Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’intimé a offert à la personne nommée plusieurs nominations intérimaires consécutives. La plaignante affirme que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le choix de processus non annoncés pour deux de ces nominations ainsi que dans l’évaluation du mérite en ce qui a trait à la personne nommée. L’intimé a ensuite nommé cette même personne au poste, pour une période indéterminée, à l’issue d’un processus interne annoncé. La plaignante est d’avis que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’évaluation de ses qualifications et de celles de la personne nommée. Décision En ce qui a trait aux nominations intérimaires, le Tribunal a conclu que l’intimé avait des motifs valables pour choisir des processus non annoncés et que la plaignante n’avait pas réussi à établir que l’intimé avait fait preuve de favoritisme personnel ou de partialité lorsqu’il avait effectué les nominations. Le retard dans l’affichage d’un des avis de nomination intérimaire est une omission de la part de l’intimé mais elle n’était pas suffisamment sérieuse pour constituer un abus de pouvoir. Les éléments de preuve indiquent que l’intimé a évalué la personne nommée avant chaque nomination intérimaire, et il n’a pas été établi que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications de la personne nommée. Pour ce qui est de la nomination pour une période indéterminée, le Tribunal a constaté que la plaignante n’avait pas réussi à démontrer que la personne nommée n’était pas qualifiée. L’intimé a fourni une explication raisonnable au sujet de l’évaluation de la personne nommée. Enfin, la plaignante n’a pas réussi à établir que l’intimé avait fait preuve de favoritisme personnel à l’égard de la personne nommée, ni que l’un des membres du comité d’évaluation se trouvait en conflit d’intérêts et faisait ainsi preuve de partialité. Les plaintes sont rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier :
2011-0908, 2011-1022, 2012-0839 et 2012-0061
Rendue à :
Ottawa, le 10 mai 2013

ANTOINETTE SOCCAR
Plaignante
ET
LE COMMISSAIRE DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de article 77(1)a) et b)de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par :
John Mooney, vice-président
Langue de la décision :
Français
Répertoriée :
Soccar c. le Commissaire de la Gendarmerie Royale du Canada
Référence neutre :
2013 TDFP 0014

Motifs de décision


Introduction

1 Le Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (l’intimé) a nommé à quatre reprises Filomena Silva à titre intérimaire par des processus de nomination non annoncés au poste de chef d’équipe, conception des programmes aux groupe et niveau ED-EDS-04 (poste ou poste susmentionné) à la Gendarmerie royale du Canada (la GRC). Antoinette Soccar, la plaignante, a présenté au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) des plaintes d’abus de pouvoir concernant deux de ces nominations intérimaires. Elle soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir en choisissant des processus de nomination non annoncés. Elle allègue également que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications de la personne nommée.

2 L’intimé a par la suite nommé cette même personne au poste susmentionné pour une période indéterminée par voie d’un processus de nomination annoncé. La plaignante a participé à ce processus mais sa candidature a été rejetée au motif qu’elle ne satisfaisait pas à une qualification essentielle établie pour ce poste. Elle a présenté au Tribunal une plainte dans laquelle elle allègue que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’évaluation de ses qualifications ainsi que celles de la personne nommée.

3 L’intimé nie avoir abusé de son pouvoir dans ces processus de nomination. Pour ce qui est des nominations à titre intérimaire, l’intimé maintient qu’il avait le droit d’utiliser un processus non annoncé pour doter le poste à court terme. Il soutient également que la personne nommée possédait les qualifications établies pour le poste. En ce qui a trait à la nomination pour une période indéterminée, l’intimé maintient qu’il a bien évalué les qualifications de la plaignante ainsi que celles de la personne nommée.

4 La Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas participé à l’audience mais a fourni au Tribunal des observations écrites dans lesquelles elle décrit ses lignes directrices et ses guides pertinents en matière de nomination. La CFP ne s’est pas prononcée sur le bien-fondé des plaintes.

5 Pour les raisons qui suivent, le Tribunal juge que la plaignante n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir dans ces processus de nomination.

Contexte

Les nominations intérimaires

6 L’intimé a fait quatre nominations intérimaires successives en ayant recours à des processus de nomination non annoncés.

7 Le 16 février 2010, l’intimé a nommé Mme Silva au poste susmentionné jusqu’au 15 juin 2010, une durée de quatre mois moins un jour. L’intimé l’a ensuite nommée au poste pour la période allant du 16 juin 2010 au 31 mars 2011. Le Tribunal n’est pas saisi de plaintes concernant ces deux premières nominations intérimaires.

8 En août 2011, la plaignante a appris que Mme Silva avait continué d’occuper le poste à titre intérimaire après le 31 mars 2011 mais que l’intimé n’avait pas affiché l’avis Information concernant une nomination intérimaire (avis de nomination) au sujet de cette prolongation. Elle a quand même déposé une plainte d’abus de pouvoir le 17 août 2011 en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, articles 12 et 13 (LEFP) (dossier 2011-0908). Le Tribunal est proprement saisi de cette plainte puisqu’il n’est pas nécessaire d’attendre l’affichage d’un avis de nomination pour saisir le Tribunal d’une plainte. Il suffit que la nomination ait été faite pour donner droit au recours prévu à l’article 77 de la LEFP. Voir Mercier c. le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2011 TDFP 0013 aux paras. 19-25 et Sherif c. le sous-ministre d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2006 TDFP 0003.

9 Le 16 septembre 2011, l’intimé a affiché sur Publiservice, le site Web du gouvernement fédéral, un avis de nomination indiquant que Mme Silva avait été nommée de nouveau au poste pour la période allant du 1er avril 2011 au 31 janvier 2012. Le 30 septembre 2011, la plaignante a présenté une plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) et b) concernant cette nomination intérimaire (dossier 2011-1022). La plaignante a donc présenté deux plaintes concernant la période commençant le 1er avril 2011.

10 Le 8 février 2012, l’intimé a affiché un autre avis de nomination dans lequel il annonce qu’il a nommé Mme Silva à titre intérimaire pour la période allant du 31 janvier 2012 au 30 mars 2012 (dossier 2012-0061). Le 13 février 2012, la plaignante a présenté une plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) et b) concernant cette dernière nomination intérimaire.

11 Les évaluations pour toutes ces nominations intérimaires ont été faites par le surintendant (Surint.) Terry Gibbon, directeur des Services d’apprentissage (SA) du Collège canadien de police de la GRC (Collège).

La nomination pour une période indéterminée

12 En même temps, l’intimé menait un processus de nomination annoncé pour doter le poste pour une période indéterminée. Il a affiché une Annonce de possibilité d’emploi sur Publiservice le 29 décembre 2010.

13 Le comité d’évaluation pour ce processus de nomination était composé du Surint. Gibbon, de l’inspecteur (l’Insp.) Raymond Duquette, officier responsable de l’Équipe de formation en matière d’enquête, et de Shauna Murphy, conseillère en ressources humaines (RH).

14 Le comité d’évaluation a utilisé les méthodes d’évaluation suivantes : l’examen de la demande d’emploi du candidat qui faisait état de son expérience et de ses études, l’examen d’un document que le candidat avait écrit, la tenue d’une entrevue et une vérification des références.

15 Plus de 20 candidats ont posé leur candidature. Six personnes ont été interviewées. Deux candidats se sont qualifiés pour le poste.

16 La plaignante a échoué à la question de l’entrevue qui évaluait la « capacité de gérer des ressources humaines et financières », une qualification essentielle dans ce processus de nomination. Sa candidature a donc été éliminée à cette étape du processus.

17 Le 2 avril 2012, l’intimé a annoncé sur Publiservice la nomination de Mme Silva au poste susmentionné pour une période indéterminée.

18 Le 12 avril 2012, la plaignante a présenté une plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) et b) concernant cette nomination (dossier 2012-0839).

19 Les quatre plaintes ont été jointes aux fins de ces procédures, conformément à l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique DORS/2006‑6, mod. par DORS/2011-116 (Règlement du Tribunal).

Questions en litige

20 Afin de déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir dans le choix du processus de nomination et l’application du mérite, le Tribunal doit statuer sur les questions suivantes :

    Pour ce qui est des nominations à titre intérimaire

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en nommant Mme Silva au poste en ayant recours à des processus de nomination non annoncés?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications de la personne nommée?
  3. Pour ce qui est de la nomination pour une période indéterminée

  4. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications de la plaignante?
  5. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications de la personne nommée?

Analyse

21 L’article 77(1) de la LEFP stipule qu’une personne qui est dans la zone de recours peut présenter une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination au motif que la CFP ou l’administrateur général a abusé de son pouvoir dans le processus de nomination. La LEFP ne définit pas ce qu’est l’abus de pouvoir, mais l’article 2(4) indique qu’« [i]l est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

22 Comme l’a établi la jurisprudence du Tribunal, cette formulation indique que l’abus de pouvoir doit être interprété de façon large et ne se limite pas à la mauvaise foi et au favoritisme personnel. La Cour d’appel fédérale dans la décision Kane c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 19, a confirmé l’interprétation du Tribunal qu'une erreur peut également constituer un abus de pouvoir (para. 64). Bien que la décision de la Cour d’appel ait été infirmée pour un autre motif par la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. Kane, 2012 CSC 64, cette dernière n’a pas abordé la question de la définition d’abus de pouvoir et, par conséquent, les commentaires de la Cour fédérale d’appel à ce sujet sont tout aussi pertinents. Dans Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601, la Cour fédérale a confirmé que la définition d’abus de pouvoir que l’on retrouve à l’article 2(4) de la LEFP n’est pas exhaustive et que cette notion peut inclure d’autres formes de conduite inappropriée (paras. 21 et 38).

23 Il ressort cependant clairement du préambule de la LEFP et de la LEFP dans son ensemble que des erreurs ou des omissions mineures ne constituent généralement pas un abus de pouvoir. Le fait qu’une erreur constitue ou non un abus de pouvoir dépend donc de la nature et de la gravité de l’erreur. L'abus de pouvoir peut aussi comprendre une omission et une conduite irrégulière. L'ampleur de l'omission et la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peuvent déterminer si elles constituent un abus de pouvoir ou non. Voir, par exemple, la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008.

24 Comme le Tribunal l’a affirmé dans nombre de décisions, il incombe à un plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le processus de nomination (Tibbs aux paras. 49 et 55).

Les nominations intérimaires

25 Tel qu’expliqué ci-dessus, l’intimé a nommé Mme Silva au poste à titre intérimaire à plusieurs reprises, mais le Tribunal n’est saisi que de trois plaintes couvrant la période allant du 1er avril 2011 au 30 mars 2012. Les allégations sont les mêmes dans ces trois plaintes. Le Tribunal ne traitera donc pas des deux nominations intérimaires précédentes. S’il les mentionne à l’occasion, c’est simplement pour mieux comprendre la séquence des événements.

Question I :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en nommant Mme Silva au poste en ayant recours à des processus de nomination non annoncés?

26 La plaignante allègue que l’intimé a abusé de son pouvoir en nommant Mme Silva au poste à titre intérimaire en ayant recours à des processus de nomination non annoncés. La plaignante soutient qu’elle était qualifiée pour le poste, mais que l’intimé a fait ce choix par favoritisme personnel envers Mme Silva afin de lui procurer un avantage indu dans un processus de nomination mené simultanément pour doter le poste pour une période indéterminée. La plaignante soutient également que l’intimé ne lui a pas offert le poste parce qu’il avait un parti-pris contre elle. Selon elle, les nominations intérimaires ne respectent pas les valeurs d’équité et de transparence mentionnées dans les Lignes directrices de la Commission de la fonction publique en matière de nomination (les lignes directrices de la CFP).

Pourquoi l’intimé a nommé Mme Silva au poste en ayant recours à un processus de nomination non annoncé

27 La plaignante soutient que l’intimé aurait dû lui offrir une nomination intérimaire au poste parce qu’elle était pleinement qualifiée. Elle détient une Maîtrise en éducation avec une concentration en leadership et administration éducationnelle. Elle travaille au Collège depuis février 2009 dans la Section de l’élaboration des programmes (SÉP) dans les SA en tant que conceptrice de programmes de formation et spécialiste en apprentissage aux groupe et niveau ED-EDS-03. Elle avait indiqué son intérêt pour le poste dans un courriel qu’elle avait adressé au Surint. Gibbon le 12 août 2011. Son intérêt pour une nomination intérimaire à ce poste avait aussi été consigné dans son plan d’apprentissage pour 2011-2012.

28 Le Surint. Gibbon a mené les processus de nomination intérimaires. Plus spécifiquement, c’est lui qui a évalué les qualifications de Mme Silva et qui l’a choisie pour le poste. Ce choix avait été approuvé par la direction des RH, à laquelle les pouvoirs en dotation de l’intimé sont délégués.

29 Le Surint. Gibbon s’est joint à la GRC en 1980. Il a occupé plusieurs postes durant sa longue carrière. En 2010, on l’a nommé au poste de directeur des SA du Collège, poste qu’il occupait lorsque l’intimé a effectué les nominations qui font l’objet de ces plaintes. Le Collège, dont le campus principal est situé à Ottawa, offre 300 types de formation reliés aux services policiers. Il compte sept sections, dont cinq étaient composées de policiers experts dans un domaine policier, tandis que la SÉP était composée d’experts en formation. Ces derniers travaillaient avec les experts en affaires policières pour développer des cours.

30 Le Surint. Gibbon a choisi de doter le poste par un processus non annoncé parce qu’initialement, le poste ne devait être vacant que pour une courte durée. En décembre 2009, Joyce Coldrey, qui occupait le poste, a demandé un congé sans solde de six mois pour travailler dans un autre organisme gouvernemental. Nadine Lemery a remplacé Mme Coldrey, mais Mme Lemery a quitté le Collège en janvier 2010. En février 2010, le Surint. Gibbon a demandé à Mme Silva, qui avait déjà travaillé dans la SÉP, d’occuper le poste à titre intérimaire pour une période de quatre mois moins un jour.

31 Mme Coldrey devait revenir en juin 2010, mais elle n’est pas revenue comme prévu. Elle a alors décidé de prendre un congé de travail de cinq ans. Comme Mme Coldrey serait absente du travail pendant une si longue période, le Surint. Gibbon a décidé de doter le poste pour une période indéterminée par un processus de nomination annoncé. Entre-temps, il fallait que quelqu’un occupe le poste sur une base intérimaire.

32 Le Surint. Gibbon a expliqué qu’avant l’arrivée de Mme Silva, les choses n’allaient pas bien dans la SÉP. Il avait appris de Mme Coldrey et de Mme Lemery qu’il y avait des conflits entre la SÉP et les autres sections des SA. Les employés de la SÉP croyaient que leur section devrait être responsable du développement et de la mise à jour des cours. Les employés des autres sections pensaient au contraire que chaque section devrait être responsable des cours qu’elle donnait. Ces divergences ont donné lieu à un environnement de travail perturbé et improductif. Les employés des sections composées d’experts en domaines policiers avaient de la difficulté à travailler avec la SÉP. Plusieurs dossiers n’avançaient pas et le développement des programmes manquait de rigueur. Mme Lemery lui avait dit avant son départ qu’il y avait aussi des conflits parmi les employés de la SÉP.

33 Le Surint. Gibbon a déclaré qu’après l’arrivée de Mme Silva, les choses se sont beaucoup améliorées. Dès mars ou avril 2010, il a vu des progrès significatifs dans la qualité des documents produits par la SÉP. Vu ce succès, il a décidé de renouveler la nomination intérimaire de Mme Silva. Dans un courriel du 21 juillet 2010 à Kathy Albert, conseillère en RH, il explique qu’il avait choisi de prolonger la nomination de Mme Silva au lieu de nommer la plaignante parce que Mme Silva avait plus d’ancienneté, occupait un poste de niveau plus élevé et était plus qualifiée. Il voulait également assurer une stabilité dans la section et la plaignante avait indiqué qu’elle cherchait un poste ailleurs, ce qui pouvait compromettre les opérations de la section.

34 L’intimé a présenté au Tribunal la justification pour le choix d’un processus non annoncé complétée par Sharon Woodburn, agente des RH, le 18 novembre 2010. Ce document a trait à la période allant du 16 juin 2010 au 31 mars 2011. Ce document reprend les propros du Surint. Gibbon dans son témoignage.

35 Le Surint. Gibbon a déclaré que la nomination intérimaire de Mme Silva a dû être renouvelée à deux reprises après le 31 mars 2011 parce que le processus mené simultanément pour doter le poste pour une période indéterminée prenait plus de temps que prévu et que Mme Silva faisait un bon travail.

36 Le Tribunal juge que l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir en choisissant de doter le poste à titre intérimaire par des processus non annoncés et en nommant Mme Silva à ce poste. L’article 33 de la LEFP prévoit expressément que la CFP (ou son gestionnaire délégataire) peut choisir un processus annoncé ou un processus non annoncé pour faire une nomination. Le Tribunal a déjà établi que le simple fait de recourir à un processus non annoncé ne constitue pas en soi un abus de pouvoir. Voir, par exemple, Jarvo c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 0006 et Rozka c. Sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 0046.

37 Dans ce cas-ci, la preuve non contredite établit que l’intimé avait des raisons valables de choisir des processus non annoncés et de nommer Mme Silva au poste. Lorsque Mme Coldrey a décidé de ne pas revenir au poste en juin 2010, l’intimé a décidé de doter le poste par un processus annoncé mais il fallait entre temps que quelqu’un vaque aux fonctions du poste à titre intérimaire. Le choix de Mme Silva pour les deux dernières nominations intérimaires est raisonnable puisque l’intimé voulait assurer une stabilité dans le poste et parce que Mme Silva avait fait un bon travail.

Favoritisme personnel et avantage indu

38 La plaignante soutient que le Surint. Gibbon a délibérément prolongé la période des nominations intérimaires par favoritisme personnel envers Mme Silva pour procurer à cette dernière un avantage indu dans le processus de nomination annoncé qui se déroulait simultanément pour doter le poste pour une période indéterminée.

39 Le Tribunal a déjà abordé la question du favoritisme personnel dans de nombreuses décisions. Dans la décision Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007, para. 39, le Tribunal souligne ce qui suit :

Il convient de noter que le mot « favoritisme » est qualifié par l’adjectif « personnel », ce qui met en évidence l’intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble, et que c’est le favoritisme personnel, non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir.

[caractères gras dans l’original]

40 Au paragraphe 41 de la décision Glasgow, le Tribunal a donné l’explication suivante :

Lorsqu’il faut choisir parmi plusieurs candidats qualifiés, l’alinéa 30(2)b) de la LEFP prévoit que la sélection peut reposer sur les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles et les besoins organisationnels. La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

41 Dans ce cas-ci, le Surint. Gibbon a déclaré qu’il n’avait aucune relation personnelle avec Mme Silva. La plaignante n’a pas démontré l’existence d’une telle relation ou d’intérêts personnels indus qui auraient pu influencer la décision de nommer Mme Silva au poste.

42 Le Tribunal juge que la plaignante n’a pas établi que l’intimé a prolongé la période des nominations intérimaires pour permettre à Mme Silva d’acquérir une expérience qui lui procurerait un avantage indu lors du processus de nomination pour une période indéterminée. Le Tribunal estime que l’intimé a fourni des explications raisonnables pour ces prolongations. Le Surint. Gibbon a expliqué au Tribunal que le processus pour doter le poste pour une période indéterminée a pris plus de temps que prévu à cause de divers engagements professionnels et d’événements survenus dans sa vie personnelle. L’intimé lui avait confié diverses tâches en sus de ses fonctions régulières. Par exemple, en 2010, il avait été affecté à la protection du premier ministre lors de la tenue du G-20 et du G-8. La GRC l’avait aussi affecté à la sécurité des Jeux olympiques d’hiver de Vancouver en 2010. À la même époque, un de ses gestionnaires est décédé subitement. Il fallait donc palier à son absence. En même temps, il a dû remplacer à maintes reprises le directeur général du Collège qui avait aussi accepté des fonctions en sus des siennes. Il voulait également régler un important conflit de relations de travail impliquant la plaignante et Mme Silva avant de procéder à une nomination au poste pour une période indéterminée. Ce conflit n’a été résolu qu’à l’automne 2011.

43 Le Tribunal conclut donc que l’intimé a fourni des raisons valables pour expliquer pourquoi il a dû prolonger les nominations intérimaires de Mme Silva à diverses reprises. Ce n’était pas pour lui procurer un avantage indu dans le processus de nomination mené pour doter le poste pour une période indéterminée. Le processus de nomination annoncé a pris plus de temps que prévu.

Partialité

44 La plaignante allègue également que le Surint. Gibbon a choisi d’offrir les nominations intérimaires à Mme Silva parce qu’il avait un parti-pris contre elle.

45 Dans Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623; [1992] A.C.S. No 21 (QL), la Cour suprême a décrit le critère de la crainte raisonnable de partialité de la façon suivante, au paragraphe 22 (QL) : « [C]e critère consiste à se demander si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez un décideur ». Les critères objectifs énoncés par la Cour suprême s’appliquent également aux membres des comités d’évaluation dans le cadre d’une nomination effectuée en vertu de le LEFP. Voir, par exemple, la décision Gignac c. le sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 0010, aux paras. 64-71.

46 La plaignante n’a pas établi qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité de la part du Surint. Gibbon envers elle. La plaignante a fait référence à plusieurs incidents entre elle et Mme Silva, y compris un conflit de relations de travail. Le Tribunal note qu’il y avait un conflit entre la plaignante et Mme Silva, mais il n’impliquait pas le Surint. Gibbon. Le Tribunal ne voit donc pas en quoi ce conflit aurait influencé la décision du Surint. Gibbon de doter le poste en ayant recours à un processus de nomination non annoncé et en nommant Mme Silva au poste. Ce conflit n‘est tout simplement pas pertinent à cette plainte.

47 La plaignante a également fait allusion à une plainte qu’elle avait déposée le 16 septembre 2011 auprès du Commissariat aux langues officielles parce que Mme Silva communiquait avec elle en anglais et exigeait également que la plaignante communique avec elle dans cette langue. Le Commissaire aux langues officielles (le Commissaire) a donné raison à la plaignante. Le Tribunal juge que cet incident ne démontre pas un parti-pris de la part du Surint. Gibbon. Cet incident implique la plaignante et Mme Silva. Le Surint. Gibbon n’était qu’indirectement impliqué en tant que superviseur de Mme Silva. D’ailleurs, le rapport du Commissaire de mars 2012 indique qu’à partir du 21 octobre 2011, la plaignante a cessé de se rapporter à Mme Silva pour se rapporter directement au Surint. Gibbon. Le Surint. Gibbon a également témoigné que la GRC avait pris des mesures pour corriger la situation. Cet incident ne suffit pas à établir une crainte de partialité. Un observateur relativement bien renseigné ne pourrait raisonnablement percevoir de la partialité de la part du Surint. Gibbon à cause son rôle dans cette plainte. Au contraire, il semble que son rôle a eu des effets bénéfiques pour la plaignante puisque la situation s’est améliorée lorsqu’il a pris en charge sa supervision.

La valeur d’équité

48 La plaignante allègue aussi qu’en nommant Mme Silva par voie d’un processus de nomination non annoncé, l’intimé n’a pas respecté pas la valeur d’équité énoncée dans les lignes directrices de la CFP. La plaignante souligne que les articles 16 et 29(3) de la LEFP précisent que l’administrateur général est tenu de se conformer à ces lignes directrices lorsqu'il nomme une personne à un poste.

49 Dans la décision Jarvo, le Tribunal renvoie aux lignes directrices de la CFP qui définissent ce terme :

28 Aux termes des Lignes directrices en matière de nomination, une décision de nomination équitable est prise de façon objective et est exempte d’influence politique et de favoritisme personnel. Toujours selon les lignes directrices, les pratiques doivent témoigner d’un juste traitement des personnes…

50 Dans ce cas-ci, outre son affirmation, la plaignante n’a pas présenté de preuve au soutien de son allégation que la nomination de Mme Silva n’a pas été prise de façon objective, ou de quelque façon qui ne respecte pas les lignes directrices de la CFP. Tel qu’expliqué ci-dessus, l’intimé a nommé Mme Silva à ce poste parce qu’elle faisait déjà un bon travail dans une section où la productivité laissait à désirer avant son arrivée. La décision de l’intimé était équitable et raisonnable.

La transparence des processus de nomination

51 La plaignante soutient que les nominations intérimaires de Mme Silva n’ont pas été transparentes comme le requiert les lignes directrices de la CFP qui précisent qu’un processus est transparent lorsque les renseignements concernant les décisions sont communiqués ouvertement et en temps opportun. Selon la plaignante, les justifications pour le choix de processus non annoncés ainsi que les avis de nomination ont été publiés bien après que les nominations aient eu lieu.

52 Le Tribunal note d’abord que la justification du choix d’un processus de nomination n’est pas un document qui est normalement affiché publiquement, contrairement à l’avis de nomination fait conformément à l’article 48(3) de la LEFP et dont il est fait mention à l’article 10(1)b) du Règlement du Tribunal. Le but de la justification du choix d’un processus n’est pas d’annoncer une décision, mais de la documenter afin de pouvoir l’expliquer au besoin.

53 La première nomination intérimaire dont le Tribunal est saisi est celle qui débute le 1er avril 2011. Le Surint. Gibbon a fourni la justification du choix d’un processus de nomination non annoncé dans le document du 12 septembre 2011 intitulé en anglais Rationale Non-Advertised Appointments. Il explique dans ce document qu’il a fait ce choix parce qu’il s’agissait d’une mesure temporaire en attendant que le processus de nomination annoncé visant à doter le poste pour une période indéterminée soit complété.

54 Évidemment, il aurait été préférable que l’intimé verse cette justification au dossier avant le début de cette nomination intérimaire, mais le Tribunal juge que dans les circonstances particulières de ce cas, cette omission n’est pas assez sérieuse pour constituer un abus de pouvoir. La justification fournie est la même que les justifications données pour les nominations intérimaires qui ont précédé celle du 1er avril 2011. Le Surint. Gibbon a donné la même explication dans un courriel du 21 juillet 2010 à Mme Albert et dans un courriel du 25 octobre 2010 à Julie Roy, conseillère en dotation par intérim. Mme Woodburn, conseillère en dotation, a donné la même explication dans un document du 18 novembre 2010 intitulé en anglais Rationale Non-Advertised Appointments. Donc, même si la justification de la nomination du 1er avril 2011 a été consignée au dossier en retard, cette omission n’est pas assez sérieuse pour constituer un abus de pouvoir parce qu’elle ne faisait que répéter les justifications données antérieurement. Le Tribunal est d’avis que, dans ces circonstances, cette justification était raisonnable.

55 Pour ce qui est de la nomination intérimaire pour la période allant du 31 janvier 2012 au 30 mars 2012, la justification du choix d’un processus de nomination a été fournie par le Surint. Gibbon le 12 mars 2012. Tel qu’expliqué ci-dessus, cette justification aurait dû être rédigée avant le début de la prolongation de la période de la nomination intérimaire, mais cette omission n’est pas assez sérieuse pour constituer un abus de pouvoir puisqu’elle reprend les mêmes raisons données maintes fois lors des nominations intérimaires antérieures.

56 Les avis de nomination ont aussi été affichés tardivement. L’avis de nomination pour la nomination intérimaire du 1er avril 2011 au 31 janvier 2012 (la première nomination dont le Tribunal est saisi) n’a été affiché que le 16 septembre 2011. Il aurait dû être affiché avant le 1er avril 2011 pour que les personnes dans la zone de recours puissent exercer leur droit de contester cette nomination en temps opportun. Le Tribunal souligne qu’il est important que les gestionnaires suivent rigoureusement les exigences du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, 2000, DORS 2005‑334 (REFP) concernant la notification. Les employés ont le droit d’être informés d’une nomination intérimaire au moment où elle est effectuée, et non après coup. Cependant, en l’espèce, cette omission n’est pas suffisamment sérieuse pour constituer un abus de pouvoir. Bien que le Tribunal ne l’excuse pas, la plaignante n’a subi aucun préjudice et a été en mesure d’exercer son droit de porter plainte. Comme il a été mentionné au paragraphe 65 de la décision Tibbs, il ressort clairement du préambule et de la LEFP dans son ensemble que l’intention du législateur est qu’il faut plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir.

57 Pour ce qui est de la nomination intérimaire du 31 janvier 2012 au 31 mars de la même année, l’avis de nomination a été affiché le 8 février 2012, donc seulement huit jours après la nomination intérimaire. Ce retard dans l’affichage de l’avis de nomination n’est pas assez important pour constituer un abus de pouvoir.

58 Le Tribunal juge donc que l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir en nommant Mme Silva au poste à titre intérimaire par des processus de nomination non annoncés.

Question II :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications de la personne nommée?

59  La plaignante soutient que l’intimé n’a pas procédé à l’évaluation des qualifications de la personne nommée pour toutes les nominations intérimaires. Tel qu’indiqué ci-dessus, le Tribunal n’est saisi que des deux dernières nominations intérimaires qui ont débuté le 1er avril 2011.

60 Le Tribunal note qu’il y a eu plusieurs nominations intérimaires. La séquence des nominations est donc importante pour comprendre le déroulement des évaluations.

61 La première nomination intérimaire a débuté le 16 février 2010 et a duré quatre mois moins un jour. Selon l’article 14(1) du REFP les nominations de moins de quatre mois sont soustraites de l’article 30 de la LEFP qui prévoit que les nominations doivent être fondées sur le mérite. Il n’y avait donc aucune obligation de procéder à une évaluation pour cette nomination intérimaire.

62 La seconde nomination intérimaire a débuté le 16 juin 2010 et s’est terminée le 31 mars 2011. Même si le Tribunal n’est pas saisi d’une plainte au sujet de cette nomination intérimaire, il est important de noter que l’intimé a établi un énoncé de critères de mérite (ÉCM) pour cette nomination et a évalué Mme Silva avec ces critères. Cette évaluation a été consignée par écrit dans un document intitulé Statement of Merit Criteria / Énoncé de critères de mérite Assessment of Filomena Silva Against SOMC. Ce document affiche la date du 31 août 2010 au bas de chaque page, ce qui semble être la date d’impression du document, mais la Déclaration signée des personnes présentes qui accompagne le document semble indiquer que l’évaluation a été complétée le 20 juillet 2010 par le Surint. Gibbon. L’évaluation en question est une description narrative qui indique que Mme Silva satisfait à toutes les qualifications établies pour le poste. Divers documents font référence à cette évaluation : un courriel du 21 juillet 2010 du Surint. Gibbon à Mme Albert, le courriel du 6 octobre 2010 du Surint. Gibbon à Mme Roy et le document intitulé Rationale Non-Advertised Appointments du 18 novembre 2010.

63 L’intimé soutient que l’évaluation complétée par le Surint. Gibbon le 20 juillet 2010 a servi à la nomination intérimaire ultérieure du 1er avril 2011, ce qui semble être effectivement la séquence des événements. Le Surint. Gibbon a tout simplement laissé Mme Silva dans son poste après le 31 mars 2011 parce qu’il l’avait déjà évaluée en juillet 2010. Le Tribunal estime que cette approche est valable puisque Mme Silva a ainsi été évaluée avant le début de la nomination intérimaire du 1er avril 2011.

64 L’intimé a procédé à une autre évaluation des qualifications de Mme Silva en septembre 2011, comme l’indique la Déclaration signée par les personnes présentes au jury de présélection signée par le Surint. Gibbon le 22 septembre 2011, laquelle se rapporte au document intitulé Assessment of Filomena Silva Against Statement of Merit Criteria. Il semble, selon les témoignages du Surint. Gibbon et de Mme Murphy, que cette seconde évaluation n’était pas nécessaire mais ils voulaient mieux documenter la nomination de Mme Silva. Le Tribunal note qu’en effet, l’évaluation de septembre 2011 reprend les mêmes critères de mérite que ceux de juillet 2010 et décrit de façon plus détaillée comment Mme Silva satisfait à ces critères.

65 Mme Murphy a déclaré que le comité d'évaluation a utilisé l’évaluation de septembre 2011 pour la nomination qui couvre la période du 31 janvier 2012 au 31 mars 2012. Le Tribunal juge que l’intimé pouvait se servir de cette évaluation pour effectuer cette dernière nomination intérimaire puisqu’elle précédait la nomination.

66 Le Tribunal conclut donc que l’intimé a procédé à l’évaluation des qualifications de Mme Silva avant chaque nomination intérimaire dont il est saisi. L’intimé n’a donc pas abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications de Mme Silva.

La nomination pour une période indéterminée

Question III :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications de la plaignante ?

67 La plaignante soutient que ses qualifications n’ont pas été bien évaluées. Sa réponse à la question à laquelle elle a échoué était correcte. De plus, un des membres du comité d’évaluation a pris des notes de l’entrevue en anglais alors qu’elle avait choisi d’être interviewée en français. La plaignante soutient également que le comité d’évaluation était partial à son égard à cause de conflits d’intérêts.

68 L’intimé soutient que la plaignante a échoué à la question de l’entrevue qui évaluait une qualification essentielle et nie toute allégation de partialité.

L’évaluation de la réponse de la plaignante

69 Le Tribunal a jugé dans nombre de décisions que son rôle consiste à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir, et non pas à réévaluer les candidats. Voir, par exemple, la décision Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2007 TDFP 0020. Ainsi le Tribunal, après avoir examiné la correction de la question à laquelle la plaignante a échoué, juge qu’il n’y a pas eu d’abus de pouvoir.

70 La question de l’entrevue qui évaluait la « capacité de gérer des ressources humaines et financières » demandait aux candidats d’expliquer les mesures qu’ils prendraient en tant que chef d’équipe de la SÉP pour gérer et optimiser leurs ressources humaines et financières. Les membres du comité d'évaluation ont discuté entre eux de la réponse de la plaignante et sont arrivés à la conclusion que sa réponse ne correspondait pas aux réponses attendues. Selon eux, la plaignante ne répondait pas comme un gestionnaire, mais comme un collègue. Par exemple, le comité d'évaluation s’attendait à ce que la plaignante réponde qu’elle travaillerait étroitement avec l’équipe des finances. La plaignante n’a pas fait allusion à cette collaboration. Le Tribunal estime que l’intimé a fourni une explication raisonnable de l’évaluation de la réponse de la plaignante.

La prise de notes en anglais

71 La plaignante soutient que le comité d’évaluation a mal évalué ses qualifications parce que le Surint. Gibbon prenait des notes en anglais même si l’entrevue se déroulait en français. Le Tribunal note qu’il aurait été préférable que le Surint. Gibbon transcrive la réponse de la plaignante en français puisque cela aurait mieux reflété sa réponse. La plaignante n’a cependant pu identifier des éléments de réponses que le Surint. Gibbon aurait omis dans ses notes. La plaignante n’a pas établi non plus que les deux autres membres du comité d'évaluation qui enregistraient sa réponse avaient omis des éléments de sa réponse.

Partialité et conflit d’intérêts

72 Selon la plaignante, l’intimé a mal évalué la réponse à laquelle elle a échoué parce que le Surint. Gibbon avait un parti-pris contre elle à cause du conflit de relations de travail entre elle et Mme Silva et de sa plainte au Commissariat aux langues officielles. Le Tribunal a déjà traité de ces sujets dans le cadre des nominations intérimaires. Ces allégations ne sont pas fondées.

73 La plaignante soutient aussi que le Surint. Gibbon avait un parti-pris contre elle parce qu’elle avait présenté un grief contre la gestion qui refusait de lui payer une journée de salaire. Elle a expliqué qu’elle était en congé de maladie et devait revenir le lundi 23 janvier 2012, mais le Surint. Gibbon lui a dit de revenir au travail une journée plus tard. L’intimé ne lui a pas versé de salaire pour la journée du lundi. Elle a porté un grief à ce sujet et la gestion lui a payé sa journée de travail.

74 Le Tribunal voit mal comment ce grief démontrerait un parti-pris contre la plaignante. Au contraire, le Surint. Gibbon a agi dans l’intérêt de la plaignante lors de cet événement. Il a expliqué dans son témoignage que c’est à la demande du délégué syndical de la plaignante qu’il a reporté sa date de retour au travail. Selon ce délégué syndical, la plaignante n’était pas prête à retourner au travail à cette date. Le Surint. Gibbon a déclaré dans son témoignage qu’il a dit au délégué syndical que la plaignante serait rémunérée pour la journée du lundi. La plaignante a d’ailleurs mentionné cet engagement dans son grief présenté au premier palier de la procédure de grief le 27 avril 2012. Il n’est pas clair qui a décidé de ne pas la payer ni pourquoi, mais chose certaine, le Surint. Gibbon a agi dans l’intérêt de la plaignante. Le Tribunal ne peut donc pas conclure que ce grief démontre un parti-pris qui aurait influencé la correction de la réponse de la plaignante. Un observateur relativement bien renseigné ne pourrait raisonnablement percevoir de la partialité de la part du Surint. Gibbon puisque ce dernier a agi dans l’intérêt de la plaignante.

Question IV :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications de la personne nommée?

75 La plaignante soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications de Mme Silva parce que celle-ci ne possédait pas toutes les qualifications requises pour le poste, parce que l’intimé a fait preuve de favoritisme à son égard en lui procurant des nominations intérimaires qui lui ont procuré un avantage indu et parce que les membres du comité d'évaluation étaient en position de conflit d’intérêts par rapport à Mme Silva.

Les qualifications requises pour le poste

76 Selon la plaignante, Mme Silva n’a pas démontré qu’elle possédait la « capacité de bien communiquer par écrit », une qualification essentielle pour le poste. Pour évaluer cette qualification, le comité d’évaluation avait demandé aux candidats de lui remettre lors de l’entrevue un « Document de développement de cours / Curriculum de conception que vous avez développé et rédigé… ». Mme Silva a remis un document intitulé en anglais « Polygraph Examiner’s Course »

77 La plaignante soutient que Mme Silva n’est pas l’unique auteure de ce document. Le Surint. Marc Proulx a approuvé le document le 27 février 2009, mais Mme Silva a quitté la section le 15 janvier 2009. La plaignante allègue que le document a pu être modifié entre ces deux dates.

78 La preuve démontre clairement que c’est Mme Silva qui a écrit le document. L’Insp. Duquette a déclaré que le document avait été remis au Surint. Gibbon le 2 janvier 2009, c’est-à-dire avant le départ de Mme Silva, puisque c’est la date qui apparaît au bas de chaque page du document. Il a ajouté que la deuxième page de ce document indique que Mme Silva est le « Course Designer ». C’est donc elle qui a rédigé le document. Le témoignage de l’Insp. Duquette est corroboré par celui du Surint. Gibbon qui a déclaré que le document en preuve est le document qu’il a reçu de Mme Silva.

79 La plaignante a également allégué que Mme Silva ne possédait pas la qualification essentielle « solides habiletés interpersonnelles ». La preuve révèle cependant que le comité d’évaluation pouvait raisonnablement conclure que Mme Silva possédait cette qualification. L’Insp. Duquette, agissant en tant que répondant pour Mme Silva, a écrit dans un courriel adressé au Surint. Gibbon le 16 février 2012 qu’elle avait de bonnes relations interpersonnelles. Il y explique que Mme Silva avait amélioré le moral et la production de la SÉP. Il mentionne également que Mme Silva est proactive et partage son travail avec les membres de son équipe.

80 La plaignante soutient que les problèmes qu’elle a vécus avec Mme Silva démontrent qu’elle ne satisfait pas à cette qualification. La plaignante a fait référence, entre autres, au conflit de relations de travail avec Mme Silva et au fait que cette dernière voulait la forcer à communiquer avec elle en anglais.

81 Le Tribunal ne souscrit pas à ce point de vue. Le conflit de relations de travail n’établit rien à cet égard puisque, selon le témoignage du Surint. Gibbon, la position de Mme Silva dans le cadre de ce conflit a été confirmée.

82 Le problème de la langue de communication au travail entre la plaignante et Mme Silva, quoique sérieux, n’établit pas en soi que Mme Silva n’a pas de bonnes habilités interpersonnelles. Tel que mentionné ci-dessus, le témoignage de l’Insp. Duquette démontre que Mme Silva a beaucoup contribué à relever le moral de la SÉP. La plaignante n’a pas démontré que Mme Silva ne possédait pas les qualifications requises.

Favoritisme personnel et avantage indu

83 La plaignante allègue que l’intimé a changé les heures de travail pour le poste à doter pour favoriser Mme Silva dans le processus de nomination. Un courriel du 5 janvier 2011 de Mme Silva à son personnel indique qu’elle travaillait de 6 h 30 à 14 h 30. Dans un courriel du 21 juillet 2010 du Surint. Gibbon à Mme Albert, le Surint. Gibbon note que l’ÉCM pour le processus de nomination pour une période indéterminée spécifiait que les employés devaient travailler jusqu’à 16 h. Le Surint. Gibbon mentionne qu’il ne voyait pas la nécessité d’inclure cette obligation dans l’ÉCM et l’intimé l’a enlevée. Le Tribunal juge qu’il ne peut inférer du favoritisme personnel du fait qu’on a enlevé cette exigence concernant les heures de travail. Il accepte l’explication de l’intimé qu’il ne s’agit là que d’une preuve de flexibilité de la part de l’intimé. Le courriel susmentionné de Mme Silva à ses employés indique d’ailleurs que la plaignante travaillait jusqu’à 15 h 30. Cette modification des heures de travail accommodait donc aussi la plaignante.

84 Selon la plaignante, la relation entre le Surint. Gibbon et l’Insp. Duquette avec Mme Silva n’était pas qu’une simple relation professionnelle. Elle appuie cette allégation sur un courriel du 16 février 2012 au Surint. Gibbon ou l’Insp. Duquette réfère à Mme Silva en utilisant le nom de « Filo ». Le Tribunal conclut que le fait d’utiliser dans un courriel le prénom raccourci d’une personne n’indique pas nécessairement que ces deux personnes entretiennent une relation personnelle au sens de l’article 2(4) de la LEFP.

85 La plaignante soutient que c’est parce que Mme Silva a occupé le poste pendant plus de deux ans qu’elle a réussi à l’entrevue, en particulier à la question à laquelle la plaignante a échoué. Mme Silva a donc bénéficié d’un avantage indu. Le Tribunal rejette cette allégation. La preuve indique qu’il n’était pas nécessaire d’avoir occupé le poste pour répondre correctement à cette question de l’entrevue. Le Surint. Gibbon a expliqué que la réponse attendue à la question à laquelle la plaignante a échoué avait été tirée d’un document de la section des ressources financières du Collège auquel tous les employés de la fonction publique avaient accès. De plus, outre Mme Silva, deux autres candidates ont réussi l’examen et une de ces personnes travaillait pour le Service correctionnel du Canada et n’avait jamais eu de nomination intérimaire au poste.

Partialité à cause de conflit d’intérêts

86 La plaignante soutient que l’évaluation des qualifications de Mme Silva était partiale à cause d’un conflit d’intérêts de la part du Surint. Gibbon. Selon elle, il ne pouvait interviewer les répondants de Mme Silva puisqu’il était son superviseur. Le Tribunal ne voit pas comment cette fonction puisse le placer dans une situation de conflit d’intérêts. Il est approprié que le superviseur responsable d’un poste à doter interview les candidats, même s’il est le superviseur de certains d’entre eux. Le Surint. Gibbon n’avait aucun intérêt personnel à ce que Mme Silva soit nommée au poste.

87 La plaignante soutient également que l’Insp. Duquette était en conflit d’intérêts parce qu’il faisait partie du comité d’évaluation et a agi comme répondant pour Mme Silva. Le Tribunal rejette également cette allégation. Rien n’indique qu’assumer ces deux fonctions constitue un conflit d’intérêts. L’Insp. Duquette n’avait aucun intérêt personnel à ce que MmeSilva soit nommée au poste. De plus, le Tribunal a indiqué dans Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024 qu’un membre du comité d’évaluation pouvait avoir recours à sa connaissance du travail d’un individu pour l’évaluer, ce que l’Insp. Duquette a fait en agissant en tant que répondant pour Mme Silva.

Décision

88 Pour les motifs énoncés ci-haut, les plaintes sont rejetées.


John Mooney
Vice-président

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2011-0908, 2011-1022, 2012-0839 et 2012-0061
Intitulé de la cause :
Antoinette Soccar et le Commissaire de la Gendarmerie Royale du Canada
Audience :
Les 26 et 27 novembre 2012 et le 31 janvier 2013
Derniers arguments écrits reçus le
27 février 2013
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 10 mai 2013

COMPARUTIONS :

Pour le plaignant :
Fred Sadori
Pour l’intimé :
Me Christine Diguer
Pour la Commission
de la fonction publique :
Me Laurence St. Gelais
(soumissions écrites)
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.