Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Dans le dossier 2013 CRTFP 27, l’arbitre de grief a conclu que l’employeur n’avait pas démontré qu’il avait un motif raisonnable de conclure que la fonctionnaire avait abandonné son poste - on a informé les parties qu’elles avaient 60 jours pour régler la question du redressement, faute de quoi l’arbitre de grief demeurerait saisi de l’affaire afin de régler cette question - les parties ont pu s’entendre sur la question de la réintégration, mais elles n’ont pas pu se mettre d’accord sur les questions suivantes: le droit de l’employeur de demander une évaluation de l’aptitude au travail, la période rétroactive servant au calcul de la perte de revenus, le droit de l’employeur de demander des renseignements concernant les sommes gagnées à titre d’atténuation des dommages pour l’année 2013 et la demande de dommages de la fonctionnaire - l’employeur avait clairement indiqué qu’il était disposé à accepter l’attestation du médecin remise par la fonctionnaire en mars 2011 - la question de l’évaluation de l’aptitude au travail est devenue théorique - la période rétroactive de dédommagement commençait au mois de mars 2011, soit la date de la cessation d’emploi - l’employeur avait le droit d’obtenir des renseignements sur les sommes gagnées à titre d’atténuation des dommages pour 2013 - la demande de dommages a été rejetée puisque la demande de l’employeur concernant une évaluation d’aptitude au retour au travail n’était pas arbitraire. Instructions données.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-07-31
  • Dossier:  566-02-6636
  • Référence:  2013 CRTFP 89

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MICHELE LAYE

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire)

employeur

Répertorié
Laye c. Administrateur général (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
David Olsen, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Ray Domeij, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue par téléconférence le 30 mai 2013 et arguments écrits déposés
le 14 juin, le 21 juin et le 5 juillet 2013.
(Traduction de la CRTFP)

1 Le présent renvoi à l’arbitrage concerne un grief portant sur le licenciement par l’employeur de Michelle Laye, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), agente principale de programmes de groupe et de niveau PM-02 à la Direction des programmes du revenu agricole du ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire (l’« employeur »), à Winnipeg, au Manitoba.

2 La fonctionnaire a été licenciée en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline. La lettre de licenciement, datée du 22 mars 2011, indique que l’employeur a conclu qu’elle avait abandonné son poste.

3 Les audiences ont été tenues sur le fond du renvoi à l’arbitrage à Winnipeg (Manitoba), les 16, 17, 18 et 19 octobre 2012, et les plaidoiries ont été entendues à Ottawa, le 7 décembre 2012.

4 Dans ma décision du 21 mars 2013, j’ai conclu au paragraphe 177, après avoir examiné objectivement les faits, que l’employeur n’avait pas démontré qu’il avait un motif raisonnable lui permettant de conclure que la fonctionnaire avait abandonné son poste. J’ai également conclu que les actions de l’employeur, qui a continué de traiter la fonctionnaire comme une employée de novembre 2007 à mars 2011, étaient incompatibles avec l’exercice de son droit de juger qu’un employé a abandonné son poste.

5 J’ai accueilli le grief et ordonné que la question du redressement soit renvoyée aux parties pour qu’elles la règlent dans un délai de 60 jours, et je suis demeuré saisi de l’affaire pour statuer sur le redressement si les parties étaient incapables de régler la question à leur satisfaction.

6 Les parties n’ont pas pu régler la question à leur satisfaction. À la suite d’une téléconférence entre les parties le 30 mai 2013, il a été décidé que la question du redressement serait tranchée à partir d’arguments écrits. 

Arguments de l’employeur

7 À la suite de discussions préliminaires entre l’employeur et le représentant de la fonctionnaire, l’employeur a présenté une proposition officielle concernant la question du redressement, dont les points saillants sont les suivants : réintégration de la fonctionnaire dans un poste PM-02 avec effet à la date de cessation d’emploi; versement de la rémunération rétroactive correspondante moins les sommes perçues en limitation du préjudice, évaluation actuelle de l’aptitude au travail et attestation de sécurité valable.

8 La fonctionnaire a rejeté la proposition de l’employeur pour deux raisons : 1) l’employeur n’a pas le droit d’exiger une évaluation actuelle de l’aptitude au travail et 2) elle devrait être rémunérée pour la période précédant la date de cessation d’emploi.

9 Même si l’employeur soutient qu’il a le droit de demander une évaluation de l’aptitude au travail dans ce cas, il est disposé à accepter l’attestation du médecin remise à la réunion d’instruction de mars 2011, indiquant que la fonctionnaire est apte au travail et qu’elle est présumée être autorisée à reprendre le travail sans restriction ni limitation.

10 L’employeur prétend que la période rétroactive de perte de revenus commence à la date de cessation d’emploi, le 22 mars 2011, car c’est à cette date que la cause de l’action a pris naissance. La compétence de l’arbitre de grief en matière de redressement ne peut être exercée qu’en fonction des paramètres du grief renvoyé à l’arbitrage. Aucune cause d’action n’a pris naissance avant le 22 mars 2011 et manifestement aucun grief n’a été déposé relativement à la période comprise entre le mois de janvier et la date de cessation d’emploi. La fonctionnaire ne peut recevoir de rémunération pour la période au cours de laquelle elle était en congé sans solde.

Arguments du syndicat

11 L’employeur présente deux arguments principaux. Premièrement, il soutient qu’il a le droit de demander une évaluation de l’aptitude au travail en date d’aujourd’hui. Aucune évaluation de l’aptitude au travail n’a été demandée lorsque la fonctionnaire a repris le travail en janvier 2011, ni à un aucun autre moment avant la cessation d’emploi. La fonctionnaire était absente du travail le 22 mars 2011 uniquement parce que l’employeur a omis de renouveler son attestation de sécurité, et non parce qu’elle était malade ou blessée. On n’a présenté aucune preuve à l’audience selon laquelle ce document était nécessaire ou qu’il a été demandé. Il n’y a aucune preuve selon laquelle l’employeur avait des doutes concernant sa santé. Demander un tel document en ce moment comme condition préalable à la réintégration est [traduction] « discriminatoire, arbitraire, capricieux et abusif, et cela frise le harcèlement ».

12 Deuxièmement, l’employeur soutient que la date de la lettre de cessation d’emploi devrait être la date à laquelle commence le versement des dommages pécuniaires. Le syndicat demande que le versement de dommages soit à compter de novembre 2007, moment où l’employeur affirme que la fonctionnaire a abandonné son poste, ou à compter de janvier 2011, moment où l’employeur lui a donné instruction de retourner au travail.

13 La lettre a pour effet de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire pour abandon de poste présumé en 2007, et c’est ce qui a été annulé lors de l’arbitrage. L’employeur a soutenu tout au long de la procédure qu’il avait le droit de mettre fin rétroactivement à l’emploi de la fonctionnaire, et voilà qu’il affirme que la décision de mettre fin à l’emploi de façon rétroactive n’entraîne aucune conséquence. L’employeur prétend que si on ne travaille pas, on n’est pas rémunéré, mais la preuve montre que la fonctionnaire suivait les instructions de l’employeur et qu’en réalité, certaines de celles-ci étaient obligatoires. Elle devait demeurer disponible et si elle ne l’était pas, elle en subirait les conséquences, même si elle n’était pas présente physiquement sur les lieux du travail.

14 Le syndicat demande une ordonnance voulant que Mme Laye soit réintégrée dans son poste ou un poste identique dès la réception de la décision;  que l’employeur indemnise Mme Laye pour toute perte de salaire et d’avantages jusqu’au 10 janvier 2011, au minimum, moins les sommes gagnées en limitation des préjudices; que l’exigence de l’employeur de soumettre la fonctionnaire à une évaluation de son aptitude au travail soit déclarée déraisonnable et déclarée comme étant une atteinte à la vie privée de la fonctionnaire sans raison économique valable et qu’on lui verse d’autres dommages à hauteur de 5 000 $, en raison de l’exigence arbitraire, discriminatoire et abusive de l’employeur de fournir un certificat d’aptitude au travail comme condition de retour au travail et du retard que cette exigence a entraîné.

Arguments en réplique de l’employeur

15 L’employeur a répliqué qu’il acceptait l’attestation du médecin datée du 8 mars 2011 indiquant que Mme Laye est apte au travail et qu’à la lumière de cette attestation, elle est présumée être autorisée à reprendre le travail sans restriction ni limitation.

16 L’employeur fait remarquer que le syndicat a communiqué des renseignements sur les sommes gagnées en limitation des préjudices pour 2012; mais qu’il attend toujours d’en obtenir pour 2013.

17  L’employeur soutient que Mme Laye a été victime d’un accident d’automobile pendant qu’elle était en congé de maladie. L’employeur n’a pas omis de renouveler son attestation de sécurité. Les autorisations de sécurité expirent après un certain temps et elles doivent être renouvelées. Rien n’oblige l’employeur à renouveler l’attestation de sécurité d’un employé pendant que celui-ci est absent du travail pendant une période prolongée.

18 L’employeur dit que l’affectation de la fonctionnaire au poste qu’elle aurait occupé si elle avait travaillé ne l’oblige pas à lui verser une rémunération exceptionnelle pour la période allant de janvier à mars 2011, alors qu’elle n’exerçait aucune fonction pour l’employeur.

19 La fonctionnaire n’a pas droit à des dommages, contrairement à ce qu’elle prétend. Par ailleurs, si l’arbitre de grief admet l’exposé, l’employeur fait respectueusement valoir que le syndicat doit établir sa prétention de discrimination et de harcèlement allégués en suivant la démarche habituelle et satisfaire à tous les critères juridiques pertinents. L’employeur nie catégoriquement les allégations de discrimination et de harcèlement.

Motifs

20 Après avoir examiné les arguments des parties, il en ressort que personne ne conteste que la fonctionnaire doive être réintégrée dans un poste PM‑02 avec effet à la date de sa cessation d’emploi, soit le 22 mars 2011. Bien qu’au départ l’employeur estimait que la réintégration de la fonctionnaire était conditionnelle à la réception d’une évaluation valable de son aptitude au travail indiquant qu’elle était apte à reprendre le travail, l’employeur a dit clairement qu’il était prêt à accepter l’attestation du médecin remise à la réunion d’instruction tenue en mars 2011, indiquant que la fonctionnaire était apte à travailler et qu’elle était présumée être autorisée à reprendre le travail sans restriction ni limitation. J’estime qu’il n’est pas nécessaire pour moi d’examiner la demande de l’employeur de fournir une évaluation de l’aptitude au travail en ce moment puisque la question est maintenant théorique.

21 L’employeur allègue que la période rétroactive de perte de revenus commence à la date de cessation d’emploi, le 22 mars 2011. Le syndicat soutient que l’employeur devrait indemniser la fonctionnaire pour toute perte de salaire et d’avantages à compter du 10 janvier 2011, au minimum, moins les sommes gagnées en limitation du préjudice, étant donné qu’elle s’est présentée au travail en janvier 2011, qu’elle a suivi les instructions de l’employeur et qu’elle devait rester disponible.

22 L’employeur réplique qu’il n’a pas omis de renouveler son attestation de sécurité et il affirme que rien n’oblige un employeur à renouveler l’attestation de sécurité d’un employé absent du travail pendant une période prolongée.

23 La preuve telle qu’elle figure aux paragraphes 54 à 63 de la décision sur le fond est qu’en réponse à une lettre que M. Friesen a envoyée à la fonctionnaire le 23 décembre 2010, dans laquelle il indique qu’il est crucial qu’elle communique avec lui avant la fermeture des bureaux le vendredi 31 décembre 2010 au sujet de son statut d’employée, la fonctionnaire a laissé un message téléphonique dans la boîte vocale de M. Friesen le 5 janvier 2011. Le 6 janvier, M. Friesen et la fonctionnaire se sont parlé au téléphone. La fonctionnaire a indiqué qu’elle était prête à retourner au travail. M. Friesen lui a demandé de se présenter au travail le lundi suivant. Ce dernier a dit qu’il voulait obtenir plus de détails et discuter de la situation avec la fonctionnaire, en personne, afin de déterminer si elle était prête à reprendre le travail. Il a par la suite appris que son attestation de sécurité était expirée. Il lui a alors demandé de se présenter au travail le lundi suivant dans le but de remplir les formulaires pour renouveler son attestation de sécurité. Il a déclaré qu’il a fallu plusieurs mois pour obtenir une attestation de sécurité et que son intention était d’attendre que la fonctionnaire ait obtenu son attestation de sécurité avant de régler la question de la nature du congé de la fonctionnaire. Comme le processus de renouvellement de l’attestation de sécurité prenait un temps excessif, M. Friesen a décidé de tenir sa réunion d’instruction. À cette réunion, la fonctionnaire a remis une attestation de son médecin indiquant qu’elle était apte à travailler.

24 La fonctionnaire était absente du travail depuis une longue période lorsqu’elle a communiqué avec l’employeur pour l’aviser qu’elle était prête à reprendre le travail, en réponse à la lettre de M. Friesen, en décembre 2010. La preuve selon laquelle l’attestation de sécurité était expirée et qu’il fallait plusieurs mois pour en obtenir une n’est pas contredite. Ce n’est qu’à la réunion d’instruction, le 22 mars 2011, que la fonctionnaire a produit l’attestation de son médecin indiquant qu’elle était apte à travailler. Au vu de toutes les circonstances de ce cas, je ne suis pas prêt à conclure que l’employeur est tenu d’indemniser la fonctionnaire pour la période allant de la date de sa cessation d’emploi au mois de janvier.   

25 En ce qui a trait à la demande de dommages supplémentaires s’élevant à 5 000 $ pour motifs de harcèlement sous prétexte que l’employeur avait déclaré au départ que la réintégration était conditionnelle à une évaluation actuelle de l’aptitude au travail, je ne suis pas prêt, en l’espèce, à conclure que cette condition était arbitraire et je ne suis pas prêt à accorder ces dommages.

26 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

27 La fonctionnaire sera réintégrée immédiatement et sans condition dans son poste PM-02 ou un poste équivalent à l’émission de la présente décision, avec effet le 22 mars 2011.

28 La fonctionnaire recevra son salaire et ses avantages complets pour la période allant du 22 mars 2011 à la date de sa réintégration, moins les revenus d’emploi tirés pendant cette période.

29 La fonctionnaire doit communiquer dès maintenant à l’employeur les renseignements concernant les sommes gagnées en limitation du préjudice pour l’année 2013.

30 Je demeure saisi de l’affaire pendant 60 jours au cas où des questions seraient soulevées relativement à la mise en œuvre de ce redressement.

Le 31 juillet 2013.

Traduction de la CRTFP

David Olsen,
arbitre de grief

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