Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant avait posé sa candidature dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé visant la dotation d’un poste (PM-03) d’agent de promotion des programmes de sécurité. Il a formulé à l’encontre de l’intimé des allégations d’abus de pouvoir dans la façon d’évaluer les références fournies par les répondants et les réponses aux questions d’entrevue, et au motif de traitement préférentiel du candidat nommé ainsi que de favoritisme personnel. L’agent des ressources humaines affecté au processus de nomination et le candidat nommé auraient été vus en train de prendre leur déjeuner ensemble lorsqu’ils travaillaient aux Ressources humaines. L’intimé a fait valoir que l’élimination de la candidature du plaignant du processus de nomination était due au fait qu’il manquait à celui-ci deux des qualifications essentielles évaluées au moyen de l’entrevue et de la vérification des références. Décision Le Tribunal a conclu que le plaignant n’avait pas établi la preuve d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé dans l’évaluation de ses qualifications dans le processus de nomination. En outre, le plaignant n’a pas démontré que l’intimé avait accordé un traitement préférentiel au candidat nommé à l’issue du processus d’évaluation. Le Tribunal était convaincu que l’intimé avait donné des explications raisonnables par rapport aux notes accordées au candidat nommé pour chacune des réponses contestées par le plaignant. Pour ce qui concerne l’allégation de favoritisme personnel, le Tribunal pouvait seulement conclure que l’agent des ressources humaines et le candidat nommé avaient déjà travaillé ensemble aux Ressources humaines. Le Tribunal a souligné le fait que l’agent des ressources humaines en question ne faisait pas partie du comité d’évaluation et n’avait joué aucun rôle dans le processus décisionnel. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier :
2012-0071
Rendue à :
Ottawa, le 18 janvier 2013

VINCENT HUANG
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L’INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Eugene F. Williams, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Huang c. le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités
Référence neutre :
2013 TDFP 1

Motifs de décision


Introduction

1 Le plaignant, Vincent Huang, a posé sa candidature dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé visant la dotation du poste d’agent de promotion des programmes de sécurité aux groupe et niveau PM‑03 au sein du ministère des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités (ministère des Transports). Le plaignant soutient que l’intimé, le sous‑ministre des Transports, a abusé de son pouvoir de deux façons : a) dans l’évaluation de ses réponses aux questions d’entrevue et des références fournies par ses répondants; b) en accordant un traitement préférentiel au candidat nommé par une notation trop généreuse de ses réponses à l’examen écrit.

2 L’intimé nie ces allégations et affirme que l’élimination de la candidature du plaignant du processus de nomination était due au fait qu’il manquait à celui-ci deux des qualifications essentielles évaluées au moyen de l’entrevue et de la vérification des références.

3 La Commission de la fonction publique (la CFP) n’a pas comparu à l’audience, mais elle a présenté des observations écrites concernant ses politiques et ses lignes directrices qui sont applicables en l’espèce.

4 Pour les motifs énoncés ci‑après, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) conclut que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’évaluation de ses qualifications au cours du processus de nomination en cause. En outre, le plaignant n’a pas démontré que l’intimé avait accordé un traitement préférentiel au candidat nommé pendant le processus d’évaluation.

Contexte

5 En août 2011, le ministère des Transports a mené un processus de nomination interne annoncé en vue de doter un poste des groupe et niveau PM‑03 et de créer un bassin de candidats qualifiés pour doter des postes semblables, mais dont la durée d’emploi pouvait varier, aux mêmes groupe et niveau au sein du ministère.

6 L’évaluation des candidats comprenait une présélection des candidatures, un examen écrit, une entrevue et la vérification des références. La candidature du plaignant a été retenue jusqu’à l’entrevue et à la vérification des références. Le 11 janvier 2012, la conseillère principale en ressources humaines, Natasha Shahani, a envoyé un courriel au plaignant pour l’informer que sa candidature avait été éliminée du processus de nomination parce qu’il n’avait pas obtenu la note de passage pour deux des qualifications essentielles évaluées au moyen de l’entrevue et de la vérification des références, à savoir l’engagement et l’excellence par les résultats.

7 Le 24 février 2012, le plaignant a déposé une plainte d’abus de pouvoir auprès du Tribunal en vertu de
l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, arts. 12 et 13 (la LEFP).

Questions en litige

8 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a évalué le plaignant?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a évalué le candidat nommé?

Résumé des éléments de preuve pertinents

9 Le plaignant fait partie des 19 postulants. Il était parmi les sept candidats retenus à la présélection et figurait dans le groupe final des trois candidats rencontrés en entrevue pour le poste.

10 Pour le processus de nomination en cause, le comité d’évaluation était présidé par Mark Miller, gestionnaire, Systèmes de sécurité ferroviaire, Région de l’Ontario. Les autres membres du comité étaient Natalie Lalonde, gestionnaire des cas, section Surface, et Mike McNeilly, gestionnaire, Équipement et opérations. Le plaignant affirme que le candidat nommé a déjà travaillé avec Mme Lalonde.

11 Le 7 novembre 2011, le plaignant s’est présenté à son entrevue, prévue pour 13 h, au quatrième étage de l’immeuble où il travaillait. Selon le plaignant, l’intimé a compromis l’intégrité du processus de nomination à l’étape de l’entrevue lorsqu’il a décidé de ne pas recevoir les candidats à un étage neutre, mais qu’il a plutôt planifié la rencontre à l’étage même où le plaignant travaillait. Le plaignant a déclaré que ses collègues avaient formulé des remarques sur le fait qu’il portait un complet tandis qu’il attendait dans l’aire d’accueil du ministère pour lequel il travaillait. Il a ajouté avoir été distrait par des collègues parce que l’intimé l’avait placé dans une salle à la vue de tous. Ainsi, ses collègues l’interrompaient en lui faisant signe de la main et en lui parlant tandis qu’il se préparait à son entrevue. Le plaignant a aussi affirmé que l’intimé n’avait pas placé d’affiche indiquant qu’un examen était en cours, ce qui aurait évité les interruptions pendant qu’il se préparait.

12 Le plaignant affirme que Mme Shahani l’a induit en erreur au cours de leur conversation juste avant qu’il ne commence à examiner les questions d’entrevue. Pour leur entrevue, les candidats devaient préparer un exposé d’une durée de cinq à sept minutes. Selon le plaignant, Mme Shahani lui a dit que la durée de l’exposé n’avait pas d’importance. Par conséquent, le plaignant n’a pas respecté la consigne, et son exposé dépassait la durée prévue. Même s’il a réussi cette partie de l’entrevue, le plaignant estime avoir perdu des points parce que son exposé était trop long.

13 En outre, le plaignant affirme que le candidat nommé a bénéficié d’un traitement préférentiel parce qu’il a travaillé dans la section Surface pour l’un des membres du comité d’évaluation, Mme Lalonde, et qu’il avait travaillé auparavant dans la section des Ressources humaines. Le plaignant a déclaré qu’il avait vu à quelques reprises le candidat nommé en train de dîner avec Mme Shahani à la cafétéria.

14 Le 11 janvier 2012, Mme Shahani a informé le plaignant par courriel que sa candidature avait été éliminée du processus de nomination parce qu’il lui manquait deux des qualifications exigées pour le poste, à savoir l’engagement et l’excellence par les résultats. Ces qualifications ont été évaluées à partir des questions posées aux candidats lors de l’entrevue et de celles posées aux répondants. Le comité d’évaluation a évalué les réponses provenant des deux sources en vue de déterminer la note finale.

15 Lorsqu’il a reçu le courriel, le plaignant a demandé la tenue d’une discussion informelle avec M. Miller. C’est ainsi qu’il a appris que les réponses qui avaient déjà été acceptées dans le cadre d’entrevues antérieures ne lui avaient pas valu la note de passage pour cette entrevue. Le plaignant l’a fait remarquer à M. Miller, qui aurait répondu que les autres gestionnaires devaient avoir utilisé des critères de cotation différents.

16 Le plaignant a aussi appris que M. Miller avait communiqué avec ses répondants même s’il avait échoué à deux questions d’entrevue concernant l’engagement et l’excellence par les résultats. Le plaignant ne comprend pas pourquoi le comité d’évaluation a poursuivi la vérification des références s’il avait échoué à ces questions d’entrevue. De plus, le plaignant affirme que le président du comité lui a demandé si le poste correspondait bien à ses aspirations professionnelles.

17 Le plaignant a consigné onze cas dans lesquels, selon lui, le comité d’évaluation aurait accordé au candidat nommé trop de points pour ses réponses à l’examen, ou dans lesquels les réponses fournies par le candidat nommé auraient été modifiées. En outre, le plaignant a remis en question la façon dont le comité d’évaluation a déterminé la note obtenue par le candidat nommé à certaines questions et laissé entendre qu’une telle façon de faire montrait que le candidat nommé avait bénéficié d’un « traitement spécial » [traduction].

18 Dans son témoignage, M. Miller a décrit les critères d’évaluation et la façon dont les candidats étaient évalués. Il a affirmé que le poste d’agent de promotion des programmes de sécurité était nouveau, et que son titulaire devait se charger de trouver des partenaires en sécurité ferroviaire sur le terrain, en plus de concevoir des documents sur la sécurité et de les présenter à des membres du public et à des partenaires, par exemple les conseils scolaires, afin de promouvoir la sécurité.

19 M. Miller a affirmé que les qualifications essentielles avaient été établies selon les fonctions et les responsabilités associées au poste. Il a ajouté que les compétences avaient été évaluées à l’aide de différents outils, comme un examen écrit, une entrevue, des exemples de notes d’information et une vérification des références. En ce qui concerne les qualifications liées à l’engagement et à l’excellence par les résultats, il a précisé que l’engagement était la capacité de travailler efficacement avec d’autres personnes, et que l’excellence par les résultats se rapportait à l’application de pratiques exemplaires dans le cadre d’un travail en autonomie ou à titre de membre d’une équipe. Pour évaluer ces qualifications, le comité a combiné les notes obtenues par les candidats à l’entrevue et celles qu’ils avaient obtenues lors de la vérification des références à des questions portant sur les mêmes qualifications.

20 M. Miller affirme que les mêmes outils ont été utilisés pour évaluer tous les candidats. C’est lui qui a préparé et élaboré l’examen écrit et la grille de correction, de même que les questions d’entrevue et la grille de correction connexe. Le matériel d’évaluation a été examiné avec les Ressources humaines avant d’être utilisé.

21 Des sept personnes qui ont passé l’examen, seulement trois ont été convoquées à une entrevue. M. Miller a expliqué de façon générale comment il avait évalué les réponses à l’examen écrit, puis a expliqué en détail la façon dont il avait évalué chacune des réponses contestées dans l’examen du candidat nommé en fonction de la grille de correction. Il a précisé qu’il avait comparé la réponse du candidat à celle contenue dans la grille de correction. Lorsqu’un candidat fournissait une description, il se concentrait sur les mots-clés.

22 M. Miller a expliqué que les cercles qu’il avait dessinés sur la feuille d’examen du candidat nommé indiquaient des fautes d’orthographe. Il soutient n’avoir ajouté aucune information sur la feuille de réponse du candidat nommé. Selon lui, tous les membres du comité ont évalué la lettre que le candidat nommé a composée lors de l’examen écrit et ont inscrit la note directement sur la grille de cotation.

23 Dans son témoignage, M. Miller a affirmé que le plaignant avait réussi la partie de l’entrevue qui portait sur la capacité de préparer et de présenter des exposés. Il a précisé que quatre compétences, dont l’engagement et l’excellence par les résultats, avaient été évaluées au moyen de l’entrevue et de la vérification des références effectuée auprès des répondants dont les candidats avaient donné le nom. Le comité a accordé aux candidats une note préliminaire à l’étape de l’entrevue, puis a déterminé leur note finale après avoir examiné les réponses de leurs répondants aux questions se rapportant aux mêmes compétences.

24 M. Miller a précisé pourquoi le plaignant avait échoué à l’entrevue dans ses réponses aux questions sur l’engagement et l’excellence par les résultats. Il a expliqué avoir comparé les réponses du plaignant aux critères établis par le comité pour ces qualifications. Le comité a ensuite évalué les réponses fournies par ses répondants et combiné les résultats avec ceux obtenus par le plaignant à l’entrevue afin de déterminer la note finale pour ces qualifications précises.

25 Selon M. Miller, deux des trois candidats rencontrés en entrevue ont passé avec succès cette étape du processus de nomination. Au début du processus, le comité a établi cinq critères qui devaient permettre de trouver « la bonne personne » pour le poste. Parmi ces critères figuraient la connaissance de la Loi sur la sécurité ferroviaire, la connaissance des partenaires de Transports Canada sur le plan de la sécurité, la capacité de préparer et de présenter des exposés, et l’excellence par les résultats. C’est le candidat nommé qui a obtenu la note la plus élevée pour chacun des critères relatifs à l’évaluation de la « bonne personne » pour le poste.

26 M. Miller a également affirmé qu’il connaissait le candidat nommé, mais qu’il n’entretenait aucune relation avec lui. Il a ajouté qu’il savait que le candidat nommé avait travaillé dans la même section que l’un des membres du comité, Mme Lalonde. M. Miller n’était toutefois au courant d’aucune relation entre eux, outre leur relation professionnelle. Il a ajouté qu’il n’entretenait pas non plus de relation avec le plaignant.

27 À la suite de la nomination, M. Miller a eu une discussion informelle de deux heures avec le plaignant au sujet de ses résultats à l’examen et à l’entrevue.

28 Dans son témoignage, Mme Shahani a parlé de son rôle dans le processus de nomination et de sa relation avec le plaignant et le candidat nommé. Mme Shahani, qui travaille depuis six ans dans la section des Ressources humaines, a déclaré qu’elle occupait le même poste lors du processus de nomination. De par ses fonctions, elle a aidé le gestionnaire à rédiger l’énoncé des critères de mérite (ECM), lui a donné des conseils au sujet de l’élaboration de l’annonce de possibilité d’emploi et des outils d’évaluation, et a convoqué les candidats à l’examen et à l’entrevue.

29 Mme Shahani a confirmé qu’elle avait invité le plaignant à passer une entrevue et à présenter un exposé, et elle a précisé que tous les candidats avaient été convoqués au quatrième étage parce que celui‑ci comportait l’espace nécessaire pour la rencontre. Elle a ajouté qu’elle voulait utiliser une salle de conférence appropriée pour permettre aux candidats de se préparer à l’entrevue. Elle a précisé qu’elle avait accompagné le plaignant jusqu’à la salle de conférence, puis que celui‑ci lui avait demandé ce qui se passerait si son exposé était trop long. Elle lui aurait alors répondu de ne pas s’en faire, qu’ils étaient là pour revoir les questions d’entrevue.

30 Mme Shahani a affirmé avoir placé une affiche sur la porte de la salle avant le début de l’entrevue du plaignant afin d’indiquer qu’un examen était en cours. Elle a également placé une horloge dans la salle et s’est munie d’un chronomètre. Concernant les préoccupations soulevées par le plaignant au sujet de l’entrevue, Mme Shahani a déclaré que celui‑ci craignait que son ordinateur portable ne soit pas compatible avec l’équipement dans la salle de conférence. Elle lui a alors remis une clé USB sur laquelle il a copié son exposé. Mme Shahani a affirmé que le plaignant n’avait formulé aucune autre préoccupation à ce moment‑là. En outre, elle ignorait que le plaignant avait été interrompu.

31 Mme Shahani a précisé qu’elle connaissait le candidat nommé parce que tous les deux avaient travaillé dans le même ministère par le passé; elle travaillait alors dans la section générale et lui, dans la section organisationnelle. Elle a ajouté qu’elle dînait parfois avec un groupe de personnes, dont le candidat nommé faisait partie, mais qu’elle n’avait aucun contact avec lui en dehors du travail.

Analyse

32 L’article 77(1) de la LEFP stipule qu’une personne qui fait partie de la zone de recours peut présenter une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination au motif que la CFP ou l’administrateur général a abusé de son pouvoir dans le processus de nomination.

33 La LEFP ne définit pas l’abus de pouvoir. Cependant, l’article 2(4) contient le passage suivant : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment pas “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

34 Dans la décision Tibbs c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, le Tribunal a établi que l’abus de pouvoir comprendra toujours une conduite irrégulière, mais que la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non. L’abus de pouvoir peut également comprendre des erreurs. Le fait qu’une erreur constitue ou non un abus de pouvoir dépend de sa nature et de sa gravité.

35 Dans sa jurisprudence, le Tribunal a établi qu’il incombe au plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir en vertu de l’article 77 de la LEFP dans un processus de nomination interne. Voir, par exemple, la décision Tibbs, paras. 49 à 55.

Question I :   L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir lorsqu’il a évalué le plaignant?

36 L’article 36 de la LEFP confère aux gestionnaires délégataires un vaste pouvoir discrétionnaire quant au choix et à l’utilisation des méthodes d’évaluation visant à déterminer si une personne possède les qualifications requises. Toutefois, ce pouvoir n’est pas absolu. En effet, le Tribunal peut déterminer qu’il y a eu abus de pouvoir si, par exemple, il est établi que la méthode d’évaluation comporte une faille fondamentale. Les méthodes d’évaluation qui ne permettent pas d’évaluer les qualifications établies, qui sont déraisonnables ou discriminatoires, ou qui produisent un résultat inéquitable peuvent constituer un abus de pouvoir. Voir la décision Ouellet c. le président de l’Agence canadienne de développement international, 2009 TDFP 0026.

37 Les examens écrits et la vérification des références peuvent être utiles lorsqu’il s’agit de déterminer si un candidat possède les qualifications exigées pour le poste à doter. Selon les Lignes directrices en matière d’évaluation de la CFP, il doit exister un lien direct entre, d’une part, les méthodes, les processus et les outils d’évaluation utilisés et, d’autre part, les qualifications requises pour le poste. En outre, les méthodes et outils d’évaluation doivent permettre une évaluation adéquate des qualifications établies pour le poste. Toujours selon les Lignes directrices en matière d’évaluation de la CFP, les personnes responsables de l’évaluation ne doivent pas se trouver en situation de conflit d’intérêts et doivent être en mesure d’assumer leurs rôles, responsabilités et fonctions de façon juste et équitable.

38 Comme il a été noté dans la décision Ammirante c. le sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada,2010 TDFP 0003, le rôle du Tribunal consiste à déterminer s’il s’est produit des irrégularités dans le processus de nomination. En l’espèce, l’examen des éléments probants pertinents amène le Tribunal à conclure que le plaignant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait eu abus de pouvoir dans le processus d’évaluation.

39 Le Tribunal conclut qu’il n’y a aucun fondement à l’allégation du plaignant selon laquelle l’utilisation par l’intimé de l’aire d’accueil et de la salle de conférence du quatrième étage a compromis l’intégrité du processus de nomination. Les éléments de preuve montrent que les mêmes pièces ont été utilisées pour tous les candidats. En outre, les candidats ont été informés bien à l’avance du lieu où se tiendrait l’entrevue. Le plaignant n’a formulé aucune préoccupation concernant le lieu de l’entrevue lorsqu’il a été convoqué. Au cours de la discussion informelle, qui s’est tenue environ deux mois après l’entrevue, le plaignant n’a pas non plus formulé de préoccupations au sujet de l’endroit où avait eu lieu l’entrevue ni de toute distraction qui serait survenue pendant qu’il se préparait à l’entrevue. Dans son témoignage, Mme Shahani a déclaré que le plaignant n’avait soulevé aucune de ces préoccupations au moment de l’entrevue, ce qui n’a pas été contesté. Le plaignant a formulé ces préoccupations pour la première fois lorsqu’il a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

40 Selon le Tribunal, le plaignant n’a pas démontré qu’il existait un lien entre, d’une part, le choix par l’intimé des pièces qui seraient utilisées avant et pendant l’entrevue et, d’autre part, les résultats du plaignant à l’entrevue. Contrairement à ce qu’affirme le plaignant, les pièces utilisées avant et pendant l’entrevue n’ont pas compromis l’intégrité du processus de nomination.

41 Le Tribunal a examiné l’allégation du plaignant selon laquelle Mme Shahani l’avait induit en erreur au sujet du temps alloué à l’exposé lors de l’entrevue. Bien que le plaignant ait affirmé qu’il avait peut‑être perdu des points parce qu’il avait dépassé le temps alloué à l’exposé, soit de cinq à sept minutes, rien ne prouve cette allégation. Quoi qu’il en soit, la remarque de Mme Shahani n’a eu aucune incidence sur la décision d’éliminer la candidature du plaignant du processus de nomination puisque celui-ci a obtenu la note de passage pour son exposé au cours de l’entrevue.

42 Le plaignant soutient que l’intimé n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire comme il se doit en éliminant sa candidature du processus. Le plaignant a échoué à deux questions. Au sujet de l’une de ces questions, il a affirmé avoir donné, avec succès, une réponse semblable dans un processus de nomination antérieur. Le plaignant a soulevé ce point lors de sa discussion informelle avec M. Miller, lequel a donné son opinion à ce moment‑là, opinion qu’il a réitérée à l’audience.

43 Pendant son témoignage, M. Miller a donné des renseignements détaillés concernant la justification du poste, les tâches à exécuter ainsi que le lien entre les qualifications établies et les fonctions à exercer. Comme il avait une bonne compréhension des tâches à exécuter, il a pu établir les qualifications en fonction du poste. M. Miller, qui a également conçu des outils appropriés pour mesurer et évaluer les qualifications, a expliqué que ces outils avaient été utilisés de la même façon pour évaluer chacun des candidats. Plus particulièrement, il a présenté le barème de correction qui a servi à évaluer tous les candidats et a donné des explications quant aux notes accordées au plaignant. Sur ces points, le témoignage de M. Miller n’a pas été contesté. La grille de correction utilisée dans l’autre processus de nomination auquel le plaignant a fait allusion n’a pas été présentée à l’audience. Le seul élément de preuve présenté au Tribunal est le témoignage du plaignant, qui affirme que M. Miller lui a dit, lors de la discussion informelle, que les autres gestionnaires devaient avoir utilisé des critères de cotation différents.

44 Par conséquent, le Tribunal estime que le plaignant n’a pas établi que l’intimé avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée lorsqu’il a éliminé sa candidature du processus.

45 En outre, il n’a pas été démontré en preuve que les méthodes d’évaluation choisies pour l’évaluation des candidats étaient inappropriées. L’ECM a été préparé avant la tenue du processus de nomination. Il existait un lien clair entre les qualifications à évaluer et les outils choisis. Les mêmes critères, méthodes et outils d’évaluation ont été utilisés pour tous les candidats. Par ailleurs, il n’y a aucun élément de preuve indiquant que l’un ou l’autre des membres du comité avaient un intérêt personnel quant au résultat du processus.

46 Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’évaluation de sa candidature pour le poste en cause.

Question 2 : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a évalué le candidat nommé?

47 Le plaignant soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir de deux façons lorsqu’il a évalué le candidat nommé; il affirme d’abord que l’intimé a accordé au candidat nommé un traitement préférentiel en lui allouant tous les points pour des réponses qui ne satisfaisaient pas aux normes et ensuite qu’il existait une relation personnelle entre le candidat nommé et Mme Shahani. Les éléments de preuve n’appuient toutefois pas les allégations du plaignant.

48 M. Miller a donné des explications raisonnables au sujet des notes accordées au candidat nommé pour chacune des réponses contestées par le plaignant. Il a affirmé ne pas avoir modifié les réponses du candidat nommé, ce qui n’a pas été contesté. Il a expliqué avoir encerclé trois parties de l’exercice écrit du candidat nommé, exercice qui faisait partie de l’examen écrit, afin d’indiquer des fautes d’orthographe. Tout au long du processus d’évaluation, les membres du comité se sont consultés afin de déterminer les points à accorder pour cet exercice écrit. Une fois terminée la correction de l’exercice écrit du candidat nommé, le comité a inscrit les points directement sur la grille de cotation. En contre‑interrogatoire, le plaignant n’a pas remis en question cette explication.

49 Pour ce qui est des autres réponses fournies par le candidat nommé à l’examen écrit, M. Miller a passé en revue chacune des réponses et a montré en quoi elles correspondaient à la grille de correction établie par le comité au début du processus de nomination. Les explications de M. Miller étaient raisonnables, et le plaignant ne les a pas remises en question au moment du contre‑interrogatoire. Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas établi la preuve d’un traitement préférentiel accordé au candidat nommé au moment de l’évaluation.

50 Pour ce qui est de l’allégation de favoritisme personnel, le plaignant a souligné le fait que Mme Shahani et le candidat nommé avaient été vus en train de prendre leur dîner ensemble lorsqu’ils travaillaient aux Ressources humaines. À quelques occasions, le plaignant a vu le candidat nommé dîner avec d’autres employés des Ressources humaines, dont Mme Shahani. Il s’agit là du seul élément de preuve présenté par le plaignant relativement à l’existence d’une relation personnelle entre le candidat nommé et Mme Shahani. Le plaignant a admis qu’il ignorait si ces derniers étaient en contact à l’extérieur du bureau. Mme Shahani a expliqué qu’elle connaissait le candidat nommé seulement parce que celui‑ci avait travaillé au sein de la division organisationnelle des Ressources humaines et a précisé qu’elle dînait parfois avec un groupe d’employés de la section, y compris le candidat nommé.

51 Selon le Tribunal, l’existence d’un lien entre le candidat nommé et Mme Shahani ne permet pas de conclure au favoritisme personnel. À la lumière des éléments de preuve, le Tribunal peut uniquement conclure que le candidat nommé et Mme Shahani ont déjà travaillé ensemble aux Ressources humaines. En outre, Mme Shahani ne faisait pas partie du comité d’évaluation et n’a joué aucun rôle dans le processus décisionnel. Son rôle consistait à aider le gestionnaire à rédiger l’ECM, à formuler des conseils au sujet de l’élaboration de l’annonce de possibilité d’emploi et des outils d’évaluation, et à convoquer les candidats à l’examen et à l’entrevue.

52 De plus, les allégations et les éléments de preuve présentés démontrent uniquement l’existence d’une relation de nature professionnelle entre le candidat nommé et Mme Lalonde, qui était sa superviseure dans la section Surface.

53 Selon le Tribunal, le plaignant n’a pas établi la preuve d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé dans l’évaluation du candidat nommé. M. Miller a fourni des explications raisonnables quant à la façon dont il avait corrigé l’examen du candidat nommé, et le plaignant ne les a pas contestées. En outre, les éléments de preuve présentés ne sont pas suffisants pour appuyer l’allégation de favoritisme personnel.

54 Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir en l’espèce. Les éléments de preuve montrent que le comité a élaboré et utilisé des outils appropriés pour évaluer les qualifications figurant dans l’ECM. De plus, le comité a appliqué les mêmes méthodes pour tous les candidats. Le plaignant n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le processus d’évaluation était entaché d’irrégularités pour cause de traitement préférentiel ou de favoritisme personnel ou pour d’autres raisons.

Décision

55 Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.


Eugene Williams
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2012-0071
Intitulé de la cause :
Vincent Huang et le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités
Audience :
Les 20 et 21 novembre 2012
Toronto (Ontario)
Date des motifs :
Le 18 janvier 2013

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Larry Teslyk
Pour l’intimé :
Magdalena Persoiu
Pour la Commission
de la fonction publique :
Laurence St. Gelais
(observations écrites)
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