Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a demandé le renvoi à l’arbitrage des nouvelles conditions d’emploi proposant 1) l’affectation des horaires de travail aux employés disponibles en fonction de la situation d’emploi et de l’ancienneté, et 2) la planification des heures de travail [traduction] << de façon à maximiser les heures rémunérées au taux normal selon l’ancienneté[...] >> - leprésident de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a conclu qu’un conseil d’arbitrage ne peut pas traiter d’une condition d’emploi qui touche directement ou accessoirement l’un des sujets interdits dans l’article 150 de la Loi - il a également conclu que les nouvelles conditions d’emploi que l’agent négociateur souhaitait renvoyer à l’arbitrage contrevenaient aux alinéas 150(1)c) et e) de la Loi, car elles restreignaient la capacité de l’employeur d’embaucher des nouveaux employés et entravaient la capacité de l’employeur d’attribuer des fonctions aux employés. Questions non renvoyées.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-08-27
  • Dossier:  585-24-48
  • Référence:  2013 CRTFP 98

Devant le président de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique


DANS L’AFFAIRE DE LA
LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE
et d’un différend entre
l’Alliance de la Fonction publique du Canada, l’agent négociateur,
et les Opérations des enquêtes statistiques, l’employeur,
relativement à l’unité de négociation composée de tous les employés de l’employeur
menant des enquêtes principalement dans les bureaux régionaux de Statistique Canada


Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Opérations des enquêtes statistiques


MANDAT


Destinataires:
Christine Schmidt, présidente du conseil d'arbitrage;
Joe Herbert et Guy Lauzé, membres du conseil d'arbitrage

Devant:
David P.Olsen, président par intérim de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour l’agent négociateur:
Chantal Homier-Nehmé et Morgan Gay, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Joshua Alcock, avocat, et Gloria A. Tatone Blaker, Opérations des enquêtes statistiques

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
datés des 5, 16, 24 et 25 octobre 2012, des 8, 15 et 27 novembre 2012 et
des 20 et 23 mars 2013,
ainsi que d’une audience tenue à Ottawa (Ontario),
les 27 et 28 mars 2013.
(Traduction de la CRTFP)

I. Affaire devant le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

1 Dans une lettre datée du 5 octobre 2012, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a demandé le renvoi à l’arbitrage pour l’unité de négociation composée de tous les employés de l’employeur menant des enquêtes principalement dans les bureaux régionaux de Statistique Canada (l’« unité de négociation »). À sa demande, l’agent négociateur a joint la liste des conditions d’emploi qu’il souhaitait renvoyer à l’arbitrage. Ces conditions d’emploi et les pièces justificatives sont jointes à la présente, à titre d’annexe 1.

2 Dans une première lettre datée du 16 octobre 2012, les Opérations des enquêtes statistiques (l’« employeur ») ont donné leur position sur les conditions d’emploi que l’agent négociateur souhaitait renvoyer à l’arbitrage. L’employeur a soulevé plusieurs objections à la compétence. L’employeur a également joint la liste des conditions d’emploi supplémentaires qu’il souhaitait renvoyer à l’arbitrage. Cette lettre et les pièces justificatives sont jointes à la présente, à titre d’annexe 2.

3 Dans une deuxième lettre datée du 16 octobre 2012, l’employeur a précisé  les objections à la compétence qu’il avait soulevées concernant certaines conditions d’emploi que l’agent négociateur souhaitait renvoyer à l’arbitrage. L’employeur a apporté les éclaircissements suivants sur les objections :

  • l’employeur s’est opposé à la proposition de l’agent négociateur relative à une nouvelle annexe XX (Liste des enquêtes permanentes) au motif qu’elle violait le paragraphe 150(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique puisque la condition d’emploi réclamée ne faisait pas l’objet de négociations entre les parties. L’employeur a avancé que la proposition ne respectait pas les alinéas 150(1)a), c) et e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ainsi que l’alinéa 4(2)b) et l’article 7 de la Loi sur la statistique;
  • l’employeur s’est opposé à la proposition de l’agent négociateur d’ajouter une nouvelle définition de « employé nommé pour une période indéterminée » à l’article 2 (Interprétation et définitions) au motif qu’elle violait les alinéas 150(1)c) et e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et qu’elle empiétait sur l’alinéa 4(2)b), le paragraphe 5(1) et l’article 7 de la Loi sur la statistique;
  • l’employeur s’est opposé aux nombreuses propositions de l’agent négociateur concernant l’article 20 (Sécurité d’emploi) au motif qu’elles violaient les alinéas 150(1)a), c) et e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et qu’elles allaient à l’encontre de l’alinéa 4(2)b) et l’article 7 de la Loi sur la statistique;
  • l’employeur s’est opposé à la proposition de l’agent négociateur d’introduire de nouvelles clauses 23.16 (Attribution des tâches) et 23.17 (Attribution des heures de travail) au motif qu’elles violaient les alinéas 150(1)a) et e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ainsi que l’alinéa 4(2)b) et l’article 7 de la Loi sur la statistique.

Cette lettre et les pièces justificatives sont jointes à la présente, à titre d’annexe 3.

4 Dans une lettre datée du 24 octobre 2012, l’agent négociateur a donné sa position sur les conditions d’emploi supplémentaires que l’employeur souhaitait renvoyer à l’arbitrage. L’agent négociateur s’est opposé à une partie de la proposition de l’employeur concernant l’ajout d’un nouveau paragraphe à l’article 53 (Durée de la convention) en évoquant le fait que, en vertu du paragraphe 150(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, « [s]ont exclues du champ de la décision arbitrale les conditions d’emploi n’ayant pas fait l’objet de négociations entre les parties avant que ne soit demandé l’arbitrage ». Cette lettre est jointe à la présente, à titre d’annexe 4.

5 Dans un courriel daté du 25 octobre 2012, l’agent négociateur a donné sa position sur les conditions d’emploi supplémentaires que l’employeur souhaitait renvoyer à l’arbitrage. Sa position était la suivante :

[Traduction]

[…] en ce qui concerne l’ensemble des questions en suspens entre les parties, à l’exception des questions qu’a évoquées le syndicat dans ses arguments lors de la demande d’arbitrage et la question mentionnée dans la lettre datée d’hier, le syndicat prône le statu quo quant au libellé de la convention collective, mis à part la proposition de l’employeur concernant l’article 14.01, que le syndicat accepte.

[…]

Ce courriel est joint à la présente, à titre d’annexe 5.

6 Dans un courriel daté du 8 novembre 2012, l’agent négociateur a donné sa position sur les objections à la compétence soulevées par l’employeur. Il a déclaré qu’il considérait les propositions à l’égard de l’annexe XX (Liste des enquêtes permanentes), de la nouvelle définition de « employé nommé pour une période indéterminée » à l’article 2 (Interprétation et définitions) et de l’inclusion d’une nouvelle clause 23.17 (Attribution des heures de travail) comme relevant de la « compétence du conseil » et a donc maintenu sa position sur ces propositions. L’agent négociateur a retiré ses propositions sur les clauses 20.05, 20.06 et 20.09, et a maintenu sa position à l’égard des autres propositions relatives à l’article 20 (Sécurité d’emploi). Enfin, l’agent négociateur a modifié sa proposition portant sur l’introduction d’une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail). Ce courriel et la proposition modifiée sont joints à la présente, à titre d’annexe 6.

7 Dans un premier courriel daté du 15 novembre 2012, l’employeur a donné sa position sur l’objection à la compétence soulevée par l’agent négociateur concernant la proposition de l’employeur d’ajouter un nouveau paragraphe à l’article 53 (Durée de la convention). Il a affirmé qu’il considérait sa proposition comme relevant de la « compétence du conseil » et qu’il maintenait sa proposition. Ce courriel est joint à la présente, à titre d’annexe 7.

8 Dans un deuxième courriel daté du 15 novembre 2012, l’employeur a formulé des commentaires sur le courriel de l’agent négociateur daté du 8 novembre 2012. L’employeur a maintenu ses objections à la compétence visant les propositions de l’agent négociateur concernant l’ajout d’une nouvelle annexe XX (Liste des enquêtes permanentes), d’une nouvelle définition de « employé nommé pour une période indéterminée » à l’article 2 (Interprétation et définitions), de la modification de l’article 20 (Sécurité d’emploi) et de l’inclusion d’une nouvelle clause 23.17 (Attribution des heures de travail). L’employeur s’est également opposé à la proposition modifiée de l’agent négociateur consistant à inclure une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail) au motif qu’elle violait le paragraphe 150(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique puisque la condition d’emploi réclamée ne faisait pas l’objet de négociations entre les parties. Ce courriel est joint à la présente, à titre d’annexe 8.

9 À la suite de l’examen des documents présentés, les Services de règlement des conflits de la Commission des relations de travail dans la fonction publique ont écrit à l’employeur le 20 novembre 2012, à ma demande, pour le prier de donner sa position à l’égard de l’ajout d’un nouveau paragraphe à l’article 53 (Durée de la convention).

10 Dans un courriel daté du 27 novembre 2012, l’employeur a retiré sa proposition d’ajouter un nouveau paragraphe à l’article 53 (Durée de la convention). Ce courriel est joint à la présente, à titre d’annexe 9.

11 Le 10 janvier 2013, les parties ont été informées que le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique avait décidé de tenir une audience afin d’examiner les objections à la compétence proposées par les parties. L’audience a été fixée du 25 au 28 mars 2013.

12 Dans un courriel daté du 20 mars 2013, l’agent négociateur a retiré ses propositions relatives aux clauses 20.02, 20.09, 20.10 et 20.13 de l’article 20 (Sécurité d’emploi). Il a également retiré sa proposition d’inclure une nouvelle annexe XX (Liste des enquêtes permanentes). L’agent négociateur a maintenu sa position sur les autres questions de compétence. Ce courriel est joint à la présente, à titre d’annexe 10.

13 Dans un courriel daté du 23 mars 2013, l’agent négociateur a retiré ses propositions relatives aux clauses 20.11 et 20.12 de l’article 20 (Sécurité d’emploi). Ce courriel est joint à la présente, à titre d’annexe 11.

14 Avant l’audience, les parties avaient réussi à régler toutes les questions relatives aux objections à la compétence en suspens, sauf pour une nouvelle définition de « employé nommé pour une période indéterminée » à l’article 2 (Interprétation et définitions) et l’introduction des nouvelles clauses 23.16 (Planification des heures de travail) et 23.17 (Attribution des heures de travail). L’audience s’est tenue les 27 et 28 mars 2013.

II. Audience

15 Au début de l’audience, les deux parties ont présenté des exposés introductifs précisant leurs positions respectives. Lors de l’audience, l’agent négociateur a retiré sa proposition d’une nouvelle définition de « employé nommé pour une période indéterminée » à l’article 2 (Interprétation et définitions).

16 L’agent négociateur a proposé de renvoyer à l’arbitrage une proposition modifiée visant à introduire une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail). L’employeur soutient que la proposition modifiée oblige l’employeur à attribuer des fonctions précises à des catégories déterminées d’employés, en contravention de l’article 150 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. La proposition modifiée est ainsi formulée :

[Traduction]

23.16 Planification des heures de travail

a) Les heures de travail associées aux enquêtes permanentes doivent être d’abord attribuées aux employés nommés pour une période indéterminée disponibles.

b) Si le nombre d’employés nommés pour une période indéterminée disponibles est insuffisant par rapport aux heures associées à une enquête permanente, les heures seront offertes aux employés nommés pour une période déterminée disponibles.

c) Les heures de travail associées aux enquêtes spéciales doivent être d’abord attribuées aux employés nommés pour une période indéterminée disponibles.

d) Si le nombre d’employés nommés pour une période indéterminée disponibles est insuffisant par rapport aux heures associées à une enquête spéciale, les heures seront offertes aux employés nommés pour une période déterminée disponibles.

e) Lorsqu’elles sont disponibles, les heures de travail associées à une enquête doivent être d’abord attribuées aux employés disponibles ayant reçu la formation nécessaire pour réaliser l’enquête, dans l’ordre de préséance défini ci‑dessus.

f) Si le nombre d’employés qualifiés est insuffisant, l’Employeur attribuera les heures de travail aux employés nommés pour une période indéterminée disponibles et leur offrira la formation nécessaire.

g) Si le nombre d’employés nommés pour une période indéterminée disponibles est insuffisant, l’employeur attribuera les heures de travail aux employés nommés pour une période déterminée disponibles et leur offrira la formation nécessaire.

h) Les employés doivent satisfaire aux exigences linguistiques pour se voir attribuer les heures associées à une enquête.

i) Pour chaque ordre de préséance défini aux alinéas a) à h) ci-dessus, les heures de travail seront attribuées par ordre d’ancienneté si le nombre d’employés disponibles est trop élevé.

17 L’agent négociateur a également proposé de renvoyer à l’arbitrage la nouvelle clause 23.17 (Attribution des heures de travail), qui traitait de la planification des heures de travail de façon à maximiser les heures rémunérées au taux normal selon l’ancienneté. D’après l’employeur, la proposition modifiée présente les mêmes problèmes qui sont inhérents à la proposition modifiée visant à introduire une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail). La nouvelle clause proposée 23.17 est ainsi libellée :

[Traduction]

23.17 Attribution des heures de travail

Une fois qu’il a déterminé la période de collecte de données, les heures ciblées, les périodes de pointe et le nombre d’employés requis pour réaliser une enquête, l’Employeur attribue les heures de travail dans l’ordre de préséance défini au paragraphe 23.16 de façon à maximiser les heures rémunérées au taux normal selon l’ancienneté.

18 L’agent négociateur a affirmé que la proposition modifiée relative à l’inclusion des nouvelles clauses 23.16 (Planification des heures de travail) et 23.17 (Attribution des heures de travail) portaient sur la planification des heures de travail, une question reconnue comme pouvant faire l’objet d’une négociation collective par les formations de la Commission des relations de travail dans la fonction publique en vertu de la Loi sur les relations de travail au Parlement. Quatre unités de négociation de la Chambre des communes et du Sénat avaient renvoyé à l’arbitrage des propositions portant sur les heures de travail.

A. Résumé de la preuve

19 Les deux parties ont cité des témoins pour justifier leurs positions respectives.

1. Pour l’employeur

20 L’employeur a cité Guy Oddo, directeur général des bureaux régionaux de Statistique Canada, comme témoin. M. Oddo est responsable de la gestion des enquêtes sur le terrain et des enquêtes téléphoniques. Ses fonctions comprennent la planification et l’établissement d’un budget pour des enquêtes précises, ainsi que la répartition du travail et la gestion des effectifs.

21 M. Oddo a défini un certain nombre de termes afin d’expliquer le contexte dans lequel les propositions en question peuvent être évaluées.

22 Une enquête permanente désigne une enquête qui se poursuivra dans un avenir prévisible selon les hypothèses de planification de l’employeur. L’Enquête sur la population active, qui est utilisée pour évaluer mensuellement le nombre d’emplois créés et le nombre de personnes en chômage sur le marché du travail, est un exemple d’enquête permanente. On dénombre environ 12 enquêtes permanentes. Certaines enquêtes portent sur des entreprises, tandis que d’autres concernent le public, comme l’Enquête auprès des ménages.

23 Une enquête spéciale est une enquête que l’employeur doit réaliser de façon ponctuelle ou irrégulière et qui est planifiée à court préavis. L’Enquête sur la sécurité financière, qui porte sur le revenu et la richesse des Canadiens, est effectuée de manière irrégulière.

24 Les employés de l’unité de négociation sondent les répondants par téléphone. Comme ils font proportionnellement plus d’enquêtes auprès des ménages, les employés travaillent généralement le soir et la fin de semaine, c’est-à-dire lorsque les répondants de l’enquête sont disponibles. Les enquêtes auprès des entreprises représentent une petite partie de leur travail. Les entrevues téléphoniques sont réalisées de jour, pendant les heures d’ouverture, du lundi au vendredi.

25 Une formation générale est donnée à tous les nouveaux employés. Les employés affectés à une enquête précise reçoivent une formation propre à cette dernière. La formation consiste à expliquer aux employés les raisons pour lesquelles l’enquête sera réalisée, à leur fournir les outils nécessaires pour mener l’enquête et à leur expliquer le contenu de l’enquête, afin de persuader les Canadiens de remplir le questionnaire. Les employés reçoivent également une formation informatique plus technique, car chaque enquête est unique. Dans le cas d’une enquête permanente, les employés reçoivent un recyclage.

26 Pour déterminer les besoins en effectifs dans les bureaux régionaux, la direction doit examiner le volume de travail, la durée des interviews avec les répondants et le  moment opportun pour appeler les répondants. Le soir et la fin de semaine sont les meilleurs moments pour réaliser les enquêtes auprès des ménages. Les données peuvent être recueillies pendant une courte ou une longue période. Ces paramètres sont définis par des méthodologistes. Les intervieweurs ont seulement la responsabilité de recueillir des données, et l’employeur n’a aucune latitude quant à ces paramètres. Pour déterminer le profil du personnel, il est nécessaire d’examiner le budget disponible pour l’enquête, le nombre d’intervieweurs requis, le volume de travail déjà pris en charge par les bureaux régionaux et la disponibilité des intervieweurs pour la période visée par l’enquête. Si les employés sont déjà affectés à d’autres enquêtes et ont déjà atteint le nombre maximal d’heures au moment où débute une nouvelle enquête, il pourra être nécessaire d’assigner des tâches à de nouveaux enquêteurs.

27 Comme le travail est planifié sept jours à l’avance pour le mois suivant, la direction ne veut pas d’horaires qui seraient trop retouchés. La direction demande régulièrement aux employés d’indiquer leur disponibilité. Elle essaie de tenir compte de la disponibilité des employés au moment de planifier le travail. Elle envisage de faire appel à de nouveaux employés lorsque les employés ne sont pas disponibles pour réaliser une enquête parce qu’ils sont affectés à une autre enquête ou qu’ils ne sont simplement pas disponibles. Il est peu pratique de retirer une enquête en cours à des employés. S’il n’arrive pas à obtenir des résultats dans les délais impartis en raison du volume de travail par rapport à la capacité actuelle, l’employeur envisagera de faire appel à de nouveaux employés. En outre, si les frais de déplacement sont trop élevés à cause de la distance à parcourir pour interviewer les répondants, l’employeur embauchera du personnel.

28 Les employés sont divisés en deux groupes distincts : les employés permanents, dont la période d’emploi n’a aucune date de fin, et les employés nommés pour une période déterminée, dont la période d’emploi a une date de fin précise. Tous les employés sont embauchés en vertu de la Loi sur la statistique. Ces employés, tous à temps partiel, ont le même contrat de travail.

29 La semaine normale de travail des employés faisant partie de l’unité de négociation compte 37,5 heures. S’ils dépassent ce nombre maximal, ils ont droit à la rémunération des heures supplémentaires. Cependant, les employés ne font pas 37,5 heures par semaine, car il n’est pas efficace de planifier du travail pour eux le soir et la fin de semaine.

2. Pour l’agent négociateur

30 L’agent négociateur a cité son négociateur en chef, Morgan Gay, comme témoin, afin de situer le contexte. M. Gay travaille pour l’agent négociateur depuis environ six ans et demi et représente les employés de l’unité de négociation depuis février 2011. Depuis lors, M. Gay a rencontré un certain nombre d’employés et a participé à une opération d’établissement des priorités. En discutant avec les employés de l’unité de négociation, il a constaté une grande frustration à l’égard des heures de travail.

31 M. Gay a assisté à 11 séances de négociation avec l’employeur. Parmi les principaux sujets examinés figuraient les heures de travail, les affectations et la semaine de travail dans le contexte des pensions. M. Gay a fait allusion aux observations préliminaires qu’il avait formulées lors des négociations, selon lesquelles un certain nombre de questions étaient demeurées en suspens depuis la dernière ronde de négociations, notamment la reconnaissance de l’ancienneté aux fins de l’attribution des heures de travail. M. Gay a précisé que les circonstances avaient changé depuis la dernière ronde, car des décisions arbitrales touchant la Chambre des communes et le Sénat avaient été rendues. Plus précisément, des formations de la Commission des relations de travail dans la fonction publique avaient reconnu l’ancienneté aux fins de l’établissement des horaires en vertu de la Loi sur les relations de travail au Parlement. M. Gay a déclaré qu’il avait tenté de faire comprendre à l’employeur que l’agent négociateur souhaitait que les employés de l’unité de négociation bénéficient des mêmes droits d’ancienneté aux fins de la planification des heures de travail.

32 Lors des négociations, M. Gay a demandé aux représentants de l’employeur d’aider l’agent négociateur à comprendre les facteurs que la direction prenait en considération pour établir les horaires de travail. L’employeur a présenté à l’agent négociateur un exposé complet sur les facteurs considérés lors de l’établissement des horaires. D’après l’exposé, le nombre d’heures requis est lié à la taille de l’échantillon d’une enquête. En février 2012, l’agent négociateur a déposé une proposition visant l’introduction d’une nouvelle clause 23.16 (Attribution des tâches) qui aurait obligé l’employeur à attribuer les heures de travail selon l’ancienneté et la disponibilité des employés et, dans la mesure du possible, les heures de travail préférées des employés selon l’ordre de préséance suivant : a) les employés nommés pour une période indéterminée et b) les employés nommés pour une période déterminée. La nouvelle clause 23.17 proposée (Attribution des heures de travail) stipulait en outre que les heures rémunérées au taux normal survenant après l’affichage de l’horaire général doivent d’abord être offertes aux employés nommés pour une période indéterminée par ordre d’ancienneté. Si aucun employé nommé pour une période indéterminée ne se porte volontaire, les heures supplémentaires doivent alors être offertes aux employés nommés pour une période déterminée par ordre d’ancienneté. Lors de son exposé à l’intention de l’agent négociateur, l’employeur a fait savoir que le coût, la qualité ou le taux de réponse s’en ressentent lorsque l’ancienneté est le principal aspect pris en considération lors du processus de planification dans l’environnement de travail actuel.

33 À la suite de l’exposé de l’employeur sur l’établissement des horaires de travail, l’agent négociateur a indiqué qu’il voulait avoir une discussion avec la direction. L’agent négociateur convenait que c’était bien la direction qui déterminait les besoins en effectifs. L’agent négociateur était d’avis que la direction ne comprenait pas la proposition d’introduire une nouvelle clause 23.17, car l’exposé de la direction évoquait la crainte que les employés utilisent leur ancienneté pour choisir les périodes de pointe. L’agent négociateur ne cherchait pas à obtenir cet engagement. Il incombait à la direction de déterminer le nombre de personnes nécessaires, le moment où les appels devaient être effectués et le nombre d’heures requises. La direction a fait observer que les coûts de formation polyvalente seraient élevés. L’agent négociateur a déclaré que la responsabilité de l’attribution des fonctions revenait à la direction. M. Gay a affirmé que les représentants de l’employeur avaient examiné les observations de l’agent négociateur et déclaré que l’ancienneté et l’établissement des horaires étaient cruciaux pour eux. Les représentants de l’employeur ont demandé à l’agent négociateur de leur fournir des copies des décisions arbitrales reconnaissant l’ancienneté aux fins de l’établissement des horaires de travail.

34 M. Gay a indiqué que, sur le plan conceptuel, il avait informé la direction de la façon dont la proposition de l’agent négociateur fonctionnerait. L’agent négociateur avait pour objectif de maximiser les heures pendant les périodes de pointe en les portant à 7,5. L’horaire serait dressé une fois que les heures auraient été maximisées. L’horaire serait ensuite rempli par les employés selon leur ancienneté et leur disponibilité. Il a souligné que c’était le nombre d’heures, et non l’attribution des fonctions, qui comptait pour l’agent négociateur. La direction a répondu que tous les facteurs étaient importants, étant donné que l’horaire reposait sur l’enquête et que le nombre d’heures était prévu dans le budget, de même que le nombre d’intervieweurs nécessaires, la période de collecte, le nombre d’heures disponibles et les exigences linguistiques. L’agent négociateur a convenu que les horaires étaient établis sur la base de l’enquête, des heures ciblées, de la période de collecte, des besoins en effectifs bilingues et du nombre d’intervieweurs requis. En outre, il a indiqué que les parties pouvaient se servir de ce cadre comme base.

35 L’ancienneté pourrait s’appliquer à l’affectation des effectifs à une enquête et au nombre d’heures de travail. L’agent négociateur a affirmé qu’il s’efforçait de satisfaire aux besoins de la direction et que cette dernière pourrait prendre en considération tous les facteurs, y compris la méthodologie. L’agent négociateur tenait à proposer une solution qui permette à la direction d’exercer ses attributions de gestion tout en accordant aux employés certains droits. La direction a indiqué qu’elle était disposée à poursuivre le dialogue. Elle a toutefois rappelé que l’agent négociateur voulait maximiser les heures, ce qui serait difficile. La direction a étudié la possibilité d’offrir une stabilité pendant de longues périodes et d’affecter les intervieweurs actuels aux enquêtes permanentes. On a fait remarquer que l’employeur n’offrait pas 37,5 heures de travail par semaine.

36 En définitive, les parties ont abouti à une impasse sur le libellé proposé pour les nouvelles clauses 23.16 et 23.17.

B. Résumé de l’argumentation

1. Pour l’employeur

37 L’employeur a souligné que l’agent négociateur était allé au-delà de la portée de la preuve prévue, même en situant le contexte pour les besoins de l’audience. Bien entendu, la pertinence était le premier principe. Bien qu’elle fût intéressante, la preuve n’avait établi aucun fondement probatoire permettant de statuer sur les questions en litige. L’objectif de l’agent négociateur était de maximiser les heures de travail des employés de l’unité de négociation grâce à l’ancienneté. Il avait tenté de réaliser cet objectif en formulant diverses propositions. Manifestement, il s’agit du point de vue de l’une des parties. L’autre partie a évidemment sa propre interprétation des discussions.

38 Ce que nous avons est une question d’interprétation pure et simple. Le conseil d’arbitrage a-t-il la compétence pour incorporer des propositions traitant de la maximisation des heures de travail par l’ancienneté dans une convention collective? Il est nécessaire d’examiner la proposition modifiée visant l’inclusion d’une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail), le libellé de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la jurisprudence. La preuve de l’agent négociateur n’a pas contribué à répondre à la question fondamentale.

39 Le paragraphe 150(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est ainsi formulé :

150. (1) La décision arbitrale ne peut avoir pour effet direct ou indirect de modifier, supprimer ou établir une condition d’emploi :

[…]

c) soit qui porte sur des normes, procédures ou méthodes régissant la nomination, l’évaluation, l’avancement, la mutation, le renvoi en cours de stage ou la mise en disponibilité des fonctionnaires;

[…]

e) soit de manière que cela aurait une incidence sur l’organisation de la fonction publique, l’attribution de fonctions aux postes et aux personnes employées au sein de celle-ci et leur classification.

L’employeur a fait référence à la décision rendue par le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique dans Association des juristes du ministère de la Justice c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 20, en ce qui concerne la proposition voulant que l’article 150 soit interprété au sens large et qu’une décision arbitrale ne puisse pas concerner une condition d’emploi, même si elle touche  accessoirement l’un des motifs illicites évoqués dans l’article ou qu’elle empiète sur ce dernier.

40 Le 8 novembre 2012, l’agent négociateur a présenté une proposition modifiée visant à inclure une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail) dans le mandat du conseil d’arbitrage. La proposition modifiée exigeait de l’employeur qu’il assigne des fonctions précises à des catégories déterminées d’employés. Dans le cadre d’une enquête permanente, les heures doivent être d’abord attribuées aux employés nommés pour une période indéterminée disponibles, puis aux employés nommés pour une période déterminée. La façon de faire est similaire pour les enquêtes spéciales. La proposition modifiée attribue les heures de travail aux employés nommés pour une période indéterminée plutôt qu’à l’autre catégorie d’employés, et, lorsque le nombre d’employés disponibles est trop élevé, les heures doivent être attribuées par ordre d’ancienneté. Cette proposition empêche l’employeur d’attribuer des heures de travail selon le principe du mérite ou d’autres considérations.

41 Essentiellement, la nouvelle clause 23.16 proposée (Planification des heures de travail) prévoit l’attribution de fonctions précises à une personne en particulier, en contravention des dispositions de l’alinéa 150(1)e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. La proposition modifiée prévoit le même mécanisme en ce qui concerne la formation. Au titre de la proposition modifiée, l’employeur ne peut pas embaucher d’employés tant qu’il n’a pas suivi toutes les étapes décrites dans la proposition modifiée. Le libellé de la proposition modifiée prescrit la manière dont l’employeur doit attribuer les heures de travail. Lorsqu’il souhaite embaucher un nouvel employé, l’employeur doit suivre toutes les étapes décrites dans la proposition modifiée, ce qui l’empêche d’embaucher un nouvel employé pour satisfaire à un besoin précis. La proposition modifiée enfreint manifestement l’article 150.

42 L’agent négociateur propose que la clause 23.20 de la convention collective actuelle soit annulée. Cette clause se lit comme suit :

23.20 Nonobstant la clause 23.18, lorsque les nécessités du service le permettent, l’Employeur s’efforcera d’offrir le travail additionnel disponible à un lieu de travail aux employés/es qualifiés qui sont facilement disponibles à ce lieu de travail, indépendamment de la nature de l’enquête, avant d’embaucher du personnel additionnel. Cette clause ne doit pas être interprétée ou appliquée de façon à empêcher l’Employeur d’embaucher du personnel additionnel, à n’importe quel moment, pour répondre aux besoins du service, ni de façon à empêcher l’Employeur d’embaucher du personnel additionnel avant d’offrir aux employés/es du travail à temps plein.

La proposition modifiée visant à inclure une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail) a exactement pour effet d’empêcher l’employeur d’embaucher du personnel supplémentaire dans les circonstances relatées à la clause 23.20, ce qui va à l’encontre de l’alinéa 150(1)e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Si on examine la structure de la proposition modifiée et qu’on la compare avec les clauses de la convention collective, il est clair que la proposition modifiée traite de l’attribution des fonctions, et non des heures de travail.

43 La dernière question de compétence a trait à la nouvelle clause 23.17 (Attribution des heures de travail) proposée par l’agent négociateur. La principale objection porte sur le fait que la nouvelle clause 23.17 enchâsse la proposition modifiée visant à introduire une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail). Si la proposition modifiée relative à l’inclusion d’une nouvelle clause 23.16 dépasse la portée de la négociation, le conseil d’arbitrage ne pourra pas statuer sur la nouvelle clause 23.17. Tous les problèmes inhérents à la proposition modifiée visant à introduire une nouvelle clause 23.16 sont incorporés dans la nouvelle clause 23.17. L’agent négociateur pourrait soutenir qu’il s’agit d’une exception qui reconnaît à l’employeur le pouvoir de déterminer la période de collecte, les heures ciblées, les périodes d’appel et le nombre d’employés requis pour mener une enquête. Cependant, la nouvelle clause 23.17 n’atteint pas l’objectif poursuivi, car elle prescrit la manière dont l’employeur doit affecter des employés à une enquête.

44 L’argument fondamental présenté dans Association des juristes du ministère de la Justice, au paragr. 28, qui renvoie au paragraphe 150 (1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, lequel stipule que la décision arbitrale ne peut pas avoir pour effet direct ou indirect de modifier, supprimer ou établir une condition d’emploi dans certaines circonstances est le suivant : « […] [s]i un élément “porte directement ou indirectement sur […]” quelque chose, il est clair que même si le lien n’est qu’accessoire par rapport à la question, cet élément est visé par la disposition législative […] » et « l’utilisation des termes “avoir pour effet indirect […]” révèle que le législateur entendait que la disposition fasse l’objet d’une interprétation large ». Si la nouvelle clause 23.17 (Attribution des heures de travail), quel que soit son objet, a pour effet d’empiéter sur une question précise qui dépasse la portée de la négociation, elle ne pourra pas être renvoyée au conseil d’arbitrage.

45 Le cas Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Commission canadienne de la sûreté nucléaire, 2005 CRTFP 174, démontre la portée de l’alinéa 150(1)c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Dans ce cas, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada a proposé, notamment, de renvoyer à l’arbitrage les définitions des termes « mise en disponibilité » et « poste d’attache ». Au paragr. 39, le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a déterminé que « [m]ême s’il s’agit uniquement d’une définition, l’objet de cette définition, en l’occurrence la “mise en disponibilité”, est certainement une question qui n’est pas arbitrable » et qu’« [o]n cherche par cette définition à établir le “principe” de mise en disponibilité, ce qui contrevient à l’alinéa 150(1)c) de la [Loi sur les relations de travail dans la fonction publique] ». Au paragr. 40, le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a estimé que « [d]ans le même ordre d’idées, le terme “poste d’attache” est intégralement relié aux “normes, procédures ou méthodes régissant la nomination”, ce qui est expressément interdit par l’alinéa 150(1)c) […] ».

46 Dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada a aussi proposé de renvoyer à l’arbitrage une clause stipulant que, dans le cas de congés de plus de six mois, la Commission canadienne de sûreté nucléaire pouvait nommer ou muter une autre personne, pour une durée indéterminée, au poste qu’occupait l’employé et qu’au retour de celui–ci, elle ferait le maximum pour lui attribuer un emploi comparable. Au paragr. 44, le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a déclaré ce qui suit : « J’estime que cette proposition se rapporte essentiellement à la dotation, ce qui est interdit par l’alinéa 150(1)c) de la [Loi sur les relations de travail dans la fonction publique] […] »

47 Toujours dans ce cas, au paragr. 45, le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a déterminé que « [l]es questions relatives à l’attribution des tâches ne sont pas arbitrables en vertu de l’article 7 et de l’alinéa 150(1)e) de la [Loi sur les relations de travail dans la fonction publique] […] ».

48 Dans Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral est c. Conseil du Trésor, 2005 CRTFP 42, le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral est a proposé de renvoyer à l’arbitrage une clause limitant la capacité du Conseil du Trésor de sous-traiter du travail normalement accompli par des employés. Aux paragr. 19 et 20, le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a déclaré que le droit du Conseil du Trésor « […] de déterminer l’organisation de la fonction publique et d’attribuer des fonctions aux postes au sein de celle-ci est protégé par la loi […] » et qu’« […] une proposition empêchant la sous-traitance “[…] porte clairement atteinte au droit que possède l’employeur quant à l’organisation de ses services […]” et ne pouvait être examinée dans le cadre d’une demande d’arbitrage ». Dans le même ordre d’idées, le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a déclaré, au paragr. 25, que l’obligation proposée d’embaucher des employés supplémentaires lorsqu’il y a suffisamment de travail disponible pour créer un poste à temps plein empiète sur « […] le droit de l’employeur de déterminer l’organisation de la fonction publique et d’attribuer des fonctions aux postes au sein de celle-ci [lequel est] protégé par l’article 7 de la [Loi sur les relations de travail dans la fonction publique] […] ».

49 Dans A.F.P.C. c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 C.F. 471, la Cour d’appel fédérale a dû statuer sur une proposition visant à « […] limiter le nombre d’heures de classe que les professeurs pourraient être tenus de donner par jour […] ». À la page 478, la Cour a soutenu ce qui suit :

[…] La détermination du nombre maximal d’heures pendant lesquelles les titulaires de certains postes peuvent être tenus quotidiennement de remplir certaines fonctions, à mon sens, ne fait pas qu’entraver la liberté de l’employeur, mais elle fait partie intégrante de l’attribution de fonctions à des postes. L’élément temps est seul visé mais il est essentiel. Il est en effet facile de réaliser que si une détermination de cette nature était introduite quant à l’une des fonctions attachées à un poste, rien n’empêcherait de l’étendre à toutes et chacune des fonctions de ce poste : il en résulterait évidemment une sérieuse entrave à la liberté d’action du gouvernement-employeur d’attribuer des fonctions à ce poste, ce que le Parlement a précisément voulu éviter.

[…]

Les propositions à l’étude ont un effet similaire.

2. Pour l’agent négociateur

50 En ce qui concerne la proposition modifiée d’introduire une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail), l’employeur et l’agent négociateur ne s’entendent pas sur l’objet du litige. Dans son libellé, la proposition porte clairement sur l’établissement des horaires de travail. Des formations de la Commission des relations de travail dans la fonction publique ont reconnu que cette question était un sujet de négociation légitime. Les parties ont eu des discussions approfondies sur la question. M. Gay a déclaré qu’il avait visité de nombreux lieux de travail où les employés ont tous les mêmes préoccupations au sujet des heures de travail.

51 Quatre unités de négociation différentes de la Chambre des communes et du Sénat ont renvoyé à l’arbitrage des propositions traitant des heures de travail des employés qui n’avaient aucune garantie sur le nombre d’heures. Les membres du personnel de la Chambre des communes et du Sénat ont des conditions de travail semblables à celles des employés de l’unité de négociation en l’espèce; ils n’ont pas  d’heures de travail garanties et travaillent, pour la plupart, à temps partiel.

52 Il convient d’examiner l’évolution de la proposition visant à inclure une nouvelle clause 23.16. Après que l’employeur a expliqué en détail les facteurs associés à l’établissement des horaires, l’agent négociateur a décidé de modifier sa proposition afin de répondre aux préoccupations de l’employeur. La proposition modifiée relative à la nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail) tient compte des préoccupations de la direction. L’agent négociateur a toujours reconnu que la proposition devait tenir compte de ces facteurs. M. Gay a confirmé que l’établissement des horaires de travail était une prérogative de la direction. La direction détermine l’enquête, la grappe, les critères, les heures associées à l’enquête et les plages horaires. L’agent négociateur s'est référé au témoignage de M. Gay selon lequel les fonctions assignées aux employés n’avaient aucune importance pour l’agent négociateur, contrairement aux heures de travail. L’ancienneté et l’établissement des horaires sont aussi des éléments cruciaux pour l’agent négociateur. Dans la proposition modifiée visant à introduire une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail), il est clair que l’employeur décide du moment et de l’endroit où une enquête sera réalisée. L’agent négociateur demande seulement que les fonctions soient attribuées aux employés disponibles par ordre d’ancienneté. Cette demande s’accorde bien avec les facteurs associés à l’établissement de l’horaire et définis par la direction pendant les négociations ainsi qu’avec le cadre auquel M. Oddo a fait allusion dans son témoignage.

53 S’il juge que la proposition d’assigner des tâches aux employés nommés pour une période indéterminée plutôt qu’aux employés nommés pour une période déterminée empiète sur les prérogatives de la direction, le président de la Commission des relations de travail de la fonction publique devra revenir à la proposition initiale de l’agent négociateur concernant la nouvelle clause 23.16 (Attribution des tâches). La proposition modifiée de l’agent de négociation visant à introduire une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail) était une proposition hybride qui avait pour but de répondre aux besoins de l’employeur et de montrer une ouverture de la part de l’agent négociateur. Lors des négociations, l’employeur était disposé à envisager d’affecter des enquêtes aux employés nommés pour une période indéterminée avant de les attribuer aux employés nommés pour une période déterminée. L’employeur a contesté la pertinence du témoignage de M. Gay. Le témoignage de M. Gay était toutefois aussi pertinent que celui de M. Oddo, car il permettait de comprendre parfaitement les enjeux.

54 Il ressort clairement de la lecture de la jurisprudence qu’il incombe à la partie qui soulève une objection à la compétence de démontrer qu’une proposition, telle qu’elle est rédigée, nécessite la modification d’une loi, ce qui va à l’encontre de l’alinéa 150(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ou qu’elle a une incidence sur l’organisation de la fonction publique ou l’attribution de fonctions aux membres de la fonction publique, ce qui est contraire à l’alinéa 150(1)e). L’agent négociateur s’est également référé à Association des juristes du ministère de la Justice en ce qui concerne la proposition selon laquelle l’employeur devait démontrer qu’il serait nécessaire d’adopter ou de modifier une loi en vertu de l’alinéa 150(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. L’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve. La majeure partie de l’argumentation de l’employeur repose sur des hypothèses et des présomptions. La décision du président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique doit se fonder sur des éléments de preuve, la législation et la jurisprudence, et non sur des présomptions ou des hypothèses.

55 Une partie de la proposition modifiée visant à introduire une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail) ne traite pas de l’attribution des fonctions. L’agent négociateur propose que les heures de travail soient attribuées par ordre d’ancienneté lorsque le nombre d’employés disponibles est trop élevé. L’agent négociateur reconnaît également que la formation est une prérogative de la direction, comme le sont les exigences linguistiques.

56 L’agent négociateur a fait référence à la clause 23.02 de la convention collective actuelle, qui prévoit qu’aucune clause de la convention ne doit être interprétée comme garantissant une durée de travail minimale ou maximale, et à la clause 23.14, qui stipule que l’établissement et l’administration des horaires de travail sont la responsabilité de l’employeur. L’agent négociateur ne propose pas que ces clauses soient supprimées. Si on conçoit la proposition modifiée visant l’inclusion d’une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail) en tenant compte des clauses 23.02 et 23.14, il est clair qu’il n’y aura aucun empiètement sur les responsabilités de la direction en matière d’attribution des fonctions et de classification des postes.

57 L’agent négociateur a rappelé l’exposé présenté par la direction au sujet de la planification des enquêtes concernant les employés de l’unité de négociation et la tentative faite par l’agent négociateur pour répondre aux préoccupations de la direction dans sa proposition modifiée visant l’introduction d’une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail). Les heures de travail et l’ancienneté relèvent de la compétence d’un conseil d’arbitrage chargé de rendre une décision arbitrale en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. L’employeur refuse de reconnaître des conditions d’emploi qui sont bien établies dans d’autres milieux de travail syndiqués. Lorsque tous les employés travaillent à temps partiel, le roulement est extrêmement élevé. Lorsque les employés n’ont aucune garantie d’heures de travail, il doit y avoir une solution. Le mécanisme de négociation collective devrait être utilisé pour résoudre ces types de problèmes. Selon l’agent négociateur, les propositions représentent un moyen équitable de répondre aux préoccupations de l’employeur et de donner aux employés un mécanisme juste pour se voir attribuer des heures par l’intermédiaire d’un régime limité d’ancienneté qui ne lèse pas les droits de la direction. La protection de l’ancienneté favorise l’équité et procure une stabilité accrue aux employés, et il est fort probable que la productivité de ceux-ci augmentera.

58 L’agent négociateur cherche simplement à obtenir la parité avec les autres fonctionnaires fédéraux. L’agent négociateur est conscient qu’il s’agit d’une loi différente, mais la jurisprudence établie par les formations de la Commission des relations de travail dans la fonction publique en vertu de la Loi sur les relations de travail au Parlement indique qu’il est possible d’attribuer des quarts de travail selon l’ancienneté sans empiéter sur les pouvoirs de la direction. Les employés à temps partiel et les employés saisonniers de la Chambre des communes n’ont aucune garantie d’heures de travail; pourtant, leur ancienneté est protégée. Les dispositions des articles 5, 43 et 55 de la Loi sur les relations de travail au Parlement sont presque identiques aux dispositions correspondantes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Les articles 5, 43 et 55 de la Loi sur les relations de travail au Parlement se lisent comme suit :

5. (1) La présente partie a pour objet d’assurer à certaines personnes affectées aux services parlementaires certains droits, dont celui de négociation collective, dans le cadre de leur emploi.

(2) Un employé peut adhérer à une organisation syndicale et participer à l’activité légitime de celle-ci.

(3) La présente partie n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité de l’employeur quant à l’organisation de ses services, à l’attribution des fonctions aux postes et à la classification de ces derniers.

[…]

43. (1) Sous réserve de l’affectation par le Parlement, ou sous son autorité, des crédits nécessaires, les parties à une convention collective commencent à l’appliquer :

a) au cours du délai éventuellement prévu à cette fin dans la convention;

b) en l’absence d’un délai de mise en application, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de la signature de la convention ou dans le délai plus long estimé raisonnable par la Commission et accordé sur demande de l’une ou l’autre des parties à la convention.

(2) Une convention collective ne peut avoir pour effet direct ou indirect de :

a) modifier, supprimer ou établir une condition d’emploi de manière que cela nécessiterait ou entraînerait l’adoption ou la modification d’une loi fédérale, exception faite des lois affectant les crédits nécessaires à son application

b) modifier ou supprimer une condition d’emploi établie, ou établir, après l’entrée en vigueur de la présente partie, une condition d’emploi pouvant l’être, en conformité avec la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État ou la Loi sur la pension de la fonction publique.

[…]

55. (1) Le paragraphe 43(2) s’applique aux décisions arbitrales, compte tenu des adaptations de circonstance.

(2) Sont exclues du champ des décisions arbitrales les normes, procédures ou méthodes régissant la nomination, l’évaluation, l’avancement, la rétrogradation, la mutation, la mise en disponibilité ou le renvoi d’employés, ainsi que toute condition d’emploi n’ayant pas fait l’objet de négociations entre les parties avant que ne soit demandé l’arbitrage à son sujet.

(3) Une décision arbitrale ne vaut que pour les conditions d’emploi des employés faisant partie de l’unité de négociation relativement à laquelle l’arbitrage a été demandé.

Quant aux dispositions correspondantes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, elles se lisent comme suit :

[…]

5. Le fonctionnaire est libre d’adhérer à l’organisation syndicale de son choix et de participer à toute activité licite de celle-ci.

[…]

6. La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor conféré par l’alinéa 7(1)b) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

7. La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor ou d’un organisme distinct quant à l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale à l’égard duquel il représente Sa Majesté du chef du Canada à titre d’employeur, à l’attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées dans un tel secteur et à la classification de ces postes et personnes.

[…]

113. La convention collective ne peut avoir pour effet direct ou indirect de modifier, supprimer ou établir :

a) une condition d’emploi de manière que cela nécessiterait l’adoption ou la modification d’une loi fédérale, exception faite des lois affectant les crédits nécessaires à son application;

b) une condition d’emploi qui a été ou pourrait être établie sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, la Loi sur la pension de la fonction publique ou la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État.

[…]

117. Sous réserve de l’affectation par le Parlement, ou sous son autorité, des crédits dont l’employeur peut avoir besoin à cette fin, les parties à une convention collective commencent à appliquer celle-ci :

a) au cours du délai éventuellement prévu à cette fin dans la convention;

b) en l’absence de délai de mise en application, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de la signature de la convention ou dans le délai plus long dont peuvent convenir les parties ou que fixe la Commission sur demande de l’une ou l’autre des parties.

[…]

150.(1) La décision arbitrale ne peut avoir pour effet direct ou indirect de modifier, supprimer ou établir une condition d’emploi :

a) soit de manière à nécessiter ou entraîner l’adoption ou la modification d’une loi fédérale, exception faite des lois affectant les crédits nécessaires à son application;

b) soit qui a été ou pourrait être établie sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, la Loi sur la pension de la fonction publique ou la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État;

c) soit qui porte sur des normes, procédures ou méthodes régissant la nomination, l’évaluation, l’avancement, la mutation, le renvoi en cours de stage ou la mise en disponibilité des fonctionnaires;

d) soit, dans le cas d’un organisme distinct, qui porte sur le licenciement, sauf le licenciement imposé pour manquement à la discipline ou inconduite;

e) soit de manière que cela aurait une incidence sur l’organisation de la fonction publique, l’attribution de fonctions aux postes et aux personnes employées au sein de celle-ci et leur classification.

(2) Sont exclues du champ de la décision arbitrale les conditions d’emploi n’ayant pas fait l’objet de négociations entre les parties avant que ne soit demandé l’arbitrage.

[…]

Il est parfaitement acceptable d’invoquer la jurisprudence établie sous le régime de la Loi sur les relations de travail au Parlement en rendant des décisions en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. L’attribution des heures de travail selon l’ancienneté n’empiète pas sur les pouvoirs de l’employeur.

59 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Chambre des communes, dossier de la CRTFP 485-H-10 (19900828), une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a dû examiner un certain nombre d’objections à la compétence concernant des propositions de l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour rendre sa décision arbitrale en vertu de la Loi sur les relations de travail au Parlement. L’Alliance de la Fonction publique du Canada proposait notamment une clause voulant que l’ancienneté d’un employé soit un facteur déterminant dans le choix des quarts de travail. La Chambre des communes s’est opposée à la clause à la fois pour des motifs de compétence et sur le fonds. La Chambre des communes a fait valoir que « […] la clause proposée va à l’encontre des paragraphes 5(3) […] de la [Loi sur les relations de travail au Parlement] […] » en s’appuyant sur le fait que « […] l’ancienneté déterminerait comment les fonctions seraient assignées […] ». L’Alliance de la Fonction publique du Canada a pour sa part soutenu que « la clause […] proposée parle de l’attribution des heures de travail et porte que le choix de ces heures de travail est fondé sur l’ancienneté ». La formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a conclu comme suit au paragraphe 26 :

[…] la clause […] qui est proposée ne porte pas atteinte aux droits ni aux pouvoirs que le paragraphe 5(3) de la [Loi sur les relations de travail au Parlement] reconnaît à l’employeur. De plus, elle ne viole pas le paragraphe 55(2) de la [Loi sur les relations de travail au Parlement] puisqu’elle porte sur le choix des postes de travail, qui ont trait aux heures de travail. La clause proposée vise à faire de l’ancienneté le facteur déterminant dans le choix des heures de travail de l’employé. Néanmoins, la commission décide de rejeter la proposition de l’Alliance à l’égard de l’article 32.

60 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Chambre des communes, 2010 CRTFP 28, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a examiné en toute objectivité l’introduction d’une méthode d’attribution des quarts de travail selon l’ancienneté dans la convention collective. La Chambre des communes a proposé « […] de maintenir le statu quo ». L’agent négociateur a expressément fait référence aux observations de la formation aux paragr. 45 à 47, lesquels sont ainsi formulés :

[45] Les clauses d’ancienneté sont monnaie courante dans les conventions collectives du secteur privé; elles ont également commencé à faire leur apparition dans les conventions collectives de diverses unités de négociation du secteur public fédéral. Pour certains employeurs, le terme « ancienneté » est synonyme de perte du droit de gérer les effectifs, d’attribuer le travail, d’établir les quarts de travail et d’accorder des promotions, or cela n’est pas nécessairement le cas. La Commission reconnaît que l’employeur a le droit de gérer ses effectifs, d’établir les quarts de travail et de classifier les postes. Mais l’ancienneté peut aussi se définir comme la somme des capacités acquises après des années d’expérience. Autrement dit, l’employé acquiert un bagage de connaissances théoriques et pratiques tout au long de ses années d’emploi pour l’organisation. Au fil du temps, il devient un précieux atout avec plus de compétences, ce qui devrait être reconnu en conséquence.

[46] L’introduction d’un régime limité d’ancienneté est un moyen de récompenser les employés, non pas de façon pécuniaire, mais en reconnaissant leur valeur et leur contribution à l’organisation. Les hauts dirigeants du gouvernement ont reconnu récemment que l’absence de sécurité d’emploi et les mouvements continuels de personnel entre les divers ministères, sociétés d’État et autres organisations fédérales constituaient un problème significatif.

[47] Le fait d’appliquer des clauses limitées d’ancienneté pour attribuer les heures de travail et les quarts d’horaire ne porte aucunement atteinte aux droits de la direction. Il s’ensuit que les quarts et les heures de travail seront dorénavant attribués par ordre d’ancienneté.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

61 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Chambre des communes, 2010 CRTFP 14, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a examiné une proposition de l’Alliance de la Fonction publique du Canada consistant à attribuer aux employés à temps partiel et aux employés saisonniers accrédités pour une période indéterminée les heures de travail au taux normal en sus de celles prévues pour les employés à plein temps nommés pour une période indéterminée, par ordre d’ancienneté. La formation a modifié la disposition sur les heures de travail de la convention collective « […] afin de renforcer la protection offerte aux employés [saisonniers accrédités pour une période indéterminée] », y compris l’attribution du travail selon l’ancienneté. L’agent négociateur a soutenu que l’ordre de préséance établi par la formation était similaire aux questions en litige dans sa proposition modifiée visant à introduire une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail).

62 Selon l’agent négociateur, les questions des heures de travail, de l’ancienneté et de la planification peuvent faire l’objet d’un arbitrage. La proposition modifiée visant à introduire une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail) n’empiète pas sur la dotation ni sur l’attribution des fonctions. Les prérogatives de l’employeur demeurent intactes. À titre subsidiaire, si une partie du libellé entraînait un empiètement, la clause devrait être modifiée comme il convient.

3. Réfutation de l’employeur

63 Le libellé de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail au Parlement est similaire en ce qui concerne la portée des négociations et les questions qui ne relèvent pas d’une décision arbitrale. En particulier, le paragraphe 5(3) de la Loi sur les relations de travail au Parlement et l’article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique traitent de la protection des droits de l’employeur.

64 Le paragraphe 55(2) de la Loi sur les relations de travail au Parlement énonce les questions exclues du champ des décisions arbitrales. De façon similaire, le paragraphe 150(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique énonce les questions exclues du champ de la décision arbitrale.

65 La Loi sur les relations de travail au Parlement n’a aucune disposition équivalente à l’alinéa 150(1)e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, lequel alinéa fait obstacle à ce qu’une décision arbitrale ait pour effet direct ou indirect de modifier, de supprimer ou d’établir une condition d’emploi « […] soit de manière que cela aurait une incidence sur l’organisation de la fonction publique, l’attribution de fonctions aux postes et aux personnes employées au sein de celle-ci et leur classification ».

66 Le paragraphe 55(2) de la Loi sur les relations de travail au Parlement stipule que « [s]ont exclues du champ des décisions arbitrales les normes, procédures ou méthodes régissant la nomination, l’évaluation, l’avancement, la rétrogradation, la mutation, la mise en disponibilité ou le renvoi d’employés, ainsi que toute condition d’emploi n’ayant pas fait l’objet de négociations entre les parties avant que ne soit demandé l’arbitrage à son sujet […] ». Cette disposition est semblable à l’alinéa 150(1)c) et au paragraphe 150(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Aux termes de l’alinéa 150(1)c), « […]  [l]a décision arbitrale ne peut avoir pour effet direct ou indirect de modifier, supprimer ou établir une condition d’emploi […] soit qui porte sur des normes, procédures ou méthodes régissant la nomination, l’évaluation, l’avancement, la mutation, le renvoi en cours de stage ou la mise en disponibilité des fonctionnaires. » Quant au paragraphe 150(2), il précise ce qui suit :« […] [s]ont exclues du champ de la décision arbitrale les conditions d’emploi n’ayant pas fait l’objet de négociations entre les parties avant que ne soit demandé l’arbitrage ».

III. Motifs

67 J’approuve l’analyse que le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a faite dans Association des juristes du ministère de la Justice. Le président a jugé que l’article 150 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique devait être interprété au sens large. Un conseil d’arbitrage ne peut pas traiter d’une condition d’emploi, même si elle touche incidemment l’un des motifs illicites évoqués dans l’article 150 ou qu’elle empiète sur ce dernier. Je considère que le libellé que l’agent négociateur propose pour les nouvelles clauses 23.16 (Planification des heures de travail) et 23.17 (Attribution des heures de travail) contrevient à l’article 150 et, en particulier, aux alinéas (1)c) et e). Ces alinéas interdisent qu’un conseil d’arbitrage établisse, modifie, ou supprime, directement ou indirectement, une condition d’emploi « […] soit qui porte sur des […] procédures […] régissant la nomination […] des fonctionnaires » ou « […] soit de manière que cela aurait une incidence sur l’organisation de la fonction publique, l’attribution de fonctions […] aux personnes employées au sein de celle-ci […] ».

68 La proposition modifiée de l’agent négociateur concernant la nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail) prévoit que les heures de travail associées aux enquêtes permanentes soient d’abord attribuées aux employés nommés pour une période indéterminée disponibles. Si le nombre d’employés nommés pour une période indéterminée disponibles est insuffisant, les heures de travail seront offertes aux employés nommés pour une période déterminée disponibles. De façon similaire, les heures de travail relatives aux enquêtes spéciales seront d’abord attribuées aux employés nommés pour une période indéterminée. Si le nombre d’employés nommés pour une période indéterminée disponibles est insuffisant, les heures de travail seront offertes aux employés nommés pour une période déterminée disponibles. Dans l’éventualité où il y aurait trop d’employés disponibles dans chaque catégorie, les heures de travail seraient attribuées selon l’ancienneté. J’estime que la proposition modifiée affecte la capacité de l’employeur d’attribuer des fonctions aux employés, ce qui va à l’encontre de l’alinéa 150 (1)e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, car elle dicte la façon dont l’employeur doit attribuer les heures de travail. En outre, je juge que la proposition modifiée empêche l’employeur d’embaucher de nouveaux employés tant qu’il n’a pas suivi les étapes décrites dans la proposition modifiée, ce qui contrevient à l’alinéa 150(1)c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

69 Au titre de la nouvelle clause 23.17 proposée (Attribution des heures de travail), après avoir attribué les heures de travail conformément à l’ordre de préséance établi dans la proposition modifiée visant à inclure une nouvelle clause 23.16 (Planification des heures de travail), l’employeur doit établir les horaires « […] de façon à maximiser les heures rémunérées au taux normal selon l’ancienneté ». La nouvelle clause 23.17 proposée est fondée sur le fait que la proposition modifiée visant à introduire une nouvelle clause 23.16 relève de la compétence d’un conseil d’arbitrage, et j’ai déjà conclu que cette proposition ne relève pas de la compétence d’un conseil d’arbitrage en vertu des alinéas 150(1)c) et e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Par conséquent, je juge que la nouvelle clause 23.17 proposée ne relève pas non plus de la compétence d’un conseil d’arbitrage en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

70 Bien que les décisions rendues par des formations de la Commission des relations de travail dans la fonction publique en vertu de la Loi sur les relations de travail au Parlement présentent un intérêt, le fait que la Loi sur les relations de travail au Parlement n’a aucune disposition équivalente à l’alinéa 150(1)e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui limite davantage les questions pouvant être renvoyées à l’arbitrage, distingue ces cas de la situation qui nous occupe, à mon avis. Certes, je comprends l’importance que revêt la question soulevée dans les propositions pour l’agent négociateur et les employés de l’unité de négociation ainsi que le raisonnement qui sous-tend les propositions. Toutefois, le législateur a expressément limité le champ autorisé des questions pouvant être renvoyées à un conseil d’arbitrage en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

71 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

72 En vertu de l’article 144 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, les questions en litige sur lesquelles le conseil d’arbitrage doit rendre une décision arbitrale sont énoncées aux annexes 1 à 11 inclusivement, lesquelles sont jointes à la présente, accompagnées des précisions suivantes :

  • la proposition de l’agent négociateur visant à introduire une nouvelle clause 23.16 ne sera pas incluse dans le mandat;
  • la proposition de l’agent négociateur visant à introduire une nouvelle clause 23.17 (Attribution des heures de travail) ne sera pas incluse dans le mandat.

73 Toute question de compétence soulevée pendant l’audience concernant l’inclusion d’une question dans le mandat doit être soumise sans délai au président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, qui est, selon le paragraphe 144(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la seule personne autorisée à se prononcer sur cette dernière.

Le 27 août 2013.

Traduction de la CRTFP

David P. Olsen,
Président par intérim de la
Commission des relations de travail dans la fonction publique

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