevoir un règlement d’ordre pécuniaire.

114 Le surintendant Morris a souligné qu’en septembre, il avait été mis au courant d’un incident pour lequel la fonctionnaire a accusé M. Stephenson de harcèlement. À la mi-septembre, il a convoqué la fonctionnaire et son superviseur dans son bureau et lui a demandé d’expliquer l’incident en détail. Elle a décrit un incident qui se serait produit le matin précédent dans le hall d’entrée du Bureau du district nord. Elle a précisé que le surintendant Morris avait été témoin de l’incident de harcèlement. Ce dernier lui a dit qu’il n’avait pas été témoin d’un quelconque événement de ce genre.

115 La fonctionnaire a affirmé que la rencontre avait eu lieu le 12 septembre. Selon elle, l’inspecteur Clark et le sergent d’état-major Al McCaig étaient également présents. Elle a indiqué n’avoir jamais dit que le surintendant Morris avait été témoin de l’incident du 11 septembre, mais qu’elle croyait qu’il avait été témoin parce qu’il y était. Par la suite, la fonctionnaire a écrit des courriels dans lesquels elle a fait remarquer que le surintendant Morris avait nié avoir été témoin de l’incident, mais qu’elle ne le croyait pas, et elle l’a accusé de partialité parce que M. Stephenson était son ami.

116 Le 17 septembre, une rencontre a eu lieu dans le bureau du surintendant Morris. Voici sa version des faits. La fonctionnaire lui a dit que M. Stephenson et le gendarme Wolney la harcelaient depuis un certain temps et qu’elle avait documenté tous les faits. Le surintendant Morris a demandé à voir les documents. La fonctionnaire a répondu qu’ils étaient chez elle. Il lui a demandé d’aller chez elle pour ramasser les documents et les lui apporter. Elle a quitté le bureau à 10 h 15 et n’est revenue qu’à 15 h. Elle a présenté trois pages. Lorsque le surintendant Morris a remis leur validité en question en raison du temps qu’il lui a fallu pour aller les chercher, elle a affirmé que les documents fournis étaient étayés par les notes inscrites sur ses calendriers de bureau. On lui a demandé de remettre ses calendriers.

117 Lors de son témoignage, la fonctionnaire a déclaré être allée chez elle pour prendre les documents. Il lui a fallu du temps pour s’y rendre en voiture, et c’était pendant la période du dîner. Elle a affirmé n’être partie que de midi à 15 h environ, ce qui est moins long que ce que le surintendant Morris a prétendu.

118 La semaine suivante, la fonctionnaire a remis les calendriers de bureau ainsi que 14 pages de documents au surintendant Morris pour appuyer ses allégations. Il a remarqué que certaines notes se rapportaient aux trois pages qu’elle lui avait déjà données, mais avec plus de détails. Il a également remarqué que la couleur de l’encre utilisée pour les notes sur les calendriers différait souvent de celle des autres notes des dates en question. Il a soupçonné que les écritures avaient été rajoutées après-coup, et il a remis l’honnêteté de la fonctionnaire en question.

119 Selon la fonctionnaire, elle a compilé les 14 pages en parcourant son planificateur. Elle a également précisé qu’elle gardait souvent plusieurs stylos de différentes couleurs sur son bureau.

120 Parmi les documents que la fonctionnaire a fournis au surintendant Morris au sujet de ses allégations de harcèlement, le surintendant Morris a été préoccupé par une déclaration en particulier. La fonctionnaire a écrit ce qui suit : [traduction] « J’espère que le gendarme Wolney ne déchargera pas son arme par accident dans ma tête ou ma poitrine, ou entre-temps pour camoufler les dommages qu’il a causés afin que je n’en parle pas, ou qu’il n’enverra pas un membre d’une bande de motards criminalisée pour m’étrangler ».

121 La fonctionnaire a affirmé qu’il ne s’agissait que d’une [traduction] « mauvaise métaphore » de sa part.

122 Le surintendant Morris a affirmé avoir été préoccupé par le commentaire de la fonctionnaire. Le 29 septembre 2003, il a tenu une rencontre dans son bureau avec la fonctionnaire, le surintendant principal Clark et le sergent d’état-major McCaig afin de discuter des problèmes de harcèlement de la fonctionnaire. Il a dit à la fonctionnaire qu’il était très préoccupé par ses commentaires et l’intensité de ses craintes, qui n’étaient pas fondés selon lui. Il lui a suggéré de communiquer avec son médecin de famille ou de faire appel au Programme d’aide aux employés (PAE). Le surintendant Morris a affirmé que la fonctionnaire est devenue très grossière avec lui et a fait preuve d’insubordination, puis qu’elle s’est mise à formuler des remarques désobligeantes concernant son leadership et son intégrité. Elle a répété la même chose par la suite dans des courriels envoyés à d’autres individus. Le surintendant Morris l’a avertie qu’il estimait que ses persécutions continues à l’égard de M. Stephenson et le gendarme Wolney constituaient du harcèlement et qu’elle devait cesser immédiatement.

123 L’inspecteur Clark a indiqué que la rencontre s’était envenimée très rapidement; les discussions sur les questions de harcèlement avaient vite fait place au défoulement de la fonctionnaire, qui s’en prenait au surintendant Morris pour son manque de leadership. Le jour suivant, elle a envoyé un courriel au sergent d’état-major McCaig pour lui demander ses notes sur la rencontre et pour lui dire qu’elle espérait ne pas avoir humilié qui que ce soit lorsqu’elle a dit au surintendant Morris qu’elle voulait qu’il démontre ses compétences de gestion et de leadership, qu’il ne faisait que [traduction] « jeter de la poudre aux yeux », qu’il n’était pas impartial et qu’elle voulait qu’il honore les valeurs fondamentales de la GRC (pièce 29, onglet C-4).

124 Le surintendant principal Clark a déclaré que les paroles de la fonctionnaire étaient beaucoup plus tranchantes à la réunion que ce qu’elle décrivait dans son courriel. Il a soutenu que le surintendant Morris était préoccupé par le commentaire de la fonctionnaire au sujet du gendarme Wolney et par son état d’esprit. Il a avancé qu’elle devrait peut-être consulter son médecin ou faire appel au PAE.

125 Le 29 septembre, après la rencontre, la fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Stangrecki et à deux autres représentants syndicaux, dans lequel elle a décrit la rencontre selon son point de vue et répété les commentaires formulés à l’endroit du surintendant Morris (pièce 5-N, page 43).

126 Le 30 septembre 2003, la fonctionnaire a envoyé un courriel intitulé [traduction] « Important – Prière de lire » à près de 50 personnes, dont Mme Bailey et Mme Stangrecki, dans lequel elle a affirmé être [traduction] « […] une conseillère en matière de lutte contre la discrimination pour vous tous, de même qu’une agente de sensibilisation au harcèlement ». Elle a inclus une longue section intitulée [traduction] « Point suivant – Peut-être le plus important! », dans laquelle elle a déclaré que [traduction] « certaines personnes » dans le lieu de travail ne prenaient pas les problèmes de harcèlement aussi au sérieux qu’elle. Elle a indiqué qu’elle avait rapporté ce qu’elle avait vécu à l’agent de district (le surintendant Morris), mais que sa plainte avait été rejetée comme étant un problème de communication parce qu’elle n’avait pas de témoins, et ce, malgré le grand nombre de documents qu’elle avait produits. Elle a déclaré qu’elle était convaincue que l’objectivité du surintendant Morris était altérée par son amitié avec les personnes impliquées. Lorsque le surintendant Morris a dit à la fonctionnaire qu’il avait parlé à la personne qui, selon elle, avait affirmé s’être déjà sentie rabaissée lorsqu’elle parlait à M. Stephenson, la fonctionnaire a soulevé la question à savoir si la personne en question avait nié avoir fait cette affirmation. Elle a demandé si elle devait [traduction] « comprendre que cet homme [le surintendant Morris] essayait de la dresser contre une sœur » (voir pièce 1, onglet 5-H, pages 2 et 3).

127 Mme Bailey a déclaré avoir compris que la fonctionnaire parlait d’elle et du surintendant Morris dans le courriel envoyé par la fonctionnaire le 30 septembre 2003, et qu’elle prenait les questions de harcèlement au sérieux.

128 Le 30 septembre 2003, la fonctionnaire a aussi envoyé un courriel au caporal Adair. Au moment de l’audience, il était gestionnaire de programmes pour le programme national de respect en milieu de travail de la GRC. Il a expliqué qu’à titre de conseiller, il traitait les plaintes de harcèlement et de violation des droits de la personne déposées par les employés d’un bout à l’autre de la Région du Pacifique. Il conseillait les plaignants, les défendeurs et la direction sur les moyens d’assurer un milieu de travail exempt de harcèlement et sur les façons de résoudre des plaintes découlant de conflits. Il donnait aussi de la formation visant à sensibiliser les gestionnaires aux questions humaines. Il connaissait les deux politiques sur le harcèlement qui étaient en vigueur pendant la période en cause. L’une des politiques s’appliquait aux membres civils et réguliers de la GRC, l’autre s’appliquait aux fonctionnaires (pièce 59). Il relevait de l’officière responsable des Normes professionnelles, l’inspectrice Barb Fleury. Il ne relevait pas directement du surintendant principal Dingwall.

129 Dans son courriel du 30 septembre 2003 au caporal Adair, la fonctionnaire a décrit sa plainte visant M. Stephenson et a demandé au caporal Adair de ne pas communiquer ses commentaires à qui que ce soit au Bureau du district nord. Elle lui a dit qu’elle se sentait mal d’avoir dit au surintendant Morris qu’elle voulait qu’il démontre ses compétences de leadership et de gestion, qu’elle ne croyait pas qu’il était impartial au sujet de sa plainte et qu’il ne faisait que [traduction] « jeter de la poudre aux yeux ». Elle a précisé que le surintendant Morris lui avait répété à maintes reprises que s’il arrivait quoi que ce soit, elle devait en parler immédiatement pour que le problème soit réglé (pièce 1, onglet 5-N, page 42).

130 Le 1er octobre 2003, la fonctionnaire a envoyé un courriel de cinq pages (simple interligne) à Mme Stangrecki. Le courriel commençait par la formule de salutation [traduction] « Fondamentalement femmes ». Selon un témoignage, ce courriel a été envoyé en copie conforme invisible à de nombreux autres individus, des membres du syndicat pour la plupart. Certains membres du SESG, comme Mme Bailey, n’en ont pas reçu de copie. Le caporal Adair a affirmé en avoir reçu une. L’inspecteur Clark, quant à lui, a précisé ne pas avoir reçu ce courriel, mais que le sergent d’état-major McCaig lui a montré sa copie.

131 Il est difficile de décrire en quelques mots seulement la teneur de ce long courriel. Il avait pour objet [traduction] « Plainte, des suggestions? » (voir pièce 1, onglet 5-I.) La fonctionnaire y a abordé plusieurs sujets. Elle a déclaré qu’elle ne croyait pas que le surintendant Morris était impartial à cause du fait que M. Stephenson était son ami. Elle a affirmé que le surintendant Morris l’avait accusé de ne pas travailler dans le respect des valeurs fondamentales de la GRC. Elle a indiqué qu’il n’avait pas de bonnes compétences de gestion et de leadership, qu’elle lui avait dit qu’elle ne le considérait pas comme quelqu’un qui véhiculait les valeurs fondamentales de la GRC ou qui les respectait dans le cadre de son travail, et qu’elle voulait et s’attendait à ce qu’il le fasse. Elle a déclaré qu’elle [traduction] « […] se trompait peut-être, mais [qu’elle n’avait] pas l’impression qu’il [prenait] les questions de harcèlement au sérieux ». Elle a soutenu qu’il y avait un problème important de harcèlement et que le Bureau du district nord, incarné par le surintendant Morris, ne faisait rien pour le régler. Elle a aussi affirmé que deux fonctionnaires étaient venues la voir pour lui parler de plaintes de harcèlement, et elle a accusé le surintendant Morris de [traduction] « dresser une sœur contre une autre ».

132 Dans son courriel, la fonctionnaire a aussi déclaré ceci :

[Traduction]

Le fait de faire des blagues, des insinuations ou de commettre des impolitesses à répétition constitue du harcèlement, au même titre que le fait d’éviter complètement de parler à certaines personnes, de les ignorer et de ne pas agir de manière professionnelle. Depuis que cette question a été portée à l’attention de Mike Morris, il y a eu, depuis le 19 septembre, des contacts avec Bob dans l’environnement de travail durant lesquels Bob a délibérément et systématiquement choisi de m’ignorer et de ne même pas échanger de civilités telles que bonjour, merci, etc.

133 La fonctionnaire a soutenu que l’impartialité du surintendant Morris était altérée par son amitié avec M. Stephenson (pièce 51, page 5).

134 Environ une semaine après ce courriel, le surintendant Morris, qui n’était pas un destinataire caché de ce courriel, en a reçu un exemplaire par la poste d’un endroit à l’extérieur de Prince George. L’expéditeur anonyme n’approuvait pas les commentaires de la fonctionnaire. Plus tard, le surintendant Morris en a remis une copie à Mme Bailey. Il était très préoccupé par les accusations de la fonctionnaire et par sa déclaration voulant que deux fonctionnaires étaient venues la voir au sujet de plaintes de harcèlement et qu’il ne prenait pas au sérieux les questions et les plaintes de harcèlement. Il a déclaré qu’il trouvait que le courriel de la fonctionnaire était très subjectif, qu’il s’agissait d’une attaque grave contre sa personne et qu’elle y faisait plusieurs références désobligeantes concernant Mme Bailey. Ses commentaires risquaient de nuire aux relations et pourraient porter atteinte à sa crédibilité ainsi qu’à celle du Bureau du district nord.

135 Selon le surintendant Morris, après avoir été mis au courant de son courriel, il a dit à la fonctionnaire qu’il n’était pas ami avec M. Stephenson, contrairement à ce qu’elle avait allégué. Il a ajouté qu’il lui avait dit très clairement qu’il n’entretenait à l’époque aucune relation sociale avec M. Stephenson à l’extérieur du bureau. Pourtant, elle a continué de répéter dans ses communications, notamment dans son courriel au caporal Adair, que M. Morris était ami avec M. Stephenson et qu’il n’était donc pas impartial, et ce, même si elle savait que ce n’était pas vrai.

136 Le surintendant Morris a affirmé avoir pris les préoccupations de la fonctionnaire sur le harcèlement au sérieux. Il n’a pas délégué la question à un agent responsable du harcèlement pour qu’il enquête. Il a agi sans délai lorsque des préoccupations ont été portées à son attention. Lors du suivi qu’il a fait pour chacune des allégations de la fonctionnaire, les personnes mentionnées par cette dernière ont toutes indiqué ne pas être au courant d’une conversation à ce sujet avec la fonctionnaire ou ont affirmé qu’elle n’avait pas les bons renseignements. Après avoir reçu une copie du courriel de la fonctionnaire et lu son accusation selon laquelle il ne prenait pas les questions et les plaintes de harcèlement au sérieux, il a communiqué avec le caporal Adair pour lui demander conseil et a organisé une réunion obligatoire sur le harcèlement avec tous les chefs de service et les fonctionnaires du Bureau du district nord. La réunion était prévue le 14 octobre 2003.

137 La fonctionnaire a été informée de la réunion obligatoire. Elle a demandé à Mme Bailey des précisions sur l’objet de la rencontre; elle a reçu les précisions demandées (pièces 41 et 42). La fonctionnaire n’a pas répondu ou dit à qui que ce soit qu’elle ne pourrait ou n’allait pas être présente à la réunion. Elle n’y a pas participé. Le compte rendu de la réunion a été produit en guise de preuve.

138 La fonctionnaire a affirmé qu’elle n’y avait pas participé parce que sa fille devait subir une amygdalectomie ce jour-là.

139 La fonctionnaire a ensuite écrit à plusieurs personnes pour porter deux accusations contre certains membres de la direction pour inconduite lors de cette rencontre. En premier lieu, elle a accusé le surintendant Morris et Mme Bailey de l’avoir humiliée en la nommant et en divulguant les faits entourant sa plainte. Le surintendant Morris a affirmé que ce n’était pas vrai. Il n’a pas nommé ou autrement identifié la fonctionnaire lors de la réunion, mais il a fait remarquer que bon nombre des personnes présentes, notamment les membres du syndicat, avaient reçu une copie conforme invisible du courriel envoyé par la fonctionnaire et qu’ils auraient donc été au courant de ses allégations. Mme Bailey a indiqué que, bien qu’elle fût alors membre du SESG, elle ne faisait pas partie des destinataires du courriel de la fonctionnaire, et elle n’en a reçu une copie que lorsque le surintendant Morris lui en a donné une, soit quelque temps après la réunion du 14 octobre. Il lui en a remis un exemplaire parce qu’il estimait qu’elle devait être mise au courant de ce que la fonctionnaire disait à son sujet.

140 Voici trois exemples de communications de la fonctionnaire dans lesquelles elle a réitéré sa première accusation que le surintendant Morris et Mme Bailey l’avaient humiliée en la nommant et en divulguant des détails de sa plainte : son courriel du 31 décembre 2003 au surintendant principal Dingwall (pièce 164), son courriel du 15 janvier 2004 au caporal Adair (pièce 94) et son courriel du 24 juin 2004 à l’intention du conseiller en matière d’éthique et d’intégrité, à Ottawa (pièce 197).

141 Dans ses courriels au caporal Adair et au conseiller en matière d’éthique et d’intégrité, la fonctionnaire s’est aussi plainte de ne pas avoir été présente à la réunion du 14 octobre 2003 et du fait qu’elle n’a pas eu l’occasion de parler, laissant entendre que cela rendait les gestes du surintendant Morris encore plus déplacés.

142 Selon le témoignage de la fonctionnaire et sa position écrite envoyée au caporal Adair, qui ont été répétés à d’autres par la suite, elle a écrit son courriel du 1er octobre 2003 à l’attention d’un membre du syndicat, Mme Stangrecki, dans la seule intention d’obtenir des conseils sur la façon de régler un problème (pièce 104). Mme Bailey aurait pris le courriel sur le bureau de la fonctionnaire. Elle a soutenu que Mme Bailey avait agi de façon contraire à l’éthique en prenant et en lisant un courriel qui ne lui était pas adressé et a conclu que le fait que ce geste ait fait en sorte que Mme Bailey lise des choses négatives à son sujet ferait en sorte qu’elle en tirerait une leçon.

143 Personne, à la réunion du 14 octobre, n’a formulé de préoccupations dans le Bureau du district nord. Lors de son témoignage, la fonctionnaire a affirmé que les fonctionnaires présents avaient des préoccupations en matière de harcèlement, mais qu’ils hésitaient à les soulever dans ce genre de réunion avec le surintendant Morris.

144 Le caporal Adair a indiqué qu’à la mi-octobre, il a rencontré le surintendant Morris et Mme Bailey, qui se trouvaient à Vancouver pour d’autres raisons. On lui a alors montré une copie du courriel de la fonctionnaire daté du 1er octobre 2003. Le surintendant Morris a alors dit qu’il ne donnerait pas suite aux commentaires de la fonctionnaire à son sujet, mais il a demandé au caporal Adair se rendre à Prince George pour effectuer une enquête indépendante sur la perception du personnel du Bureau du district nord au sujet des questions de harcèlement dans le District nord de la Division « E » et, notamment, pour savoir si les gens trouvaient que le surintendant Morris prenait les plaintes au sérieux. Mme Bailey était bouleversée par les commentaires de la fonctionnaire à son égard et elle voulait connaître ses options.

145 À la suite de la demande du surintendant Morris, le caporal Adair s’est rendu au Bureau du district nord les 29 et 30 octobre 2003. Dans le cadre de son enquête sur la perception de la façon dont le surintendant Morris traitait les plaintes de harcèlement, il a discuté avec 18 personnes. Il a précisé qu’il ne savait pas comment les 18 personnes avaient été sélectionnées. Il a aussi parlé au sergent d’état-major Beach, car il s’agissait du superviseur de la fonctionnaire. Le caporal Adair a conclu que le surintendant Morris prenait les questions de harcèlement dans le milieu de travail au sérieux, de même que les plaintes de harcèlement. Il a précisé avoir par la suite communiqué verbalement sa conclusion à l’inspecteur Clark, qui était le responsable en second du Bureau du district nord à cette époque.

146 Le caporal Adair a indiqué avoir dit au surintendant Morris qu’il faudrait d’abord tenter la médiation. Il a communiqué avec la fonctionnaire, qui a accepté d’aller de l’avant, de même que les autres parties, selon le surintendant Morris. La médiation n’a toutefois pas eu lieu, car le caporal Adair a eu de la difficulté à trouver des médiateurs qui pouvaient se rendre à Prince George dans un court délai en octobre et novembre. Au début de décembre 2003, avant que des arrangements puissent être faits, Mme Bailey a déposé une plainte de harcèlement contre la fonctionnaire et n’était plus prête à aller en médiation. Le caporal Adair a alors décidé que, par souci d’uniformité, les trois griefs de harcèlement devraient être traités de façon semblable. Il s’est organisé pour qu’une équipe de deux enquêteurs externes se rendent au Bureau du district nord pour enquêter sur les trois plaintes, en commençant par la plainte de la fonctionnaire contre M. Stephenson et le gendarme Wolney. L’équipe d’enquête n’a été nommée qu’au début de mars 2004.

147 Plus tard, la fonctionnaire a demandé qu’on lui remette des copies des notes que le caporal Adair avait prises lors de ses entrevues avec des employés du Bureau du district nord. Il lui a remis les notes qu’il avait prises lors de sa rencontre avec elle, mais il a refusé de lui fournir les notes de ses entrevues avec les autres employés. Il a affirmé avoir honoré la demande de la fonctionnaire de ne pas divulguer les commentaires qu’elle avait faits lors de l’entrevue avec le surintendant Morris.

148 Le 29 octobre 2003, lorsqu’elle a constaté que ses plaintes n’étaient pas traitées comme elle le voulait, la fonctionnaire a déposé des plaintes officielles de harcèlement auprès du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. Ses plaintes visaient M. Stephenson et le gendarme Wolney à titre de défendeurs.

149 Le courriel envoyé par la fonctionnaire le 1er octobre 2003 (pièce 1, onglet 5-I) portait entre autres sur le programme de formation sur le harcèlement. Elle a fait un certain nombre de déclarations négatives au sujet de son homologue qui animait le programme. Mme Bailey a affirmé lors de son témoignage que la fonctionnaire parlait d’elle, et non du sergent d’état-major Racicot. Même si Mme Bailey a affirmé qu’elle était prête, la fonctionnaire a soutenu que Mme Bailey n’était pas prête à élaborer le programme conjoint et qu’elle craignait de [traduction] « rater son coup ». La fonctionnaire a déclaré que Mme Bailey accordait peu d’importance à la mise en œuvre du programme de formation et qu’elle ne cessait de le reporter parce qu’elle n’était pas prête. La fonctionnaire a remis en question les motifs et le leadership de Mme Bailey, a affirmé que Mme Bailey accordait peu d’importance à la formation et ne la prenait pas comme une affectation sérieuse, contrairement à la fonctionnaire, et que Mme Bailey ne faisait que répéter les commentaires formulés par la fonctionnaire pendant des années quant au caractère sérieux de cette affectation, ce qui soulevait des questions sur les motifs et le leadership de Mme Bailey. Mme Bailey a affirmé n’avoir jamais dit les commentaires rapportés. Selon elle, ils ont été inventés et ils étaient insultants, stressants et faux.

150 Dans son courriel du 1er octobre 2003, la fonctionnaire a parlé trois fois de Mme Bailey en tant que [traduction] « cadre subalterne » ou « gestionnaire débutante » et elle a affirmé avoir parlé à la direction à plusieurs reprises de la nécessité de lancer plus rapidement la formation, mais qu’on a continuellement fait fi de ses demandes. Elle a déclaré que, pour une raison ou une autre, la direction ne parvenait pas à comprendre ce qu’elle disait. Elle croyait toutefois que [traduction] « […] dans tous les cas, elle parlait en anglais, aussi bien en personne que dans [ses] courriels ». La fonctionnaire a commenté ses problèmes de communication avec la direction, affirmant que selon elle, le surintendant Morris et Mme Bailey [traduction] « […] doivent posséder un niveau de communication très spécial, de haut niveau », et elle en a rajouté à propos du manque de compétences en leadership, en gestion et en relations humaines. Mme Bailey a affirmé que les commentaires de la fonctionnaire étaient faux, sarcastiques, insultants et humiliants.

151 Vers la fin octobre, la fonctionnaire et Mme Bailey ne se sont pas entendues pour dire si l’équipe avait tenu une séance de compte rendu après l’atelier du 10 septembre 2003 à Terrace (Colombie-Britannique). Il s’agissait du premier atelier effectué à titre de séance distincte, contrairement à tous les autres ateliers, qui avaient été ajoutés en tant que journée additionnelle aux ateliers à l’intention des superviseurs. Dans un courriel envoyé le 31 octobre 2003, Mme Bailey a déclaré que [traduction] « […] lors de la séance de compte rendu qui a suivi, tous les animateurs convenaient qu’il était plus avantageux, sur le plan de la logistique, d’effectuer ces séances au quatrième jour des ateliers à l’intention des superviseurs » (pièce 1, onglet 5-U, page 34).

152 Plus tard le 31 octobre 2003, la fonctionnaire a répondu par courriel que [traduction] « […] il n’y a eu à ce jour aucune séance de compte rendu sur le voyage à Terrace […] » (pièce 1, onglet 5-U, page 33). Mme Bailey a répondu que la séance de compte rendu dont elle parlait était la conversation que l’équipe avait eue dans la voiture alors qu’ils étaient en route vers l’aéroport. Elle a affirmé que « […] l’expression était appropriée pour désigner la discussion [qu’ils] ont eue à ce moment et que cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas d’autres séances de compte rendu » (pièce 1, onglet 5-U, page 33). La fonctionnaire a immédiatement répondu par courriel qu’elle comprenait parfaitement ce que [traduction] « séance de compte rendu » signifiait. Elle a écrit qu’elle ne demandait pas une définition de l’expression, mais qu’elle ne se souvenait pas d’une séance de compte rendu et qu’une brève conversation dans une voiture n’en constituait pas une.

153 La fonctionnaire a affirmé que, selon elle, la conversation qui avait eu lieu dans la voiture entre les trois animateurs après l’atelier concernant la façon dont s’était déroulé celui-ci ne constituait pas une séance de compte rendu selon la définition qu’elle donnait à cette expression.

154 Mme Bailey a indiqué que, le 3 novembre, elle a transféré l’échange de courriels du 31 octobre 2003 au surintendant Morris, en soulignant ses tentatives ratées d’établir une relation positive avec la fonctionnaire ainsi que l’attitude humiliante et non constructive de cette dernière. Mme Bailey a demandé que l’on procède à une intervention, car elle ne savait pas quoi faire d’autre (pièce 1, onglet 5-U, page 33).

155 En contre-interrogatoire, Mme Bailey a rejeté l’idée avancée par la fonctionnaire que cet échange sur la séance de compte rendu n’était peut-être qu’un malentendu.

156 On a renvoyé Mme Bailey à l’observation formulée par la fonctionnaire le 27 janvier 2005 à l’attention de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, dans laquelle la fonctionnaire a abordé la question de la formation à Terrace en disant qu’elle [traduction] « […] tenait une séance de compte rendu avec Bonnie et le sergent d’état-major Racicot lorsque Bonnie [l’a] humiliée subtilement » (pièce 1, onglet 8-U, paragraphe 6 à la page 5). Mme Bailey a affirmé lors de son témoignage qu’elle n’avait jamais vu le document de l’onglet 8-U avant ses préparatifs en vue de l’audience et qu’elle n’avait aucune idée à quoi le commentaire de la fonctionnaire faisait référence. La fonctionnaire a, par la suite, déposé une plainte de harcèlement alléguant que Mme Bailey l’avait harcelée [traduction] « subtilement » lorsqu’elle lui avait donné une définition de l’expression [traduction] « séance de compte rendu » dans son courriel du 31 octobre 2003.

157 Mme Bailey a soutenu que, le 2 décembre 2003, elle a déposé une plainte de harcèlement contre la fonctionnaire en raison de sa tendance à avoir une attitude négative, et ce, selon elle, dans le but de la déstabiliser et de la dénigrer. Dans cette plainte, elle a énuméré bon nombre des allégations avancées par la fonctionnaire dans son courriel du 1er octobre 2003 (pièce 1, onglet 5-U) et y a répondu. Sa plainte a par la suite été jugée fondée.

158 La plainte de harcèlement de Mme Bailey, datée du 2 décembre 2003, a été portée à l’attention de la fonctionnaire le 24 décembre 2003.

159 Le 31 décembre 2003, la fonctionnaire a déposé une longue plainte auprès du surintendant principal Dingwall, dans laquelle elle a remis en question la validité de la plainte déposée le 2 décembre par Mme Bailey, de même que les motifs qui l’ont poussée à la déposer. La fonctionnaire a déclaré que son courriel du 1er octobre 2003 avait été envoyé à des membres du syndicat afin d’obtenir des conseils et qu’il n’était destiné à personne d’autre. Elle a allégué que Mme Bailey avait agi de façon déplacée lors de la réunion sur le harcèlement du 14 octobre au Bureau du district nord ainsi que dans son courriel de réponse envoyé à la fonctionnaire le 31 octobre 2003, lorsqu’elle a subtilement harcelé la fonctionnaire en expliquant ce que signifie l’expression [traduction] « séance de compte rendu ». Elle a soutenu que la plainte de Mme Bailey datée du 2 décembre 2003 était de mauvaise foi, qu’elle avait été déposée en guide de représailles, [traduction] « à bon chat bon rat », en raison de la plainte contre M. Stephenson déposée en octobre 2003 par la fonctionnaire, et qu’il ne s’agissait que d’un moyen de l’effrayer pour qu’elle abandonne ses propres plaintes (pièce 164).

160 Mme Bailey a affirmé qu’elle n’était pas au courant de la plainte de la fonctionnaire et qu’elle n’avait jamais été interrogée à ce sujet. Elle a appris l’existence de cette plainte en 2005, alors qu’elle rassemblait des documents à la demande du surintendant principal Clark pour qu’ils soient transmis à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique pour l’enquête de sécurité « Briske ». Le surintendant Morris a affirmé que la plainte de la fonctionnaire était perçue comme une mesure de représailles contre la plainte de harcèlement déposée contre elle le 2 décembre par Mme Bailey.

161 On a renvoyé Mme Bailey à la correspondance ultérieure de la fonctionnaire avec la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique (pièce 1, onglet 8-U, paragraphe 26 de la page 10), dans laquelle elle a de nouveau déclaré que la plainte de harcèlement déposée le 2 décembre 2003 par Mme Bailey était [traduction] « en guise de représailles » à l’égard de la plainte déposée par la fonctionnaire contre M. Stephenson, qui était supervisé par Mme Bailey, et en guise de représailles pour avoir envoyé un courriel demandant la tenue de discussions avec Mme Bailey et le sergent d’état-major Racicot au sujet des ateliers sur le harcèlement. La fonctionnaire a allégué que [traduction] « c’est le courriel dans lequel Bonnie [l’a] harcelée très subtilement ». Mme Bailey a contesté la véracité de ces allégations. Elle a déposé sa plainte parce qu’elle se sentait harcelée par la fonctionnaire. Elle a soutenu que le courriel envoyé le 31 octobre 2003 par la fonctionnaire était autant l’une des raisons pour le dépôt de sa plainte que son courriel du 1er octobre 2003. Elle a fait valoir qu’elle n’avait jamais demandé à la fonctionnaire ce qu’elle voulait dire par son commentaire sur le [traduction] « harcèlement subtil » parce qu’elle n’a jamais été mise au courant de l’allégation de la fonctionnaire.

162 La fonctionnaire a affirmé lors de son témoignage qu’elle avait l’impression que Mme Bailey avait déposé sa plainte de harcèlement contre elle dans le but de faire obstacle à ses plaintes contre M. Stephenson et le gendarme Wolney. Elle a soutenu que sa réplique contre la plainte de Mme Bailey n’avait jamais fait l’objet d’une enquête. Elle n’a su qu’elle avait été rejetée que lorsqu’elle a reçu la lettre du commissaire Zaccardelli au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

163 Lorsque le surintendant a reçu les plaintes officielles de harcèlement déposées par la fonctionnaire contre M. Stephenson et le gendarme Wolney, à la fin du mois d’octobre 2003, il a immédiatement contacté le caporal Adair pour obtenir des conseils sur les mesures qu’il devrait prendre. Le caporal Adair a confirmé avoir reçu l’appel du surintendant Morris avant même de recevoir une copie des plaintes de la fonctionnaire.

164 Le caporal Adair et la fonctionnaire ont communiqué ensemble à plusieurs reprises alors qu’il tentait d’organiser une rencontre avec des médiateurs pour se pencher sur les deux plaintes de la fonctionnaire, puis, après décembre 2003, pour organiser la venue à Prince George de deux enquêteurs indépendants pour qu’ils enquêtent sur les trois plaintes de harcèlement.

4. Rendement au travail

165 En octobre 2001, la description de travail de la fonctionnaire comprenait les activités principales suivantes : compiler, examiner et tenir à jour des dossiers et des systèmes de dossiers; vérifier des dossiers dans le Système intégré de répartition de l’information, y consigner des renseignements et les fermer; télécharger des dossiers dans le Système intégré de récupération de renseignements judiciaires, y faire les modifications et les ajouts nécessaires, et y fermer des dossiers.

166 La fonctionnaire a fourni certaines de ses évaluations du rendement, qui remontaient jusqu’en 1979. Elle a mis l’accent sur une évaluation qu’elle avait reçue peu après son arrivée au Bureau du district nord, laquelle datait du 29 août 2002 et avait été rédigée par son superviseur, le sergent Czernicki. De manière générale, il était indiqué, dans ses évaluations du rendement d’octobre 2001 et d’août 2002, que son rendement était bon.

167 La fonctionnaire a déclaré qu’avant son arrivée au Bureau du district nord, elle était l’une des deux ou parfois trois femmes, au détachement de Prince George, qui consignaient des données dans le système du Centre d’information de la police canadienne. Plusieurs témoins, notamment l’inspecteur Clark, ont décrit le système du Centre d’information de la police canadienne comme étant le « Saint-Graal » de la GRC et ont souligné qu’il était crucial que les données y soient saisies rapidement et correctement. Les arrestations et les mises en liberté étaient fondées sur les renseignements contenus dans le système du Centre d’information de la police canadienne.

168 La fonctionnaire était la seule fonctionnaire au Bureau du district nord. Elle entrait plus de données dans le système du Centre d’information de la police canadienne qu’elle ne le faisait dans son poste précédent. Elle a précisé qu’elle avait demandé à suivre un cours sur le système du Centre d’information de la police canadienne presque dès son arrivée au Bureau du district nord, parce que, bien qu’elle assurait l’entrée des données dans le système, ces entrées étaient compliquées, et elle voulait faire du bon travail. Elle a affirmé qu’il était très important que les données entrées dans le système du Centre d’information de la police canadienne soient exactes.

169 L’employeur ne croyait pas qu’elle avait besoin d’une formation officielle et estimait qu’elle pouvait accomplir le travail en se fondant sur les directives et l’encadrement de son superviseur et des fonctionnaires du détachement de Prince George qui entraient aussi des données dans le système du Centre d’information de la police canadienne.

170 Le sergent Beach a affirmé avoir fourni à la fonctionnaire un exemplaire du manuel sur le système du Centre d’information de la police canadienne et lui avoir offert la possibilité de visiter le détachement de Prince George où elle aurait travaillé avec le commis responsable d’entrer les données dans le système du Centre d’information de la police canadienne, afin d’obtenir l’expérience nécessaire. La fonctionnaire a refusé cette offre. Selon elle, le sergent d’état-major Beach lui a remis des notes, non le manuel sur le système du Centre d’information de la police canadienne, et celles-ci n’étaient pas suffisantes pour répondre à ses besoins. Elle a contesté son témoignage et indiqué qu’il ne lui avait pas offert cette possibilité.

171 La fonctionnaire a déclaré que les femmes au détachement de Prince George étaient formidables. Elles l’ont aidée lorsqu’elle leur a demandé, mais cette aide ne revenait pas au même que si l’employeur lui avait fait suivre une formation officielle afin qu’elle développe ses compétences, comme elle l’avait demandé.

172 La fonctionnaire a accusé Mme Bailey de l’empêcher de suivre une formation officielle.

173 La fonctionnaire a reçu une évaluation du rendement datée du 29 juillet 2003, laquelle a été rédigée par le sergent d’état-major Beach. Il était devenu son superviseur au printemps 2003 (pièce 1, onglet 8-P, pages 2 et 3). L’évaluation était positive. Le caporal Adair a indiqué que les commentaires du sergent d’état-major Beach sur le rendement de la fonctionnaire étaient positifs en septembre et en octobre, lorsque le caporal Adair se trouvait au Bureau du district nord en raison des plaintes de harcèlement de la fonctionnaire.

174 Le sergent d’état-major Beach a affirmé qu’il occupait ses fonctions depuis peu et que ce n’est qu’après avoir acquis une certaine expérience que son opinion quant au rendement du travail de la fonctionnaire a commencé à changer.

175 Au début de novembre 2003, le gendarme Wolney a vérifié les dossiers en suspens dans le système du Centre d’information de la police canadienne. Il a découvert plusieurs erreurs dans neuf dossiers opérationnels. Il a signalé ses constatations.

176 Le 14 novembre, le détachement de Burnaby a exécuté un mandat d’arrêt en lien avec un dossier du District nord de la Division « E » (dossier 2002-1263; le « dossier posant problème »). L’arrestation était illégale. Cette situation s’est produite parce que l’inscription du mandat n’avait pas été supprimée dans le système du Centre d’information de la police canadienne, ce qui aurait dû être fait par la fonctionnaire.

177 Selon la fonctionnaire, ce n’était pas seulement son erreur qui a entraîné l’arrestation illégale, mais plutôt l’ensemble de plusieurs erreurs, dont une commise par le tribunal.

178 Lorsque le sergent d’état-major Beach a été mis au courant des erreurs découvertes par le gendarme Wolney, le 20 novembre 2003, il a fourni à la fonctionnaire des directives écrites (un formulaire de rapport de continuation; le « formulaire original de rapport de continuation ») sur la façon d’entrer correctement des données dans le système du Centre d’information de la police canadienne dans des dossiers similaires. Il a joint le formulaire original de rapport de continuation au dossier posant problème et en a donné un exemplaire à la fonctionnaire pour qu’elle le conserve à son bureau afin d’éviter de commettre des erreurs futures. Plus tard ce jour-là, il lui a remis un deuxième formulaire de rapport de continuation afin qu’elle l’utilise en tant que directive générale pour les entrées dans le système du Centre d’information de la police canadienne ainsi que pour les mandats visés et non visés. Il a placé cette seconde directive dans chacun des neuf dossiers opérationnels qui avaient été relevés par le gendarme Wolney, dont le dossier posant problème. Il en a donné un exemplaire à la fonctionnaire et en a placé un autre dans son dossier personnel de bureau. Il a ensuite avisé le sergent d’état-major McCaig qu’il avait abordé le problème soulevé par le gendarme Wolney avec la fonctionnaire, qu’elle avait bénéficié d’un encadrement, qu’elle avait un exemplaire des directives à suivre à son bureau et que le problème était résolu et clos.

C. Événements de 2004

1. De janvier à mars

179 Le 13 janvier, le sergent d’état-major Beach a parlé à la fonctionnaire au sujet de ses absences du travail. Selon lui, ses absences étaient causées davantage par des problèmes de santé mentale que de santé physique. Il lui a demandé de faire appel au PAE ou de consulter un médecin pour recevoir de l’aide, car il croyait qu’elle avait besoin de parler à quelqu’un. Il l’a informée que ses absences avaient des répercussions négatives sur le travail qu’elle faisait et qu’il avait besoin d’elle au travail (pièce 26, onglet A-2).

180 Le 15 janvier 2004, la fonctionnaire et le caporal Adair ont échangé des courriels sur le rôle qu’il avait joué lors de la visite au Bureau du district nord en octobre 2003. Selon lui, son rôle consistait, à la demande du surintendant Morris, à examiner la possibilité d’une médiation entre la fonctionnaire et les personnes qu’elle avait accusées de harcèlement. De plus, il devait parler aux fonctionnaires et recevoir une rétroaction de leur part quant à la réunion obligatoire du 14 octobre 2003 que le surintendant Morris avait planifié et à laquelle les fonctionnaires avaient assisté avec leurs superviseurs afin de discuter de la position du surintendant Morris sur le harcèlement et les plaintes de harcèlement. Le caporal Adair s’est opposé à l’interprétation de la fonctionnaire selon laquelle il avait mené une enquête visant à établir les faits concernant ses plaintes de harcèlement à ce moment-là et il l’a informée que, étant donné que Mme Bailey avait déposé une plainte de harcèlement contre elle et ne souhaitait pas avoir recours à la médiation pour y donner suite, une enquête officielle serait réalisée sur les deux plaintes de la fonctionnaire contre ses collègues ainsi que sur la plainte de Mme Bailey contre la fonctionnaire. Le caporal Adair a affirmé que cette décision avait été prise afin que les trois plaintes de harcèlement du Bureau du district nord soient traitées de la même manière.

181 Dans sa réponse du 15 janvier adressée au caporal Adair, la fonctionnaire a accusé le surintendant Morris et Mme Bailey de l’avoir humiliée lors de la réunion du 14 octobre 2003 en mentionnant son nom et en parlant du fait qu’elle avait déposé une plainte. Ils ont précisé contre qui elle avait déposé la plainte ainsi que d’autres renseignements. La fonctionnaire a écrit ce qui suit : [traduction] « Savez-vous si ce genre de chose est survenu auparavant? Notamment si une telle chose s’est produite en l’absence de la personne et qu’elle n’a pas eu la possibilité de s’exprimer? » (voir pièce 94). La fonctionnaire a aussi indiqué au caporal Adair qu’elle avait beaucoup à dire au sujet de l’exactitude des réponses de Mme Bailey et a affirmé qu’elle avait en sa possession des enregistrements de ses rencontres avec Mme Bailey dont elle ne serait pas contente et qu’ils constitueraient une autre raison pour laquelle elle ne voudrait pas envisager la médiation.

182 Le 30 janvier 2004, la fonctionnaire est venue voir le surintendant Morris, l’interrompant, comme il lui avait demandé de le faire si elle se sentait victime de harcèlement. Il était en réunion dans son bureau avec l’inspecteur Wheadon et l’inspecteur Clark. Elle a déclaré que M. Stephenson venait de la harceler dans son bureau. Le surintendant Morris a demandé à l’inspecteur Wheadon de sortir de son bureau et à la fonctionnaire et à l’inspecteur Clark d’y rester. Il a immédiatement demandé à M. Stephenson de venir dans son bureau afin qu’il puisse entendre les versions des deux parties opposées dans le conflit.

183 La fonctionnaire a accusé M. Stephenson de l’avoir harcelée lorsqu’il est venu dans le bureau du Service de la sécurité routière et ne lui a pas porté attention alors qu’elle lui demandait s’il avait besoin d’aide. Selon les témoignages du surintendant Morris et de l’inspecteur Clark, M. Stephenson a écouté les accusations de la fonctionnaire et a affirmé qu’il s’était rendu dans ce bureau afin de livrer un colis au bureau du champ de tir. De façon professionnelle, il a indiqué qu’il n’avait pas parlé à la fonctionnaire parce qu’il n’avait plus confiance en elle.

184 Dans leur version de ce qui s’est passé ensuite, le surintendant Morris et l’inspecteur Clark ont affirmé que la fonctionnaire s’est immédiatement levée, a pointé son doigt en direction du visage de M. Stephenson et l’a traité de [traduction] « trou de cul » ou de [traduction] « trou de cul de menteur ». Le surintendant Morris a ensuite demandé à M. Stephenson de sortir de son bureau. Il a alors dit à la fonctionnaire que ses propos étaient inacceptables. Il lui a demandé de demeurer respectueuse et polie. Elle lui a ensuite fait des commentaires méprisants sur son manque de leadership, d’intégrité, d’impartialité et d’honnêteté. Il lui a demandé de sortir. Selon lui, elle était hors de contrôle.

185 Le surintendant Morris a plus tard décrit le comportement que la fonctionnaire avait adopté dans son bureau le 30 janvier 2004, comme était un comportement enragé et dénué de professionnalisme.

186 L’inspecteur Clark a affirmé qu’il s’entendait généralement bien avec la fonctionnaire. Cependant, au cours de la période en question, ses fonctions concernaient les opérations au District nord de la Division « E », et non le personnel. Son bureau était situé juste à côté de celui du surintendant Morris. Selon lui, son rôle lors de réunions comme celle du 30 janvier 2004 consistait à être un observateur impartial. Il a précisé que la réunion avait eu lieu dans le bureau du surintendant Morris, de 10 h à 10 h 10, et qu’il avait pris des notes à propos de l’incident à 10 h 25. Ses notes ont été présentées en pièce 1, onglet 5-J.

187 L’inspecteur Clark a indiqué que, bien qu’il ne puisse qualifier le comportement de la fonctionnaire lors de la réunion du 30 janvier de [traduction] « délirant », elle s’était effectivement emportée. Il a affirmé que, selon lui, elle avait été [traduction] « en colère, agitée, fâchée » et [traduction] « hors d’elle-même». Ses propos étaient offensants, et le surintendant Morris lui a dit que ceux-ci n’étaient pas professionnels et qu’elle devrait s’excuser. Il a précisé que le surintendant Morris n’avait pas élevé la voix ni crié, mais qu’il lui avait finalement dit de sortir de son bureau. Il a aussi fait valoir que M. Stephenson avait conservé une attitude calme, polie, directe et professionnelle tout au long de la réunion, et ce, même lorsqu’il a été attaqué par la fonctionnaire d’une façon qui manquait de professionnalisme.

188 L’inspecteur Clark a soutenu que la fonctionnaire semblait avoir [traduction] « de l’aversion » pour M. Stephenson et le gendarme Wolney, et qu’il ne comprenait pas pourquoi. Son comportement envers eux était, à son avis, déraisonnable. Selon lui, le surintendant Morris essayait de découvrir la raison de ce comportement.

189 Selon la version des événements de la fonctionnaire, elle était d’avis que M. Stephenson avait admis à deux reprises l’avoir harcelée devant les personnes présentes. Elle ne comprenait pas pourquoi le surintendant Morris ne prenait aucune mesure. Elle a affirmé (et a plus tard écrit) qu’elle a dit à M. Stephenson qu’il mentait et qu’il était un trou de cul, mais elle a nié l’avoir traité de [traduction] « trou de cul de menteur » et elle a dit que ses paroles étaient un [traduction] « lapsus ». Elle a soutenu que le surintendant Morris l’avait menacée de lui imposer une mesure disciplinaire pour l’incident et, à son tour, elle l’a accusé de ne pas être impartial en raison de son amitié avec M. Stephenson.

190 La fonctionnaire a affirmé que le surintendant Morris avait menti lorsqu’il a écrit, en novembre 2004, dans un rapport à l’intention de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, qu’elle était dans un état de rage incontrôlable lors de la réunion du 30 janvier 2004. Elle a produit en preuve une transcription d’une rencontre avec l’inspecteur Clark qu’elle a secrètement enregistrée, après avoir reçu un exemplaire du rapport de novembre du surintendant Morris, et lors de laquelle elle lui a demandé à plusieurs reprises s’il était d’avis qu’elle avait été dans un état de rage incontrôlable pendant la réunion. Il a dit qu’il ne décrirait pas son comportement de cette façon, mais qu’il dirait plutôt qu’elle avait été bouleversée.

191 La fonctionnaire a soutenu que, selon elle, elle n’avait pas agi de manière non professionnelle au cours de la réunion. De son point de vue, son ton était affirmatif, mais elle n’était pas fâchée, agressive ou insultante

192 Immédiatement après la réunion, la fonctionnaire a envoyé au moins trois courriels datés du 30 janvier 2004 et intitulés [traduction] « Harcèlement continu dans le milieu de travail » à diverses personnes. Dans ces courriels, elle a exprimé son opinion sur ce qui s’était passé lors de la réunion et a répété ses accusations relatives au manque d’intégrité et d’impartialité du surintendant Morris.

193 Tous les courriels étaient adressés à [traduction] « Monsieur », sans autres précisions. Ils contiennent tous deux paragraphes identiques. Cependant, le courriel qui se trouve dans la pièce de l’employeur (pièce 1, onglet 5-J, à la page 2) montre qu’il a été envoyé en copie à huit membres de la direction et du syndicat, dont le surintendant Morris et Mme Stangrecki. Le même courriel apparaît dans les pièces de la fonctionnaire, soit aux pièces 95 et 96. La pièce 95 montre qu’il n’a pas été envoyé en copie à qui que ce soit, mais que le caporal Adair y a répondu. La pièce 96 montre qu’il a été envoyé en copie uniquement au surintendant principal Dingwall et à Mme Stangrecki. Le même courriel apparaît encore une fois à la pièce 29, à l’onglet C-9, et cette fois il est adressé à l’inspecteur Clark, au surintendant principal Dingwall et au caporal Adair, et a été envoyé en copie à deux membres de la direction et à deux membres du syndicat. La pièce 79 montre que la fonctionnaire a aussi envoyé son courriel en copie conforme invisible à Beverley A. Busson, sous-commissaire de la Région du Pacifique et commandante du District nord de la Division « E ». La fonctionnaire a reçu une réponse de l’officier d’état-major relevant de la sous-commissaire à propos du fait qu’il n’était pas convenable d’adresser un tel courriel à la sous-commissaire, compte tenu de son rôle d’arbitre de grief dans le cadre de processus officiels.

194 Dans le courriel, la fonctionnaire a affirmé qu’elle avait été harcelée par M. Stephenson ce matin-là et que, après qu’elle lui a dit de ne pas revenir dans sa section à moins d’agir avec elle de façon professionnelle et courtoise, M. Stephenson a pointé son doigt dans sa direction et lui a dit qu’elle n’avait pas le droit de lui dire quoi faire. Elle a indiqué que le surintendant Morris lui avait dit qu’elle devrait présenter des excuses étant donné qu’elle avait traité M. Stephenson de trou de cul, mais qu’elle ne le ferait pas, car il était un trou de cul et il l’avait harcelée. Elle a aussi affirmé ce qui suit (pièce 1, onglet 5-J, pages 2 et 3) :

[Traduction]

[…]

[Ç]a ne sert à rien que je signale quoi que ce soit à Mike Morris, parce qu’il ne considère pas du tout le harcèlement comme un problème important. Il ne veut pas prendre de mesures à l’égard des problèmes que j’ai soulevés, qui sont nombreux, et en plus, parce que je commets un lapsus pendant une nanoseconde, il veut en faire une montagne et m’imposer une mesure disciplinaire. Il se livre à une vendetta et ce n’est pas drôle. Encore une fois, Mike l’a prouvé et, encore une fois, il a prouvé qu’il prend le parti de ses amis […].

[…]

195 La fonctionnaire a ajouté que le surintendant Morris lui avait dit qu’elle devrait sortir de son bureau. Elle a répondu qu’elle était heureuse de le faire étant donné qu’il n’était pas prêt à faire quoi que ce soit afin de corriger la situation qu’elle avait portée à son attention. Elle a demandé qu’un exemplaire de la politique sur le harcèlement soit remis au surintendant Morris.

196 Le surintendant Morris a affirmé et a plus tard écrit que la description des événements fournie par la fonctionnaire était très différente de ce qui s’était réellement produit, et que sa rage incontrôlable ainsi que sa version inexacte des événements augmentaient ses préoccupations quant à sa bonne santé mentale.

197 L’inspecteur Clark a soutenu que, dans son courriel, la fonctionnaire avait minimisé la gravité des commentaires de nature non professionnelle qu’elle avait adressés au surintendant Morris au cours de la réunion du 30 janvier 2004 et avait fait une description inexacte de ce qu’il lui avait dit. Il a aussi indiqué qu’après la réunion, il a commencé à observer une tendance de comportement chez elle. Il a observé que, lorsqu’elle avait une interaction avec lui ou avec une autre personne, elle envoyait après coup un courriel dans lequel elle décrivait sa version des événements et que, souvent, sa version n’était pas exacte. Il a décrit les courriels qu’elle a envoyés après la réunion à titre d’exemple de ce comportement. Sa perspective et son souvenir de la réunion et des événements connexes étaient assez différents de ceux de la fonctionnaire.

198 Le caporal Adair a aussi reçu un courriel de la part de la fonctionnaire, bien qu’il n’était pas sûr si elle l’avait mis en copie conforme invisible lorsqu’elle a envoyé un courriel au surintendant principal Dingwall ou si elle le lui avait envoyé directement (pièce 95). Il lui a répondu plus tard ce jour-là et lui a indiqué qu’il achevait d’organiser l’envoi d’une équipe d’enquête au Bureau du district nord afin d’enquêter sur la situation. Il a conseillé à la fonctionnaire de consigner ses plaintes et ses préoccupations pour les enquêteurs, plutôt que d’envoyer des courriels (pièce 29, onglet C-8).

199 Le 5 février 2004, le caporal Adair a répondu au courriel daté du 30 janvier 2004 de la fonctionnaire en mettant en copie les autres personnes qu’elle avait elle-même mises en copie. Il a affirmé et a écrit dans sa réponse au courriel que, normalement, il n’envoyait pas une [traduction] « réponse à tous » lorsqu’il répondait à des courriels, mais, étant donné qu’il s’agissait du deuxième courriel dont il avait connaissance dans lequel la fonctionnaire indiquait que le surintendant Morris ne prenait pas le harcèlement en milieu de travail ni les plaintes de harcèlement au sérieux, et que la fonctionnaire envoyait ses courriels en copie à des membres de la haute direction de la GRC, il avait considéré qu’en tant que conseiller en harcèlement, il se devait de répondre. Il a donné un aperçu des mesures que le surintendant Morris avait prises et a indiqué que rien dans le comportement ou l’attitude du surintendant Morris ne lui laissait croire que M. Morris ne prenait pas le harcèlement au sérieux. Il a aussi pris l’entière responsabilité pour le retard dans la mise à disposition de deux enquêteurs formés pouvant se déplacer à Prince George afin de mener l’enquête officielle sur les plaintes de harcèlement déposées par la fonctionnaire en octobre 2003 (pièce 96).

200 En contre-interrogatoire, quand il a été interrogé sur sa perception des préoccupations de la fonctionnaire, le caporal Adair a affirmé qu’il n’avait aucun doute qu’elle croyait que le surintendant Morris ne prenait pas le harcèlement au sérieux, mais qu’il ne partageait pas cette opinion.

201 Le 17 février 2004, la fonctionnaire a déposé un grief contre Mme Bailey, alléguant que cette dernière n’avait pu fournir un milieu de travail exempt de harcèlement (pièce 164). Dans le grief, elle a allégué que le courriel du 31 octobre 2003 de Mme Bailey constituait un harcèlement [traduction] « subtil », de par la mention qu’elle faisait d'une [traduction] « séance de compte rendu ».

202 Mme Bailey a affirmé qu’elle n’était pas au courant de l’existence de la plainte de la fonctionnaire de décembre 2003 ou du grief qu’elle avait déposé contre elle en février 2004. Elle en a eu connaissance lorsqu’elle a rassemblé les documents, plus tard en 2005, à la demande du surintendant principal Clark, pour l’enquête Briske. Elle n’a jamais été interrogée au sujet de la plainte ou du grief, et la fonctionnaire ne l’a jamais informée de la plainte. Le surintendant Morris a soutenu que l’employeur était d’avis que la plainte et le grief de la fonctionnaire étaient des actes posés en guise de représailles en raison de la plainte de harcèlement déposée contre elle par Mme Bailey le 2 décembre 2003.

203 Le 18 février 2004, le surintendant Morris a communiqué avec le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique dans le but d’obtenir des conseils sur la façon d’obliger la fonctionnaire à prendre un rendez-vous chez le médecin, pour sa sécurité et celles des autres employés. Il a affirmé que son comportement au travail était tellement bizarre qu’il croyait qu’un problème médical pouvait être au cœur du problème. Il ne voulait pas entreprendre une mesure disciplinaire à l’égard d’un employé si la cause du comportement inacceptable était médicale.

204 Le 24 février 2004, la fonctionnaire a déposé un grief contre le surintendant Morris au motif qu’il n’avait pu fournir un environnement exempt de harcèlement. Elle a fourni trois pages de demandes visant des mesures correctives, dont de nombreuses excuses. Elle a expressément demandé à ce que le grief soit mis en suspens en attendant le résultat de l’enquête organisée par le caporal Adair concernant ses plaintes de harcèlement déposées contre M. Stephenson et le gendarme Wolney (pièce 1, onglet 5-K).

205 Lorsque la fonctionnaire a déposé son grief pour harcèlement contre le surintendant Morris, elle était présidente du SESG à Prince George, et Mme Stangrecki était vice-présidente et déléguée syndicale en chef. Mme Stangrecki a déclaré qu’à titre de déléguée syndicale en chef, son travail consistait à traiter les griefs déposés par les membres, ce qui nécessitait qu’elle les signe et les envoie au bon palier. Elle travaillait alors en étroite collaboration avec la fonctionnaire.

206 Le 24 février 2004, lorsque la fonctionnaire a déposé son grief pour harcèlement contre le surintendant Morris, elle a demandé à ce que son superviseur, le sergent d’état-major Beach, signe le rapport sur le grief et le bordereau de transmission. Mme Stangrecki était présente en tant que représentante syndicale et agissait à titre de témoin. Elle et la fonctionnaire souhaitaient toutes deux passer outre le premier palier de la procédure de règlement des griefs, parce qu’elles croyaient qu’il ne serait pas approprié pour le surintendant Morris d’instruire le grief au premier palier, comme le veut la procédure normale de règlement des griefs. Elles ont présenté le grief au sergent d’état-major Beach et lui ont demandé de l’approuver au premier palier, à la place du surintendant Morris, et de l’envoyer directement au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique afin qu’il soit instruit au deuxième palier. Le sergent d’état-major Beach et Mme Stangrecki ont signé les avis de grief. Le sergent d’état-major Beach a gardé un exemplaire et en a laissé un autre dans la boîte aux lettres du surintendant Morris avant d’envoyer le grief et les documents d’envoi au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, à Vancouver.

207 La fonctionnaire et le sergent d’état-major Beach n’étaient pas d’accord sur ce qui avait été dit concernant le fait de donner au surintendant Morris un exemplaire du grief avant de l’envoyer au deuxième palier.

208 Mme Stangrecki. Il a affirmé qu’il avait demandé de l’aide à un certain nombre de personnes, notamment le personnel du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, pour savoir comment traiter l’information, mais que personne n’était disponible pour le conseiller. Il a dit à la fonctionnaire qu’il fournirait un exemplaire des renseignements d’envoi au surintendant Morris, étant donné qu’il avait le droit d’être tenu au courant à titre de surintendant du District nord de la Division « E ». La fonctionnaire ne s’est pas opposée. Il a placé un exemplaire du grief dans une enveloppe dans la boîte aux lettres du surintendant Morris avant d’envoyer le grief et les documents d’envoi. Il n’a pas parlé du grief au surintendant Morris à ce moment-là.

209 La version de la fonctionnaire est différente. Elle a soutenu avoir expressément dit au sergent d’état-major Beach qu’il ne devrait pas fournir au surintendant Morris un exemplaire, étant donné qu’elle n’estimait pas qu’il avait besoin de savoir. Le sergent d’état-major Beach a quand même fourni un exemplaire au surintendant.

210 Mme Stangrecki a confirmé que la fonctionnaire ne voulait pas que le surintendant Morris reçoive un exemplaire de son grief contre lui et qu’elle était fâchée que le sergent d’état-major Beach lui en ait remis un. Elle a précisé qu’elle aurait dit à la fonctionnaire que ce n’était vraiment pas grave que le sergent d’état-major Beach donne un exemplaire au surintendant Morris, parce que si une personne est nommée dans un grief, selon la procédure normale, cette personne a le droit d’en recevoir un exemplaire, donc le surintendant Morris en aurait reçu un une fois que le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique aurait reçu le grief. Elle a indiqué qu’elle ne se souvenait plus si elle avait dit cela à la fonctionnaire avant ou après la réunion avec le sergent d’état-major Beach, et elle n’était pas certaine s’il était présent lorsqu’elle l’a dit à la fonctionnaire. Elle n’était pas certaine non plus s’il avait donné un exemplaire au surintendant Morris à la fin de la réunion. Elle a aussi déclaré qu’elle ne se rappelait plus si la fonctionnaire avait discuté avec elle avant de déposer sa plainte en matière de sécurité ministérielle de juin 2004, dans laquelle elle a allégué que le sergent d’état-major Beach avait commis une infraction à la sécurité en donnant au surintendant Morris un exemplaire du grief.

211 Le 3 mars 2004, pour donner suite à la recommandation du caporal Adair, le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique a nommé Catherine Chagnon, d’Ottawa, et le sergent d’état-major Dave Hornungk, de Chilliwack, enquêteurs indépendants de l’extérieur du Bureau du district nord afin qu’ils enquêtent sur les plaintes de harcèlement déposées contre M. Stephenson et le gendarme Wolney en octobre 2003, ainsi que sur la plainte de harcèlement déposée contre la fonctionnaire par Mme Bailey en décembre 2003. Les enquêteurs ont accepté de ne pas seulement examiner les plaintes pour harcèlement déposées par la fonctionnaire entre mai 2001 et septembre 2003, mais aussi ses nouvelles plaintes déposées entre septembre 2003 et janvier 2004.

212 Le 3 mars, la fonctionnaire est entrée dans l’espace de travail du gendarme Wolney alors qu’il n’était pas présent. Elle a demandé une ébauche des consignes de tir et s’est dirigée vers le compartiment de rangement supérieur (qui contenait des documents et des dossiers) en disant qu’elle les avait vues à cet endroit et qu’elle voulait vérifier dans le compartiment pour voir si elles s’y trouvaient encore. Mme Bailey, qui travaillait dans cette zone, a indiqué avoir dit à la fonctionnaire qu’elles n’étaient pas là et qu’elles étaient en cours de révision. La fonctionnaire a répondu qu’elle les avait vues à cet endroit auparavant et qu’un document était important pour elle et qu’elle voulait l’avoir. Elle a examiné le contenu du compartiment.

213 Le 3 mars 2004, le sergent d’état-major Beach a noté que le formulaire original de rapport de continuation qu’il avait fourni à la fonctionnaire avait été enlevé des neuf dossiers à réviser dans lesquels il avait été placé, y compris le dossier (de travail) personnel de la fonctionnaire. Les corrections avaient été apportées aux dossiers, mais le formulaire original de rapport de continuation avait été enlevé. Le sergent d’état-major Beach a indiqué avoir réécrit les instructions pour ensuite les replacer dans les dossiers respectifs afin de remplacer les exemplaires manquants. Selon le témoignage de la fonctionnaire, le formulaire original de rapport de continuation n’a jamais été absent des dossiers; par conséquent, il n’y avait rien à remplacer.

214 Le 7 mars 2004, la fonctionnaire a reçu un rapport favorable de la part du caporal Flewelling, avec qui elle travaillait à un projet spécial de courte durée (pièce 151).

215 En mars, la direction a exprimé des préoccupations quant au rendement de la fonctionnaire et particulièrement quant à son utilisation inappropriée du système de courriels GroupWise de la GRC pour envoyer de nombreux longs courriels à des membres du syndicat et à d’autres personnes de l’extérieur du Bureau du district nord, souvent en copie conforme invisible, dans lesquels elle donnait son opinion sur plusieurs questions liées au bureau. Des préoccupations ont aussi été exprimées à propos du temps de travail utilisé pour rédiger ces courriels. Le sergent d’état-major Beach a ordonné à la fonctionnaire de cesser d’utiliser le système de courriels GroupWise de la GRC pour envoyer des courriels personnels. Il lui a ordonné de ne l’utiliser qu’après 15 h.

216 Le 22 mars 2004, le sergent d’état-major Beach a restreint l’accès de la fonctionnaire pour des fonctions officielles afin qu’elle ne soit admise dans l’édifice que de 8 h à 16 h. Elle a affirmé qu’il a imposé cette restriction après qu’elle soit retournée au bureau pour s’occuper de son courrier électronique et qu’elle y soit restée une nuit jusqu’à environ 2 h du matin. Il a dit qu’il était préoccupé par son bien-être et qu’il croyait qu’elle devait se reposer davantage, mais elle a trouvé ses gestes humiliants et embarrassants et qu’il s’agissait d’un subtil abus de pouvoir.

217 Le 25 mars, le sergent d’état-major Beach a remarqué que le formulaire original de rapport de continuation était retourné dans le dossier personnel de bureau de la fonctionnaire, mais qu’il n’était pas placé dans l’ordre séquentiel. Il a rempli un formulaire de plainte en matière de sécurité ministérielle et en a informé l’inspecteur Wheadon.

218 La fonctionnaire était en congé de maladie du 31 mars au 7 mai 2004. Elle est retournée au travail le 10 mai 2004 et a travaillé jusqu’au 9 juin 2004. Elle n’a ensuite pas travaillé jusqu’au 5 août 2004. Aux alentours du 7 juillet, la nature de son congé pour une période indéterminée a été modifiée : elle n’était plus en congé de maladie pour une durée indéterminée, bien qu’elle ne travaillait toujours pas, car elle était maintenant considérée comme étant en interruption de travail en attendant la réalisation d’une évaluation de son aptitude au travail.

2. D’avril à juin

219 Le 1er avril, la Cour provinciale a demandé pourquoi l’ensemble des membres du Service de sécurité routière du District nord de la Division « E » ne s’étaient pas présentés devant la cour la semaine précédente. Ils ont tous allégué qu’ils n’étaient pas au courant d’un quelconque engagement à l’égard de la Cour et qu’ils n’avaient reçu aucun avis. Une fouille du poste de travail de la fonctionnaire a révélé un nombre considérable d’avis qui avaient été reçus deux mois à l’avance, mais qui n’avaient pas été distribués. Le sergent d’état-­major Beach a affirmé que plusieurs lettres, des rapports d’accidents et de la correspondance datant de plusieurs mois ont été trouvés, et que tous nécessitaient que des mesures soient prises.

220 Le surintendant Morris a soutenu qu’à la suite d’une enquête, on a conclu qu’il ne s’agissait pas d’un incident isolé. Il soupçonnait la fonctionnaire d’avoir volontairement fait abstraction des avis de la Cour et des autres correspondances afin de discréditer son superviseur.

221 La version des événements de la fonctionnaire était différente. Elle a déclaré qu’elle conservait consciencieusement une trace des avis d’audience qu’elle avait reçus après avoir été faussement accusée de ne pas faire son travail. Elle a allégué que le sergent d’état-major Beach avait délibérément omis de lui donner plusieurs des avis concernant la sécurité routière pour saboter son travail. Elle a affirmé qu’il n’était pas content d’elle parce qu’elle avait déposé le grief de harcèlement contre le surintendant Morris en février 2004. Elle a prétendu que le sergent d’état-major Beach avait manifesté de piètres compétences en matière de leadership parce qu’il avait choisi un camp. Elle a allégué et a plus tard écrit dans plusieurs courriels qu’il avait ordonné au sergent d’état-major Beach d’être plus sévère avec elle en raison de ses actions, ce qui représentait un abus de son pouvoir (voir pièce 197, page 10).

222 Le 8 avril 2004, l’inspecteur Wheadon a demandé qu’une enquête de sécurité soit menée sur l’absence des formulaires de rapport de continuation qui avaient été placés dans les dossiers du système du Centre d’information de la police canadienne par le sergent d’état-major Beach. Le sergent d’état-major Hildebrand a été nommé pour réaliser l’enquête, laquelle a eu lieu en septembre et octobre 2004.

223 La fonctionnaire a plus tard allégué que Mme Bailey avait encouragé le sergent d’état-major Beach à déposer la fausse plainte en matière de sécurité ministérielle contre elle. Mme Bailey a nié avoir quoi que ce soit à voir avec le dépôt de cette plainte.

224 La fonctionnaire est revenue de son congé de maladie le matin du 10 mai 2004. Le sergent d’état-major Beach lui a fourni un [traduction] « formulaire 1004 », qui exposait les grandes lignes directrices relativement à son travail.

225 La fonctionnaire a affirmé qu’à son retour, le sergent d’état-major Beach lui a dit qu’il n’avait plus l’intention d’envoyer une description de travail mise à jour afin d’élever le niveau de son poste. Elle a perçu son geste comme étant de l’abus de pouvoir.

226 Le 27 mai 2004, le sergent d’état-major Beach a rédigé une fiche de rendement dans laquelle il a mentionné que la fonctionnaire n’avait pas entré certaines données dans le système du Centre d’information de la police canadienne ainsi que pour signaler un changement à la principale priorité de son emploi. Il a noté que le fait d’entrer des données dans le système du Centre d’information de la police canadienne faisait partie de sa description de travail et que, par le passé, elle l’avait fait sans problème. Il a aussi mentionné qu’elle ne lui adresserait pas la parole sans qu’un témoin soit présent. Les notes écrites par la fonctionnaire sur la fiche indiquaient qu’elle ne lui parlait pas sans témoin en raison de quelque chose qui s’était produit à l’arrière scène et qui découlait d’une fausse allégation. Elle a demandé ce qui justifiait qu’elle cesse complètement d’entrer des données dans le système du Centre d’information de la police canadienne, étant donné qu’elle accomplissait cette tâche depuis 2001. Elle a fait valoir qu’elle avait supplié ses supérieurs de lui permettre de suivre un cours sur le système du Centre d’information de la police canadienne depuis un certain temps (pièce 26, onglet A-23).

227 Le 27 mai 2004, la fonctionnaire a envoyé un courriel au District nord de la Division « E » dans lequel elle a demandé qui était son conseiller en matière d’intégrité et d’éthique. On lui a répondu que c’était le sergent-major Stewart.

228 Le 2 juin 2004, la fonctionnaire a déposé une plainte en matière de sécurité ministérielle contre le sergent d’état-major Beach, dans laquelle elle a allégué qu’il avait commis une infraction à la sécurité en février 2004 en fournissant au surintendant Morris une copie de son grief du 24 février 2004, et ce, avant de l’envoyer au bureau des ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. Elle a déposé ce grief parce qu’elle prétendait que le surintendant Morris n’avait pas fourni un milieu de travail exempt de harcèlement. Elle a allégué que le sergent d’état-major Beach avait commis une infraction à la sécurité en divulguant des renseignements protégés au surintendant Morris, renseignements auxquels il n’aurait pas dû avoir accès à ce moment­là (pièce 1, onglet 5-V). Le sergent d’état-major Beach a reçu un exemplaire de la plainte. Mme Stangrecki en a été témoin.

229 Le 2 juin, en réponse à une demande de Mme Chagnon, le surintendant Morris a envoyé une copie des courriels du 30 septembre 2003 et du 1er octobre 2003 de la fonctionnaire, lesquels l’avaient amené à convoquer la réunion obligatoire des fonctionnaires du 14 octobre 2003.

230 Le 7 juin 2004, la fonctionnaire a écrit au caporal Adair, alléguant que le sergent d’état-major Beach était plus sévère avec elle, [traduction] « comme l’a ordonné le surintendant », et a exprimé ses préoccupations quant au fait que le sergent d’état-major Beach et le surintendant Morris tentaient [traduction] « d’inscrire une mauvaise conduite à [son] dossier », en prétendant que son rendement était faible, alors qu’il n’y avait pourtant jamais eu de problème avant sa plainte de harcèlement (pièce 101).

231 La fonctionnaire a soutenu que, le 9 juin 2004, peu après son retour au travail, elle avait encore une fois été harcelée par M. Stephenson et par son superviseur immédiat, le sergent d’état-major Beach, qui a crié après elle et a été impoli envers elle. D’après son expérience de travail avec lui avant son départ en congé de maladie, à la fin de mars 2004, elle a trouvé qu’il s’agissait d’un comportement inhabituel de la part du sergent d’état-major Beach. La correspondance ultérieure de la fonctionnaire à l’intention du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique PS indique également qu’il s’agissait de son opinion à ce moment-là (pièce 1, onglet 8-N, pages 4 et 5).

232 Le 9 juin 2004, la fonctionnaire est partie en congé de maladie pour une durée indéterminée, non sans une certaine controverse quant à des commentaires qu’elle a écrits sur son formulaire de congé de maladie et que le sergent d’état-major Beach a considérés comme étant méprisants (pièce 26, onglet A-26). Pendant son congé, elle a été avisée du fait qu’elle devait subir une évaluation de son aptitude au travail avant de pouvoir retourner au travail.

233 Le 10 juin 2004, le sergent d’état-major Beach a écrit au surintendant Morris. Il lui a expliqué les quatre problèmes différents liés au travail auxquels il était confronté avec la fonctionnaire, ainsi que les directives qu’il avait fournies à la fonctionnaire. Il a conclu que la fonctionnaire ne constituait pas un atout pour le Service de sécurité routière. À partir de sa participation directe en tant qu’inspecteur impartial des plaintes sans motif et non fondées de la fonctionnaire, il a déclaré qu’au cours de la dernière année, il avait jugé que ses plaintes étaient de nature perturbatrice et rancunière et qu’elles étaient déposées contre plusieurs personnes du Bureau du district nord. Selon lui, toutes ses plaintes étaient soit causées par la paranoïa, soit motivées par un plan visant à obtenir une récompense pécuniaire. Le sergent d’état-major Beach a conclu sa note à l’intention du surintendant Morris en indiquant qu’il demandait à ce qu’elle soit considérée comme étant inapte à occuper les fonctions de commis à la sécurité routière sous sa supervision (pièce 26, onglet A-27).

234 Au moyen d’une lettre envoyée le 10 juin 2004 au nom de la fonctionnaire, Lynn Ray, présidente du SESG, a déposé une plainte sur la façon dont on avait traité les allégations de harcèlement de la fonctionnaire à ce jour, particulièrement quant au fait que l’employeur n’avait pas établi de séparation physique entre la fonctionnaire et M. Stephenson. La lettre exigeait la tenue d’une enquête officielle.

235 Le caporal Adair a affirmé qu’il estimait prématuré de séparer la fonctionnaire et M. Stephenson à ce moment-là. Ils travaillaient dans des sections différentes du Bureau du district nord, il n’existait aucune relation de supervision entre eux, le type de harcèlement allégué était de l’impolitesse à répétition. On avait conseillé à M. Stephenson de limiter ses contacts avec la fonctionnaire, et l’enquête officielle de Mme Chagnon était sur le point de s’achever.

236 Le 18 juin, le sergent d’état-major Beach a écrit au surintendant Morris pour exposer un certain nombre d’erreurs trouvées dans des entrées d’un dossier du système du Centre d’information de la police canadienne portant sur une interdiction de conduire (pièce 26, onglet A-30).

237 Le 24 juin 2004, la fonctionnaire a déposé une plainte de 27 pages à simple interligne auprès de Michael Seguin, conseiller en matière d’éthique et d’intégrité à Ottawa. Dans cette plainte, elle a allégué que de nombreux incidents s’étaient produits au Bureau du district nord lors desquels on avait porté atteinte à l’éthique et à l’intégrité de la GRC. Elle a demandé des conseils sur la façon d’accuser le sergent d’état-major Beach de méfait public, de sabotage et de harcèlement criminel pour avoir déposé de façon intentionnelle une fausse plainte en matière de sécurité ministérielle contre elle, ce qui avait entraîné l’ouverture d’une enquête de sécurité alors qu’il n’aurait pas dû y en avoir une, pour avoir critiqué de façon non justifiée son travail et pour l’avoir intimidée.

238 Dans sa plainte, la fonctionnaire a fait l’historique des plaintes pour harcèlement qu’elle avait déposées au Bureau du district nord et a allégué que la direction du Bureau du district nord avait tenté de nuire, de faire obstacle et d’arrêter l’enquête sur ses plaintes en déposant une fausse plainte en matière de sécurité ministérielle contre elle. Elle a affirmé qu’elle était une travailleuse assidue et qu’elle possédait un dossier absolument impeccable comportant une expérience de travail de 14 ans au sein du gouvernement fédéral. Elle a décrit les désaccords au sujet de l’évaluation de son rendement qu’elle a vécus et a allégué que la direction du Bureau du district nord tentait de la dépeindre comme étant une mauvaise employée ayant un rendement insatisfaisant afin de se débarrasser d’elle. Elle a formulé un certain nombre d’allégations graves dans sa plainte, notamment des allégations d’intimidation, de manque d’éthique et d’intégrité, et de représailles par son superviseur, le sergent d’état-major Beach, parce qu’il n’était pas content qu’elle ait déposé un grief de harcèlement contre le surintendant Morris en février 2004.

239 La fonctionnaire a aussi allégué que le surintendant Morris n’avait rien fait pour donner suite à ses plaintes de harcèlement en raison de ses liens d’amitié avec M. Stephenson et le gendarme Wolney. Elle a allégué que le surintendant Morris avait entendu ce que M. Stephenson lui avait dit le 11 septembre 2003, bien qu’il lui ait dit le contraire. Elle a soutenu qu’il voulait un droit de veto sur le processus de mise en candidature pour les médailles du Jubilé de la Reine. Elle a allégué à plusieurs reprises qu’il avait dit au sergent d’état-major Beach d’être [traduction] « sévère » ou [traduction] « extrêmement sévère » à son égard. Elle a remis en question son éthique et son intégrité et a soutenu qu’il était coupable d’abus de pouvoir et de harcèlement criminel parce qu’il avait menacé son moyen de subsistance par le biais du licenciement. Elle a également répété ses allégations contre Mme Bailey, M. Stephenson et le gendarme Wolney (pièce 197).

240 Le 17 juin 2004, M. André Létourneau, dirigeant principal adjoint des Ressources humaines à la Direction générale, à Ottawa, a communiqué avec le surintendant principal Dingwall pour lui poser des questions sur le retard dans la réception du rapport issu de l’enquête menée par Catherine Chagnon concernant les trois plaintes de harcèlement au Bureau du district nord. Il a exprimé ses préoccupations concernant le retard et le fait que la fonctionnaire était partie en congé de maladie (pièce 29, onglet C-18).

241 Le surintendant Morris a affirmé que, le 30 juin 2004, il a écrit à Doreen Currie, au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, pour indiquer qu’il était de plus en plus préoccupé par l’état de santé de la fonctionnaire, qu’il considérait comme un facteur important lié à son mal­être au travail et possiblement comme la raison de son comportement irrationnel. Il considérait qu’en temps normal, son comportement entraînerait une certaine forme de mesure disciplinaire. Cependant, parce qu’il croyait que sa santé était la cause principale de son comportement, il avait choisi de ne pas imposer de mesure disciplinaire.

242 En contre-interrogatoire, le surintendant Morris a précisé qu’à ce moment-là, ses préoccupations quant au comportement de la fonctionnaire concernaient ses mensonges continuels, le fait qu’elle embellissait les événements et la façon dont elle persécutait plusieurs personnes au Bureau du district nord. Il a affirmé qu’il aurait imposé une mesure disciplinaire à un autre employé manifestant un tel comportement, mais qu’il n’imposerait jamais une mesure disciplinaire à un employé dont il croyait que le comportement était causé par des problèmes médicaux ou un problème de toxicomanie.

243 Le surintendant Morris a résumé les nombreuses plaintes de harcèlement de la fonctionnaire, ses multiples rencontres avec elle alors qu’il enquêtait sur ces plaintes, ainsi que son comportement lors de la réunion du 30 janvier 2004 et sa version de ce qui s’y était produit qu’elle avait plus tard fournie, laquelle différait grandement de la réalité, selon ses souvenirs et ceux de l’inspecteur Clark. Il a terminé sa lettre comme suit (pièce 29, onglet C-25, page 2) :

[Traduction]

[…]

Peu importe la cause qui amène Mme Bergey à persécuter continuellement un certain nombre d’employés de ce bureau et à inventer des situations qui ne se sont pas produites, celle-ci s’aggrave. Je suis très préoccupé par le bien­être de tous les employés de cet édifice et je crois que leur environnement de travail est menacé par le comportement de Mme Bergey. Je vous serais reconnaissant de nous aider à apporter de l’aide à Mme Bergey.

[…]

244 En raison de cette lettre, on a dit à la fonctionnaire de ne pas retourner au travail avant d’avoir été soumise à une évaluation de son aptitude au travail.

245 La fonctionnaire a soutenu qu’elle n’avait aucun problème de santé, qu’elle n’avait été en congé de maladie que pour une courte période et qu’elle considérait que le surintendant Morris agissait de façon tordue et abusait de son pouvoir. Elle croyait qu’il avait exigé une évaluation de son aptitude au travail parce qu’il avait découvert qu’elle avait écrit au conseiller en matière d’intégrité et d’éthique en juin. Elle a plus tard exprimé les mêmes convictions par écrit au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique (pièce 1, onglet 8-N, paragraphes 25, 26 et 27, à la page 3). De plus, elle a écrit au caporal Adair lui disant qu’on lui demandait de parler au médecin de Santé Canada parce que le surintendant Morris voulait qu’elle soit jugée inapte mentalement, alors que c’était peut-être lui qui avait besoin d’une évaluation de sa santé mentale (pièce 66, page 2).

246 Mme Stangrecki était vice-présidente et déléguée syndicale du SESG de 2001 à 2003, avant d’assumer les responsabilités de la fonctionnaire lorsque celle-ci a démissionné de son poste de présidente, à la mi-décembre 2003. Dans son témoignage, Mme Stangrecki a expliqué sa perception de la relation de travail entre le syndicat et la direction du Bureau du district nord lorsqu’elle était vice-présidente. Elle a décrit cette relation comme étant [traduction] « généralement bonne ». Chaque fois qu’elle appelait le surintendant Morris pour demander la tenue d’une réunion, il était disponible.

247 On a demandé à Mme Stangrecki si elle estimait que le surintendant Morris prenait le harcèlement et les plaintes de harcèlement au sérieux. Elle a indiqué qu’elle avait effectué un détachement au Bureau du district nord pendant cinq mois dans le courant de l’année 2004 afin d’occuper les fonctions de coordonnatrice de la formation, mais aussi pour constater par elle-même comment se passaient les choses. Pendant une partie de ce détachement, la fonctionnaire était en congé de maladie. Elle a affirmé qu’au départ, elle était craintive en raison de la façon dont la fonctionnaire lui avait dépeint la direction du Bureau du district nord. Cependant, ses idées préconçues sur le surintendant Morris et Mme Bailey ont changé lorsqu’elle a commencé à travailler avec eux. Elle a fourni plusieurs exemples afin d’illustrer pourquoi elle est en est venue à penser que l’environnement du Bureau du district nord n’était pas comme l’avait décrit la fonctionnaire.

248 Mme Stangrecki a affirmé que pendant son séjour au Bureau du district nord, elle n’a observé aucun des incidents dont a fait état la fonctionnaire dans ses courriels. Elle a également déclaré que la fonctionnaire ne voulait pas, à ce moment-là, qu’elle porte à l’attention de la direction les événements qu’elle avait décrits dans ses courriels afin de tenter d’arranger les choses. Mme Stangrecki a soutenu qu’il était [traduction] « très frustrant » de tenter d’arranger les choses parce que ce que la fonctionnaire demandait comme mesures réparatrices était [traduction] « tout à fait excentrique ». Elle a précisé qu’elle ne faisait pas allusion à la demande de la fonctionnaire visant à ce que le harcèlement cesse, mais à des choses comme ses revendications financières et sa demande d’être réinstallée aux frais de la GRC. Elle a essayé de convaincre la fonctionnaire de reformuler ses griefs de façon plus réaliste, mais n’a pas réussi. Elle a indiqué que, dans n’importe quel grief, c’est le fonctionnaire s’estimant lésé qui a le dernier mot relativement au libellé du grief.

249 Mme Stangrecki a précisé qu’à ce moment-là, à titre de déléguée syndicale, elle consacrait chaque mois environ 20 % à 25 % de son temps à des griefs et presque tout ce temps était consacré à des griefs au sein du Bureau du district nord, où travaillaient la majorité des 10 à 15 membres du SESG. Mais un seul des membres de la fonction publique du Bureau du district nord, outre la fonctionnaire, avait déposé un grief, et elle consacrait donc environ 1 % de son temps chaque mois à donner suite au grief de l’autre membre de la fonction publique et 99 % de son temps à la fonctionnaire et à ses préoccupations.

250 Mme Stangrecki a aussi déclaré qu’à partir d’un certain moment, elle ne pouvait se rappeler exactement quand, elle savait que le surintendant Morris avait dit à la fonctionnaire de cesser d’envoyer des courriels au moyen du système de courriels GroupWise de la GRC et d’envoyer des copies à tout le monde.

251 Mme Stangrecki a aussi dit qu’à toutes les réunions qu’elle a tenues auxquelles le sergent d’état-major Beach était présent, il a toujours été calme et n’a jamais élevé la voix. S’il était en colère ou troublé, il ne l’a jamais montré. Il en était de même pour ses conversations avec le surintendant Morris. Elle ne se souvenait pas non plus que la fonctionnaire ait élevé la voix lors des réunions auxquelles elle a assisté en présence de cette dernière et du sergent d’état-major Beach ou du surintendant Morris.

252 Mme Stangrecki a déclaré qu’elle et la fonctionnaire étaient amies à un certain moment, lorsqu’elles étaient présidente et vice-présidente du syndicat. Elles assistaient souvent à des réunions ensemble, mais elles n’étaient plus amies au moment de l’audience. Elle a précisé que leur relation s’est terminée lorsqu’un désaccord est survenu entre elles quant à l’exactitude des notes et des souvenirs de Mme Stangrecki au sujet de réunions et d’événements auxquels elles avaient assisté ensemble. La fonctionnaire a ensuite déposé une plainte de harcèlement contre elle.

3. De juillet à septembre

253 Tôt en juillet, les enquêteurs indépendants ont soumis leur rapport (le « rapport Chagnon sur le harcèlement ») au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. Ils avaient mené leur enquête, questionné la fonctionnaire ainsi que les défendeurs et plusieurs autres personnes, et conclu que les six ou huit (selon la façon dont elles avaient été regroupées) allégations distinctes de harcèlement contre M. Stephenson étaient non fondées (pièce 60) de même que les six allégations de harcèlement contre le gendarme Wolney (pièce 61).

254 Dans une note de service détaillée, le surintendant principal Dingwall a informé la fonctionnaire, le 21 juillet 2004, que l’enquête sur ses plaintes avait été menée à terme, et que ses allégations de harcèlement avaient été jugées non fondées. Il lui a dit qu’elle pouvait demander un examen indépendant du dirigeant principal adjoint des Ressources humaines, à la Direction générale de la GRC, à Ottawa, si elle n’était pas satisfaite de la façon dont ses plaintes avaient été traitées. La fonctionnaire a plus tard demandé cet examen.

255 Le caporal Adair a déclaré que selon la pratique habituelle, la décision du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique aurait dû être envoyée par courrier à la fonctionnaire, mais on a plutôt décidé qu’il se rendrait à Prince George et rencontrerait personnellement la fonctionnaire à son retour de congé de maladie pour lui présenter les rapports et répondre à ses questions. Plusieurs employés des ressources humaines devaient se rendre avec lui au Bureau du district nord. Leur mission consistait à améliorer la qualité générale du milieu de travail au Bureau du district nord en y réduisant les tensions.

256 Le 22 juillet 2004, le docteur Prendergast, de Santé Canada, a écrit au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique pour confirmer qu’il avait réalisé une entrevue téléphonique exhaustive avec la fonctionnaire. Selon son évaluation médicale, la fonctionnaire ne souffrait d’aucun trouble médical, physique ou mental, pouvant occasionner des limitations au travail. Le docteur Prendergast a noté que, lorsqu’il a parlé de son rapport avec Mme Major-Hurt, le 22 juillet 2004, il a appris que la perception des faits de la direction différait de celle de la fonctionnaire, et que seul un examen administratif pourrait déterminer les faits. Son travail était de déterminer si la fonctionnaire souffrait d’un trouble médical qui aurait pu expliquer son comportement apparemment irrationnel au travail. Il était clair pour lui que ce n’était pas le cas.

257 Après avoir pris connaissance des conclusions du rapport du docteur Prendergast, le surintendant Morris a exigé de la fonctionnaire qu’elle obtienne de son médecin de famille une note confirmant qu’elle était apte à revenir au travail. Selon la fonctionnaire, le surintendant Morris abusait de son pouvoir, car elle savait que cette note n’était habituellement pas exigée. Elle a fait ce qu’on lui a demandé.

258 Quand il a reçu le rapport du docteur Prendergast, le surintendant Morris a conclu que si le comportement inacceptable de la fonctionnaire ne découlait pas d’un problème médical, sa mauvaise conduite devait être délibérée, et les mesures disciplinaires seraient dorénavant la méthode à employer pour tenter de corriger ce comportement. Il a demandé au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique de préparer pour la fonctionnaire une lettre énonçant les attentes, dans laquelle on expliquerait précisément quel comportement adopter au travail. Avec l’aide de Mme Bailey, le sergent d’état-major Beach a compilé une liste d’attentes en matière de rendement dont se servirait le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique pour rédiger la lettre (pièces 50 et 51).

259 La fonctionnaire est retournée au travail le 5 août 2004.

260 Le matin de son retour, la fonctionnaire a rencontré le caporal Adair, qui lui a présenté la décision du surintendant principal Dingwall concernant ses plaintes de harcèlement.

261 Le surintendant Morris a donné à la fonctionnaire la lettre énonçant les attentes le 5 ou le 6 août 2004. Selon la fonctionnaire, elle a reçu la lettre en après-midi le 5 août. Selon la documentation du surintendant Morris, le 6 août, en l’absence du sergent d’état-major Beach, le surintendant Morris a rencontré la fonctionnaire ainsi que sa représentante syndicale, Mme Stangrecki, et il a remis la lettre à la fonctionnaire (pièce 1, onglet 5-M). Les autres participants à cette réunion étaient les représentants du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique et Jeff Morley, un représentant syndical et membre régulier de la GRC qui était observateur dans le cadre de la méthode substitutive de résolution des conflits. Le surintendant Morris a déclaré avoir lu la lettre à la fonctionnaire pour s’assurer qu’elle en comprenait les dispositions.

262 Le surintendant Morris a déclaré qu’après avoir remis la lettre à la fonctionnaire, celle-ci lui a dit qu’il était un dirigeant terroriste et a commencé à parler de ses lacunes en matière de leadership et de compétences. Il a ignoré ces commentaires et a répété à la fonctionnaire qu’il était important qu’elle respecte les dispositions de la lettre, à défaut de quoi elle pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires.

263 Selon la version des faits de la fonctionnaire, on lui a donné la lettre énonçant les attentes à la réunion parce que le sergent d’état-major Beach avait entamé une chasse aux sorcières pendant qu’elle était malade et avait cherché des événements qui n’avaient pas eu lieu pour que l’employeur puisse affirmer qu’elle avait un problème. La fonctionnaire a déclaré que la lettre énonçant les attentes n’avait pas pour objet de lui donner des conseils et une orientation, comme le prétendait l’employeur, mais plutôt de l’ébranler et de l’intimider. Elle a vu ce geste comme une mesure disciplinaire. La fonctionnaire a nié avoir traité le surintendant Morris de dirigeant terroriste et a soutenu que ce qu’elle a répété plusieurs fois était la phrase suivante : [traduction] « Il est clair que vous comptez continuer de gérer par la peur, l’intimidation et la terreur ». Elle a révélé avoir enregistré toute la conversation de la réunion du 6 août et que la transcription (qu’elle n’a pas produite en preuve) allait lui donner raison. Plus tard, elle a envoyé à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique un courriel dans lequel elle répétait les mêmes allégations et énumérait les noms de trois témoins qui, selon elle, étaient présents à la réunion et avaient entendu ses déclarations (pièce 1, onglet 8-U, pages 12 et 13).

264 Dans ce courriel, la fonctionnaire a indiqué qu’à la réunion, elle avait été dégoûtée par le surintendant Morris, qui avait [traduction] « […] clairement eu du plaisir à [lui] présenter cette lettre énonçant les attentes, à [l’]humilier et à [la] dénigrer ainsi que [son] travail ».

265 La fonctionnairea déclaré qu’elle avait enregistré en secret ses interactions au bureau quand elle est retournée au travail. Elle a indiqué qu’elle sentait qu’elle n’avait pas le choix, car personne ne croyait que ses plaintes de harcèlement étaient justifiées et elle pensait que le harcèlement se poursuivait. Plus tard, elle a écrit la même chose au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique (pièce 1, onglet 8-N, paragraphe 7). Elle a enregistré ses conversations jusqu’à ce qu’elle soit suspendue pendant dix jours, le 4 novembre 2004, pour une autre inconduite. La fonctionnaire n’est plus retournée au travail après cette date. Elle a produit en preuve nombre de transcriptions qu’elle a faites à partir de ses enregistrements. La plupart du temps, elle dissimulait son enregistreur dans ses poches. Les transcriptions démontrent que, par moments, les enregistrements étaient inaudibles.

266 La lettre énonçant les attentes établit ce à quoi la direction s’attendait concernant la présence de la fonctionnaire au travail et l’exercice de ses fonctions. Elle se lit en partie comme suit (pièce 1, onglet 5-M) :

[Traduction]

[…]

Rendement au travail

Vous devez accomplir vos tâches selon ce qui est exigé et décrit dans votre description de travail. Bien que je compte examiner plus en détail la version mise à jour de vos tâches et de vos responsabilités de travail lors d’une rencontre distincte, voici quelques domaines précis sur lesquels je souhaite attirer votre attention :

Les systèmes de la GRC, dont Groupwise, doivent être utilisés pour le travail uniquement et conformément aux politiques et à l’entente sur les [traduction] « pratiques d’usage ».

[…]

Comportement au travail

Il est important de veiller à ce que vos interactions quotidiennes avec la direction, vos collègues et les autres personnes au travail soient professionnelles et respectueuses. Si vous avez un problème avec quelqu’un au travail ou avez des préoccupations concernant cette personne, vous devez immédiatement porter la situation à mon attention.

Je suis sûr que vous réussirez à apporter les changements nécessaires pour améliorer votre approche quotidienne au travail et votre capacité de travailler en équipe. Il est essentiel que vous vous engagiez à apporter ces changements pour que la direction puisse continuer à offrir un milieu de travail sécuritaire et respectueux à tous les employés.

[…]

267 Le surintendant Morris a déclaré qu’environ deux jours après avoir donné à la fonctionnaire la lettre énonçant les attentes, il travaillait sur son terrain quand il a vu un véhicule semblable à celui de la fonctionnaire passer lentement devant sa résidence. Quelques minutes plus tard, le véhicule est passé de nouveau, lentement, et il a vu que la fonctionnaire était au volant. Le surintendant Morris a précisé que sa rue était située du côté opposé de la ville par rapport au quartier de la fonctionnaire, qu’elle était empruntée uniquement par les personnes qui y résident et que la fonctionnaire n’avait aucune raison d’être là.

268 La fonctionnaire a déclaré, comme elle l’avait écrit précédemment à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique (pièce 1, onglet 8-U, page 11), qu’elle ne s’était absolument pas rendue en voiture sur la rue du surintendant Morris à la date en question, [traduction] « à moins qu’il s’agissait du jour de la fête pour le district ». Elle n’a pas nié être passée en voiture devant la maison du surintendant Morris, mais elle a soutenu que les non-résidents pouvaient emprunter sa rue pour bien des raisons et qu’on vivait dans un pays libre.

269 La fonctionnaire a déclaré avoir été victime de harcèlement de la part de la direction tout au long des mois d’août et de septembre 2004. On lui a donné sans arrêt des directives de rendement inutiles pendant que le sergent d’état-major Beach préparait son dossier. La direction lui cherchait des poux et la microgérait. Selon elle, elle n’a pas refusé de parler à son superviseur. Elle ne lui faisait pas confiance et a refusé de lui parler dans une pièce fermée sans témoin.

270 Dans sa réponse du 6 août 2004, le caporal Adair a expliqué à la fonctionnaire que son superviseur devait la superviser, qu’il avait la responsabilité de porter les problèmes à son attention et que, bien que la microgestion pouvait être irritante, il ne s’agissait pas de harcèlement, mais bien d’une méthode de gestion. Le caporal Adair a aussi indiqué qu’il ne connaissait pas les détails de la fausse plainte en matière de sécurité ministérielle contre elle, mais que lorsque la direction ou l’employeur croit qu’il y a un problème relativement aux questions ou aux processus de sécurité, il lui incombe de déterminer si le problème existe vraiment.

271 Le 10 août, la fonctionnaire a renvoyé ses plaintes de harcèlement contre M. Stephenson et le gendarme Wolney au dirigeant principal adjoint des Ressources humaines, à Ottawa, conformément au Manuel d’administration, car elle n’était pas satisfaite des résultats de l’enquête Chagnon (pièce 173). Elle a demandé un examen du processus d’enquête.

272 Le 19 août 2004, le sergent d’état-major Beach a demandé à la fonctionnaire de transcrire un enregistrement pour le gendarme Saunderson. La fonctionnaire aurait refusé d’obtempérer. Il lui a ensuite écrit une directive concernant les tâches qu’elle devait accomplir selon les grandes lignes de sa description de travail, qu’elle a reçue et signée le 19 août 2004. Selon le témoignage du sergent d’état-major Beach, la fonctionnaire lui a dit qu’elle n’avait pas besoin de cette directive et qu’il s’agissait de harcèlement. La fonctionnaire était d’avis que la directive était du harcèlement et faisait partie du tatillonnage constant.

273 Le 20 août 2004, le responsable du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique a rendu sa décision concernant l’enquête de harcèlement. Il a conclu que l’allégation présentée par Mme Bailey alléguant du harcèlement par la fonctionnaire était fondée. Le surintendant Morris a été avisé de cette décision.

274 Le 21 août 2004, la fonctionnaire a écrit au caporal Adair pour se plaindre de la qualité de l’enquête de Mme Chagnon et du sergent d’état-major Hornung. Elle a expliqué en détail que, selon elle, les enquêteurs n’avaient pas agi correctement dans le processus les ayant menés à conclure que sa plainte contre M. Stephenson était non fondée. Elle a déclaré qu’elle n’avait rien fait de déplacé en envoyant son courriel du 1er octobre 2003 aux membres du syndicat pour leur demander des conseils et des suggestions, et elle a de nouveau fait valoir que Mme Bailey avait pris le courriel sur son bureau d’une manière inappropriée.

275 Le 25 août, le surintendant Morris a informé la fonctionnaire que la plainte de harcèlement déposée contre elle par Mme Bailey avait été jugée fondée, et qu’il allait lui imposer une mesure disciplinaire pour son comportement.

276 Le 23 août, le sergent d’état-major Beach a écrit une note de service au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique concernant le travail qui devait être fait dans un dossier qui avait été retourné sans que le travail ait été accompli. Il a noté qu’il avait avisé la fonctionnaire qu’il ne tolérerait pas qu’elle continue de ne pas faire ce qu’on lui demandait, et qu’il allait recommander que des mesures disciplinaires soient prises à son égard (pièce 29, onglet B-24).

277 Le 25 août, Mme Bailey a informé le sergent d’état-major McCaig qu’on lui avait demandé, en mars 2004, de porter assistance à un détachement voisin pour la saisie de données sur les accidents de la route. Elle a déclaré qu’elle ne savait pas trop quoi faire de cette demande et qu’elle l’avait envoyée au sergent d’état-major McCaig pour qu’il parle au sergent d’état-major Beach, lequel lui avait dit de ne plus entrer ces données sur les accidents de la route.

278 Le 31 août 2004, la fonctionnaire a envoyé au caporal Adair un autre courriel contenant des commentaires semblables à ceux de sa lettre du 21 août pour se plaindre que les enquêteurs n’avaient pas tenu compte du fait que la plaignante, Mme Bailey, avait pris le courriel du 1er octobre 2003 sur son bureau, même si ce courriel ne lui était pas adressé et ne lui était pas destiné. La fonctionnaire a demandé si le décideur allait statuer sur son accusation de harcèlement contre Mme Bailey au sujet du courriel envoyé en octobre 2003 par Mme Bailey, dans lequel cette dernière a embarrassé, rabaissé et dénigré la fonctionnaire en lui expliquant le sens du terme [traduction] « séance de compte rendu ». Dans sa réponse du 1er septembre 2004, le caporal Adair a rappelé à la fonctionnaire que Mme Bailey avait pris connaissance de son courriel parce qu’elle en avait envoyé des copies conformes invisibles à plusieurs personnes et qu’une de ces personnes lui avait fait part du courriel. Il a demandé plus de détails à la fonctionnaire et a noté ses allégations de harcèlement criminel en précisant que la situation ne répondait pas aux critères établis pour que le harcèlement soit qualifié de « criminel ». Il lui a aussi demandé si elle comptait déposer une plainte de harcèlement contre le sergent d’état-major Beach (pièces 104 et 105).

279 À la fin août, on a envoyé la fonctionnaire à un cours de deux jours sur la saisie de données dans le système du Centre d’information de la police canadienne, à Vancouver.

280 Le 9 septembre, la fonctionnaire a envoyé au caporal Adair un courriel de six pages à simple interligne dans lequel elle a soulevé un certain nombre de questions, dont son opinion sur ce que les enquêteurs n’avaient pas fait correctement dans le processus les ayant menés à conclure qu’elle avait harcelé Mme Bailey. Elle a répété que son courriel du 1er octobre 2003 aux membres du syndicat n’était pas inapproprié, et elle a indiqué qu’elle ne se rappelait pas en avoir envoyé des copies conformes invisibles. Elle a également allégué que Mme Bailey avait pris le courriel sur son bureau de manière inappropriée, que c’était contraire à l’éthique et malhonnête. Elle a contesté la conclusion des enquêteurs qu’il y avait un conflit au travail, plutôt que des différences de points de vue. Elle a remis en question la qualité de l’enquête sur la plainte de harcèlement déposée par Mme Bailey contre elle, réitérant son allégation qu’elle ne pensait pas avoir envoyé des copies conformes invisibles de son courriel du 1er octobre 2003 à qui que ce soit. Elle a déclaré que Mme Bailey avait pris le courriel sur son bureau, ce qui soulevait des questions quant à son honnêteté, son intégrité et son éthique. Elle a aussi accusé Mme Bailey de veiller à ce que la fonctionnaire ne reçoive pas la formation ou les outils nécessaires pour faire son travail correctement.

281 Dans son courriel, la fonctionnaire a aussi accusé le sergent d’état-major Beach de la harceler en essayant de la prendre en défaut et en cherchant des poux dans tout ce qu’elle faisait. Elle a dit qu’elle n’avait jamais donné son accord en ce qui concerne la très sévère lettre énonçant les attentes. Elle a également déclaré que la personne qui avait affirmé qu’elle avait traité M. Stephenson de [traduction] « trou de cul de menteur » à la réunion du 30 janvier 2004 avait tort. Elle a dit qu’il avait menti et qu’il était un trou de cul. Elle a expliqué pourquoi elle avait déposé, en juin 2004, une plainte en matière de sécurité ministérielle contre le sergent d’état-major Beach, et elle a déclaré que, dans une réponse à un courriel envoyé par le caporal Adair, elle n’avait pas déposé de plainte de harcèlement contre le sergent d’état-major Beach à l’automne 2004, bien qu’elle aurait dû le faire, car cette plainte n’aurait servi aucun objectif à ce moment-là.

282 Le 14 septembre, le caporal Adair a envoyé à la fonctionnaire, par courriel, une longue réplique dans laquelle il tentait de répondre, paragraphe par paragraphe, à ses commentaires. Il a contesté sa définition restreinte de « conflit », lui a rappelé que son courriel du 1er octobre 2003 était adressé à [traduction] « Mesdames » et a confirmé qu’elle avait envoyé des copies conformes invisibles de son courriel et que Mme Bailey en avait reçu une copie plus tard. Il a déclaré qu’il n’avait pas vu la lettre énonçant les attentes, mais qu’il avait compris, après avoir parlé avec le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, que ce document n’était pas très lourd, et qu’il ne savait pas si la fonctionnaire devait accepter la lettre, car il ne connaissait pas la politique et les procédures de la fonction publique sur ce point. Il a ajouté qu’il ne croyait pas son allégation que le sergent d’état-major Beach essayait de se débarrasser d’elle. Il a demandé à la fonctionnaire si elle pensait demander un transfert ou si c’était quelque chose qu’elle souhaitait (pièce 106).

283 Le 9 septembre, la fonctionnaire a donné au sergent d’état-major Beach un ensemble de documents qui lui avaient été adressés de la part du détachement de Mackenzie. Elle avait apposé la note suivante sur les documents [traduction] : « Ces documents auraient dû être adressés à McCaig – je ne sais pas trop pourquoi je les ai reçus ». Ces derniers contenaient des données qui devaient être saisies dans l’Outil d’information de gestion pour la Sécurité routière. Le sergent d’état-major Beach a déclaré qu’il avait communiqué avec le détachement de Mackenzie et appris que la fonctionnaire avait communiqué avec un membre de ce détachement à la fin du mois d’août pour lui demander que les données sur les accidents de la route lui soient envoyées. Les documents sont arrivés au Bureau du district nord le 9 septembre.

284 Selon les éléments de preuve de la fonctionnaire, le détachement de Mackenzie lui a demandé deux fois de lui prêter main-forte pour la saisie de données dans l’Outil d’information de gestion pour la Sécurité routière. Une de ces demandes non sollicitées a été reçue en mars 2004. Le détachement voulait qu’elle enregistre des données dans l’Outil d’information de gestion pour la Sécurité routière, ce qu’elle a fait. La deuxième demande, reçue en septembre, visait à recevoir de l’aide pour saisir des données sur des accidents de la route plus récents (pièce 1, onglet 5-S).

285 Le 16 septembre, le surintendant Morris a imposé à la fonctionnaire une suspension de trois jours sans traitement, du 21 ou 23 septembre, en raison de la plainte de harcèlement de Mme Bailey, qui avait été jugée fondée (pièce 29, onglet B-23).

286 Le 17 septembre, la fonctionnaire a envoyé un courriel au sergent d’état-major Beach pour contester l’orientation opérationnelle qu’il lui avait donnée le 23 août 2004. Elle l’a accusé de l’avoir dénigrée, de l’avoir embarrassée et d’avoir menacé son emploi, de même que d’avoir abusé de son pouvoir en envoyant sa note de service du 23 août au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique (pièce 1, onglet B, page 6, et pièce 29, onglet C-24, pages 3 et 4). Le sergent d’état-major Beach a trouvé offensants le contenu du courriel et le langage utilisé par la fonctionnaire; il a transmis le courriel au surintendant Morris.

287 Selon la description du surintendant Morris, le courriel de la fonctionnaire était très contradictoire, et cette dernière faisait preuve d’insubordination à l’endroit de son superviseur. Le surintendant Morris a conclu que ce courriel était une forme de représailles contre la mesure disciplinaire qu’il lui avait imposée pour avoir harcelé Mme Bailey. Il a convoqué la fonctionnaire dans son bureau et l’a réprimandé. Il lui a dit qu’il ne tolérerait plus ses allégations trompeuses et ses efforts constants de persécution contre le sergent d’état-major Beach ou contre tout autre membre de son personnel, et que le système de courriels de la GRC ne devait pas être utilisé à ces fins, car cela allait à l’encontre des pratiques acceptables des utilisateurs. Après leur rencontre, il a envoyé à la fonctionnaire un courriel dans lequel il confirmait ses commentaires (pièce 29, onglet C-24, page 2).

288  Environ une heure plus tard, la fonctionnaire a envoyé au surintendant Morris un courriel de deux pages à simple interligne dans lequel elle s’est dite offensée par ses directives et ses commentaires (pièce 29, onglet C-24, pages 1 et 2). Elle a déclaré qu’elle ne persécutait pas le sergent d’état-major Beach et que ce dernier avait déposé une fausse plainte en matière de sécurité ministérielle contre elle, ce qui était un méfait public et un geste de sabotage et de harcèlement criminel.

289 La fonctionnaire a déclaré que le courriel qu’elle a envoyé le 17 septembre au sergent d’état-major Beach n’était pas une mesure de représailles pour la suspension de trois jours que lui avait imposée le surintendant Morris plus tôt cette journée-là, et qu’elle n’estimait pas que sa rencontre avec lui était une réprimande, mais plutôt une discussion.

290 Le 20 septembre 2004, le sergent d’état-major Beach a tenté de parler avec la fonctionnaire de son évaluation annuelle du rendement, dans laquelle il a souligné ou documenté ses lacunes en matière de travail et son refus de suivre les directives qu’il lui donnait. Il a déclaré qu’elle était devenue grossière et insubordonnée, et qu’elle l’avait accusé de la harceler et de l’intimider. Elle a quitté son bureau avec une ébauche de son évaluation du rendement, qu’elle devait examiner.

291 Le 24 septembre, le sergent d’état-major Beach a réprimandé verbalement la fonctionnaire au sujet de faits qu’elle lui aurait dits concernant le travail du détachement de Mackenzie et qui, selon lui, n’étaient pas exacts. Il lui a dit qu’elle devrait dorénavant fournir de l’information exacte et franche lorsque questionné au sujet des activités de travail ou lorsqu’elle lui présente un compte rendu à ce sujet.

292 De son côté, la fonctionnaire a déclaré que l’information qu’elle a fournie était franche et que la réprimande du 24 septembre 2004 était une totale duperie fondée sur des faits inventés. Le sergent d’état-major Beach n’a jamais présenté de preuve et ne lui a pas donné un seul exemple de son manque de franchise. La fonctionnaire a fourni une transcription de cette rencontre qui, selon elle, appuyait son témoignage (pièce 1, onglet 8-J).

293 Le 24 septembre 2004, on a informé la fonctionnaire que l’examen du rapport Chagnon sur le harcèlement par le dirigeant principal adjoint des Ressources humaines à la Direction générale, à Ottawa, était terminé, que le processus d’enquête avait été jugé adéquat compte tenu de la nature et du contexte des allégations, et que les conclusions des enquêteurs étaient en harmonie avec les déclarations et les éléments de preuve recueillis.

294 La fonctionnaire a déclaré que le sergent d’état-major Beach l’avait poussée et frappée au bras droit dans la salle de photocopie le 24 septembre 2004. À l’audience, elle a présenté une transcription de son enregistrement de la rencontre et a déclaré que cette transcription démontrerait que son allégation était fondée (pièce 1, onglet 8-J). Elle a fait la même allégation dans un courriel qu’elle a envoyé au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique en 2005 (ce courriel non daté se trouve à la pièce 1, onglet 8-N, point 9, page 1) ainsi que dans sa réponse d’avril 2005 au surintendant principal Lanthier après la suspension de sa cote de fiabilité de la GRC.

295 Le surintendant Morris a déclaré que la fonctionnaire ne lui avait jamais parlé de cette attaque présumée. S’il avait été mis au courant, il aurait immédiatement mené une enquête.

296 Le sergent d’état-major Beach a témoigné. Il a produit en preuve des notes qu’il avait prises à ce moment-là à l’appui de son témoignage (pièce 26, onglet 8-0). Ces notes indiquent qu’il était dans la salle de photocopie avec la fonctionnaire et qu’il a ouvert un tiroir contenant les dossiers du Centre d’information de la police. La fonctionnaire a bougé légèrement et le tiroir l’a touchée. Les deux sont retournés à leurs tâches.

297 Le 27 septembre 2004, le sergent d’état-major Beach, avec soit le sergent d’état-major McCaig ou le caporal Flewelling, a rencontré la fonctionnaire. Il a donné à la fonctionnaire son évaluation du rendement, qu’il a passée en revue avec elle. Il avait discuté de cette évaluation avec elle plusieurs jours avant et lui avait donné une copie du document pour examen. Plus tard dans la même journée, la fonctionnaire a présenté au sergent d’état-major Beach la version originale de son évaluation, sur laquelle elle avait écrit ses propres commentaires exprimant son indignation quant à son évaluation et ses compétences en matière de leadership. Voici les commentaires de la fonctionnaire (pièce 1, onglet 5-P) :

[Traduction]

Depuis son dernier rapport, Dave Beach a été malhonnête, et ce, de manière éhontée, ce qu’il a essentiellement admis lui-même. Il ne possède pas les compétences de supervision nécessaires. Dans ses efforts constants visant à me nuire, il a délibérément omis de mentionner des observations positives. La qualité de mon travail n’a pas diminué, et il le sait.

298 La fonctionnaire a soutenu qu’elle avait le droit de commenter les critiques de son superviseur concernant son rendement et que ses commentaires étaient exacts, raisonnables et professionnels.

299 Le sergent d’état-major Beach a déclaré que, la semaine après avoir remis l’évaluation du rendement à la fonctionnaire, il avait tenté à plusieurs reprises de fournir à la fonctionnaire de la documentation soulignant les lacunes dans son travail, et que cette dernière refusait de suivre ses directives.

4. D’octobre à décembre

300 Les tensions et les conflits se sont envenimés entre la fonctionnaire et le sergent d’état-major Beach. Le surintendant Morris a parlé des efforts de la direction au fil du temps pour guider la fonctionnaire de façon à ce qu’elle ne commette plus d’erreurs en entrant des informations dans le système du Centre d’information de la police canadienne, et lui fournir une orientation concernant ses réactions irrespectueuses et non-professionnelles aux directives de son superviseur. Il a mentionné la formation officielle sur l’entrée de données dans le système du Centre d’information de la police canadienne, à laquelle elle a participé. Le sergent d’état-major Beach et le surintendant Morris ont affirmé qu’elle répétait encore et encore les mêmes erreurs d’entrée de données. Le surintendant Morris a indiqué qu’il croyait qu’elle faisait délibérément des erreurs dans les numéros de dossiers pour que son superviseur et le détachement ne fassent pas bonne impression devant le personnel du tribunal. Il a aussi mentionné qu’il croyait qu’elle mentait lorsqu’elle a dit qu’elle avait commis certaines des erreurs parce qu’elle avait suivi les conseils d’un commis aux dossiers centraux. Lorsqu’on a communiqué avec le commis aux dossiers centraux du détachement de Prince George, il a nié avoir donné ces conseils à la fonctionnaire.

301 La version de la fonctionnaire était qu’elle commettait quelques erreurs, mais que le travail était compliqué. Selon elle, il faut du temps, peut-être un an, avant que la formation reçue sur le système du Centre d’information de la police canadienne ne soit vraiment assimilée. Elle a aussi dit que le commis aux fichiers centraux qui a été contacté n’était pas celui qui lui avait donné les conseils en question.

302 L’évaluation du rendement de la fonctionnaire datant 27 septembre 2004, incluant ses commentaires, a été envoyée au surintendant Morris, qui agissait à titre d’agent de révision du Bureau du district nord, avant d’être transmise au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. Le surintendant Morris n’était pas au Bureau du district nord à ce moment-là, mais lorsqu’il est revenu et qu’il a examiné les commentaires écrits de la fonctionnaire, il les a trouvés très inappropriés, puisqu’ils constituaient une attaque personnelle contre le superviseur de la fonctionnaire et n’étaient pas liés à l’exercice de ses fonctions. Il a estimé que c’était particulièrement le cas à la lumière de la lettre énonçant les attentes, qui précisait que l’on s’attendait à ce qu’elle interagisse avec les membres de la direction avec respect et professionnalisme. Au début du mois d’octobre, il a communiqué avec le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique pour obtenir des conseils en matière de discipline relativement à cet incident ainsi qu’à trois autres impliquant la fonctionnaire qui le préoccupaient (pièce 115).

303 La fonctionnaire a indiqué qu’elle avait parlé avec l’inspecteur Clark après avoir reçu une copie de la note de service du surintendant Morris datée le 29 novembre 2004 à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, parce que le surintendant Morris avait écrit qu’elle était [traduction] « entrée dans une rage incontrôlable » lors de la réunion du 30 janvier 2004. Elle voulait savoir comment l’inspecteur Clark se souvenait de son comportement. Cependant, la transcription qu’elle a fournie de leur réunion indique qu’elle a eu lieu le 4 octobre 2004 et qu’elle était alors préoccupée par la description donnée par le surintendant Morris concernant son comportement à la réunion du 30 janvier 2004, mentionnée dans sa lettre du 29 juin 2004 au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. Il a écrit cette lettre à l’appui de sa demande qu’elle effectue une évaluation de son aptitude au travail avant de revenir de son congé de maladie. Le docteur Prendergast a donné à la fonctionnaire une copie de cette lettre ou lui a parlé de son contenu.

304 La fonctionnaire a secrètement enregistré sa rencontre avec l’inspecteur Clark. Sans lui dire pourquoi, elle lui a demandé au moins trois fois s’il décrirait son comportement lors de la réunion du 30 janvier 2004 comme étant une [traduction] « rage incontrôlable ». Lorsqu’il lui a demandé pourquoi elle lui posait cette question, elle a simplement répondu que c’était parce qu’elle avait demandé une révision de sa plainte, ce qui semblait faire référence à son formulaire de plainte en matière de sécurité ministérielle. Elle a également posé d’autres questions précises sur la réunion et sur ce que l’inspecteur Clark avait dit ou sur la façon dont le surintendant Morris s’était comporté, ce à quoi l’inspecteur Clark a répondu qu’il ne se souvenait pas ou qu’il contestait les souvenirs de la fonctionnaire concernant les gestes ou les paroles du surintendant Morris (pièce 1, onglet 8, annexe B).

305 Le 13 octobre 2004, le sergent d’état-major Hildebrand a transmis son rapport définitif (le « rapport d’infraction à la sécurité Hildebrand ») en réponse à la plainte présentée en avril 2004 par le sergent d’état-major Beach, qui alléguait que la fonctionnaire avait commis une infraction à la sécurité. L’inspecteur Clark agissait à titre de chef du Bureau du district nord en l’absence du surintendant Morris. Le rapport d’infraction à la sécurité Hildebrand concluait que la fonctionnaire n’avait pas commis d’infraction à la sécurité, mais qu’elle avait enfreint la politique. Le sergent d’état-major Hildebrand a critiqué le comportement de la fonctionnaire durant l’enquête et a déclaré qu’il en avait retiré une mauvaise impression concernant la crédibilité de la fonctionnaire. Après avoir reçu le rapport d’infraction à la sécurité Hildebrand, l’inspecteur Clark l’a transmis, le 4 novembre 2004, à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique pour un examen de sécurité. Il a aussi, au même moment, transmis le rapport au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique pour obtenir leur avis sur la possibilité d’imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire pour les gestes décrits dans le rapport. La preuve relative au rapport sera étayée dans la deuxième partie du résumé de la preuve de la présente décision.

306 Le 14 octobre, la fonctionnaire a écrit au caporal Adair (pièce 107) pour lui dire qu’elle portait à l’attention du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique la réprimande verbale formulée à son endroit par le sergent d’état-major Beach le 24 septembre, qu’elle s’efforcerait au cours des deux semaines suivantes à relancer le traitement de ses griefs en suspens et que, bien qu’elle ne déposerait pas de plainte officielle de harcèlement contre le sergent d’état-major Beach, elle songeait présenter un grief contre lui et, peut-être, une plainte en vertu du code de conduite. Elle a commenté la sévérité de la lettre énonçant les attentes et a fait remarquer qu’entre le moment où elle a reçu cette lettre et la fin du mois de septembre, elle avait reçu environ huit notes de service contenant des [traduction] « directives » et une réprimande verbale, ce qui équivalait à une chasse aux sorcières et à du harcèlement criminel. Elle envisageait un déploiement ailleurs.

307 Le caporal Adair a tout d’abord répondu le 15 octobre, puis à nouveau le 19 et le 28 octobre 2004. Tous les courriels étaient intitulés [traduction] « Objet : demande d’aide pour la résolution de conflits » (pièces 107 à 109). Le 15 octobre, il a accusé réception des questions soulevées par la fonctionnaire et indiqué le nombre auquel il répondrait, en précisant qu’il devait toutefois lui revenir là-dessus à une date ultérieure et tenter de rassembler toutes ses questions, ce qu’il a fait par la suite. Parmi les points qu’il a soulevés, il a souligné que le représentant syndical de la fonctionnaire était présent lorsqu’elle a reçu la lettre énonçant les attentes et qu’aucune objection n’avait été soulevée à ce moment. Il lui a aussi dit qu’elle devait prendre une décision concernant ses griefs, car ils ne pouvaient être indéfiniment une épée de Damoclès au-dessus de la tête d’une personne.

308 Le 21 octobre 2004, l’inspecteur Clark a demandé au sergent Lennox d’effectuer un examen administratif de l’allégation formulée par la fonctionnaire en juin 2004 relativement à une infraction à la sécurité qui aurait été commise par le sergent d’état-major Beach. On lui a remis le formulaire de plainte en matière de sécurité ministérielle rempli par la fonctionnaire. En contre-interrogatoire, il a dit qu’il ne se souvenait pas avoir reçu d’autres documents à ce moment-là. Selon lui, on lui a demandé d’effectuer l’examen parce qu’il ne relevait pas du surintendant Morris, même si son bureau se trouvait dans l’immeuble du Bureau du district nord; son supérieur immédiat était plutôt l’inspecteur Bill Ard, à Vancouver. Le sergent Lennox a indiqué qu’il avait accepté de réaliser l’examen administratif, mais en précisant clairement à l’inspecteur Clark qu’il ne pourrait le commencer tout de suite en raison de ses exigences opérationnelles.

309 Le sergent d’état-major Beach a affirmé qu’en octobre 2004, on a constaté que la fonctionnaire répétait les mêmes erreurs et qu’elle n’entrait pas les bons numéros de dossiers dans le système du Centre d’information de la police canadienne, en dépit du fait qu’elle savait à quel point il était important qu’ils soient exacts. Lorsque le sergent d’état-major Beach l’a corrigée et réprimandée, elle a déclaré que la commis aux dossiers centraux lui avait dit de procéder de cette façon. Lorsqu’on a communiqué avec la commis aux dossiers centraux pour vérifier son affirmation, elle a vigoureusement nié avoir donné ces directives à la fonctionnaire et était fâchée d’être impliquée ainsi dans le mauvais rendement de la fonctionnaire.

310 Le 27 octobre 2004, la fonctionnaire a commis une erreur dans les données entrées dans le système du Centre d’information de la police canadienne. Le gendarme Archer a détecté l’erreur; il occupait le poste de superviseur par intérim pendant les vacances du sergent d’état-major Beach. Le gendarme Archer a réparé l’erreur et l’a signalée. Le surintendant Morris a affirmé que la fonctionnaire avait commis cette erreur malgré les conseils donnés à plusieurs reprises par le sergent d’état-major Beach, les directives écrites qu’il lui a remises, ainsi que la formation sur le système du Centre d’information de la police canadienne. Selon le surintendant Morris, elle commettait des erreurs délibérément pour jeter le discrédit sur son superviseur et la GRC.

311 La fonctionnaire a admis avoir commis des erreurs, mais elle a nié les avoir commises intentionnellement. Elle a bel et bien suivi la formation sur le système du Centre d’information de la police canadienne, mais elle a précisé qu’il fallait du temps pour l’assimiler complètement, probablement jusqu’à un an.

312 Le 27 octobre 2004, la fonctionnaire a demandé à être affectée ailleurs, affirmant qu’elle avait été accusée injustement et qu’elle était victime de harcèlement criminel (pièce 171). Selon l’employeur, lorsque le gendarme Archer a demandé à la fonctionnaire si elle craignait pour sa sécurité personnelle, elle a répondu que non. Lorsqu’il lui a dit que sa raison ne satisfaisait donc pas aux critères de ce qui constitue du harcèlement criminel, elle a immédiatement affirmé qu’elle craignait pour sa sécurité. Selon la fonctionnaire, elle n’a pas changé son récit. De plus, le résumé du gendarme Archer sur leur rencontre, résumé qu’il a envoyé par courriel au surintendant Morris le 29 octobre 2004 (pièce 114), était une description plus juste de leur échange que le résumé rédigé par le surintendant Morris dans son rapport du 29 novembre 2004.

a. Le 28 octobre : en avant-midi

313 L’avant-midi du 28 octobre 2004, le sergent d’état-major Beach et la fonctionnaire étaient les seuls employés au bureau. Le sergent d’état-major a expliqué qu’il avait imprimé deux courriels, puis qu’il s’était rendu à l’imprimante pour les récupérer. La fonctionnaire est aussi allée à l’imprimante, et elle est arrivée juste avant lui. Elle a ramassé tous les papiers qui étaient sur le dessus de l’imprimante. Quand le sergent d’état-major lui a dit que certains de ces papiers étaient à lui, elle a levé la liasse sur le côté d’un air provocant, et il a saisi les papiers dans sa main. Il a déclaré qu’elle lui avait dit en élevant le ton qu’il n’avait pas à lui arracher les papiers de la main et que cela était un geste de harcèlement et qu’il commettait un acte de harcèlement criminel. Il lui a demandé si elle savait ce que ce terme signifiait, et elle a répondu qu’elle le savait (pièce 1, onglet 5Q, page 5, notes du 29 octobre 2004 par le sergent d’état-major Beach au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique décrivant cette interaction et d’autres incidents).

314 La version des faits de la fonctionnaire est différente. Cette dernière a déclaré que le sergent d’état-major Beach était physiquement agressif. Il a poussé la fonctionnaire et a saisi les papiers dans sa main. La fonctionnaire lui a dit que son geste était méchant. À l’appui de son récit, elle a fourni la transcription qu’elle a faite de son enregistrement clandestin de cette interaction (pièce 1, onglet 8-K et onglet 8-N, page 1).

315 Des éléments de preuve ont été soumis selon lesquels ce matin-là, le sergent d’état-major Beach avait parlé à « D.S. », une fonctionnaire travaillant au détachement de Castlegar, au sujet d’un courriel qu’elle lui avait envoyé le 25 octobre 2004 alors qu’il était en vacances. D.S. a expliqué qu’elle avait reçu un appel bizarre, le 25 octobre 2004, d’une femme qu’elle croyait être l’adjointe du sergent d’état-major Beach. Cette personne lui a demandé si le sergent d’état-major Beach avait supervisé des gens à Castlegar. Quand D.S. a répondu qu’il avait supervisé six agents de police, la personne lui a demandé s’il avait supervisé du personnel de soutien. D.S. a répondu qu’il avait supervisé 3,5 personnes, puis elle a demandé à son interlocutrice quel était le but de son appel, car ses questions la mettaient mal à l’aise. La personne a alors raccroché. D.S. a reçu un deuxième appel peu de temps après de la même personne, qui lui a posé plus de questions. Quand D.S. a demandé à qui elle parlait, la personne a raccroché de nouveau. Le sergent d’état-major Beach a déclaré que cette personne était la fonctionnaire et que ses appels étaient inappropriés. La fonctionnaire n’a pas nié avoir fait les appels.

b. Le 28 octobre : en après-midi

316 Le 28 octobre 2004, le surintendant Morris, dans son rôle d’agent de révision, a écrit les commentaires suivants dans le rapport d’évaluation du rendement de la fonctionnaire :

[Traduction]

Je crois que les commentaires de Val Bergey sont très inappropriés, car ils constituent une attaque personnelle contre son superviseur et ne se rapportent aucunement à l’exercice de ses fonctions, particulièrement à la lumière de sa lettre récente énonçant les attentes, dans laquelle on exigeait qu’elle maintienne avec la direction des rapports professionnels et respectueux.

317 Après avoir écrit ses commentaires, en début d’après-midi, le surintendant Morris est allé voir la fonctionnaire à son poste de travail du Service de la sécurité routière pour discuter de ses commentaires concernant son évaluation du rendement et lui montrer ses propres commentaires avant de les envoyer au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. À ce moment-là, il n’avait pas connaissance des événements survenus en avant-midi.

318 La fonctionnaire n’était pas à son poste de travail. Le poste de travail du sergent d’état-major Beach était à côté de celui de la fonctionnaire. Le surintendant Morris lui a donc demandé de lui dire, quand elle reviendrait, qu’il voulait lui parler de son évaluation du rendement.

319 Quand la fonctionnaire est revenue à son poste de travail, le sergent d’état-major Beach lui a dit que le surintendant Morris voulait lui parler. Il y a un désaccord quant à la façon dont il a formulé sa demande et s’il a déclaré avoir précisé à la fonctionnaire que la rencontre devait porter sur son évaluation du rendement. La fonctionnaire a refusé de parler au surintendant Morris tant qu’elle n’aurait pas reçu un préavis de 24 heures, ce qui lui permettrait d’obtenir une représentation syndicale pour la rencontre. Selon la transcription introduite en preuve par la fonctionnaire de son enregistrement de cette interaction avec le sergent d’état-major Beach, ce dernier aurait dit [traduction] : « Peux-tu venir avec moi au bureau de Mike? », et elle aurait répondu : [traduction] « Pas sans ma représentante, non. »

320 La fonctionnaire a déclaré qu’elle craignait que ses commentaires écrits soient perçus comme un comportement coupable. Elle croyait honnêtement qu’elle avait droit à un préavis d’au moins 24 heures pour toute rencontre avec la direction devant porter sur des questions de discipline et qu’elle avait le droit d’être accompagnée par un représentant syndical.

321 Le sergent d’état-major Beach a informé immédiatement le surintendant Morris que la fonctionnaire refusait de le rencontrer sans un préavis de 24 heures. Le surintendant Morris est encore une fois allé à son poste de travail pour lui parler.

322 Selon la version des faits du surintendant Morris, lorsqu’il a commencé à expliquer à la fonctionnaire de quoi il voulait lui parler, celle-ci lui aurait coupé la parole au milieu d’une phrase, lui aurait dit qu’elle devait aller aux toilettes et l’aurait brusqué pour sortir. Il lui a alors dit [traduction] : « D’accord » et qu’il attendrait qu’elle revienne. Quand il a constaté qu’elle ne revenait pas, il est retourné à son bureau.

323 Le sergent d’état-major Beach a déclaré que, lorsque la fonctionnaire a regagné son bureau, il lui a dit qu’il irait chercher le surintendant Morris. Elle a répondu qu’il ne devrait pas faire ça, car elle était sur le point de partir en pause. Après sa pause, elle est revenue à son poste de travail et n’a pas tenté de trouver le surintendant Morris ou de communiquer avec lui.

324 Selon la version des faits de la fonctionnaire, quand le surintendant Morris a commencé à lui parler, elle lui a dit qu’elle devait aller aux toilettes. Le surintendant Morris lui a alors bloqué le chemin, et elle a dû le supplier de la laisser passer. Il s’est enlevé de son chemin, et elle est allée aux toilettes. Lorsqu’elle est revenue, le surintendant Morris n’était pas dans son bureau. La fonctionnaire est alors partie pour sa pause-café. Après sa pause, elle n’a pas tenté de trouver le surintendant Morris ou de communiquer avec lui. Elle a déclaré qu’elle n’avait aucune raison de trouver le surintendant Morris, car elle avait déjà dit clairement au sergent d’état-major Beach qu’elle voulait un préavis de 24 heures pour toute rencontre avec le surintendant Morris au sujet de son évaluation du rendement. Elle n’a pas dit cela au surintendant Morris, mais elle s’était exprimée clairement au sergent d’état-major Beach, et c’était à lui qu’il revenait d’informer le surintendant Morris.

325 Après sa pause-café, la fonctionnaire est allée à son ordinateur pour y trouver la lettre énonçant les attentes. Elle est allée dans la salle du courrier pour photocopier la lettre. Quand elle est sortie de la salle, elle a croisé le surintendant Morris.

326 Selon la version des faits du surintendant Morris, il a vu la fonctionnaire plus tard en après-midi. Elle revenait de la salle de courrier et se trouvait devant son bureau. Il lui a dit qu’il voulait lui parler de son évaluation du rendement. La fonctionnaire a continué son chemin en disant : [traduction] « Pas sans un préavis de 24 heures ». Le surintendant Morris a déclaré qu’en s’éloignant de lui, elle a dit soit [traduction] « Hostie de conneries! » ou [traduction] « C’est des hostie de conneries! » Le surintendant Morris a dû la suivre pendant qu’elle retournait à son bureau, car elle a refusé de s’arrêter pour lui parler, même après qu’il lui a affirmé qu’il n’était pas question de discipline, qu’elle n’avait pas besoin de représentation syndicale et qu’il voulait lui donner une copie de ses commentaires concernant son évaluation du rendement.

327 Selon la version des faits de la fonctionnaire, elle a indiqué clairement qu’elle ne voulait pas parler de son évaluation avec le surintendant Morris sans un préavis de 24 heures et sans la présence d’un représentant syndical. La fonctionnaire a soutenu qu’elle n’avait proféré aucune grossièreté. Elle a introduit en preuve la transcription qu’elle avait préparée à partir de son enregistrement de l’interaction, et elle a déclaré que cette transcription appuyait sa version des faits.

328 Mme Bailey a déclaré être allée dans les toilettes des femmes, tôt en après-midi, et qu’elle a vu que la fonctionnaire – qu’elle a reconnue par ses chaussures – se tenait debout, de côté, dans une cabine. Mme Bailey est restée dans les toilettes pendant au moins cinq minutes, et elle n’a vu aucun changement dans la position de la fonctionnaire pendant ce temps. Elle a déclaré que la fonctionnaire était toujours dans les toilettes environ 20 minutes plus tard. Elle a noté les déplacements de la fonctionnaire, de même que le fait qu’à environ 15 h 25, la fonctionnaire est passée devant son bureau en provenance de la salle du courrier en marmonnant, et que le surintendant Morris la suivait. Les seuls mots qu’elle a entendus pendant que la fonctionnaire passait devant son bureau étaient [traduction] « hostie de conneries ». Mme Bailey ne savait pas trop si ces mots vulgaires étaient dirigés contre elle. Les notes prises par Mme Bailey le 28 octobre ont été introduites en preuve en tant que pièce 44.

329 Lors du contre-interrogatoire, quand on lui a demandé pourquoi elle avait consigné les déplacements de la fonctionnaire cet après-midi-là, Mme Bailey a répondu qu’après le courriel du 1er octobre 2003 de la fonctionnaire et sa propre plainte de harcèlement de décembre 2003 contre la fonctionnaire, elle faisait un suivi de ce qui se passait au travail. Elle a également indiqué que la fonctionnaire semblait contrariée et frustrée lorsqu’elle est passée devant son bureau en marmonnant.

330 Le surintendant Morris a suivi la fonctionnaire jusqu’à son poste de travail et lui a remis une copie de son évaluation du rendement avec ses commentaires écrits. Il lui a aussi dit que ses commentaires à son superviseur étaient déplacés, car ils représentaient une attaque personnelle et ne se rapportaient aucunement à l’exercice de ses fonctions. Il a mentionné la lettre énonçant les attentes, qui précisait qu’elle devait conserver des rapports professionnels et respectueux avec la direction.

331 Après que le surintendant Morris a donné à la fonctionnaire une copie de son évaluation du rendement avec ses commentaires et lui a dit l’essentiel de ses commentaires, la conversation a dérapé. Les deux parlaient en même temps. Le surintendant Morris et le sergent d’état-major Beach, qui était aussi dans l’aire de travail, ont déclaré que la fonctionnaire interrompait constamment le surintendant Morris, qui essayait de lui lire ses commentaires. Le bureau du sergent d’état-major Beach était adjacent à celui de la fonctionnaire. Il a tenté d’intervenir en disant à la fonctionnaire que ses commentaires étaient inappropriés. Elle a répondu qu’elle parlait à Mike. La fonctionnaire a déclaré qu’elle essayait de faire entendre son point de vue.

332 Le surintendant Morris a dit à la fonctionnaire que son comportement était inapproprié et que l’employeur ne tolérerait plus cette attitude. Il a déclaré qu’il avait fini par lui dire de l’écouter attentivement. Elle l’a accusé de ne pas l’écouter parce qu’elle avait présenté un grief contre lui. Elle l’a accusé de ne pas dire la vérité et de ne pas respecter les valeurs fondamentales de la GRC.

333 Le surintendant Morris a fini par dire à la fonctionnaire que si elle continuait de se comporter ainsi, il allait la renvoyer chez elle. Elle a répondu que si elle se faisait renvoyer chez elle, ce serait avec salaire. Le surintendant Morris lui a dit qu’il n’avait jamais vu un employé aussi impertinent, et il a quitté le Service de la sécurité routière. Pendant qu’il s’éloignait, la fonctionnaire lui a crié de revenir, parce qu’elle n’avait pas fini de parler.

334 Selon la version des faits de la fonctionnaire, elle a interpellé le surintendant Morris et lui a demandé poliment de revenir. Elle a dit [traduction] « S’il te plaît ».

335 Après le départ du surintendant Morris, la fonctionnaire a demandé au sergent d’état-major Beach s’il était content. Elle lui a dit qu’il pouvait faire une autre fausse accusation en matière de sécurité contre elle. Le sergent d’état-major Beach a déclaré que la fonctionnaire devenait si agitée qu’il lui a dit que si elle continuait ses commentaires, il devrait lui demander de rentrer chez elle pour se calmer jusqu’au lendemain, et qu’il pourrait alors discuter calmement, ce qu’il a éventuellement fait. La fonctionnaire a répondu : [traduction] « Pas si [elle] présente une note du médecin avant ». En partant, elle a dit que le surintendant Morris et le sergent d’état-major Beach avaient besoin d’aide et qu’elle allait bien.

336 La fonctionnaire a produit en preuve une transcription de l’interaction du 28 octobre à l’appui de sa version des faits (pièce 1, onglet 5-D). Elle a également fourni la lettre décrivant leur échange, que le surintendant Morris a écrit en après-midi la journée même et envoyée au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique (pièce 29, onglet C-27), ainsi que les notes et le courriel du sergent d’état-major Beach qui sont datés du jour suivant et décrivent l’interaction du 28 octobre ainsi que d’autres incidents. Ces notes se terminent par des commentaires indiquant que la fonctionnaire n’était pas agréable ou amicale avec lui, qu’elle s’argumentait et perturbait les activités et qu’il demandait de l’aide avant que les choses n’aillent plus loin (pièce 1, onglet 5-Q).

337 L’interaction du 28 octobre 2004 entre le surintendant Morris et la fonctionnaire a mené à la suspension de dix jours de la fonctionnaire. Le surintendant Morris a imposé la suspension le 4 novembre 2004, mais plusieurs événements se sont produits entre ces dates.

338 La fonctionnaire est allée au travail le 29 octobre 2004 et a présenté une demande de congé pour la demi-heure pour laquelle elle avait été renvoyée chez elle le 28 octobre.

339 Le matin du 29 octobre 2004, un deuxième incident s’est produit près de l’imprimante. Selon la version des faits du sergent d’état-major Beach, il a envoyé un courriel concernant la fonctionnaire à Suzette Barlow, du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. Il a imprimé ce courriel pour ses dossiers personnels. Quand il est arrivé à l’imprimante pour récupérer le courriel, la fonctionnaire était en train de s’éloigner de l’imprimante avec tous les papiers qui avaient été imprimés. Il lui a demandé si certains de ces papiers étaient à lui. Elle a répondu qu’ils étaient tous à elle. Le sergent d’état-major Beach a conclu que son courriel n’avait pas été imprimé. Il est retourné à son bureau et a fait imprimer le courriel de nouveau.

340 Dans son courriel, le sergent d’état-major Beach a décrit plusieurs incidents récents impliquant la fonctionnaire. Son courriel de deux pages se terminait par [traduction] : « PS Bergey n’est pas agréable ou amicale avec moi en tant que son superviseur, et s’argumente et perturbe les activités » et par [traduction] : « J’ai besoin immédiatement de votre aide et de vos suggestions avant que les choses n’aillent plus loin » (pièce 1, onglet 5-Q, page 6).

341 Selon la version des faits de la fonctionnaire, le courriel du sergent d’état-major Beach avait été laissé trois jours sur l’imprimante pour l’humilier aux yeux du reste du personnel. C’est pour cette raison qu’elle l’a pris. Elle a déclaré que le courriel portait entièrement sur elle et que son contenu avait été fabriqué de toutes pièces.

342 Le 29 octobre 2004, le sergent Lennox a informé la fonctionnaire qu’il avait été nommé pour enquêter sur sa plainte en matière de sécurité ministérielle contre le sergent d’état-major Beach, mais qu’il n’allait commencer son enquête que le 8 novembre 2004. Elle lui a dit qu’il se pouvait qu’elle ne soit pas au bureau à ce moment-là, mais qu’il pouvait l’appeler chez elle.

343 Le surintendant Morris était en contact avec le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique concernant sa lettre du 28 octobre 2004 qui décrivait l’incident. Le 2 novembre 2004, il a avisé le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique qu’il devait rencontrer la fonctionnaire le lendemain pour discuter de ses actes d’insubordination au cours de la dernière semaine et de son incapacité à respecter l’esprit et l’intention de la lettre énonçant les attentes. Plus tard le même après-midi, il a reçu de Mme Major-Hurt une note de service à laquelle était jointe une lettre datée du 4 novembre 2004 et signée par le sous-commissaire, dans laquelle ce dernier imposait une suspension de dix jours à la fonctionnaire. La note de service contenait aussi des instructions sur le besoin de donner à la fonctionnaire et à sa représentante syndicale un préavis de 24 heures avant de lui donner la lettre, ainsi que des instructions indiquant qu’elle devait signer la lettre pour en accuser réception (pièce 29, onglets C-30 et 31).

344 Le surintendant Morris a nié avoir reçu la lettre signée du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique avant la réunion disciplinaire du 3 novembre. Quand on lui a montré la pièce 29, onglet C-30, lors du contre-interrogatoire, il a admis son erreur.

345 Quand on lui a demandé lors du contre-interrogatoire comment il avait pu recevoir une lettre de suspension de dix jours signée le 2 novembre alors qu’il devait rencontrer la fonctionnaire le jour suivant pour entendre sa version des faits, le surintendant Morris a expliqué que, puisqu’il était personnellement impliqué dans l’incident du 28 octobre, il n’était pas tenu de mener l’enquête visant à établir les faits qui aurait normalement dû être lancée si l’incident s’était produit avec un superviseur. Tout ce qu’il lui restait à faire était de rencontrer la fonctionnaire pour voir si elle avait des facteurs atténuants à divulguer. Il ne pouvait penser à aucun facteur atténuant possible. Il avait eu plusieurs conversations téléphoniques avec le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique depuis l’incident du 28 octobre, et il avait déterminé que, sauf si elle avait des facteurs atténuants à présenter, la fonctionnaire devait recevoir de la direction un message clair concernant ses actes persistants d’insubordination. Selon le surintendant Morris, la suspension de dix jours sans traitement serait une sanction adéquate si la fonctionnaire ne mentionnait aucun facteur atténuant. Il a déclaré que, en tant que chef du Bureau du district nord, il était la personne responsable de prendre toute décision de nature disciplinaire, même si c’est le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique qui a envoyé la lettre de discipline signée par le sous-commissaire. Il a ajouté que si la fonctionnaire lui avait présenté des facteurs atténuants, il aurait pu réduire la gravité de la sanction et l’aurait fait.

346 Une réunion disciplinaire a eu lieu le 3 novembre avec la fonctionnaire et sa représentante syndicale, Mme Stangrecki. Après la réunion, le surintendant Morris a rempli un rapport disciplinaire, y a joint un résumé des explications et des commentaires de la fonctionnaire, et y a apposé sa signature. Il a recommandé qu’une suspension de dix jours soit imposée, car la fonctionnaire ne lui avait rien dit qui pouvait lui faire changer d’idée sur le fait que cette sanction était appropriée.

347 Le surintendant Morris a expliqué pourquoi il croyait que la suspension de dix jours était appropriée. Il a indiqué que, étant donné le temps qui s’était écoulé entre l’incident et l’audience d’arbitrage, il se fierait aux raisons qu’il avait notées dans le rapport disciplinaire après la réunion disciplinaire de novembre 2004, lesquelles étaient une représentation exacte de son point de vue à ce moment-là. Les raisons écrites dans le rapport (pièce 29, onglet C-28, page 2) sont les actes d’insubordination commis par la fonctionnaire le 28 octobre 2004 en après-midi, son refus de se conformer aux conditions de la lettre énonçant les attentes, ainsi que son refus de respecter les directives de son superviseur (qui lui avaient été transmises par courriel en mars 2004 et le 1er novembre 2004) et celles contenues dans la lettre énonçant les attentes concernant son utilisation du réseau de messagerie GroupWise de la GRC.

348 Le surintendant Morris a noté que, quand elle lui a fait part de ses explications et de ses commentaires, il est devenu évident pour lui que la fonctionnaire n’hésitait pas à mentir, à changer les événements et à faire des déclarations qui appuyaient son [traduction] « innocence et [sa] situation de victime autoproclamées ». Il a noté que la fonctionnaire n’avait montré aucun remords, quel que soit l’incident, et n’avait fait aucun effort pour améliorer son attitude ou ses interactions avec son superviseur et la direction. Il a aussi noté qu’il lui avait dit clairement que l’employeur ne tolérerait plus son insubordination à l’avenir.

349 Le 4 novembre, le surintendant Morris a donné à la fonctionnaire la lettre de suspension de dix jours. La fonctionnaire a signé la lettre le jour même.

350 La lettre de suspension du 4 novembre 2004 de Mme Busson se lit en partie comme suit (pièce 1, onglet 5-R) :

[Traduction]

[…]

Cette lettre vise à vous informer que vous êtes suspendue de vos fonctions sans traitement […] Cette suspension vous est imposée en raison de votre comportement inacceptable du 28 octobre 2004. Durant l’après-midi du 28 octobre, vous avez manqué de respect envers la direction, juré après votre superviseur et employé un langage abusif. Vos actes et votre comportement étaient très perturbateurs pour les autres employés de votre lieu de travail. De plus, vous continuez de refuser de suivre les directives et ne manquez pas d’argumenter avec votre gestionnaire chaque fois que vous recevez des directives. Ces actes constituent de l’insubordination et vont directement à l’encontre de la lettre énonçant les attentes que vous avez reçue le 5 août 2004.

[…]

Je dois vous avertir que la direction considère que vos actes sont extrêmement graves. Sachez que l’insubordination, les jurons et le langage injurieux sont des actes très graves aux yeux de la Gendarmerie royale du Canada. Nous nous préoccupons de la santé et du bien-être de tous nos employés, et ce type de comportement ne sera pas toléré. Si vous commettez de nouveau ces actes ou que vous commettez toute autre inconduite, des mesures disciplinaires plus sévères pouvant aller jusqu’à votre licenciement seront prises contre vous.

J’espère sincèrement que de telles mesures ne seront pas nécessaires. Cette mesure disciplinaire vous est imposée dans l’espoir que vous prendrez conscience des effets négatifs de vos actes sur le moral. Il est absolument nécessaire d’adopter un comportement respectueux au travail.

[…]

351 Le 12 décembre 2004, la fonctionnaire a signé un grief dans lequel elle contestait la suspension de dix jours et soutenait que la lettre de suspension était injuste et injustifiée. Le grief n’a été présenté à la Commission que le 28 février 2006 avec une formule 14 en vertu de l’ancienne LRTFP (dossier de la CRTFP 166-02-37094).

352 Je résumerai brièvement les événements du reste de novembre et de décembre 2004. Ils seront décrits plus en détail dans la deuxième partie du résumé de la preuve, en même temps que les événements de 2005.

353 Le 8 novembre 2004, le sergent Lennox a commencé à enquêter sur la plainte en matière de sécurité ministérielle déposée par la fonctionnaire contre le sergent d’état-major Beach. La fonctionnaire, qui avait été suspendue de ses fonctions pour dix jours, n’était pas au bureau quand le sergent Lennox a commencé son enquête. Ce dernier lui a téléphoné plusieurs fois chez elle le 9 novembre. Elle lui a dit qu’elle ne reviendrait pas au bureau avant le 24 novembre 2004 et n’aurait aucun contact avec la GRC avant cette date.

354 Le sergent Lennox a déclaré avoir parlé à la fonctionnaire le 23 novembre 2004. Cette dernière lui a dit qu’elle n’était pas disponible pour une entrevue et ne le serait pas plus tard dans la journée non plus. Quand il a tenté de lui parler le 24 novembre 2004, on lui a dit qu’elle était en situation d’inactivité pour une durée indéterminée. Il a alors essayé plusieurs fois sans succès de communiquer avec elle à sa résidence les 28 et 29 novembre. Elle n’a pas retourné ses appels.

355 Le sergent Lennox a enregistré les déclarations du sergent d’état-major Beach le 30 novembre 2004, et celles de Mme Stangrecki le 1er décembre 2004 (voir les transcriptions à la pièce 1, onglet 5-V). Le 2 décembre 2004, il a envoyé à l’inspecteur Clark un rapport provisoire dans lequel il résumait son enquête (pièce 1, onglet 5-V).

356 Le 8 novembre 2004, à la demande du surintendant Morris, le caporal Flewelling a donné à la fonctionnaire une lettre de suspension modifiée dans laquelle une date avait été changée pour la suspension de dix jours. La lettre de suspension du caporal Flewelling indiquait que, pendant la réunion, la fonctionnaire lui avait montré une copie d’un courriel de deux pages daté du 29 octobre 2004 et adressé au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. La fonctionnaire a déclaré que le courriel avait été écrit par le sergent d’état-major Beach, et qu’elle l’avait pris sur l’imprimante le 29 octobre 2004 en avant-midi parce qu’on l’avait laissé traîner plusieurs jours pour que d’autres employés le voient. Le caporal Flewelling a demandé à la fonctionnaire ce qu’elle comptait faire avec le courriel. Il a déclaré que la fonctionnaire lui avait dit qu’elle en avait déjà donné une copie à sa représentante syndicale et allait entamer des poursuites contre la GRC. Le caporal Flewelling a présenté des éléments de preuve par affidavit sur lesquels il a ensuite été contre-interrogé. Ses notes figurent à la pièce 29, onglet C-32.

357 La fonctionnaire a déclaré avoir montré au caporal Flewelling la copie du courriel envoyé le 29 octobre 2004 par le sergent d’état-major Beach au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, et qu’elle avait sorti ce courriel du bureau parce qu’elle pensait pouvoir lui faire confiance. Elle a aussi déclaré que le courriel portait entièrement sur elle et que son contenu avait été fabriqué de toutes pièces.

358 Quand il a pris connaissance du rapport du caporal Flewelling sur sa rencontre avec la fonctionnaire, le surintendant Morris a décidé qu’il allait tenir une autre réunion disciplinaire avec la fonctionnaire quand elle reviendrait au travail, et ce, pour avoir menti à son superviseur, Il a ajouté qu’il allait recommander une autre suspension de dix jours (pièce 29, onglet C-34).

359 Le 10 novembre 2004, le surintendant Morris a écrit à l’agent responsable de la gestion des ressources humaines pour la Région du Pacifique, à l’attention du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. Il a décrit en ses mots comment la fonctionnaire avait encore une fois agi de manière trompeuse et menti à son superviseur. Il a décrit les événements du 29 octobre 2004 et le rapport du caporal Flewelling, en soulignant les incidents précédents, et il a conclu qu’à la fin de la suspension, le 23 novembre 2004, il annoncerait à la fonctionnaire qu’elle n’était plus la bienvenue au Bureau du district nord.

360 Le 19 novembre 2004, le surintendant Morris a écrit une note de service de deux pages au sujet de la fonctionnaire et l’a envoyée à trois personnes : le surintendant principal Lanthier, le surintendant principal Dingwall et le sous-officier responsable de la Section de la sécurité ministérielle pour la Région du Pacifique, John Mitchell. Le surintendant Morris a souligné certaines des difficultés qu’il avait rencontrées en raison de la conduite trompeuse de la fonctionnaire, et il a demandé des conseils et de l’orientation. Il a déclaré qu’il n’avait jamais participé à un examen de sécurité en vue de révoquer la cote de fiabilité d’un employé de la GRC. La note de service, qui a été envoyée par courriel le 19 novembre 2004, était accompagnée d’une note de présentation intitulée [traduction] « PS Valerie Bergey – Question de sécurité », dans laquelle il expliquait pourquoi il envoyait la note de service (pièce 29, onglets C-34 et 35).

361 M. Mitchell a dit au surintendant Morris qu’il devrait détailler et documenter la chronologie des questions pour en faire une justification plus exhaustive.

362 Le surintendant Morris a demandé au sergent d’état-major Beach de préparer un rapport sur ses interactions avec la fonctionnaire. Il a ensuite utilisé ce rapport, ainsi que ses propres dossiers de travail exhaustifs, pour compiler une chronologie des événements à l’appui de ses préoccupations relativement au maintien de la cote de fiabilité de la fonctionnaire. Sa note de service, datée du 29 novembre 2004, était adressée à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique (M. Mitchell) (pièce 1, onglet 5-B, et pièce 29, onglet C-40).

363 Le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique a informé le surintendant Morris que la fonctionnaire avait enregistré subrepticement ses interactions au Bureau du district nord. Cette information l’a convaincu encore plus que les mesures disciplinaires ne suffisaient plus pour traiter le risque qu’elle représentait pour d’autres employés. Le 17 décembre 2004, il a écrit à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. Il alors transmis à M. O’Donnell une copie du courriel qu’il avait envoyé le 29 novembre 2004 à M. Mitchell et a informé ce dernier que le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique lui avait télécopié une copie de la transcription des discussions de la réunion disciplinaire du 3 novembre 2004. Le surintendant Morris a déclaré qu’il était évident que la fonctionnaire avait utilisé un enregistreur et que, bien que sa pratique d’enregistrer en secret ses interactions n’était pas criminelle, elle était tout de même contraire à l’éthique et constituait un autre exemple de sa conduite trompeuse et contraire à l’éthique. Il a aussi noté qu’un médecin de Santé Canada avait examiné récemment la fonctionnaire et l’avait informé qu’elle n’avait aucun problème physique ou mental d’un point de vue médical (pièce 29, onglet C-42).

364 En novembre 2004, on a demandé à la fonctionnaire de se soumettre à un autre examen d’aptitude au travail. Elle a été examinée par le docteur Prendergast, de Santé Canada, le 13 décembre 2004.

365 Le docteur Prendergast a évalué de nouveau la fonctionnaire après avoir lu la note de service du surintendant Morris datée du 29 novembre 2004 et parlé à la représentante syndicale de la fonctionnaire, Mme Lidyard, ainsi qu’au médecin de famille de la fonctionnaire. Dans la lettre qu’il a envoyée le 21 décembre 2004 au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, le docteur Prendergast a conclu que la fonctionnaire était temporairement inapte à travailler en attendant l’évaluation de sa santé mentale par un spécialiste. Il a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je crains maintenant que Mme Bergey souffre effectivement d’une condition médicale que je suis incapable de diagnostiquer. J’aimerais obtenir l’opinion d’un spécialiste pour déterminer de manière définitive si la fonctionnaire est apte à travailler. Je vais donc recommander qu’elle voie un psychiatre.

[…]

366 Pendant la réévaluation, le docteur Prendergast a parlé à la fonctionnaire de la note de service du 29 novembre 2004 du surintendant Morris. La fonctionnaire a plus tard obtenu une copie de ce document dans le cadre d’une ordonnance d’accès à l’information en vertu de la législation sur la protection de la vie privée.

367 Le docteur Prendergast a ensuite recommandé que la fonctionnaire soit soumise à une évaluation médicale plus approfondie. Le 22 décembre 2004, le surintendant Morris a avisé la fonctionnaire que son absence du travail depuis son retour de sa suspension de dix jours, le 24 novembre 2004, était maintenant autorisée comme congé de maladie payé à compter du 24 novembre 2004 (pièce 29, onglet C-43).

368 Selon le témoignage de la fonctionnaire, le surintendant Morris aurait fabriqué des éléments de preuve dans sa note de service du 29 novembre 2004 pour créer des inquiétudes en matière de sécurité et des problèmes pour elle avec Santé Canada. Elle a accepté d’être évaluée par un psychiatre, une rencontre qui devait être organisée par le docteur Prendergast.

369 La fonctionnaire n’est plus revenue au travail après le 24 novembre 2004.

VII. Expression syndicale

A. Résumé des arguments

1. Pour la fonctionnaire

370 L’avocat de la fonctionnaire a soutenu que les actions de l’employeur ont interféré avec les activités syndicales ou la représentation syndicale de sa cliente, particulièrement son droit, en tant que représentante syndicale, de parler librement et de critiquer la direction. Il m’a renvoyé à Shaw c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences) et al., 2006 CRTFP 125, King c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2008 CRTFP 64, et Canada (Procureur général) c. King, 2009 CF 922.

371 L’avocat de la fonctionnaire a également soutenu que l’employeur avait utilisé de manière illégale les courriels de sa cliente, comme ceux du 30 septembre 2003 et du 1er octobre 2003. Ces courriels contenaient des conversations privées et personnelles entre la fonctionnaire et ses collègues du syndicat, dans lesquelles elle exprimait ses craintes, ses frustrations et ses préoccupations. L’avocat a soutenu que l’opinion de la fonctionnaire, en tant que présidente syndicale, était que les actes de harcèlement étaient bien répandus au Bureau du district nord, et que le surintendant Morris ne prenait pas le harcèlement et les plaintes de harcèlement au sérieux. Même si sa perception des faits était erronée selon les éléments de preuve, elle avait le droit de l’exprimer et d’éprouver cette perception auprès d’autres membres du syndicat. Il était illégal pour l’employeur d’utiliser ces courriels pour imposer des mesures disciplinaires à la fonctionnaire, car cela représentait une intrusion illégale dans ses activités syndicales et un geste de représailles illégal.

2. Pour l’employeur

372 L’employeur a soutenu que les arguments de la fonctionnaire sur son intrusion présumée dans ses activités syndicales n’étaient pas admissibles à l’audience en raison du principe établi dans Burchill c. Canada (Procureur général du Canada), [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), et Shneidman c. Canada (Procureur général du Canada), 2007 CAF 192, selon lequel : « Pour renvoyer une plainte à l’arbitrage, l’employée s’estimant lésée doit avoir informé son employeur de la nature exacte de ses doléances tout au long de la procédure interne de grief […] » (paragraphe 26).

373 L’employeur a soutenu que la fonctionnaire était une présidente syndicale d’expérience, et qu’elle était représentée par sa déléguée syndicale pendant toute la période pertinente. Elle n’a présenté aucun grief dans lequel elle a allégué qu’on avait violé son droit d’exprimer ses préoccupations dans son rôle de représentante syndicale. Elle n’a pas présenté d’observations au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Elle ne peut pas maintenant présenter ces arguments à l’étape de l’audience.

374 Subsidiairement, l’employeur a affirmé que si les arguments de la fonctionnaire étaient jugés recevables à l’étape de l’audience, les courriels en question n’étaient pas protégés par le droit d’expression syndicale. Le syndicat n’a déposé aucune plainte de pratique déloyale de travail (article 190 de la nouvelle LRTFP), et ne pouvait invoquer l’argument d’ingérence de la part de l’employeur à l’audience. Par ailleurs, l’employeur a soutenu que la norme de protection applicable selon le paragraphe 40 de Shaw ne s’appliquait pas en l’espèce, car des déclarations fausses ont été faites avec malveillance ou de manière délibérée ou insouciante. Dans ses courriels, la fonctionnaire ne cesse d’accuser la direction de ne pas réagir à ses préoccupations en matière de harcèlement, alors que les éléments de preuve démontrent que ce n’était pas le cas. Les courriels de la fonctionnaire étaient des attaques personnelles contre les gestionnaires, et ils étaient très accusateurs et désobligeants.

375 L’employeur a également soutenu que les courriels de la fonctionnaire constituaient une violation flagrante du paragraphe H.5.b(5) de la politique sur le harcèlement de la GRC, qu’ils avaient été distribués à tous les fonctionnaires du District nord de la Division « E » et qu’ils avaient été envoyés en copie conforme invisible à d’autres personnes à l’intérieur et à l’extérieur de la GRC. Même si la fonctionnaire exprimait dans ces courriels son opinion sincère, les déclarations qu’ils contiennent ont été faites avec malveillance au sens du critère établi dans Shaw, ou étaient de fausses déclarations faites délibérément ou de manière insouciante.

B. Décision

376 Selon le paragraphe 209(1) de la nouvelle LRTFP, un employé ne peut renvoyer un grief individuel à l’arbitrage que si ce dernier a été « […] porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable […] ». Si le fonctionnaire n’a pas soulevé une question avant la fin de la procédure de règlement des griefs, le principe établi dans Burchill est appliqué, et on considère qu’il n’a pas présenté de grief sur la question nouvellement soulevée « […] jusqu’au dernier palier de la procédure applicable […] ». Dans ce cas, le grief n’est pas arbitrable en vertu de tout alinéa du paragraphe 209(1).

377 Je suis d’accord avec l’employeur sur le fait que, selon le principe établi dans Burchill, il était trop tard à cette étape pour soulever la question de l’ingérence de l’employeur quant à son droit à la liberté d’expression. Aucun grief dont je suis saisi ne mentionne une violation de son droit de présidente syndicale de parler librement et de critiquer la direction. Ni la fonctionnaire ni ses représentants syndicaux n’ont soulevé cette question dans les arguments présentés au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

378 Au cas où ma conclusion sur ce point serait incorrecte, je vais examiner brièvement le bien-fondé des arguments de la fonctionnaire.

379 Premièrement, je note que les circonstances dans Shaw et dans les deux décisions King se distinguent de celles en l’espèce. Toutes ces affaires portaient sur un grief visant à contester une suspension disciplinaire imposée à un fonctionnaire, un représentant syndical, en raison des propos du fonctionnaire.  

380 Dans King c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2008 CRTFP 64, le fonctionnaire était vice-président de l’Union Douanes Accise. Il contestait dans son grief une suspension disciplinaire qui lui avait été imposée pour une lettre qu’il avait écrite au secrétaire du Department of Homeland Security des États-Unis concernant les pratiques de gestion frontalière du Canada.

381 Dans Shaw, le fonctionnaire était président d’une section locale du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada. Il contestait dans son grief une suspension disciplinaire qui lui avait été imposée pour des déclarations qu’il avait faites lors d’une réunion publique organisée par le Community Social Planning Council de Toronto pour donner aux organisations communautaires une occasion de discuter du nouveau système d’appel de propositions du gouvernement. La sous-traitance de travaux de l’unité de négociation était un problème pour le Syndicat. M. Shaw a également déposé une plainte de pratique déloyale de travail, dans laquelle il a soutenu que l’imposition par l’employeur d’une mesure disciplinaire dans les circonstances était une pratique déloyale de travail.

382 La fonctionnaire était une présidente du SESG pendant une partie de la période visée. Cependant, les éléments de preuve n’ont pas permis de démontrer qu’on lui avait imposé une mesure disciplinaire parce qu’elle s’était exprimée de vive voix ou par écrit et avait critiqué la direction quand elle était présidente syndicale, ou même pour les critiques qu’elle a faits plus tard, après sa démission de son poste de présidence en décembre 2003. Elle n’a présenté aucun grief pour contester une telle sanction. Contrairement à King c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2008 CRTFP 64, et Shaw, la fonctionnaire a reçu une suspension disciplinaire pour ses actes d’insubordination et son comportement inacceptable au travail le 28 octobre 2004, en après-midi. La fonctionnaire n’était pas une représentante syndicale au moment de l’incident. Même si elle l’avait été, je ne crois pas qu’en tant qu’employée, elle aurait pu justifier le fait qu’elle a refusé de rencontrer la direction pour parler de son évaluation du rendement, comme on le lui avait demandé, sans un préavis de 24 heures. Les représentants syndicaux ne sont pas à l’abri des mesures disciplinaires pour insubordination ou une autre inconduite ne s’inscrivant pas dans la portée normale des responsabilités syndicales.

383 Je conviens que l’intrusion d’un employeur dans les communications confidentielles entre des représentants syndicaux et leurs membres est répréhensible. Cependant, l’avocat de la fonctionnaire n’a pas décrit de cas d’utilisation illégale par l’employeur des courriels qui ont été mentionnés comme exemples de communications syndicales privées.

384 Je note que, le 30 septembre 2003, la fonctionnaire a envoyé au caporal Adair un courriel distinct qui contenait les mêmes accusations que dans sa communication syndicale. Le caporal Adair n’était pas un membre du syndicat. Quand elle a envoyé, le 1er octobre 2003, un courriel qui contenait des remarques personnelles désobligeantes sur le surintendant Morris et Mme Bailey, la fonctionnaire était présidente syndicale, et le courriel était adressé à la vice-présidente, Mme Stangrecki, mais son appel : [traduction] « Mesdames » et les éléments de preuve ont clairement établi qu’il a été envoyé en copie conforme invisible à plusieurs autres personnes, dont le nombre est estimé à plus d’une cinquantaine. La fonctionnaire a soutenu que ce courriel était une communication syndicale visant à obtenir des conseils d’autres membres du syndicat, mais les éléments de preuve ont démontré qu’il n’a pas été envoyé en copie conforme invisible à tous les membres du SESG, mais qu’il a été envoyé en copie conforme invisible à d’autres personnes qui ne faisaient pas partie du syndicat. Par exemple, les éléments de preuve ont démontré que Mme Bailey, qui était membre de la section locale du SESG, n’a pas reçu le courriel, tandis que des personnes qui ne faisaient pas partie du syndicat ont reçu le courriel, comme le caporal Adair et le sergent d’état-major McCaig, qui a plus tard donné une copie du courriel à l’inspecteur Clark. Je ne considère donc pas que le courriel du 1er octobre 2003 équivalait à une conversation personnelle privée entre la fonctionnaire et ses collègues du syndicat, comme l’a décrit la fonctionnaire. Je ne vois pas non plus dans les éléments de preuve qu’on lui a imposé une mesure disciplinaire pour les opinions qu’elle a exprimées dans cette communication.

385 Le 30 janvier 2004, quand elle a envoyé des courriels dans lesquels elle accusait le surintendant Morris de manquer d’intégrité et d’impartialité, la fonctionnaire n’était plus présidente syndicale. Par conséquent, on ne peut pas dire qu’elle exerçait des droits officiels d’expression syndicale ou qu’elle avait une conversation privée avec des membres du syndicat. On ne peut pas non plus dire qu’elle formulait une critique générale des politiques et des pratiques de la direction. Je note également que ces courriels, dont au moins trois ont été introduits en preuve, ont été envoyés en copie conforme, invisible ou non, à des membres du syndicat et de la direction.

386 En résumé, si j’avais permis que la question de l’expression syndicale soit accueillie à cette étape de la procédure, je rejetterais l’argument de la fonctionnaire que l’employeur a commis une intrusion illégale dans ses activités syndicales ou sa représentation syndicale.

VIII. Le grief contre la suspension de 10 jours

387 Je me pencherai d’abord sur le grief contre la suspension de 10 jours.

A. Crédibilité

388 Avant de parler du grief, je discuterai d’une question connexe de crédibilité. Je constate que les parties ont soulevé de nombreuses questions générales de crédibilité. J’ai essayé de séparer les questions de crédibilité qui sont en lien avec le grief contre la suspension de 10 jours de celles qui portent sur les griefs contre la suspension et la révocation de la cote de fiabilité de la GRC, plus précisément celles concernant les questions de mauvaise foi et de mesures disciplinaires déguisées.

389 L’avocate de l’employeur s’est appuyée principalement sur la version du surintendant Morris de l’incident du 28 octobre 2004 pour appuyer la validité de la suspension. L’avocat de la fonctionnaire, quant à lui, s’est beaucoup appuyé sur les éléments de preuve du passé conflictuel entre les parties pour appuyer l’allégation selon laquelle le surintendant Morris et Mme Bailey avaient des comptes à régler avec la fonctionnaire parce qu’elle faisait valoir ses droits. Il s’est appuyé sur le témoignage du surintendant Morris concernant des événements connexes qui se sont produits à d’autres moments pour remettre en question sa crédibilité relativement à la version des faits qu’il a donnée sur l’après-midi du 28 octobre.

390 Premièrement, je constate que le surintendant Morris et la fonctionnaire ont tous deux témoigné de façon directe et calme. Si l’attitude d’un témoin est pertinente pour évaluer sa crédibilité, il ne s’agit toutefois que d’un des facteurs. Je remarque également que, dans les différends en milieu de travail qui portent sur des questions de discipline, il est normal que les gestionnaires et les employés touchés entretiennent un certain niveau d’animosité, et que la présence de cette animosité n’est pas un facteur fiable pour évaluer la crédibilité. Pour déterminer quelle version des faits je devrais croire, j’estime qu’il est plus efficace d’évaluer la crédibilité en examinant attentivement les éléments de preuve fournis par les témoins qu’en lançant des accusations générales de comptes à régler entre les parties. Je n’ai pas non plus trouvé le témoignage et les pièces [pièces 154 à 156] présentés par la fonctionnaire concernant les activités d’emploi à temps partiel et de bénévolat de cette dernière, ainsi que sa formation à l’extérieur de la GRC, utiles pour m’aider à résoudre les questions de crédibilité que je dois trancher. Cela dit, je reviendrai plus en détail, plus tard dans la section portant sur mes motifs sur les six autres griefs, sur l’accusation générale de la fonctionnaire que la crédibilité du surintendant Morris est suspecte parce que lui et le sergent d’état-major Beach avaient des comptes à régler avec la fonctionnaire. Je ne crois pas que cette accusation est appuyée par la preuve. En fait, bien des éléments de preuve soulevaient de sérieuses préoccupations quant à la crédibilité générale de la fonctionnaire.

391 Deuxièmement, je n’ai aucune raison de douter de la crédibilité du surintendant Morris au sujet de l’incident du 28 octobre 2004. Sa version des faits concorde pleinement avec celle qu’il a donnée dans le rapport d’incident qu’il a écrit l’après-midi en question. Sa version est aussi appuyée par celles du sergent d’état-major Beach et de Mme Bailey, qui étaient toutes deux présents pendant une partie de l’incident, mais pas toute la durée de celui-ci.

392 L’avocat de la fonctionnaire a soutenu que la crédibilité du surintendant Morris était douteuse en raison des réponses qu’il a données en contre-interrogatoire relativement aux pièces 113 et 115, soit des courriels échangés entre des employés du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. En ce qui concerne la pièce 113, on lui a demandé s’il avait reçu une copie de la lettre de suspension de 10 jours avant la rencontre du 3 novembre 2004 avec la fonctionnaire. Il a déclaré être certain qu’il ne l’avait pas reçue. Cependant, lorsqu’on lui a montré la pièce 113, qui révélait qu’il avait reçu cette copie, il a admis son erreur. Dans le même ordre d’idées, par rapport à la pièce 115, lorsqu’on a demandé au surintendant Morris s’il avait vu les commentaires écrits de la fonctionnaire concernant l’évaluation de son rendement et avait demandé conseil auprès du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique en octobre, avant l’incident du 28 octobre sur les mesures disciplinaires à imposer à la fonctionnaire à cause de cet incident, il a dit que non. Or, lorsqu’on lui a montré la pièce 115, soit un courriel entre deux conseillers du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique où il est question de sa demande de conseils au sujet de trois incidents récents où la fonctionnaire avait adopté un comportement qui le préoccupait, dont l’incident portant sur les commentaires écrits de la fonctionnaire concernant son évaluation du rendement, il a reconnu qu’il s’était trompé dans ses souvenirs.

393 Je ne crois pas que l’incapacité du surintendant Morris de se souvenir des détails mis au jour dans les pièces 113 et 115 mine sa crédibilité générale concernant les événements qui se sont produits l’après-midi du 28 octobre 2004 et qui l’ont amené à imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire. L’audience s’est déroulée cinq ans après cet incident. Après tout ce temps, il arrive souvent que les témoins puissent se tromper dans leurs souvenirs. En outre, le surintendant Morris a pris sa retraite en décembre 2004 et il n’a pas conservé ses dossiers de travail. Il a affirmé en toute franchise que, s’il se rappelait plutôt bien les principaux événements et interactions avec la fonctionnaire, avec le temps, il a oublié certains menus détails. Le souvenir le plus exact des événements qu’il pouvait produire était ce qu’il avait consigné dans les documents à cette époque. Il a tout de suite reconnu s’être trompé lorsqu’on lui a montré les pièces. Je tiens à faire remarquer que la fonctionnaire a aussi oublié certains menus détails et qu’elle a tout de suite reconnu ses erreurs lorsqu’on la corrigeait.

394 Je souligne également que l’on ne peut tirer des conclusions négatives du fait que le surintendant Morris a demandé conseil auprès des conseillers du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, à la mi-octobre, au sujet des mesures disciplinaires qu’il pouvait imposer à la fonctionnaire relativement à plusieurs incidents où le comportement de cette dernière l’a préoccupé. Il n’était pas son superviseur immédiat, mais en tant que chef du Bureau du district nord, il avait la responsabilité générale de tous les employés. On l’avait informé à la mi-juillet que le comportement inacceptable de la fonctionnaire n’était pas causé par des problèmes médicaux. En l’absence du superviseur immédiat de la fonctionnaire, il lui avait personnellement remis une lettre énonçant les attentes. Il l’avait avertie que son comportement inacceptable serait dorénavant considéré comme intentionnel et ne serait plus toléré.

395 Pour ce qui est de savoir si la fonctionnaire a proféré un juron au cours de l’incident du 28 octobre 2004, un élément essentiel dans cette affaire, je suis plus que convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le récit du surintendant Morris est essentiellement exact. J’ai décrit les motifs me permettant d’en arriver à cette conclusion dans une autre section de la présente décision.

396 En ce qui concerne les questions visant à déterminer si la direction rejetait toujours les plaintes de harcèlement de la fonctionnaire sans mener d’enquête et si, le matin du 28 octobre 2004, son superviseur immédiat l’a frappée, que ce soit sur le bras ou sur les fesses, ce qui agirait à titre de facteurs atténuants pour son inconduite en après-midi, je suis convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que la fonctionnaire n’a pas prouvé la première allégation et que, pour la deuxième allégation, le récit du sergent d’état-major Beach est essentiellement exact. J’ai décrit les motifs me permettant d’en arriver à cette conclusion dans une autre section de la présente décision.

B. Résumé des observations

1. Pour l’employeur

397 On a imposé à la fonctionnaire une mesure disciplinaire en réaction au comportement inacceptable en milieu de travail qu’elle a adopté le 28 octobre 2004. La direction a déterminé que son comportement avait été irrespectueux (jurons), perturbateur et en contravention directe de directives qui lui avaient été données auparavant, et que cela justifiait une intervention.

398 L’avocate de l’employeur m’a rappelé la preuve produite à l’appui de son argument selon lequel les activités du lieu de travail avaient été perturbées le 28 octobre 2004. Elle a déclaré que les témoignages du surintendant Morris, du sergent d’état-major Beach et de Mme Bailey étaient appuyés par la transcription, fournie par la fonctionnaire, de sa rencontre avec le surintendant Morris.

399 Selon la preuve de l’employeur, la direction a essayé de discuter avec la fonctionnaire au sujet de son évaluation du rendement. On lui a dit qu’il ne s’agissait pas d’une rencontre disciplinaire. Elle a opposé de la résistance, et son langage et ses gestes étaient provocateurs. Lorsque le sergent d’état-major Beach l’a avisée que le surintendant Morris souhaitait la voir, elle a refusé d’aller dans son bureau. Après que le sergent d’état-major Beach a avisé le surintendant Morris du refus de la fonctionnaire, le surintendant Morris est allé dans le bureau de la fonctionnaire pour lui parler. Il a affirmé qu’elle l’a brusqué en sortant et qu’elle lui a dit qu’elle devait aller aux toilettes. La transcription de la fonctionnaire indique qu’elle a interrompu le surintendant Morris au beau milieu d’une phrase en disant [traduction] « Je veux seulement [...] » et que, lorsqu’elle est passée à côté de lui, il a dit [traduction] « Je vais t’attendre ». Après un certain temps, comme elle ne revenait pas des toilettes, le surintendant Morris est retourné dans son bureau. Lorsqu’elle est sortie des toilettes, elle est allée se chercher un café, puis elle est retournée à son bureau. Elle n’est jamais allée voir le surintendant Morris, même si elle savait qu’il voulait lui parler, ce qui tend à confirmer la croyance de l’employeur qu’elle est demeurée dans les toilettes pour l’éviter. Cette conclusion est appuyée par l’observation indépendante de Mme Bailey, qui a affirmé que la fonctionnaire est restée aux toilettes pendant plus de 25 minutes. Le surintendant Morris était le cadre supérieur responsable du District nord de la Division « E ». On a clairement indiqué à la fonctionnaire qu’il voulait lui parler. Le fait qu’elle l’ait évité constituait un comportement irrespectueux et perturbateur.

400 La position de la fonctionnaire, bien qu’elle ne l’ait pas révélée au surintendant Morris au moment de l’incident dans son bureau, est qu’elle voulait recevoir un préavis 24 heures pour que son représentant syndical puisse être présent à la rencontre. Elle ne lui a dit que lorsqu’elle l’a revu, plus tard dans la journée, lorsqu’il lui a dit qu’il tenait à la rencontrer.

401 Le témoignage du surintendant Morris et ses notes sur l’incident révèlent qu’il a cherché à localiser la fonctionnaire, qu’on lui a dit qu’elle passait plus de temps que la normale aux toilettes, et qu’il avait trouvé son comportement, cette journée-là, suffisamment irrespectueux et perturbateur pour qu’il prenne des mesures.

402 On ne peut accorder beaucoup de valeur au fait que la transcription de la fonctionnaire de ses enregistrements secrets faits ce jour-là ne montre pas qu’elle a proféré un juron, puisqu’elle ne se serait pas enregistrée alors qu’elle jurait. Il est plus vraisemblable qu’elle ait formulé le commentaire. La version du surintendant Morris et de Mme Bailey est préférable à celle de la fonctionnaire. Le surintendant Morris n’avait aucune raison d’inventer cela. Qui plus est, la transcription complète de la fonctionnaire confirme que les activités du lieu de travail ont été perturbées au cours de l’après-midi et que ses paroles à l’endroit de la direction étaient inappropriées et provocatrices.

403 L’avocate de l’employeur a soutenu qu’il était important d’examiner l’interaction survenue le 28 octobre 2004 entre le surintendant Morris et la fonctionnaire dans le contexte de l’ensemble de leurs interactions à cette date, car l’incident du 28 octobre ne différait pas des interactions qui ressortent des nombreux courriels de la fonctionnaire. Par exemple, ses courriels du 30 janvier 2004 décrivent l’incident du 30 janvier, lorsqu’elle s’en est prise directement au surintendant Morris et qu’elle l’a accusé de manquer de leadership, d’intégrité et d’impartialité. Il a indiqué dans le rapport disciplinaire du 3 novembre 2004 qu’il avait remis la lettre énonçant les attentes à la fonctionnaire, que cette lettre précisait le comportement qui était attendu d’elle au travail et qu’elle ferait l’objet d’une sanction disciplinaire si elle répétait ses comportements inacceptables. Elle n’a affiché aucun remords pour son comportement du 28 octobre. Elle avait reçu plus tôt une réprimande verbale de la part du sergent d’état-major Beach pour ce type de comportement, et on lui avait récemment imposé des mesures disciplinaires en raison d’une allégation non fondée de harcèlement visant Mme Bailey. Cela démontre que la direction avait pris des mesures pour amener la fonctionnaire à modifier son comportement au travail, qu’elle ne l’a pas modifiée et qu’elle avait atteint les limites du seuil de tolérance pour son comportement inacceptable en milieu de travail. Dans des courriels envoyés à d’autres personnes, la fonctionnaire a reconnu qu’elle s’était parfois comportée de façon inappropriée avec le surintendant Morris.

404 Lors de l’audience disciplinaire du 3 novembre 2004, la fonctionnaire a affirmé dans son témoignage qu’elle voulait être avisée 24 heures à l’avance afin qu’elle puisse s’assurer de la présence d’un représentant syndical. En tant que présidente syndicale et employée ayant une grande expérience des griefs, elle connaissait la règle selon laquelle il faut « obéir maintenant, présenter un grief plus tard ». Son refus de rencontrer la direction lorsqu’on le lui a demandé afin de discuter de son évaluation du rendement constituait donc un comportement provocateur et méprisant à l’endroit de la direction et méritait qu’on lui impose une mesure disciplinaire.

405  L’avocate de l’employeur a soutenu que la question de la crédibilité était importante dans cette affaire compte tenu des éléments de preuve contradictoires. Elle a affirmé qu’en ce qui concerne le comportement inacceptable de la fonctionnaire tel qu’il a été allégué par l’employeur, comme les jurons et les perturbations dans le milieu de travail, si l’on se fie à toutes les éléments de preuve présentés, les témoignages des témoins de l’employeur, le surintendant Morris, Mme Bailey et le sergent d’état-major Beach, devraient être privilégiés par rapport à celui de la fonctionnaire, et je dois conclure que sa conduite était inappropriée et méritait une certaine forme de discipline.

406 En ce qui concerne la sévérité de la sanction disciplinaire imposée, l’avocate de l’employeur a soutenu qu’elle était raisonnable et adéquate, et qu’elle ne devrait pas être réduite. Si une suspension de 10 jours pour l’incident du 28 octobre 2004 peut sembler trop sévère en examinant uniquement cet incident, ce n’est pas le cas lorsque l’on examine l’ensemble de cette affaire. La fonctionnaire avait déjà reçu une réprimande verbale et une suspension de 3 jours. En lui imposant la suspension de 10 jours, la direction appliquait le principe de la discipline progressive pour essayer de lui faire comprendre que son comportement ne serait plus toléré.

407 L’avocate de l’employeur m’a renvoyée à cinq décisions de la Commission pour appuyer l’argument selon lequel une suspension de 10 jours sans rémunération était raisonnable dans les circonstances.

408 En premier lieu, l’avocate de l’employeur m’a renvoyée à MacLean c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes, Accise et Impôt), dossier de la CRTFP 166-02-27968 (19990107), où le fonctionnaire s’estimant lésé, tout comme la fonctionnaire dans la présente affaire, envoyait dans le milieu de travail des communications méprisables à l’endroit de la direction. Dans ce cas, c’est la teneur des critiques, et non le fait d’avoir critiqué la direction, qui méritait une sanction disciplinaire. L’arbitre de grief a conclu qu’une suspension de 10 jours était adéquate pour faire comprendre au fonctionnaire qu’un tel comportement ne serait pas toléré.

409 Ensuite, l’avocate de l’employeur m’a renvoyée à Cottenoir et Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel du Canada), dossier de la CRTFP 166-2-27324 (19971022), et à Tanciu et le Conseil du Trésor (Anciens combattants Canada), dossier de la CRTFP 166-02-27712 (19970815), en guise d’exemples pertinents où un fonctionnaire s’estimant lésé a, dans le premier cas, induit l’employeur en erreur, ce qui a mené au licenciement et, dans le deuxième cas, adopté un comportement arrogant, impoli et irrespectueux à l’endroit de la direction, ce qui a entraîné une suspension de cinq jours.

410 L’avocate de l’employeur m’a aussi renvoyé à Mohan c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2005 CRTFP 172. Cette décision décrit une conclusion d’insubordination parce que le fonctionnaire s’estimant lésé avait refusé de suivre les directives qu’on lui avait données et avait affiché une attitude provocatrice à l’endroit de son superviseur. Le fonctionnaire entretenait une relation difficile avec son superviseur. Si les faits dans Mohan diffèrent de ceux qui caractérisent la présente affaire, puisque le fonctionnaire a désobéi à un ordre clairement transmis, il avait tout de même traité son superviseur de [traduction] « stupide » ou de [traduction] « stupidité ». Même s’il n’y avait eu aucun témoin de l’incident en dehors du superviseur et du fonctionnaire, l’arbitre de grief a conclu que les insultes constituaient de l’insubordination et que ce commentaire n’en était pas un que le superviseur aurait vraisemblablement inventé. L’avocate a souligné que dans le cas de la fonctionnaire, Mme Bailey a affirmé indépendamment avoir entendu la fonctionnaire formuler le juron que le surintendant Morris a affirmé avoir entendu à ce moment-là. Elle a conclu que le juron la visait en raison de ses interactions récentes avec la fonctionnaire.

411 Enfin, l’avocate de l’employeur m’a renvoyée à Focker c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 7. Elle a indiqué que, dans Focker, la fonctionnaire s’estimant lésée, au même titre que la fonctionnaire, se sentait justifiée, par la sincérité et la force de ses convictions, d’agir comme elle l’a fait. L’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire ne pouvait se dérober à son obligation de se conformer à un ordre de son superviseur en raison de ses convictions et qu’elle avait fait preuve d’insubordination. La fonctionnaire devait suivre le principe selon lequel il faut [traduction] « obéir maintenant, présenter un grief plus tard ». L’avocate a présenté des arguments semblables : les fortes convictions et les puissants désirs de la fonctionnaire, qui l’ont amenée à éviter une rencontre avec le surintendant Morris pour discuter de son évaluation du rendement tant qu’il ne se serait pas écoulé 24 heures après avoir reçu l’avis pour lui permettre d’assurer la présence d’un représentant syndical, ne justifiaient pas son insubordination.

2. Pour la fonctionnaire

412 L’avocat de la fonctionnaire a formulé des arguments oraux sur le grief contre la suspension de 10 jours et, à l’appui de ceux-ci, a présenté deux longues observations écrites, le 3 et le 30 septembre 2010, qui contenaient les arguments et observations sur les sept griefs. Je tenterai d’extraire les observations de la fonctionnaire qui sont directement liées au grief contre la suspension de 10 jours.

413 La fonctionnaire a produit trois volumes de jurisprudence. Le volume 1 contenait 19 cas sur les thèmes de l’insubordination, de l’insubordination par des jurons et des mesures disciplinaires déguisées. Les affaires n’ont cependant pas toutes été mentionnées dans l’argumentation, et d’autres cas ont été mentionnés au cours de l’argumentation orale.

414 La première observation générale de l’avocat de la fonctionnaire était que l’employeur, dans son argumentation, se concentrait sur le 28 octobre 2004 et sur le comportement de la fonctionnaire, en commençant lorsque le sergent d’état-major Beach lui a dit que le surintendant Morris voulait lui parler. Il est toutefois important de tenir compte du contexte de ce comportement, notamment des difficultés et des conflits entre la fonctionnaire, le surintendant Morris, le sergent d’état-major Beach et Mme Bailey. Ses difficultés avec son employeur ont commencé lorsque le Service de la sécurité routière est déménagé au Bureau du district nord, en 2001. Elle a commencé à consigner des problèmes de harcèlement impliquant le commissionnaire et le spécialiste de la tenue des dossiers du Bureau du district nord. La direction a refusé de donner suite à ses plaintes de harcèlement et l’a soumise à un niveau élevé de surveillance indue. Il l’a soumis à une microgestion, l’a réprimandée et l’a assujettie à une évaluation psychiatrique, le tout d’une façon qui équivalait à du harcèlement et qui a fini par mener à son licenciement. En outre, plus tôt le 28 octobre 2004, avant l’incident pour lequel la fonctionnaire a reçu une sanction disciplinaire, il s’est produit un incident près de l’imprimante, quand le sergent d’état-major Beach lui a arraché des mains des feuilles qu’elle venait de prendre de l’imprimante.

415 La deuxième observation générale était que l’employeur avait le fardeau de démontrer qu’il avait un motif valable d’imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire, et qu’en tant qu’arbitre de grief, je devais me concentrer sur le fondement de la sanction disciplinaire tel qu’il est allégué dans la lettre de suspension du 4 novembre 2004. Cette lettre établit trois causes ou conditions distinctes de discipline, et l’employeur avait le fardeau de les établir les trois.

416 En ce qui a trait au premier motif de discipline avancé, c’est-à-dire la conduite irrespectueuse de la fonctionnaire à l’endroit de la direction, l’avocat de la fonctionnaire a soutenu que la justification de l’employeur devait se limiter à la conduite de la fonctionnaire le 28 octobre 2004. Par conséquent, le manque de respect doit découler de l’allégation que la fonctionnaire a évité le surintendant Morris lorsqu’il voulait la rencontrer, de l’attitude qui transpirait de ses paroles à l’endroit de la direction ou des paroles elles-mêmes, qui auraient inclus des jurons dirigés vers la direction ou d’autres paroles grossières.

417 La fonctionnaire a soutenu que, bien que le surintendant Morris, dans le courriel du 28 octobre 2004 qu’il a envoyé au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique (pièce 29, onglet C-27) pour obtenir des conseils sur la façon de traiter le cas de la fonctionnaire, mentionnait les commentaires déplacés qu’elle avait écrits au sujet de son superviseur dans son évaluation du rendement, le surintendant Morris n’a pas parlé de ses commentaires au sujet du sergent d’état-major Beach lorsqu’il a rédigé le rapport disciplinaire cet après-midi-là (pièce 29, onglet C-28). Par conséquent, ces commentaires ne peuvent être inclus dans l’allégation de comportement irrespectueux ou d’insubordination sur laquelle l’employeur s’est appuyé pour justifier la suspension de 10 jours.

418 L’avocat de la fonctionnaire a aussi affirmé que l’employeur ne pouvait s’appuyer sur les présumés appels téléphoniques anonymes par la fonctionnaire à une ancienne secrétaire du sergent d’état-major Beach, au cours desquels elle aurait demandé des renseignements sur les fonctionnaires qu’il a supervisés et sur son dossier de gestionnaire, pour les inclure dans l’allégation de conduite irrespectueuse, car le surintendant Morris ne lui a jamais parlé pour vérifier si c’était vrai. Il a simplement présumé que c’était vrai et qu’il s’agissait d’un comportement inapproprié, et il l’a rapporté dans son courriel du 28 octobre 2004 au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique (pièce 29, onglet C-27).

419 L’avocat de la fonctionnaire a aussi fait valoir que le présumé refus par la fonctionnaire de rencontrer le surintendant Morris ne faisait pas partie de l’inconduite justifiant la sanction disciplinaire. Il doit plutôt faire partie du contexte ou des faits historiques précédant la sanction disciplinaire. Il a soutenu que le seul motif de la sanction disciplinaire est lorsque la fonctionnaire a proféré un juron.

420 L’avocat de la fonctionnaire a affirmé que le témoignage du surintendant Morris renvoyait au fait qu’on lui avait rapporté que la fonctionnaire passait un temps excessif aux toilettes. Il n’a toutefois pas précisé qu’elle était partie aux toilettes pour éviter de le rencontrer. En outre, le rapport disciplinaire qu’il a rédigé sur l’incident du 28 octobre 2004 et la lettre disciplinaire qu’il a donnée à la fonctionnaire ne mentionnent pas qu’elle est allée aux toilettes pour éviter de le rencontrer. Qui plus est, la fonctionnaire a déclaré qu’elle ne savait pas combien de temps elle était demeurée aux toilettes et qu’elle n’avait eu aucune raison de surveiller le temps qu’elle y passait. Tout ce dont elle se souvenait, c’était qu’elle était restée aux toilettes plus que quelques minutes. Comme on ne lui a pas posé de questions précises sur le témoignage et les notes (pièce 44) de Mme Bailey, à savoir si elle est demeurée dans les toilettes pendant une demi-heure ou si elle y est restée pour éviter de rencontrer le surintendant Morris, en vertu de la règle établie dans Browne v. Dunn (1894), 6 R. 67 (H.L.), je devrais accorder peu de valeur à la preuve présentée par Mme Bailey et éviter de tirer des conclusions en matière de crédibilité à partir de cet événement. Ainsi, la présumée tentative de la fonctionnaire d’éviter le surintendant Morris en allant aux toilettes ne peut être utilisée pour appuyer une allégation d’insubordination. L’avocat de la fonctionnaire m'a renvoyée à Paciocco et Stuesser, The Law of Evidence, 4e édition, et à McCormick v. Canada (Attorney General) (1998), 161 F.T.R. 82 (T.D.), à l’appui de ses arguments.

421 L’avocat de la fonctionnaire a soutenu que ni le sergent d’état-major Beach ni le surintendant Morris n’avaient donné un ordre clair auquel la fonctionnaire aurait refusé d’obéir. Sa transcription a révélé que le sergent d’état-major Beach lui a demandé [traduction] « Peux-tu y aller », ce à quoi elle a répondu [traduction] « Non ». Elle a déclaré qu’elle voulait un préavis de 24 heures avant de rencontrer le surintendant Morris afin d’assurer la présence de son représentant syndical à la réunion. Elle n’a pas dit au surintendant Morris que c’était pour cela qu’elle ne voulait pas le rencontrer, mais elle l’avait dit au sergent d’état-major Beach, et il incombait à ce dernier de le mentionner au surintendant Morris. L’avocat a aussi affirmé que le surintendant Morris avait indiqué que la fonctionnaire avait dit au sergent d’état-major Beach qu’elle ne discuterait pas avec lui sans un préavis de 24 heures. Par conséquent, lorsque le surintendant Morris est allé au bureau de la fonctionnaire pour lui parler, il savait déjà pourquoi elle ne voulait pas discuter avec lui. Elle n’avait pas à lui communiquer la raison.

422 L’avocat de la fonctionnaire a aussi fait valoir que la preuve avait démontré que la fonctionnaire avait rencontré le surintendant Morris plus tard au cours de l’après-midi. L’employeur n’a présenté aucune preuve démontrant que le retard dans la tenue de la réunion avec le surintendant Morris avait miné son autorité ou eu un effet préjudiciable dans le milieu de travail. La fonctionnaire voulait avoir un préavis de 24 heures et croyait y avoir droit. Elle a insisté sur ce qu’elle estimait être ses droits et n’avait aucunement l’intention de défier l’autorité de la direction.

423 L’avocat de la fonctionnaire a déclaré que la fonctionnaire n’avait pas proféré de jurons ou employé un langage grossier pendant ou après la réunion avec le surintendant Morris. Cependant, si je devais conclure le contraire, il ne s’agissait que d’un emportement momentané, et non de mépris pour l’autorité. En outre, sur une échelle de la gravité des jurons telle que l’on trouve dans les cas mentionnés, l’expression [traduction] « hostie de conneries » se situe au bas de l’échelle. L’avocat m’a renvoyée à Myler c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), dossiers de la CRTFP 166-02-22912 et 22913 (19930903), qui portait sur des questions de jurons et d’omission d’obéir à un ordre, ainsi qu’à des extraits de Palmer, Collective Agreement Arbitration in Canada, 2e édition,qui sont cités dans Myler en appui à cet argument.

424 La fonctionnaire a mis l’accent sur les extraits suivants de Palmer, cités aux pages 9 et 10 de Myler (volume 1 de ses [traduction] « Jurisprudences », onglet 6, page 7) :

[…]

Comme nous l'avons signalé ci-dessus, l'insubordination est tenue pour une infraction grave par les arbitres parce qu'elle porte atteinte aux fondements des fonctions de la direction, à savoir le droit d'exercer un contrôle sur la main-d'oeuvre. Ainsi, les arbitres cherchent à déterminer si l'infraction comporte un élément de « subversion » ou de « sape de l'autorité ». C'est pourquoi l'insubordination a été définie comme « la résistance à l'autorité, le défi de l'autorité, la désobéissance, l'esprit de rébellion ». Par conséquent, les sautes d'humeur ne sont pas tenues pour un défi de l'autorité. Aussi, la simple omission d'exécuter un ordre n'équivaut pas à l'insubordination, à moins que le retard d'exécution ne soit excessif. Il en va de même lorsqu'on juge que l'ordre donné n'est pas ferme. Ce qui importe, c'est « l'attitude » de l'employé en cause. […]

[…]

Dans une affaire ayant trait au refus d'une employée de payer un déficit de caisse, un autre arbitre a affirmé ce qui suit :

« Quant à la principale question à trancher dans les affaires d'insubordination, soit déterminer si l'employé aurait dû se plier à l'ordre donné et déposer un grief par la suite, nous ne voyons pas que le congédiement puisse se justifier à cet égard. Dans la présente affaire, tout se ramène à un simple différend au sujet de la responsabilité de payer; il n'était aucunement porté atteinte à l'efficacité des activités, ni à l'autorité symbolique de la direction dans cette affaire, qui aurait pu et, à nos yeux, aurait dû être réglée de manière pondérée et officielle, par écrit au besoin, ce qui aurait donné à l'employée s'estimant lésée une possibilité raisonnable de se faire conseiller et de réfléchir sur sa position. Il ne s'agit pas ici d'un cas d'insubordination, mais d'un désaccord sur les faits à un moment où un examen plus poussé était possible et indiqué. Permettre à un superviseur de mettre un terme à un litige raisonnable d'ordre factuel en vertu de quelque autorité symbolique supposée serait franchement répugnant. »

[…]

425 L’avocat de la fonctionnaire a affirmé que cette citation s’appliquait à la situation de la fonctionnaire, puisqu’il y avait des faits contestés, il n’y avait aucune urgence et il n’y a pas eu de mépris pour l’autorité. Elle avait déjà écrit ses commentaires sur son évaluation du rendement exprimant son désaccord avec l’évaluation du sergent d’état-major Beach. Elle savait que ses commentaires pouvaient constituer un comportement coupable, c’est pourquoi il est compréhensible qu’elle ait eu des préoccupations à l’idée de rencontrer le surintendant Morris sans un représentant syndical. Elle a clairement expliqué au sergent d’état-major Beach qu’elle voulait un préavis de 24 heures avant de rencontrer le surintendant Morris, et le fait d’attendre 24 heures aurait permis à l’employeur de vérifier si elle avait droit à un représentant syndical.

426 L’avocat de la fonctionnaire m’a renvoyée à Grover c. Conseil national de recherches du Canada, 2008 CRTFP 59, à l’appui de son argument selon lequel on n’a pas donné à la fonctionnaire un ordre clair de rencontrer le surintendant Morris, et que de saines pratiques de gestion des ressources humaines exigeraient que les directives de la direction soient extrêmement claires, surtout compte tenu de la lettre énonçant les attentes qui a été remise. Or, ce n’est pas ce qui s’est produit ici.

427 L’avocat de la fonctionnaire m’a renvoyée à Guénette c. Conseil du Trésor (ministère des Postes), dossier de la CRTFP 166-02-9185 (19820115), à l’appui de l’argument selon lequel, si je devais conclure que la fonctionnaire a proféré un juron, ce qu’elle nie, la nature du juron, le moment où il a été proféré et la question de savoir s’il a été répété sont tous des facteurs dont il faut tenir compte au moment d’établir la sanction disciplinaire appropriée. L’avocat a affirmé que le contexte dans lequel les remarques ont été formulées est important. La fonctionnaire a grommelé les présumées remarques offensantes en se parlant à elle-même, en raison de sa frustration, pendant qu’elle quittait son bureau, fâchée, pour se rendre aux toilettes. L’employeur n’a pas démontré que ses remarques constituaient un manque de respect pour qui que ce soit.

428 L’avocat de la fonctionnaire m’a aussi renvoyée à Jensen c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-18259 et 18260 (19890412), et à Lucas c. Le Conseil du Trésor (Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-22752 (19921222). Il a affirmé que, bien qu’il soit difficile de déterminer quelle partie du juron allégué a mené à la suspension de 10 jours, il n’aurait pas dû entraîner plus qu’une réprimande.

429 L’avocat de la fonctionnaire a soutenu qu’il n’était pas réaliste de s’attendre à ce que les employés ne disent rien de négatif au travail, et tout ce qu’elle a pu dire n’était rien de plus que la simple expression de l’exaspération de la fonctionnaire, qui découlait du fait qu’elle avait honnêtement la certitude d’avoir droit à un préavis de 24 heures avant la rencontre. Un employé ne devrait pas se voir imposer une sanction disciplinaire pour avoir exprimé son exaspération. En outre, si je devais conclure que la fonctionnaire avait bel et bien proféré un juron, contrairement au fonctionnaire s’estimant lésé dans Jensen, la fonctionnaire en l’espèce, par ses paroles, n’a pas fait preuve de mépris, d’insolence ou de manque de respect pour une personne en particulier. Elle a grommelé ses commentaires pour elle-même en quittant son bureau et le surintendant Morris pour se diriger vers les toilettes. Personne ne savait à qui elle adressait ses commentaires. Même Mme Bailey a déclaré que, lorsqu’elle les a entendus, elle croyait qu’ils la visaient. Il ne s’agissait que d’un emportement passager de la fonctionnaire. Elle n’avait pas l’intention de miner l’autorité de la direction.

430 L’avocat de la fonctionnaire a ajouté que, même si je concluais que le comportement de la fonctionnaire pouvait être qualifié de perturbateur, d’insultant, d’insolent ou de méprisant à l’endroit de la direction (pour reprendre les termes utilisés dans Jensen), et même si je concluais qu’elle n’avait pas respecté la lettre énonçant les attentes, sa présumée conduite irrespectueuse mentionnée par l’employeur dans le premier point de la lettre de suspension, à elle seule, ne mérite pas plus qu’une sanction disciplinaire mineure, par exemple un avertissement.

431 En ce qui concerne la deuxième cause énoncée dans la lettre de suspension, soit l’allégation par l’employeur que le comportement de la fonctionnaire était très perturbateur pour les autres employés au travail, elle a indiqué que, bien que le fait de dire « hostie de conneries » est un comportement perturbateur, ce n’est pas très perturbateur. Comme l’employeur n’a pas fourni de preuve démontrant que les autres employés ont été perturbés, cela en soi est suffisant pour que j’accueille le grief. Subsidiairement, l’avocat a affirmé que, même si je concluais que son comportait pouvait être qualifié de très perturbateur, seule une sanction disciplinaire mineure serait justifiée.

432 Pour ce qui est de la troisième cause énoncée, c’est-à-dire le présumé refus par la fonctionnaire de suivre les directives et ses présumées argumentations avec son gestionnaire chaque fois qu’elle recevait de l’orientation, ce qui aurait été de l’insubordination et en contravention directe de la lettre énonçant les attentes, l’avocat de la fonctionnaire a affirmé ce qui suit. D’abord, l’employeur devait démontrer ce sur quoi il s’appuyait pour imposer une mesure disciplinaire. Il n’a pas fourni de preuve démontrant sa déclaration généralisée que la fonctionnaire se disputait avec son gestionnaire [traduction] « chaque fois » qu’il lui donnait des directives et, à lui seul, ce fait justifierait que j’accueille le grief.

433 Ensuite, le passage [traduction] « vous continuez de refuser de suivre les directives » renvoie à une tendance comportementale. Or, l’employeur n’a pas produit d’éléments de preuve pour démontrer les exemples où la fonctionnaire a refusé de suivre des directives. Qui plus est, un examen du rapport disciplinaire rédigé par le surintendant Morris révèle qu’il est tout aussi vague quant aux directives que la fonctionnaire a refusé de suivre.

434 Enfin, l’avocat de la fonctionnaire a soutenu que l’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer comment le comportement de la fonctionnaire entrait directement en conflit avec la lettre énonçant les attentes.

435 L’avocat de la fonctionnaire a mentionné plusieurs affaires qui, selon lui, font jurisprudence sur la question de l’insubordination et qui révèlent clairement que la fonctionnaire n’a pas fait preuve d’insubordination. L’avocat a soutenu que, pour justifier la prise d’une mesure disciplinaire pour insubordination, l’employeur doit établir les éléments suivants :

  1. un ordre clair a été donné à la fonctionnaire, qui a compris cet ordre;
  2. l’ordre a été communiqué par quelqu’un ayant l’autorité pour le faire;
  3. l’ordre n’a pas été obéi.

436 L’avocat de la fonctionnaire m’a renvoyée à Hunter Rose Co. Ltd. v. Graphic Arts International Union, Local 28-B (1980), 27 L.A.C. (2e) 338. Il a affirmé que le cas de la fonctionnaire ressemble à celui de la fonctionnaire dans Hunter Rose Co. Ltd., affaire dans laquelle l’employeur cherchait à maintenir le congédiement de cette fonctionnaire en raison d’un problème continu avec le manque de coopération de la fonctionnaire qui était illustré par son attitude hostile à l’endroit de ses superviseurs et de ses collègues. L’arbitre de grief a conclu que la direction croyait cette raison, mais que le simple fait de croire n’est pas suffisant en soi. Pour justifier un congédiement, un employeur doit prouver la version des événements sur laquelle s’appuie sa mesure disciplinaire et justifier cette mesure. Dans cette affaire, l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait prouvé la version des événements sur laquelle il appuyait sa mesure disciplinaire. En l’espèce, l’employeur a agi seulement en s’appuyant sur les croyances de la direction, et non sur les faits.

437 L’avocat de la fonctionnaire a soutenu que ce n’est pas parce que la gestion d’un employé entraîne des problèmes pour la direction que cela signifie que la conduite de l’employé constitue de l’insubordination. Aucun ordre clair n’a été donné à la fonctionnaire. La lettre énonçant les attentes était très vague et ne mentionnait que des normes générales de comportement. Si l’on suit la logique de Hunter Rose Co. Ltd., l’avocat a fait valoir qu’un ordre ne peut être considéré comme clair alors que la demande initiale de la direction ressemble davantage à une requête qu’à un ordre. Le sergent d’état-major Beach et le surintendant Morris n’ont produit aucune preuve indiquant qu’ils ont donné un ordre clair à la fonctionnaire, par exemple [traduction] « Nous voulons te parler et nous voulons que tu restes ici et que tu nous écoutes ». Le sergent d’état-major Beach a déclaré avoir demandé à la fonctionnaire [traduction] « Peux-tu venir avec moi dans le bureau de Mike? ». Il s’agit d’une question, et non d’un ordre direct. Selon Hunter Rose Co. Ltd., il ne s’agissait pas d’un ordre suffisamment clair.

438 L’avocat de la fonctionnaire a ajouté que, même si les paroles du sergent d’état-major Beach à la fonctionnaire étaient un ordre, elle ne l’a pas clairement compris, puisqu’elle croyait avoir droit à un préavis de 24 heures avant la tenue d’une rencontre. En outre, elle n’avait aucunement l’intention de miner l’autorité de la direction en refusant de rencontrer le surintendant Morris. Elle était prête à le rencontrer, mais elle voulait un préavis de 24 heures. Ainsi, même si la fonctionnaire avait tort en croyant qu’elle avait droit à un préavis de 24 heures, aucune preuve n’a été produite pour affirmer qu’il s’agissait d’autre chose qu’une simple erreur de sa part.

439 L’avocat de la fonctionnaire m’a aussi renvoyée à Lilly Industries Inc. v. United Steelworkers of America, Local 13292-02 (2000), 86 L.A.C. (4e) 397, et à Nanaimo Collating Inc. v. Graphic Communications International Union, Local 525-M (1998), 74 L.A.C. (4e) 251, qui font aussi jurisprudence quant à la proposition selon laquelle il faut satisfaire trois critères essentiels pour établir qu’il y a eu insubordination, et que l’absence d’un de ces éléments signifie que l’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait pour justifier son cas. L’avocat de la fonctionnaire a fait un rapprochement avec Nanaimo Collating Inc., où un fonctionnaire a été congédié pour une présumée insubordination. Il m’a renvoyée plus particulièrement à la section dans laquelle l’arbitre de grief a déclaré que le fond de cette affaire était que la fonctionnaire était perçue comme un irritant dans le milieu de travail, ce qui n’est pas suffisant pour établir qu’il y a eu insubordination. L’avocat de la fonctionnaire dans la présente affaire a fait remarquer que bon nombre des témoins de l’employeur ont employé le terme [traduction] « provocatrice » pour qualifier la fonctionnaire. Il a indiqué qu’elle faisait valoir ses droits et savait s’affirmer. Il peut donc concevoir qu’elle puisse être considérée comme un [traduction] « irritant » pour la direction. Mais le simple fait qu’un employé exige beaucoup d’attention ne constitue pas de l’insubordination.

440 L’avocat de la fonctionnaire a aussi soutenu que, bien que les problèmes de rendement de la fonctionnaire entraînaient manifestement de la frustration à la GRC, l’employeur en est le responsable puisqu’il n’a pas adopté une approche adéquate en matière de ressources humaines pour aider la fonctionnaire à régler les lacunes perçues dans son rendement. Si, comme l’employeur l’a allégué, le comportement de la fonctionnaire était problématique depuis 2002 et si, comme le sergent d’état-major Beach l’a affirmé, il s’est produit quelque chose aux environs du mois d’août 2003 par rapport à son attitude et à son comportement, pourquoi l’employeur a-t-il attendu jusqu’au mois d’août 2004 pour s’assurer qu’elle comprenne ce qui était attendu d’elle, tant par rapport à son attitude qu’à son comportement? Manifestement, d’après les notes que Mme Bailey et le sergent d’état-major Beach ont prises au fil du temps, la direction avait remarqué des problèmes de rendement chez la fonctionnaire. Ce n’est toutefois que dans la lettre énonçant les attentes que ces problèmes ont été portés à l’attention de la fonctionnaire et ils ne peuvent être considérés comme de l’insubordination ou comme un refus de se conformer à des directives lors de l’arbitrage.

441 Ensuite, l’avocat de la fonctionnaire a soutenu que, même si la fonctionnaire contrevenait à la lettre énonçant les attentes par son comportement du 28 octobre 2004, la faute revient à l’employeur. Pratiquement rien n’a été fait pour aider la fonctionnaire entre le moment où l’employeur lui a donné la lettre énonçant les attentes et celui où il lui a remis la lettre de suspension. L’employeur aurait dû l’aider à régler les nombreux problèmes de rendement qu’il avait relevés, mais il ne l’a pas fait. L’employeur était plus motivé à trouver des erreurs alléguées et à monter un dossier contre la fonctionnaire qu’à donner suite à ses préoccupations de façon légitime et adéquate sur le plan des ressources humaines. Dans la lettre énonçant les attentes, l’employeur a déclaré qu’il la rencontrerait toutes les deux semaines pour suivre la situation, ce qui est une bonne pratique en matière de ressources humaines, mais il ne l’a pas fait. L’avocat a fait un rapprochement avec Nanaimo, dans laquelle l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’employeur est frustré contre le fonctionnaire et, en supposant que sa perception que le fonctionnaire est un employé de mauvaise qualité ayant constamment une mauvaise attitude est juste, on peut conclure que la réaction de l’employeur au fil du temps a été incroyablement déficiente. On ne pourrait que conclure que l’employeur a ensuite réagi de façon excessive aux événements […] Quoi qu’il en soit, il n’y a pas eu d’incident culminant d’insubordination […]

[…]

442 Enfin, l’avocat de la fonctionnaire a affirmé que la direction a constamment omis d’enquêter de façon exhaustive et équitable sur les préoccupations importantes et continuelles de la fonctionnaire concernant l’existence de harcèlement dans le milieu de travail, préoccupations qu’elle a soulevées entre 2002 et 2004. Pour cette raison, elle souffrait d’un niveau élevé d’anxiété et de stress. En outre, son stress a augmenté lorsque la direction a refusé de la séparer physiquement de M. Stephenson comme elle l’a demandé, ainsi que lorsque la direction l’a microgérée et a cherché des problèmes dans son rendement général au travail et, finalement, lorsqu’elle l’a assujettie à un niveau déraisonnable de surveillance, qui équivalait à du harcèlement.

3. Réplique de l’employeur

443 Dans sa réplique, l’avocate de l’employeur a souligné que la preuve avait clairement démontré que le comportement de la fonctionnaire le 28 octobre 2004 était inapproprié et inacceptable, et qu’il justifiait l’imposition d’une mesure disciplinaire.

444 L’insubordination peut prendre bien des formes. Il arrive que l’insubordination se manifeste dans son sens classique, lorsque la direction donne un ordre direct à un employé qui en fait fi ou qui refuse de s’y conformer. Les nombreux cas avancés par la fonctionnaire font partie de cette catégorie et confirment l’argument selon lequel on ne peut parler d’insubordination si la situation ne satisfait pas aux trois critères essentiels. Ces cas se distinguent toutefois de la présente affaire, parce qu’ils impliquent de déterminer si l’employeur a donné un ordre direct et si cet ordre a été clairement communiqué à la fonctionnaire.

445 La jurisprudence dans le domaine de l’arbitrage a reconnu que l’attitude et le comportement généraux d’un employé peuvent constituer de l’insubordination, même si aucun ordre précis n’a été donné. L’employeur m’a renvoyée à Trilea-Scarborough Shopping Centre Holdings Ltd. v. Service Employees International Union, Local 204 (1990), 14 L.A.C. (4e) 396, et à Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, paragraphes 7:3612 et 7:3660, qui dit ceci :

[Traduction]

[…]

[…] même en l’absence d’un ordre précis, on peut conclure à l’insubordination si l’arbitre établit que l’employé devait savoir ce qu’il était tenu d’accomplir, mais a refusé d’obéir. Par ailleurs, pour justifier l’imposition d’une mesure disciplinaire pour insubordination, il n’est habituellement pas nécessaire à l’employeur de démontrer que l’employé voulait s’opposer à la direction ou était dans un état d’esprit répréhensible, ni que lui-même avait subi une perte financière, bien que l’absence de tous ces facteurs vienne généralement atténuer la gravité de l’inconduite.

[…]

Une conduite menaçante, insolente ou méprisante de la direction peut constituer de l’insubordination, même en l’absence d’un refus explicite de se conformer à une directive, lorsque ce comportement est caractérisé par une résistance ou une opposition à l’autorité de l’employeur […] En règle générale, on a fait valoir que le renvoi peut s’appliquer lorsqu’on peut dire que la conduite de l’employé, dans son ensemble, est « suffisamment méprisante de l’autorité pour justifier la conclusion qu’il faudrait mettre un terme à la relation d’emploi ».

446 Le comportement déplacé et inacceptable de la fonctionnaire en milieu de travail découle de sa profonde méfiance à l’endroit de la direction. Dans Bérard c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-22344 et 22914 (19930423),et Sears Canada Inc. v. International Union of Operating Engineers, [1997] O.L.A.A. No. 729 (QL), les arbitres de griefs ont affirmé que la conduite insultante d’un employé n’était pas compatible avec la relation employeur-employé.

447 Le surintendant Morris et Mme Bailey ont affirmé avoir entendu la fonctionnaire proférer un juron. Elle a nié ce fait, a nié avoir adopté un comportement inapproprié au travail et n’a fourni aucun facteur atténuant. Son allégation que le surintendant Morris et Mme Bailey avaient des comptes à régler avec elle n’est pas appuyée par la preuve. La preuve de l’employeur est plus crédible et fiable que le fait que la fonctionnaire nie avoir fait quoi que ce soit de mal. Le fait que la transcription qu’elle a fournie de son enregistrement n’indique pas qu’elle a proféré un juron devrait avoir peu de valeur. En outre, l’employeur conteste la suggestion de l’avocat de la fonctionnaire selon laquelle si la fonctionnaire avait proféré un juron, il ne s’agissait que d’un écart de conduite momentané de sa part.

448 La suspension de 10 jours devrait être maintenue.

C. Décision

449 Cette décision vise à déterminer si l’employeur avait un motif valable de suspendre la fonctionnaire pendant 10 jours en raison de son comportement au travail, le 28 octobre 2004. L’employeur avait le fardeau de démontrer que le comportement de la fonctionnaire justifiait l’imposition d’une mesure disciplinaire et que, le cas échéant, la sanction imposée était raisonnable dans les circonstances.

450 Les deux parties ont produit de nombreux éléments de preuve sur la tension qui régnait au Bureau du district nord et sur le profond conflit entourant la gestion de la fonctionnaire. Cette dernière a soutenu qu’elle était [traduction] « […] microgérée, réprimandée, soumise à des évaluations psychiatriques et visée par des enquêtes, et que toutes ces mesures équivalaient à du harcèlement », et qu’elle a fini par être [traduction] « licenciée sans motif valable ». Je tiens à préciser que je ne suis pas saisie d’un grief de harcèlement ou d’abus de pouvoir, et que je n’ai pas le devoir, en tant qu’arbitre de grief saisie de ce grief, de me pencher sur l’évaluation du rendement de la fonctionnaire, le processus d’enquête, les conclusions du rapport Chagnon sur le harcèlement ou l’examen de celui-ci. Par conséquent, même si je suis parfaitement au courant du large éventail de documents au dossier, je ne me servirai que des éléments de preuve et des arguments qui sont pertinents pour les deux questions soulevées par ce grief : la conduite de la fonctionnaire le 28 octobre 2004 justifiait-elle l’imposition d’une mesure disciplinaire et, le cas échéant, la sanction imposée était-elle appropriée. J’ai mis de côté tout ce que je ne jugeais pas pertinent à ces questions.

451 Je remarque aussi que la fonctionnaire a produit en preuve une sélection de transcriptions d’enregistrements clandestins qu’elle a effectués lors d’interactions au bureau entre les mois d’août et de novembre 2004, notamment des transcriptions des événements du 28 octobre 2004 et de l’audience disciplinaire du 3 novembre 2004. Elle a affirmé qu’elle n’a eu d’autres choix que d’effectuer secrètement des enregistrements, puisque le surintendant Morris, le sergent d’état-major Beach et Mme Bailey l’intimidaient et tentaient de la rendre folle. Elle a soutenu qu’elle était heureuse d’avoir enregistré ses interactions, car les enregistrements prouvaient que sa version des événements était la bonne.

452 Généralement, je n’accorde pas une grande valeur à un enregistrement clandestin effectué par le participant à un échange, car j’estime que, selon toute logique, la personne qui enregistre fera très attention à ce qu’elle dit et cherchera, souvent, à manipuler l’autre personne pour qu’elle se compromette. En outre, le ton et la force des conversations sont rarement rendus dans une transcription. J’ai trouvé que les commentaires de la fonctionnaire sur les transcriptions et son utilisation des majuscules pour souligner certaines parties des conversations qu’elle estimait importantes (plutôt que pour indiquer qu’une personne criait, comme elle l’a affirmé au cours de son témoignage), ne servaient que ses propres intérêts et manquaient de fiabilité. Cela dit, j’ai examiné attentivement ses transcriptions et je me rapporterai à leur contenu lorsque j’estimerai qu’elles sont utiles pour prendre position sur des témoignages contradictoires.

453 J’ai essayé d’établir les éléments de preuve contestés de façon plus exhaustive qu’à l’habitude, car je soupçonne que la fonctionnaire croit toujours n’avoir rien fait de mal et parce qu’elle n’a exprimé aucun remord pour ses gestes.

1. La conduite de la fonctionnaire justifiait-elle l’imposition d’une sanction disciplinaire?

454 Selon l’employeur, la fonctionnaire a été suspendue, le 4 novembre 2004, en raison de son comportement inacceptable du 28 octobre 2004. Bien que l’employeur n’ait pas précisé, dans la phrase d’introduction de la lettre de suspension, s’il visait le comportement inacceptable du matin ou de l’après-midi du 28 octobre, les allégations qu’il a formulées ne portaient que sur le comportement irrespectueux observé en après-midi.

455 Voici la section pertinente de la lettre de suspension :

[…]

Cette lettre vise à vous informer que vous êtes suspendue de vos fonctions sans traitement pour une durée de dix (10) jours ouvrables, du 9 novembre 2004 au 23 novembre 2004 inclusivement […] Cette suspension vous est imposée en raison de votre comportement inacceptable du 28 octobre 2004. En après-midi le 28 octobre, vous avez manqué de respect envers la direction, juré après votre superviseur et employé un langage abusif. Vos actes et votre comportement étaient très perturbateurs pour les autres employés de votre lieu de travail. Par ailleurs, vous continuez de refuser de suivre les directives et ne manquez pas de vous disputer avec votre gestionnaire chaque fois que vous recevez des instructions. Ces actes sont de l’insubordination et vont directement à l’encontre de la lettre énonçant les attentes que vous avez reçue le 5 août 2004.

[…]

456 La fonctionnaire a soutenu que l’employeur ne pouvait s’appuyer sur sa présumée conduite irrespectueuse observée le matin du 28 octobre 2004, puisque la lettre de suspension n’en fait pas mention, et que le surintendant Morris n’en avait pas connaissance lorsque la lettre a été rédigée. Par conséquent, cette conduite ne faisait pas partie des motifs de l’employeur pour lui imposer la suspension de 10 jours. Je note que, selon le courriel du 28 octobre 2004 du surintendant Morris au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique (pièce 29, onglet C-27), il était au courant des allégations d’appels anonymes effectués auprès d’une fonctionnaire du détachement de Castlegar ce matin-là. Je remarque que la fonctionnaire n’a pas nié avoir fait ces appels. Cependant, je constate également que le surintendant Morris n’a pas parlé explicitement de ce comportement dans le rapport disciplinaire qu’il a écrit le 3 novembre (pièce 29, onglet C-28) ni dans la lettre de suspension.

457 La fonctionnaire a aussi affirmé que le libellé et la ponctuation de la lettre de suspension démontrent que seuls les jurons et le langage abusif qui auraient été proférés font partie de la présumée conduite irrespectueuse, excluant toute inconduite qui serait survenue au cours de l’après-midi du 28 octobre, avant ces jurons et ce langage abusif. Je ne suis pas d’accord. En somme, cette interprétation impliquerait de modifier la phrase [traduction] « vous avez manqué de respect envers la direction », de façon à ce qu’elle dise, après [traduction] « vous avez manqué de respect envers la direction », [traduction] « en jurant après votre superviseur et en employant un langage injurieux ». J’en conclus que cette interprétation est trop restrictive par rapport au libellé de la lettre de suspension.

458 J’estime que, selon la prépondérance des probabilités, la preuve produite à l’audience appuie les allégations de l’employeur au sujet du comportement de la fonctionnaire dans l’après-midi du 28 octobre 2004, et que sa conduite méritait l’imposition d’une mesure disciplinaire.

459 Pour ce qui est de la première allégation, l’employeur a produit des éléments de preuve suffisants pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la fonctionnaire avait manqué de respect à l’endroit de la direction lorsqu’elle a refusé de rencontrer le surintendant Morris, comme on le lui a demandé le 28 octobre, sans recevoir un préavis de 24 heures. Elle s’est aussi rendue coupable d’insubordination.

460 Le 27 septembre 2004, la fonctionnaire a reçu de son superviseur, le sergent d’état-major Beach, une évaluation du rendement négative. Après l’avoir rencontré, elle a inscrit les commentaires suivants sur le formulaire d’évaluation du rendement :

Depuis son dernier rapport, Dave Beach a été malhonnête, et ce, de manière éhontée, ce qu’il a essentiellement admis lui-même. Il ne possède pas les compétences de supervision nécessaires. Dans ses efforts constants visant à me nuire, il a délibérément omis de mentionner des observations positives. La qualité de mon travail n’a pas diminué, et il le sait.

461 L’évaluation du rendement de la fonctionnaire a été envoyée au surintendant Morris pour examen et signature avant d’être transmise au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. Le surintendant Morris a été sidéré par ce qu’il considérait comme des commentaires par lesquels la fonctionnaire réprimandait son superviseur. Il estimait qu’elle avait le droit de commenter les critiques de son superviseur sur son rendement, mais il jugeait que les commentaires de la fonctionnaire manquaient de professionnalisme et constituaient de l’insubordination, notamment dans le contexte de la lettre énonçant les attentes qu’il lui avait personnellement remise, dans laquelle il lui disait qu’elle devait traiter ses gestionnaires, ses collègues et les autres personnes au travail avec respect.

462 Le surintendant Morris a demandé conseil auprès du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique sur les mesures disciplinaires qu’il pouvait prendre contre la fonctionnaire pour les commentaires qu’elle avait écrits sur son évaluation du rendement ainsi que pour deux autres incidents où, selon lui, la fonctionnaire avait adopté un comportement inapproprié (pièce 115).

463 Le 28 octobre 2004, en après-midi, dans son rôle d’agent de révision, le surintendant Morris a écrit des commentaires dans le formulaire d’évaluation de la fonctionnaire et est allé tout de suite à son bureau, au Service de la sécurité routière, pour lui parler des commentaires qu’elle avait faits et de sa réponse. La fonctionnaire n’était pas à son bureau.

464 Il y a une différence entre être en désaccord avec une demande de la direction et ne pas comprendre cette demande. Il est clair que la fonctionnaire avait compris du sergent d’état-major Beach que le surintendant Morris était allé à son bureau pour lui parler de son évaluation du rendement. Comme la fonctionnaire n’était pas à son poste de travail, le surintendant Morris a demandé au sergent d’état-major Beach de lui dire, quand elle reviendrait, qu’il voulait la voir dans son bureau. La fonctionnaire a déclaré que, comme il est indiqué dans sa transcription de la rencontre, elle a répondu au sergent d’état-major Beach qu’elle n’irait pas dans le bureau du surintendant Morris sans sa représentante (pièce 1, onglet 8-D, page 1). La transcription de la fonctionnaire de la réunion disciplinaire du 3 novembre 2004 confirme également qu’elle avait compris la demande. Dans cette transcription, elle a clairement dit au surintendant Morris que la raison pour laquelle elle refusait de le rencontrer pour discuter de son évaluation du rendement était qu’elle voulait que sa représentante soit présente et qu’elle voulait un préavis de 24 heures (onglet 1, 8-L page 1).

465 Il est également clair que la fonctionnaire avait compris, quand le surintendant Morris est allé à son poste de travail après avoir reçu un appel du sergent d’état-major Beach et lui a dit qu’il voulait lui parler de son évaluation du rendement. La fonctionnaire lui a coupé la parole au milieu d’une phrase et, comme il est indiqué dans la transcription, elle l’a brusqué pour aller aux toilettes. Elle ne lui a pas dit pourquoi elle ne voulait pas le rencontrer. Elle a déclaré qu’elle avait déjà expliqué ses raisons au sergent d’état-major Beach et que c’était à lui qu’il revenait d’aviser le surintendant Morris. Encore une fois, cela démontre qu’elle avait compris la demande et qu’elle refusait de rencontrer la direction sans un préavis de 24 heures.

466 Lorsque la fonctionnaire a brusqué le surintendant Morris pour aller aux toilettes, ce dernier lui a dit qu’il attendrait son retour. Le témoignage du surintendant Morris est appuyé par la transcription de la fonctionnaire. Le surintendant est éventuellement retourné à son bureau. La fonctionnaire a soutenu qu’il n’était pas précisément mentionné dans la lettre disciplinaire qu’elle avait cherché à éviter sa rencontre avec le surintendant Morris en allant aux toilettes ou en y restant longtemps. Par conséquent, ces actes ne font pas partie de la conduite inacceptable pour laquelle on lui a imposé une mesure disciplinaire. Je ne suis pas d’accord avec cet argument. Toutefois, je soulignerai simplement que le point important est que, lorsqu’on lui a demandé pendant l’interrogatoire principal pourquoi elle n’était pas allée voir le surintendant Morris quand elle est revenue des toilettes et vu qu’il avait quitté son poste de travail et était retourné à son bureau, la fonctionnaire a expliqué que ses actes étaient raisonnables, parce qu’elle avait déjà indiqué clairement à la direction qu’elle voulait un préavis de 24 heures avant de rencontrer le surintendant Morris. Elle n’avait donc aucune raison d’aller le voir.

467 Mme Bailey a déclaré que la fonctionnaire était restée dans les toilettes pendant plus de 25 minutes. Lorsqu’elle est entrée dans les toilettes, la fonctionnaire se tenait debout dans la cabine, le dos appuyé sur un des côtés. Mme Bailey a indiqué qu’elle avait une bonne raison de surveiller étroitement les déplacements de la fonctionnaire pendant cette période et qu’elle avait alors noté les actions de la fonctionnaire (pièce 44).

468 Je suis prête à accepter que la fonctionnaire avait vraiment besoin d’aller aux toilettes au moment même où le surintendant Morris est venu la confronter dans son bureau. Cependant, les éléments de preuve de Mme Bailey, qui n’ont pas été contredits, me poussent à croire que la fonctionnaire est restée dans les toilettes pendant une période excessivement longue afin d’éviter la conversation que le surintendant Morris voulait manifestement avoir avec elle. Cette opinion est appuyée par les éléments de preuve non réfutés sur ce qui s’est passé ensuite. Quand la fonctionnaire est revenue à son bureau, le sergent d’état-major Beach a tenté de lui parler, mais elle a insisté pour partir en pause-café. À son retour, elle n’a pas essayé de trouver le surintendant Morris, même s’il est évident qu’elle savait qu’il voulait lui parler. Comme on l’a mentionné, la fonctionnaire a déclaré qu’elle n’avait aucune raison d’aller voir le surintendant Morris, car elle avait déjà indiqué clairement à la direction (c.-à-d. à son superviseur direct, le sergent d’état-major Beach) qu’elle voulait un préavis de 24 heures avant de le rencontrer.

469 Je conclus que les éléments de preuve n’appuient pas la description de la fonctionnaire de la nature de la demande du sergent d’état-major Beach qui, selon elle, n’était pas un ordre, mais simplement une demande de rencontrer le surintendant Morris dans son bureau, ou son explication que la demande subséquente du surintendant Morris n’était pas assez précise pour être le premier élément essentiel d’un comportement d’insubordination. Cependant, même si j’avais tort sur ce point, je conclurais tout de même que la fonctionnaire a fait preuve d’insubordination. Je note que la jurisprudence arbitrale reconnait que l’attitude et la conduite générales d’un employé peuvent être de l’insubordination même si aucun ordre précis n’a été donné, si l’arbitre de grief ou de différend conclut, comme je le fais, que cet employé savait ce qui était attendu de lui et a refusé d’obtempérer. Comme il est indiqué dans Canadian Labour Arbitration, une conduite [traduction] « […] insolente ou méprisante de la direction peut constituer de l’insubordination, même en l’absence d’un refus explicite de se conformer à une directive, lorsque ce comportement est caractérisé par une résistance ou une opposition à l’autorité de l’employeur […] ». Le refus de la fonctionnaire de rencontrer le surintendant Morris et le fait qu’elle l’ait évité intentionnellement démontraient un mépris de l’autorité de la direction.

470 De plus, la fonctionnaire n’a pas nié que le surintendant Morris lui a dit deux fois qu’il voulait la rencontrer pour lui parler de son évaluation du rendement, quand ils se sont croisés à l’extérieur de la salle du courriel l’après-midi en question. Le surintendant Morris lui a dit que la rencontre n’était pas de nature disciplinaire et qu’elle ne pouvait pas demander un préavis de 24 heures. Elle a refusé de lui parler, l’a brusqué en passant et est revenue à son bureau. Le surintendant Morris a dû la suivre dans le corridor jusqu’à son poste de travail pour lui parler.

471 La fonctionnaire avait l’intention et a clairement défié l’autorité, réelle et symbolique, de l’employeur voulant qu’elle rencontre le surintendant Morris, car ce dernier voulait discuter avec elle de son évaluation du rendement, le 28 octobre. La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait été affirmative et qu’elle ne tentait pas de défier l’autorité quand elle a insisté pour que son droit d’avoir un préavis de 24 heures soit respecté. Le fait qu’elle croyait honnêtement et fermement qu’elle avait le droit de demander un préavis de 24 heures avant de rencontrer le surintendant Morris ne rend pas moins intentionnels son refus de le rencontrer et ses manœuvres visant à l’éviter. Son refus était insolent et défiait l’autorité de la direction.

472 Je dois maintenant déterminer si la fonctionnaire avait une raison légitime de désobéir à la directive de rencontrer le surintendant Morris. Elle a donné plusieurs explications pour justifier son refus.

473 La fonctionnaire a déclaré qu’elle pensait que les commentaires qu’elle avait écrits sur son évaluation du rendement au sujet de son superviseur direct, le sergent d’état-major Beach, pourraient être vus comme un comportement coupable. Elle a insisté sur son droit de recevoir un préavis de 24 heures avant toute rencontre où il serait question de ces commentaires, pour que sa représentante syndicale puisse être présente. Cette réponse n’est pas convenable et ne justifie pas son comportement. En tant que présidente syndicale et personne ayant présenté de nombreux griefs, il est évident qu’elle comprenait le principe voulant qu’elle doit [traduction] « obéir maintenant, présenter un grief plus tard ». Si elle croyait que son droit de représentation avait été violé, elle aurait dû obéir à la directive et présenter un grief plus tard. La fonctionnaire comprenait la demande, qui était raisonnable. Aucun élément de preuve n’a été soumis pour démontrer qu’elle n’aurait pas pu obtenir une réparation adéquate au moyen de la procédure de règlement des griefs et du processus d’arbitrage si elle avait répondu à la demande du surintendant Morris. Enfin, aucun élément de preuve n’a été soumis pour démontrer que la fonctionnaire aurait couru un risque pour sa santé ou sa sécurité si elle avait suivi les instructions de la direction.

474 La fonctionnaire a soutenu qu’elle ne faisait pas preuve d’insubordination, parce qu’elle a effectivement rencontré le surintendant Morris dans le corridor, plus tard en après-midi. Le surintendant a insisté pour la suivre jusqu’à son bureau et lui parler. Cette réponse n’est pas convenable et ne justifie pas son refus antérieur de rencontrer le surintendant quand il lui en a clairement fait la demande.

475 La fonctionnaire a indiqué qu’elle avait écrit ses commentaires et signé son évaluation du rendement le 27 septembre 2004, que le document a ensuite été soumis au surintendant Morris, l’agent de révision, et que ce dernier a pris un mois pour répondre. Comme ses commentaires étaient écrits sur son évaluation du rendement et ne pouvaient pas être modifiés ou supprimés, la direction n’avait pas besoin de refuser sa demande de préavis de 24 heures pour qu’elle puisse obtenir une représentation syndicale. Le fait que la fonctionnaire croyait que la rencontre n’était pas urgente n’est pas une réponse convenable et ne justifie pas son refus de rencontrer la direction quand on lui a initialement demandé de discuter de son évaluation du rendement.

476 Pour ce qui est de la deuxième allégation, la fonctionnaire a déclaré qu’elle n’a pas proféré de grossièreté ou utilisé de langage abusif. Elle a fourni la transcription de son enregistrement de la rencontre comme élément de preuve pour appuyer sa version des faits. Je note que, selon la transcription et le témoignage de la fonctionnaire, du surintendant Morris et de Mme Bailey, la fonctionnaire aurait dit la phrase offensante, si cette phrase a bien été prononcée, quand elle s’est retournée et s’est éloignée du surintendant Morris, près de la salle du courrier, après qu’ils se soient croisés la deuxième fois. On n’a pas allégué que la phrase avait été prononcée, comme l’a soutenu l’avocat de la fonctionnaire, quand la fonctionnaire a bousculé le surintendant Morris pour aller aux toilettes lors de leur premier échange.

477  L’employeur a soumis assez d’éléments de preuve pour démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, la fonctionnaire a dit [traduction] « Hostie de conneries » ou [traduction] « C’est des hostie de conneries » en s’éloignant du surintendant Morris, alors que ce dernier essayait de la faire s’arrêter pour lui parler. Les éléments de preuve du surintendant Morris et de Mme Bailey indiquent qu’ils ont tous les deux entendu la fonctionnaire émettre ce commentaire dans le corridor pendant qu’elle s’éloignait du surintendant Morris et passait devant le bureau de Mme Bailey, en se dirigeant vers son poste de travail. Le surintendant Morris n’avait aucune raison d’inventer ce commentaire. Mme Bailey a dit que la fonctionnaire semblait contrariée et frustrée lorsqu’elle est passée devant son bureau en grommelant. Mme Bailey a ensuite pris en note (pièce 44) les paroles et les actions de la fonctionnaire, car elle pensait que le commentaire lui était adressé.

478 Le fait que la grossièreté ne soit pas reproduite dans la transcription que la fonctionnaire a faite de son enregistrement n’est pas un argument convaincant. L’enregistreur était dans la poche de la fonctionnaire, qui s’éloignait du surintendant Morris avec un air fâché. Comme il a été démontré par plusieurs des transcriptions de la fonctionnaire, l’enregistreur n’était peut-être pas assez puissant pour capter ses commentaires.

479 Dans le courriel qu’il a envoyé au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique après son échange du 8 octobre en après-midi, le surintendant Morris a indiqué que la fonctionnaire avait [traduction] « marmonné » la grossièreté (pièce 29, onglet C-27, page 1). Dans la transcription de la réunion disciplinaire du 3 novembre 2004 fournie par la fonctionnaire, il est inscrit que le surintendant Morris avait mentionné à la fonctionnaire qu’elle avait dit le commentaire quand elle s’est retournée et s’est éloignée de lui. Le surintendant Morris a précisé que la fonctionnaire avait parlé d’une voix [traduction] « assez basse », mais qu’il avait entendu le commentaire et suivi la fonctionnaire jusqu’à son bureau. Dans les notes que Mme Bailey a prises au moment de l’incident, il est également mentionné que la fonctionnaire [traduction] « a marmonné » ou [traduction] « marmonnait » quand elle est passée devant son bureau. La fonctionnaire a nié avoir dit [traduction] « Hostie de conneries », mais elle a soutenu que, subsidiairement, si elle a formulé ce commentaire, elle a marmonné la phrase à elle-même dans un moment de frustration en s’éloignant, et que son intention n’était pas d’être irrespectueuse. À mon avis, la version des faits la plus plausible est celle selon laquelle la fonctionnaire aurait marmonné la grossièreté en s’éloignant du surintendant Morris, en passant devant le bureau de Mme Bailey. Le commentaire n’a pas été capté par l’enregistreur. Le fait de marmonner la grossièreté était un acte irrespectueux dans ces circonstances.

480  Pour ce qui est de la troisième allégation, les éléments de preuve qui ont été soumis appuient, selon la prépondérance des probabilités, la déclaration de l’employeur selon laquelle la fonctionnaire aurait employé un langage abusif et proféré un juron, le 28 octobre 2004 en après-midi. Comme les parties n’ont fourni aucune définition de langage abusif, j’ai consulté le Concise Oxford Dictionary, dans lequel on parle de propos [traduction] « offensants, insultants ou méchants »

481 J’ai examiné attentivement la transcription qu’a faite la fonctionnaire de l’interaction qui s’est déroulée au bureau le 28 octobre 2004. Je n’ai pas trouvé les bribes de conversation qui ont été enregistrées très utiles. Il semble y avoir deux interlocuteurs qui se coupent continuellement la parole. Je conviens que la conversation était houleuse et forte car tant le surintendant Morris que la fonctionnaire exprimaient leurs opinions.

482 Le surintendant Morris a déclaré qu’il voulait lire ses commentaires à la fonctionnaire, même si elle allait ultimement les recevoir du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, parce qu’il voulait qu’elle sache à ce moment-là que les commentaires qu’elle avait écrits étaient inappropriés et allaient à l’encontre de la lettre énonçant les attentes. Selon la transcription de la fonctionnaire, le surintendant Morris a tenté de lui lire ses commentaires, et elle l’a interrompu plusieurs fois, jusqu’à ce que, frustré, il lui dise de se taire et de l’écouter. La fonctionnaire a refusé de l’écouter, et elle l’a accusé de ne pas l’écouter parce qu’elle avait présenté un grief contre lui. Elle lui a dit qu’il n’était pas honnête et ne respectait pas les valeurs fondamentales de la GRC. Le surintendant Morris lui a répondu qu’il n’avait jamais vu un employé aussi impertinent.

483 La transcription appuie les témoignages du surintendant Morris et du sergent d’état-major Beach, selon lesquels la fonctionnaire s’est conduite de manière insultante avec son superviseur direct, le sergent d’état-major Beach, quand ce dernier a essayé d’intervenir. En gros, la fonctionnaire lui a dit de se mêler de ses affaires et qu’elle parlait au surintendant Morris. Après le départ du surintendant Morris, la fonctionnaire s’est tournée vers le sergent d’état-major Beach et lui a demandé s’il était content et pourquoi il ne faisait pas simplement une autre fausse accusation en matière de sécurité.

484 La fonctionnaire et le surintendant Morris ont tous les deux déclaré que la fonctionnaire avait dit au surintendant Morris de revenir quand il est sorti du Service de la sécurité routière après cet échange houleux. Le surintendant a indiqué que la fonctionnaire lui a [traduction] « crié » de revenir parce qu’elle n’avait pas fini de lui parler. Il a utilisé ce verbe dans sa lettre du 28 octobre au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique et dans son rapport disciplinaire du 3 novembre. La fonctionnaire a affirmé qu’elle n’avait pas dit cette phrase et que ce qu’elle avait dit était plus poli. Je reconnais que le ton et le volume de l’échange ne transparaissent pas dans la transcription, mais je crois que cette dernière appuie la version des faits de la fonctionnaire. Elle l’a interpellé pour lui demander poliment de revenir, et elle a dit [traduction] « s’il te plaît ».

485 Les commentaires que la fonctionnaire a adressés au surintendant Morris et au sergent d’état-major Beach, quand on lui a dit qu’elle allait être renvoyée chez elle si elle ne se calmait pas, et plus tard quand on lui a dit de rentrer chez elle et de revenir le lendemain quand elle se serait calmée, étaient insultants et irrespectueux, comme ce qu’elle a dit en partant [traduction] « Vous avez tous les deux besoin d’aide. C’est vous qui êtes dans le tort. Moi je vais très bien. »

486 Selon la lettre de suspension, les actions et le comportement de la fonctionnaire étaient très perturbateurs pour les autres employés sur le lieu de travail. Plus de 100 personnes travaillaient au Bureau du district nord. Le surintendant Morris a déclaré que la fonctionnaire lui parlait sur un ton élevé et que ses commentaires avaient été entendus par d’autres personnes dans les bureaux à aires ouvertes et qu’ils étaient perturbateurs. Selon les éléments de preuve, les commentaires de la fonctionnaire ont dérangé Mme Bailey, une autre fonctionnaire, qui a déclaré qu’elle croyait que les grossièretés de la fonctionnaire lui étaient adressées. Ces commentaires ont clairement dérangé le sergent d’état-major Beach, qui était aussi un employé, et le superviseur direct de la fonctionnaire. Son bureau était situé à côté de celui de la fonctionnaire, et il a tenté d’intervenir. Je crois que les commentaires auraient perturbé n’importe quelle autre personne travaillant dans les bureaux à aires ouvertes.  

487 La lettre de suspension a également précisé que la fonctionnaire continuait de refuser de suivre les instructions et se disputait avec son gestionnaire [traduction] « chaque fois » qu’elle recevait des directives. Je suis d’accord avec la fonctionnaire qu’il était impossible pour l’employeur de démontrer qu’elle avait refusé de suivre les directives [traduction] « chaque fois » que le sergent d’état-major Beach lui en donnait, et ce, pendant toute leur relation de travail qui a duré environ deux ans. Cependant, je ne crois pas que cela fasse automatiquement en sorte que le grief soit accueilli; surtout pendant la période suivant la réception de la lettre énonçant les attentes par la fonctionnaire, soit en août, septembre et octobre 2004, où les éléments de preuve ont démontré que le sergent d’état-major Beach avait donné des directives à la fonctionnaire à de nombreuses occasions. Cette dernière s’est opposée fortement à ses directives et lui a dit, ainsi qu’à d’autres personnes, qu’elle faisait ce travail depuis des années, que ses directives écrites étaient inutiles, qu’il ne faisait qu’ajouter au dossier et qu’il lui cherchait des poux et la microgérait au point où ça en devenait du harcèlement personnel.

488 Je conclus que l’employeur a établi, selon la prépondérance des probabilités, que la conduite de la fonctionnaire, le 28 octobre 2004 en après-midi, était inacceptable et méritait l’imposition d’une mesure disciplinaire.

2. La suspension de 10 jours était-elle une sanction trop sévère dans les circonstances?

489 Après avoir conclu que l’employeur avait raison d’imposer à la fonctionnaire une mesure disciplinaire pour son comportement du 28 octobre 2004, j’examinerai maintenant la question de savoir si la suspension de 10 jours était une sanction disciplinaire appropriée.

490 Je note que j’ai consulté toutes les affaires et tous les ouvrages faisant autorité cités par les avocats des parties. Cependant, je reconnais que la jurisprudence et les décisions arbitrales sont fondées sur les faits de chaque affaire. Les décisions sont toujours fondées sur des faits différents, et bien que les décisions antérieures puissent être utiles, elles ne sont pas déterminantes.

491 Le surintendant Morris a déclaré que, au départ, il avait décidé de ne pas avoir recours à une mesure disciplinaire pour punir les actes inacceptables qui ont eu lieu avant de connaître les résultats de l’évaluation de l’aptitude au travail de la fonctionnaire, car selon son expérience personnelle, qu’il a racontée à l’audience, il ne voulait pas lui imposer une mesure disciplinaire si la source de son problème était médicale, et il soupçonnait que c’était le cas. Après avoir reçu le rapport du docteur Prendergast, à la mi-juillet 2004, il ne pensait plus que la raison derrière le comportement inacceptable de la fonctionnaire puisse être de nature médicale. Il a conclu que ce comportement devait être délibéré. Il a remis lui-même la lettre énonçant les attentes à la fonctionnaire quand elle est revenue de son congé, au début août. Dans cette lettre, on avisait la fonctionnaire qu’elle devait agir de manière professionnelle et respectueuse envers la direction, ses collègues et les autres personnes dans le milieu de travail. Le surintendant Morris a informé la fonctionnaire que son comportement inapproprié ne serait plus toléré, et il lui a dit quelles seraient les conséquences si elle ne se conformait pas aux exigences de la lettre énonçant les attentes.

492 Au moment de l’incident du 28 octobre, le dossier disciplinaire de la fonctionnaire contenait deux pénalités assez récentes, soit une réprimande verbale que lui avait adressée le sergent d’état-major Beach, le 24 septembre 2004, parce qu’elle lui avait donné de l’information inexacte concernant une demande de travail, et une suspension de trois jours que lui avait imposée le surintendant Morris, le 17 septembre 2004, après que les allégations de harcèlement faites contre elle par Mme Bailey ont été prouvées.

493 À la mi-octobre 2004, le surintendant Morris a demandé des conseils au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique concernant le recours à des mesures disciplinaires contre la fonctionnaire pour trois incidents distincts, et il a proposé que les sanctions les moins sévères soient imposées (pièce 115). Cependant, son expérience avec la fonctionnaire le 28 octobre en après-midi a changé les choses.

494 Le surintendant Morris a expliqué pourquoi il avait choisi d’imposer une suspension de 10 jours à la fonctionnaire. Comme plus de cinq ans se sont écoulés entre la suspension et l’audience, il a indiqué que les raisons citées dans son rapport disciplinaire du 3 novembre 2004 étaient une représentation exacte de son point de vue à ce moment-là. Les raisons écrites dans le rapport étaient les actes d’insubordination commis par la fonctionnaire le 28 octobre 2004 en après-midi, son refus de se conformer aux conditions de la lettre énonçant les attentes, de même que son refus de respecter les directives de son superviseur (courriels de mars et novembre 2004) et celles contenues dans la lettre énonçant les attentes concernant son utilisation du réseau de messagerie GroupWise de la GRC.

495 Le surintendant Morris a donné un autre exemple de comportement provocateur qui le préoccupait à ce moment-là. Selon lui, cet exemple démontrait que la fonctionnaire était réfractaire à l’idée de se conformer à la lettre énonçant les attentes, qu’elle considérait comme une mesure disciplinaire et non une directive. Il lui avait donné des instructions le 17 septembre concernant le bon usage du réseau de messagerie électronique interne. Peu de temps après, elle lui a envoyé par courriel une réplique détaillée dans laquelle elle s’opposait à ses instructions.

496 La transcription de la réunion disciplinaire fournie par la fonctionnaire démontre que les préoccupations du surintendant Morris concernant le comportement de la fonctionnaire correspondaient aux raisons citées dans le rapport disciplinaire qu’il a écrit après la réunion.

497 Le surintendant Morris croyait que les actions de la fonctionnaire le 28 octobre 2004, alors qu’il voulait lui parler de ses commentaires sur son évaluation du rendement, démontraient qu’elle n’avait aucun remords et aucune intention de corriger son comportement. Il croyait que son comportement était de plus en plus répréhensible. Elle refusait de reconnaître qu’elle faisait preuve d’insubordination ou qu’elle dérangeait les autres. Par ailleurs, elle ne lui avait donné aucun facteur atténuant pendant la réunion disciplinaire. Selon lui, elle continuait de mentir de manière flagrante pour appuyer son innocence et sa situation de victime autoproclamée. Le surintendant Morris a déclaré qu’il avait imposé à la fonctionnaire des mesures disciplinaires graduelles et qu’il devait lui faire comprendre la gravité de son comportement inapproprié continu.

498 Il convient à ce moment-ci de mentionner plusieurs arguments concernant le processus qui a été suivi pour imposer la suspension de 10 jours, de même que la transcription de la fonctionnaire de la réunion disciplinaire du 3 novembre.

499 Je suis d’accord avec la fonctionnaire que le fait que le surintendant Morris avait en sa possession, à la réunion disciplinaire, une lettre de suspension disciplinaire préparée par le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique à Vancouver et signée par le sous-commissaire Busson, soulève des questions quant à sa volonté d’écouter la version des faits de la fonctionnaire avant de lui imposer la suspension. Le surintendant Morris a donné comme explication que, en tant que chef du District nord de la Division « E », il était responsable de prendre les décisions pour toute mesure disciplinaire imposée à la fonctionnaire, même si la lettre officielle devait être préparée par le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique à Vancouver et signée par le sous-commissaire. Comme il était personnellement impliqué dans l’incident, il n’était pas tenu de lancer l’enquête habituelle pour établir ce qui s’était passé avant de prendre la décision d’imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire. À la réunion, il voulait savoir si la fonctionnaire avait des facteurs atténuants à présenter. Comme il ne pouvait penser à aucun facteur atténuant, il a discuté avant la réunion avec le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique au sujet d’une sanction appropriée à imposer s’il n’y avait aucun facteur atténuant, et il a déterminé que ce serait une suspension de 10 jours. La lettre signée a été préparée et lui a été envoyée par télécopieur le jour précédant la réunion disciplinaire. Toutefois, si la fonctionnaire lui avait présenté des facteurs atténuants, il aurait pu imposer une sanction différente.

500 Je souligne l’argument de l’employeur selon lequel la conseillère en ressources humaines avec laquelle le surintendant Morris avait fait affaire, Mme Barlow, était en congé annuel du 1er au 12 novembre (pièce 113). Cela pourrait expliquer pourquoi la lettre de suspension a été préparée au moment où elle l’a été, mais il se peut aussi que le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique ait comme pratique générale de préparer les lettres disciplinaires pour les bureaux régionaux à l’avance, et que ces lettres peuvent ou non être utilisées. Aucune des deux parties n’a présenté de preuve à ce sujet.

501 Les apparences ne sont pas très bonnes concernant la réunion disciplinaire, mais selon les éléments de preuve exhaustifs qui ont été soumis par les deux parties et la transcription de la réunion fournie par la fonctionnaire, je crois tout de même que cette dernière savait quels étaient les arguments à réfuter. Elle avait une occasion raisonnable, à la réunion disciplinaire, de présenter des facteurs atténuants avant que le surintendant Morris ne lui impose la suspension de 10 jours. Je note aussi que, selon Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.) (QL), tout vice de procédure commis par l’employeur en imposant la mesure disciplinaire est corrigé par une nouvelle audience devant un arbitre de grief.

502 Je note aussi que la réunion disciplinaire était divisée en deux parties. Après une courte pause suivant la première partie, la fonctionnaire est revenue avec la présidente syndicale, Mme Stangrecki, et elle a demandé des clarifications concernant différents points qui avaient été discutés plus tôt. En examinant les questions, je me suis rappelé que la fonctionnaire avait enregistré en secret la réunion, et je me suis demandé si elle cherchait réellement des clarifications à ce moment-là.

503 La fonctionnaire a soutenu que la suspension de 10 jours était une sanction trop sévère dans les circonstances, car l’employeur n’avait pas pris en considération le contexte de ses actions. Elle a affirmé que son comportement du 28 octobre 2004 devait être considéré dans le contexte du conflit qui sévissait sur le lieu de travail à ce moment-là, particulièrement entre elle et le sergent d’état-major Beach, le surintendant Morris et Mme Bailey. Elle a mentionné plusieurs facteurs atténuants. Elle a soutenu que le langage grossier, s’il avait été tenu, ce qu’elle nie, aurait été un emportement passager, et que sur une échelle de la gravité des jurons, il se trouvait au bas de l’échelle. Elle a soutenu que, même si sa conduite au travail avait été inappropriée, la direction l’avait tolérée dans le passé et que, si son comportement avait été inacceptable, l’employeur était coupable de n’avoir rien fait pour lui venir en aide. Plus précisément, l’employeur avait omis de la rencontrer toutes les deux semaines comme il a été mentionné dans la lettre énonçant les attentes.

504 La fonctionnaire a aussi mentionné comme facteur atténuant qu’elle était frustrée et stressée au moment de l’incident du 28 octobre en raison de la conduite de l’employeur. Elle a soutenu que le sergent d’état-major Beach avait été physiquement agressif envers elle à deux reprises. Elle a affirmé que ce dernier l’avait frappée, le 24 septembre 2004, dans la salle de photocopie, et que sa transcription de cette interaction appuyait son allégation. Elle a aussi indiqué que le sergent d’état-major Beach lui avait saisi les papiers des mains, près de l’imprimante, le 28 octobre en avant-midi. Elle a également soutenu que l’employeur avait continuellement ignoré ses allégations de harcèlement ou omis de prendre les mesures adéquates, ce qui a ajouté à son stress. Elle a fait valoir que l’employeur avait commencé à lui donner des directives inutiles, qu’il la microgérait, lui cherchait des poux et la soumettait à un niveau déraisonnable de surveillance qui équivalait à du harcèlement.

505 Dans ses courriels à d’autres individus, la fonctionnaire a accusé sans cesse le surintendant Morris d’ordonner au sergent d’état-major Beach d’être sévère ou très sévère envers elle, puis de la microgérer, de lui chercher des poux et de lui trouver des défauts. Elle n’a pas nié avoir entré dans le système du Centre d’information de la police canadienne les erreurs qui lui ont été soulignées, mais elle a expliqué qu’elle était loin d’avoir reçu suffisamment de formation sur le système du Centre d’information de la police canadienne, qu’il faut du temps pour maîtriser le système et qu’il n’y avait pas lieu que son superviseur continue d’ajouter des directives au dossier.

506 Premièrement, étant donné la grande expérience de la fonctionnaire à la présidence du SESG et en tant que plaignante, je ne crois pas que le surintendant Morris devait l’avertir que son geste serait considéré comme de l’insubordination si elle refusait de le rencontrer comme il le lui demandait. Je note aussi que, bien que je convienne que son langage grossier se trouvait au bas de l’échelle de gravité, ces propos doivent être considérés dans le contexte de l’attitude provocatrice et méprisante qu’elle a adoptée envers la direction cet après-midi-là.

507 Deuxièmement, les éléments de preuve n’appuient pas l’allégation de la fonctionnaire que la direction tolérait son comportement inacceptable au travail. La fonctionnaire a indiqué et reconnu dans plusieurs de ses courriels qu’elle n’avait pas toujours parlé de manière appropriée au surintendant Morris. Les éléments de preuve contiennent de nombreux exemples de son comportement inapproprié. Par exemple, lors de la rencontre qui a eu lieu le 30 janvier 2004 dans son bureau en présence de l’inspecteur Clark, quand le surintendant Morris a dit à la fonctionnaire que ses propos pendant la rencontre, quand elle a traité M. Stephenson de trou de cul ou de trou de cul de menteur, étaient déplacés et qu’elle devait être respectueuse, elle l’a accusé de lui [traduction] « jeter de la poudre aux yeux », a remis en question son leadership, son intégrité et son impartialité et l’a accusé de gérer par la peur, l’intimidation et la terreur.

508 Après la rencontre, la fonctionnaire a immédiatement envoyé au moins trois courriels qui contenaient essentiellement le même message, mais qui étaient adressés ou envoyés en copie conforme à différentes personnes, dont des cadres supérieurs de la GRC et des membres du syndicat. Dans ces courriels, elle a donné son point de vue concernant la rencontre. Elle a aussi accusé publiquement le surintendant Morris de manquer d’intégrité et d’impartialité parce que M. Stephenson était son ami, et ce, même si le surintendant Morris et l’inspecteur Clark lui avaient clairement dit, quand elle avait fait ces mêmes accusations plus tôt, que le surintendant Morris n’était pas un ami, mais le chef du District nord de la Division « E », que ses interactions avec M. Stephenson étaient dans le cadre de ses fonctions officielles et qu’il n’avait aucune relation sociale avec lui à l’extérieur du bureau. Elle a fait des accusations semblables de manque d’impartialité quand elle a accusé le surintendant Morris de croire les versions des faits du gendarme Wolney et de Mme Bailey, parce qu’ils étaient ses amis, même si on lui avait dit que ce n’était pas le cas. Le surintendant Morris et l’inspecteur Clark ont aussi déclaré que la description de la fonctionnaire de la rencontre du 30 janvier 2004 était loin de la vérité.

509 Bien que les éléments de preuve présentés ont démontré que le surintendant Morris n’avait pas imposé de mesure disciplinaire à la fonctionnaire pour son comportement inacceptable le 30 janvier 2004, cela ne veut pas dire qu’il tolérait ce comportement. Cela veut plutôt dire qu’il a fait preuve de beaucoup de retenue et de patience pour ce qui est de son comportement au travail et de ses accusations publiques largement diffusées concernant son manque d’honnêteté, d’intégrité et d’impartialité. Ses actes appuient son témoignage selon lequel il craignait que la source du mécontentement et de la conduite inacceptable de la fonctionnaire au travail soit médicale. Il pensait qu’il ne serait pas approprié d’avoir recours à la discipline dans ce cas. Plutôt que d’imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire pour son comportement inacceptable du 30 janvier 2004, le surintendant Morris a écrit au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, le 14 février 2004, pour obtenir des conseils sur la façon de lui imposer un examen médical, pour sa sécurité et celle des autres employés.

510 La fonctionnaire n’a fourni aucun exemple de comportement inacceptable qui aurait été toléré après que le surintendant Morris a insisté, à la fin de juin 2004, pour qu’elle se soumette à une évaluation d’aptitude au travail avant d’être autorisée à revenir de son congé de maladie. Après avoir reçu les résultats de l’évaluation, à la mi-juillet, il a personnellement remis la lettre énonçant les attentes à la fonctionnaire quand cette dernière est revenue au travail, et il lui a dit que son comportement inacceptable serait dorénavant considéré comme intentionnel et ne serait plus toléré.

511 Troisièmement, je conclus que les éléments de preuve n’appuient pas l’allégation générale de la fonctionnaire que ses allégations de harcèlement étaient constamment ignorées, systématiquement rejetées d’emblée ou mal traitées par la direction. Au contraire, les éléments de preuve ont démontré que la direction avait consacré beaucoup de temps et de ressources à enquêter sur les allégations de harcèlement de la fonctionnaire.

512 Au moment de l’incident du 28 octobre 2004, la fonctionnaire avait déposé de sérieuses plaintes de harcèlement, étalées sur plusieurs années, contre quatre différents employés du Bureau du district nord : M. Stephenson, le gendarme Wolney, Mme Bailey et le sergent d’état-major Beach, ainsi que contre le surintendant Morris. Après avoir réalisé plusieurs enquêtes, le surintendant Morris était d’avis que la fonctionnaire avait ciblé ces personnes parce qu’ils avaient tenté de lui donner des conseils et des directives de travail à un moment ou à un autre. Les éléments de preuve appuient certainement cette hypothèse.

513 Bien que j’aie reçu de nombreux éléments de preuve sur toutes les plaintes de harcèlement déposées par la fonctionnaire contre ces personnes et les enquêtes qui ont été effectuées, j’insiste sur le fait que je ne suis saisie d’aucun grief de harcèlement. J’insiste aussi sur le fait que le grief dont je suis saisi ne contient aucune demande d’appel ou de contrôle du rapport Chagnon sur le harcèlement ou de l’examen qui a été effectué par la suite par le dirigeant principal adjoint des Ressources humaines à Ottawa à la demande de la fonctionnaire. Les nombreuses plaintes de la fonctionnaire contre M. Stephenson ont été jugées non fondées, de même que ses plaintes contre le gendarme Wolney. Le processus d’enquête et les conclusions de l’enquête ont été confirmés à la suite d’un examen.

514  On peut comprendre le mécontentement et la déception de la fonctionnaire concernant les résultats des enquêtes, et j’accepte que ces résultats décevants ont ajouté à sa frustration et à son stress, mais cela ne signifie pas que les enquêtes n’étaient pas justes. Je crois que les presque neuf mois qu’il a fallu pour effectuer l’enquête officielle sur ses plaintes étaient excessifs, ce qui est très malheureux et a sans aucun doute ajouté au stress de la fonctionnaire pendant qu’elle attendait les résultats, mais je ne suis pas convaincue que son niveau de stress au moment de l’incident du 28 octobre 2004 aurait été moins élevé et son comportement moins déplacé si l’enquête avait été réalisée plus rapidement, mais avait tout de même déterminé que ses plaintes étaient non fondées. Il en va de même pour la conclusion, en août 2004, que la plainte de harcèlement déposée contre elle par Mme Bailey était fondée.

515 Les éléments de preuve exhaustifs sur le harcèlement sont surtout pertinents pour ce qui est de l’argument de la fonctionnaire que la direction a constamment omis de mener des enquêtes adéquates sur ses plaintes, ce qui aurait ajouté à son stress, et que ce stress était un facteur atténuant pour son comportement du 28 octobre 2004. J’examinerai brièvement ces allégations exhaustives.

516 Les éléments de preuve ont démontré que Mme Bailey, en tant que gestionnaire de bureau, a discuté rapidement avec M. Stephenson quand la fonctionnaire lui a parlé la première fois, en 2001, de ses préoccupations concernant ce qu’elle percevait comme un manque de délicatesse et de respect envers elle de la part de M. Stephenson, et encore plusieurs fois plus tard, quand la fonctionnaire a accusé M. Stephenson d’avoir continuellement manqué de délicatesse lors d’incidents comme celui du conflit sur l’accès à la salle de premiers soins, en mars 2003. Le surintendant principal Clark a également pris des mesures en lançant une enquête quand la fonctionnaire lui a parlé de l’incident de la salle de premiers soins. Il était aussi question de cet incident dans le rapport Chagnon, et les allégations de la fonctionnaire ont été jugées non fondées.  

517 La direction a également conseillé à M. Stephenson de réduire autant que possible ses contacts avec la fonctionnaire au Service de la sécurité routière en attendant les résultats de l’enquête extérieure officielle. Les raisons du caporal Adair pour avoir rejeté la demande faite par la fonctionnaire en juin de se faire séparer physiquement de M. Stephenson, en retirant ce dernier de l’immeuble, et donc de son emploi, en attendant le rapport Chagnon sur le harcèlement, démontrent que cette demande a été examinée et rejetée après avoir que l’on a pris en considération les considérations légitimes. Ce geste drastique a été jugé prématuré dans les circonstances, une décision qui semble avoir été confirmée par les résultats de l’enquête Chagnon.

518 Le surintendant Morris a déclaré qu’il prenait le harcèlement au sérieux. Ses actions, qui sont documentées dans les éléments de preuve, appuient cette déclaration. Il n’a pas confié à un membre du personnel la tâche de mener l’enquête sur les plaintes de la fonctionnaire, malgré son horaire chargé en tant que chef du District nord de la Division « E ». Bien qu’il ait conclu que ses allégations initiales concernant M. Stephenson étaient non fondées, il a examiné sa documentation attentivement, et il avait une politique de porte ouverte avec elle, ce qui veut dire qu’il l’a encouragée à lui faire part de tout incident directement après qu’ils se soient produits. C’est ce qu’elle a fait, et il a convoqué sur-le-champ les parties pour entendre les deux versions de l’incident, comme il a été démontré par les faits entourant la rencontre du 30 janvier 2004 dans son bureau. De plus, le surintendant Morris a organisé sans tarder une réunion sur la sensibilisation au harcèlement pour tous les employés du Bureau du district nord, le 14 octobre 2003, lorsqu’un autre employé qui n’était pas d’accord avec l’opinion de la fonctionnaire a porté à son attention de manière anonyme le courriel que cette dernière avait diffusé largement le 1er octobre 2003 et dans lequel elle accusait le surintendant Morris de ne pas prendre au sérieux le harcèlement ou les plaintes de harcèlement.

519 Le surintendant Morris a aussi rapidement fait appel au caporal Adair et à son expertise en matière de droits de la personne, en octobre 2003, quand il a appris que la fonctionnaire l’accusait de ne pas prendre le harcèlement au sérieux. Le caporal Adair a déclaré que, selon ses discussions avec le surintendant Morris, ses entretiens privés avec 18 employés du Bureau du district nord en octobre 2003 et ses discussions avec d’autres personnes, il trouvait que le surintendant Morris prenait au sérieux le harcèlement et les plaintes de harcèlement, et c’est ce qu’il a dit à la fonctionnaire par écrit et de vive voix. Les éléments de preuve ont également démontré que la fonctionnaire avait eu un accès non restreint au caporal Adair et à son expertise pendant plus d’un an, et qu’elle avait eu de longs échanges réguliers avec lui par écrit. Ils appuient aussi la déclaration du caporal Adair qu’il a toujours répondu aux courriels de la fonctionnaire, qui étaient parfois très longs et contenaient de multiples plaintes et questions.  

520 Les éléments de preuve ont démontré que le caporal Adair a fait appel à deux enquêteurs formés et indépendants de l’extérieur du District nord de la Division « E » pour mener une enquête sur les plaintes de harcèlement déposées par la fonctionnaire en octobre 2003 contre M. Stephenson et le gendarme Wolney, et la plainte de harcèlement déposée par Mme Bailey contre la fonctionnaire en décembre 2003. Dans son témoignage, de même que dans ses communications avec la fonctionnaire et la haute direction en février 2004, le caporal Adair accepte toute la responsabilité pour le temps qu’il a fallu pour commencer l’enquête officielle, et il attribue ce retard principalement à la difficulté qu’il a éprouvée à obtenir deux enquêteurs formés, qui non seulement devaient venir de l’extérieur du Bureau du district nord et de Prince George, mais de l’extérieur du District nord de la Division « E », et qui devaient être disposés et aptes à travailler sur une longue enquête à Prince George. Dans sa correspondance avec le caporal Adair en février 2004, la fonctionnaire reconnaît la difficulté de trouver des enquêteurs formés pouvant être affectés à l’enquête et se dit satisfaite des efforts déployés par le caporal pour trouver des experts externes pour mener l’enquête.

521 Comme il a été noté, le rapport Chagnon sur le harcèlement concluait que les multiples plaintes de la fonctionnaire contre M. Stephenson étaient non fondées, de même que ses plaintes contre le gendarme Wolney. Elle a demandé un examen indépendant de ses plaintes subséquentes concernant le caractère inadéquat de l’enquête Chagnon, et on le lui a accordé sans tarder. Cet examen a confirmé la conclusion des enquêteurs que l’enquête avait été menée correctement et que ses plaintes étaient non fondées.

522 La fonctionnaire n’est pas satisfaite des résultats de l’enquête Chagnon, et elle a allégué à l’audience que les enquêteurs externes n’étaient pas indépendants ou neutres, et que le surintendant Morris avait trouvé un moyen de diriger l’enquête de manière inconvenante. Les éléments de preuve n’appuient pas cette allégation.

523 En février 2004, la fonctionnaire a présenté contre Mme Bailey et le surintendant Morris des griefs dans lesquels elle les accusait de ne pas offrir un lieu de travail exempt de harcèlement. Le caporal Adair a déclaré que la fonctionnaire a demandé par écrit que sa plainte de harcèlement contre le surintendant Morris soit suspendue jusqu’à la publication des résultats de l’enquête indépendante. Cette demande lui a été accordée. Le grief ne semble pas avoir avancé après la réception du rapport Chagnon sur le harcèlement, à la mi-juillet 2004. Ce rapport a conclu que les plaintes de harcèlement de la fonctionnaire contre M. Stephenson et le gendarme Wolney étaient non fondées et sans motif.

524 L’avocat de la fonctionnaire a fait valoir que la fonctionnaire n’a pas demandé à ce que sa plainte contre Mme Bailey soit suspendue, et qu’elle aurait dû faire l’objet d’une enquête plus rapidement. Sur ce point, je remarque que le courriel que la fonctionnaire a envoyé le 14 octobre 2004 au caporal Adair permet de croire autrement. Dans ce courriel, elle affirme qu’elle [traduction] « [s’efforcerait] au cours des deux semaines suivantes à relancer le traitement de [ses] griefs ». En outre, à la lecture de sa plainte de décembre 2003 et de son grief de février 2004 contre Mme Bailey, il est clair que la première allégation dans sa plainte est que la plainte de harcèlement contre elle, déposée par Mme Bailey en décembre 2003, n’était pas fondée et que Mme Bailey ne l’a déposée qu’en guise de représailles contre la plainte d’octobre 2003 déposée par la fonctionnaire contre M. Stephenson, que Mme Bailey a supervisé. Selon moi, compte tenu des particularités de la plainte et du grief, la direction a raisonnablement estimé que sa plainte de harcèlement était une mesure de représailles et n’a pas approfondi la question lorsque la plainte de harcèlement de Mme Bailey a été jugée fondée, en août 2004. Cela a mené à l’imposition à la fonctionnaire d’une suspension disciplinaire de trois jours, en septembre 2004.

525 Le caporal Adair a témoigné. On a produit en preuve des échanges entre lui et la fonctionnaire afin d’étayer son témoignage selon lequel, en octobre 2004, après avoir reçu plusieurs courriels de la fonctionnaire dans lesquels elle se plaignait des directives et du tatillonnage inutiles de la part du sergent d’état-major Beach et qu’elle percevait comme du harcèlement, il lui a demandé, par écrit, si elle voulait déposer une plainte de harcèlement contre le sergent d’état-major Beach. Elle a répondu qu’elle ne voulait pas déposer une plainte de harcèlement officielle, mais qu’elle songeait à présenter contre lui un grief relatif au code de conduite.

526 Quatrièmement, bien que je comprenne que la fonctionnaire était frustrée et stressée en raison de la façon dont les choses allaient au travail, je ne crois pas que la preuve a permis d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le sergent d’état-major Beach l’a délibérément frappée sur le bras, le 24 septembre, comme elle l’a affirmé dans son témoignage. Il a déclaré qu’ils se trouvaient dans la salle de photocopie et que, lorsqu’il a ouvert un tiroir contenant des dossiers du système du Centre d’information de la police canadienne, elle a bougé un peu et le tiroir l’a touchée. La fonctionnaire a déclaré que [traduction] « les tiroirs n’ont pas des mains et des doigts » et qu’il l’a frappée avec sa main, ce que sa transcription corrobore. Il a nié cette allégation, et les notes qu’il a rédigées à ce moment-là appuient sa version. La transcription de la fonctionnaire ne contient que cinq phrases environ. Le commentaire du sergent d’état-major Beach qui précède immédiatement le moment où la fonctionnaire a dit [traduction] « Tu n’as pas besoin de me frapper » est inscrit en tant que [traduction] « inaudible ». Il n’y a aucune inscription indiquant qu’il aurait répondu quoi que ce soit après son accusation, que ce soit de façon audible ou non. Il ne s’agit pas d’une transcription complète crédible de cet échange et de s’il l’a délibérément frappée avec sa main, comme elle le prétend (pièce 1, onglet 8-S).

527 Une allégation d’agression physique est une chose très sérieuse. Je remarque que la fonctionnaire n’a apparemment pas fait son allégation avant le courriel qu’elle a envoyé au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, qui ne porte pas de date, mais qui a été envoyé en 2005 (pièce 1, onglet 8-N, point 9, page 1). Il est également difficile de croire, compte tenu des antécédents bien documentés de la fonctionnaire pour soulever ses préoccupations auprès de la direction et d’autres personnes dès qu’elle se sent lésée par ce qu’elle estime être un comportement inapproprié à son endroit, qu’elle n’aurait pas mentionné cet incident à une personne en position de pouvoir s’il s’était produit le 24 septembre 2004 comme elle le prétend, particulièrement compte tenu de ses sentiments négatifs à l’endroit du sergent d’état-major Beach. On peut penser que, s’il l’avait frappée, elle aurait immédiatement rapporté l’incident. Or, elle ne s’en est pas plainte à ce moment-là, et elle n’a jamais produit de transcription jusqu’à sa réponse au surintendant principal Lanthier, en avril 2005, lorsqu’elle a réagi à la suspension de sa cote de fiabilité de la GRC.

528 Le surintendant Morris a affirmé que la fonctionnaire ne lui a jamais parlé du fait que le sergent d’état-major Beach l’aurait frappée, et il a ajouté qu’il aurait mené une enquête si elle l’avait fait. Elle a envoyé de nombreux courriels au caporal Adair à l’automne 2004 pour se plaindre de bon nombre d’incidents au travail, mais elle n’a jamais mentionné avoir été frappée par le sergent d’état-major Beach. Dans son courriel du 14 octobre 2004 au caporal Adair, elle s’est plainte que le sergent d’état-major Beach l’avait rabaissée dans un courriel qu’il avait envoyé au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, elle a remis en question la validité de sa réprimande verbale et elle a affirmé qu’il avait commis du harcèlement criminel à son endroit en lui remettant environ huit documents de directives et une réprimande verbale depuis son retour d’un congé de maladie. Puisqu’elle a rapporté le comportement du sergent d’état-major Beach le 24 septembre 2004 dans son courriel au caporal Adair et qu’elle n’a rien dit à propos de la présumée agression physique qui se serait produite cette journée-là, je ne juge pas crédible son explication qu’elle a simplement omis de mentionner qu’il l’avait aussi frappée, le 24 septembre 2004.

529 Dans son courriel au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique (sans date, mais envoyé en 2005; voir la pièce 1, onglet 8-N, point 8, page 1), la fonctionnaire a allégué que le sergent d’état-major Beach l’a [traduction] « poussée physiquement » le 28 octobre 2004 et qu’il lui a arraché des papiers des mains. Dans son témoignage, elle a prétendu qu’il a physiquement [traduction] « poussé son bras » et qu’il a saisi les papiers de ses mains, dans la salle de photocopie ou près de celle-ci, le matin du 28 octobre 2004. Selon la preuve, il a envoyé deux courriels à l’imprimante et, alors qu’il se rendait à la salle de photocopie pour les recueillir, il a vu la fonctionnaire prendre tous les documents qui étaient sur l’imprimante. Selon lui, la fonctionnaire a levé les documents d’un geste de la main provocateur et qu’il a pris les documents de sa main alors que celle-ci était levée. Selon la fonctionnaire, sa main n’était pas levée et il lui a brusquement arraché les papiers des mains. Il les aurait alors regardés pour en retirer plusieurs documents avant de lui remettre le reste. La transcription de la fonctionnaire appuie sa propre version des faits.

530 Je crois que les éléments de preuve, y compris la transcription de la fonctionnaire, a démontré que le sergent d’état-major Beach a saisi ou arraché les documents des mains de la fonctionnaire dans la salle de photocopie le matin du 28 octobre 2004, et que certains de ces documents lui appartenaient. La transcription de l’incident fournie par la fonctionnaire comprend 11 phrases, mais elle y a joint un long commentaire. Selon la transcription, elle a dit au sergent d’état-major Beach qu’elle était la première à avoir pris les papiers et qu’il avait été [traduction] « très impoli ». Il est vrai qu’il aurait été plus poli de sa part de demander les documents plutôt que de les saisir des mains de la fonctionnaire, toutefois, je trouve que la déclaration de la fonctionnaire selon laquelle il aurait été agressif physiquement et lui aurait causé un stress important est une exagération. Cette brève interaction s’est terminée lorsque la fonctionnaire a accusé le sergent d’état-major Beach de harcèlement criminel et que le sergent d’état-major Beach lui a demandé si elle savait ce que cela voulait dire.

531 En résumé, on peut dire que les deux étaient stressés et frustrés. Les éléments de preuve produits ont clairement révélé que la fonctionnaire était réellement frustrée et fâchée contre la direction parce qu’elle estimait que la direction refusait de la croire et de prendre des mesures adéquates en réaction à ses plaintes. Les éléments de preuve ont aussi démontré clairement que la direction vivait également de la frustration et subissait une charge émotionnelle importante en raison du mépris que la fonctionnaire affichait à son endroit, notamment dans ses nombreux courriels. Ceux-ci ont été envoyés à un grand nombre de personnes, dont des cadres supérieurs de la GRC et des membres du syndicat, ainsi qu’à d’autres personnes telles que des agents responsables de l’éthique, de l’intégrité et des droits de la personne. Dans ces courriels, elle accusait la direction en général – et le surintendant Morris en particulier – de ne pas prendre le harcèlement ainsi que les plaintes de harcèlement au sérieux. En outre, elle s’en est prise à l’intégrité et à l’impartialité du surintendant Morris, dans sa façon de traiter ses plaintes, en raison de son amitié avec M. Stephenson et le gendarme Wolney, même si le surintendant Morris et l’inspecteur Clark lui avaient dit qu’il ne les connaissait que parce qu’il était le chef du Bureau du district nord. Il n’avait jamais entretenu de relations sociales avec eux et n’échangeait que des formules de courtoisie élémentaires lorsqu’ils se croisaient au Bureau du district nord. Cet élément de preuve n’a pas été contredit. La charge émotionnelle infligée à Mme Bailey était particulièrement évidente durant son témoignage. Les éléments de preuve n’appuient pas l’allégation de la fonctionnaire que la direction refusait systématiquement de prendre ses plaintes de harcèlement au sérieux, ce qui, selon ses dires, aurait été une source importante de stress pour elle.

532 J’aimerais répondre à un argument soulevé par l’avocat de la fonctionnaire. Je conviens qu’il est acceptable qu’un employé critique la direction, mais je suis aussi d’accord avec le fait que, comme il est indiqué dans MacLean, le ton et la teneur de la critique sont importants. Certains des courriels de la fonctionnaire, qui n’étaient manifestement pas des communications syndicales, comme les courriels du 30 janvier 2004 envoyés à plusieurs cadres supérieurs du syndicat et de la GRC et sa plainte de juin 2004 au conseiller en matière d’éthique et d’intégrité, contiennent des attaques personnelles où elle porte des accusations virulentes contre l’intégrité et l’impartialité de ses gestionnaires. D’après ce que j’ai compris, son argument était que la perception de n’importe quel événement dépend de chaque personne. Ainsi, si elle croyait par exemple que le surintendant Morris ne prenait pas le harcèlement et les plaintes de harcèlement au sérieux ou que M. Stephenson et le gendarme Wolney étaient amis et que le surintendant Morris n’était pas impartial en raison de cette amitié, cela signifie que ses accusations répétées ne peuvent être considérées comme des mensonges ou comme une conduite trompeuse et ne devraient pas avoir de valeur dans la détermination de sa crédibilité, même si l’on a établi que, dans les faits, le surintendant Morris prenait bel et bien les questions de harcèlement au sérieux et que les individus impliqués n’étaient pas des amis. Le même argument s’appliquerait logiquement aux accusations de la fonctionnaire, qui n’étaient aucunement appuyées par des éléments de preuve, que le surintendant Morris avait donné au sergent d’état-major Beach la directive de chercher des poux à la fonctionnaire et d’être sévère ou très sévère avec elle et de lui trouver des défauts. À mon avis, la sincérité de ses convictions ne m’empêche pas de tenir compte de ses accusations non fondées pour déterminer si les éléments de preuve qu’elle a produits sont fiables ou pour juger de la fiabilité des témoignages de ses gestionnaires, qui ont évalué sa conduite à partir du comportement qu’elle a manifesté.

533 En outre, bien que j’accepte le fait que la fonctionnaire subissait du stress, je ne crois pas que les éléments de preuve qu’elle a produits au sujet de ce stress sont un facteur atténuant qui prévaut sur la nature de son inconduite du 28 octobre 2004. Qui plus est, en m’appuyant sur l’ensemble de la preuve produite, je n’estime pas que les événements du 28 octobre sont un simple emportement passager et que leur gravité pourrait être atténuée en raison de l’omission par l’employeur de la rencontrer officiellement toutes les deux semaines entre les mois d’août et d’octobre, comme il était prévu dans la lettre énonçant les attentes. Je remarque que sa position était que cette lettre était de nature disciplinaire et qu’elle n’était absolument pas méritée. Il y a eu de nombreuses interactions durant cette période, notamment plusieurs rencontres entre le sergent d’état-major Beach et la fonctionnaire, dont au moins une à laquelle Mme Stangrecki a participé, en août. En m’appuyant sur les éléments de preuve, je ne crois pas que la fonctionnaire aurait senti davantage le besoin de modifier son comportement ou son attitude à l’endroit de la direction si les parties s’étaient rencontrées plus souvent ou plus régulièrement.

534 Je remarque aussi que la fonctionnaire n’a affiché aucun remords pour son comportement du 28 octobre 2004 après-midi. Il s’agit là d’un facteur important m’amenant à déterminer que la sanction imposée était raisonnable dans les circonstances. Elle a affirmé lors de son témoignage qu’elle ne ressentait aucun remords parce qu’elle n’avait rien fait de mal et que c’est la direction qui devrait avoir des remords. Ce qui est important, selon moi, c’est qu’elle n’a pas démontré qu’elle acceptait quelque responsabilité que ce soit pour son inconduite du 28 octobre. En fait, d’après ce que je comprends des éléments de preuve présentés, sa position est qu’elle était la victime dans cet incident, et elle jette tout le blâme sur le surintendant Morris et le sergent d’état-major Beach pour ce qui est survenu le 28 octobre.

535 La fonctionnaire a décrit sa perception de l’incident du 28 octobre 2004 dans plusieurs courriels qu’elle a écrits plus tard au District nord de la Division « E » de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. Selon elle, sa suspension de 10 jours ne lui avait pas été imposée en raison de son comportement, mais parce que la direction s’était fâchée contre sa demande de déploiement du 27 octobre 2004 au motif que le sergent d’état-major Beach lui faisait subir du harcèlement criminel (pièce 1, onglet 8-U, no 46 à la page 14, et onglet 8-N, pages 1 et 3). Elle a soutenu que ses commentaires à propos du sergent d’état-major Beach, dans son évaluation du rendement, étaient professionnels et raisonnables, et que le surintendant Morris et le sergent d’état-major Beach étaient dans le tort pour avoir soulevé la question de son évaluation du rendement avec elle, le 28 octobre 2004, parce qu’ils abusaient tout simplement de leur autorité et cherchaient à lui causer des ennuis. Elle a soutenu que la discussion qu’ils voulaient avoir avec elle au cours de cet après-midi du 28 octobre 2004 ne visait en fait qu’à s’en prendre à elle, à la calomnier et à la harceler, ainsi qu’à la provoquer pour qu’elle quitte son emploi (pièce 1, onglet 8-N, page 1).

536 Ces graves allégations ne sont appuyées par aucune preuve. Au contraire, les éléments de preuve ont démontré que le surintendant Morris avait agi de bonne foi dans ses interactions avec la fonctionnaire, le 28 octobre. Il a déterminé que les actes de la fonctionnaire cet après-midi-là étaient une forme d’inconduite qui ne pouvait être tolérée. Après avoir abouti à cette conclusion, il a pris des mesures décisives en ce sens.

537 Hunter Rose Co. Ltd.,qui a été citée par la fonctionnaire,se distingue de la présente affaire. La fonctionnaire n’a pas été congédiée ou menacée de congédiement en raison de son comportement du 28 octobre 2004. La direction n’a pas agi sur la base d’une perception de son attitude hostile et provocatrice; elle a prouvé la version des événements sur laquelle elle a appuyé la suspension de 10 jours.

538 Nanaimo Collating Inc., citée par la fonctionnaire, se distingue également de la présente affaire; la fonctionnaire n’a pas été congédiée. En outre, si je crois qu’une personne raisonnable qui examine les éléments de preuve contextuels pourrait conclure en toute équité que, comme pour le fonctionnaire dans Nanaimo, la fonctionnaire dans la présente affaire était perçue comme un irritant au Bureau du district nord et comme quelqu’un qui nécessite une quantité excessive de temps et de ressources de la part de la direction, ce n’est pas pour cette raison qu’on lui a imposé une mesure disciplinaire le 28 octobre 2004. C’est sa conduite du 28 octobre qui justifiait la sanction disciplinaire. La direction a réagi à son inconduite de façon décisive en appliquant des mesures disciplinaires progressives; elle n’a pas réagi de façon excessive.

539 L’employeur a choisi d’imposer une suspension de 10 jours. Cette sanction peut sembler excessive si l’on prend l’incident de façon isolée, mais pas dans le contexte de la relation d’emploi difficile ou de la résistance bien documentée de la fonctionnaire à reconnaître le besoin d’apporter quelque changement que ce soit à son comportement au travail.

540 En examinant la conduite de la fonctionnaire dans son ensemble, on peut conclure que l’employeur n’a pas agi de façon déraisonnable en passant d’une réprimande verbale à une suspension de 3 jours, puis à une suspension de 10 jours, notamment à la lumière de la lettre énonçant les attentes et des mesures non disciplinaires qu’il avait prises pour essayer de modifier le comportement inacceptable de la fonctionnaire.

541 En m’appuyant sur les éléments de preuve, je conclus que la suspension disciplinaire de 10 jours était adéquate dans les circonstances.

542 Pour ces motifs, je rejette le grief.

IX. Résumé de la preuve, partie 2 : les six autres griefs

543 Cette section présente un résumé des éléments de preuve additionnels qui ont été produits pour les six autres griefs. Ces griefs visaient à contester les décisions de l’employeur de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire pour un motif déterminé, de suspendre indéfiniment son statut d’employée pour un motif déterminé en raison de la suspension et de la révocation de sa cote de fiabilité de la GRC, et de la licencier pour un motif déterminé, de même que les procédures connexes de règlement des griefs. Dans cette partie se trouvent des résumés des témoignages des enquêteurs en matière de sécurité, de la fonctionnaire et des décideurs qui, souvent, ont pris des mesures en s’appuyant sur les rapports de sécurité. Les témoignages du sergent d’état-major Hildebrand, du sergent Lennox, de M. Briske et du surintendant principal Lanthier en sont les principaux piliers.

A. Témoignages

1. Le sergent d’état-major Beach

544 Tel qu’il a été mentionné, le 14 novembre 2003, un mandat d’arrêt a été exécuté par le détachement de Burnaby au sujet d’un dossier du District nord de la Division « E ». Il y a eu des problèmes, car l’entrée relative au mandat n’avait pas été retirée du système du Centre d’information de la police canadienne, tel que la fonctionnaire aurait dû le faire. L’arrestation et l’incarcération de l’individu visé par ce mandat d’arrêt étaient donc illégales, et l’employeur a été confronté à des problèmes potentiels en matière de responsabilité civile (le « dossier problématique »).

545 Le sergent d’état-major Beach a affirmé que le gendarme Wolney avait vérifié les dossiers en suspens dans le système du Centre d’information de la police canadienne le 3 novembre 2003 et qu’il a trouvé des problèmes dans neuf dossiers opérationnels. Lorsque le sergent d’état-major Beach a été avisé, le 20 novembre 2003, il a donné à la fonctionnaire le formulaire original de rapport de continuation et l’a joint au dossier problématique (pièce 1, onglet 5-N, page 12). Il lui a aussi donné un exemplaire du formulaire original de rapport de continuation (pièce 1, onglet 5-N, page 17), accompagné d’une note qu’elle devait conserver sous son sous-main, sur son bureau. Ils devaient servir d’outil de mentorat et de directive pour empêcher que d’autres erreurs se produisent.

546 Selon le témoignage de l’inspecteur Clark, un membre de la GRC doit consigner son plan d’enquête (p. ex. interroger Monsieur « X ») et ses activités (p. ex. l’interrogatoire de Monsieur « X » a été réalisé à la date « Y ») dans un rapport de continuation qui est inséré dans le dossier d’enquête. Il s’agit en quelque sorte de la chronologie d’une enquête qui permet à un superviseur de diriger ses enquêteurs.

547 Le sergent d’état-major Beach a affirmé que, le 20 novembre 2003, il a rédigé un deuxième formulaire de rapport de continuation pour la fonctionnaire afin qu’elle l’utilise en tant que directive générique pour les entrées dans le système du Centre d’information de la police canadienne ainsi que pour les mandats visés et non visés. Il a placé cette seconde directive dans chacun des neuf dossiers opérationnels qui avaient été relevés par le gendarme Wolney, dont le dossier posant problème. Il a ensuite donné tous les dossiers à la fonctionnaire pour qu’elle corrige les erreurs et les fasse classer. Il a affirmé avoir aussi donné à la fonctionnaire un exemplaire du deuxième formulaire de rapport de continuation et en avoir placé une copie dans le dossier personnel de la fonctionnaire, qu’il conservait dans son bureau. Il a ensuite informé le sergent d’état-major McCaig qu’il avait abordé le problème soulevé par le gendarme Wolney avec la fonctionnaire, qu’elle avait bénéficié d’un encadrement, qu’elle avait un exemplaire des directives à suivre à son bureau et que le problème était résolu

548 Le 12 mars 2004, le sergent d’état-major Beach a découvert que le deuxième formulaire de rapport de continuation avait été retiré des neuf dossiers qui se trouvaient dans le système du Centre d’information de la police canadienne et du dossier personnel de la fonctionnaire. Il a déclaré que, lorsqu’il a demandé à la fonctionnaire si elle en avait toujours un exemplaire sur son bureau, elle a répondu qu’elle l’avait déchiqueté. Lorsqu’il a ouvert le dossier problématique, il n’a trouvé que le formulaire original de rapport de continuation. Lorsqu’il a posé des questions à la fonctionnaire sur le deuxième formulaire de rapport de continuation, elle lui a dit qu’il ne lui avait donné que le formulaire original de rapport de continuation qui se trouvait toujours dans le dossier problématique. Il a précisé que seuls lui et la fonctionnaire possédaient la clé servant à déverrouiller l’armoire dans laquelle se trouvait le dossier personnel de la fonctionnaire. Il a alors demandé à la fonctionnaire de lui remettre la clé de l’armoire.

549 Le 12 mars 2004, le sergent d’état-major Beach a rédigé un troisième formulaire de rapport de continuation contenant des directives génériques (pièce 1, onglet 5-N, page 15). Il l’a inséré dans le dossier problématique pour fournir des directives et régler les lacunes constatées dans le second formulaire de rapport de continuation. Il en a donné une copie à la fonctionnaire à titre de guide. Il a fait remarquer que le troisième formulaire de rapport de continuation était reconnaissable parce que, lorsqu’il l’a rédigé, il avait commis une erreur en inversant les titres [traduction] « non visés » et [traduction] « mandats visés ».

550 Le 25 mars 2004, le sergent d’état-major Beach a vérifié de nouveau les neuf dossiers opérationnels et remarqué que les deuxièmes formulaires de rapport de continuation étaient toujours absents. Il a aussi remarqué que le formulaire original de rapport de continuation se trouvait toujours dans le dossier personnel de la fonctionnaire, mais qu’il n’était pas placé dans l’ordre séquentiel. Il a rempli un formulaire de plainte en matière de sécurité ministérielle, daté du 25 mars 2004, pour le dossier (pièce 26, onglet 16), puis en a parlé à l’inspecteur Wheadon. Un formulaire de plainte en matière de sécurité ministérielle a été rempli par le sergent d’état-major Beach, activant ainsi un examen de sécurité.

2. Le sergent d’état-major Hildebrand

551 Dans une note de service datée du 8 avril 2004, l’inspecteur Wheadon a demandé au sergent d’état-major Hildebrand de mener une enquête sur une possible infraction à la sécurité commise par la fonctionnaire, en lien avec l’allégation selon laquelle elle aurait retiré les formulaires de rapport de continuation des dossiers dans le système du Centre d’information de la police canadienne et dans son dossier personnel. On lui a aussi suggéré d’effectuer des recherches hors ligne sur son utilisation de Groupwise, le système de messagerie de la GRC, du système du Centre d’information de la police canadienne et du Système de récupération de renseignements judiciaires (pièce 1, onglet 5-N, page 46).

552 Le sergent d’état-major Hildebrand ne connaissait pas la fonctionnaire ou le sergent d’état-major Beach avant qu’on lui demande de réaliser cette enquête. Il connaissait un peu le surintendant Morris et le surintendant principal Clark, puisque le détachement de Quesnel relevait du Bureau du district nord, mais il avait été en poste à Quesnel au printemps 2002 seulement, et il se rendait rarement à Prince George. Il a affirmé qu’il ne les connaissait que sommairement et que le surintendant Morris avait adopté une attitude très réservée durant l’enquête. Par contre, il connaissait bien l’inspecteur Wheadon, puisqu’ils avaient suivi leur entraînement ensemble.

553 Le sergent d’état-major Hildebrand avait pris sa retraite de la GRC lorsqu’il a témoigné durant l’audience; Il portait donc le titre de M. Hildebrand. Toutefois, étant donné que sergent d’état-major Hildebrand est le titre qu’il portait lorsqu’il a effectué son enquête et que c’est ainsi qu’on le nomme dans les documents examinés, j’emploierai ce titre lorsque j'y ferai référence.

554 Le sergent d’état-major Hildebrand a expliqué le processus qu’il a suivi pour mener son enquête. Il avait mené de nombreuses enquêtes majeures sur des crimes et du trafic de drogue, mais il n’avait jamais effectué une enquête de sécurité sur un fonctionnaire. Il a commencé par consulter quelqu’un qui en avait déjà réalisé une, en l’occurrence le sergent d’état-major Glas, sous-officier responsable de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, qui était le membre de la GRC qui avait initialement reçu le formulaire de plainte en matière de sécurité ministérielle sur l’allégation d’infraction à la sécurité. Le sergent d’état-major Hildebrand a ensuite consulté des manuels pertinents, comme la politique sur la gestion des renseignements consignés et le manuel sur les pratiques acceptables des utilisateurs des technologies de l’information de la GRC. Il a décrit la déclaration préalable à l’entrevue qu’il a reçue de la part du sergent d’état-major Beach (pièce 1, onglet 5-N, pages 13 et 14), mais il ne se rappelait pas s’il l’avait reçue en mai ou en septembre, avant de le rencontrer pour l’entrevue. Il a aussi décrit les personnes qu’il a interrogées, les documents qu’il a examinés et les conclusions qu’il a tirées. Il a fourni une transcription des entrevues, notamment de ses entrevues avec le sergent d’état-major Beach et la fonctionnaire, le 24 septembre, et avec Mme Bouchard, le 27 septembre 2004 (qui, par erreur, porte la date du 27 novembre 2004). Mme Stangrecki, la représentante de la fonctionnaire, était présente lors de l’entrevue de cette dernière (pièce 1, onglet 5-N, pages 18 à 29).

555 Le sergent d’état-major Hildebrand a indiqué que, le 7 juillet 2004, lorsqu’il a tenté pour la première fois de fixer au 10 juillet une entrevue avec la fonctionnaire, car il se trouverait alors à Prince George, ce qui lui donnait un préavis de trois jours, il a reçu un courriel de la fonctionnaire lui indiquant qu’un préavis de trois jours n’était pas suffisant pour qu’elle s’organise pour avoir un représentant, et qu’elle ne serait pas disponible pendant deux semaines. Lorsqu’il a insisté sur le fait qu’un préavis de trois jours était suffisant (la direction doit donner un préavis de 24 heures seulement, et la fonctionnaire avait le droit d’être représentée par un membre du syndicat à la réunion; voir la pièce 1, onglet 5-N, page 61) et qu’il souhaitait l’interroger pendant qu’il allait être à Prince George, elle l’a avisé qu’elle voulait attendre la fin d’une autre enquête en cours avant de le rencontrer (d’après les dates, je crois qu’elle parlait de ses griefs de harcèlement contre M. Stephenson et le gendarme Wolney) et qu’elle serait probablement en congé de maladie pendant quelque temps. Il a déclaré qu’il croyait qu’elle ne voulait pas être interrogée et qu’elle cherchait à lui mettre des bâtons dans les roues. Il ne s’est pas rendu au Bureau du district nord le 10 juillet comme il l’avait prévu, car on l’a informé, le 9 juillet, qu’elle était partie en congé de maladie. Ce n’est pas avant le 24 septembre 2004 qu’il a pu l’interroger.

556 En contre-interrogatoire, le sergent d’état-major Hildebrand a reconnu que la fonctionnaire lui a proposé son aide par écrit à plusieurs reprises. Il voulait toutefois mener son entrevue en personne, ce qu’elle semblait vouloir éviter, selon lui.

557 Selon son témoignage, le sergent d’état-major Hildebrand a produit un rapport provisoire, le 9 août 2004 (pièce 1, onglet 5-N, page 74), sur son enquête en cours, parce que de nombreuses personnes l’avaient contacté pour s’informer de ses progrès. Dans son rapport, il avançait la conclusion provisoire que, selon les renseignements qu’il avait en sa possession et selon la prépondérance des probabilités, il semblait que la fonctionnaire avait bel et bien retiré des documents des dossiers. Il soupçonnait qu’elle l’avait fait pour camoufler les lacunes dans son rendement. Il a avancé la conclusion provisoire qu’il s’agissait vraisemblablement d’une infraction à une politique de la GRC, plutôt que d’une infraction à la sécurité. Il a produit un rapport final le 13 octobre 2004, après ses entrevues avec le sergent d’état-major Beach, la fonctionnaire et Mme Bouchard (pièce 1, onglet 5-N, pages 1 et 10, plus annexes).

558 Le sergent d’état-major Hildebrand a déclaré que la fonctionnaire avait manifestement télécopié des copies des formulaires de rapport de continuation à l’extérieur du bureau, à destination du bureau de Mme Bouchard, du détachement de Quesnel, le 26 mars 2004. Mme Bouchard avait affirmé avoir reçu, en 2003, trois pages télécopiées par la fonctionnaire, dont une page couverture sur laquelle on lui demandait de conserver ces documents pour la fonctionnaire, ainsi que deux pages qui, selon elle, étaient les formulaires de rapport de continuation. En outre, la fonctionnaire avait donné au sergent d’état-major Hildebrand des copies des deux formulaires de rapport de continuation qu’elle avait conservés après les avoir envoyés par télécopieur à Mme Bouchard (pièce 1, onglet 5-N, annexe E, pages 30 et 31, au sujet du dossier problématique, no 2002-1263).

559 Les formulaires de rapport de continuation que la fonctionnaire a produits (pièce 1, onglet 5-N, annexe E, pages 30 et 31) contenaient des directives écrites à son intention par le sergent d’état-major Beach. Ces directives portaient sur la façon de bien entrer les informations et d’apporter des corrections aux données existantes du système du Centre d’information de la police canadienne. Mme Bouchard a dit au sergent d’état-major Hildebrand qu’elle ne savait pas pourquoi la fonctionnaire lui avait envoyé des formulaires de rapport de continuation. Elle avait aussi indiqué qu’elle avait fait partie des destinataires invisibles de plusieurs longs courriels envoyés par la fonctionnaire. Elle en a donné des copies au sergent d’état-major Hildebrand.

560 Le sergent d’état-major Hildebrand a indiqué que, lors de son entrevue avec la fonctionnaire le 24 septembre 2004, elle avait d’abord déclaré qu’elle n’avait pas retiré de formulaires de rapport de continuation ou tout autre document de quelque dossier que ce soit et qu’elle n’avait jamais envoyé de document provenant du bureau à quelqu’un de l’extérieur du bureau. Plus tard, elle lui a dit qu’elle n’avait pas retiré de documents des dossiers, mais qu’elle avait effectivement télécopié des documents ou des formulaires de rapport de continuation à Mme Bouchard, au détachement de Quesnel, au cas où le sergent d’état-major Hildebrand en aurait eu besoin pour son enquête. Elle a aussi déclaré qu’elle avait demandé la permission au surintendant principal Clark, qui lui avait dit qu’elle pouvait envoyer des documents opérationnels à un autre bureau de la GRC (transcription, pièce 1, onglet 5-N, pages 24 à 26).

561 Lors de l’entrevue, la fonctionnaire a dit au sergent d’état-major Hildebrand qu’elle voulait que le sergent d’état-major Beach soit accusé de harcèlement criminel, de sabotage et de méfait public pour avoir causé la tenue d’une enquête de sécurité injustifiée (pièce 1, onglet 5-N, page 27).

562 Plus tard cet après-midi-là, après l’entrevue, la fonctionnaire a demandé à rencontrer le sergent d’état-major Hildebrand de nouveau pour lui expliquer pourquoi elle avait télécopié les documents à Mme Bouchard afin qu’elle les conserve en attendant l’enquête, étant donné que, comme elle l’avait mentionné à l’entrevue, à ce moment-là, il n’avait pas encore été affecté à cette enquête. Elle a déclaré qu’elle les avait télécopiés pour que des copies soient conservées par un membre du syndicat. Mme Bouchard était trésorière du SESG à cette époque (pièce 1, onglet 5-N, pages 25 et 29). En contre-interrogatoire, le sergent d’état-major Hildebrand a déclaré avoir conclu que la fonctionnaire modifiait son récit afin qu’il concorde avec les faits.

563 Le sergent d’état-major Hildebrand a indiqué qu’il a interrogé l’inspecteur Clark à ce sujet et que celui-ci lui avait dit qu’il se souvenait que la fonctionnaire lui avait téléphoné une seule fois pour lui demander la permission d’envoyer des documents au détachement de Prince George relativement à une enquête de meurtre. L’inspecteur Clark avait dit qu’il était permis d’envoyer cette information à un autre bureau de police, mais qu’il n’avait jamais autorisé la fonctionnaire à envoyer des formulaires de rapport de continuation à l’extérieur du bureau. Il s’agissait dans ce cas d’une tout autre affaire. Il n’était absolument pas logique, selon lui, d’envoyer des formulaires de rapport de continuation à un autre détachement.

564 Le sergent d’état-major Hildebrand a parlé de ses conclusions. Il a conclu que la fonctionnaire n’avait pas commis d’infraction à la sécurité, mais qu’elle avait enfreint la politique de la GRC sur la gestion des dossiers. Le rapport critiquait son comportement dans les termes suivants (pièce 1, onglet 5-N, pages 7 et 8) :

[Traduction]

[…]

6.0 Conclusions :

D’abord, j’estime que BERGEY n’est pas crédible pour les raisons suivantes :

  • Lorsque je l’ai interrogée, elle a modifié son récit pour qu’il concorde avec les faits. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas envoyé de documents à l’extérieur du bureau, puis elle a avoué qu’elle l’avait fait.
  • Elle a dit qu’elle avait envoyé les 1624 à Bouchard pour qu’elle les conserve en vue de mon enquête, puis elle a modifié son récit lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elle les avait envoyés avant que je sois affecté à cette enquête.
  • Elle a avancé que l’inspecteur Clark l’avait autorisée à envoyer les 1624 à Bouchard, alors que l’autorisation visait une autre affaire non liée.

Selon la prépondérance des probabilités, je crois que PS Valerie Bergey a enfreint la politique de la GRC en ne classant pas correctement des rapports sur des dossiers opérationnels […] Je crois également qu’elle l’a fait intentionnellement.

Selon la prépondérance des probabilités, je crois que PS Bergey s’est occupée d’affaires personnelles en employant le système ROSS durant ses heures de travail régulières.

Je ne crois pas que PS Valerie Bergey a commis une infraction à la sécurité.

7.0 Résumé

BERGEY a signé le formulaire 330-47. Il est à noter qu’il s’agit du Certificat d’enquête de sécurité et profil de sécurité, selon lequel l’employée convient de respecter les politiques ministérielles du gouvernement.

BERGEY a reçu de la formation sur le CIPC après le début de l’enquête.

J’ai joint des copies des longs courriels qui ne sont pas liés au travail. Un de ces courriels a dû prendre plus d’une heure à rédiger (cinq pages complètes rédigées à simple interligne). En outre, ces courriels ne respectent pas les pratiques acceptables pour les utilisateurs.

[…]

[Les passages en gras le sont dans l’original]

565 Le sergent d’état-major Hildebrand a transmis son rapport final sur l’enquête, avec les annexes, à l’inspecteur Clark le 13 octobre 2004 (pièce 1, onglet 5-N). L’inspecteur Clark avait remplacé l’inspecteur Wheadon à titre d’agent de district adjoint responsable du côté non opérationnel (personnel et finances) des activités.

566 Le sergent d’état-major Hildebrand a affirmé qu’il ne savait pas que la fonctionnaire avait secrètement enregistré son entrevue avec elle. Son propre enregistrement a été transcrit par un employé du détachement de Quesnel, qui transcrivait des enregistrements portant sur des affaires criminelles. En contre-interrogatoire, le sergent d’état-major Hildebrand a déclaré qu’il n’avait pas comparé [traduction] « ligne par ligne » la transcription produite par son personnel de bureau à celle de la fonctionnaire (pièce 1, onglet 8).

567 En contre-interrogatoire, on a demandé au sergent d’état-major Hildebrand s’il était au courant du fait que la fonctionnaire estimait qu’elle n’avait pas télécopié de documents à l’extérieur du bureau, puisqu’elle les avait télécopiés à un autre détachement en vue de son enquête. Il a répété qu’il n’avait été nommé enquêteur que le 8 avril 2004, ce qui était bien après l’envoi par télécopieur des formulaires de rapport de continuation.

568 En contre-interrogatoire, lorsqu’on a demandé au sergent d’état-major Hildebrand comment la fonctionnaire aurait pu lui donner des copies des formulaires de rapport de continuation si elle les avait tous retirés des dossiers et déchiquetés, comme le sergent d’état-major Beach le prétendait, ce dernier a déclaré que, si elle avait fait des copies pour elle-même, puis déchiqueté les originaux, elle aurait ainsi eu des copies à télécopier au détachement de Quesnel. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait demandé à la fonctionnaire, lors de l’entrevue, si elle avait déchiqueté les formulaires originaux de rapport de continuation, le sergent d’état-major Hildebrand a examiné la transcription et pointé notamment à la ligne 119. Il a déclaré qu’il croyait le lui avoir demandé, et que la fonctionnaire avait répondu qu’elle n’avait jamais rien retiré des dossiers. Lorsqu’on lui a demandé s’il ne l’avait pas crue sur ce point, le sergent d’état-major Hildebrand a déclaré qu’il ne s’était alors pas encore fait une opinion, mais qu’à la fin, il n’avait pas accepté son explication.

569 En contre-interrogatoire, le sergent d’état-major Hildebrand a déclaré qu’il ne croyait pas avoir rencontré de nouveau le sergent d’état-major Beach après les entrevues du 24 septembre 2004 et la réception des transcriptions pour préciser à quels formulaires de rapport de continuation la fonctionnaire et le sergent d’état-major Beach faisaient référence exactement. Il ne se souvenait pas de l’échange de courriels avec le sergent d’état-major Beach qui a été reproduit à la pièce 26, onglets 87 et 88 de la fonctionnaire, dans lequel il a demandé au sergent d’état-major Beach, le 29 septembre 2004, de vérifier un dossier pour savoir exactement quand des modifications ont été apportées après le formulaire original de rapport de continuation. Le sergent d’état-major Beach a procédé aux vérifications et envoyé une réponse non datée. Au sujet de cette réponse, le sergent d’état-major Hildebrand a dit qu’il souhaitait connaître cette information parce qu’elle indiquerait que les formulaires de rapport de continuation étaient bel et bien là en premier lieu. Il ne se souvenait toutefois pas de la conclusion qu’il avait tirée des données envoyées par le sergent d’état-major Beach. S’il en avait tiré une conclusion, elle se serait probablement trouvée dans son rapport, qui ne contenait rien à ce sujet.

570 En contre-interrogatoire au sujet de sa conclusion, énoncée à la page 10 de son rapport, selon laquelle, selon la prépondérance des probabilités, la fonctionnaire avait enfreint la politique sur la gestion des renseignements consignés en ne classant pas correctement des rapports sur des dossiers opérationnels et qu’elle avait fait cela intentionnellement, le sergent d’état-major Hildebrand a déclaré que les directives du sergent d’état-major Beach auraient été préjudiciables pour son évaluation du rendement. Il a affirmé qu’il ne pouvait penser à aucune autre raison crédible de les avoir retirés. La fonctionnaire était la seule personne qui aurait eu la moindre raison de les retirer. Il a indiqué qu’il ne l’a pas crue lorsqu’elle a dit qu’elle n’avait pas retiré les documents des dossiers. Il a fondé sa conclusion sur le fait qu’elle avait un motif et qu’elle avait modifié son récit à mesure que l’entrevue progressait. Elle avait d’abord dit qu’elle n’avait envoyé aucun document à l’extérieur du bureau, puis elle lui avait avoué qu’elle avait envoyé les formulaires de rapport de continuation à Mme Bouchard, du détachement de Quesnel, à l’extérieur du bureau.

571 En contre-interrogatoire, le sergent d’état-major Hildebrand a affirmé qu’au moins un des dossiers était toujours actif au moment de son enquête, car il y avait découvert des erreurs et les avait signalées au sergent d’état-major Beach pour que les corrections y soient apportées. Cependant, il ne pouvait se rappeler combien des neuf dossiers en question étaient toujours opérationnels à ce moment-là. Il n’a pas posé de questions directement à la fonctionnaire au sujet de sa conclusion, car il se concentrait sur l’allégation d’infraction à la sécurité, et non sur une question de rendement et d’infraction à la politique.

572 Lors de la réplique, le sergent d’état-major Hildebrand a précisé que la conclusion qu’il a formulée à la section 6.0 de son rapport, selon laquelle la fonctionnaire manquait de crédibilité, s’appuyait sur les trois motifs qu’il a énoncés (pièce 1, onglet 5-N, pages 9 et 10). Il a précisé que sa première raison, c’est-à-dire qu’elle avait modifié son récit afin de le faire concorder avec les faits, puisqu’elle avait affirmé n’avoir envoyé aucun document à l’extérieur du bureau avant d’avouer qu’elle l’avait fait, était fondée sur son entrevue avec elle. La question et la réponse auxquelles il faisait référence étaient les suivantes :

[Traduction]

[…]

156 KH : Alors, vous avez pris le document, et vous l’avez expédié à l’extérieur du bureau en l’envoyant à Dana BOUCHARD?

[…]

158 VB : Non, je l’ai envoyé par télécopieur à une autre agence de la GRC pour qu’on le conserve, au cas où aurais besoin de vous le remettre.

[…]

573 Lors de la réplique, le sergent d’état-major Hildebrand a précisé qu’il n’avait pas reparlé à la fonctionnaire pour clarifier certains points soulevés par l’avocat de la fonctionnaire en contre-interrogatoire, puisque, comme il l’a indiqué, son mandat consistait à enquêter sur une allégation d’infraction à la sécurité, et non sur une infraction à une politique, et il ne croyait pas que les problèmes de rendement ou la question de l’infraction à la politique étaient pertinents pour son enquête.

3. Le surintendant principal Clark

574 Au moment de l’audience, le surintendant Morris avait succédé au surintendant principal Clark. Ce dernier était l’inspecteur Clark au moment de l’enquête Hildebrand. Il a indiqué que le surintendant Morris devait être absent de son bureau lorsque le rapport du sergent d’état-major Hildebrand a été reçu, et qu’en tant que chef de district intérimaire, il avait besoin de conseils sur ce qu’il devait faire ensuite.

575 Le surintendant principal Clark a affirmé que plusieurs déclarations faites par la fonctionnaire lors de son entrevue avec le sergent d’état-major Hildebrand au sujet de ses interactions avec lui étaient fausses. Il a donné comme exemple la déclaration de la fonctionnaire, lors de l’entrevue, qu’après avoir été accusée, la fonctionnaire lui a donné des photocopies des documents qu’elle avait télécopiés au détachement de Quesnel (pièce 1, onglet 5-N, page 29). Il a affirmé que ce n’était pas vrai et qu’en plus, en tant que personne en position d’autorité, il n’aurait pas discuté de l’enquête avec elle et n’aurait pris aucun document qu’elle aurait voulu lui remettre, car il aurait prudemment évité qu’une personne s’incrimine ainsi. Il ne se souvenait pas de lui avoir déjà parlé du formulaire de plainte en matière de sécurité ministérielle envoyé par le sergent d’état-major Beach le 25 mars 2004 (pièce 26, onglet 16), qui a mené à l’enquête Hildebrand.

576 En contre-interrogatoire, le surintendant principal Clark a convenu que, bien qu’il ne se souvenait pas d’avoir rencontré la fonctionnaire à ce moment-là, il était possible que ce soit arrivé. Il pouvait toutefois confirmer sans l’ombre d’un doute qu’elle ne lui avait donné aucun document, contrairement à ce qu’elle prétendait. Le surintendant principal Clark a affirmé que, comme il est mentionné dans le rapport, le sergent d’état-major Hildebrand lui a demandé s’il avait autorisé la fonctionnaire à envoyer des documents à l’extérieur du bureau. Le surintendant principal Clark a déclaré qu’il ne l’avait pas autorisée, contrairement à ce qu’elle prétendait. Jamais, avant le 24 septembre 2004 (date de l’entrevue de la fonctionnaire avec le sergent d’état-major Hildebrand), elle n’a vérifié auprès de lui si elle pouvait envoyer à l’extérieur du bureau des formulaires de rapport de continuation, ce qu’elle a fait le 4 avril 2004, à Mme Bouchard.

577 Le surintendant principal Clark a indiqué qu’un incident est survenu en mai 2004 en relation avec une enquête en cours sur un homicide. On avait demandé à la fonctionnaire d’envoyer le document du Service de la sécurité routière à un enquêteur spécialisé dans les homicides d’un autre détachement qui enquêtait sur un décès. La fonctionnaire avait refusé. L’inspecteur Clark était sur la route à ce moment-là. Lorsqu’on l’a contacté, il s’est dit préoccupé, car il arrive couramment que des renseignements issus de dossiers soient communiqués d’un détachement à un autre dans le cadre d’enquêtes en cours sur des homicides. En outre, ces demandes de communication sont toujours urgentes, et tout retard peut avoir de très graves répercussions. Il a précisé que la fonctionnaire aurait su qu’il s’agissait d’une enquête en cours, puisque ce détail aurait été précisé dans la demande.

578 Le surintendant principal Clark a indiqué qu’il a parlé à la fonctionnaire et qu’il avait trouvé cela bizarre lorsqu’elle lui a dit qu’elle n’avait jamais communiqué à un autre détachement des renseignements issus de dossiers. Il avait aussi été surpris et avait trouvé étrange qu’après leur discussion, le 18 mai 2004, elle lui a envoyé un courriel pour lui demander son autorisation écrite pour communiquer les renseignements demandés. Il a répondu au courriel le 19 mai 2004 (pièce 124).

579 En contre-interrogatoire, il a précisé que, même si son autorisation du 19 mai 2004 était de nature générale, il s’agissait d’une réponse au courriel de la fonctionnaire portant précisément sur la demande de l’enquêteur spécialisé en homicides. Il ne s’agissait pas d’une directive générale ouvrant la voie à la communication à d’autres détachements de n’importe quels renseignements issus de dossiers opérationnels. En ce qui concerne les actes de la fonctionnaire qui étaient enquêtés par le sergent d’état-major Hildebrand, il s’agissait d’une autorisation après coup, puisque la fonctionnaire avait télécopié les formulaires de rapport de continuation à l’extérieur du bureau en mars ou au début du mois d’avril 2004, alors que l’autorisation a été donnée à la mi-mai 2004.

580 Le surintendant principal Clark a indiqué qu’il a envoyé une copie du rapport d’infraction à la sécurité Hildebrand à M. Mitchell le 4 novembre 2004 (pièce 1, onglet 5-N) pour qu’il l’examine et lui donne des directives. L’inspecteur Clark a précisé qu’il avait procédé ainsi parce que tous les formulaires de plaintes en matière de sécurité ministérielle sont la responsabilité de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, qui devait mener une enquête, même si le sergent d’état-major Hildebrand ou l’inspecteur Wheadon avaient conclu que la fonctionnaire n’avait pas commis d’infraction à la sécurité. Leur décision sur cette affaire de sécurité n’était pas celle qui prévalait en définitive, puisque le comportement d’une personne peut soulever des préoccupations en matière de sécurité même s’il ne s’agit pas d’une infraction à la sécurité.

581 Le surintendant principal Clark a affirmé avoir aussi envoyé une copie du rapport d’infraction à la sécurité Hildebrand au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique le 5 novembre 2004 (pièce 125) afin d’obtenir des conseils à savoir s’il s’agissait d’une question de discipline dans le contexte de la fonction publique. Il a précisé avoir l’impression, comme il l’a indiqué dans sa note de service au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, que les incidents méritaient une certaine forme de discipline. À l’audience, il ne pouvait se rappeler si, à ce moment-là, il pensait ainsi parce que la fonctionnaire avait enfreint la politique sur la gestion des dossiers ou en raison des préoccupations concernant sa crédibilité, ou les deux, mais il a envisagé de lui imposer une sanction disciplinaire.

582 Le surintendant principal Clark a déclaré que ses plus grandes préoccupations concernant le rapport d’infraction à la sécurité Hildebrand étaient ses conclusions concernant le manque de crédibilité et d’intégrité de la fonctionnaire, mis au jour durant son entrevue, et ses propres préoccupations selon lesquelles, d’après ce qu’il savait, elle a affirmé qu’il lui avait donné la permission d’envoyer les formulaires de rapport de continuation à l’extérieur du bureau, ce qu’il n’avait pas fait.

583 Dans sa note accompagnant chaque rapport envoyé, le surintendant principal Clark a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je suis particulièrement préoccupé par le manque de crédibilité et d’intégrité de Valerie Bergey qui a été remarqué par les enquêteurs lors de l’enquête. »

584 Le surintendant principal Clark a indiqué qu’il ne se souvenait pas d’avoir parlé à la fonctionnaire du rapport d’infraction à la sécurité Hildebrand à cette époque, parce qu’il croyait qu’elle était en congé de maladie. Il s’est rappelé avoir reçu un conseil du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique indiquant que l’incident pourrait devenir une question de discipline éventuellement, mais pas pendant qu’elle était en congé de maladie.

585 Le surintendant principal Clark a affirmé en contre-interrogatoire qu’il avait informé le surintendant Morris à son retour du fait qu’il avait reçu le rapport d’infraction à la sécurité Hildebrand; le surintendant Morris ne lui a pas répondu.

4. La fonctionnaire

586 La fonctionnaire a témoigné au sujet du rapport du sergent d’état-major Hildebrand. Elle a fourni une transcription de sa rencontre avec lui, puisqu’elle avait secrètement enregistré l’entrevue (pièce 1, onglet 8-R). Elle n’a relevé aucune divergence entre sa transcription et celle qu’il a fournie.

587 La fonctionnaire a indiqué ne pas avoir refusé de rencontrer le sergent d’état-major Hildebrand. Elle avait le droit d’être accompagnée du représentant syndical de son choix à la réunion, mais celui qu’elle voulait n’était pas disponible pendant un certain temps.

588 La fonctionnaire a affirmé ne pas avoir apporté de documents à l’extérieur du bureau. Elle a télécopié des copies à Mme Bouchard et en a conservé pour elle-même, mais elle n’a pas retiré les documents des dossiers.

589 La fonctionnaire a déclaré qu’elle n’a pas intentionnellement induit le sergent d’état-major Hildebrand en erreur lorsqu’elle a répondu à sa question à savoir si elle avait envoyé des documents à l’extérieur du bureau. Elle n’estimait pas que le fait d’envoyer des dossiers opérationnels à d’autres détachements du District nord de la Division « E » équivalait à les envoyer à l’extérieur du bureau. Le détachement de Quesnel faisait partie du District nord de la Division « E ».

590 La fonctionnaire a soutenu que le sergent d’état-major Hildebrand avait mal compris sa réponse à la question, et qu’il lui revenait de communiquer avec elle pour obtenir des éclaircissements ou pour clarifier tout malentendu, plutôt que de sauter aux conclusions quant à sa crédibilité. Il n’a jamais communiqué avec elle après l’entrevue.

591 La fonctionnaire a affirmé avoir télécopié des copies des formulaires de rapport de continuation à Mme Bouchard, au détachement de Quesnel, pour qu’elle les conserve. Même si le sergent d’état-major Hildebrand n’avait pas encore été nommé pour mener l’enquête lorsqu’elle les a télécopiés, la fonctionnaire avait parlé à l’inspecteur Clark, qui lui avait dit que, selon lui, ce serait probablement le sergent d’état-major Hildebrand qui serait nommé pour mener l’enquête.

592 La fonctionnaire a aussi affirmé que l’inspecteur Clark avait dit que [traduction] « n’importe quoi pour une autre agence de la GRC est absolument correct ».

B. Le deuxième incident à l’imprimante et le rapport du caporal Flewelling

593 Comme il est indiqué dans la partie 1 du résumé de la preuve, un deuxième incident s’est produit à l’imprimante le matin du 29 octobre 2004. Le premier incident s’était produit le matin du 28 octobre 2004.

594 Selon la version des événements du sergent d’état-major Beach, il a envoyé un courriel au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. Il voulait obtenir des conseils sur la façon de gérer le comportement de la fonctionnaire, qui était selon lui de plus en plus irrationnel depuis qu’elle avait reçu la lettre énonçant les attentes. Il a envoyé par courriel la lettre au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, puis en a imprimé une copie. Il s’est ensuite rendu à l’imprimante du bureau pour la prendre. Comme il arrivait, il a vu la fonctionnaire s’éloigner avec tous les documents sortis de l’imprimante dans sa main. Il lui a demandé si certains documents étaient à lui, mais elle a affirmé qu’ils étaient tous à elle et qu’il devait cesser de l’intimider. Il a conclu que son courriel ne s’était pas imprimé et il est retourné à son bureau pour l’imprimer de nouveau (le courriel est à la pièce 1, onglet 5-Q, pages 4 et 5, et à l’onglet 8-A8. Les notes du sergent d’état-major Beach sur les incidents sont à la pièce 1, onglet 5-Q, page 4).

595 La version de la fonctionnaire est différente. Elle a affirmé que le sergent d’état-major Beach lui avait arraché tous les papiers des mains et qu’elle en avait un enregistrement pour le prouver. Elle a soutenu que le courriel qu’elle a pris à l’imprimante et qu’elle a montré au caporal Flewelling était demeuré là pendant trois jours afin de l’humilier et la dénigrer devant ses collègues.

596 Comme il est indiqué dans la partie 1 du résumé de la preuve, le 4 novembre 2004, le surintendant Morris a remis à la fonctionnaire une lettre de suspension de 10 jours. Après cela, on a découvert qu’une erreur s’était introduite dans la période de 10 jours indiquée dans la lettre (en raison du congé du jour du Souvenir) et qu’il fallait lui remettre une nouvelle lettre de suspension modifiée. Le surintendant Morris a demandé au caporal Flewelling de s’en occuper, ce qu’il a fait le 8 novembre 2004.

597 Le 9 novembre 2004, le caporal Flewelling a envoyé un rapport écrit au surintendant Morris indiquant qu’il avait remis la lettre modifiée à la fonctionnaire et racontant comment la rencontre s’était déroulée (pièce 29, onglet C-32; aussi pièce 1, onglet 5-R, pages 4 et 5). Il a indiqué que la fonctionnaire lui avait montré deux documents contenant du texte sous forme de courriel, datés du 29 octobre 2004, qu’elle a dit provenir de l’ordinateur du sergent d’état-major Beach et être adressés au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. Dans ces courriels, le sergent d’état-major Beach a mentionné la fonctionnaire et le surintendant Morris. Dans la lettre de suspension du caporal Flewelling, il est mentionné que la fonctionnaire lui avait dit que le sergent d’état-major Beach avait intentionnellement laissé les documents traîner sur l’imprimante du bureau pendant trois jours pour que tout le monde puisse les voir afin de l’embarrasser, et que c’est pourquoi elle les a pris. Elle a dit au caporal Flewelling que les documents étaient remplis de mensonges et qu’il s’agissait d’un acte délibéré pour la mettre à mal. Elle lui a dit qu’elle prévoyait faire le tour du personnel au bureau pour savoir qui avait lu les documents et qu’elle allait poursuivre la GRC ou pensait le faire.

598 Le caporal Flewelling a déclaré qu’il croyait que sa rencontre du 8 novembre était enregistrée à cause de la façon dont la fonctionnaire avait mis sa sacoche sur la table et l’avait poussée vers lui.

599 Le sergent d’état-major Beach a déclaré que, lorsqu’il a lu le rapport du caporal Flewelling, il croyait que ce que la fonctionnaire avait montré au caporal Flewelling était la première impression manquante de son courriel du 29 octobre 2004 à l’intention du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. Il a informé le surintendant Morris de la situation. Le surintendant Morris a indiqué que, plus tard, après avoir lu le rapport du caporal Flewelling et en avoir parlé au sergent d’état-major Beach, il a décidé que lorsque la fonctionnaire reviendrait de sa suspension de 10 jours, il lui en imposerait une autre pour avoir menti à son superviseur à ce sujet.

C. Les enregistrements clandestins de la fonctionnaire

1. Témoignage du surintendant Morris

600 Le surintendant Morris n’a jamais imposé la suspension supplémentaire de 10 jours à la fonctionnaire, comme il prévoyait le faire en réaction au rapport du 29 octobre du caporal Flewelling au sujet de l’incident lié à la lettre de suspension, parce qu’elle n’est pas retournée au travail en novembre après la suspension disciplinaire et qu’il a pris sa retraite à la fin de décembre 2004.

601 Le surintendant Morris a indiqué qu’il avait changé d’idée au sujet de l’imposition d’une mesure disciplinaire, plus tard en novembre 2004, lorsqu’il a appris du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique que la fonctionnaire enregistrait secrètement les réunions au bureau depuis des mois, et qu’elle avait aussi enregistré la rencontre disciplinaire du 3 novembre 2004 dans son bureau. Il a précisé qu’il ne voyait pas ces enregistrements comme un acte criminel, mais que c’était selon lui sournois et contraire à l’éthique. Il a estimé que la discipline n’était maintenant plus suffisante pour traiter le comportement de la fonctionnaire.

602 Le surintendant Morris a indiqué que, plus tard en novembre, il a appelé la présidente du syndicat, Mme Stangrecki, qui avait participé à la rencontre du 3 novembre 2004 à titre de représentante syndicale pour la fonctionnaire, afin d’éclaircir un point. Lorsqu’elle lui a dit qu’elle irait chercher ses notes de la rencontre, il lui a dit de ne pas se donner cette peine, puisqu’il avait reçu une transcription de la rencontre. Mme Stangrecki était stupéfaite. Dans son témoignage, Mme Stangrecki a confirmé ces faits.

603 Lorsque le surintendant Morris a examiné le comportement de la fonctionnaire à la lumière de ses antécédents en matière de mensonges, il est devenu de plus en plus préoccupé par le fait qu’elle constituait un risque de sécurité pour l’employeur et les autres employés. Il a jugé que son comportement était plus irrationnel depuis qu’elle avait reçu la lettre énonçant les attentes, et que les sanctions disciplinaires n’étaient plus suffisantes pour s’attaquer au problème.

604 Le 10 novembre 2004, le surintendant Morris a écrit au surintendant principal Dingwall, au surintendant principal Lanthier et à M. Mitchell. Il leur a décrit les interactions survenues au Bureau du district nord avec la fonctionnaire pendant plusieurs années et a demandé des conseils. Il a mentionné en particulier l’incident du 29 octobre 2004 à l’imprimante et le rapport du caporal Flewelling. Il a mentionné que l’enquête sur l’infraction à la sécurité visant le fait qu’elle avait retiré des documents de certains dossiers opérationnels avait été menée à terme et que l’enquêteur avait rapporté qu’elle lui avait menti à plusieurs reprises au cours de l’enquête (le rapport d’infraction à la sécurité Hildebrand). Il a conclu que son comportement était contraire aux valeurs fondamentales de la GRC que sont l’honnêteté et l’intégrité. En outre, elle manquait constamment de respect envers les autres et refusait d’assumer ses responsabilités. Son comportement manquait totalement de professionnalisme. Il a indiqué que, lorsque la fonctionnaire reviendrait de sa suspension de 10 jours, il l’aviserait qu’elle n’était plus la bienvenue au Bureau du district nord (pièce 29, onglet C-35; une note de couverture se trouve à l’onglet C-34).

605 Dans sa réponse, la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique a demandé au surintendant Morris de produire un rapport plus détaillé sur les incidents. Il a dit lors de son témoignage que cette réponse l’avait frustré, et qu’il a alors demandé au sergent d’état-major Beach de documenter les incidents dont il était au courant. Le surintendant Morris s’est ensuite servi du document du sergent d’état-major Beach et de ses propres registres et dossiers de bureau, de même que de son expérience personnelle avec la fonctionnaire, pour rédiger une chronologie détaillée des événements en huit pages à simple interligne, qu’il a envoyée le 29 novembre 2004 à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique (pièce 1, onglet 5-B).

606 Le surintendant Morris a affirmé qu’il n’avait pas donné au sergent d’état-major Beach de directives sur la forme que devait prendre son rapport ni sur ce qu’il devait y inclure. Le sergent d’état-major Beach a produit un rapport chronologique.

607 La note de service du surintendant Morris datée du 29 novembre fournit une chronologie des événements survenus entre avril 2001 et novembre 2004 afin d’appuyer les préoccupations de son bureau concernant le maintien de la cote de fiabilité de la fonctionnaire. Sa note de service se termine par le paragraphe suivant (pièce 1, onglet 5-B, page 8) :

[Traduction]

Les incidents et situations décrits ci-dessus ne sont qu’un bref aperçu des nombreuses confrontations que nous avons eues avec cette employée au fil des ans. Sa conduite trompeuse démontrée a mis ce bureau dans une position où nous ne pouvons plus avoir l’assurance qu’elle s’acquittera de ses fonctions de façon fiable et digne de confiance. Si nous continuions de lui faire confiance, nous mettrions notre organisation dans une situation de risque élevé en matière de responsabilité. Je vous remercie grandement de votre aide et de vos conseils.

608 En contre-interrogatoire, on a demandé au surintendant Morris pourquoi, dans sa chronologie des événements, il était retourné aussi loin qu’au printemps 2001, c’est-à-dire lorsque la fonctionnaire est arrivée au Bureau du district nord. Il a répondu que les incidents les plus récents dans lesquels elle était impliquée l’ont amené à réévaluer les événements antérieurs, car il a constaté une tendance de comportement trompeur qu’il n’avait pas remarqué auparavant, lorsqu’il avait été confronté à ces incidents, qui semblaient alors isolés.

609 En contre-interrogatoire, on a aussi demandé au surintendant Morris de fournir quelques exemples de risques de sécurité que le comportement de la fonctionnaire pouvait, selon lui, entraîner pour le Bureau du district nord et les autres employés, comme il l’a écrit dans ses notes de service du 10 novembre 2004 au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique et du 29 novembre 2004 à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique.

610 Le surintendant Morris a décrit la persécution continuelle de la fonctionnaire à l’égard des autres employés du Bureau du district nord, notamment M. Stephenson et le gendarme Wolney, même si ses allégations de harcèlement avaient fait l’objet d’une enquête qui avait conclu qu’elles n’étaient pas fondées. Il a décrit comment elle persécutait Mme Bailey, qui a déposé contre la fonctionnaire une plainte de harcèlement qui, elle, s’est avérée fondée. La persécution de la fonctionnaire à l’égard de certains employés mettait d’autres employés à risque. La fonctionnaire impliquait d’autres employés afin d’appuyer ses allégations ou ses récits des événements. Cependant, lorsqu’il les a interrogés, ces employés ont dit au surintendant Morris que les affirmations de la fonctionnaire étaient fausses. Il a décrit l’incident du 29 octobre à l’imprimante, lorsque la fonctionnaire a volé un courriel appartenant à son superviseur qui était destiné au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique. Il a ajouté qu’elle lui avait menti en niant l’avoir pris et qu’elle avait menti à d’autres employés lorsqu’elle leur a dit que son superviseur avait intentionnellement laissé le courriel pendant des jours sur l’imprimante pour que les autres le voient. Le surintendant Morris n’a pris connaissance de cet incident que lors de la lecture du rapport du caporal Flewelling, daté du 9 novembre 2004. Il a décrit la fois où les directives explicites que le superviseur de la fonctionnaire avait placées dans les dossiers opérationnels ont disparu, ce qu’il soupçonnait fortement avoir été fait par la fonctionnaire. Il a décrit son affirmation selon laquelle elle avait présenté des candidatures pour les médailles du Jubilé de la Reine en 2002, candidatures qui avaient disparu. Lorsqu’il a examiné le récit changeant de la fonctionnaire, il a estimé qu’elle avait menti et qu’elle n’avait jamais préparé de candidatures comme elle l’avait prétendu. Ses courriels, qu’elle envoyait en copie conforme invisible à de nombreuses personnes, décrivaient des événements non factuels. Elle les a envoyés en contravention de la politique de la GRC sur l’utilisation des ordinateurs, après avoir été avisée de nombreuses fois de ne pas se servir de son ordinateur à des fins personnelles sans lien avec son travail. Il a décrit les nombreuses erreurs dans les entrées du système du Centre d’information de la police canadienne que la fonctionnaire a commises en dépit de son expérience dans ce domaine, des nombreux conseils donnés par son superviseur et de la formation officielle qu’elle a suivie sur les entrées dans le système du Centre d’information de la police canadienne. Il en est venu à croire qu’elle avait commis ces erreurs intentionnellement pour discréditer son superviseur. Il a conclu que ces incidents et d’autres événements constituent du vol et des comportements trompeurs de sa part et soulèvent de très importantes préoccupations concernant sa fiabilité.

611 Lorsqu’on lui a demandé, en contre-interrogatoire, si certains de ces incidents ne constituaient pas des problèmes de rendement plutôt que des risques de sécurité, le surintendant Morris n’était pas de cet avis. Il a affirmé qu’il ne pouvait plus compter sur l’honnêteté et l’intégrité de la fonctionnaire, qui, selon lui, soulevaient des problèmes de fiabilité.

2. Le témoignage de la fonctionnaire

612 La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait enregistré les interactions au bureau parce que le surintendant Morris, le sergent d’état-major Beach et Mme Bailey l’intimidaient et essayaient de la rendre folle. Elle a ajouté qu’elle était très heureuse d’avoir enregistré ses conversations au bureau avec eux, car les enregistrements prouvent qu’elle a raconté la vraie version des faits durant son témoignage.

613 Les observations écrites de Mme Elliot à l’audience du dernier palier de la procédure de règlement de griefs, en février 2006, soulignent que le SESG n’appuie pas la pratique d’enregistrer ce genre de conversations (pièce 147).

3. Témoignage connexe

614 La fonctionnaire a affirmé qu’elle n’avait eu d’autre choix que d’enregistrer secrètement ses interactions au bureau, car personne ne croyait que ses plaintes de harcèlement étaient fondées.

615 La correspondance envoyée le 15 janvier 2004 par la fonctionnaire au caporal Adair au sujet de sa plainte de harcèlement indiquait qu’elle possédait des enregistrements de ses rencontres avec Mme Bailey, et que cette dernière n’allait [traduction] « pas être contente », car ils révèlent des inexactitudes dans les observations de Mme Bailey au sujet du comportement et de l’attitude de la fonctionnaire (pièce 94).

616 Le caporal Adair a affirmé qu’il n’était absolument pas au courant de la déclaration de la fonctionnaire selon laquelle elle n’avait d’autre choix que d’enregistrer secrètement ses interactions au bureau. Il avait répondu aux nombreux appels et courriels de la fonctionnaire avant et après l’enquête officielle sur ses plaintes.

617 Dans ses longues observations envoyées à Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, en date du 27 janvier 2005, la fonctionnaire a affirmé qu’elle possédait un enregistrement de toute la conversation survenue lorsque le surintendant Morris lui a présenté la lettre énonçant les attentes. Elle a aussi mentionné qu’elle possédait un enregistrement de sa rencontre du 24 septembre 2004 avec le sergent d’état-major Beach. Elle a précisé qu’elle fournissait des transcriptions de cette réunion et d’autres enregistrements (pièce 1, onglet 8­U, page 13).

618 Le surintendant principal Clark a affirmé qu’il soupçonnait que la fonctionnaire enregistrait ses réunions avec lui et qu’à au moins deux occasions, il lui a demandé si elle était en train d’enregistrer. Elle a toujours répondu que non.

619 Pour ce qui est de la transcription de la fonctionnaire sur la rencontre du 4 octobre 2004 avec l’inspecteur Clark (pièce 1, onglet 8-B) et de la note qu’elle a ajoutée sur le dessus, indiquant que la transcription porte sur la lettre que le surintendant Morris a écrite à l’intention du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique le 29 juin 2004, le surintendant principal Clark a affirmé qu’il lui avait demandé pourquoi elle lui posait des questions au sujet d’une rencontre survenue sept mois plus tôt (le 30 janvier 2004). Elle lui a dit que c’était pour sa plainte, car elle avait demandé un réexamen. Elle ne lui a jamais précisé de quelle plainte elle parlait ni sur quoi elle portait. Il a souligné que lors de la rencontre, elle lui demandait continuellement quel était son point de vue sur son comportement lors de la rencontre du 30 janvier 2004 et elle essayait de lui faire donner son avis sur la pertinence du comportement du surintendant Morris.

620 Le caporal Flewelling a aussi affirmé que, lorsqu’il a rencontré la fonctionnaire, le 8 novembre 2004, pour lui remettre la lettre de suspension modifiée, elle a avancé sa sacoche vers lui, ce qui l’a amené à croire qu’elle enregistrait la conversation.

621 Mme Stangrecki a déclaré qu’elle ne savait pas que la fonctionnaire enregistrait secrètement les réunions, dont certaines réunions auxquelles elle a participé avec la fonctionnaire en tant que chef déléguée syndicale et représentante syndicale de la fonctionnaire, et qu’elle avait été choquée de l’apprendre.

622 Les observations écrites de Mme Elliot à l’audience du dernier palier de la procédure de règlement des griefs, en février 2006, soulignent que le SESG n’appuie pas la pratique d’enregistrer ce genre de conversations (pièce 147).

D. Le rapport provisoire du sergent Lennox

1. Contexte

623 Comme il est indiqué dans la partie 1 du résumé de la preuve, le 4 juin 2004, la fonctionnaire a déposé une plainte contre son superviseur immédiat, le sergent d’état-major Beach, pour avoir divulgué des renseignements protégés au surintendant Morris, le 24 ou le 25 février 2004, alors que ce n’était pas nécessaire. La plainte était en lien avec le grief de harcèlement qu’elle avait déposé le 24 février 2004 contre le surintendant Morris parce qu’il n’arrivait pas à maintenir un milieu de travail exempt de harcèlement. Comme il était nécessaire de sauter la première étape, qui consistait à faire signer le grief par le surintendant Morris, la fonctionnaire et sa représentante syndicale, Mme Stangrecki, ont rencontré le sergent d’état-major Beach et lui ont demandé de signer le grief afin qu’il puisse être envoyé au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique.

624 Le surintendant principal Clark a indiqué que la fonctionnaire est venue le voir, en juin, avec le formulaire de plainte en matière de sécurité ministérielle afin d’en discuter avec lui. Il lui a fait savoir qu’il ne croyait pas que le sergent d’état-major Beach avait commis une infraction à la sécurité. Elle lui a alors demandé à quelle adresse, à Ottawa, elle pouvait envoyer sa plainte.

2. Témoignage

a. Le sergent Lennox

625 Le sergent Lennox était à la retraite lorsqu’il a témoigné à l’audience. Il portait donc le titre de M. Lennox lorsqu’il a témoigné. Je l’appellerai toutefois le sergent Lennox, titre qu’il portait au moment de l’enquête et qui est utilisé dans les documents examinés.

626 Comme je l’ai mentionné brièvement dans la partie 1 du résumé de la preuve, le 21 octobre 2004, le sergent Lennox a reçu une demande de celui qui était alors l’agent de district adjoint, l’inspecteur Clark, pour effectuer un examen administratif sur une présumée infraction à la sécurité au Bureau du district nord. Il a révélé qu’il croyait avoir été choisi parce qu’il était le seul qui n’avait aucun lien hiérarchique avec le Bureau du district nord. Son bureau était situé dans le Bureau du district nord, mais il ne relevait pas du surintendant Morris. L’inspecteur Ard, à Vancouver, était son supérieur immédiat.

627 Le sergent Lennox n’a pas reçu de lettre de mandat officielle. Il a reçu ce qu’il estimait être un dossier opérationnel, qui était une chemise ou un dossier contenant le formulaire initial de plainte en matière de sécurité ministérielle et une copie du formulaire de plainte en matière de sécurité ministérielle de la fonctionnaire, daté du 4 juin 2004 (pièce 1, onglet 5-V, annexe A). En somme, il comprenait que la fonctionnaire se plaignait du fait que le sergent d’état-major Beach, après avoir signé son grief alléguant que le surintendant Morris n’était pas parvenu à offrir un milieu de travail exempt de harcèlement, a fourni au surintendant Morris une copie du grief avant de l’envoyer au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, alors que la fonctionnaire lui avait dit de ne pas le faire.

628 Le sergent Lennox a dit à l’inspecteur Clark, au moment de présenter la demande, qu’en raison des besoins opérationnels, il ne pouvait pas entamer cet examen administratif immédiatement. Le 29 octobre 2004, le sergent Lennox a parlé à la fonctionnaire, qu’il connaissait, et lui a dit la même chose. Il a précisé qu’il commencerait son enquête aux environs du 8 novembre 2004. Elle lui a dit qu’elle ne serait peut-être pas au bureau à ce moment-là, mais qu’il pouvait l’appeler à la maison.

629 Le sergent Lennox a décrit la procédure à suivre pour les enquêtes impliquant des membres de la GRC lorsqu’il était chef de détachement. Il n’avait toutefois jamais mené une enquête sur une infraction à la sécurité dans laquelle un fonctionnaire était impliqué. Il a donc commencé par examiner les renseignements de la GRC sur le Web, notamment une section administrative (« Admin XI.I.K ») et le guide sur la sécurité ministérielle.

630 Le sergent Lennox a essayé d’interroger la fonctionnaire le 8 novembre, mais elle n’était pas disponible, puisqu’elle purgeait sa suspension de 10 jours. Il l’a appelé plusieurs fois le 9 novembre. Elle lui a dit qu’elle ne serait de retour au bureau que le 23 novembre 2004 et qu’elle ne devait avoir aucun contact avec la GRC pendant ce temps. Elle était au bureau le 23 novembre, mais lorsque le sergent Lennox a communiqué avec elle, elle a dit qu’elle ne pouvait se libérer pour une entrevue cette journée-là, car elle devait se rendre à un rendez-vous médical pour sa fille. Lorsqu’il a appelé à son bureau le 24 novembre, on lui a dit qu’elle ne reviendrait plus au travail. Il lui a alors laissé plusieurs messages sur sa boîte vocale à domicile, le 28 et le 29 novembre, pour qu’elle le rappelle sur sa ligne privée. Il n’a pas reçu de retour d’appel.

631 Même si le sergent préférait interroger la plaignante en premier, compte tenu du temps qui s’écoulait et du fait que la fonctionnaire n’était plus disponible, il a décidé de procéder au moins à l’entrevue du sergent d’état-major Beach et de la représentante syndicale, Mme Stangrecki, qui était présente à la réunion du 24 février 2004 avec la fonctionnaire. Le 30 novembre 2004, il a recueilli une déclaration enregistrée du sergent d’état-major Beach, qu’il a jointe à son rapport sous l’annexe B (pièce 1, onglet 5-V, pages 6 à 9). Le 1er décembre 2004, il a recueilli une déclaration enregistrée de Mme Stangrecki, qu’il a jointe à son rapport à titre d’annexe D (pièce 1, onglet 5-V, pages 11 à 16).

632 Le 2 décembre 2004, comme il n’avait pas eu de nouvelles de la fonctionnaire, le sergent Lennox a contacté la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique pour obtenir des conseils. M. Mitchell lui a répondu en lui disant qu’il ne pouvait tirer de conclusions tant qu’il n’aurait pas interrogé la fonctionnaire, et le sergent Lennox a donc dû présenter un rapport provisoire.

633 On a aussi dit au sergent Lennox de ne plus tenter de joindre la fonctionnaire à son domicile. Il n’a pas demandé à M. Mitchell la raison de cette directive, car il respectait l’homme et considérait avoir reçu une directive claire de cesser d’essayer de communiquer avec la fonctionnaire. Il a donc mis fin à ses tentatives. Il a précisé qu’il croyait que M. Mitchell ne voulait pas donner l’impression qu’il harcelait la fonctionnaire.

634 Le sergent Lennox n’a jamais pu terminer son enquête en raison de la non-disponibilité de la fonctionnaire pour une entrevue. Le rapport provisoire du 2 décembre 2004, qu’il a présenté à l’inspecteur Clark, est à la pièce 1, onglet 5-V. Il a mentionné les résumés, contenus dans son rapport, sur les versions des événements données par le d’état-major Beach et Mme Stangrecki dans leurs entrevues enregistrées.

635 Le sergent Lennox a indiqué qu’il n’a pris aucune autre mesure. Lorsqu’il a pris sa retraite de la GRC, en avril 2005, il a remis le dossier au Bureau du district nord. On a indiqué sur le dossier que l’enquête était toujours en cours. Il ne savait pas si le dossier était toujours considéré comme en cours d’enquête au moment de l’audience.

b. La fonctionnaire

636 La fonctionnaire a affirmé qu’elle n’avait pas cherché à mettre des bâtons dans les roues du sergent Lennox et qu’elle n’était pas réticente à le rencontrer lorsqu’il a commencé son enquête. Elle voulait toutefois qu’un représentant syndical de son choix soit présent à l’entrevue, mais celui-ci n’était pas disponible pendant un certain temps.

c. Témoignage connexe

637 En contre-interrogatoire, on a demandé au surintendant principal Clark s’il savait si on avait poursuivi l’enquête du sergent Lennox. Il a répondu que M. Mitchell, de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, lui avait dit, dans un courriel du 21 avril 2005, que l’allégation de la fonctionnaire n’était pas fondée et qu’il devait s’assurer d’en aviser le sergent d’état-major Beach.

638 En contre-interrogatoire, le sergent d’état-major Beach a affirmé qu’il se souvenait d’avoir participé à l’enquête, mais que ce n’est qu’à l’audience qu’il a vu le rapport du sergent Lennox pour la première fois.

E. Preuve et rapport de M. Briske

639 Tel qu’il a été mentionné, le 29 novembre 2004, le surintendant Morris a envoyé une note de service de huit pages à simple interligne à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, dans laquelle il donnait une chronologie détaillée des événements survenus de 2001 à novembre 2004, à l’appui de ses inquiétudes concernant le maintien de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire (pièce 1, onglet 5-B). L’opinion qu’il y donnait, et qu’il a répétée à l’audience, était que les incidents et les situations décrits dans la note, même s’il ne s’agissait que d’un bref résumé des nombreuses confrontations survenues au fil des ans, démontraient que la conduite trompeuse avérée de la fonctionnaire avait mis le Bureau du district nord dans une position où il ne pouvait plus avoir l’assurance qu’elle s’acquitterait de ses fonctions de façon fiable et digne de confiance. Selon lui, le comportement de la fonctionnaire constituait une situation de risque élevé pour l’organisation, et il voulait avoir de l’aide et des conseils pour régler la situation.

640 M. Briske était un membre de la GRC à la retraite qui avait accumulé de l’expérience en matière d’enquêtes sur des crimes majeurs. Après avoir pris sa retraite, il a effectué plusieurs contrats pour la GRC. Le 6 janvier 2005, il a commencé à occuper un poste d’analyste de la gestion du risque auprès de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. Il relevait de M. Mitchell, un employé civil temporaire qui, à cette époque, était le sous-officier par intérim responsable de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique.

641 Le 6 janvier 2005, on a remis à M. Briske plusieurs dossiers, dont celui de la fonctionnaire, au sujet desquels des cadres de plusieurs différents détachements avaient soulevé des questions auprès de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. Il a précisé qu’il avait le même mandat pour tous les dossiers. Il devait examiner la documentation fournie, procéder à une analyse, puis formuler des recommandations. Selon la procédure suivie, il devait examiner les politiques du gouvernement fédéral et de la GRC (pièce 1, onglets 1 à 3). Il a discuté avec son homologue de la Direction de la sécurité ministérielle à Ottawa, M. Bourgeois, et avec M. Mitchell. Il a précisé ne pas avoir eu de discussion avec d’autres personnes pendant qu’il effectuait son analyse et qu’il écrivait son rapport, mais que l’inspecteur Clark s’était informé auprès de lui de l’avancement de ses travaux.

642 M. Briske a identifié la pièce 1, onglet 5, comme étant le rapport de 11 pages découlant de son analyse et de ses recommandations. Ce rapport est intitulé [traduction] « Rapport de la Section de la sécurité ministérielle de la Division “E” de la Région du Pacifique » (le « rapport Briske d’examen du dossier »). Il a fait remarquer que les notes manuscrites dans la marge du rapport ne sont pas les siennes. Il a indiqué que, si lui et M. Mitchell ont tous deux cosigné le rapport, c’est lui qui a mené l’enquête, procédé à l’analyse et formulé les conclusions. Les pièces jointes « A » à « V » englobent tous les documents qu’il a examinés, mais il ne les a pas reçus tous en même temps. Son rapport et les pièces jointes ont été envoyés le 12 février 2005 au directeur général de la Direction de la sécurité ministérielle, à Ottawa. Il a précisé qu’à cette époque, le surintendant principal Lanthier occupait ce poste. Il a ajouté que la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique n’a pas fait de suivi, mais que la Direction de la sécurité ministérielle à Ottawa l’avait fait, sans savoir ce qui a été fait exactement.

643 M. Briske a affirmé qu’il ne connaissait pas la fonctionnaire, le surintendant Morris, le sergent d’état-major Beach ou le sergent d’état-major Hildebrand au moment où il a fait son examen et qu’il ne les a pas rencontrés à ce moment-là non plus. Il a affirmé n’avoir jamais parlé au surintendant Morris ou au sergent d’état-major Beach. Il ne se souvenait pas que qui que ce soit du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique lui ait demandé où il en était dans son enquête. En contre-interrogatoire, il a aussi dit qu’il avait parlé une fois au téléphone avec Mme Bailey, qui a aidé l’inspecteur Clark à rassembler de la documentation que M. Briske avait demandée (pièce 34, onglet 45).

644 M. Briske a indiqué que son rôle n’était pas de réaliser des enquêtes sur le terrain ou d’interroger l’employé impliqué. Lorsqu’il a reçu les dossiers, plusieurs enquêtes sur le terrain avaient déjà été faites et des rapports avaient été rédigés par des enquêteurs supérieurs de la GRC et d’ailleurs. Pendant ces enquêtes, l’employé visé par l’examen de la gestion du risque, comme la fonctionnaire en l’occurrence, a l’occasion de raconter sa version des faits. Son rôle consiste à examiner la documentation au dossier et à analyser le risque de sécurité à partir de ces documents. Il considère les rapports d’enquête comme étant la vérité.

645 M. Briske a indiqué qu’il avait accepté l’information contenue dans les rapports préparés par les enquêteurs supérieurs de la GRC, comme la note de service du 29 novembre 2004 du surintendant Morris (pièce 1, onglet 5-B) et les notes du caporal Flewelling (pièce 1, onglet 5-R), de même que les rapports d’enquête sur l’infraction à la sécurité préparés par le sergent d’état-major Hildebrand (pièce 1, onglet 5-N) et le sergent Lennox (pièce 1, onglet 5-V). Il a aussi examiné l’ensemble de la documentation jointe à son rapport et s’est fié à elle, ce qui incluait des courriels, un résumé d’une page écrit par le sergent d’état-major Beach (pièce 1, onglets 5-Q et 5-T), des courriels envoyés par la fonctionnaire à plusieurs personnes, ainsi que 17 pages de notes qu’elle a tapées (pièce 1, onglets 5-D et 5-I).

646 M. Briske a examiné la politique sur la sécurité du personnel de la GRC (pièce 1, onglet 3) et a souligné notamment que l’article I.1 de la politique, intitulée [traduction] « Vérification initiale de la fiabilité », énonce ce qui suit (pièce 1, onglet 3, page 5) : [traduction] « 1. L’honnêteté, la capacité d’être digne de confiance, la discrétion, la droiture et d’autres qualités semblables représentant des qualités qui peuvent être requises d’un employé ou d’une autre personne dans l’exercice des fonctions rattachées au poste doivent être prises en considération au moment d’évaluer la fiabilité de cette personne. »

647 M. Briske a déclaré que les termes ou concepts généraux qui sont énumérés dans l’article I.1 ne sont pas définis dans la politique. En guise de lignes directrices, il s’est appuyé sur la signification courante des termes [traduction] « honnêteté » et [traduction] « capacité d’être digne de confiance ». Pour les termes [traduction] « intégrité », [traduction] « discrétion » et [traduction] « droiture », il s’est servi des définitions qu’il a trouvées dans le dictionnaire du bureau (pièce 33).

648 M. Briske a passé en revue son rapport. Il a examiné les 21 incidents qu’il avait résumés dans son analyse, ainsi que le processus de réflexion qu’il l’a mené à ses conclusions pour chacun des incidents, relativement au manque d’honnêteté, d’intégrité, de droiture et de discrétion de la fonctionnaire, ainsi qu’à son incapacité à être digne de confiance.

649 M. Briske a passé en revue la recommandation globale et sa justification, qui se trouvent à la page 10 de son rapport et sont énoncées ainsi :

[Traduction]

[…]

Recommandation

Compte tenu des preuves cumulatives appuyant le manque d’intégrité, d’honnêteté et de droiture de BERGEY et compte tenu des valeurs fondamentales que doivent respecter les personnes qui travaillent à la GRC, je recommande par la présente la révocation de sa cote de fiabilité de la GRC.

Justification

En examinant les divers incidents exposés dans ce mémoire, il est clairement évident que BERGEY a menti à de nombreuses occasions, qu’elle a agressé verbalement ses superviseurs et qu’elle a formulé des allégations contre des collègues, dont une collègue qui a déposé contre elle une plainte de harcèlement qui s’est avérée fondée. On lui a imposé officiellement des sanctions disciplinaires, on lui a parlé de son comportement et, malgré ces mesures punitives, elle poursuit sa campagne de mensonges, de diffamation et d’insubordination. Par ses propres actions et par son comportement, elle a miné son intégrité, son honnêteté et sa droiture, et on ne peut compter sur elle pour travailler dans un milieu policier où tous doivent faire preuve d’honnêteté et de sincérité dans le respect des valeurs fondamentales. Ses activités ont mené au gaspillage de nombreuses heures de ressources policières importantes afin d’enquêter sur des incidents qui n’ont jamais été confirmés. Une personne en qui on ne peut avoir suffisamment confiance pour qu’elle effectue ses tâches de façon honnête et fiable ne devrait pas posséder une cote de fiabilité de la GRC.

[…]

650 M. Briske a identifié la pièce 32, le courriel perdu que la fonctionnaire daté du 19 mars 2003 à l’intention du surintendant principal Dingwall, au sujet des médailles du Jubilé de la Reine et des quatre personnes dont elle disait avoir présenté la candidature.

651 Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas lancé une enquête distincte, au moment où il procédait à son analyse du risque, s’il comprenait que la fonctionnaire se sentait victime de harcèlement au travail, M. Briske a répondu que, comme il est écrit au point 5 de la page 3 de son rapport, il estimait que les préoccupations de la fonctionnaire en matière de harcèlement avaient reçu une réponse adéquate. Le surintendant Morris avait enquêté sur ses plaintes visant M. Stephenson et le gendarme Wolney, et il avait indiqué qu’il craignait que l’état de santé de la fonctionnaire puisse expliquer son comportement irrationnel (pièce 1, onglet 5-J, note du surintendant Morris du 30 juin 2004 à l’intention du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique).

652 M. Briske avait aussi une copie du courriel envoyé le 5 février 2004 par le caporal Adair à la fonctionnaire et au surintendant principal Dingwall, dans lequel il répondait au courriel du 30 janvier 2004 envoyé par la fonctionnaire. Dans son courriel, le caporal Adair a contesté les allégations répétées selon lesquelles le surintendant Morris ne prenait pas au sérieux les questions ou les plaintes de harcèlement au travail. Le caporal Adair a expliqué brièvement que le surintendant Morris l’avait contacté, dans son rôle de conseiller en matière de harcèlement, au sujet des allégations de la fonctionnaire, qu’on avait organisé une réunion obligatoire avec tous les chefs de service et tous les fonctionnaires du Bureau du district nord, et qu’il avait recueilli des commentaires très positifs au cours de son enquête. Il a aussi écrit que le surintendant Morris avait été très réceptif et qu’il avait démontré de l’intérêt à donner suite à ses recommandations. Il a donné un aperçu des mesures qu’il avait prises pour rassembler une équipe de personnes de l’extérieur pour qu’elle enquête sur tous les aspects des allégations de la fonctionnaire concernant le Bureau du district nord. Il a pris sur lui l’entière responsabilité pour le temps qu’il a fallu pour rassembler une équipe d’enquêteurs expérimentés provenant de l’extérieur du District nord de la Division « E ».

653 M. Briske a affirmé qu’à la fin, après avoir examiné tous les documents, il a conclu qu’on avait donné suite adéquatement aux plaintes de harcèlement de la fonctionnaire au moyen de plusieurs procédures de redressement, et qu’aucune plainte ne s’était révélée fondée. La décision de la fonctionnaire de chercher à obtenir une indemnité financière lorsque ses plaintes ont été jugées non fondées était un signe de son manque d’intégrité.

654 En contre-interrogatoire, on a interrogé M. Briske sur le point 14 de son rapport, où il indiquait que le rapport de la fonctionnaire selon lequel on lui avait demandé d’aider un détachement externe à saisir des données dans l’Outil d’information de gestion pour la Sécurité routière était un exemple de la façon dont elle trouvait des moyens détournés et trompeurs d’embarrasser son superviseur. Elle avait rapporté que le détachement de MacKenzie l’avait contactée pour l’aider, mais au détachement, on a révélé que c’était elle qui avait communiqué avec eux, vers la fin du mois d’août 2004, et qui leur avait demandé de lui envoyer les données pour qu’elle les saisisse. Il a passé en revue les documents de la pièce 1, onglet 5-S.

655 En contre-interrogatoire, M. Briske a convenu qu’il est possible que deux demandes d’aide pour la saisie de données dans l’Outil d’information de gestion pour la Sécurité routière aient été faites, la première pour des données de l’Outil portant sur les années 1996 à 2003, et la deuxième pour les mois de janvier à août 2004. Il a convenu que la fonctionnaire avait peut-être dit la vérité lorsqu’elle a déclaré qu’on lui avait demandé, en mars 2004, d’aider le détachement de MacKenzie à entrer des données sur les rapports d’accidents de 1996 à 2003. Cela ne changeait toutefois pas sa conclusion selon laquelle elle avait contacté le détachement de MacKenzie, le 15 septembre 2004, et demandé qu’on lui envoie les formulaires de l’Outil pour les mois de janvier à août 2004, contrairement à ce qu’elle avait affirmé (pièce 1, onglet 5-S, page 3), et qu’elle n’avait pas été honnête. Il m’a renvoyé au rapport du surintendant Morris, aux paragraphes 5 et 6 de la page 6, où il décrit la séquence des événements qui, selon lui, ont été orchestrés par la fonctionnaire pour discréditer son superviseur, le sergent d’état-major Beach, à la suite de la lettre énonçant les attentes. Le surintendant Morris a déclaré que, le 9 septembre 2004, un ensemble de documents adressés à la fonctionnaire contenant des informations qui devaient être saisies dans l’Outil d’information de gestion pour la Sécurité routière a été remis au sergent d’état-major Beach, avec une note de la fonctionnaire où il était écrit : [traduction] « Ces documents auraient dû être adressés à McCaig – je ne sais pas trop pourquoi je les ai reçus ». Il était préoccupé par la séquence des événements.

656 En contre-interrogatoire, on a posé à M. Briske des questions sur le passage de sa conclusion qui disait [traduction] « Compte tenu des preuves cumulatives » pour savoir si les chances qu’il recommande la révocation de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire auraient été moindres s’il n’y avait eu qu’un seul incident. M. Briske a répondu qu’elles auraient probablement été moindres. Lorsqu’on lui a demandé si les incidents avaient un effet cumulatif les uns sur les autres, il a répondu que oui, dans une certaine mesure. Il était aussi préoccupé par leur fréquence et leur nombre croissant en peu de temps.

657 En contre-interrogatoire, M. Briske a reconnu qu’il présumait que les documents de base qu’il a examinés étaient exacts et complets, puisqu’ils avaient été rédigés par des membres supérieurs de la GRC. Il a reconnu que ce type d’enquêtes se heurte souvent à des versions contradictoires des événements et qu’il y a souvent plus d’un point de vue. Il s’est appuyé sur l’évaluation par les membres supérieurs de la GRC de la fiabilité des individus impliqués et estime qu’il aurait été déplacé, dans le cadre de son examen, qu’il refasse des enquêtes sur les incidents. Dans le cas présent, il s’est appuyé sur le rapport du 29 novembre 2004 rédigé par le surintendant Morris et sur sa conclusion que la fonctionnaire avait menti à plusieurs occasions. Il a reconnu, en contre-interrogatoire, qu’il avait présumé que les notes du surintendant principal Clark (pièce 1, onglet 5-J) étaient exactes et complètes, et il a accepté les conclusions du rapport d’infraction à la sécurité Hildebrand. Il a reconnu qu’il aurait trouvé la communication sur l’Outil d’information de gestion pour la Sécurité routière pertinente si elle avait fait partie des documents qu’on lui a remis. Il a aussi reconnu ne pas avoir interrogé la fonctionnaire et qu’on n’avait pas demandé à cette dernière de participer directement à son processus décisionnel. Il a déclaré que le moment opportun pour qu’elle formule des commentaires était lors de l’examen de sa cote de fiabilité de la GRC mené par le bureau du surintendant principal Lanthier.

658 Lorsqu’on lui a posé, en contre-interrogatoire, des questions sur les médailles du Jubilé de la Reine et qu’on lui a demandé s’il avait songé au fait qu’elle avait peut-être commis une erreur légitime, en s’appuyant sur le courriel du 27 mars 2003 envoyé par la fonctionnaire au sergent-major Stewart (pièce 1, onglet 5-E, page 1), M. Briske a répondu qu’il a probablement envisagé cette possibilité, tout comme il a envisagé de nombreuses choses au cours de son enquête. L’une de ces choses était les différentes versions qu’elle avait donné au surintendant Morris lorsqu’il a enquêté son allégation visant les candidatures manquantes.

659 En contre-interrogatoire, M. Briske a déclaré que le courriel envoyé le 19 mars 2003 par la fonctionnaire à M. Dingwall (pièce 32), dans lequel elle nommait les quatre personnes dont elle avait proposé la candidature pour les médailles du Jubilé de la reine, était pertinent en ce sens que les candidatures devaient être remises bien avant la réunion mixte patronale-syndicale du 22 janvier 2003. La fonctionnaire ne précise pas à quel moment, en 2002, elle a présenté ses candidatures.

660 En contre-interrogatoire, relativement à la conclusion de M. Briske selon laquelle les plaintes de harcèlement de la fonctionnaire avaient été adéquatement traitées lorsqu’elle a tenté d’obtenir une indemnité financière, lors d’une conversation avec le sergent d’état-major Beach en septembre 2003, M. Briske a déclaré qu’à sa connaissance, aucune plainte n’était encore en cours à la fin de septembre 2003. Lorsqu’on lui a montré une note écrite le 20 novembre 2003 par la fonctionnaire à l’intention du sergent d’état-major Beach (pièce 23) dans laquelle elle se plaignait d’être victime de harcèlement de la part de M. Stephenson, il a affirmé qu’il n’avait jamais vu cette note auparavant.

661 Lorsqu’on lui a demandé en contre-interrogatoire s’il avait envisagé que le problème de la fonctionnaire pour la saisie de données dans le système du Centre d’information de la police canadienne puisse être un problème de rendement plutôt qu’un problème de sécurité parce qu’il aurait été intentionnel, comme le surintendant Morris l’a affirmé, M. Briske a répondu que ces incidents doivent être examinés dans leur contexte global afin d’évaluer la conduite de la fonctionnaire. Il a renvoyé à son rapport, aux points 17 et 19 de la page 8, et fait remarquer qu’elle avait suivi une formation sur le système du Centre d’information de la police canadienne en août 2004 et que la fréquence de ses erreurs permet de se demander si elles étaient intentionnelles dans le but de discréditer ses superviseurs et entraîner des risques de responsabilité pour la GRC. Lorsqu’on lui a à nouveau demandé si les erreurs de la fonctionnaire dans la saisie de données dans le système du Centre d’information de la police canadienne auraient pu être un problème de rendement plutôt qu’un problème de sécurité, M. Briske a déclaré que le fait qu’une personne soit incapable d’effectuer une tâche peut entraîner un problème de fiabilité, car on ne peut alors se fier à cette personne pour qu’elle accomplisse cette tâche.

662 En contre-interrogatoire, on a montré à M. Briske un document qu’il a reconnu comme étant un rapport de continuation qu’il a rédigé le 16 mars 2005 (pièce 34, onglet 48). Dans ce rapport, il affirme que M. Bourgeois soumettrait de nouveau cette affaire au surintendant principal Lanthier et que [traduction] « LANTHIER examinera les documents et soit qu’il ordonnera la suspension, soit qu’il demandera qu’une entrevue soit faite avec BERGEY ». Il a déclaré avoir reçu cette information de la part de M. Bourgeois.

663 L’avocat de la fonctionnaire a renvoyé M. Briske aux pièces sur la lettre écrite par la fonctionnaire le 9 février 2005, qui avait été envoyée à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique alors qu’elle devait être envoyée à l’agent de sécurité ministérielle (le surintendant principal Lanthier) avant qu’il prenne une décision sur la révocation de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, ainsi que sur l’ébauche d’une lettre par M. Briske, portant la signature de M. Mitchell, à envoyer à la fonctionnaire pour l’en informer (pièce 34, onglets 53, 55, 56, 57 et 58). Lorsqu’on lui a montré la lettre du 9 février 2005 de la fonctionnaire (pièce 1, onglet 8-A9), qui était adressée à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique et qui alléguait que la note de service rédigée le 29 novembre 2004 par le surintendant Morris était [traduction] « […] une lettre entachée de mauvaises intentions, de malice, de mensonges et de machinations », M. Briske a affirmé qu’il n’avait pas vu cette lettre, puisque son rapport avait été écrit et envoyé le 12 février 2005. La lettre a été envoyée cette journée-là au surintendant principal Lanthier, le directeur général de la Direction de la sécurité ministérielle, à Ottawa. M. Briske a affirmé ne pas avoir préparé l’ébauche de lettre de révocation de la cote de fiabilité de la GRC portant la signature du surintendant principal Lanthier, qui est à la pièce 34, onglet 60.

F. Les décisions de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC

1. Le témoignage du surintendant principal Lanthier

a. La suspension de la cote de fiabilité de la GRC

664 Le surintendant principal Lanthier a pris sa retraite en 2007. En 2005, il occupait le poste de directeur général de la Direction de la sécurité ministérielle, à Ottawa. Il occupait le rang de surintendant principal, et on le désignait comme étant l’agent de sécurité ministérielle de la GRC. À cette époque, la GRC était organisée en quatre régions, dont la Région du Pacifique, où travaillait la fonctionnaire. En tant qu’agent de la sécurité ministérielle, le surintendant principal Lanthier devait gérer tous les aspects de la sécurité de la GRC d’un bout à l’autre du Canada, y compris le personnel, les installations physiques, les communications, les technologies de l’information et l’administration, et il avait la responsabilité d’appliquer la Politique sur la sécurité du gouvernement du Conseil du Trésor (pièce 1, onglet 1) et la politique sur la sécurité du personnel de la GRC (pièce 1, onglet 3), qui repose sur la Politique sur la sécurité du gouvernement du Conseil du Trésor (pièce 1, onglet 1), mais à laquelle s’ajoutent des vérifications de sécurité additionnelles.

665 Le surintendant principal Lanthier a précisé que la Norme sur la sécurité du personnel du Conseil du Trésor (pièce 1, onglet 2) est un sous-produit de la Politique sur la sécurité du gouvernement du Conseil du Trésor (pièce 1, onglet 1)et qu’elle aide à orienter les ministères qui ne possèdent pas leurs propres normes, comme la GRC.

666 L’administration centrale de la Direction de la sécurité ministérielle se trouve à Ottawa. Chaque région possède une Section de la sécurité ministérielle. En 2005, M. Mitchell était le sous-officier responsable de façon intérimaire de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. Le surintendant principal Lanthier a expliqué le but de la Politique sur la sécurité du gouvernement du Conseil du Trésor (pièce 1, onglet 1) ainsi que les responsabilités des ministères, et il a souligné notamment l’article 10.9 de cette politique, que voici :

10.9 Vérifications de fiabilité et de sécurité

Le Gouvernement du Canada doit s'assurer que les individus qui ont accès à ses renseignements et biens sont fiables et dignes de confiance. Pour ce qui touche à la sécurité nationale, le gouvernement doit vérifier la loyauté de ces personnes envers le Canada afin de se protéger du terrorisme et de la collecte de renseignements par des puissances étrangères. On doit tout particulièrement veiller à assurer la fiabilité et la loyauté continuelles de ces personnes et à prévenir tout acte malveillant et toute divulgation non autorisée de renseignements classifiés et protégés causés par le mécontentement de personnes en poste de confiance.

Les ministères doivent s'assurer qu'avant leur entrée en fonction, les personnes qui ont besoin d'avoir :

[…]

b) accès à des renseignements et biens classifiés ont une cote valide de fiabilité, font l'objet d'une vérification de sécurité et obtiennent une cote de sécurité au niveau approprié. Ceci comprend les ressortissants étrangers qui visitent ou travaillent dans un ministère. On peut imposer certaines restrictions à une cote de sécurité selon la norme relative à cette section […]

[…]

Les ministères doivent aussi :

[…]

d) assurer que les gestionnaires restent vigilants, une fois une cote accordée, et donnent suite à tout renseignement qui éveillerait des doutes quant à la fiabilité et à la loyauté de la personne visée;

e) refaire régulièrement les vérifications appropriées et renouveler les cotes;

f) revoir, révoquer, suspendre ou déclasser pour un motif valable une cote précédemment accordée.

[…]

667 Le surintendant principal Lanthier a aussi mentionné la politique sur la sécurité du personnel de la GRC (pièce 1, onglet 3) et expliqué qu’en vertu de cette politique, tous les employés et bénévoles qui accomplissent des tâches pour la GRC doivent posséder une cote de fiabilité de la GRC valide ou une cote de sécurité au niveau approprié pour le poste qu’ils occupent (article D.2). La cote de fiabilité de la GRC, qui a remplacé la cote de fiabilité approfondie, est la plus basse cote de sécurité possible. Il s’agit d’une condition d’emploi pour n’importe quel poste, et elle doit être maintenue tout au long de la relation d’emploi (article F.3.a.). Il a expliqué qu’un fonctionnaire fédéral qui obtient un poste auprès de la GRC fera l’objet d’une vérification des antécédents plus approfondie pour obtenir la cote de fiabilité de la GRC que s’il cherchait à obtenir un poste dans la fonction publique fédérale en général. Cet employé devra également signer un formulaire afin d’autoriser ces vérifications. Le sous-officier responsable de la sécurité ministérielle d’une région a le pouvoir d’accorder une cote de sécurité (article D.5).

668 En 2005, lorsque le surintendant principal Lanthier était agent de la sécurité ministérielle, on comptait environ 25 000 employés. Un autre contingent d’environ 25 000 personnes devait faire l’objet de vérifications des antécédents afin d’obtenir une cote de fiabilité de la GRC ou une cote de sécurité plus élevée. Il a indiqué que l’agent de la sécurité ministérielle délègue son pouvoir de signature à une personne par région afin qu’elle puisse octroyer des cotes de fiabilité de la GRC, et du personnel s’occupe des différents domaines de sécurité, comme le personnel, les installations et les technologies de l’information.

669 Lorsqu’une cote de fiabilité de la GRC est accordée, elle ne l’est pas pour une durée indéterminée. Le surintendant principal Lanthier a renvoyé à la politique sur la sécurité du personnel de la GRC (pièce 1, onglet 3) (article D.8), qui prévoit qu’une cote de fiabilité de la GRC peut être refusée, révoquée ou suspendue à tout moment, s’il y a un motif valable de le faire, mais seulement par l’officier responsable de la Direction de la sécurité ministérielle. Il a expliqué qu’en tant que directeur général de la Direction de la sécurité ministérielle, il était l’officier responsable au sens de la politique sur la sécurité du personnel de la GRC (pièce 1, onglet 3) et la seule personne autorisée à refuser, révoquer ou suspendre une cote de fiabilité de la GRC.

670 Le surintendant principal Lanthier a indiqué qu’à titre d’officier responsable de la Direction de la sécurité ministérielle, ses décisions ne portaient que sur les questions de sécurité, et qu’il n’avait aucunement le pouvoir d’imposer des mesures disciplinaires. Il a souligné que les processus de sécurité et de discipline sont séparés et indépendants, même s’il arrive parfois que le comportement d’un employé ou un incident puisse soulever autant de préoccupations sur les plans de la sécurité que des ressources humaines. Il a expliqué que toutes les fois qu’il suspend ou révoque une cote de fiabilité de la GRC, la décision est communiquée par son bureau au Secteur des ressources humaines de la GRC (et à l’employé), car l’une des conditions d’emploi à la GRC est d’avoir une cote de fiabilité de la GRC. Les mesures que prend le Secteur des ressources humaines sont toutefois distinctes de celles prises par la Direction de la sécurité ministérielle.

671 Le surintendant principal Lanthier a expliqué que, lorsqu’il évalue la fiabilité de quelqu’un, les facteurs pris en considération sont l’honnêteté, la fiabilité et l’intégrité de la personne, ainsi que sa capacité à être digne de confiance. Il a renvoyé à l’article I.1 de la politique sur la sécurité du personnel de la GRC (pièce 1, onglet 3), qui dit ceci :

[Traduction]

I. VÉRIFICATION INITIALE DE LA FIABILITÉ

I. 1. L’honnêteté, la capacité d’être digne de confiance, la discrétion, la droiture et d’autres qualités semblables représentant des qualités qui peuvent être requises d’un employé ou d’une autre personne dans l’exercice des fonctions rattachées au poste doivent être prises en considération au moment d’évaluer la fiabilité de cette personne.

[…]

672 Le surintendant principal Lanthier a affirmé que ces facteurs sont importants, car les employés travaillent quotidiennement avec des renseignements personnels et délicats, et ils doivent faire preuve de discrétion et se comporter avec professionnalisme.

673 Le surintendant principal Lanthier a fait remarquer que, si l’intégrité n’est pas explicitement mentionnée dans l’article I.1 de la politique sur la sécurité du personnel de la GRC (pièce 1, onglet 3), elle n’en est pas moins mentionnée dans le document 1.5 sur la cote de fiabilité de la GRC (pièce 1, onglet 3, pages 14 à 17), qu’il a décrit comme étant un document de procédure. Il a expliqué que ce document énonçait la façon de faire de la GRC comparativement à d’autres ministères. La disposition citée dans ce document se trouve à la page 14 :

[Traduction]

[…]

1. Général

1.1 La cote de fiabilité de la GRC s’appuie sur l’honnêteté, la fiabilité et l’intégrité d’une personne, ainsi que sur sa capacité d’être digne de confiance.

[…]

674 On a posé au surintendant principal Lanthier des questions sur ses définitions des concepts d’honnêteté, de la capacité d’être digne de confiance, de la fiabilité et de l’intégrité. Il a convenu que le degré auquel ces qualités sont démontrées lors d’un incident en particulier peut être une question de perception.

675 Le surintendant principal Lanthier a expliqué que la cote de fiabilité de la GRC n’avait pas une durée indéfinie et qu’elle était réévaluée de façon périodique. On peut mettre fin à une cote de fiabilité de la GRC pour un motif valable dans le cas où un incident de sécurité ou un événement soulève des questions de fiabilité.

676 Le surintendant principal Lanthier a expliqué le processus décisionnel général qui est suivi lorsque la cote de fiabilité de la GRC d’un employé est remise en question pour un motif valable. Il l’a décrit comme un processus rigoureux basé sur l’aggravation des problèmes de sécurité. Il a souligné qu’en tant que décideur, il faudrait qu’il soit convaincu qu’il y a suffisamment de problèmes de sécurité, où entrent en jeu des questions de confiance, d’honnêteté ou d’intégrité, avant de prendre une décision. Il a affirmé qu’il comprend quelles sont les conséquences de la suspension ou de la révocation de la cote de fiabilité de la GRC d’une personne.

677 Le processus décisionnel général pour les questions de sécurité est le suivant. Lorsque la Direction de la sécurité ministérielle ou la Section de la sécurité ministérielle d’une région est informée de la possibilité d’un risque lié à la sécurité, la Section de la sécurité ministérielle de la région mène une enquête et analyse tous les documents pertinents afin de déterminer s’il y a des motifs valables pouvant justifier la tenue d’une révision de la sécurité, avant même qu’un rapport soit envoyé à l’agent de la sécurité ministérielle à Ottawa. À la fin de l’enquête, l’agent régional qui a mené cette enquête fait une recommandation concernant le statut de l’employé. Ce rapport est ensuite examiné par le sous-officier responsable de la Section de la sécurité ministérielle de la région, qui a la responsabilité de prendre une décision sur la recommandation, puis le rapport est signé et transmis à l’agent de la sécurité ministérielle à Ottawa. Lorsqu’il reçoit la recommandation du bureau régional, le surintendant principal Lanthier examine le dossier avec l’appui d’un analyste en sécurité de la Section de la sécurité du personnel de la Direction de la sécurité ministérielle, puis rend la décision définitive. Il ne rencontre pas l’employé visé et ne discute pas du dossier avec lui; sa décision est prise à la suite de l’examen des documents au dossier. La Direction de la sécurité ministérielle est un centre de décision. C’est l’agent régional qui mène l’enquête sur le terrain.

678 À la fin de l’enquête, si l’agent régional fait une recommandation au sujet de la cote de sécurité de l’employé, le dossier est renvoyé au surintendant principal Lanthier, qui effectue un examen préliminaire du dossier, ce qui implique de lire le rapport de l’agent régional ligne par ligne. Puisque son rôle consiste à s’occuper des questions de sécurité à la GRC, et non à gérer les questions générales de gestion et de ressources humaines, lorsqu’il lit le rapport, il rend un jugement préliminaire sur le type de problème dont il est question. Il inscrit un « [A] » ou un « [M] » selon que, d’après sa première impression, il s’agit d’une question administrative ou liée au rendement de l’employé, et « [S] » s’il s’agit d’une question de sécurité ou, parfois, « [SM] » lorsque les deux domaines sont touchés. Il ne lit généralement pas toute la documentation qui accompagne le rapport régional. Le rapport est ensuite envoyé à l’analyste en sécurité de la Section de la sécurité du personnel pour qu’il procède à un examen exhaustif qui comprend également toute la documentation jointe.

679 Lorsque l’analyse est terminée, le rapport est relu et approuvé par le supérieur de l’analyste en sécurité avant d’être envoyé à l’agent de la sécurité ministérielle pour qu’il prenne une décision. Le surintendant principal Lanthier discute alors du rapport avec l’analyste, prend sa décision, puis inscrit sur le rapport une note indiquant la mesure de sécurité à prendre. L’analyste prépare ensuite une ébauche de la lettre correspondante, qu’il envoie au bureau régional afin qu’elle soit remise à l’employé.

680 Le surintendant principal Lanthier a ensuite parlé du processus décisionnel qu’il a suivi avant de décider de suspendre la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire. Le 12 février 2005, il a reçu une recommandation de révocation de sa cote de fiabilité de la GRC qui provenait de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. Le rapport qu’il a reçu était cosigné par M. Mitchell et M. Briske. Le surintendant principal Lanthier a précisé que M. Briske était un enquêteur de la GRC spécialisé dans les crimes majeurs, qu’il était à la retraite et qu’il avait été embauché pour mener l’analyse du risque de sécurité. Le rapport Briske d’examen du dossier lui a été remis, avec toutes les pièces jointes, c’est-à-dire les annexes A à V (pièce 1, onglet 5), pour qu’il prenne une décision. Il s’est appuyé sur ces documents pour rendre sa décision.

681 La note de service que M. Mitchell lui a envoyée contenait le passage suivant :

[Traduction]

[…]

Recommandation

Compte tenu des preuves cumulatives appuyant le manque d’intégrité, d’honnêteté et de droiture de BERGEY et compte tenu des valeurs fondamentales que doivent respecter les personnes qui travaillent à la GRC, je recommande par la présente la révocation de sa cote de fiabilité de la GRC.

Justification

En examinant les divers incidents exposés dans ce mémoire, il est clairement évident que BERGEY a menti à de nombreuses occasions, qu’elle a agressé verbalement ses superviseurs et qu’elle a formulé des allégations contre des collègues, dont une collègue qui a déposé contre elle une plainte de harcèlement qui s’est avérée fondée. On lui a imposé officiellement des sanctions disciplinaires, on lui a parlé de son comportement et, malgré ces mesures punitives, elle poursuit sa campagne de mensonges, de diffamation et d’insubordination. Par ses propres actions et par son comportement, elle a miné son intégrité, son honnêteté et sa droiture, et on ne peut compter sur elle pour travailler dans un milieu policier où tous doivent faire preuve d’honnêteté et de sincérité dans le respect des valeurs fondamentales. Ses activités ont mené au gaspillage de nombreuses heures de ressources policières importantes afin d’enquêter sur des incidents qui n’ont jamais été confirmés. Une personne en qui on ne peut avoir suffisamment confiance pour qu’elle effectue ses tâches de façon honnête et fiable ne devrait pas posséder une cote de fiabilité de la GRC.

[…]

682 Le surintendant principal Lanthier a indiqué avoir effectué un examen préliminaire du rapport Briske d’examen du dossier. Il a noté ses premières impressions dans les marges du rapport afin d’indiquer quels incidents semblaient soulever un problème de sécurité parmi les 21 qui étaient décrits. Il a inscrit un « S » à côté de six d’entre eux (pièce 1, onglet 5). Dans ces six incidents, il avait des préoccupations concernant l’honnêteté et l’intégrité de la fonctionnaire, car elle avait menti, déformé la façon dont d’autres personnes avaient été impliquées ou changé sa version des événements lorsqu’on lui présentait des faits contestant son récit initial. Il n’a pas lu toute la documentation jointe (annexes « A » à « V »), mais il en a examiné assez pour s’assurer qu’il devait transmettre le rapport à M. Bourgeois, l’analyste en sécurité de la Direction de la sécurité ministérielle, aux fins d’examen.

683 Le surintendant principal Lanthier a affirmé qu’il ne connaissait pas la fonctionnaire, le sergent d’état-major Beach ou M. Briske, mais qu’il connaissait M. Mitchell. Il savait que le surintendant Morris était le commandant du Bureau du district nord. Il a précisé que, lorsqu’il a examiné le dossier, il n’a pas parlé à la fonctionnaire, au surintendant Morris, à M. Briske, au sergent d’état-major Beach ou au sergent d’état-major Hildebrand.

684 Le surintendant principal Lanthier, après avoir effectué son examen préliminaire, a envoyé le rapport Briske d’examen du dossier qu’il avait annoté, avec toutes les pièces jointes, à M. Bourgeois pour qu’il en fasse un examen exhaustif. Le surintendant principal Lanthier a indiqué que M. Bourgeois était un agent à la retraite qui possédait une grande expérience du domaine de la sécurité, et qu’il l’avait personnellement nommé en raison de ses expériences de travail avec M. Bourgeois sur des questions de sécurité liées au terrorisme et parce qu’il était capable de distinguer les questions de sécurité des questions administratives ou de rendement.

685 M. Bourgeois a effectué son examen et présenté son analyse à son supérieur, M. O’Donnell. Après que M. O’Donnell a examiné et approuvé l’analyse, celle-ci a été envoyée au surintendant principal Lanthier, le 21 février 2005, pour qu’il prenne une décision (pièce 1, onglet 6).

686 Après avoir reçu le rapport de M. Bourgeois et en avoir discuté avec lui, le surintendant principal Lanthier était d’avis que la fonctionnaire avait donné des informations mensongères et trompeuses à Mme Bailey, au surintendant Morris, au sergent d’état-major Hildebrand et au sergent d’état-major Beach au cours de cinq incidents. Il a conclu que sa fiabilité, son honnêteté et sa capacité d’être digne de foi étaient discutables et que sa cote de fiabilité de la GRC devrait être suspendue, mais qu’il fallait procéder à un examen plus approfondi avant qu’il puisse prendre une décision définitive.

687 L’avocat de la fonctionnaire a convenu que les documents joints au rapport Briske d’examen du dossier (pièce 1, onglet 5) et au rapport de M. Bourgeois (pièce 1, onglet 6) étaient admissibles en ce sens qu’ils révélaient la séquence des événements ayant conduit le surintendant principal Lanthier à rendre sa décision. Il a toutefois contesté leur admissibilité pour ce qui est de la véracité de leurs conclusions.

688 Le surintendant principal Lanthier a inscrit sa décision au bas de l’analyse de M. Bourgeois. Son bureau a ensuite préparé la lettre de suspension du 22 mars 2005 (pièce 1, onglet 7). La lettre informait la fonctionnaire que la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique avait recommandé la révocation de sa cote de fiabilité de la GRC. Elle expliquait les motifs de la décision du surintendant principal Lanthier de suspendre sa cote de fiabilité de la GRC, c’est-à-dire parce qu’elle avait fourni des informations mensongères et trompeuses à ses gestionnaires et à des enquêteurs lors des cinq incidents énumérés. Elle l’informait également de son droit de fournir des observations écrites dans les 14 jours avant que la décision soit prise de réactiver ou de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC pour des motifs valables.

689 La lettre du 22 mars 2005 indiquait ce qui suit (pièce 1, onglet 7) :

[Traduction]

[…]

La présente vise à vous informer que j’ai reçu une recommandation du sous-officier responsable de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique afin de révoquer votre cote de fiabilité de la GRC parce que vous avez donné des informations mensongères et trompeuses à la fonctionnaire Bailey, au surintendant Morris, au sergent d’état-major Hildebrand et au sergent d’état-major Beach lors des occasions suivantes :

  1. la formation sur la sensibilisation au harcèlement et vos candidatures pour les médailles du Jubilé d’or de la Reine;
  2. votre allégation que des fonctionnaires étaient victimes de harcèlement, ainsi que les détails entourant votre propre plainte de harcèlement;
  3. votre récit changeant afin qu’il corresponde aux faits lors d’une enquête sur les rapports de continuation qui ne se trouvaient plus dans les dossiers opérationnels;
  4. les directives reçues de la commis aux dossiers centraux au sujet des dossiers du CIPC;
  5. les documents que vous avez pris sur une imprimante.

Votre cote de fiabilité de la GRC dépend de votre fiabilité, de votre capacité à être digne de confiance et de votre honnêteté. Compte tenu des circonstances, je suspends votre cote de fiabilité de la GRC à compter de la date de cette lettre, et il vous est interdit d’accéder aux installations de la GRC sans être escortée.

Je procéderai à un examen plus approfondi des circonstances afin de déterminer si votre cote de fiabilité de la GRC peut demeurer valide ou si elle doit être révoquée pour un motif valable. Vous avez quatorze jours après la réception de cette lettre pour me fournir vos observations écrites, avant que je prenne une décision définitive.

[…]

[Les passages en gras le sont dans l’original]

b. Révocation de la cote de fiabilité de la GRC

690 Le 6 avril 2005, la fonctionnaire a envoyé au surintendant principal Lanthier une longue présentation (pièce 1, onglet 8) sous la forme d’une lettre de huit pages ainsi que de multiples documents joints identifiés comme étant les annexes A-1 à A-14, B à N, O et O-1, P1 à P6 et Q à U. Les documents joints comprenaient entre autres de l’information sur son congé de maladie, des rapports de rendement pour 1997 à 2004, des notes de service et des notes de la direction, ainsi que des transcriptions de ses enregistrements des interactions au bureau pendant une période de trois mois.

691 Dans sa lettre de présentation, la fonctionnaire a fait plusieurs déclarations générales. Elle a déclaré qu’elle avait dit toute la vérité et avait été complètement honnête, digne de confiance et fiable. Elle a ajouté qu’en suspendant sa cote de fiabilité de la GRC, le surintendant principal Lanthier avait été manipulé, trompé et son travail compromis par le surintendant Morris, et que seuls le surintendant Morris et le sergent d’état-major Beach avaient fait preuve de manque d’intégrité et d’honnêteté. Elle a soutenu que les actions de la direction étaient des mesures disciplinaires déguisées, parce que la direction était fâchée qu’elle ait enregistré un surintendant et un sergent qui mentaient, l’intimidaient et la harcelaient de manière flagrante. Elle a déclaré que la note de service du 29 novembre 2004 du surintendant Morris à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique était truffée de mensonges et de faits inventés, et que cette note de service était fondée sur un courriel qu’il avait fait fabriquer par le sergent d’état-major Beach.

692 La fonctionnaire a écrit qu’elle avait la preuve qu’elle n’avait pas commis les actes qu’on lui reprochait. Elle a parlé de sa souffrance et de son humiliation et des nombreux endroits où elle était allée chercher de l’aide pour l’abus de pouvoir et le harcèlement dont elle était victime. Elle a déclaré qu’elle avait dû enregistrer des conversations au travail, et que ce geste lui causait de la douleur [traduction] « [...] comparable à la douleur associée à la mort des policiers en Alberta en mars » (pièce 1, onglet 8, page 2), mais que ces enregistrements prouvaient qu’elle avait été harcelée.

693 Dans les observations de sa réplique du 6 avril 2005 au surintendant principal Lanthier, la fonctionnaire a soutenu que le surintendant Morris et le sergent d’état-major Beach avaient conspiré pour commettre une fraude, qu’ils l’avaient intimidée, menacée, harcelée et sabordée au travail et qu’ils avaient inventé des éléments de preuve pour la discréditer, et que si la GRC était contre le crime organisé, elle devrait se débarrasser du crime organisé en son sein et se débarrasser du surintendant Morris et du sergent d’état-major Beach. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas commis d’infraction à la sécurité et que [traduction] « [tous] ces actes sont de la négligence ». Elle a indiqué que [traduction] « beaucoup de personnes ont réagi de façon excessive » au fait qu’elle ait enregistré des conversations au bureau et ont oublié que le surintendant Morris et le sergent d’état-major Beach étaient des [traduction] « policiers malhonnêtes qui ternissent la réputation de l’organisation ».

694 La fonctionnaire a déclaré que le surintendant principal Lanthier avait choisi cinq sujets et qu’elle avait des éléments de preuve matériels pour démontrer qu’elle avait dit la vérité concernant chacun de ces sujets. Elle les a tous commentés. Elle a parlé de la déclaration du surintendant principal Lanthier selon laquelle elle aurait fourni de l’information inexacte à plusieurs personnes nommées. Elle a dit qu’à trois des occasions énumérées, il n’y avait eu aucune discussion de la sorte, ou qu’elle n’avait eu aucune discussion de la sorte avec toutes les personnes nommées.

695 Pour ce qui est du premier sujet, les mises en candidature pour la médaille du Jubilé de la Reine, la fonctionnaire a déclaré qu’elle n’en avait pas parlé avec Mme Bailey, le sergent d’état-major Hildebrand ou le sergent d’état-major Beach, et qu’elle avait inclus une copie de ses mises en candidature à la pièce 1, onglet 8-E (qui contient quatre formulaires de mise en nomination non datés et une note de présentation non datée qui n’est adressée à personne). Pour ce qui est de la formation sur le harcèlement, la fonctionnaire a indiqué qu’elle en avait parlé uniquement à Mme Bailey et non aux autres personnes nommées et qu’à sa connaissance, on avait fixé une date de fin pour la formation initiale et son information était exacte.

696 Pour ce qui est du deuxième sujet, la déclaration de la fonctionnaire que des employés étaient victimes de harcèlement, elle a déclaré qu’elle en avait parlé uniquement au surintendant Morris et non aux autres personnes indiquées, que son information était exacte et qu’elle était parmi les employés qui avaient été victimes de harcèlement.

697 Pour ce qui est du troisième sujet, le fait qu’elle aurait changé son récit pour qu’il corresponde aux faits établis lors d’une enquête sur les rapports de continuation manquants dans les dossiers opérationnels, la fonctionnaire a déclaré qu’elle avait dit la vérité pendant l’enquête et au sergent d’état-major Hildebrand, et qu’elle n’avait pas changé son récit pour qu’il corresponde aux faits. Elle a indiqué qu’elle a joint une transcription de son entrevue avec le sergent d’état-major Hildebrand (pièce 1, onglet 8-R) et que rien de ce qui avait été suggéré ne transparaissait dans l’entrevue. Elle a soutenu qu’il n’y avait eu aucune déclaration qu’elle aurait commis une infraction à la sécurité, [traduction] […] car il n’y a jamais eu de correspondance manquante dans quelque dossier que ce soit […] » et que le surintendant Morris et le sergent d’état-major Beach avaient inventé cette situation.

698 Pour ce qui est du quatrième sujet, les instructions reçues de la commis aux dossiers centraux concernant les dossiers du système du Centre d’information de la police canadienne, la fonctionnaire a soutenu qu’il s’agissait d’une autre invention du surintendant Morris. Elle a déclaré qu’elle n’avait reçu aucune instruction de la commis aux dossiers centraux concernant les dossiers du système du Centre d’information de la police canadienne et qu’elle n’avait jamais dit qu’elle en avait reçu. Elle a aussi indiqué que les seules personnes à qui elle avait parlé de quoi que ce soit en lien avec les dossiers du système du Centre d’information de la police canadienne étaient son superviseur (le sergent d’état-major Beach) et l’enquêteur (le sergent d’état-major Hildebrand).

699 Pour le dernier sujet, les documents qu’elle aurait pris sur l’imprimante, la fonctionnaire a indiqué que, autour de midi le 28 octobre 2004, le sergent d’état-major Beach a saisi de sa main tous les papiers qu’elle avait pris sur l’imprimante. Elle a joint une transcription de cet incident pour prouver son récit (pièce 1, onglet 8-K). Elle a déclaré que cela signifiait que la copie qu’elle a trouvée plusieurs jours plus tard sur l’imprimante devait avoir été une autre copie que le sergent d’état-major Beach avait imprimée et laissée intentionnellement sur l’imprimante pour l’intimider, la menacer et la rabaisser aux yeux des autres employés, et que c’est pour ça qu’elle l’a prise.

700 La fonctionnaire s’est reportée aux transcriptions qu’elle a jointes de sa rencontre du 28 octobre en après-midi avec le surintendant Morris et le sergent d’état-major Beach (pièce 1, onglet 8-D) et de celle du 28 septembre 2004 en avant-midi avec le sergent d’état-major Beach (pièce 1, onglet 8-A), qui montrent que ces personnes ont menti dans leur description de son comportement à ces rencontres. Elle s’est aussi reportée à un ensemble de documents (pièce 1, onglets 8-A à 8-O), également joints, qu’elle avait préparés pour son audience au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs avec le sous-commissaire à Vancouver et qui, selon elle, étaient pertinents dans le contexte de la lettre de révocation du 22 mars 2005 du surintendant principal Lanthier. Elle a déclaré qu’elle avait compté environ 50 paragraphes de propos mensongers dans la note de service du 29 novembre 2004 du surintendant Morris et qu’elle avait [traduction] « […] beaucoup de preuves matérielles démontrant que les allégations sont fausses ».

701 Le surintendant principal Lanthier a déclaré qu’il a examiné le dossier et lu la majorité de la longue lettre de la fonctionnaire avant de prendre une décision définitive, mais qu’il n’a pas examiné tous les nombreux documents en pièce jointe. Le surintendant principal Lanthier a trouvé que la fonctionnaire n’avait pas abordé dans sa réplique les préoccupations de sécurité concernant son honnêteté et sa fiabilité qu’il avait spécifiquement soulevées dans sa lettre du 22 mars 2005. Il a fait examiner la réplique par M. Bourgeois, puis il a discuté avec lui de la présentation de la fonctionnaire et de tout le dossier. Le surintendant principal Lanthier a alors conclu qu’il n’avait plus confiance en la capacité de la fonctionnaire de travailler pour la GRC dans le respect des règles de sécurité. Il a pris la décision définitive de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC.

702 Le 27 juillet 2005, le surintendant principal Lanthier a écrit à la fonctionnaire l’informant que sa cote de fiabilité avait été révoquée pour un motif valable. Il a mentionné sa lettre du 22 mars 2005 concernant la suspension de sa cote de fiabilité de la GRC. Ses raisons sont très semblables dans sa lettre de juillet, mais il a divisé en deux points une préoccupation qu’il avait soulevée dans sa lettre de mars.  

703  Voici ce que contient la lettre de révocation du 27 juillet 2005 (pièce 1, onglet 4) :

[Traduction]

[…]

J’ai examiné votre présentation du 6 avril 2005 sur la suspension de votre cote de fiabilité de la GRC.

En ma qualité d’agent de la sécurité ministérielle de la GRC, j’ai examiné la recommandation du sous-officier responsable de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, et j’ai trouvé un motif valable pour suspendre votre cote de fiabilité de la GRC à partir du 22 mars 2005. Je vous ai informée des mécanismes de réparation qui sont en place et vous ai donné l’occasion de présenter vos arguments avant de prendre ma décision définitive concernant la question de savoir si votre cote de fiabilité de la GRC devait demeurer valide ou être révoquée pour un motif valable.

Je note que vous avez soulevé des questions liées à la gestion qui ne relèvent pas de ma compétence, mais je n’aborderai que les questions se rapportant à votre cote de fiabilité de la GRC.

Je n’ai trouvé aucune preuve pour appuyer le courriel concernant la fin de la formation sur la sensibilisation au harcèlement que vous avez envoyé à Bonnie Bailey le 30 janvier 2003, et où vous dites [traduction] : « On est censé finir avant le 31 mars 2003 ».

Vous avez annoncé le 22 janvier 2003, pendant une réunion à Vancouver, que vous aviez proposé la candidature de plusieurs fonctionnaires pour la médaille du Jubilé de la Reine, et que vous aviez confié ces recommandations à Bonnie Bailey. Je note que les copies de ces recommandations ne sont ni signées ni datées par les candidats. Les enquêtes subséquentes ont établi que vous avez soumis les mises en candidatures après la réunion conjointe syndicale-patronale à Vancouver.

Le conseiller en matière de harcèlement et de droits de la personne a reçu des commentaires positifs concernant la réaction de M. Morris aux plaintes de harcèlement et son attitude à l’égard du harcèlement au travail. Aucun problème de harcèlement au District nord n’a été mentionné lors d’une réunion tenue le 3 octobre 2003 avec les chefs du service et les employés. Une enquête complète a été réalisée pour votre propre plainte de harcèlement et toutes vos allégations ont été jugées non fondées ou sans motif. Un examen subséquent de votre plainte a confirmé cette conclusion.

Vous avez d’abord dit au sergent d’état-major Hildebrand que vous n’aviez pas envoyé de correspondance à l’extérieur du bureau. Vous avez plus tard retiré votre déclaration et avez dit que vous aviez effectivement envoyé des rapports de continuation à la fonctionnaire Bouchard pour qu’elle les garde en lieu sûr. Je note que vous avez envoyé les rapports de continuation à Mme Bouchard avant même que le sergent d’état-major Hildebrand ne soit nommé pour réaliser l’enquête.

Vous avez saisi des données sur la circulation dans le système du CIPC correctement pendant plusieurs années, mais pour une raison inconnue, votre superviseur a dû prendre des mesures correctives et vous offrir de la formation additionnelle à ce sujet. Malgré les conseils et la formation additionnelle, vous avez continué d’entrer des numéros de dossier inexacts dans le système.

Le sergent Beach a imprimé un courriel pour ses dossiers. Vous avez pris ce courriel ainsi que du matériel extérieur sur une imprimante, et vous avez dit que ces papiers étaient à vous, mais vous avez plus tard montré au caporal Flewelling une copie du courriel du sergent Beach.

Je conclus que votre comportement dans ces cas visait à atteindre un but personnel, et qu’il donne une impression négative de votre honnêteté, de votre fiabilité et de votre intégrité. Vous avez menti et avez trompé les gens avec l’information que vous avez donnée à différentes personnes à diverses occasions. Il a été établi à ma satisfaction qu’on ne peut plus se fier à vous pour ne pas trahir la confiance qu’on vous accorde. À la lumière de mes observations, je conclus qu’il y a un motif valable pour révoquer votre cote de fiabilité de la GRC à partir de la date de cette lettre.

Vous avez le droit de déposer une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne, à la Direction des enquêtes de la Commission de la fonction publique ou à la Section de première instance de la Cour fédérale.

[…]

[Les passages en gras le sont dans l’original]

704 En contre-interrogatoire, le surintendant principal Lanthier a reconnu qu’il n’avait pas donné à la fonctionnaire une copie du rapport Briske d’examen du dossier quand il lui a donné 14 jours pour présenter sa réponse à la lettre de suspension de sa cote de fiabilité de la GRC. M. Briske avait énuméré 21 incidents. Le surintendant principal Lanthier en a ciblé seulement cinq qui, pour lui, causaient un problème de sécurité. Il a demandé pourquoi il aurait dû donner le rapport Briske d’examen du dossier à la fonctionnaire tandis qu’il voulait avoir des réponses se rapportant uniquement aux préoccupations en matière de sécurité qu’il avait décrites en détail dans sa lettre. Il ne voulait pas qu’elle lui donne des observations sur des questions qui, selon lui, étaient des préoccupations de rendement ou de gestion.

705 En contre-interrogatoire, le surintendant principal Lanthier a déclaré qu’il avait respecté l’exigence de la politique sur la sécurité du personnel de la GRC (pièce 1, onglet 3) selon laquelle il devait permettre à la fonctionnaire de répondre à l’information défavorable en lui donnant l’occasion de répondre aux cinq préoccupations en matière de sécurité qu’il avait décrites dans sa lettre du 22 mars 2005. Par ailleurs, compte tenu de l’ampleur de sa présentation, il croyait qu’il lui avait donné suffisamment d’information dans sa lettre pour qu’elle puisse lui répondre et qu’elle savait ce qu’il recherchait comme information.

706 En contre-interrogatoire, le surintendant principal Lanthier a convenu que le travail de son analyste en sécurité est de déterminer si le dossier complet (rapport et documents joints) contient assez d’information pour justifier un examen de la sécurité et une action quelconque par l’agent de la sécurité ministérielle. Il a déclaré que ses notes dans la marge étaient des notes personnelles, et que les événements décrits dans le rapport, à côté desquels il a écrit « [A] » ou « [M] » pour montrer sa première impression en les lisant, seraient examinés dans le cadre de l’analyse.

707 En contre-interrogatoire, le surintendant principal Lanthier a reconnu que, dans sa présentation du 6 avril 2005, la fonctionnaire avait soulevé des questions qui étaient importantes pour elle. Il a toutefois insisté sur le fait que, à son avis, bon nombre de ces questions étaient des liées au rendement ou à la gestion, et non à la sécurité, et que par conséquent, elles ne le concernaient pas. Il a précisé ce fait dans sa lettre de révocation de la cote de fiabilité de la GRC du 27 juillet 2005.

708 Quand on lui a demandé en contre-interrogatoire pourquoi il lui a fallu autant de temps pour répondre à la présentation du 6 avril 2005 de la fonctionnaire, le surintendant principal Lanthier a déclaré qu’il avait beaucoup de travail au bureau.

709 Quand on lui a demandé en contre-interrogatoire s’il avait nommé tous les mécanismes de réparation ou d’examen dont disposait la fonctionnaire au dernier paragraphe de sa lettre du 27 juillet 2005, le surintendant principal Lanthier a déclaré qu’il ne connaissait aucun autre mécanisme. Il n’était pas d’accord avec la suggestion de l’avocat de la fonctionnaire qu’il aurait violé les dispositions du document 1.5 sur la cote de fiabilité de la politique sur la sécurité du personnel de la GRC (pièce 1, onglet 3) portant sur les mécanismes d’examen et de réparation, en mentionnant dans sa lettre les droits en matière de réparation pour toutes les catégories de personnes nommées au paragraphe 7.1.3 de la politique sur la sécurité du personnel de la GRC (pièce 1, onglet 3), mais en ne mentionnant pas le droit additionnel dont jouissait la fonctionnaire en vertu du paragraphe 7.2 en tant qu’employée de la fonction publique de se prévaloir aussi des articles 91 et 92 de l’ancienne LRTFP. Le surintendant principal Lanthier a reconnu qu’il n’avait apparemment pas agi en conformité avec la politique sur la sécurité du personnel de la GRC (pièce 1, onglet 3) en omettant de mentionner ce paragraphe.

710 En contre-interrogatoire, le surintendant principal Lanthier a déclaré qu’il avait considéré les conséquences qu'aurait la révocation de la cote de fiabilité de la GRC sur la fonctionnaire, de même que le risque pour la sécurité de la GRC selon les événements qui étaient décrits. Il a convenu qu’il pouvait exercer une certaine discrétion pour ce qui est des incidents comportant à la fois des questions de gestion et de sécurité, mais il a insisté sur le fait qu’il devait faire preuve d’une diligence raisonnable en examinant chacune des questions de sécurité qui étaient portées à son attention dans ses fonctions d’agent de la sécurité ministérielle.

711 Quand on lui a demandé en contre-interrogatoire s’il avait pensé réaffecter la fonctionnaire à un poste de plus bas niveau, le surintendant principal Lanthier a déclaré que, premièrement, tous les postes de la GRC exigeaient la cote de fiabilité de la GRC, et que, deuxièmement, seules les questions de sécurité relevaient de sa compétence. C’est au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique qu’il aurait incombé d’examiner d’autres options d’emploi possibles pour la fonctionnaire.

712 En réplique, le surintendant principal Lanthier a dit qu’il n’y a pas d’information de sécurité secrète dans le système du Centre d’information de la police canadienne, mais qu’on en limitait l’accès en raison de l’information policière qu’il contient. Quand on lui a demandé si on pouvait limiter l’accès au système d’une personne ayant la cote de fiabilité de la GRC pour des raisons pratiques, il a déclaré qu’il l’ignorait, mais qu’il ne pensait pas qu’il était possible d’isoler de l’information dans le système. Il a ajouté que les employés doivent avoir la cote de fiabilité de la GRC pour entrer dans les locaux de la GRC; autrement, l’individu doit être escorté.

713 En réplique, le surintendant principal Lanthier a aussi déclaré qu’il lorsqu’il a pris sa décision de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, il était au courant, à cause du dossier, qu’il y avait des questions de gestion et de personnel entre la fonctionnaire, le sergent d’état-major Beach, son superviseur direct, et le surintendant Morris. Il n’a pas inclus ces questions dans son analyse du risque pour la sécurité de la GRC que présentaient les incidents qu’il avait mentionnés. Il a reconnu que des questions de crédibilité avaient été soulevées. Dans son examen, quand il a décidé de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, il s’est appuyé sur ce qui était écrit dans les rapports officiels préparés par des personnes de confiance.

714 Le surintendant principal Lanthier a aussi déclaré qu’il n’a pas examiné le dossier de la fonctionnaire, lequel contient le document lui octroyant sa cote de fiabilité approfondie initiale de la GRC. Ce dossier se serait trouvé au bureau régional, et non à Ottawa, et il ne voyait pas le besoin de l’examiner pour prendre une décision concernant les questions de sécurité dont il était saisi en 2005.

715 Le surintendant principal Lanthier a aussi déclaré en réplique que, le 27 juillet 2005, quand il a décidé de révoquer la cote de fiabilité de la GRC, il n’avait pas le choix entre adopter une approche axée sur la sécurité ou adopter une approche axée sur les ressources humaines. Son domaine de compétence est la sécurité, et sa seule option est de se pencher uniquement sur les questions liées à la sécurité. Plus tard, quand les Ressources humaines sont avisées par son bureau de sa décision concernant la cote de fiabilité de la GRC, elles doivent prendre les mesures qui s’imposent. Le surintendant principal Lanthier a aussi déclaré avoir examiné la lettre du 27 juillet 2005 quand on la lui a donnée à signer, afin de s’assurer qu’elle avait été préparée conformément à ses instructions.

2. Témoignage de M. O’Donnell

716 M. O’Donnell était le sergent O’Donnell pendant la période pertinente, en 2004 et 2005. Il était le gestionnaire responsable de la Section de la sécurité du personnel de la Direction de la sécurité ministérielle, à Ottawa, et il rendait des comptes directement au surintendant principal Lanthier. La majeure partie de son travail consistait à surveiller les interactions entre le bureau national de la Direction de la sécurité ministérielle, à Ottawa, et les quatre sections régionales de la sécurité ministérielle, dont la plus grande était celle de la Région du Pacifique, et à fournir des conseils au besoin. Les sous-officiers responsables des bureaux régionaux n’avaient aucun rapport hiérarchique direct avec lui, mais il entretenait des relations de travail avec eux.

717 M. O’Donnell a expliqué que, par exemple, si une section régionale de la sécurité ministérielle communiquait avec le bureau national concernant une infraction possible à la sécurité dans la région, il offrirait des conseils et des instructions sur la façon de lancer une enquête de sécurité. Ces interactions permettaient aussi de garder le bureau national au courant de ce qui se passait. Durant la période pertinente, le personnel de M. O’Donnell était composé d’un enquêteur à temps plein (M. Bourgeois), d’un enquêteur à temps partiel affecté uniquement aux enquêtes de sécurité et de deux postes liés à la législation sur la sécurité de l’information.

718 Selon le souvenir de M. O’Donnell, l’enquête de sécurité ayant mené à la révocation de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire a été réalisée surtout par M. Briske, de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, et le surintendant Morris, du détachement de Prince George, et avec les conseils de la Direction de la sécurité ministérielle. M. O’Donnell a précisé qu’une commotion subie lors d’un grave accident de voiture survenu en 2003 a affecté sa mémoire.

719 M. O’Donnell a parlé du processus général qui était suivi lorsqu’un rapport de sécurité régional, comme le rapport Briske d’examen du dossier, arrivait au bureau national. Le rapport était adressé au surintendant principal Lanthier, qui le lit et l’envoie ensuite au bureau de M. O’Donnell à titre d’information et, par l’entremise de ce dernier, à M. Bourgeois, qui y donne suite. Par ailleurs, tout ce qui était présenté au surintendant principal Lanthier par le personnel de M. O’Donnell est d’abord soumis à l’examen de M. O’Donnell, car ce dernier a la responsabilité de s’assurer que la marche à suivre appropriée est suivie. Il en a été ainsi pour la note de service du 21 février 2005 de M. Bourgeois sur une analyse du risque pour la sécurité qui était adressée au surintendant principal Lanthier (pièce 6). M. O’Donnell l’a examinée avant de la faire parvenir au surintendant principal Lanthier.

720 M. O’Donnell a déclaré que M. Bourgeois avait une vaste expérience et était un excellent enquêteur. Il pensait se souvenir avoir eu de nombreuses discussions avec lui pendant toute l’enquête de ce dernier sur le dossier de la fonctionnaire.

721 M. O’Donnell a examiné l’échange de courriels entre son bureau et la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique avant que la Direction de la sécurité ministérielle ne reçoive le rapport Briske d’examen du dossier, en février 2005. Les pièces justificatives ont établi que le 22 novembre 2004, il a reçu un courriel du surintendant principal Lanthier l’avisant qu’une demande (qu’il croyait être une référence à la note de service du 10 novembre 2012 du surintendant Morris à l’agent responsable des Ressources humaines au District nord de la Division « E »; pièce 29, onglet C-35) venait tout juste d’arriver et [traduction] « […] semble être un mélange de questions de gestion et de sécurité », et que le surintendant principal Lanthier suggérait que [traduction] « […] nous attendions d’avoir des nouvelles de la Section de la sécurité du personnel de la Région du Pacifique avant de faire quoi que ce soit » (pièce 3, reproduite à la pièce 29, onglet C-38). M. O’Donnell a répondu ce qui suit peu de temps après :

[Traduction]

[…]

Je suis d’accord. Nous ne devrions pas retirer la cote de fiabilité à quelqu’un à moins qu’il y ait des motifs légitimes. Les résultats de l’enquête interne devraient nous donner ce motif, si nous croyons tout ce qui a été écrit jusqu’à maintenant, et je n’ai absolument aucune raison de ne pas y croire.

[…]

722 Le jour suivant, le 23 novembre 2004, M. Mitchell a envoyé à M. O’Donnell un courriel dans lequel il déclarait qu’il avait rencontré le surintendant Morris le 14 novembre et que ce dernier ainsi qu’un caporal nommé examineraient le dossier et feraient part de leurs commentaires au début de la semaine suivante. Il a indiqué que [traduction] « [q]uand j’ai rencontré Mike, je lui ai suggéré de recommander la suspension de la cote de fiabilité de la fonctionnaire en raison des problèmes de propos trompeurs qui perduraient. L’approche issue des Ressources humaines ne s’est pas avérée une solution jusqu’à maintenant » (pièce 3, page 2).

723 M. O’Donnell a répondu ce qui suit le 24 novembre 2004 (pièce 3) :

[Traduction]

[…]

Pour lancer le processus, je suggère que nous commencions par une entrevue de sécurité pour préparer le terrain à toute autre action. Si nous jugeons qu’il est nécessaire pour des raisons de sécurité de suspendre sa cote, nous devons avoir de l’information solide pour que l’agent de la sécurité ministérielle n’ait pas de doute en approuvant toute demande.

D’après tout ce qui a été écrit jusqu’à maintenant, je suis certain que cette étape est justifiée, et les résultats de cette étape pourraient être déterminants pour toute action subséquente, comme la révocation ou le licenciement.

[…]

724 Le lendemain, M. Donnell a reçu de M. Mitchell une réponse dans laquelle ce dernier l’informait qu’il avait noté sa suggestion et qu’il avait avisé le surintendant Morris qu’il devrait [traduction] « […] détailler/documenter toute la chronologie des questions pour en faire une justification plus exhaustive ». Il a déclaré que la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique ne prendrait pas d’autres mesures tant qu’il n’aurait pas reçu le dossier plus complet du surintendant Morris et le rapport d’enquête du sergent Lennox sur l’allégation de la fonctionnaire selon laquelle le sergent d’état-major Beach aurait commis une infraction à la sécurité (pièce 3).

725 M. O’Donnell a déclaré qu’il ne se souvenait pas de quelle enquête interne il parlait à la pièce 3, mais il a convenu en contre-interrogatoire qu’il s’agissait probablement de la note de service du 19 novembre 2004 du surintendant Morris (pièce 29, onglet C-35). Cette note de service portait sur la fonctionnaire et elle était adressée au surintendant principal Lanthier, au surintendant principal Dingwall et à l’agent responsable de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, M. Mitchell. M. O’Donnell a précisé que, lorsqu’il a écrit qu’il fallait des [traduction] « motifs légitimes », il voulait dire que les motifs mentionnés dans la note de service du surintendant Morris n’étaient pas fondés à l’époque. Il n’avait aucune raison de douter de la véracité de la note de service, mais cette dernière ne contenait rien de concret qui lui aurait permis de conclure qu’il ne s’agissait pas simplement d’une question de rendement et qu’il y avait des motifs légitimes pour lancer une enquête de sécurité. Il croyait que certains incidents mentionnés dans la note de service du surintendant Morris, comme le fait que la fonctionnaire aurait sorti des documents des dossiers et pris des papiers sur une imprimante, justifieraient une évaluation de l’honnêteté, de l’intégrité, de la fiabilité et du comportement trompeur de la fonctionnaire, mais qu’il ne serait pas convenable d’examiner tous les incidents, à moins qu’on puisse les lier entre eux. De plus, il fallait pouvoir considérer d’autres points de vue que celui du surintendant Morris, comme des éléments de preuve fournis par d’autres personnes impliquées dans les incidents.

726  M. O’Donnell a déclaré que, normalement, un incident isolé n’entraîne pas la révocation d’une cote de sécurité, à moins que l’infraction soit grave. On recueille avec le temps des preuves concrètes qui mèneraient une personne raisonnable à conclure qu’un examen de la sécurité est la bonne mesure à prendre. Dans son courriel de réponse à M. Mitchell, M. O’Donnell a indiqué qu’il fallait de l’information solide pour révoquer une cote de sécurité. Il estimait qu’une entrevue de sécurité pouvait servir à recueillir les preuves concrètes requises, même si ce n’est pas obligatoire. Il a précisé qu’il existe un guide pour les entrevues de sécurité. Bien qu’il soit général, ce guide contient des questions détaillées sur des sujets comme les antécédents personnels, les problèmes liés au travail, le comportement criminel et la vulnérabilité des membres de la famille directe aux pressions malintentionnées.

727 Quand on lui a demandé pendant l’interrogatoire principal s’il savait si une entrevue de sécurité avait été réalisée, M. O’Donnell a déclaré qu’il ne pouvait pas se prononcer avec certitude à ce sujet, mais qu’il croyait que M. Briske avait mené une entrevue de sécurité avec la fonctionnaire à un moment donné. Quand on lui a dit en contre-interrogatoire que M. Briske n’avait pas réalisé l’entrevue en question, il a admis qu’il avait eu tort et s’est excusé.

728 Pendant l’interrogatoire principal, quand on lui a parlé du courriel du 17 décembre 2004 (pièce 4) envoyé par M. Mitchell au surintendant Morris et dans lequel M. Mitchell dit qu’il croit avoir suffisamment d’information pour recommander la révocation de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, M. O’Donnell a déclaré que l’information envoyée à l’agent de la sécurité ministérielle comprenait la note de service du 29 novembre 2004 du surintendant Morris, de même que le rapport Briske d’examen du dossier et tous ses documents joints montrés à la pièce 1, onglet 5, annexes A à V. Cependant, l’agent de la sécurité ministérielle voulait que l’information soit corroborée par d’autres personnes que le surintendant Morris. Le 21 décembre 2004, M. O’Donnell a envoyé à M. Mitchell et au surintendant Morris, un courriel dans lequel il demandait des clarifications concernant la [traduction] « […] preuve de la capacité et de la décision d’entrer incorrectement […] » des données dans le système du Centre d’information de la police canadienne et les [traduction] « […] cas précis de tromperie pouvant être corroborés par d’autres personnes », même si ces clarifications pouvaient leur sembler répétitives (pièce 5, page 2).

729 En contre-interrogatoire, on a interrogé M. O’Donnell sur les documents de la pièce 5. Dans le premier document, on y retrouve un courriel qu’il a reçu le 17 décembre 2004 du surintendant Morris dans lequel il déclare avoir reçu une transcription de l’enregistrement secret de la fonctionnaire dans le cadre de la réunion disciplinaire du 3 novembre 2004, et que, selon lui, bien qu’il ne soit pas criminel, ce comportement était contraire à l’éthique. Le dernier courriel est une correspondance envoyée le 6 ou le 8 janvier 2005 [cette ligne du courriel est brouillée], dans laquelle il informe le surintendant Morris et M. Mitchell que la Direction de la sécurité ministérielle appuierait une demande officielle de suspension de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire.

730 En contre-interrogatoire, concernant les échanges de courriels de la pièce 5, on a demandé à M. O’Donnell ce qui lui avait fait changer d’idée entre son courriel du 21 décembre 2004 et celui du 6 ou du 8 janvier 2005, dans lequel il indique que le surintendant principal Lanthier et lui-même avaient discuté de l’affaire en général et avaient déterminé qu’il y avait assez d’ éléments de preuve pour suspendre la cote de sécurité pour un motif valable et qu’une demande officielle pourrait être soumise à l’agent de la sécurité ministérielle. M. O’Donnell a déclaré que le surintendant principal Lanthier avait plus d’expérience que lui dans le domaine des infractions à la sécurité, et qu’après avoir examiné toute la documentation qu’ils avaient déjà reçue, le surintendant principal Lanthier et lui-même avaient conclu ensemble qu’il y avait assez d’ éléments de preuve pour aller de l’avant et qu’il n’était pas nécessaire de mener une entrevue de sécurité. De plus, il a souligné que M. Mitchell lui avait donné, le 17 décembre 2004, la transcription de trois pages de l’enregistrement fait par la fonctionnaire dans le cadre de la réunion disciplinaire du 3 novembre 2004 dans le bureau du surintendant Morris (pièce 29, onglet C-41).

731 En contre-interrogatoire, toujours concernant la pièce 5, M. O’Donnell a déclaré que l’étape clé du processus de révocation de la cote de fiabilité de la GRC était la suspension, et qu’il n’avait jamais vu une réfutation assez bonne pour annuler une suspension.

732 M. O’Donnell a également déclaré qu’en mars 2005, à la demande du surintendant principal Lanthier, il a effectué un examen complet des dossiers de sécurité (pièces 147 et 148, et pièce 34, onglet 83) à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. Cet examen a été réalisé en réponse à une demande du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique.

733 Le 21 février 2006, le SESG a présenté des arguments au nom de la fonctionnaire à l’audience au dernier palier de la procédure de règlement des griefs concernant son licenciement (pièce 147). Le 27 février 2006, André Letourneau, directeur, Relations de travail et droits de la personne, a envoyé au surintendant principal Lanthier une copie des arguments écrits du SESG, ainsi que dix pages des notes de la fonctionnaire qui y étaient jointes, pour obtenir ses commentaires. Il a envoyé les documents pour pouvoir terminer la présentation des Ressources humaines et la transmettre au commissaire Zaccardelli pour que ce dernier puisse prendre une décision au dernier palier de la procédure de règlement de grief (pièce 147).

734 M. O’Donnell a déclaré qu’il savait que le syndicat soutenait que le processus d’examen de la sécurité avait été mené de mauvaise foi, car il avait servi à licencier la fonctionnaire et était donc une mesure disciplinaire déguisée. Ses instructions étaient d’examiner le dossier pour vérifier qu’il était complet et que les décisions qui avaient été prises étaient [traduction] « bel et bien fondées sur les faits ». En plus d’examiner les documents à Ottawa, il a examiné physiquement chaque page du dossier conservé à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, qui contenait les notes de M. Briske, les entrevues des personnes impliquées dans le dossier et la correspondance entre la fonctionnaire et la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. Il a aussi parlé à M. Briske. Il n’a pas vu les transcriptions dans le dossier et il ne se souvenait pas d’avoir vu la présentation du 6 avril 2005 de la fonctionnaire dans les documents joints (pièce 1, onglet 8) au dossier.

735 M. O’Donnell a répondu à M. Letourneau dans une note de service le 11 avril 2006 (pièce 148). Il a déclaré qu’une cote de fiabilité de la GRC pouvait être révoquée en vertu de la Politique sur la sécurité du gouvernement du Conseil du Trésor (pièce 1, onglet 1) quand une personne ne répond pas aux exigences ministérielles qui lui permettent de conserver cette cote. Il ne doit pas absolument y avoir eu une infraction à la sécurité ou une violation des règles de sécurité. Il a indiqué qu’il n’a rien trouvé pendant son examen complet du dossier qui aurait pu le convaincre que la fonctionnaire a été licenciée pour des raisons non liées à sa fiabilité. Selon lui, les éléments de preuve ont clairement démontré qu’elle avait délibérément menti ou trompé les cadres supérieurs en réponse à des allégations qui avaient été faites contre elle. Il a conclu que les mesures de sécurité qui avaient été prises étaient fondées, comme il se doit, sur les éléments de preuve dont disposaient les personnes qui les avaient prises.

736 En contre-interrogatoire, M. O’Donnell a rejeté la suggestion faite par l’avocat de la fonctionnaire qu’une des raisons pour lesquelles on lui avait demandé de réaliser un examen complet du dossier était que la GRC aurait prétendument mal agi. À sa connaissance, l’examen avait été lancé parce que la fonctionnaire avait interjeté appel en mars 2006 et qu’il fallait s’assurer que les mesures de sécurité qui avaient été prises étaient fondées comme il se doit sur l’information dont disposait la Direction de la sécurité ministérielle. M. O’Donnell a déclaré que le surintendant principal Lanthier n’avait pas participé à la rédaction de sa note de service à M. Letourneau (pièce 148), mais qu’il avait lu cette note et l’avait approuvée avant qu’elle soit envoyée.

737 M. O’Donnell a également convenu en contre-interrogatoire qu’il n’avait jamais eu de conversation avec le surintendant Morris sur la question de savoir si ce dernier comptait utiliser le processus de sécurité comme remplacement au processus disciplinaire pour se débarrasser de la fonctionnaire. Il a expliqué qu’il n’avait aucune raison de croire que c’était le cas et que son attention était concentrée sur la question de savoir si l’information appuyait leurs préoccupations en matière de sécurité et les mesures prises.

G. Décisions liées à la suspension des fonctions

738 Le surintendant principal Lanthier a déclaré que les processus de discipline et de sécurité de la GRC sont séparés et indépendants, mais que toutes ses décisions de suspension ou de révocation de la cote de fiabilité de la GRC sont communiquées par son bureau au Secteur des ressources humaines de la GRC et à l’employé concerné, parce qu’une des conditions d’emploi à la GRC est de détenir la cote de fiabilité de la GRC.

1. Témoignage du surintendant principal Clark

739 Le surintendant principal Clark a déclaré qu’il avait peu d’expérience dans les domaines de l’emploi à la fonction publique et des conventions collectives quand il a été nommé pour remplacer le surintendant Morris, en janvier 2005. Après sa nomination, il a eu des contacts fréquents avec le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique pour obtenir des conseils.

740 Le surintendant principal Clark a déclaré qu’il n’avait pas participé à la décision de suspendre la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire. Cependant, cette décision, prise par le surintendant principal Lanthier le 22 mars 2005, a joué un rôle important dans sa décision du 24 mars 2005 de suspendre la fonctionnaire de ses fonctions pour une période indéterminée, parce que sa cote de fiabilité de la GRC avait été suspendue. Le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique lui a envoyé une copie électronique de la lettre du 22 mars 2005 du surintendant principal Lanthier, ainsi qu’une lettre de suspension pour une période indéterminée. La lettre a été préparée avec sa signature et datée du 24 mars 2005. Elle devait être remise à la fonctionnaire et signée par celle-ci, ce qu’il a fait. Dans cette lettre, il avisait la fonctionnaire que, à la suite de la décision de l’agent de la sécurité ministérielle de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC en attendant les résultats d’un examen plus approfondi, elle était suspendue sans traitement à compter du 22 mars 2005, car elle ne répondait plus à l’une des conditions de son emploi et ne pouvait donc plus assumer les fonctions de son poste. Il notait aussi dans la lettre qu’elle avait le droit de contester cette décision dans un grief, conformément aux procédures de règlement des griefs des articles 91 et 92 de l’ancienne LRTFP (pièce 136).

741 En contre-interrogatoire, le surintendant principal Clark a déclaré qu’il avait été surpris d’apprendre du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique que le surintendant principal Lanthier avait suspendu la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire à compter du 22 mars 2005. Le surintendant principal Lanthier ne lui avait pas fait part de ses conclusions. La fonctionnaire était en congé de maladie. Le surintendant principal Clark avait rencontré la fonctionnaire et Mme Stangrecki le 16 mars 2005, sur les instructions du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, pour convenir d’une date de retour au travail pour la fonctionnaire. La fonctionnaire et le surintendant principal Clark s’étaient entendus sur le 5 avril 2005. Le surintendant principal Clark avait compris du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique que ce dernier croyait qu’aucune mesure de sécurité ne serait prise avant le retour au travail de la fonctionnaire, en avril. Il a aussi été surpris de constater que les options de la convention collective étaient si limitées pour les employés de la fonction publique. Il a noté que, lorsqu’il s’agit d’une suspension en attendant les résultats d’un examen, le membre de la GRC est habituellement suspendu avec traitement.

742 En contre-interrogatoire, le surintendant principal Clark a déclaré que la fonctionnaire lui avait envoyé, le 18 février 2005, un courriel dans lequel elle lui demandait officiellement un [traduction] « congé avec traitement pour circonstances exceptionnelles », d’une durée de six mois ou jusqu’à ce que la situation soit réglée. Elle lui a offert de venir lui faire entendre ses enregistrements de la réunion disciplinaire du 3 novembre 2004 et de l’incident du 28 octobre 2004 pour qu’il puisse [traduction] « […] décider si toute autre personne raisonnable ne se serait pas rendue malade avec tout ça ». Elle a dit que les circonstances justifiaient sa demande de congé payé (pièce 134). Le surintendant principal Clark a refusé d’écouter les enregistrements, car il ne pouvait pas lui accorder un congé payé pour circonstances exceptionnelles. Il a déclaré qu’il a transmis sa demande de congé au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, qui l’a soumise à la décision des Ressources humaines à Ottawa. Le 8 avril 2005, M. Letourneau a informé la fonctionnaire qu’il ne pouvait pas approuver sa demande de congé tant qu’elle était suspendue sans traitement (pièce 135). Le surintendant principal Clark a déclaré que sa décision de ne pas écouter les enregistrements n’avait rien à voir avec la décision du surintendant principal Lanthier de suspendre la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire un mois plus tard.

743 Au sujet du rapport Briske d’examen du dossier, le surintendant principal Clark a indiqué qu’il savait qu’une enquête de sécurité était en cours, et il se peut qu’il en ait discuté avec M. Mitchell et M. Briske, mais il ne se souvenait pas d’avoir été interrogé. Il se souvenait d’avoir été interrogé au sujet de plusieurs des incidents décrits dans le rapport et d’avoir envoyé des renseignements à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, comme on le lui a demandé.

744 Le surintendant principal Clark a envoyé plusieurs fois des courriels comme ceux du 28 juillet 2005 (pièce 7) à M. Mitchell afin de se tenir au courant de la progression de l’examen de l’agent de la sécurité ministérielle, mais il n’a jamais reçu de réponse. Il n’a jamais su ce que M. Mitchell faisait de ses courriels.

745 Le 4 août 2005, le surintendant principal Clark a écrit à la fonctionnaire pour l’informer du fait qu’en raison de la révocation de sa cote de fiabilité de la GRC par le surintendant principal Lanthier pour un motif valable, le 27 juillet 2005, elle ne répondait plus à l’une des conditions d’emploi et ne pouvait effectuer les tâches rattachées à son poste. On l’a informée que sa suspension sans traitement demeurerait en vigueur jusqu’à ce que l’employeur l’informe de la mise à jour de son statut d’emploi.

746 Le surintendant principal Clark a appris de la sous-commissaire Busson, en décembre 2005, que la fonctionnaire avait présenté 10 griefs entre le 16 février 2004 et le 27 septembre 2006, et que tous ces griefs avaient été renvoyés au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le 5 décembre 2005, le commissaire Zaccardelli a écrit à la fonctionnaire pour l’aviser qu’il rejetait tous les griefs et refusait de lui accorder les mesures correctives demandées (pièce 141, pages 3 à 6).

747 La sous-commissaire Busson a téléphoné au surintendant principal Clark le 16 décembre 2005 pour l’aviser que les griefs avaient été rejetés. Comme il n’était pas à son bureau lorsqu’ils se sont parlé, elle a fait appel au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique en son nom afin de recommander au commissaire Zaccardelli que l’on mette fin à l’emploi de la fonctionnaire pour un motif valable, puisque sa cote de fiabilité de la GRC avait été révoquée et que ses griefs sur la suspension et la révocation de sa cote de fiabilité de la GRC avaient été rejetés. Elle ne répondait donc plus à l’une des conditions de son emploi (pièce 141).

748 Le 3 janvier 2006, le commissaire Zaccardelli a envoyé une lettre à la fonctionnaire pour l’informer que, puisqu’elle ne répondait plus à l’une des conditions requises par son emploi à la GRC, il avait décidé de la licencier pour un motif valable, conformément à l’alinéa 12(1)e) de la LGFP, à compter de la date de la lettre (pièce 143).

749 Le surintendant principal Clark a reconnu en contre-interrogatoire que le licenciement de la fonctionnaire a en fait été mis en branle par le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, mais il a affirmé que c’était la seule option. Licencier la fonctionnaire était la seule conclusion logique, puisque sans sa cote de fiabilité de la GRC, une personne ne peut travailler à la GRC et ne peut même pas accéder aux installations de la GRC sans être escortée.

X. Les six autres griefs

750 Tel qu’il a été mentionné, la fonctionnaire a présenté un certain nombre de griefs contestant les décisions de l’employeur de suspendre sa cote de fiabilité de la GRC en attendant la réalisation d’un examen de sécurité plus approfondi; de la suspendre pour une période indéterminée, sans rémunération, parce que sa cote de fiabilité de la GRC avait été suspendue; de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC et de poursuivre sa suspension pour une période indéterminée, sans rémunération, jusqu’à ce que son statut d’emploi avec la GRC soit révisé à la lumière de cette révocation; puis de la licencier de la GRC.

A. Résumé des arguments

1. Pour l’employeur

751 Tel qu’il a été mentionné, l’employeur a soutenu que je n’avais pas compétence pour instruire ces griefs. La compétence d’un arbitre de grief, aux termes de la nouvelle LRTFP, est strictement limitée aux affaires qui s’inscrivent dans les limites de la portée de l’article 209.

752 L’employeur a fait remarquer que les griefs qui contestent ses décisions de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, de suspendre son emploi en raison de la suspension de sa cote de fiabilité de la GRC, avant de la suspendre pour une période indéterminée en raison de la révocation de sa cote de fiabilité de la GRC, puis de la licencier parce qu’elle ne possédait plus la cote de fiabilité de la GRC qu’elle devait avoir, ont été renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la nouvelle LRTFP.

753 L’employeura soutenu que,pour que j’aie compétence en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la nouvelle LRTFP, la fonctionnaire doit d’abord établir l’existence d’une mesure disciplinaire, puis que cette mesure disciplinaire a entraîné le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire.

754 L’employeur a soulevé que ses décisions étaient de nature administrative, et non disciplinaire, et qu’il n’y était donc pas question de la mesure disciplinaire requise pour que les griefs soient arbitrables en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la nouvelle LRTFP. En outre, quatre des décisions, c’est-à-dire la suspension et la révocation de la cote de fiabilité de la GRC, ainsi que les deux suspensions de l’emploi de la fonctionnaire, n’étaient pas non plus arbitrables aux termes du sous-alinéa 209(1)c)(i), qui ne traite que des décisions de « rétrogradation ou [de] licenciement » prises en vertu de la LGFP. Les griefs devraient donc être rejetés pour des raisons de compétence. Le dernier grief, qui porte sur le licenciement de la fonctionnaire, est arbitrable en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i), mais la compétence de l’arbitre de grief se limite à déterminer si le licenciement était motivé, comme il est précisé au paragraphe 12(3) de la LGFP. Puisque l’une des conditions d’emploi à la GRC est de posséder une cote de fiabilité de la GRC, l’employeur avait un motif valable pour licencier la fonctionnaire, étant donné qu’elle ne satisfaisait plus à cette condition; je devrais donc rejeter le grief.

755 L’avocate de l’employeur a soutenu que je n’ai pas compétence pour me pencher sur le bien-fondé des décisions de l’employeur de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, puisqu’elles étaient de nature administrative. Subsidiairement, l’avocate de l’employeur a fait valoir que, si je décidais d’examiner le bien-fondé des décisions de procéder à la révocation, à la suspension et au licenciement, ma compétence se limite à déterminer si l’équité procédurale a été respectée ou si ces décisions étaient empreintes de mauvaise foi. L’employeur m’a renvoyée à Braun c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2010 CRTFP 63, aux paragraphes 138 et 139, en tant qu’autorité pour le principe que, dans la mesure où la compétence d’un arbitre de grief s’étend à l’examen des décisions de révocation par un agent de la sécurité ministérielle, cette compétence est strictement limitée aux questions de mauvaise foi et d’équité procédurale.

756 À l’appui de son argument que l’octroi et la révocation d’une cote de fiabilité de la GRC sont à la seule discrétion de l’employeur et qu’il s’agit donc d’une question administrative, l’employeur m’a renvoyée à Kampman c. le Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel du Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-21656 et 21771 (19920110) (une demande de contrôle judiciaire présentée à la Cour fédérale du Canada pour infirmer la décision de la Commission a été rejetée dans le dossier A-84-92). Dans cette décision, l’arbitre de grief a indiqué que, puisque l’octroi et la révocation d’une cote de sécurité sont à la seule discrétion de l’employeur, il s’agit d’une question administrative, et l’arbitre de grief n’a compétence pour examiner une affaire que si cette discrétion, c’est-à-dire cette mesure administrative, a été exercée de mauvaise foi. L’employeur a souligné que le fardeau de la preuve reposait sur la fonctionnaire, qui devait démontrer que les décisions de suspension et de révocation étaient des mesures disciplinaires déguisées, ce qu’elle n’a pas fait.

757 L’employeur a présenté trois affaires, qu’il a ensuite décrites brièvement, afin d’établir le contexte de son objection préliminaire à la compétence. Il s’agit de Gill c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2009 CRTFP 19, Hillis c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2004 CRTFP 151, et de Myers c. Canada (Procureur général), 2007 CF 947. Il a soutenu que Hillis et Gill démontrent que la révocation d’une cote de sécurité est une décision administrative, et qu’aucun arbitre de grief n’a compétence pour en examiner le fond, outre pour déterminer s’il s’agit d’une mesure disciplinaire déguisée. Pour un examen sur le fond, Myers révèle que le redressement approprié est une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale. L’employeur a avancé que Gill établit également qu’un arbitre de grief, aux termes de la nouvelle LRTFP, n’a qu’un pouvoir discrétionnaire limité pour examiner l’équité procédurale d’une décision administrative. L’employeur a, plus tard, ajouté Spencer c. Administrateur général (ministère de l’Environnement), 2007 CRTFP 123, qui établit que les griefs doivent avoir été présentés en vertu de l’article 209 pour que je puisse avoir compétence pour les trancher.

758 En ce qui concerne les principes ou les critères qu’un arbitre de grief devrait employer pour déterminer si le geste d’un employeur était de nature administrative ou disciplinaire, l’employeur m’a renvoyée à deux décisions de la Cour fédérale : Canada (Procureur général) c. Basra, 2008 CF 606, et Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176. Le facteur principal est l’intention du décideur ayant pris la décision.

759 L’avocate de l’employeur a fait valoir que le surintendant principal Lanthier a expliqué le but de la Politique sur la sécurité du gouvernement du Conseil du Trésor (pièce 1, onglet 1) et la responsabilité qu’ont les ministères d’assurer son application et de régler les questions de sécurité. L’employeur m’a aussi renvoyée à la politique sur la sécurité du personnel de la GRC (pièce 1, onglet 3) et affirmé que c’est le surintendant principal Lanthier qui a pris les décisions de suspension et de révocation, et qu’il a agi dans le cadre de ses responsabilités en vertu de ces deux politiques.

760 L’employeur a soutenu qu’il avait établi que les décisions du surintendant principal Lanthier, c’est-à-dire de suspendre la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire en attendant un examen plus approfondi, puis de la révoquer pour un motif valable, étaient des décisions administratives dont la motivation n’était pas de lui imposer une mesure disciplinaire, mais bien de réelles préoccupations en matière de sécurité que le surintendant principal Lanthier avait au sujet de l’honnêteté de la fonctionnaire et de sa capacité d’être digne de confiance.

761 L’employeur a fait valoir que la preuve démontrait que le processus décisionnel qui est suivi pour révoquer une cote de sécurité ou une cote de fiabilité de la GRC est séparé et distinct du processus décisionnel pour les questions disciplinaires. Le témoignage du surintendant principal Lanthier montre qu’il prenait des précautions pour s’assurer de fonder ses décisions concernant les cotes de sécurité et de fiabilité de la GRC sur des préoccupations en matière de sécurité, et non sur des questions de rendement ou de gestion. Lorsqu’il a examiné le rapport Briske d’examen du dossier pour la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, il n’a retenu que 5 des 21 incidents décrits dans le rapport comme soulevant pour lui des préoccupations en matière de sécurité. Ces cinq incidents étaient précisés dans la lettre de suspension. Sa lettre de révocation à la fonctionnaire précisait qu’elle avait soulevé plusieurs questions de gestion dans les observations écrites qu’elle lui avait envoyées en réponse à sa lettre de suspension, que ces questions n’étaient pas de son ressort, et qu’il ne se pencherait que sur les questions en lien avec sa cote de fiabilité de la GRC.

762  L’employeur a passé en revue le témoignage du surintendant principal Lanthier pour comprendre pourquoi seulement 5 des 21 incidents énumérés dans le rapport Briske d’examen du dossier étaient pour lui des sources de préoccupations en matière de sécurité, et comment ces 5 incidents se sont transformés en 6 motifs dans sa lettre de révocation, puisqu’il a séparé l’un des incidents en deux points. Le surintendant principal Lanthier était d’avis que les 16 autres incidents soulevaient des questions de rendement ou de gestion qui n’avaient pas d’intérêt pour lui, puisque son mandat était limité aux questions de sécurité.

763 L’avocate de l’employeur a aussi contesté la façon dont la fonctionnaire a qualifié les incidents énumérés dans la lettre de révocation de simples [traduction] « malentendus » ou [traduction] « erreurs involontaires » de sa part.

764 L’avocate de l’employeur a ensuite passé en revue chacun des six incidents décrits par le surintendant principal Lanthier, en revenant sur les éléments de preuve produits pour expliquer pourquoi, selon le témoignage du surintendant principal Lanthier, le comportement que la fonctionnaire a adopté lors de ces incidents soulevait pour lui des préoccupations quant à sa fiabilité et à sa capacité d’être digne de confiance.

765 Pour ce qui est des allégations de la fonctionnaire que les décisions de suspension et de révocation prises par l’employeur étaient empreintes de mauvaise foi, l’employeur a soutenu que la preuve ne démontrait pas que le surintendant Morris ou le sergent d’état-major Beach avaient l’intention de lui imposer une mesure disciplinaire en transmettant leurs préoccupations relatives à la fiabilité de la fonctionnaire à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. Et même si la preuve démontrait cela, c’est le surintendant principal Lanthier, et non le surintendant Morris, qui a pris les décisions de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire pour un motif valable. Aucune preuve n’indique que le surintendant principal Lanthier était motivé par l’intention de corriger le comportement déplacé de la fonctionnaire en lui imposant une mesure disciplinaire. On ne peut donner une intention d’imposer une mesure disciplinaire au surintendant principal Lanthier à partir des intentions du surintendant Morris. Qui plus est, le surintendant principal Lanthier était un agent de la sécurité ministérielle d’expérience qui ne se serait pas laissé duper ou manipuler par le surintendant Morris, comme la fonctionnaire l’a allégué, pour qu’il procède de façon inappropriée à l’examen de sécurité. L’avocate de l’employeur a aussi souligné qu’il n’y avait aucune preuve de communications entre le surintendant principal Lanthier et le surintendant Morris ou M. Briske pendant l’examen de sécurité du surintendant principal Lanthier et lorsqu’il a conclu qu’il n’avait plus confiance en la capacité de la fonctionnaire de se montrer digne de confiance.

766 L’avocate de l’employeur a soumis qu’il se pouvait que les préoccupations du surintendant principal Lanthier concernant la fiabilité de la fonctionnaire tiraient leur source de l’inconduite de la fonctionnaire durant les incidents mentionnés. Cette possibilité ne fait pas en sorte que ses préoccupations soient moins réelles ou légitimes, et ne transforme pas ses préoccupations ainsi que ses décisions de suspension et de révocation en des mesures disciplinaires. L’honnêteté, l’intégrité et la capacité d’être digne de confiance d’une personne sont des qualités mises en valeur par son comportement. En outre, le comportement d’une personne peut entraîner des mesures disciplinaires, des mesures liées aux ressources humaines, ainsi que des préoccupations en matière de sécurité ou de fiabilité. Il n’y a rien de mal à ce qu’un employeur gère le comportement inacceptable d’un employé en explorant ces trois avenues, comme il l’a fait ici.

767 La suspension de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire était une décision provisoire qui s’appuyait sur l’information dont disposait le surintendant principal Lanthier à ce moment-là et qui justifiait une enquête plus approfondie avant la prise d’une décision définitive. La décision définitive de procéder à la révocation s’appuyait sur ses préoccupations concernant la fiabilité de la fonctionnaire, qui découlaient de son examen de toute l’information qu’il avait à sa disposition, notamment les longues observations de la fonctionnaire. À la suite de cet examen, il a perdu confiance dans la fiabilité et l’honnêteté de la fonctionnaire. C’est en s’appuyant sur cette opinion qu’il a révoqué sa cote de fiabilité de la GRC. L’employeur a soutenu que la fonctionnaire n’avait pas démontré que le surintendant principal Lanthier avait l’intention de lui imposer une mesure disciplinaire ou de corriger son comportement déplacé en la punissant lorsqu’il a pris la décision de suspendre sa cote de fiabilité de la GRC ou de la révoquer.

768 L’employeur a réfuté l’allégation de la fonctionnaire selon laquelle ses décisions de suspension et de révocation avaient été prises de mauvaise foi et avaient été motivées par le fait que le surintendant Morris aurait eu des comptes à régler avec la fonctionnaire ou qu’il aurait agi de façon inadéquate en lançant le processus d’examen de la sécurité plutôt que de gérer l’inconduite de la fonctionnaire à l’aide du processus de discipline ou d’un processus lié aux ressources humaines. L’avocate de l’employeur a noté que la preuve avait démontré que l’employeur s’était servi des trois méthodes pour gérer le comportement de la fonctionnaire durant la période en cause, et qu’il n’y a rien de mal à cela, puisqu’un même comportement peut soulever des préoccupations dans ces trois sphères.

769 L’employeur a aussi soutenu que c’est le surintendant principal Lanthier qui a pris les décisions de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, et qu’aucune preuve n’a révélé qu’il aurait agi de mauvaise foi en concluant qu’il était réellement préoccupé par le manque d’honnêteté et de fiabilité de la fonctionnaire ainsi que par sa capacité d’être digne de confiance. Il était un agent de la sécurité ministérielle expérimenté. Il a pris ses décisions de façon neutre et objective. La fonctionnaire n’a pas établi que le surintendant Morris l’aurait dupé ou manipulé afin de se servir de la question de la sécurité pour se débarrasser de la fonctionnaire après avoir constaté que les options relatives à la discipline et aux ressources humaines ne fonctionnaient pas pour mettre fin à son emploi.

770 L’employeur a examiné le processus décisionnel suivi par le surintendant principal Lanthier lorsqu’il a conclu qu’il croyait que le comportement de la fonctionnaire illustrait son manque d’honnêteté, de fiabilité et de capacité à être digne de confiance, et qu’on ne pouvait plus compter sur elle pour qu’elle n’abuse pas de la confiance qui lui était accordée. L’employeur a souligné que pour prendre sa décision, le surintendant principal Lanthier avait devant lui toute la documentation contenue dans la pièce 1, qui incluait : la note de service du 29 novembre 2004 rédigée par le surintendant Morris; le rapport Briske d’examen du dossier, de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique; le rapport d’infraction à la sécurité Hildebrand; le rapport du sergent Lennox; la plainte de harcèlement accueillie, que Mme Bailey avait déposée contre la fonctionnaire; de nombreuses fiches de rendement; deux longues observations détaillées rédigées par la fonctionnaire, l’une à l’intention de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique (datée du 27 janvier 2005) et l’autre à l’intention du surintendant principal Lanthier (datée du 6 avril 2005) en réaction à la suspension de sa cote de fiabilité de la GRC; de nombreuses transcriptions qu’elle avait faites de ses enregistrements de diverses interactions au bureau.

771 L’employeur a réfuté l’allégation de la fonctionnaire que le surintendant principal Lanthier n’avait pas respecté le principe d’équité procédurale dans son processus décisionnel qui l’a amené à révoquer sa cote de fiabilité de la GRC. L’employeur a maintenu qu’elle avait eu l’occasion de présenter des observations écrites sur les préoccupations du surintendant principal Lanthier en matière de sécurité avant qu’il prenne sa décision. L’employeur a répondu à ses allégations selon lesquelles le processus était inéquitable parce qu’on ne lui a donné que 14 jours pour y répondre, ce qui était insuffisant, parce qu’on ne lui a pas remis une copie du rapport Briske d’examen du dossier avant de répondre, parce que les descriptions des incidents qui étaient fournies dans la lettre de suspension étaient trop brèves ou trop vagues pour qu’elle puisse connaître toute la teneur du dossier qui était monté contre elle, et parce qu’elle n’avait pu profiter d’une entrevue de sécurité avec M. Briske ou avec le surintendant principal Lanthier avant que la décision de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC ne soit prise.

772 L’employeur a soutenu que le délai de réponse de 14 jours était celui prévu par l’article 5.2 de la politique sur la cote de fiabilité de la GRC, et qu’à la lumière de la longue réponse donnée par la fonctionnaire, ce délai était suffisant.

773 L’employeur m’a renvoyée à Gill et a distingué certains des faits propres à cette décision de ceux de la présente affaire. Ces faits ont amené l’arbitre de grief à conclure qu’il y avait eu des lacunes au niveau de l’équité procédurale relativement au licenciement qui a suivi la révocation de la cote de fiabilité de la GRC du fonctionnaire s’estimant lésé. L’employeur a aussi soutenu que, même si je devais relever des problèmes d’équité procédurale dans le processus décisionnel du surintendant principal Lanthier, les questions en litige ont été pleinement entendues pendant l’audience, et la fonctionnaire n’a avancé aucune nouvelle information que le surintendant principal Lanthier n’avait pas déjà devant lui lorsqu’il a pris sa décision. Par conséquent, d’après le principe énoncé dans Tipple,l’audience d’arbitrage a éliminé toute lacune qu’il aurait pu y avoir sur le plan des procédures.

774 L’employeur m’a aussi renvoyée à deux affaires impliquant des fonctionnaires s’estimant lésés qui avaient effectué des enregistrements clandestins au travail, c’est-à-dire North Bay General Hospital v. Canadian Union of Public Employees, Local 139 (2002), 110 L.A.C. (4e) 142, et British Columbia Hydro and Power Authority v. International Brotherhood of Electrical Workers, Local 258 (2002), 113 L.A.C. (4e) 337. L’avocate de l’employeur a soutenu que ces décisions démontraient que la façon dont la fonctionnaire a clandestinement fait des enregistrements au Bureau du district nord justifie l’imposition de mesures disciplinaires, et que le fait qu’elle les a effectués révèle un comportement trompeur et ajoute au fait qu’elle n’est pas digne de confiance.Elle a remis ces enregistrements à l’agent de la sécurité ministérielle dans le cadre de ses observations écrites.

775 L’avocate de l’employeur a affirmé qu’il y avait des problèmes de crédibilité entre la version des faits de la fonctionnaire et celles des témoins de l’employeur, plus précisément en ce qui concerne six incidents révélant le comportement de la fonctionnaire que le surintendant principal Lanthier a décrit comme étant, selon lui, source de préoccupations en matière de sécurité. L’employeur m’a renvoyée à Brown et Beatty pour expliquer la façon dont je pourrais soupeser la preuve et évaluer la crédibilité en présence de témoignages contradictoires. L’avocate de l’employeur m’a renvoyée plus précisément à Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (B.C.C.A.), mentionnée dans Brown et Beatty, de même qu’à Renaud c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel du Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-30897 et 30898 (20020416),à Trenholm c. Personnel des Fonds non publics des Forces canadiennes, 2006 CRTFP 66, et à Hickling c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2007 CRTFP 67.

776 L’employeur a demandé que les griefs soient rejetés pour manque de compétence.

2. Pour la fonctionnaire

777 L’avocat de la fonctionnaire a présenté six jours d’arguments oraux et fourni, en outre, deux longs documents d’observations écrites. Il a aussi produit trois recueils de jurisprudence, mais il n’a pas mentionné, dans son argumentation, toutes les affaires qu’ils contenaient.

778 L’avocat de la fonctionnaire a d’abord répondu à l’objection préliminaire de l’employeur relative à ma compétence. Il a affirmé que j’avais compétence pour entendre les griefs et examiner les décisions de révocation, de suspension et de licenciement de l’employeur au motif qu’elles avaient été prises de mauvaise foi, que le processus n’avait pas été raisonnable et qu’il n’avait pas respecté le principe d’équité procédurale. Il a ajouté que l’employeur devait établir que les décisions étaient raisonnables avant qu’il n’incombe à la fonctionnaire d’établir qu’il s’agissait de mesures disciplinaires déguisées.

779 L’avocat de la fonctionnaire a fait valoir qu’un fonctionnaire s’estimant lésé peut, en vertu de l’alinéa 209(1)b) ou du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la nouvelle LRTFP, présenter un grief pour contester un licenciement, et que ces deux dispositions législatives ont été évoquées lors du grief sur le licenciement dont je suis saisie. La révocation d’une cote de fiabilité de la GRC peut être ou non une mesure disciplinaire, et le sous-alinéa 209(1)c)(i) couvre clairement les griefs contestant les licenciements non disciplinaires.

780 L’avocat de la fonctionnaire m’a renvoyé à la décision de la Cour d’appel fédérale dans Kampman c. Canada (Conseil du Trésor) (C.A.), [1996] 2 C.F. 798, dans laquelle ce tribunal a confirmé que les questions non disciplinaires, comme les licenciements pour incapacité ou incompétence en vertu de l’article 31 de l’ancienne Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33 (l’« ancienne LEFP »), pouvaient être examinées par un tribunal du travail. Il m’a également renvoyé à la décision de la Cour fédérale dans Singh c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 577, qui soutient qu’un arbitre de grief a compétence pour entendre un grief de licenciement pour des motifs autres qu’un manquement disciplinaire ou une inconduite, ce qui, selon l’avocat de la fonctionnaire, inclurait la révocation d’une cote de sécurité. Il m’a également renvoyée à Zhang c. Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé), 2005 CRTFP 173, où la Commission a estimé avoir compétence et a examiné le bien-fondé de l’affaire, qui portait sur un licenciement découlant de la révocation d’une cote de sécurité.

781 Après avoir présenté les arguments de la fonctionnaire au sujet de la compétence, son avocat a parlé de ses observations. Il a commencé par brosser un tableau général du Bureau du district nord afin de mettre les griefs en contexte, avant de passer aux motifs cités et au processus suivi par le surintendant principal Lanthier lorsqu’il a pris les décisions de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire. D’après ce que j’ai compris des principaux arguments de l’avocat de la fonctionnaire, les caractéristiques suivantes étaient présentes au Bureau du district nord :

  • Il y avait de la tension, d’importantes frictions et des conflits de personnalités, sans égard à la question de savoir qui était à la source du problème.
  • La direction avait la ferme volonté de démontrer que la fonctionnaire manquait de crédibilité.
  • La direction s’est engagée dans la voie des préjugés, du discrédit et des mesures disciplinaires injustes contre la fonctionnaire.
  • La direction a systématiquement rejeté les plaintes de harcèlement de la fonctionnaire sans effectuer d’enquête adéquate.
  • La direction a surveillé la fonctionnaire de près, non pas pour l’aider, mais pour monter un dossier contre elle; ce faisant, elle lui a imposé un niveau de surveillance équivalant à du harcèlement personnel.
  • La fonctionnaire a subi un stress extrême en raison des gestes déplacés de la direction.

782 L’avocat de la fonctionnaire s’est ensuite appuyé sur ces caractéristiques pour soutenir que les affirmations suivantes établissaient que les décisions de révocation de l’employeur étaient empreintes de mauvaise foi et constituaient des mesures disciplinaires déguisées :

  • Les difficultés au Bureau du district nord étaient la responsabilité de la direction, qui ne les a jamais réglées adéquatement.
  • Le surintendant Morris et le sergent d’état-major Beach avaient des comptes à régler avec la fonctionnaire et voulaient qu’elle quitte le Bureau du district nord en la licenciant par n’importe quel moyen possible.
  • Le surintendant Morris a inventé plusieurs événements pour imposer des mesures disciplinaires injustes à la fonctionnaire. Le fait qu’un fonctionnaire s’estimant lésé exige beaucoup d’attention, qu’il soit vu comme un employé à  problème par la direction ou comme un irritant dans le lieu de travail, n’est pas un fondement suffisant pour alléguer de l’insubordination.
  • Le surintendant Morris, le sergent d’état-major Beach et Mme Bailey avaient tous un problème d’attitude à l’endroit de la fonctionnaire, ils avaient des préjugés contre ses plaintes et ils ne lui ont jamais accordé le bénéfice du doute.
  • Le surintendant Morris a agi de façon inappropriée en lançant le processus d’examen de sécurité, car s’il avait été un bon gestionnaire et qu’il avait agi de bonne foi, en présence de préoccupations légitimes relativement au comportement de la fonctionnaire, il aurait fait appel à une solution sur le plan des ressources humaines pour aider la fonctionnaire dès le mois d’août 2004, plutôt que de lui remettre la lettre énonçant les attentes et de commencer à lui imposer des mesures disciplinaires; en outre, en novembre 2004, s’il avait agi de bonne foi, il aurait fait appel à une solution sur le plan des ressources humaines ou de la discipline en réaction au comportement de la fonctionnaire, plutôt que de lancer le processus d’examen de sécurité.
  • Le surintendant Morris a agi de façon inappropriée lorsqu’il a initié le processus d’examen de sécurité en inventant et en exagérant plusieurs événements dans sa note de service du 29 novembre 2004 à l’agent de la sécurité ministérielle, afin de se débarrasser de la fonctionnaire lorsqu’il a vu qu’il n’arrivait pas à la licencier par des mesures disciplinaires ou des solutions liées aux ressources humaines. Son intention réelle n’était pas de protéger les intérêts de la GRC ou les autres employés, mais bien de se débarrasser d’elle.
  • Les actes déplacés du surintendant Morris ont miné tout le processus de révocation et ont démontré la mauvaise foi de l’employeur.
  • M. Briske, qui a mené l’enquête de sécurité de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, et le surintendant principal Lanthier, qui a réalisé l’examen à la Direction de la sécurité ministérielle, ont été trompés ou manipulés afin qu’ils mènent un examen de sécurité qui n’était pas nécessaire.
  • Le fait que M. Briske estimait que son rôle à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique était d’examiner et d’évaluer le dossier pour déterminer s’il appuyait la révocation de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire révèle qu’il ne l’a pas examiné de façon objective.
  • Le fait que M. Briske a décrit 21 incidents illustrant le comportement de la fonctionnaire afin d’appuyer sa recommandation de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire et que le surintendant principal Lanthier n’a retenu que 5 de ces 21 incidents démontre que la direction faisait preuve de mauvaise foi lorsqu’elle a entamé le processus d’examen de sécurité dans le but de se débarrasser d’elle. Tout compte fait, les 21 incidents découlaient de problèmes de rendement ou de gestion et auraient dû être réglés au moyen d’une solution relative aux ressources humaines ou, au pire, au moyen de mesures disciplinaires.
  • Le fait que l’employeur a compilé la pièce 1, soit nun énorme cartable de documents sur la fonctionnaire, en vue de l’examen du surintendant principal Lanthier, ce qui démontre que sa motivation réelle était de se débarrasser d’elle et qu’il a agi de mauvaise foi.

783 L’avocat de la fonctionnaire a soutenu que, dans bien des cas, on m’a présenté deux versions des événements et que je devrais soupeser attentivement les observations de la fonctionnaire au moment d’évaluer la crédibilité des témoins de l’employeur qui ont décrit ces événements par rapport à celle du témoignage de la fonctionnaire.

784 L’avocat de la fonctionnaire a soutenu que, même si les versions données par l’employeur étaient vraies, aucun des incidents sur lesquels il s’est appuyé pour révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire ne soulevait de préoccupations sur les plans de la sécurité ou de la fiabilité. Tout au plus, ils ont soulevé des problèmes disciplinaires.

785 L’avocat de la fonctionnaire a soutenu qu’au moment d’évaluer la crédibilité de la fonctionnaire, je devrais porter une grande attention aux éléments de preuve. Il a déclaré que je constaterais alors que ce que l’on a prétendu être des mensonges et une conduite trompeuse étaient en fait des malentendus ou des erreurs involontaires. L’avocat a soutenu que, même s’il s’agissait de mensonges, l’employeur n’a pas démontré qu’il en découlait des problèmes de sécurité. Elle n’aurait certainement pas dû perdre son emploi pour cette raison.

786 L’avocat de la fonctionnaire a également soulevé qu’il y avait eu de graves manquements à l’équité procédurale dans le processus de l’employeur qui a mené à la décision de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire. Il a mentionné notamment le fait que la lettre de suspension de la cote de fiabilité de la GRC de l’employeur décrivait des incidents préoccupants dans des termes trop vagues pour permettre à la fonctionnaire de préparer et de présenter ses arguments, qu’on ne lui a pas remis de copie du rapport Briske d’examen du dossier avant qu’elle prépare sa réplique, ainsi elle ne connaissait pas tous les arguments qu’elle devait contrer en vue de présenter sa défense, qu’on ne lui a donné que 14 jours pour répondre à la lettre de suspension, que ni M. Briske ni le surintendant principal Lanthier avaient été neutres et objectifs lorsqu’ils ont examiné le dossier, et que ni l’un ni l’autre n’a effectué d’entrevue de sécurité avec elle pour lui permettre de leur raconter sa version des faits. L’avocat a aussi affirmé que tant M. Briske que le surintendant principal Lanthier ont omis de réaliser des enquêtes adéquates avant de respectivement recommander et décider de procéder à la révocation, et qu’ils avaient des préjugés contre la fonctionnaire en raison de la note de service mensongère envoyée par le surintendant Morris le 29 novembre 2004.

787 L’avocat de la fonctionnaire a ensuite passé en revue de nombreux éléments de preuve à l’appui des arguments de la fonctionnaire selon lesquels sa cote de fiabilité de la GRC a été révoquée, et qu’elle a fini par être licenciée en raison de cette révocation non pas parce qu’elle constituait une source réelle de préoccupations sur les plans de la sécurité ou de la fiabilité pour l’employeur, mais plutôt parce que ce dernier a fait preuve de mauvaise foi et lui a imposé une mesure disciplinaire déguisée en se servant du processus d’examen de sécurité pour se débarrasser d’elle.

3. Réplique de l’employeur

788 L’employeur a contesté la position de la fonctionnaire, malgré la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Commission, qu’en vertu de la nouvelle LRTFP, un arbitre de grief a compétence pour examiner le caractère raisonnable des décisions de suspension et de révocation de l’employeur. L’avocate de l’employeur m’a renvoyée aux affaires qu’elle avait présentées précédemment, c’est-à-dire Myers, Hillis, Gill et Braun, qui confirment que la révocation d’une cote de fiabilité de la GRC est une décision administrative à propos de laquelle la compétence de la Commission se limite à l’examiner afin de déterminer si elle est empreinte de mauvaise foi ou s’il y a eu un manquement au principe de l’équité procédurale. Si la fonctionnaire voulait contester le bien-fondé des décisions de l’employeur qui sont en cause, elle devait le faire au moyen d’un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

789 L’employeur a répondu à chacun des dix points énoncés dans l’argumentation écrite de la fonctionnaire.

790 L’employeur a contesté les affirmations de l’avocat de la fonctionnaire selon lesquelles aucun des incidents sur lesquels le surintendant principal Lanthier s’est appuyé pour révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire ne soulevait de réelles préoccupations en matière de sécurité ou de fiabilité, et que cela permettait d’établir que l’employeur avait agi de mauvaise foi. L’employeur a souligné que c’est le surintendant principal Lanthier qui a pris les décisions de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC, et qu’aucune preuve ne permettait de conclure qu’il avait des comptes à régler avec la fonctionnaire ou que ses décisions et ses préoccupations en matière de sécurité étaient des supercheries. En outre, même si, comme la fonctionnaire l’a allégué sans toutefois l’établir par des éléments de preuve, le surintendant Morris avait des comptes à régler avec elle, aucune preuve n’indique qu’il aurait trompé ou manipulé le surintendant principal Lanthier pour se servir de façon inadéquate du processus d’examen de sécurité pour licencier la fonctionnaire. La preuve a révélé que l’agent de la sécurité ministérielle avait pris soin, aussi bien au cours du processus d’examen de sécurité que pour ses décisions de suspension et de révocation, de bien séparer les questions liées à la gestion et au rendement et les questions de sécurité.

791 L’avocate de l’employeur a soutenu que les processus d’enquête et de prise de décision étaient objectifs, neutres et exhaustifs. L’employeur a relevé des distinctions par rapport à Lo c. Le Conseil du Trésor (Secrétariat du Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 166-02-27825 (19980514), citée par la fonctionnaire, et a affirmé que, dans cette affaire, l’employeur n’avait pas mené d’enquête indépendante en réaction aux plaintes de la fonctionnaire s’estimant lésée, contrairement à ce que l’employeur a fait dans ce cas-ci. L’enquête et le rapport du sergent d’état-major Hildebrand étaient exhaustifs. Contrairement à Lo, je n’ai devant moi aucune preuve suggérant que le processus d’examen de sécurité suivi par le surintendant principal Lanthier était une supercherie visant à camoufler des intentions disciplinaires.

792 L’employeur a ajouté que la fonctionnaire n’avait pas prouvé son allégation que le surintendant Morris avait incorrectement substitué le processus d’examen de sécurité au processus disciplinaire pour gérer son comportement. Et même s’il avait fait cela, cette présumée intention disciplinaire ne peut être imputée au surintendant principal Lanthier, qui a pris les décisions de révocation.

793 L’employeur a aussi réfuté les déclarations de l’avocat de la fonctionnaire selon lesquelles la direction a inventé des histoires contre la fonctionnaire, sans qu’il soit précisé de quelles histoires il s’agit, et qu’elle a conspiré pour se débarrasser d’elle.

794 L’employeur a déclaré que la crédibilité des parties était en jeu en ce qui a trait aux différentes versions relatées par la fonctionnaire et par les témoins de l’employeur; il m’a renvoyée à plusieurs décisions pour m’aider à évaluer leur crédibilité.

795 L’employeur a soutenu que le témoignage de la fonctionnaire concernant plusieurs événements manquait d’uniformité par rapport à la position documentée qu’elle avait prise dans ses courriels, et qu’elle avait sérieusement déformé les éléments de preuve, tant ceux issus de la documentation que ceux issus de son témoignage oral.

796 L’employeur a affirmé que les transcriptions par la fonctionnaire de ses enregistrements clandestins de conversations au bureau ne prouvaient pas ses versions des événements. En contrepartie, ce comportement, bien qu’il ne soit pas criminel, était plutôt une indication que l’on ne pouvait lui faire confiance.

797 En somme, l’employeur a déclaré que la fonctionnaire n’était pas parvenue à établir que les décisions de suspension et de révocation prises par le surintendant principal Lanthier n’étaient pas fondées sur des préoccupations liées à la sécurité et qu’elles étaient plutôt une forme de sanction disciplinaire. Elle n’est pas non plus parvenue à établir que les décisions étaient empreintes de mauvaise foi ou qu’elles ne respectaient pas le principe d’équité procédurale. Ces décisions étaient de nature administrative, et non de nature disciplinaire. Par conséquent, je devrais rejeter les griefs, faute de compétence.

B. Demande visant à présenter des observations supplémentaires

798 Le 7 mai 2013, l’avocat de la fonctionnaire a demandé l’autorisation de présenter des observations supplémentaires sur l’applicabilité de la décision rendue le 31 janvier 2012 dans Nasrallah c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2012 CRTFP 12. Le 9 mai, l’avocate de l’employeur s’est opposée à la demande de la fonctionnaire et a demandé à ce qu’elle soit rejetée, car le processus d’audience était déjà long, la communication des observations finales avait déjà eu lieu et il n’était pas nécessaire de prolonger cette affaire encore plus. L’avocate de l’employeur a fait remarquer qu’il y avait eu d’autres décisions pertinentes depuis la fin de la période de dépôt des observations finales sur ces griefs, comme la décision du 11 avril 2011 dans Shaver c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 43, qui nécessiteraient que l’on dépose de nouvelles observations.

799 Après avoir pris en considération les commentaires de l’avocat et examiné les longues observations finales déjà déposées par les parties, et ce, à la suite d’une très longue audience, et puisque j’étais déjà en train de finir de rédiger l’ébauche de ma décision, j’ai rejeté la demande de la fonctionnaire de déposer de nouvelles observations sur l’applicabilité de Nashrallah aux griefs dont je suis saisie. Cette décision a été communiquée aux parties au moyen d’une lettre envoyée le 21 mai 2013 par le greffe de la Commission.

XI. Motifs

800 Je demeure saisie de six griefs qui soulèvent trois grandes questions. En premier lieu, il y a la question des décisions de suspendre puis de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire. Ensuite, il y a la décision de l’employeur de suspendre la fonctionnaire sans salaire pour une durée indéterminée, de façon rétroactive au premier jour de la suspension de sa cote de fiabilité de la GRC. Enfin, il y a la question de son licenciement parce qu’elle ne répondait plus à l’une des conditions d’emploi, puisqu’on avait révoqué sa cote de fiabilité de la GRC.

801 Si les décisions de l’employeur de suspendre puis de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire étaient considérées comme non disciplinaires, alors les contestations de la fonctionnaire selon lesquelles l’absence de représentation syndicale aux réunions où l’employeur lui a remis les avis de suspension et de révocation constitue une violation des dispositions de la convention collective sur la discipline, ne sont pas valables. Rien dans la convention collective n’empêche l’employeur de remettre à un employé des communications de nature non disciplinaire sans qu’un représentant syndical soit présent.

802 Les faits à la base de ces six griefs peuvent être résumés ainsi :

  • Le 4 novembre 2004, l’inspecteur Clark a transmis le rapport d’infraction à la sécurité Hildebrand sur l’enquête menée au sujet d’une présumée infraction à la sécurité par la fonctionnaire, à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique pour faire un suivi, ainsi qu’au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique pour obtenir des conseils en matière de discipline, en raison des commentaires contenus dans le rapport sur la question de la crédibilité de la fonctionnaire au cours de l’enquête.
  • Le 10 novembre 2004, le surintendant Morris a envoyé un message à l’officier responsable de la Gestion des ressources humaines de la Région du Pacifique, à l’attention du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, dans lequel il décrivait comment la fonctionnaire avait de nouveau agi de façon trompeuse et menti à son superviseur. Il a parlé de l’incident du 29 octobre 2004 à l’imprimante, du rapport du caporal Flewelling sur le courriel manquant et de l’enquête en cours, menée par le sergent d’état-major Hildebrand, pour déterminer si elle avait commis une infraction à la sécurité en retirant des dossiers opérationnels les documents décrivant les directives que son superviseur lui avait données. Il a conclu en disant qu’à la fin de la suspension de la fonctionnaire, le 23 novembre 2004, il l’aviserait qu’elle n’est plus la bienvenue au Bureau du district nord.
  • Le 19 novembre 2004, le surintendant Morris a écrit un courriel de deux pages à la Direction de la sécurité ministérielle à Ottawa, à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique et au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, après que celui-ci l’a informé que la fonctionnaire enregistrait clandestinement les conversations au Bureau du district nord. Dans le courriel, il a décrit plusieurs incidents au travail qui, selon lui, ont révélé que la fonctionnaire manquait complètement d’intégrité et d’honnêteté, et qu’on ne pouvait s’y fier pour qu’elle s’acquitte de ses fonctions d’une façon qui soit digne de confiance. Il a demandé conseil au sujet de la cote de sécurité de la fonctionnaire.
  • Dans un échange de courriels survenu après le 19 novembre 2004, on a dit au surintendant Morris qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour lancer un examen de sécurité sur la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire sur la foi des renseignements qu’il avait fournis dans son courriel. On lui a dit qu’il fallait obtenir plus que son témoignage sur les événements.
  • Le surintendant Morris a demandé au superviseur immédiat de la fonctionnaire, le sergent d’état-major Beach, de préparer un rapport détaillé sur ses interactions avec elle. Outre cette directive générale, le surintendant Morris ne lui a donné aucune directive sur la forme ou le contenu du rapport.
  • Le 29 novembre 2004, le surintendant Morris, en s’appuyant sur le rapport du sergent d’état-major Beach, sur ses propres dossiers et sur ses expériences avec la fonctionnaire, a envoyé un courriel détaillé de huit pages à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, dans lequel il a présenté une chronologie des événements à l’appui de ses préoccupations concernant le maintien de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire. Cette chronologie couvrait une période allant des premiers mois de 2001, lorsqu’elle a commencé à travailler au Bureau du district nord, jusqu’au 22 novembre 2004, après la fin de la suspension disciplinaire de 10 jours, lorsqu’elle est partie en congé de maladie. Le surintendant Morris a terminé son courriel en demandant conseil, après avoir déclaré que la conduite trompeuse avérée de la fonctionnaire mettait le Bureau du district nord dans une position où on ne pouvait plus avoir l’assurance qu’elle exécute ses fonctions de façon fiable et digne de confiance. En continuant de lui faire confiance, on mettrait l’organisation dans une situation de risque élevé en matière de responsabilité.
  • Après avoir reçu la note de service du 29 novembre 2004 envoyée par le surintendant Morris à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, et après avoir échangé de nombreux courriels, M. Briske a mené une enquête sur ce dossier. Le supérieur de M. Briske, M. Mitchell, a examiné le rapport Briske d’examen du dossier, puis l’a envoyé à la Direction de la sécurité ministérielle à Ottawa, le 12 février 2005, accompagné de la recommandation de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire.
  • Le 27 janvier 2005, la fonctionnaire a rédigé une réponse détaillée au courriel du 29 novembre 2004 du surintendant Morris, et elle a adressé cette réponse à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. Elle ne l’a toutefois pas envoyée immédiatement.
  • Le 9 février 2005, la fonctionnaire a présenté des observations détaillées à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, mais elles ont été reçues après que le rapport de M. Briske a été envoyé à la Direction de la sécurité ministérielle à Ottawa, le 12 février 2005.
  • Le 22 mars 2005, on a remis à la fonctionnaire une lettre de l’agent de la sécurité ministérielle, le surintendant principal Lanthier, indiquant que sa cote de fiabilité de la GRC avait été suspendue en attendant un examen plus approfondi visant à déterminer si elle devait être révoquée pour un motif valable. La lettre mentionnait cinq incidents, ou motifs, et lui donnait 14 jours pour présenter des observations écrites à l’agent de la sécurité ministérielle avant qu’une décision définitive soit prise concernant la révocation de sa cote de fiabilité de la GRC pour un motif valable.
  • Le 24 mars 2005, une lettre du surintendant principal Clark informait la fonctionnaire qu’elle était suspendue sans salaire pour une période indéterminée, à compter du 22 mars 2005, car elle ne répondait plus à l’une de ses conditions d’emploi, puisqu’elle avait perdu sa cote de fiabilité de la GRC.
  • Le 6 avril 2005, la fonctionnaire a présenté de longues observations écrites à l’agent de la sécurité ministérielle en réponse à la suspension de sa cote de fiabilité de la GRC.
  • Le 27 juillet 2005, le surintendant principal Lanthier a envoyé à la fonctionnaire une lettre indiquant qu’il avait examiné sa réponse du 6 avril 2005, qu’elle avait soulevé plusieurs questions de gestion qui ne relevaient pas de lui, et qu’il ne se pencherait que sur les questions en lien avec sa cote de fiabilité de la GRC. Il a énuméré six incidents au cours desquels elle a adopté un comportement qu’il trouvait préoccupant, et il a conclu qu’il était convaincu qu’on ne pouvait plus compter sur elle pour qu’elle n’abuse pas de la confiance qui lui était accordée, et que, compte tenu de ces conclusions, il y avait un motif valable pour révoquer sa cote de fiabilité de la GRC à compter du 27 juillet 2005.
  • Le 4 août 2005, on a envoyé à la fonctionnaire une lettre du surintendant principal Clark lui indiquant que sa suspension sans salaire pour une période indéterminée se poursuivrait en attendant que l’on prenne une décision concernant son emploi, puisqu’elle ne répondait plus à l’une des conditions d’emploi requises pour exercer ses fonctions.
  • La fonctionnaire a présenté (à différentes dates) six griefs en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la nouvelle LRTFP afin de contester les décisions de révocation et de suspension, ainsi que deux griefs pour contester le refus de l’employeur de lui accorder une représentation syndicale lorsqu’il lui a remis les lettres révélant les décisions de suspension et de révocation et les documents connexes, en vertu de l’alinéa 209(1)b) et de l’article 17 (discipline) de la convention collective. Elle a allégué que les décisions de révocation et de suspension prises par l’employeur étaient des mesures disciplinaires déguisées qui avaient été imposées sans motif valable et de mauvaise foi.
  • Le 8 décembre 2005, on a remis à la fonctionnaire une lettre du commissaire Zaccardelli lui indiquant que tous ses griefs avaient été rejetés au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.
  • Le 6 janvier 2006, on a licencié la fonctionnaire avec motif, puisque sans sa cote de fiabilité de la GRC, elle ne répondait plus à l’une de ses conditions d’emploi.
  • Le 27 septembre 2006, la fonctionnaire a présenté un grief contestant son licenciement en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la nouvelle LRTFP.

803 Au début de l’audience, l’avocate de l’employeur a soulevé une objection préliminaire relative à ma compétence à titre d’arbitre de grief assujettie à la nouvelle LRTFP, pour entendre les six griefs. Après avoir écouté les observations des deux parties, j’ai reporté ma décision après avoir conclu que je devais entendre les éléments de preuve sur le bien-fondé de l’affaire avant de pouvoir rendre une décision sur cette objection. Cette décision porte donc à la fois sur la question de la compétence et sur le bien-fondé des griefs pour lesquels j’ai compétence.

804 La première question à laquelle je dois répondre est celle portant sur ma compétence, à titre d’arbitre de grief nommée en vertu de la nouvelle LRTFP, pour entendre ces griefs.

A. Compétence relative à la révocation d’une cote de fiabilité de la GRC

805 L’employeur a soutenu que je n’avais pas compétence pour me pencher sur les contestations de la fonctionnaire concernant les décisions de l’employeur de suspendre et de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC et concernant la suspension et le licenciement de la fonctionnaire qui en ont découlé parce qu’elle ne répondait plus à l’une des conditions de son emploi à la suite de cette révocation. La fonctionnaire, de son côté, a soutenu que j’avais compétence, d’abord parce que ces décisions étaient en fait de nature disciplinaire et non administrative, ensuite parce que, même si elles étaient administratives, j’avais compétence pour les examiner afin d’établir si l’employeur, dans l’exercice de sa discrétion sur des questions administratives, a fait preuve de mauvaise foi, a enfreint le principe de l’équité procédurale ou a agi de façon déraisonnable.

806 La portée de la compétence des arbitres de griefs nommés par la Commission est limitée et définie par la nouvelle LRTFP. Alors que les employés ont un droit général de présenter des griefs en vertu de l’article 208, la liste des questions qui peuvent être renvoyées à l’arbitrage est beaucoup plus limitée. Pour être arbitrable, un grief doit respecter les critères énoncés à l’article 209, qui précise les types de griefs qui peuvent être renvoyés à l’arbitrage.

807 Comme on l’a mentionné, les présents griefs ont été renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la nouvelle LRTFP.

808 Voici une partie du libellé de l’article 209 de la nouvelle LRTFP :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale,

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que […] manquement à la discipline ou une inconduite,

[…]

809 Voici maintenant les alinéas 12(1)d) et e) de la LGFP :

12. (1) Sous réserve des alinéas 11.1(1)f) et g), chaque administrateur général peut, à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable,

[…]

d) prévoir le licenciement […] toute personne employée dans la fonction publique dans les cas où il est d’avis que son rendement est insuffisant;

e) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement […] d’une personne employée dans la fonction publique […]

810 Voici enfin le paragraphe 12(3) de la LGFP :

12. (3) Les mesures disciplinaires, le licenciement ou la rétrogradation découlant de l’application des alinéas (1)c), d) ou e) ou […] doivent être motivés.

811 Par conséquent, pour que j’aie compétence pour me pencher sur la révocation de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire et sur la suspension de son emploi pour une période indéterminée découlant de cette révocation, les décisions de révocation et de suspension de l’employeur doivent être considérées comme étant [traduction] « une mesure disciplinaire entraînant » l’un des résultats énumérés à l’alinéa 209(1)b) de la nouvelle LRTFP, ou une [traduction] « rétrogradation ou [un] licenciement », comme il est mentionné à l’alinéa 209(1)c). Si les griefs portent sur des questions concernant les conditions d’emploi de la fonctionnaire, mais qu’ils ne respectent pas les critères de l’article 209, son recours pour contester la décision de l’employeur n’est pas la procédure d’arbitrage, mais plutôt d’autres tribunes, comme une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

812 À la lecture de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la nouvelle LRTFP, je constate que les décisions de l’employeur de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire et de suspendre son emploi ne sont arbitrables qu’en vertu de l’alinéa 209(1)b), puisqu’elles n’impliquent pas une rétrogradation ou un licenciement, ce qui est clairement une exigence aux termes du sous-alinéa 209(1)c)(i). Son grief de licenciement est arbitrable en vertu du paragraphe 209(1), puisqu’il porte sur un licenciement. Il peut être renvoyé à l’arbitrage, que le licenciement ait été fait pour un motif disciplinaire ou non. De plus, il fallait qu’il soit motivé, comme le précise le paragraphe 12(3) de la LGFP.

813 Les deux parties m’ont renvoyée à plusieurs décisions, rendues par des cours et des tribunaux, qui portaient sur la question de savoir si la révocation de la cote de sécurité d’un employé relevait de la compétence d’un arbitre de grief ou de différends.

814 Les deux parties ont reconnu que la jurisprudence dans des affaires de nature judiciaire et arbitrale démontrait que les arbitres de grief avaient une compétence très limitée pour examiner la suspension et la révocation de la cote de sécurité d’un employé par un employeur. La jurisprudence a démontré que, traditionnellement, ces décisions sont de nature administrative et que la Commission n’a pas compétence pour les entendre, sauf si des éléments de preuve démontrent, selon la prépondérance des probabilités, que ces décisions sont des mesures disciplinaires déguisées plutôt que des mesures administratives, ou qu’elles sont empreintes de mauvaise foi ou ne respectent pas le principe d’équité procédurale à un point tel que la tenue d’une audience de novo (nouvelle) devant un arbitre de grief ne permet pas de redresser la situation.

815 Cette approche en matière de compétence a été bien expliquée par les arbitres de grief dans Leblanc c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-25267 (19940615), décision à laquelle on renvoie dans Braun.

816 Au paragraphe 135, l’arbitre de grief dans Braun a déclaré ceci :

[135] Il est généralement accepté qu’une suspension sans solde en attendant une enquête et la suspension ou la révocation d’une cote de fiabilité ne sont pas présumées constituer a priori des mesures disciplinaires. Toutefois, cette hypothèse générale n’exclut pas le concept de mesure disciplinaire déguisée […]

817 Dans Leblanc, l’arbitre de grief a déclaré ceci à la page 3 :

[…]

J’ai examiné toute la preuve ainsi que les décisions pertinentes qui m’ont été citées. L’octroi et la révocation de la cote de fiabilité approfondie est du ressort exclusif de l’employeur, et, à ce titre, est de nature administrative. La révocation de la cote de fiabilité ne tombe alors pas sous l'empire de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Cela dit, je pourrais être habilité à examiner l’affaire uniquement si l’employeur avait exercé son pouvoir discrétionnaire de mauvaise foi […]

[…]

818 L’arbitre de grief dans Braun devait déterminer si les décisions de l’employeur de suspendre sans salaire le fonctionnaire s’estimant lésé, puis de révoquer sa cote de sécurité, étaient de nature administrative ou s’il s’agissait plutôt de mesures disciplinaires déguisées. Elle a déclaré ce qui suit aux paragraphes 139 et 140 :

[139] Il importe de noter que mon rôle ne consiste pas à décider si je souscris aux décisions ou si elles étaient raisonnables. Je ne siège pas en appel ni ne suis saisi du contrôle judiciaire de ces décisions. J’examine une objection à ma compétence. La même situation a prévalu dans Frazee, affaire dans laquelle la Cour fédérale a formulé le commentaire suivant au sujet de la jurisprudence :

[…]

[21] La jurisprudence indique que la question n’est pas de savoir si la mesure prise par l’employeur est mal fondée ou mal exécutée mais plutôt si elle constitue une mesure disciplinaire visant la suspension […]

[…]

[140] Je peux exercer ma compétence sur les griefs seulement si la preuve étaye une conclusion de mesure disciplinaire déguisée. En outre, comme l’a mentionné la Cour fédérale dans Frazee, « […] les sentiments d’un employé qui estime avoir été traité injustement n’ont pas pour effet de convertir une mesure administrative en mesure disciplinaire […] »

819 Je remarque que l’affaire dont je suis saisie porte sur la révocation de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, qui a été rapidement suivie de la suspension sans salaire de la fonctionnaire, puis de son licenciement parce qu’elle n’avait plus sa cote de fiabilité de la GRC. À l’opposé, Braun porte sur un fonctionnaire s’estimant lésé qui a été suspendu avec salaire en attendant la tenue d’une enquête sur sa présumée inconduite. On a ensuite suspendu, puis révoqué sa cote de sécurité. Je ne crois cependant pas que cette différence dans l’ordre des événements soit importante relativement à l’argument selon lequel une décision de révocation de la cote de sécurité d’un employé est de nature administrative et que l’on doive produire des éléments de preuve démontrant qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée.

820 Dans Hillis, une décision à laquelle m’a renvoyée l’employeur, l’arbitre de grief devait déterminer si la décision de licencier la fonctionnaire après la révocation de sa cote de sécurité était en fait une mesure disciplinaire déguisée. L’arbitre de grief a formulé la conclusion suivante au paragraphe 149 :

[149] Je n'ai trouvé aucune preuve de mauvaise foi susceptible de m'inciter à conclure que le licenciement constituait ou se voulait une mesure disciplinaire déguisée. J'ai également conclu que le processus décisionnel de l'employeur était équitable, malgré quelques lacunes, qui ont été corrigées par la présente procédure d'arbitrage. Je n'aurais pas le pouvoir de rétablir la cote de fiabilité de la fonctionnaire s'estimant lésée, ni aucune raison de le faire de toute manière.

821 Je remarque également que dans Gill, au paragraphe 152, une décision à laquelle l’employeur m’a renvoyé, la détermination de la nature administrative de la décision de révoquer la cote de sécurité ne change pas, même en l’absence d’allégation de mesure disciplinaire. Dans cette affaire, l’arbitre de grief, même s’il a conclu que les droits à l’équité procédurale du fonctionnaire s’estimant lésé ont été bafoués, a établi dans les termes suivants les paramètres relativement à la compétence :

[152] Je conclus que la décision de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé était une mesure administrative et qu’elle a été prise pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline. Pour demeurer saisi de l’affaire, il faudrait que je sois convaincu que l’employeur a agi de mauvaise foi ou qu’il n’a pas respecté le droit du fonctionnaire s’estimant lésé à l’équité procédurale.

822 L’avocat de la fonctionnaire a fait valoir qu’un arbitre de grief a compétence pour examiner le bien-fondé d’une décision de l’employeur de révoquer une cote de sécurité, même si cette décision était de nature administrative, afin de déterminer si les motifs étaient raisonnables. Il a ajouté qu’il incombait à l’employeur d’établir que la décision de révocation était raisonnable, et que la fonctionnaire n’aurait le fardeau d’établir que les actes de l’employeur étaient une forme de mesure disciplinaire déguisée, n’avaient pas été commis de bonne foi ou ne respectaient pas le principe de l’équité procédurale que si je concluais que les actes de l’employeur étaient raisonnables. On ne m’a présenté aucune décision de la Commission ou de la Cour fédérale indiquant qu’un arbitre de grief nommé en vertu de la nouvelle LRTFP possédait une compétence aussi large.

823 L’avocat de la fonctionnaire a reconnu que la jurisprudence des tribunaux et des commissions d’arbitrage laissait entendre qu’il faut établir que les gestes de l’employeur sont de nature disciplinaire pour que j’aie compétence pour examiner les décisions de l’employeur de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC. Cependant, la fonctionnaire a soutenu qu’un examen attentif des antécédents législatifs démontrait que les limites de ma compétence pour examiner le bien-fondé de ces décisions provenaient de l’article 31 de l’ancienne LEFP, et que cet article a été abrogé en 1993. L’avocat a affirmé que la jurisprudence de la Commission et de la Cour fédérale ne s’applique pas, car elle repose sur la compétence des arbitres de grief qui était limitée par la loi aux termes de l’ancienne LRTFP, d’avant 1992, ou parce qu’elle ne tient pas compte de la façon dont les modifications de 1992 à l’ancienne LRTFP ont accru la compétence des arbitres de grief concernant les licenciements de nature non disciplinaire. L’avocat a affirmé que de nos jours, grâce à ces modifications législatives, il incombe à l’employeur d’établir que ses décisions de révocation étaient raisonnables avant que la fonctionnaire ait à démontrer qu’il s’agissait de mesures disciplinaires déguisées.

824 J’ai examiné attentivement les arguments de l’avocat de la fonctionnaire. Je ne suis pas convaincue que les juges de la Cour fédérale et les arbitres de grief de la Commission qui ont rendu ces décisions au fil des ans, depuis 1992, aient mal interprété la portée de la compétence légale d’un arbitre de grief nommé en vertu de la nouvelle LRTFP. Je suis d’avis que, pour que les griefs contestant la révocation de la cote de fiabilité de la GRC et la suspension de la fonctionnaire dont je suis saisie soient arbitrables, je dois déterminer que les décisions de l’employeur étaient des mesures disciplinaires au sens de l’alinéa 209(1)b), qu’elles n’étaient pas empreintes de mauvaise foi ou que l’employeur a respecté le principe d’équité procédurale en exerçant sa discrétion administrative. Mon rôle ne consiste pas à évaluer le caractère raisonnable de la décision de révoquer la cote de fiabilité de la GRC.

825 En outre, à partir du moment où l’employeur établit que ses décisions de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC et de suspendre la fonctionnaire parce qu’elle ne possède plus cette cote de fiabilité de la GRC étaient de nature administrative, le fardeau revient à la fonctionnaire d’établir que ces décisions étaient de nature disciplinaire.

826 Avant d’examiner la jurisprudence sur la façon dont un arbitre de grief doit déterminer si les actes d’un employeur sont administratifs ou s’il s’agit de mesures disciplinaires déguisées, je dois me pencher sur une autre objection préliminaire concernant la compétence de la Commission.

B. Compétence pour entendre une affaire portant sur un licenciement découlant de la perte de la cote de fiabilité de la GRC

827 Tel qu’il a été mentionné, un grief contestant le licenciement d’un employé relève de la compétence d’un arbitre de grief aux termes du paragraphe 209(1) de la nouvelle LRTFP. Un licenciement doit être motivé, comme il est précisé au paragraphe 12(3) de la LGFP. Par conséquent, la compétence légale d’un arbitre de grief pour entendre des griefs de licenciement a une plus grande portée en vertu de la nouvelle LRTFP.

828 La question que je dois trancher est de savoir si le licenciement de la fonctionnaire était motivé, comme l’exige le paragraphe 12(3) de la LGFP.

829 Il n’est pas contesté que la cote de fiabilité de la GRC est une condition d’emploi pour travailler pour l’employeur selon les dispositions de la politique de la GRC, que la cote de fiabilité de la GRC, qui a remplacé la cote de fiabilité approfondie à un certain moment au cours de la période visée, est la cote de sécurité la plus basse qui soit admissible, et que cette cote doit être maintenue tout au long de la période d’emploi.

830 L’avocate de l’employeur a soutenu que, puisque le fait de posséder une cote de fiabilité de la GRC valide est une condition d’emploi pour tous les postes à la GRC, dans cette affaire, le licenciement était motivé par le fait que la fonctionnaire ne répondait plus à une condition d’emploi à partir du moment où l’on a révoqué sa cote de fiabilité de la GRC. L’avocat de la fonctionnaire a affirmé qu’il n’y avait pas de motif valable, puisque les décisions de l’employeur de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, puis de la licencier, étaient empreintes de mauvaise foi, ne respectaient pas le principe d’équité procédurale et n’étaient pas raisonnables, et qu’elles devraient donc être annulées.

831 Selon moi, la fonctionnaire ne répondait plus à l’une des conditions de son emploi puisqu’elle ne possédait plus de cote de fiabilité de la GRC. Par conséquent, l’employeur avait un motif valable pour la licencier en vertu du paragraphe 12(3) de la LGFP, à moins que la fonctionnaire puisse établir que le processus qui a mené à la décision de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC et entraîné la détermination qu’elle ne répondait plus à l’une des conditions de son emploi était empreinte de mauvaise foi ou ne respectait pas le principe d’équité procédurale.

C. Mesure disciplinaire

832 Tel qu’il a été mentionné, pour trancher la question de la compétence, je dois déterminer si les décisions de suspension et de révocation étaient des mesures disciplinaires au sens de l’article 209 de la nouvelle LRTFP. De nombreuses décisions de la Cour fédérale et de la Commission se sont penchées sur ce qui était considéré comme une [traduction] « mesure disciplinaire », ainsi que sur la différence entre une [traduction] « mesure disciplinaire » et une [traduction] « mesure administrative » dans le contexte du travail.

833 On m’a renvoyée à de nombreuses affaires portant sur la jurisprudence actuelle concernant ces questions. Les décisions les plus utiles étaient Basra et Frazee, auxquelles les deux parties m’ont renvoyée. Ce sont des décisions de la Cour fédérale et j’y suis liée. Les parties se sont entendues sur les principes énoncés dans ces décisions, mais pas sur leur application aux faits en cause dans la présente affaire, en vue de déterminer si on a imposé une mesure disciplinaire à la fonctionnaire lorsqu’on a suspendu, puis révoqué sa cote de fiabilité de la GRC.

834 L’un des principes formulés dans Frazee est que la façon dont l’employeur qualifie sa décision ne peut être un facteur déterminant, puisque le concept de mesure disciplinaire déguisée est un élément de contrôle bien connu et nécessaire qui permet à un arbitre de grief de regarder au-delà de la motivation déclarée de l’employeur pour déterminer quelle était son intention réelle. Cette décision mentionnait également que le problème des mesures disciplinaires déguisées peut aussi être abordé en examinant les effets de la mesure sur l’employé. Comme il est écrit au paragraphe 24, « […] [l]orsque l’incidence de la décision de l’employeur est grandement disproportionnée par rapport au motif administratif qui est invoqué, la décision peut être considérée comme disciplinaire […] ».

835 Un autre principe clairement établi dans la jurisprudence est que ce n’est pas parce qu’un geste de l’employeur a des répercussions négatives sur un employé qu’il s’agit nécessairement d’une mesure disciplinaire. Le paragraphe 19 de Frazee et le paragraphe 17 de Basra indiquent tous deux que l’on trouve un résumé utile des décisions arbitrales et judiciaires sur la question de déterminer si la conduite d’un employeur équivaut à une mesure disciplinaire au paragraphe 7:4210 de Brown et Beatty, que voici :

[Traduction]

[…]

Afin de déterminer si un employé a fait ou non l’objet d’une mesure disciplinaire, les arbitres de grief examinent à la fois l’objet et l’effet de la mesure prise par l’employeur. La caractéristique essentielle de la mesure disciplinaire est une intention de corriger la mauvaise conduite d’un employé en le punissant d’une certaine façon. Une confirmation de l’employeur déclarant qu’il n’avait pas l’intention d’imposer une mesure disciplinaire suffit souvent, mais pas toujours, à régler la question.

Lorsque la conduite d’un employé est non coupable et/ou que l’objectif de l’employeur n’est pas de punir, toute mesure qui est prise sera généralement qualifiée de non disciplinaire. S’appuyant sur cette définition, des arbitres de grief ont déterminé que les suspensions qui exigent qu’un employé reste hors du travail en raison d’un problème de santé ou en attendant le règlement d’accusations criminelles ne sont pas des sanctions disciplinaires […]

[…]

836 Dans Frazee, on affirme qu’il n’est pas surprenant que l’un des principaux facteurs permettant de déterminer si un employé a fait l’objet d’une mesure disciplinaire concerne l’intention de l’employeur, comme on peut le voir au paragraphe 22 : « […] Il convient de se demander si l’employeur avait l’intention d’imposer une mesure disciplinaire et si la contestation de sa décision pouvait servir de fondement à une mesure disciplinaire ultérieure […] ». Au paragraphe 21, il est indiqué que la question n’est pas de savoir si la mesure prise par l’employeur est mal fondée ou mal exécutée, mais plutôt si elle constitue une mesure disciplinaire et si les sentiments d’un employé qui estime avoir été traité injustement n’ont pas pour effet de convertir une mesure administrative en mesure disciplinaire.

837 Un troisième principe qui n’a pas été contesté est qu’il est de la responsabilité de la fonctionnaire d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, les décisions de suspension et de révocation de l’employeur étaient incorrectes en ce sens qu’il les a prises afin de déguiser des mesures disciplinaires, qu’elles étaient empreintes de mauvaise foi ou que les procédures ayant mené à ces décisions n’étaient pas équitables.

838 Je dois maintenant appliquer les principes énoncés dans la jurisprudence à cette affaire, en commençant par la question de savoir si les décisions de l’employeur de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire étaient de nature administrative ou si elles avaient un aspect disciplinaire. L’employeur ne pouvait s’appuyer sur le processus d’examen de sécurité simplement pour éviter l’arbitrage pour avoir imposé une mesure disciplinaire à un employé. S’il n’a aucune préoccupation valable au sujet de la cote de fiabilité de la GRC d’un employé, il n’est pas correct de la révoquer.

839 Que les gestes de l’employeur aient été de nature administrative ou disciplinaire est une question de fait. Je dois examiner aussi bien le but que l’effet de ces actes pour déterminer leur vraie nature. La fonctionnaire avait le fardeau d’établir que les décisions de suspension et de révocation étaient des mesures disciplinaires déguisées.

840 En appliquant ces principes, l’employeur a soutenu que les décisions de suspension et de révocation étaient de nature administrative, puisque c’est le surintendant principal Lanthier qui les a prises et parce qu’elles étaient fondées sur ses préoccupations en matière de sécurité, qui découlaient du comportement de la fonctionnaire. En prenant ces décisions, il n’avait pas l’intention d’imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire ni de la punir dans le but de corriger son comportement. En appliquant les mêmes principes, la fonctionnaire a soutenu que ces décisions étaient de nature disciplinaire parce que le surintendant Morris et le sergent d’état-major Beach avaient des comptes à régler avec elle. L’employeur avait comme objectif de faire en sorte que ces décisions entraînent le licenciement de la fonctionnaire, ce que le surintendant Morris voulait, sans y parvenir à l’aide de mesures disciplinaires ou liées aux ressources humaines. Je me pencherai en détail sur les arguments et les faits qui appuient ces arguments.

841 Il n’a pas été contesté que, lorsque les décisions de suspension et de révocation ont été prises, le surintendant principal Lanthier était l’officier responsable de la Direction de la sécurité ministérielle. À ce titre, il était la seule personne, en vertu de la politique sur la sécurité du personnel de la GRC (pièce 1, onglet 3),à avoir le pouvoir de suspendre ou de révoquer une cote de fiabilité de la GRC pour un motif valable. Selon son témoignage, il est clair qu’il a effectivement pris les décisions en litige de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire pour un motif valable.

842 Le témoignage du surintendant principal Lanthier était franc et direct. Il a plus de 30 ans d’expérience au sein de la GRC, il a été un agent de la sécurité ministérielle expérimenté, et il a pris les décisions de suspension et de révocation en s’appuyant sur les éléments de preuve exhaustifs qu’il avait devant lui, après avoir examiné les documents et avoir obtenu l’aide de l’analyste du risque de sécurité expérimenté qu’il comptait dans son équipe à la Direction de la sécurité ministérielle, à Ottawa. Selon son témoignage, il ne connaissait pas la fonctionnaire, M. Briske, le sergent d’état-major Beach ou le sergent d’état-major Hildebrand, il ne connaissait le surintendant Morris que pour le poste qu’il occupait, et il n’a eu aucun contact avec l’une ou l’autre de ces personnes pendant son processus décisionnel. Son témoignage n’a pas été contredit.

843 Le surintendant principal Lanthier a affirmé que sa compétence se limitait à la sécurité de la GRC. Il doit être convaincu qu’il y a des problèmes de sécurité découlant de questions de confiance, d’honnêteté, de fiabilité et d’intégrité avant de prendre la décision de suspendre ou de révoquer une cote de fiabilité de la GRC pour un motif valable, car il comprend bien les conséquences d’une telle décision. Il n’a pas le pouvoir d’imposer des mesures disciplinaires. Le processus décisionnel qu’il suit à la Direction de la sécurité ministérielle pour procéder à une révocation est conçu pour éliminer les questions de discipline et de ressources humaines à propos desquelles il n’a pas de pouvoir ou d’intérêt.

844 Le surintendant principal Lanthier a indiqué qu’après avoir examiné le dossier et en avoir discuté avec l’analyste du risque de sécurité de son équipe qui l’a examiné en détail, il était convaincu que la situation justifiait la suspension de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire pour un motif valable, mais qu’il fallait procéder à une enquête plus approfondie avant de rendre une décision définitive. À ce moment-là, il était d’avis que, comme il était écrit dans la lettre de suspension du 22 mars 2005, la fonctionnaire avait donné des renseignements trompeurs et mensongers à Mme Bailey, au surintendant Morris, au sergent d’état-major Hildebrand et au sergent d’état-major Beach lors de cinq incidents, ce qui soulevait pour lui des préoccupations quant à sa fiabilité, à sa capacité d’être digne de confiance et à son honnêteté. Il lui a accordé 14 jours pour présenter des observations écrites.

845 Le surintendant principal Lanthier a indiqué que, lorsqu’il a décidé, en juillet 2005, de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire pour un motif valable, il avait devant lui toute la documentation exhaustive contenue dans le cartable portant le numéro de pièce 1. Les documents comprenaient trois longues observations écrites par la fonctionnaire pour expliquer sa version des événements. Deux de ces observations étaient adressées à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique et portaient les dates du 27 janvier 2005 et du 9 février 2005. Elle les a envoyées au surintendant principal Lanthier en avril 2005, en même temps que sa réponse à la lettre de suspension du 22 mars 2005. Elle a joint de nombreux autres documents à sa réponse, y compris les transcriptions qu’elle avait faites de ses enregistrements secrets.

846 Selon le surintendant principal Lanthier, la fonctionnaire n’a pas répondu aux préoccupations de sécurité qu’il avait soulevées dans la lettre de suspension. Il a conclu que bon nombre des points soulevés portaient sur des questions générales de gestion et de rendement qui n’étaient pas de son ressort. C’est ce qu’il a indiqué dans la lettre de révocation qu’il lui a écrite plus tard. Il était d’avis que son comportement lors des six incidents auxquels il a renvoyé dans la lettre de révocation démontrait un manque d’honnêteté, de capacité d’être digne de confiance et d’intégrité de sa part. Ces six incidents étaient les cinq incidents mentionnés dans la lettre de suspension, mais il en avait scindé un en deux.

847 Je conclus que l’employeur s’est acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer que les décisions de suspension et de révocation étaient de nature administrative. Il revient donc à la fonctionnaire d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, ces décisions étaient des mesures disciplinaires déguisées ou qu’elles étaient tellement empreintes de mauvaise foi ou à l’encontre du principe d’équité procédurale que la présente procédure d’arbitrage ne permet pas de redresser la situation.

848 L’avocat de la fonctionnaire a déclaré qu’il n’alléguait pas que le surintendant principal Lanthier avait une intention sournoise lorsqu’il a pris les décisions de suspension et de révocation, ou qu’il avait l’intention de s’en servir pour punir la fonctionnaire ou corriger son comportement. Il a plutôt avancé que le surintendant Morris avait agi de façon sournoise en lançant le processus d’examen de sécurité de façon inappropriée, et qu’il avait trompé, manipulé ou berné le surintendant principal Lanthier pour qu’il se serve de son pouvoir de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire pour un motif valable.

849 Selon les arguments de l’avocat de la fonctionnaire, j’ai compétence pour examiner la décision du surintendant principal Lanthier visant à révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire pour un motif valable, et ce, pour les raisons suivantes :

  • La mauvaise foi est une forme de mesure disciplinaire.
  • Le surintendant Morris a agi de façon inappropriée en lançant le processus d’examen de sécurité, car il a inventé ou exagéré des événements dans sa note de service du 29 novembre 2004 à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique.
  • Le lancement de l’examen de façon inappropriée par le surintendant Morris n’a pas été motivé par un désir de punir la fonctionnaire ou de corriger son comportement, mais bien parce qu’il voulait débarrasser le Bureau du district nord de sa présence au moyen de l’examen de sécurité, car il en avait été incapable en passant par les processus liés aux ressources humaines ou à la discipline.
  • La mauvaise foi du surintendant Morris a tellement affecté le processus de révocation de la cote de fiabilité de la GRC suivi par l’employeur que j’ai les motifs qu’il me faut pour entendre et accueillir les griefs.

850 L’avocat de la fonctionnaire n’a fourni aucun document faisant autorité pour appuyer cette nouvelle approche visant à établir quelles mesures disciplinaires étaient assujetties à ma compétence en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la nouvelle LRTFP.

851 Subsidiairement, l’avocat de la fonctionnaire a aussi soutenu que les six incidents sur lesquels le surintendant principal Lanthier s’est appuyé étaient mineurs et ne soulevaient aucune réelle préoccupation en matière de sécurité. Il a affirmé que le comportement de la fonctionnaire dont il est question ici soulevait des préoccupations en matière de ressources humaines ou, au pire, de discipline.

852 En ce qui concerne le dernier argument, si, comme l’avocat l’a soutenu, il n’accusait pas le surintendant principal Lanthier d’avoir agi de façon sournoise, il est alors difficile de voir quelque argument que ce soit indiquant qu’il aurait fait preuve de mauvaise foi dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. J’ai compris de l’argument subsidiaire de l’avocat que la fonctionnaire alléguait que l’agent de la sécurité ministérielle, en affirmant qu’il s’était appuyé sur le comportement de la fonctionnaire lors de ces six incidents pour conclure qu’il n’avait plus confiance dans l’honnêteté de la fonctionnaire et dans sa capacité d’être digne de confiance, faisait preuve de naïveté ou d’incompétence, et non de mauvaise foi, lorsqu’il a évalué la fiabilité de la fonctionnaire en s’appuyant sur ces incidents ou en se laissant duper de façon à ce qu’il s’y appuie. Même si c’était vrai, je ne vois pas comment cela me donnerait compétence pour examiner les décisions du surintendant principal Lanthier concernant la cote de fiabilité de la GRC au motif que la mauvaise foi est une forme de mesure disciplinaire. Cependant, au cas où mon raisonnement serait fautif, j’examinerai plus en profondeur les arguments de la fonctionnaire concernant la question de la mauvaise foi.

D. Mauvaise foi

1. Général

853 Pendant l’audience, la fonctionnaire a fait de nombreuses allégations qui semblaient se chevaucher et s’entrecroiser, et qui portaient sur d’autres sujets et préoccupations que ceux qui sont strictement soulevés dans les griefs dont je suis saisie et qui contestent les décisions de l’employeur de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité, car les mesures prises étaient des mesures disciplinaires déguisées qui ont été imposées de mauvaise foi et sans motif valable. L’avocat de la fonctionnaire n’a pas semblé alléguer que sa cliente avait été visée par quelque mesure disciplinaire que ce soit, déguisée ou non, par le truchement des décisions de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité. Il a plutôt semblé soutenir qu’elle n’avait pas été traitée de manière juste et équitable pendant qu’elle était à la GRC, en général, et notamment pendant le processus d’examen de sécurité.

854 J’ai la responsabilité de m’assurer que ma décision dans cette affaire porte uniquement sur les allégations et les observations contenues dans les griefs qui ont été présentés en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la nouvelle LRTFP, et dont je suis saisie. Je peux exercer ma compétence sur les griefs seulement si la preuve étaye une conclusion de mesure disciplinaire déguisée. Comme on l’a cité plus tôt de Braun, la Cour fédérale a statué dans Frazee que « […] les sentiments d’un employé qui estime avoir été traité injustement n’ont pas pour effet de convertir une mesure administrative en mesure disciplinaire […] ».

855 J’examinerai d’abord l’argument de l’avocat de la fonctionnaire selon lequel la mauvaise foi peut constituer la mesure disciplinaire dont j’ai besoin pour avoir compétence en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la nouvelle LRTFP.

856 À mon avis, la question est de savoir si la décision de l’employeur de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire pour un motif valable était fondée sur une raison légitime liée à la sécurité. La question de mauvaise foi est soulevée dans la mesure où la preuve de mauvaise foi peut justifier une conclusion que la décision de révoquer la cote n’était pas fondée sur une raison légitime liée à la sécurité et a servi à dissimuler une autre intention, comme celle d’imposer une mesure disciplinaire, ou une autre raison ultérieure, ce qui établit que la décision portait essentiellement sur un sujet pouvant être renvoyé à l’arbitrage en vertu de la nouvelle LRTFP.

857 Selon moi, la mauvaise foi ne peut pas être considérée par elle-même pour établir la compétence en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la nouvelle LRTFP. De plus, la recherche de mauvaise foi dans la prise de décisions de l’employeur est une recherche d’éléments de preuve quant aux motifs qui trahissent le véritable objet des griefs, lesquels doivent pouvoir être renvoyés à l’arbitrage en vertu de la nouvelle LRTFP. Je suis d’accord avec l’approche adoptée par l’arbitre de grief dans Braun. Cette dernière a déclaré ce qui suit au paragraphe 141 de sa décision portant sur un grief présenté en vertu de l’alinéa 209(1)b) :

[141] Outre son affirmation selon laquelle les décisions étaient de nature disciplinaire, le fonctionnaire a allégué que l’employeur a agi de mauvaise foi et qu’il y a eu de graves manquements à l’équité procédurale. Compte tenu du fait que la seule question sur laquelle je dois statuer consiste à déterminer si les décisions étaient de nature disciplinaire, j’estime que les allégations de mauvaise foi et de manquement à l’équité procédurale ne peuvent être prises en compte par elles-mêmes, mais pourraient être considérées comme des indicateurs de l’intention de l’employeur de prendre des mesures disciplinaires.

858 Je dois maintenant déterminer si les décisions de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire étaient fondées sur des motifs fallacieux ou ont été prises de mauvaise foi pour établir si elles étaient en fait des mesures disciplinaires déguisées, ce qui entrerait dans mon champ de compétence. J’examinerai d’abord les actions du surintendant principal Lanthier, puis les allégations de mauvaise foi contre le surintendant Morris.

2. Le surintendant principal Lanthier

859 Encore une fois, d’un côté, l’avocat de la fonctionnaire a déclaré spécifiquement qu’il n’alléguait pas que les décisions de l’agent de la sécurité ministérielle de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité étaient sournoises. Néanmoins, il a affirmé que certains des incidents énumérés par l’agent de la sécurité ministérielle n’étaient que des malentendus ou des erreurs involontaires entre la fonctionnaire et d’autres personnes et non pas des mensonges ou des actes de tromperie de la part de la fonctionnaire. De plus, il a expliqué que, même si je concluais que la version des faits de l’employeur était plus crédible que celle de la fonctionnaire et que cette dernière avait menti sur son comportement dans plusieurs des incidents, les six incidents, même s’ils se sont produits comme ils ont été décrits, n’auraient pas dû être examinés par l’agent de la sécurité ministérielle, car ils sont insignifiants et n’ont soulevé aucune préoccupation réelle en matière de sécurité. Au mieux, ces incidents ont soulevé des questions de discipline pour l’employeur et n’auraient pas dû coûter à la fonctionnaire son emploi. Je me pencherai sur les différents arguments de mauvaise foi dans l’exercice de la discrétion administrative de l’agent de la sécurité ministérielle.

860 Comme je l’ai mentionné, je n’ai pas compétence pour évaluer le bien-fondé des décisions du surintendant principal Lanthier de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité selon le critère raisonnable. Cependant, j’examinerai les six incidents sur lesquels il a dit s’être appuyé pour déterminer s’ils étaient assez insignifiants, comme le prétend la fonctionnaire, pour établir une preuve de motivation douteuse ou de mesure disciplinaire déguisée de sa part.

861 Voici les six incidents sur lesquels l’agent de la sécurité ministérielle a dit avoir fondé son opinion selon laquelle le comportement de la fonctionnaire donnait une impression négative de son honnêteté, de sa capacité d’être digne de foi et de son intégrité et sa conclusion qu’on ne pouvait plus se fier à elle pour ne pas trahir la confiance qu’on lui avait accordée :

[Traduction]

[…]

Je n’ai trouvé aucune preuve pour appuyer le courriel concernant la fin de la formation sur la sensibilisation au harcèlement que vous avez envoyé à Bonnie Bailey le 30 janvier 2003. Dans ce courriel, vous dites : « On est censé finir avant le 31 mars 2003 ».

Vous avez annoncé le 22 janvier 2003, pendant une réunion à Vancouver, que vous aviez proposé la candidature de plusieurs fonctionnaires pour la médaille du Jubilé de la Reine, et que vous aviez confié ces recommandations à Bonnie Bailey. Je note que les copies de ces recommandations ne sont ni signées ni datées par les candidats. Les enquêtes subséquentes ont établi que vous avez soumis les mises en candidatures après la réunion conjointe syndicale-patronale à Vancouver.

Le conseiller en matière de harcèlement et de droits de la personne a reçu des commentaires positifs concernant la réaction de M. Morris aux plaintes de harcèlement et son attitude à l’égard du harcèlement au travail. Aucun problème précis de harcèlement au District nord n’a été mentionné lors d’une réunion tenue le 3 octobre 2003 avec les chefs du service et les employés. Une enquête complète a été réalisée pour votre propre plainte de harcèlement et toutes vos allégations ont été jugées non fondées ou sans motif. Un examen subséquent de votre plainte a confirmé cette conclusion.

Vous avez d’abord dit au sergent d’état-major Hildebrand que vous n’aviez pas envoyé de correspondance à l’extérieur du bureau. Vous avez plus tard retiré votre déclaration et avez dit que vous aviez effectivement envoyé des rapports de continuation à la fonctionnaire Bouchard pour qu’elle les garde en lieu sûr. Je note que vous avez envoyé les rapports de continuation à Mme Bouchard avant même que le sergent d’état-major Hildebrand ne soit nommé pour réaliser l’enquête.

Vous avez saisi des données sur la circulation dans le système du CIPC correctement pendant plusieurs années, mais pour une raison inconnue, votre superviseur a dû prendre des mesures correctives et vous offrir de la formation additionnelle à ce sujet. Malgré les conseils et la formation additionnelle, vous avez continué d’entrer des numéros de dossier inexacts dans le système.

Le sergent Beach a imprimé un courriel pour ses dossiers. Vous avez pris ce courriel ainsi que des documents extérieurs sur une imprimante, et vous avez dit que tous ces papiers étaient à vous, mais vous avez plus tard montré au caporal Flewelling une copie du courriel du sergent Beach.

[…]

862 Il est clair dans les observations de la fonctionnaire que certains de ces six incidents portent sur des faits qui sont contestés. Les deux avocats ont invoqué la question de la crédibilité, particulièrement en ce qui concerne les témoignages contradictoires du surintendant Morris et de la fonctionnaire. Chaque partie a déclaré que le témoignage de l’autre devrait être considéré avec grande prudence pour diverses raisons.

863 Je ne crois pas que je doive régler tous les conflits factuels dans cette affaire, mais je dois tout de même en régler suffisamment pour pouvoir déterminer si le surintendant principal Lanthier a agi de bonne foi ou s’il a inventé des faits, ou a été amené par le surintendant Morris à inventer la justification de sécurité requise qui a servi à déguiser des intentions qui n’avaient rien à voir avec la fiabilité de la fonctionnaire pour son emploi à la GRC. Par ailleurs, comme je l’ai mentionné dans mes raisons de confirmer la suspension de 10 jours, pour déterminer quelle version des incidents je devrais croire, j’estime qu’il est plus efficace d’évaluer la crédibilité en examinant attentivement les éléments de preuve fournis par les témoins qu’en lançant des accusations générales de comptes à régler entre les parties. Malheureusement, quand j’examine les éléments de preuve contradictoires sur chaque incident pour évaluer la crédibilité, je me rapproche dangereusement de réaliser un examen du caractère raisonnable des décisions prises par l’agent de la sécurité ministérielle.

864 Je me pencherai maintenant sur les incidents utilisés par le surintendant principal Lanthier pour former son opinion que la révocation de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire était justifiée. Je commencerai par examiner plusieurs incidents pour lesquels les témoignages de la fonctionnaire et du surintendant Morris concordent.

865 Pour ce qui est de l’incident où la fonctionnaire aurait envoyé des documents à l’extérieur du bureau, qui est décrit dans la lettre de révocation, la fonctionnaire et l’employeur ont tous les deux produit en preuve une transcription de l’entrevue réalisée par le sergent d’état-major Hildebrand le 24 septembre 2004 avec la fonctionnaire en présence de sa représentante syndicale. Aucune des parties n’a relevé de divergences entre les deux transcriptions.

866 Le but de l’entrevue était de faire enquête sur une infraction alléguée à la sécurité qu’aurait commise la fonctionnaire au Bureau du district nord. Le sergent d’état-major Beach avait lancé l’examen en déposant une plainte en matière de sécurité ministérielle en mars 2004. Cette plainte a été acheminée par le supérieur du sergent d’état-major Beach, l’inspecteur Wheadon. Le sergent d’état-major Hildebrand a été nommé pour mener une enquête. Selon l’allégation d’infraction à la sécurité, la fonctionnaire avait sorti des documents des dossiers opérationnels du système du Centre d’information de la police canadienne et de son dossier personnel au Bureau du district nord.

867 Le sergent d’état-major Hildebrand a témoigné. Je l’ai trouvé très crédible. Il ne faisait pas partie du Bureau du district nord et il ne connaissait pas les parties. Il était un enquêteur objectif et expérimenté spécialisé dans les crimes majeurs, notamment les crimes liés à la drogue. Il n’avait jamais mené d’enquête sur une infraction à la sécurité commise par un fonctionnaire plutôt qu’un membre de la GRC, mais il a conclu que la fonctionnaire n’avait pas enfreint les règles de sécurité. Sa conclusion appuyait la position de la fonctionnaire. Il a conclu que la fonctionnaire avait violé la politique de la GRC sur la manipulation des dossiers opérationnels, mais comme son attention était sur les préoccupations de sécurité, il ne s’est pas attardé aux questions de gestion ou de discipline qui auraient pu découler de la violation de la politique.

868 Dans son rapport, le sergent d’état-major Hildebrand a conclu que la fonctionnaire n’avait pas enfreint les règles de sécurité, mais il a critiqué son comportement pendant l’enquête et a conclu qu’elle n’était pas crédible. Il a donné les trois raisons suivantes pour cette conclusion :

  • Quand elle a été interrogée, elle a modifié son récit pour que celui-ci concorde avec les faits. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas envoyé de documents à l’extérieur du bureau, puis elle a avoué qu’elle l’avait fait.
  • Elle a dit qu’elle avait envoyé les formulaires de rapport de continuation à Mme Bouchard pour qu’elle les conserve en vue de l’enquête du sergent d’état-major Hildebrand, puis elle a modifié son récit lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elle les avait envoyés avant qu’il soit affecté à cette enquête.
  • Elle a avancé que l’inspecteur Clark l’avait autorisée à envoyer les formulaires de rapport de continuation à Mme Bouchard, alors que l’autorisation visait une autre affaire non liée.

869 Quand l’inspecteur Clark a reçu le rapport, la conclusion du sergent d’état-major Hildebrand concernant la crédibilité de la fonctionnaire l’a préoccupé. Il a envoyé le rapport au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique pour une mesure disciplinaire possible et à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique pour un examen de la sécurité, parce que le comportement d’un employé peut soulever des préoccupations en matière de sécurité même si ce comportement ne constitue pas une infraction à la sécurité.

870 Dans sa réplique d’avril 2005 à l’agent de la sécurité ministérielle, la fonctionnaire a déclaré qu’elle avait dit [traduction] « toute la vérité » pendant l’enquête et au sergent d’état-major Hildebrand, et qu’elle n’avait pas changé son récit. Elle a aussi déclaré qu’elle n’avait pas changé son récit et qu’elle n’avait pas menti ou induit intentionnellement en erreur le sergent d’état-major Hildebrand. Voici son explication.

871 Quand on lui a demandé pendant l’entrevue si elle avait sorti des documents de quelque dossier que ce soit, la fonctionnaire a répondu que non. Elle a réitéré ce déni quand on lui a posé la question de nouveau. Son explication à l’audience semblait être qu’elle n’avait pas sorti de documents du bureau, car les originaux étaient toujours dans les dossiers opérationnels. Elle a fait des copies pour son usage personnel et les a envoyées par télécopieur à Mme Bouchard.

872 On a ensuite demandé à la fonctionnaire si elle avait [traduction] « pris » des documents à l’intérieur du bureau pour les donner à qui que ce soit à l’extérieur du bureau. Elle a répondu : [traduction] « Jamais. Je ne ferais pas ça ». Quand on lui a ensuite demandé si elle avait sorti des documents du bureau en [traduction] « les envoyant » à Mme Bouchard, elle a répondu : [traduction] « Non. Je les ai envoyés par télécopieur à une autre organisation de la GRC. »

873 La fonctionnaire a déclaré que son déni ne constituait pas un mensonge, parce qu’elle avait compris que le mot [traduction] « bureau » dans la question voulait dire [traduction] « à l’extérieur du District nord de la Division “E” », et non à l’extérieur du Bureau du district nord, à Prince George. Dans ce cas, envoyer des documents opérationnels par télécopieur du Bureau du district nord au détachement de Quesnel n’équivalait pas à les envoyer [traduction] « à l’extérieur du bureau ». Elle a insisté sur le fait qu’il s’agissait d’un malentendu au sujet de son témoignage et que le sergent d’état-major Hildebrand aurait dû lui demander des clarifications plutôt que tirer une conclusion hâtive sur sa crédibilité.

874 Je note que selon les éléments de preuve, du personnel est affecté à 35 détachements au District nord de la Division « E ». L’interprétation de la fonctionnaire du mot [traduction] « bureau » voudrait alors dire que le fait d’envoyer des documents opérationnels du Bureau du district nord à l’un ou l’autre de ces détachements ne serait pas les envoyer à l’extérieur du bureau. Je trouve cette explication difficile à croire.

875 La fonctionnaire a aussi déclaré qu’elle avait envoyé les documents à Mme Bouchard pour qu’elle les conserve en lieu sûr et qu’elle n’avait pas changé son récit. La transcription appuie le témoignage du sergent d’état-major Hildebrand. La fonctionnaire a soutenu lors de l’entrevue qu’elle avait envoyé les documents à Mme Bouchard pour qu’elle les conserve en attendant l’enquête du sergent d’état-major Hildebrand. Cependant, quand on lui a demandé comment c’était possible, puisque le sergent d’état-major Hildebrand n’avait pas encore été nommé pour mener l’enquête quand elle a télécopié les documents en mars, elle a dit qu’il fallait qu’elle vérifie les dates. Quinze minutes après la fin de l’entrevue, la fonctionnaire et sa représentante sont revenues et ont demandé de reprendre la discussion. Selon la transcription, la fonctionnaire a déclaré qu’elle n’était pas certaine que le sergent d’état-major Hildebrand allait être affecté à l’enquête quand elle a envoyé les documents par télécopieur, et qu’elle les avait envoyés pour qu’un membre du syndicat en ait une copie pour la personne qui serait nommée.

876 La fonctionnaire a donné une nouvelle explication à l’audience. Elle a déclaré que l’inspecteur Clark lui avait dit que le sergent d’état-major Hildebrand serait probablement nommé pour mener l’enquête.

877 La fonctionnaire a également déclaré lors de l’entrevue qu’elle avait le droit d’envoyer des documents par télécopieur (formulaires de rapport de continuation ou « documents opérationnels ») à un autre bureau de la GRC. Elle a indiqué : [traduction] « La GRC a le droit de posséder des renseignements de la GRC en tout temps ». Quand l’inspecteur lui a demandé si elle était certaine de cet énoncé, elle a répondu : [traduction] « Absolument ». Elle a ajouté qu’elle s’était informée auprès de l’inspecteur Clark, et que ce dernier lui avait dit : [traduction] « n’importe quoi pour une autre agence de la GRC est absolument correct ».

878 Selon le témoignage de l’inspecteur Clark, les déclarations de la fonctionnaire étaient fausses. Je note qu’il était une des rares personnes avec qui la fonctionnaire semblait s’entendre, qu’elle semblait avoir confiance en lui et penser qu’il était un observateur objectif et juste. Il a déclaré qu’elle ne lui avait pas montré les formulaires de rapport de continuation qu’elle avait envoyés par télécopieur et qu’il ne l’avait pas autorisée à envoyer ces documents à l’extérieur du bureau, comme elle l’a allégué. Il a précisé que les dossiers opérationnels de la GRC ne sont pas communiqués librement entre les bureaux de la GRC.

879 L’inspecteur Clark a déclaré que, en mai, la fonctionnaire lui a demandé une autorisation écrite concernant une demande qui avait été reçue d’un inspecteur affecté à une enquête sur un meurtre. Le temps est déterminant dans une enquête sur un meurtre, et tout le monde essaie de coopérer rapidement. L’inspecteur Clark a déclaré qu’il a pensé sur le coup que la demande de la fonctionnaire était curieuse, mais qu’il lui a tout de même donné l’autorisation écrite. Cette autorisation visait toutefois un dossier en particulier, pas les documents télécopiés un mois plus tôt par la fonctionnaire. Il a indiqué que sa note d’autorisation de mai 2004 n’était pas une autorisation générale pour la communication de dossiers opérationnels à d’autres détachements. Son témoignage n’a pas été ébranlé en contre-interrogatoire.

880 À l’audience, la fonctionnaire a déclaré que la note d’autorisation de l’inspecteur Clark, même si elle ne visait pas particulièrement les documents qu’elle a envoyés par télécopieur en mars 2004, démontrait que la pratique du partage des dossiers opérationnels avec d’autres organisations de la GRC était généralement acceptée.

881 Le témoignage de la fonctionnaire n’était pas crédible. Il n’est pas simplement question d’un manque de compréhension de ses déclarations pendant l’entrevue. Je n’ai aucun problème à conclure, en me fondant sur le témoignage et les transcriptions qui ont été fournis, que la fonctionnaire a menti ou, au mieux, qu’elle a intentionnellement induit le sergent d’état-major Hildebrand en erreur pendant l’entrevue concernant plusieurs points, et que ce dernier avait des motifs solides pour conclure dans son rapport qu’elle n’avait pas été crédible pendant l’entrevue. Je crois aussi que la version des faits de l’inspecteur Clark était plus crédible que sa version. Je ne l’ai pas trouvée très sincère dans ses explications. Je crois que le fait qu’elle ait cherché à obtenir une autorisation « après coup » de l’inspecteur Clark au moins un mois après l’incident démontre une conduite sournoise, sinon carrément trompeuse.

882 Pour ce qui est de l’incident de l’imprimante mentionné par le surintendant principal Lanthier, où la fonctionnaire aurait selon lui affiché un comportement préoccupant au plan de la fiabilité, les éléments de preuve non contestés ont établi que, le 29 octobre 2004, le sergent d’état-major Beach a écrit au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique un courriel de deux pages dans lequel il exprimait ses préoccupations concernant le comportement de la fonctionnaire et demandait des conseils. La fonctionnaire aurait pris ce courriel sur l’imprimante dans la salle de photocopie et l’aurait apporté chez elle. Elle a plus tard montré le courriel au caporal Flewelling, qui a informé le surintendant Morris qu’elle en avait une copie.

883 La question est de savoir si la fonctionnaire a menti à son superviseur, soit le sergent d’état-major Beach, en lui disant qu’elle n’avait pas pris son courriel sur l’imprimante. Les témoignages ne se contredisaient pas vraiment sur ce point, mais on a soulevé la question de la crédibilité.

884 Le témoignage du sergent d’état-major Beach était honnête. Lorsqu’il est allé à l’imprimante le 29 octobre 2004 en avant-midi pour récupérer le courriel adressé au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique qu’il venait tout juste d’imprimer, la fonctionnaire avait tous les documents de l’imprimante dans sa main. Quand il lui a demandé si certains des documents étaient à lui, elle lui a répondu qu’ils étaient tous à elle et qu’il devait arrêter de l’intimider. Il a pensé que sa commande d’impression avait dû ne pas fonctionner. Il est retourné à son bureau et a imprimé une autre copie de son courriel, qu’il a versée dans son dossier.

885 La fonctionnaire était moins catégorique, mais son témoignage correspondait tout de même aux déclarations qu’elle a faites à l’agent de la sécurité ministérielle dans sa réplique d’avril 2005. Elle a déclaré que le sergent d’état-major Beach avait saisi tous les papiers de sa main le 28 octobre 2004. Comme elle avait une transcription pour appuyer sa version, il était impossible qu’elle ait pu prendre le courriel sur l’imprimante comme il le prétendait, car le courriel n’était pas sur l’imprimante. Elle a indiqué avoir trouvé le courriel envoyé par le sergent d’état-major Beach au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique sur l’imprimante, où il l’avait intentionnellement laissé traîner pendant trois jours pour la rabaisser et l’humilier aux yeux de ses collègues, et que c’est pour cette raison qu’elle l’a pris. Dans sa réplique antérieure à l’agent de la sécurité ministérielle, la fonctionnaire a dit que le courriel avait été laissé sur l’imprimante pendant plusieurs jours.

886 Selon la prépondérance des probabilités, je suis davantage convaincue que le récit du sergent d’état-major Beach est essentiellement exact. La fonctionnaire a pris son courriel sur l’imprimante et a nié devant lui qu’elle l’avait fait. Je tire cette conclusion pour plusieurs raisons.

887 Le courriel à l’intention du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique était de nature délicate. Le sergent d’état-major Beach l’a rédigé le matin suivant l’altercation sérieuse que le surintendant Morris et lui-même ont eue avec la fonctionnaire concernant son évaluation du rendement. Le sergent d’état-major Beach ne voulait pas que la fonctionnaire lise ce courriel. Aucune preuve n’a été produite ou allégation présentée qui indiquerait que le sergent d’état-major Beach aurait déjà laissé traîner au bureau un document de nature délicate comme celui-là pendant des jours, et aucun témoignage ne laissait entendre qu’un autre membre du personnel aurait vu le courriel sur l’imprimante pendant les trois jours où il aurait été laissé à cet endroit.

888 En outre, la fonctionnaire a été prudente sur ce point dans ses éléments de preuve. Elle a tenté de ne pas nier directement qu’elle avait menti à son superviseur en lui disant qu’elle n’avait pas pris son courriel sur l’imprimante le 29 octobre 2004 en avant-midi. Elle a complètement évité la question quand elle a répondu à l’agent de la sécurité ministérielle, et elle a parlé uniquement de l’incident antérieur survenu à l’imprimante le 28 octobre 2004.

889 Il y a eu deux incidents liés à l’imprimante. Le premier s’est produit le 28 octobre 2004 en avant-midi. Le sergent d’état-major Beach aurait saisi de la main de la fonctionnaire des papiers qu’elle venait de prendre sur l’imprimante. La fonctionnaire a fourni une transcription de cette interaction. Le deuxième incident, qui est survenu le 29 octobre, portait sur un courriel que le sergent d’état-major Beach a écrit au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique ce matin-là. Dans ce courriel, il décrivait des événements se rapportant à l’examen de l’évaluation du rendement de la fonctionnaire, qui n’a eu lieu qu’en après-midi, le 28 octobre.

890 Selon la fonctionnaire, elle a pris le courriel du sergent d’état-major Beach parce qu’il avait été laissé intentionnellement sur l’imprimante pendant trois jours. Elle n’a pas dit si elle avait nié avoir pris des documents sur l’imprimante le 29 octobre en avant-midi, si elle avait admis avoir pris des documents sur l’imprimante ce matin-là, sans dire au sergent d’état-major Beach que, comme il a été allégué, tous les documents étaient à elle alors que c’était faux, ou si elle avait dit avoir pris les documents sans avoir menti au sergent d’état-major Beach, parce que tous les papiers étaient effectivement à elle. Par ailleurs, elle n’a fourni aucune transcription pour son interaction avec le sergent d’état-major Beach le 29 octobre 2004. Son manque de sincérité concernant cet incident me préoccupe.

891 Je note également que, dans son témoignage, la fonctionnaire n’accepte aucune part de responsabilité pour tout acte répréhensible dans l’incident sur lequel s’est appuyé le surintendant principal Lanthier. Elle a justifié son comportement en disant qu’elle avait pris le courriel, car il portait entièrement sur elle et avait été inventé de toutes pièces. Quand on lui a demandé en contre-interrogatoire si elle avait compromis son intégrité en prenant le courriel, elle a répondu que ce n’était pas le cas, car le courriel contenait des calomnies et que tout était faux. Sa position se rapprochait dangereusement de la proposition que, puisque le courriel portait entièrement sur elle, il était à elle.

892 La fonctionnaire a aussi déclaré avoir montré le courriel au caporal Flewelling parce qu’elle lui faisait confiance. Ce commentaire, et le ton utilisé pour le dire, suggéraient qu’elle avait eu tort de lui faire confiance et qu’il était à blâmer d’une certaine façon pour ses malheurs, parce qu’il a dit au surintendant Morris qu’elle avait une copie d’un courriel privé du sergent d’état-major Beach. Elle aurait plutôt dû reconnaître que ses malheurs étaient dus au fait qu’elle a pris délibérément un courriel qui n’était pas à elle.

893 Le troisième motif énuméré par le surintendant principal Lanthier porte sur la conduite ainsi que les courriels du 30 janvier 2003 de la fonctionnaire, dans lesquels elle a affirmé avec insistance qu’une personne à Ottawa, qu’elle n’a pas nommée, lui avait dit lors de la formation pour les animateurs d’atelier auquel elle avait assisté avec Mme Bailey que la formation sur la sensibilisation au harcèlement devait être terminée le 31 mars 2003. Selon le témoignage de Mme Bailey, la fonctionnaire aurait insisté sur le fait qu’une personne non nommée à Ottawa lui avait donné une date de fin ou qu’on lui avait dit à la réunion conjointe syndicale-patronale en janvier 2003, à Vancouver, qu’il y avait une date de fin. Mme Bailey a indiqué qu’elle s’était renseignée après avoir parlé à la fonctionnaire – elle a entre autres téléphoné à la personne-ressource pour le cours ainsi qu’à Mme Major-Hurt – et que personne n’avait entendu dire qu’une date de fin avait été fixée.

894 Le témoignage de la fonctionnaire correspondait à sa réplique à l’agent de la sécurité ministérielle. Elle a déclaré que sa déclaration de janvier 2003 selon laquelle une date de fin avait été fixée au 31 mars 2003 pour la formation sur la sensibilisation au harcèlement était exacte et qu’elle n’avait pas menti, parce que ce qu’elle voulait dire dans ses courriels, c’était qu’il y avait une date de fin pour la formation initiale.

895 Le moment où la fonctionnaire a qualifié sa déclaration qu’il y avait une date de fin à la formation sur la sensibilisation au harcèlement me préoccupe. Selon les éléments de preuve concernant l’incident, elle n’a qualifié sa déclaration au sujet de la date de fin que lorsqu’elle a écrit au surintendant Morris, en avril 2005, en réponse à la lettre de suspension de sa cote de fiabilité de la GRC. Dans son témoignage, elle n’a pas expliqué pourquoi elle avait qualifié sa déclaration de cette façon ou ce qu’elle voulait dire par [traduction] « formation initiale ». La présentation en 2005 d’une nouvelle version de cette déclaration concernant une date de fin qu’elle avait faite au début de 2003 et qui la montre sous un éclairage beaucoup plus favorable me pousse à croire qu’elle était prête à changer sa version des faits pour servir ses intérêts.

896 Pour ce qui est de l’incident des mises en candidature pour la médaille du Jubilé de la Reine mentionné par le surintendant principal Lanthier, concernant les déclarations faites par la fonctionnaire ou sa présidente syndicale à la réunion conjointe syndicale-patronale tenue à Vancouver, en janvier 2003, les observations de la fonctionnaire dans sa réplique à l’agent de la sécurité ministérielle indiquent qu’elle n’a pas pu fournir de l’information fausse ou trompeuse à Mme Bailey, au surintendant Morris, au sergent d’état-major Hildebrand et au sergent d’état-major Beach, comme il est indiqué dans le paragraphe d’introduction de la lettre de suspension, car elle n’a jamais parlé des mises en candidature avec ces personnes. La fonctionnaire a déclaré que Mme Bailey ne voulait pas parler des mises en candidature et n’en a jamais parlé au travail. La fonctionnaire a joint une copie des quatre formulaires de mise en candidature qu’elle dit avoir soumis au début de 2002.

897 Le témoignage de la fonctionnaire était plus détaillé. Elle a déclaré qu’elle avait soutenu avec constance avoir préparé ses propositions vers le mois de mai 2002 et les avoir placées dans une enveloppe qu’elle avait laissée dans la salle du courriel interne du Bureau du district nord avec une note adhésive pour obtenir la signature de Mme Bailey avant qu’elles soient envoyées au comité de mise en candidature et de sélection de Vancouver. La fonctionnaire a reconnu avoir dit, quand elle s’est excusée après l’incident, qu’elle n’avait pas suivi la procédure de mise en candidature en n’envoyant pas directement ses propositions à Vancouve. Elle a déclaré qu’elle s’était excusée uniquement parce que le surintendant Morris lui avait forcé la main.

898 À l’audience, la fonctionnaire a déclaré qu’elle avait laissé les formulaires à Mme Bailey, parce qu’ils contenaient une section réservée à la signature du superviseur ou du gestionnaire. Mme Bailey ne supervisait que deux des quatre personnes dont la fonctionnaire a proposé la candidature. Les autres travaillaient ailleurs au District nord de la Division « E ». La fonctionnaire a aussi indiqué qu’elle s’était excusée auprès de certains membres du SESG le jour de l’annonce des lauréats, parce qu’aucun des fonctionnaires qu’elle avait recommandés n’avait reçu de prix.

899 La fonctionnaire a déclaré que les renseignements biographiques qu’elle avait demandés au début du mois de mars 2003 de la part de fonctionnaires, comme Mme Stangrecki, dont elle avait proposé les candidatures pour la médaille du Jubilé de la Reine en mai 2002, devaient être utilisés pour proposer la candidature de ses fonctionnaires en 2003 pour un prix différent. Ces renseignements n’étaient pas la raison des courriels qu’elle a envoyés à la mi-mars au surintendant principal Dingwall et au sergent-major Stewart, à qui elle a donné le nom et une courte biographie des personnes dont elle avait supposément proposé la candidature en mai 2002 pour la médaille du Jubilé de la Reine.

900 La fonctionnaire a déclaré avoir dit au surintendant Morris qu’elle avait soumis les candidatures en mai 2002, mais qu’elle ne trouvait pas ses copies des formulaires de mise en candidature quand il faisait enquête sur la déclaration après la réunion du 30 janvier 2003. Elle a indiqué que ses copies des formulaires de mise en candidature de mai 2002 étaient mal rangées dans ses dossiers et qu’elle ne les a retrouvées que lorsqu’elle a préparé sa réplique au surintendant principal Lanthier, à la fin de mars et au début d’avril 2005. Elle a inclus les copies de ces formulaires dans sa réplique à l’agent de la sécurité ministérielle.

901 La fonctionnaire a également déclaré qu’elle avait offert de montrer les formulaires de mise en candidature au surintendant Morris plus tôt, mais qu’il ne s’était pas montré intéressé.

902 Mme Bailey a déclaré dans son témoignage que l’information concernant la médaille du Jubilé de la Reine était fournie à tout le monde, qu’elle a reçu la même information que tout le monde et qu’il n’y avait aucune raison de lui laisser les candidatures. Selon le processus, la personne qui propose des candidats doit envoyer ses recommandations directement à Vancouver. Mme Bailey a aussi indiqué que deux des quatre candidats présumés de la fonctionnaire ne travaillaient même pas au Bureau du district nord.

903 Le surintendant Morris a déclaré que les allégations de la fonctionnaire à la réunion conjointe syndicale-patronale étaient très sérieuses. Il a mené une enquête minutieuse et a conclu que la fonctionnaire n’avait pas soumis les candidatures en mai 2002, comme elle l’a allégué. Il croyait pour plusieurs raisons qu’elle avait menti. Elle n’a jamais mentionné que ses candidatures avaient été égarées à Mme Bailey ou à lui-même entre mai 2002, quand elle a supposément laissé les formulaires à Mme Bailey pour qu’elle les signe, et le jour de la réunion conjointe en janvier 2003, quand elle a formulé ses accusations. La fonctionnaire a changé sans arrêt son récit quant à l’endroit où elle avait laissé l’enveloppe contenant les candidatures : au départ, sur le bureau de Mme Bailey, et plus tard dans la salle du courrier interne. Elle n’a pas pu lui fournir des copies des candidatures ou lui dire exactement quand elle les a soumises. Deux des quatre candidats que la fonctionnaire disait avoir proposés ne travaillaient même pas au Bureau du district nord. Il n’y avait absolument aucune raison dans leur cas d’impliquer Mme Bailey. Le surintendant Morris a déclaré que la fonctionnaire lui a dit s’être excusée à ses candidats le jour de l’annonce des lauréats, parce qu’aucun d’eux n’avait été retenu. Cependant, quand il a parlé aux deux candidats qui travaillaient au Bureau du district nord, ces derniers lui ont dit qu’ils ne savaient pas que leur candidature avait été proposée et qu’ils ne se souvenaient pas que la fonctionnaire se soit excusée auprès d’eux. Le surintendant Morris a indiqué que, quand on lui a demandé ce qu’elle pensait de ces faits, la fonctionnaire a perpétué son mensonge plutôt que d’admettre son méfait.

904 Je ne tire aucune conclusion négative du fait que les formulaires de mise en candidature que la fonctionnaire a joints à sa réplique au surintendant principal Lanthier n’étaient pas signés par les candidats, car je crois que les éléments de preuve ont démontré qu’il n’était pas nécessaire d’aviser les candidats. Mme Bailey a déclaré dans son témoignage qu’elle a reçu une médaille du Jubilé de la Reine et qu’elle n’a su que sa candidature avait été proposée que quand elle a appris qu’on lui avait octroyé la médaille.

905 Je note également que les témoignages se contredisent quant à la question de savoir si les formulaires de mise en candidature de 2002 correspondaient aux documents de la pièce fournie par la fonctionnaire, qui contient les formulaires que cette dernière dit avoir soumis en mai 2002.

906 Je n’ai aucun problème avec les témoignages de Mme Bailey et du surintendant Morris concernant l’incident des mises en candidature, mais je doute de la crédibilité de la fonctionnaire. Premièrement, il n’est aucunement indiqué dans les éléments de preuve documentaires de 2002 produits par les deux parties que la fonctionnaire aurait laissé les formulaires de mise en candidature à Mme Bailey parce qu’on y demandait la signature d’un superviseur avant leur envoi à Vancouver, même si les formulaires fournis par la fonctionnaire pour la première fois dans sa réplique à l’agent de la sécurité ministérielle, en avril 2005, contiennent une section embrouillée au centre qui pouvait servir à recueillir la signature de la personne qui propose les candidatures ou d’un superviseur avant leur envoi. Deuxièmement, la fonctionnaire a donné au surintendant Morris les noms des personnes dont elle avait supposément proposé la candidature quand il enquêtait sur ses allégations à la suite de la réunion de janvier 2003, mais pas les courtes biographies des candidats qu’elle a fournies à la mi-mars dans ses courriels au surintendant principal Dingwall et au sergent-major Stewart. Cela me pousse à conclure que la fonctionnaire ne possédait pas ces renseignements biographiques quand les candidatures ont supposément été soumises, et qu’elle ne les a recueillis qu’au début de mars 2003. Troisièmement, les éléments de preuve documentaire de 2002 et de 2003 n’ont pas démontré que la fonctionnaire avait dit au surintendant Morris, au surintendant principal Dingwall ou au sergent-major Stewart qu’elle avait fait des copies de ses candidatures, mais qu’elle ne les trouvait pas dans ses dossiers, comme elle l’a affirmé plus tard dans sa réplique à l’agent de la sécurité ministérielle, en avril 2005.

907 Quatrièmement, ce n’est pas juste dans ses excuses [traduction] « forcées » que la fonctionnaire a admis qu’elle n’avait pas suivi de processus établi pour les mises en candidature selon lequel les formulaires devaient être envoyés directement à Vancouver en 2002. Elle a fait cet aveu dans au moins un des courriels qu’elle a envoyés à ses collègues du syndicat.

908 Cinquièmement, je crois que la déclaration du surintendant Morris que la fonctionnaire aurait menti, quand elle a dit qu’elle s’était excusée à ses candidats après avoir appris qu’ils n’avaient pas été retenus, concorde avec les éléments de preuve, qui indiquent que le surintendant Morris a parlé aux deux candidats qui travaillaient au Bureau du district nord, et que ces derniers ont démenti la fonctionnaire. Dans son témoignage, la fonctionnaire n’a pas nié avoir dit au surintendant Morris qu’elle s’était excusée à ses candidats, mais elle a changé son récit en disant qu’elle s’était excusée à plusieurs membres du SESG (et non à ses candidats).

909 Sixièmement, j’ai de la difficulté à croire la déclaration de la fonctionnaire qu’elle aurait offert plus tôt au surintendant Morris de lui montrer les formulaires de mise en candidature, mais qu’il ne s’était pas montré intéressé. Selon les éléments de preuve, le surintendant Morris a pris sa retraite en décembre 2004, bien avant que la fonctionnaire ait trouvé, comme elle le prétend, les copies perdues de ses candidatures de 2002, en mars et avril 2005.

910 Je note également qu’aucun élément de preuve n’a été soumis pour appuyer les embellissements apportés par la fonctionnaire plus tard en 2004 et ses accusations selon lesquelles le surintendant Morris, dans un de ses courriels, ou [traduction] « certaines personnes », c’est-à-dire le surintendant Morris et Mme Bailey, dans un autre de ses courriels, voulaient contrôler le processus de mise en candidature et avoir un droit de veto sur ses candidatures.

911 Selon les éléments de preuve, je crois qu’il est plus probable que la fonctionnaire n’a pas soumis les mises en candidature en mai 2002 comme elle l’a allégué, que ces mises en candidature n’existaient pas en février 2003, lorsque le surintendant Morris menait son enquête sur les allégations de la fonctionnaire à la réunion du 30 janvier 2003, que les renseignements biographiques que la fonctionnaire a demandés tôt en mars 2003 devaient lui servir à préparer les biographies de ses candidats contenues dans les courriels qu’elle a envoyés au surintendant principal Dingwall et au sergent-major Stewart à la mi-mars 2003, et que le surintendant Morris n’a pas inventé l’incident qu’il a décrit dans sa note de service du 29 novembre 2004, lequel a aussi été mentionné par le surintendant principal Lanthier comme un des incidents qui le préoccupaient.

912 Je note aussi un passage du témoignage de la fonctionnaire qui, selon moi, démontre un manque d’acceptation de sa responsabilité pour son comportement et qui a été fait dans le but de minimiser les conséquences de ses gestes. La fonctionnaire a déclaré ne pas avoir dit à la réunion conjointe syndicale-patronale que Mme Bailey était la personne qui avait omis d’envoyer ses candidatures quand la question de ses candidatures égarées a été soulevée la première fois. Elle a dit que la personne responsable était la [traduction] « gestionnaire de bureau » et que le surintendant Morris avait nommé Mme Bailey. Elle a aussi indiqué que le surintendant Morris avait mal interprété ses propos en disant qu’elle avait accusé Mme Bailey à la réunion d’avoir omis intentionnellement ou par négligence d’envoyer les candidatures, car elle n’a jamais accusé Mme Bailey d’avoir omis intentionnellement d’envoyer les candidatures. Elle a déclaré qu’elle recueillait encore de l’information au moment de la réunion.

913 Je ne crois pas que l’explication de la fonctionnaire diminue la gravité des accusations qu’elle a faites à la réunion conjointe syndicale-patronale. Elle a précisé que la personne qui avait commis la faute présumée était la gestionnaire de bureau, et il n’y en avait qu’une au Bureau du district nord à ce moment-là. Il était donc facile de savoir de qui elle parlait. Par ailleurs, elle a dit qu’elle n’avait pas accusé la gestionnaire de bureau d’avoir omis intentionnellement d’envoyer ses candidatures, ce qui laissait la possibilité qu’elle ait pu omettre par négligence de les envoyer. Il s’agit tout de même d’une allégation sérieuse contre Mme Bailey.

914 Concernant le motif de harcèlement cité par l’agent de la sécurité ministérielle dans sa lettre de révocation, la fonctionnaire a précisé dans sa réplique que ses allégations de harcèlement étaient vraies et qu’elle comptait parmi les fonctionnaires qui avaient été victimes de ce harcèlement. Elle a allégué que le surintendant Morris et le sergent d’état-major Beach avaient non seulement toléré les actes de harcèlement commis contre elle, mais qu’ils y avaient participé, en abusant sévèrement de leur autorité.

915 Je me suis déjà penchée sur les éléments de preuve concernant l’incident de harcèlement dans ma décision sur la suspension de 10 jours. Je ne vois aucune raison de répéter ou d’approfondir mes conclusions sur ce point. J’aimerais toutefois noter que l’avocat de la fonctionnaire a fait valoir énergiquement que la fonctionnaire croyait vraiment ou avait vraiment la perception que les actes de harcèlement étaient chose commune au Bureau du district nord, que la direction ne prenait pas le harcèlement ou les plaintes de harcèlement au sérieux, que le surintendant Morris n’était pas impartial en raison de son amitié avec les personnes visées par ses allégations de harcèlement ou qu’il avait dit au sergent d’état-major Beach d’être plus sévère avec elle, de lui chercher des poux et de chercher des problèmes, et que, par conséquent, on ne pouvait pas considérer qu’elle avait menti ou agi de manière trompeuse quant à ses accusations publiques répétées contre de nombreuses personnes sur ces points, même si les éléments de preuve indiquent clairement que sa perception était fausse.

916 Je ne crois pas que la sincérité de la perception de la fonctionnaire enlève quoi que ce soit à la réalité, c’est-à-dire que la direction, qui s’est penchée sur ses accusations non fondées, a conclu honnêtement et de bonne foi en se fondant sur son comportement qu’elle avait menti ou fait délibérément des déclarations fausses ou embelli les événements pour se faire passer pour une victime. Autrement dit, la sincérité ou l’honnêteté de ses croyances ne change pas le fait que ses allégations non fondées sont examinées pour établir la crédibilité de ses éléments de preuve et sont considérées pour établir la crédibilité des témoignages des témoins de l’employeur, qui ont dû composer avec son comportement.

917 Pour ce qui est de l’incident des entrées dans le système du Centre d’information de la police canadienne mentionné dans la lettre de suspension, la fonctionnaire a indiqué dans sa réplique à l’agent de la sécurité ministérielle qu’elle n’avait pas déclaré avoir reçu des instructions de la commis aux dossiers centraux concernant les dossiers du système, et que le surintendant Morris avait inventé cette allégation. Dans la lettre de révocation, ce motif est élargi et comprend une description de la conduite de la fonctionnaire, qui aurait continué de saisir des numéros de dossier incorrects dans le système, malgré le fait qu’elle avait bien saisi ces numéros pendant des années, et malgré les conseils et la formation additionnelle qu’on lui avait fournis.

918 Dans son témoignage, la fonctionnaire a dit que saisir les données dans le système du Centre d’information de la police canadienne était une tâche difficile, qu’elle avait demandé un cours officiel pendant des années et qu’on lui en avait donné un en août 2004 seulement. Elle a ajouté que les conseils et le manuel que lui avait donnés plus tôt le sergent d’état-major Beach étaient insuffisants et incomplets, qu’il fallait du temps, même après un cours officiel, pour maîtriser une tâche, et qu’elle n’avait pas intentionnellement commis des erreurs pour discréditer son superviseur, comme le croyait le surintendant Morris.

919 Le système du Centre d’information de la police canadienne est un outil national de la police. Tous les témoins qui en ont parlé, y compris la fonctionnaire, ont insisté sur le fait qu’il fallait être très précis quand on entrait des données dans le système, parce que ce dernier est à la base des arrestations et de la détention de citoyens privés. Le surintendant principal Clark appelait ce système le Saint-Graal du travail policier. La fonctionnaire entrait des données dans le système avant même son transfert au Bureau du district nord. En général, elle avait reçu de bonnes évaluations du rendement jusqu’au printemps 2004 environ. Elle n’a pas nié avoir entré dans le système les erreurs signalées par le sergent d’état-major Beach. Elle n’a pas nié que ce dernier lui avait donné plusieurs instructions pour diminuer le nombre de ces erreurs. Sa plainte portait sur le fait que le sergent d’état-major Beach lui cherchait des poux et lui a donné des directives inutiles, et qu’il avait reçu du surintendant Morris la directive d’être plus sévère avec elle, de lui chercher des poux et de trouver des erreurs dans son travail. Elle a fait les mêmes accusations dans certains des courriels qu’elle a envoyés à des personnes de l’intérieur et de l’extérieur de la GRC. Aucun élément de preuve n’a été présenté pour appuyer ces accusations.

920 Même si, comme l’a allégué la fonctionnaire, la saisie de données dans le système du Centre d’information de la police canadienne est une tâche difficile, qu’elle n’a pas reçu assez de formation officielle assez tôt et qu’elle n’a pas intentionnellement entré les erreurs en question, compte tenu des éléments de preuve, il n’était pas déraisonnable pour le surintendant Morris de conclure qu’étant donné le nombre croissant d’erreurs commises à l’automne 2004, le bon travail qu’elle avait fait avant, les conseils plus nombreux de son superviseur et la formation officielle qu’elle a suivie en août 2004, que les erreurs en question étaient délibérées et visaient à discréditer son superviseur.

921 Je note aussi que, même si la fonctionnaire a été sincère dans son explication des erreurs qu’elle a saisies dans le système du Centre d’information de la police canadienne, cela ne veut pas dire que saisir de mauvais numéros de dossier dans le système n’était qu’une question de rendement et que son comportement n’a soulevé aucune préoccupation en matière de fiabilité qui méritait d’être examinée de bonne foi par le surintendant principal Lanthier. Selon un incident documenté, une de ces erreurs a donné lieu à l’arrestation illégale d’un citoyen en raison d’une saisie de données erronée par la fonctionnaire. La fonctionnaire a déclaré que cette arrestation était due non pas uniquement à son erreur, mais à une combinaison d’erreurs commises par elle et d’autres personnes. Je note le témoignage de M. Briske. Quand on lui a demandé en contre-interrogatoire si les erreurs commises dans le système par la fonctionnaire auraient pu être un problème de rendement et non une question de sécurité, il a répondu que si une personne ne peut pas effectuer une tâche, il peut y avoir un problème de fiabilité, car on ne peut pas se fier à cette personne pour accomplir la tâche en question.

922 Je ne crois pas qu’il faille examiner plus en profondeur les incidents cités par le surintendant principal Lanthier comme motifs sur lesquels il a fondé son opinion qu’il ne pouvait plus avoir confiance en l’honnêteté et en la fiabilité de la fonctionnaire. Comme on l’a mentionné, mon rôle n’est pas de déterminer si sa conclusion qu’il ne pouvait plus avoir confiance en son honnêteté et en son intégrité était raisonnable, mais plutôt de déterminer si ses décisions de suspendre et de révoquer sa cote de fiabilité étaient entachées de mauvaise foi, dans le sens où ces décisions étaient une supercherie ou un camouflage, et que le surintendant principal Lanthier a en fait abusé de ses pouvoirs pour se débarrasser d’elle en révoquant sa cote de fiabilité de la GRC pour un motif valable. Je crois que les éléments de preuve qui ont été présentés à l’audience et que j’ai examinés établissent que le surintendant principal Lanthier avait des raisons légitimes de ne plus croire en l’honnêteté, en la fiabilité et en l’intégrité de la fonctionnaire, et qu’il a agi en toute bonne foi. Si j’avais évalué le caractère raisonnable de ses décisions, j’aurais également jugé que, compte tenu des éléments de preuve, sa conclusion que le comportement de la fonctionnaire soulevait des préoccupations réelles quant à son honnêteté et sa fiabilité était raisonnable.

923 Je me pencherai maintenant sur les nombreux arguments additionnels présentés par la fonctionnaire. D’abord, je n’accepte pas l’argument de la fonctionnaire lorsqu’elle a soutenu que, même si elle avait menti lorsqu’elle a affirmé avoir présenté des candidatures pour la médaille du Jubilé de la Reine et lorsqu’elle a déclaré qu’on lui avait dit qu’il y avait une date de fin prévue pour les ateliers sur la sensibilisation au harcèlement, ces mensonges ne sont tout au plus que des questions de discipline, et le surintendant principal Lanthier a donc fait preuve de mauvaise foi en s’appuyant sur eux pour révoquer sa cote de fiabilité de la GRC. En outre, je ne crois pas que les six incidents sur lesquels le surintendant principal Lanthier s’est appuyé étaient tous mineurs, comme l’a soutenu la fonctionnaire, ou qu’ils n’auraient pas dû entraîner plus que l’imposition de mesures disciplinaires. L’agent de la sécurité ministérielle avait le droit de tenir compte de l’ensemble des six incidents lorsqu’il a déterminé si la conduite de la fonctionnaire soulevait, selon lui, des préoccupations en matière de sécurité.

924 Ensuite, le fait que l’employeur n’a pas imposé de mesures disciplinaires à la fonctionnaire pour certains des incidents survenus entre 2001 et juillet 2004 au moment où ils sont survenus et avant l’achèvement de l’évaluation de son aptitude au travail ne signifie pas que ces incidents étaient mineurs. Lors de son témoignage, le surintendant Morris a fourni une explication crédible de la raison pour laquelle il n’a pas pris plus tôt des mesures disciplinaires contre elle. Premièrement, il craignait que la source de son comportement soit médicale et, dans ce cas, l’imposition de mesures disciplinaires n’aurait pas été la voie à suivre. Deuxièmement, ce n’est qu’à la mi-novembre 2004 qu’il a commencé à constater une tendance dans la conduite trompeuse de la fonctionnaire, alors qu’il croyait jusque-là avoir affaire à des incidents isolés.

925 Les avocats des parties ont formulé deux autres arguments concernant l’objection à ma compétence et au sujet de la possibilité que j’examine les décisions de suspension et de révocation de l’employeur pour évaluer si elles étaient raisonnables. Comme je n’ai pas compétence pour examiner le caractère raisonnable de ces questions, comme je l’ai mentionné précédemment, je n’examinerai ces arguments que brièvement dans le cadre de la question de savoir si le surintendant principal Lanthier a fait preuve de bonne foi lorsqu’il a pris ses décisions de suspendre, puis de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire pour un motif valable.

926 Le surintendant principal Lanthier avait devant lui, avant de prendre la décision de révocation en juillet 2005, deux éléments d’information qu’il n’avait pas lorsqu’il a suspendu la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire. Il s’agissait de la réponse du 6 avril 2005 qu’elle lui a envoyée, qui incluait deux documents d’observations envoyées le 27 janvier 2005 et le 9 février 2005 à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, ainsi que les transcriptions qu’elle a envoyées avec sa réponse, qui prouvaient qu’elle avait manifestement enregistré clandestinement des conversations au Bureau du district nord pendant au moins trois mois.

927 La réponse de la fonctionnaire à la lettre de suspension du surintendant principal Lanthier est très particulière quant au ton, à la teneur et au contenu. Je crois que cette réponse, surtout lorsqu’elle est lue conjointement avec ses deux documents d’observations envoyés à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, soulèverait chez n’importe qui des préoccupations raisonnables quant à son bien-être et à son jugement. Je sympathise avec l’argument de l’avocat de la fonctionnaire selon lequel, si le comportement de la fonctionnaire semblait de plus en plus irrationnel après qu’on lui a remis la lettre énonçant les attentes, comme le surintendant Morris l’a affirmé dans son témoignage, et si ses problèmes étaient aussi évidents que ce que les témoins ont affirmé, pourquoi n’a-t-on pas davantage fait appel aux options en ressources humaines pour l’aider? Je crois cependant qu’il est raisonnable de conclure que l’un des facteurs pouvant répondre à cette question est la réponse de la fonctionnaire lorsque le surintendant Morris a exigé qu’elle subisse une évaluation de son aptitude au travail, en juillet 2004, avant son retour au travail.

928 Cela dit, le surintendant principal Lanthier a expliqué clairement lors de son témoignage que les actions du bureau des Ressources humaines de l’employeur sont distinctes de celles de la Direction de la sécurité ministérielle. Le processus décisionnel suivi par l’agent de la sécurité ministérielle est conçu exprès pour ne pas retenir les questions de rendement ou de gestion générale. La compétence et l’objectif central du surintendant principal Lanthier dans son rôle d’agent de la sécurité ministérielle étaient les risques de sécurité que le comportement de la fonctionnaire entraînait pour la GRC, et ces risques étaient bien réels, selon lui. Il a aussi affirmé qu’à partir du moment où le processus d’examen de sécurité est lancé, il doit faire preuve de diligence raisonnable pendant son enquête. Renvoyer le problème au bureau des Ressources humaines de l’employeur pour qu’il s’en occupe n’était pas une option pour lui.

929 En ce qui concerne les enregistrements clandestins par la fonctionnaire de conversations au Bureau du district nord pendant au moins trois mois et la jurisprudence citée par l’avocate de l’employeur, je conviens que ce type de comportement n’est pas illégal, mais qu’il est certainement contraire à l’éthique, sournois et décidément trompeur dans certains cas, notamment dans le cadre de la présente affaire, puisqu’elle a nié être en train d’enregistrer lorsque l’inspecteur Clark le lui a demandé directement lors d’une réunion, alors que c’est ce qu’elle faisait.

930 Dans sa réponse à l’agent de la sécurité ministérielle, la fonctionnaire a affirmé que bien des gens avaient des [traduction] « réactions exagérées » concernant le fait qu’elle enregistrait des conversations au Bureau du district nord. Elle a attribué ces sentiments à la colère que la direction entretenait parce qu’elle avait enregistré un surintendant et un sergent en train de l’intimider, de la harceler et de mentir de façon flagrante.

931 Je suis d’accord avec l’arbitre de différends dans North Bay General Hospital, qui a déclaré ce qui suit à la page 151 :

[Traduction]

[…]

Troisièmement, pour ce qui est de l’enregistrement d’appels téléphoniques personnels avec des collègues et des membres de la direction, il n’est pas illégal de le faire. À notre avis, cette conduite soulève toutefois des questions relatives à la confiance, qui est absolument essentielle dans le service ambulancier. L’enregistrement d’une conversation téléphonique alors que l’autre partie ne sait pas que ses paroles sont enregistrées est un geste invasif. M. Black et M. Tignanelli ont tous deux affirmé avoir une très forte impression d’« atmosphère empoisonnée » dans le service et que la direction en était en grande partie responsable, mais cela ne justifie pas l’enregistrement d’appels personnels avec des collègues et des membres de la direction […].

[…]

932 La fonctionnaire a soutenu avoir enregistré clandestinement des conversations au bureau parce qu’elle se faisait intimider et harceler au travail et que personne ne la croyait. Elle a enregistré des conversations pour le prouver. Je ne crois pas que cela justifie ses actions. Et même si je croyais que c’était justifié, cela ne justifierait pas la fois où elle a enregistré secrètement sa rencontre avec l’inspecteur Clark, le 4 octobre 2004. Elle semblait avoir une bonne relation avec l’inspecteur Clark et lui faire confiance, et elle n’a jamais laissé entendre qu’il l’avait intimidée ou harcelée. L’inspecteur Clark a soutenu que, si elle lui avait demandé si elle pouvait enregistrer leurs rencontres, il ne s’y serait pas opposé. J’estime que l’enregistrement clandestin de la rencontre qu’elle a demandé d’avoir avec lui le 4 octobre 2004 était un geste trompeur, car elle l’a induit en erreur lorsqu’elle a répondu à la question de savoir pourquoi elle lui posait des questions sur une réunion survenue huit mois plus tôt. En outre, elle a tenté de le manipuler pour qu’il formule sur l’enregistrement des commentaires négatifs sur ce que le surintendant Morris avait fait et dit lors de cette réunion.

933 Alors que North Bay General Hospital visait à déterminer si on avait imposé au fonctionnaire des mesures disciplinaires injustes en raison de son comportement, je crois que les enregistrements clandestins auraient aussi été un facteur pertinent dans une évaluation par l’employeur de l’honnêteté, de la capacité d’être digne de confiance et de l’intégrité du fonctionnaire. Bien que je n’accorde aucune valeur à cet argument en rapport avec le surintendant principal Lanthier, puisqu’il n’a pas indiqué qu’il s’agissait de l’un des facteurs ayant mené à sa décision de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, je crois qu’il s’agit d’un élément pertinent pour évaluer la bonne foi du surintendant Morris lorsqu’il a lancé l’examen de la cote de fiabilité de la GRC, après avoir appris, à la mi-novembre 2004, qu’elle enregistrait secrètement les conversations au Bureau du district nord.

934 En résumé, j’ai conclu que la fonctionnaire n’est pas parvenue à s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombait afin d’établir que le surintendant principal Lanthier a agi de mauvaise foi ou que les raisons qu’il a énoncées dans ses lettres de suspension et de révocation étaient des supercheries ou un moyen de camoufler des mesures disciplinaires déguisées, ou tout autre motif. Il ne fait aucun doute que la fonctionnaire a sorti des documents du Bureau du district nord à plus d’une occasion tout en le niant, ni qu’elle a menti plus d’une fois à la direction et qu’elle a manqué de franchise auprès d’autres personnes plutôt que d’admettre ses torts. Il s’agit là de facteurs légitimes pour que l’agent de la sécurité ministérielle considère, lorsqu’il a formé son opinion, qu’il ne pouvait plus avoir confiance que la fonctionnaire n’abuserait pas de son pouvoir à titre d’employée de la GRC.

935 Les incidents décrits ne sont pas que des questions de ressources humaines ou de discipline, comme l’a soutenu la fonctionnaire. Le surintendant principal Lanthier devait évaluer sa fiabilité à partir de son comportement. À mon avis, son comportement lors des incidents décrits lui donnait des motifs amplement suffisants pour se former, en toute bonne foi, l’opinion subjective qu’on ne pouvait plus compter sur la fonctionnaire pour qu’elle ne trahisse pas la confiance qui lui était accordée et pour qu’il exerce son pouvoir discrétionnaire de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC.

936 Avant d’examiner les allégations de manquements au principe d’équité procédurale formulées par la fonctionnaire, j’aimerais me pencher brièvement sur ses arguments selon lesquels le surintendant Morris a fait preuve de mauvaise foi et que tout le processus de révocation de la cote de fiabilité de la GRC se voulait une forme de mesure disciplinaire.

3. Le surintendant Morris

937 La fonctionnaire a allégué que ce sont de mauvaises motivations qui ont amené le surintendant Morris à lancer le processus d’examen de sécurité, que ces motivations peuvent être transférées d’une façon ou d’une autre au surintendant principal Lanthier, et que cela a affecté l’exercice de son pouvoir administratif discrétionnaire et, par conséquent, influencé son opinion sur la confiance qu’il pouvait accorder à la fiabilité de la fonctionnaire. Subsidiairement, le processus d’examen de sécurité de l’employeur qui a mené à la révocation de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire était tellement affecté par la mauvaise foi du surintendant Morris que j’ai compétence pour entendre les griefs de suspension et de révocation en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la nouvelle LRTFP, et le présent arbitrage ne peut redresser ce problème de mauvaise foi.

938 L’avocat de la fonctionnaire a présenté plusieurs arguments liés à la mauvaise foi du surintendant Morris : il a mal agi en lançant le processus d’examen de sécurité dans le but de débarrasser le Bureau du district nord de la fonctionnaire; il a manipulé l’agent de la sécurité ministérielle afin qu’il se serve de manière inappropriée de son pouvoir d’effectuer un examen de sécurité pour révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire en inventant ou en exagérant des incidents mineurs qui ne soulevaient pas réellement de préoccupations en matière de sécurité; dans sa note de service du 29 novembre 2004, le surintendant Morris a cité de nombreux incidents qui ont amené M. Briske à avoir des préoccupations sur le plan de la sécurité, alors que l’agent de la sécurité ministérielle en a réduit le nombre à cinq, puis à six incidents, ce qui démontre que le surintendant Morris s’est servi du processus d’examen de sécurité pour régler des problèmes de ressources humaines ou, au pire, de discipline.

939 L’avocat de la fonctionnaire a aussi affirmé que l’employeur, en rassemblant l’épais cartable de documents (pièce 1) pour l’examen de l’agent de la sécurité ministérielle, a révélé sa mauvaise foi et a montré que son motif réel était de se débarrasser de la fonctionnaire.

940 L’allégation selon laquelle le surintendant Morris a mal agi en lançant un examen de sécurité de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire est composée de deux éléments. Le premier est un échange de courriels entre plusieurs personnes. Le deuxième est son témoignage sur ce qu’il estimait être des risques de sécurité découlant de la conduite de la fonctionnaire.

941 De nombreux courriels échangés entre la mi-novembre 2004 et le 8 janvier 2005 ont été produits en preuve. Cependant, le principal échange de courriels présenté comme une preuve de motif ultérieur a été transmis à la fin du mois de novembre. Il a démontré qu’après avoir été informé par le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique que la fonctionnaire enregistrait secrètement des conversations au Bureau du district nord, le surintendant Morris a envoyé, le 19 novembre 2004, une note de service demandant des conseils sur la façon de gérer son comportement. Il a envoyé cette note à trois personnes, qui occupaient les postes suivant : l’officier responsable des Ressources humaines de la Région du Pacifique (le surintendant principal Dingwall), la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique (M. Mitchell) et l’agent de la sécurité ministérielle à Ottawa (le surintendant principal Lanthier).

942 Après avoir reçu ce courriel, le 21 novembre, le surintendant principal Dingwall a envoyé un courriel en copie conforme entre autre au surintendant Morris, demandant à un membre du personnel de discuter des options avec Mme Major-Hurt, du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, et avec la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique.

943 Le courriel envoyé le 22 novembre 2004 par le surintendant principal Lanthier à son employé, M. O’Donnell, dit ceci : [traduction] « Cette demande vient d’arriver. Elle semble être un mélange de questions de gestion et de sécurité. Je suggère que nous attendions d’avoir des nouvelles de la Section de la sécurité du personnel de la Région du Pacifique avant de faire quoi que ce soit. » Le même jour, M. O’Donnell a répondu ceci :

[Traduction]

[…]

Je suis d’accord. Nous ne devrions pas retirer la cote de fiabilité à quelqu’un à moins qu’il y ait des motifs légitimes. Les résultats de l’enquête interne devraient nous donner ces motifs, si nous croyons tout ce qui a été écrit jusqu’à maintenant, et je n’ai absolument aucune raison de ne pas y croire.

[…]

944 Le 22 novembre, M. Mitchell a envoyé un courriel adressé à [traduction] « Messieurs », dont M. O’Donnell, qui a répondu par la suite. M. Mitchell a déclaré qu’il a rencontré le surintendant Morris le 14 novembre, et que ce dernier lui parlé des événements que le surintendant Morris a ensuite décrits dans son courriel du 19 novembre. M. Mitchell a affirmé que lors de cette réunion, il a [traduction] « suggéré de recommander la suspension de la cote de fiabilité de la fonctionnaire en raison des problèmes de supercherie qui perduraient. L’approche issue des Ressources humaines ne [s’était] pas avérée une solution jusqu’à maintenant. » M. O’Donnell a répondu à M. Mitchell que pour lancer le processus, il proposait de commencer par une entrevue de sécurité afin d’ouvrir la voie à d’autres mesures.

945 Si l’entrevue de sécurité avait eu lieu, elle aurait été menée par la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, qui était dirigée par M. Mitchell. La Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique n’a pas mené l’entrevue de sécurité suggérée, mais cette entrevue n’était pas obligatoire dans le cadre de son enquête.

946 M. Mitchell a accusé réception de la suggestion de M. O’Donnell envoyée par courriel le 25 novembre et a déclaré qu’il avait lu le rapport du sergent d’état-major Hildebrand, mais que ce rapport n’appuyait pas, en soi, la révocation de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire. Cependant, si les détails de tous les incidents pouvaient être connectés, il avait confiance que cela pourrait appuyer la révocation. Il a aussi indiqué qu’il attendait le rapport d’enquête sur la plainte en matière de sécurité ministérielle déposée par la fonctionnaire contre le sergent d’état-major Beach (le rapport du sergent Lennox) et que son bureau, la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, ne prendrait pas d’autres mesures tant que ce rapport ne serait pas prêt.

947 L’avocat de la fonctionnaire a soutenu que cet échange de courriels et la rédaction subséquente de la note de service du 29 novembre 2004 par le surintendant Morris, dans laquelle il décrivait en ordre chronologique ce qu’il avait alors vu, avec du recul, comme un schème de comportement trompeur de la part de la fonctionnaire plutôt que des incidents isolés d’inconduite, démontre que le fait d’avoir amorcé le processus d’examen de sécurité était une supercherie ou un stratagème pour se débarrasser de la fonctionnaire alors que le surintendant Morris a vu qu’il n’arrivait pas à le faire au moyen d’une solution liée aux ressources humaines.

948 Je n’interprète pas ces courriels de la même façon que l’avocat de la fonctionnaire. Je n’y vois pas de conspiration pour se servir incorrectement du processus d’examen de sécurité, comme il l’a avancé. Selon moi, la réponse initiale du surintendant principal Lanthier et la réponse de M. O’Donnell appuient le témoignage du surintendant principal Lanthier, selon qui la première étape du processus décisionnel pouvant mener à la révocation était que la Section de la sécurité ministérielle régionale termine son enquête et détermine si des préoccupations légitimes en matière de sécurité devraient être soulevées auprès de l’agent de la sécurité ministérielle, ou si les questions soulevées par le commandant du Bureau du district nord portaient plutôt sur le rendement et la gestion.

949 Je suis d’accord avec l’avocate de l’employeur sur le fait qu’un comportement peut soulever à la fois des questions de sécurité, de discipline et de ressources humaines, et que l’employeur n’avait pas l’obligation de se limiter à une seule avenue pour gérer le comportement problématique de la fonctionnaire. Dans la présente affaire, la preuve a établi que l’employeur s’était servi des trois approches.

950 Le surintendant Morris a affirmé qu’au début du mois de novembre, il avait déterminé, à la lumière du rapport Flewelling sur l’incident lié à la lettre de suspension, daté du 9 novembre 2004, que lorsque la fonctionnaire reviendrait au travail après sa suspension de 10 jours, il lui imposerait une autre suspension pour avoir volé le courriel que le sergent d’état-major Beach avait écrit à l’intention du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, le 29 octobre 2004, et pour avoir menti à son superviseur à ce sujet. Sa note de service initiale, datée du 10 novembre 2004, était adressée à la Gestion des ressources humaines, à Vancouver.

951 Cependant, lorsque le surintendant Morris a appris du bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique que la fonctionnaire enregistrait secrètement les conversations au Bureau du district nord, il a décidé que les mesures disciplinaires ne suffisaient plus pour gérer les risques de sécurité que couraient la GRC et les autres employés en raison de son comportement. Il a affirmé qu’il n’avait jamais, en plus de 30 ans de carrière à la GRC, participé à un examen de sécurité. Il ne savait pas trop comment le processus fonctionnait, alors il a demandé conseil au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique et à la Direction de la sécurité ministérielle à Ottawa, tel qu’il est indiqué dans sa note de service du 19 novembre 2004.

952 La preuve a également démontré qu’au début de novembre 2004, l’inspecteur Clark a employé des options liées aux ressources humaines, des mesures disciplinaires et un examen de sécurité lorsqu’il a envoyé le rapport d’infraction à la sécurité Hildebrand au bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique pour que des mesures disciplinaires soient potentiellement imposées à la fonctionnaire. Il a aussi, en même temps, envoyé le rapport à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, parce que, comme il l’a affirmé lors de son témoignage, un comportement peut soulever des préoccupations liées à la sécurité même s’il n’y a pas eu d’infraction à la sécurité. L’inspecteur Clark a précisé qu’il n’a pris aucune mesure par lui-même alors qu’il agissait comme surintendant par intérim, en l’absence du surintendant Morris. Lorsque le surintendant Morris est revenu et qu’il a pris connaissance de l’envoi du rapport, il n’a formulé aucun commentaire.

953 Pour ce qui est de savoir si le surintendant Morris a réellement, de bonne foi, détecté des risques de sécurité dans le comportement de la fonctionnaire lorsqu’il a lancé le processus d’examen de sécurité en novembre 2004, l’avocat de la fonctionnaire a soutenu, en contre-interrogatoire, qu’on avait demandé au surintendant Morris des exemples concrets du risque que la fonctionnaire représentait pour la GRC. Aucun risque n’est ressorti de ses exemples.

954 L’avocat de la fonctionnaire a fait valoir que, si les incidents cités par le surintendant Morris soulevaient réellement des risques, on aurait pu s’attendre à ce que la direction cherche à les régler plus tôt et prenne des mesures pour sécuriser le Bureau du district nord d’une manière ou d’une autre. Le fait que la fonctionnaire n’a même pas reçu de sanctions disciplinaires pour certains des incidents au moment où ils se sont produits révèle qu’ils n’étaient pas graves et que la GRC n’a jamais eu de réelles préoccupations concernant sa fiabilité. L’avocat a ajouté que le fait que l’un des exemples avancés par le surintendant Morris, nommément qu’il s’est dit préoccupé par le fait que le harcèlement continu de certains employés par la fonctionnaire mettait ces employés à risque, signifie qu’il l’a pénalisée pour s’être plainte de harcèlement, ce qui est illégal. L’avocat a également affirmé que l’incident du 29 octobre 2004 à l’imprimante, auquel le surintendant Morris a accordé beaucoup de valeur dans sa réponse, n’avait virtuellement rien à voir avec la question de fiabilité.

955 Je ne vois pas le témoignage du surintendant Morris sur les risques qu’il a détectés pour les employés de la GRC et du Bureau du district nord lorsqu’il a écrit sa note de service du 29 novembre 2004 à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique de la façon dont l’avocat de la fonctionnaire l’a représenté. Dans sa note de service, le surintendant Morris a décrit ce qu’il estimait être des exemples du comportement trompeur de la fonctionnaire au travail au fil du temps. Avec du recul, il a constaté un schème de comportement qui n’était pas digne de confiance, alors qu’il avait cru jusque-là qu’il s’agissait d’incidents isolés d’inconduite. En outre, il a fourni plusieurs exemples concrets lorsqu’on le lui a demandé en contre-interrogatoire. Les six incidents sur lesquels le surintendant principal Lanthier s’est appuyé pour prendre sa décision de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire faisaient écho à bon nombre des incidents dont le surintendant Morris a parlé lors de son témoignage.

956 Comme il a été mentionné précédemment, le surintendant Morris a affirmé ne pas avoir imposé de mesures disciplinaires pour le comportement de la fonctionnaire avant de recevoir l’évaluation de son aptitude au travail, à la mi-juillet 2004, même s’il avait sanctionné d’autres employés s’ils avaient adopté un comportement semblable, car il craignait que la source du problème de la fonctionnaire soit de nature médicale. Il n’aurait pas imposé de sanctions disciplinaires à un employé dont le comportement pourrait être causé par des problèmes médicaux ou qui découlerait de la toxicomanie avant de vérifier cette hypothèse. En outre, après avoir reçu le rapport du docteur Prendergast indiquant qu’il n’y avait aucune raison médicale pour la conduite inacceptable de la fonctionnaire, il lui a remis la lettre énonçant les attentes dès qu’elle est revenue au travail. Il lui a personnellement dit que son inconduite au travail ne serait plus tolérée. Le fait qu’il ne lui a alors pas imposé de mesures disciplinaires pour ses inconduites antérieures au mois de juillet 2004 ne signifie pas que son comportement antérieur était insignifiant ou que, lorsqu’il a été réexaminé à la lumière de son comportement plus récent, comme l’incident du 29 octobre 2004 à l’imprimante, ils ne pouvaient contribuer à relever, de bonne foi, un schème de comportement mensonger et trompeur qui soulevait de réelles préoccupations en matière de sécurité pour les employés et les biens de la GRC.

957 Je ne vois pas non plus le témoignage du surintendant Morris comme une façon de la punir illégalement pour ses plaintes de harcèlement constantes contre d’autres employés. Par exemple, ses plaintes contre M. Stephenson et le gendarme Wolney ont été examinées par une équipe de deux enquêteurs indépendants provenant de l’extérieur de la Région du Pacifique, et elles ont été jugées non fondées et sans motif. En outre, à la demande de la fonctionnaire, le rapport Chagnon sur les questions de harcèlement a été examiné de façon indépendante à Ottawa, où l’on a affirmé que le processus d’enquête avait été suivi correctement et que ses conclusions étaient bonnes. La plainte de harcèlement de Mme Bailey contre la fonctionnaire a été accueillie à la suite d’une enquête, et la fonctionnaire a reçu une suspension de trois jours en raison de son comportement. Elle a tout de même continué d’alléguer, par écrit et à l’audience, que Mme Bailey avait déposé sa plainte de harcèlement pour se venger et pour interférer avec l’enquête sur les plaintes de la fonctionnaire contre M. Stephenson et le gendarme Wolney. La sincérité de la fonctionnaire quand elle disait avoir été victime de harcèlement et que les enquêtes étaient inadéquates ne signifie pas que les accusations non fondées qu’elle formulait à répétition ne posaient aucun risque pour le bien-être des autres employés.

958 Je souligne également les accusations publiques dommageables que la fonctionnaire a souvent répétées, selon lesquelles Mme Bailey avait obtenu une copie de son courriel calomnieux du 1er octobre 2003, en allant fouiller dans le bureau de la fonctionnaire de manière contraire à l’éthique, et que Mme Bailey méritait donc de lire des choses négatives à son sujet. Or, les enquêteurs ayant produit le rapport Chagnon et le caporal Adair, sans compter le surintendant Morris, ont clairement dit à la fonctionnaire que quelqu’un à qui elle avait envoyé le courriel en copie conforme invisible avait envoyé une copie de ce courriel au surintendant Morris, qui en avait alors remis une copie à Mme Bailey. En octobre 2004, dans une communication avec le caporal Adair, la fonctionnaire continuait de mettre en doute le fait qu’elle ait envoyé à qui que ce soit une copie conforme invisible de son courriel du 1er octobre 2003.

959 Je ne me pencherai que brièvement sur les nombreuses accusations de la fonctionnaire selon lesquelles le surintendant Morris a menti et inventé des histoires à son sujet. Ses déclarations en ce sens dans sa réponse au surintendant principal Lanthier sont extrêmes, mais ne sont pas appuyées par les éléments de preuve présentés à l’audience. Trois petits exemples parmi ses allégations les moins extrêmes permettent, à mon avis, d’illustrer comment elle a refusé d’admettre quelque tort que ce soit et a tenté de discréditer la preuve du surintendant Morris en alléguant qu’il était motivé par sa volonté de régler des comptes avec la fonctionnaire, même si une bonne part de sa preuve était exacte, comme elle l’a admis.

960 La fonctionnaire a écrit dans un courriel et affirmé lors de son témoignage que lors d’une rencontre dans le bureau du surintendant Morris, elle avait traité M. Stephenson de menteur et de trou de cul, dans deux phrases consécutives, mais qu’elle ne l’avait pas traité de [traduction] « trou de cul de menteur », comme le surintendant Morris l’a allégué. Elle l’a accusé d’inventer des choses lorsqu’il a dit qu’elle l’avait traité de [traduction] « dirigeant terroriste ». Elle a affirmé avoir dit, comme elle l’a par la suite écrit dans un de ses courriels, qu’il gérait [traduction] « par la peur, l’intimidation et la terreur ». Elle a soutenu qu’il l’avait faussement accusée d’avoir modifié le cours de formation obligatoire de la GRC sur le harcèlement sans en avoir obtenu l’autorisation au préalable, ce qui a entraîné son remplacement en tant que coanimatrice du cours. Elle a affirmé avoir pris l’initiative d’ajouter trois documents au programme, mais que cela ne modifiait pas le programme, comme il l’a prétendu.

961 Pour ce qui est de l’argument de la fonctionnaire selon lequel le surintendant Morris aurait pris d’autres mesures pour sécuriser le Bureau du district nord s’il avait réellement cru que son comportement soulevait des préoccupations en matière de fiabilité, je remarque qu’elle n’est jamais retournée au travail après sa suspension de 10 jours. Lorsque le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique a appris au surintendant Morris, à la mi-novembre, alors que la fonctionnaire était en suspension, qu’elle enregistrait clandestinement des conversations au Bureau du district nord, il a immédiatement demandé des conseils afin de procéder à un examen de sa cote de fiabilité de la GRC.

962 En somme, je conclus que la fonctionnaire n’est pas parvenue, par les éléments de preuve qu’elle a produits, à s’acquitter du fardeau qui lui incombait d’établir que l’employeur a agi de mauvaise foi ou que les motifs cités dans ses lettres de révocation étaient des supercheries ou servaient à camoufler des mesures disciplinaires déguisées, ou tout autre motif ultérieur. Les incidents décrits ne sont pas que des questions de ressources humaines ou de discipline, comme elle l’a allégué. Le surintendant principal Lanthier et le surintendant Morris ont été en mesure d’évaluer sa fiabilité en s’appuyant seulement sur son comportement. La preuve a démontré que les décisions qu’ils ont prises étaient motivées par de sérieuses préoccupations concernant son honnêteté, sa capacité d’être digne de confiance et sa fiabilité, qui étaient illustrées par son comportement.

963 Je ne crois pas que la preuve produite permet d’établir que le surintendant Morris a agi de façon inappropriée en lançant le processus d’examen de sécurité en novembre 2004, ni que l’employeur a fait preuve de mauvaise foi en rassemblant un cartable de documents contextuels aussi exhaustif que possible en vue de l’examen par l’agent de la sécurité ministérielle. Cependant, même si j’avais conclu que le surintendant Morris avait mal agi en lançant ce processus, la preuve ne m’indiquerait pas que le surintendant principal Lanthier était tellement naïf et inexpérimenté qu’il aurait été dupé, manipulé ou berné par le surintendant Morris pour qu’il prenne autrement que de bonne foi sa décision à partir de ses véritables préoccupations en matière de sécurité, préoccupations qui découlaient de la conduite de la fonctionnaire lors des six incidents sur lesquels il s’est appuyé. Je n’aurais pas non plus conclu, si le surintendant Morris avait mal agi en lançant le processus d’examen de sécurité, que ses actions auraient affecté les décisions de révocation de l’agent de la sécurité ministérielle à un point tel que le présent arbitrage n’y aurait pas remédié.

964 En conclusion, il incombait à la fonctionnaire d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, les décisions de l’employeur de suspendre et de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC étaient des supercheries, des stratagèmes ou du camouflage visant à dissimuler des motifs déguisés qui n’avaient rien à voir avec sa fiabilité dans le cadre de son emploi à la GRC. Elle ne s’est pas acquittée du fardeau d’établir que le processus décisionnel de l’employeur était motivé par la mauvaise foi.

965 Maintenant que j’ai conclu que les décisions de l’employeur de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire n’étaient pas motivées par la mauvaise foi, je me pencherai maintenant sur ses arguments alléguant de graves manquements à l’équité procédurale dans le processus décisionnel de l’employeur et affirmant que je devrais accueillir les griefs pour cette raison.

E. Équité procédurale

966 Comme on l’a mentionné, la jurisprudence reconnaît clairement que les arbitres de grief ont au moins un minimum de compétence pour examiner la décision d’un employeur de révoquer la cote de sécurité d’un employé afin de déterminer s’il y a eu un manquement au principe d’équité procédurale dans le contexte de cette décision (voir Gill). De plus, comme il a été noté au paragraphe 141 de Braun, une allégation de manquement au principe d’équité procédurale ne peut pas être examinée seule, mais peut être vue comme une indication véritable que la décision de révoquer la cote était de nature disciplinaire plutôt qu’administrative.

967 L’avocat de la fonctionnaire a soutenu que le processus derrière la décision de l’employeur de révoquer la cote était fondé sur des motifs injustes. Les cinq infractions suivantes auraient été commises :

  • Ni M. Briske ni le surintendant principal Lanthier n’ont réalisé une entrevue de sécurité avec la fonctionnaire;
  • M. Briske et le surintendant principal Lanthier n’ont réalisé qu’un examen sur dossier, et les deux avaient une idée préconçue de la question de sécurité ou ont formulé des hypothèses concernant l’information que le surintendant Morris leur avait fournie, ce qui n’était pas justifié;
  • La fonctionnaire n’a pas reçu de copie du rapport Briske d’examen du dossier avant de présenter sa réplique;
  • Les descriptions des incidents dans la lettre de suspension de la cote de fiabilité de la GRC du 22 mars 2005 étaient trop vagues pour que la fonctionnaire puisse y répondre équitablement;
  • La fonctionnaire n’a eu que 14 jours pour préparer sa réplique.

968 L’obligation concernant l’équité procédurale varie selon les circonstances de chaque affaire. En l’espèce, la fonctionnaire devait être informée de toutes les allégations auxquelles elle devait répondre et devait avoir une occasion équitable de présenter sa version des faits devant un décideur impartial.

969 Le surintendant principal Lanthier a indiqué clairement dans son témoignage que, dans son rôle d’agent de la sécurité ministérielle, il a évalué le risque que présentait le comportement de la fonctionnaire et a conclu que la fonctionnaire n’avait pas été honnête à plusieurs reprises et qu’on ne pouvait plus se fier à elle pour ne pas trahir la confiance qu’on lui accordait. Il n’a pas parlé à M. Briske ou au surintendant Morris pendant son processus décisionnel, et ses éléments de preuve n’ont pas été contestés. Je me concentrerai donc sur les allégations de manquement au principe d’équité procédurale pour ce qui est du processus décisionnel en deux étapes de l’agent de la sécurité ministérielle.

970 Selon les éléments de preuve, il est clair que la fonctionnaire n’a pas eu la chance de présenter ses observations sur la question de savoir si sa cote de fiabilité de la GRC devrait être suspendue avant que l’agent de la sécurité ministérielle prenne, en mars 2005, la décision provisoire de suspendre sa cote de fiabilité en attendant les résultats d’une enquête plus approfondie.

971 Quand sa cote de fiabilité de la GRC a été suspendue, la fonctionnaire avait une copie de la note de service du 29 novembre 2004 que le surintendant Morris a envoyée à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, dans laquelle il a soulevé des préoccupations concernant le maintien de la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire. Cette dernière savait donc que cette question était examinée. Elle avait préparé une réponse détaillée, datée du 27 janvier 2005, à cette note de service. Cependant, M. Briske ne lui a pas donné la chance de répondre aux conclusions du surintendant Morris, dont plusieurs portaient sur des faits qu’elle a contestés.

972 Je ne crois pas que M. Briske ou l’agent de la sécurité ministérielle étaient tenus de réaliser une entrevue de sécurité avec la fonctionnaire pour que le principe d’équité procédurale soit respecté. Un examen du dossier peut être suffisant dans certaines circonstances si on laisse à un fonctionnaire la chance de présenter des observations significatives et complètes sur les questions.

973 Concernant l’enquête de M. Briske, je note le témoignage de M. O’Donnell, avec lequel je suis en accord. M. O’Donnell a suggéré dans un courriel à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique qu’une entrevue de sécurité, même si elle n’était pas obligatoire, aurait été un bon moyen de commencer l’enquête de sécurité. Dans son témoignage, M. Briske a indiqué que ce n’était pas à lui que revenait la tâche de mener une enquête sur place ou de réaliser une entrevue avec l’employé visé, parce que de nombreuses enquêtes sur place auraient déjà été effectuées et de nombreux rapports rédigés par des cadres de la GRC et d’autres enquêteurs avant que le dossier ne lui soit soumis aux fins d’analyse. Pendant ces enquêtes, l’employé visé, en l’occurrence la fonctionnaire, aurait eu l’occasion de donner sa version des faits. M. Briske a estimé que la Direction de la sécurité ministérielle l’aurait informé si l’agent de la sécurité ministérielle avait déterminé, plus tard, qu’il voulait qu’une entrevue soit réalisée avec la fonctionnaire.

974 Les éléments de preuve ont démontré que M. Briske a présumé véridiques les rapports du surintendant Morris, du sergent d’état-major Hildebrand et du caporal Flewelling, entre autres, et qu’il a adopté les conclusions de ces rapports dans son propre rapport, qui portait sur 21 incidents et contenait une recommandation à l’agent de la sécurité ministérielle de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire, car on ne pouvait plus se fier à elle pour accomplir son travail avec honnêteté et fiabilité. Quand il a rédigé son rapport, M. Briske n’avait pas en sa possession les deux documents d’observations que la fonctionnaire a écrits à la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. Il semblerait que la fonctionnaire n’ait pas transmis son document du 27 janvier 2005 au moment où elle l’a écrit, et la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique n’a reçu son document du 9 février 2005 qu’après que le rapport Briske d’examen du dossier ait été envoyé à l’agent de la sécurité ministérielle, le 12 février 2005. Par conséquent, l’agent de la sécurité ministérielle n’avait pas non plus en sa possession ces documents quand il a examiné le dossier avec son analyste du risque de sécurité à la Direction de la sécurité ministérielle, à Ottawa, et a suspendu la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire en attendant les résultats d’une enquête plus approfondie.

975 Je vais maintenant examiner la question de savoir si la fonctionnaire a eu une occasion équitable de bien comprendre les allégations qui pesaient contre elle et de préparer une réponse significative avant que l’agent de la sécurité ministérielle décide de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC pour un motif valable. À mon avis, l’impartialité de l’agent de la sécurité ministérielle n’a pas vraiment été remise en question. On s’oppose plutôt au fait qu’il ait pris la décision de révoquer la cote sans interroger personnellement la fonctionnaire.

976 Je rejette l’allégation de la fonctionnaire que la décision de l’agent de la sécurité ministérielle de révoquer sa cote était injuste parce qu’il ne l’a pas personnellement interrogée au préalable. Comme il a été noté, il pouvait réaliser l’entrevue, mais il ne s’agissait pas d’une obligation. Il avait le droit de prendre une décision en se fondant sur l’information au dossier dont il disposait, à condition qu’on ait donné à la fonctionnaire une juste occasion de donner sa version des faits.

977 Quand l’agent de la sécurité ministérielle a pris sa décision, il avait en sa possession tous les documents de la pièce 1, dont la réplique de sept pages à simple interligne envoyée par la fonctionnaire à l’agent de la sécurité ministérielle le 6 avril 2005 et les deux longues présentations qu’elle avait préparées plus tôt pour la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, lesquels étaient inclus dans sa réplique, de même que des transcriptions des enregistrements qu’elle avait faits au bureau, des fiches de rendement, de l’information sur les congés de maladie, entre autres.

978 La fonctionnaire a fait valoir qu’elle n’avait pas reçu de copie du rapport Briske d’examen du dossier avant d’envoyer sa réplique et que les descriptions des incidents fournies par l’agent de la sécurité ministérielle dans la lettre de suspension de sa cote de fiabilité de la GRC étaient trop vagues pour lui permettre de façon équitable de préparer une réponse.

979 Je ne crois pas qu’il soit injuste que la fonctionnaire n’ait pas reçu une copie du rapport Briske d’examen du dossier. L’agent de la sécurité ministérielle a déclaré qu’il a énuméré dans sa lettre de suspension les cinq incidents, plus tard divisés en six, qui pour lui étaient préoccupants sur le plan de la sécurité et sur lesquels il a fondé sa décision. Il ne voulait pas que la fonctionnaire réponde aux autres incidents décrits dans le rapport Briske, car il a conclu que ces incidents soulevaient des questions générales de gestion et de rendement qui ne s’inscrivaient pas dans les limites de sa compétence et qui ne le préoccupaient pas. Aucun des éléments de preuve qui ont été soumis ne suggère que l’agent de la sécurité ministérielle se serait appuyé sur d’autres incidents du rapport pour forger son opinion qu’il ne pouvait plus avoir confiance en l’honnêteté, l’intégrité et la fiabilité de la fonctionnaire.

980 Je conviens que les descriptions des cinq incidents que l’agent de la sécurité ministérielle trouvait préoccupants étaient brèves, mais je ne crois pas, dans les circonstances, qu’elles étaient trop vagues pour que la fonctionnaire puisse comprendre les allégations contre elle. Cette dernière avait une copie de la note de service du surintendant Morris. Il est clair quand on examine sa réplique à l’agent de la sécurité ministérielle, qui contenait ses deux présentations à l’intention de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique, qu’elle comprenait ses préoccupations. Ce qu’elle devait faire à ce moment-là était de fournir une explication complète et cohérente de son comportement lors de ces cinq incidents. À mon avis, elle a choisi comme tactique de s’en prendre à ses gestionnaires dans sa réplique plutôt que de répondre précisément et le moindrement en profondeur aux incidents mentionnés.

981 Je suis d’accord avec l’évaluation de l’agent de la sécurité ministérielle que la fonctionnaire n’a pas répondu à ses préoccupations dans sa réplique. Il lui a dit qu’il avait suspendu sa cote de fiabilité de la GRC en raison de l’information incorrecte et trompeuse qu’elle avait donnée à Mme Bailey, au surintendant Morris, au sergent d’état-major Hildebrand et au sergent d’état-major Beach pour les cinq incidents en question. La fonctionnaire a essentiellement choisi de déclarer dans sa réplique qu’elle n’avait jamais parlé de ces événements avec toutes les personnes mentionnées ou n’en avait parlé que de manière restreinte, laissant entendre qu’elle n’avait donc pas pu leur donner de l’information fausse comme on le prétendait. La plupart des commentaires de sa réplique sont des atteintes excessives à l’intégrité et à l’honnêteté du surintendant Morris et du sergent d’état-major Beach. La fonctionnaire a soigneusement évité de parler des faits des incidents tout en donnant sa version des allégations d’actes déplacés et même criminels et d’abus de pouvoir de la direction.

982 Je ne crois pas non plus que le délai de 14 jours pour la réplique, prévu à l’article 5.2 de la politique sur la cote de fiabilité de la GRC, était injuste dans les circonstances. Comme on l’a noté, la fonctionnaire avait reçu une copie de la note de service du surintendant Morris en décembre 2004, et elle y avait préparé une réponse paragraphe par paragraphe qui était datée du 27 janvier 2005, qu’elle comptait utiliser au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. De plus, la fonctionnaire avait préparé sa préparation détaillée datée du 9 février 2005 à l’intention de la Section de la sécurité ministérielle de la Région du Pacifique. Les cinq incidents sur lesquels l’agent de la sécurité ministérielle s’est appuyé plus tard faisaient partie de ces observations.

983 En conclusion, je note qu’il incombait à la fonctionnaire de démontrer que l’employeur n’avait pas respecté le principe d’équité procédurale en décidant de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC. Je conclus que les éléments de preuve de manquement quant aux procédures qu’elle a présentées ne lui permettent pas de s’acquitter de sa charge d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, les décisions de l’employeur de suspendre et de révoquer sa cote étaient en réalité des mesures disciplinaires ou des décisions prises de mauvaise foi.

984 Je conclus également que, si le processus qui a mené l’employeur à décider de révoquer la cote de la fonctionnaire comportait des lacunes procédurales, ces dernières ont été corrigées complètement par le présent processus d’arbitrage, qui comprenait une audience de novo de 38 jours, dont près de 7 jours et demi ont été consacrés au témoignage de la fonctionnaire et 5 jours à l’interrogatoire principal (voir Tipple).

F. Décision concernant les griefs sur la suspension et la révocation de la cote de fiabilité de la GRC

985 En conclusion, la fonctionnaire ne s’est pas acquittée de sa charge d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, les décisions de l’employeur de suspendre et de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC étaient des mesures disciplinaires déguisées ou étaient à ce point empreintes de mauvaise foi ou d’iniquité procédurale que les lacunes en question n’auraient pas été corrigées par la présente audience de novo.

986 Après avoir entendu tous les éléments de preuve et examiné les observations et la jurisprudence, je conclus que l’objection de l’employeur relative à ma compétence doit être accueillie. Je n’ai pas compétence pour entendre les griefs qui portent sur ses décisions de suspendre et de révoquer pour un motif valable la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire. Je dois rejeter ces griefs.

G. Décision concernant les griefs sur la représentation syndicale

987 Rien dans la convention collective n’empêche l’employeur de transmettre à un employé des communications non disciplinaires sans la présence d’un représentant syndical.

988 Comme j’ai établi que les décisions de l’employeur de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC de la fonctionnaire étaient de nature administrative et non disciplinaire, l’article de la convention collective sur la discipline ne s’applique pas. De plus, les deux griefs contestant la décision de l’employeur de refuser une représentation syndicale à la fonctionnaire pendant les rencontres quand on lui avait donné des avis de suspension et de révocation, ce qui aurait été en violation des dispositions de la convention collective sur la discipline, n’étaient pas défendables. Je rejette donc ces griefs.

H. Décision concernant les griefs contre la suspension

989 La fonctionnaire a contesté les décisions du 24 mars 2005 et du 4 août 2005 de la suspendre sans traitement pour une durée indéterminée parce qu’elle ne répondait plus à l’une des conditions de son emploi à la suite de la révocation de sa cote de fiabilité de la GRC.

990 La contestation par la fonctionnaire de la décision rendue le 24 mars 2005 par l’employeur est combinée au grief sur la décision du 22 mars 2005 de suspendre sa cote de fiabilité de la GRC. J’ai déjà rendu une décision sur l’objection contre ma compétence en vertu de l’article 209 de la nouvelle LRTFP formulée en lien avec ce grief.

991 La contestation de la fonctionnaire de la décision par l’employeur de la suspendre sans salaire pour une période indéterminée, rendue le 4 août 2005, a été présentée séparément de son opposition à la décision du 27 juillet 2005 de révoquer sa cote de fiabilité de la GRC. Il s’agit du quatrième grief, et il a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la nouvelle LRTFP.

992 Puisque la décision de l’employeur de suspendre la fonctionnaire n’impliquait pas une rétrogradation ou un licenciement, le sous-alinéa 209(1)c)(i) de la nouvelle LRTFP ne s’applique pas. Comme il a été mentionné, je n’ai compétence relativement à ces griefs en vertu de l’alinéa 209(1)b) que si la preuve révèle qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée.

993  Peu de temps a été accordé aux arguments liés aux griefs sur la suspension de l’emploi, car l’audience, tout comme les observations écrites, visait avant tout la compétence de l’arbitre de grief pour examiner les décisions de l’employeur de suspendre et de révoquer la cote de fiabilité de la GRC. Je ne me pencherai que brièvement sur cette question.

994 En appliquant les principes énoncés plus tôt concernant ce qui constitue une mesure disciplinaire au sens de l’alinéa 209(1)b) de la nouvelle LRTFP, le témoignage non contesté du surintendant principal Clark, qui a remis les deux lettres de suspension à la fonctionnaire, a démontré que le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique, qui a rédigé les lettres pour qu’il les signe, l’a avisé qu’il n’y avait pas d’autres choix. La cote de fiabilité de la GRC est la cote de sécurité la plus basse possible, et il s’agit d’une des conditions d’emploi à la GRC.

995 Le surintendant principal Clark a affirmé qu’il s’attendait à ce que la fonctionnaire soit de retour au travail en avril 2005, à la fin de son congé de maladie, et il a été surpris de constater la décision du surintendant principal Lanthier de suspendre sa cote de fiabilité de la GRC avant son retour. Il a indiqué qu’il a d’abord été surpris lorsque le bureau des Ressources humaines de la fonction publique de la Région du Pacifique lui a appris qu’il n’y avait pas d’autre choix que de suspendre la fonctionnaire lorsqu’elle a perdu sa cote de fiabilité de la GRC et qu’il y avait si peu d’options possibles. Toutefois, en y réfléchissant, la décision de la suspendre parce qu’elle avait perdu sa cote de fiabilité de la GRC lui a semblé sensée, puisque sans cote de fiabilité de la GRC, une personne ne peut consulter les registres et les données de la GRC ni accéder aux locaux de la GRC sans être escortée.

996 On n’a produit aucune preuve ni formulé d’allégations indiquant que le surintendant principal Clark était motivé par une intention d’imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire ou de la punir en lui remettant les lettres de suspension pour une période indéterminée du 24 mars 2005 et du 4 août 2005, qu’il a agi de mauvaise foi ou qu’il n’a pas respecté le principe d’équité procédurale.

997 En résumé, la preuve a clairement établi que la décision rendue le 4 août 2005 par l’employeur de suspendre la fonctionnaire était de nature administrative et fondée uniquement sur le fait que la fonctionnaire ne satisfaisait plus à l’une des conditions essentielles de son emploi, puisqu’elle avait perdu sa cote de fiabilité de la GRC. Par conséquent, je conclus que les griefs contre cette suspension ne sont pas arbitrables en vertu de l’article 209 de la nouvelle LRTFP. Je dois les rejeter, faute de compétence.

I. Décision concernant le grief de licenciement

998 J’ai déjà statué qu’un arbitre de grief avait compétence pour entendre un grief de licenciement présenté en vertu du paragraphe 209(1) de la nouvelle LRTFP, que ce licenciement soit de nature disciplinaire ou non, et qu’un licenciement doit être motivé, tel qu’il est précisé au paragraphe 12(3) de la LGFP. J’ai également mentionné qu’un fonctionnaire s’estimant lésé qui a perdu sa cote de fiabilité de la GRC ne satisfait plus à l’une des conditions de son emploi. L’employeur avait un motif valable pour licencier la fonctionnaire en vertu du paragraphe 12(3) de la LGFP, à moins qu’elle puisse établir que l’employeur a fait preuve de mauvaise foi ou n’a pas respecté le principe d’équité procédurale lorsqu’il a déterminé qu’elle ne satisfaisait plus à l’une des conditions de son emploi, ayant perdu sa cote de fiabilité de la GRC.

999 Selon moi, le surintendant principal Lanthier, en tant qu’agent de la sécurité ministérielle, jouissait d’un certain pouvoir discrétionnaire pour déterminer quelles étaient les exigences de la GRC en matière de sécurité, dans les limites de la bonne foi et de l’équité procédurale.

1000 Hillis portait aussi sur un licenciement à la suite de la révocation de la cote de sécurité d’une fonctionnaire s’estimant lésée. Dans cette affaire, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit aux paragraphes 132 et 133 :

[132] Dans l'arrêt Kampman (précité), la Cour d'appel fédérale confirme le pouvoir décisionnel de l'ASM et sa prérogative à cet égard et établit des normes d'examen à l'intention des arbitres de griefs. Par conséquent, pour me convaincre de la nécessité d'examiner la décision de l'ASM, la fonctionnaire s'estimant lésée devait démontrer que l'employeur avait omis d'appliquer les règles de l'équité du processus et du caractère raisonnable.

[133] Dans la mesure où il agit en conformité avec le pouvoir dont il est investi par la Politique du gouvernement sur la sécurité et la Norme sur la sécurité du personnel, l'agent de sécurité ministériel est habilité à révoquer la cote de fiabilité d'un fonctionnaire. Compte tenu des renseignements recueillis dans le cadre de l'enquête disciplinaire et des événements subséquents, il était devenu nécessaire de vérifier si la fonctionnaire était toujours une personne fiable à qui l'on pouvait continuer de confier des biens du gouvernement, notamment les renseignements personnels très délicats fournis par les citoyens. Cette décision était laissée à l'appréciation de l'ASM et le critère à appliquer est celui qui est énoncé dans les politiques pertinentes.

1001 Pour ce qui est de l’argument de la fonctionnaire selon lequel je devrais examiner le caractère raisonnable de la décision de la licencier parce qu’elle n’avait plus sa cote de fiabilité de la GRC, j’accepte la citation tirée de Braun, au paragraphe 139, qui dit que le rôle d’un arbitre de grief n’est pas de déterminer si la décision d’un employeur de révoquer la cote de sécurité d’un employé est raisonnable ou s’il approuve cette décision. Je ne siège pas en appel et je n’effectue pas de contrôle judiciaire.

1002 On n’a produit aucune preuve pour me convaincre que la décision de l’employeur de licencier la fonctionnaire parce qu’elle ne satisfaisait plus à une condition de son emploi, n’ayant plus sa cote de fiabilité de la GRC, était déraisonnable.

1003 Puisque la cote de fiabilité de la GRC est la cote de sécurité minimale requise pour occuper un poste auprès de l’employeur, puisque sa décision de la licencier parce qu’elle ne satisfaisait plus à une condition de son emploi, n’ayant plus sa cote de fiabilité de la GRC, n’était pas motivée par de la mauvaise foi, et puisqu’on a remédié à tout vice de procédure par le présent arbitrage, je conclus que l’employeur avait un motif valable, aux termes du paragraphe 12(3) de la LGFP, pour la licencier le 3 janvier 2006. Je rejette le grief de licenciement.

1004 Puisque je rejette les griefs, je n’ai pas besoin d’exercer ma compétence pour examiner la question des mesures de redressement pour la fonctionnaire.

1005 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

XII. Ordonnance

1006 Le grief dans le dossier de la CRTFP 166-02-37094 est rejeté.

1007 L’objection visant la compétence d’un arbitre de grief pour entendre les griefs dans les dossiers de la CRTFP 566-02-174, 175 et 1298 est accueillie et j’ordonne la fermeture de ces dossiers.

1008 Les griefs dans les dossiers de la CRTFP 566-02-173 et 176 sont rejetés.

1009 Le grief dans le dossier de la CRTFP 566-02-395 est rejeté.

Le 19 juillet 2013.

Traduction de la CRTFP

Margaret E. Hughes,
Arbitre de grief

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