Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante et l’une des deux personnes nommées faisaient partie d’un bassin de candidats qualifiés établi à l’issue d’un processus de nomination annoncé. L’intimé a offert par la suite une nomination intérimaire aux deux personnes nommées au moyen de processus distincts non annoncés. La plaignante a soutenu que l’intimé aurait dû lancer un appel à manifestation d’intérêt à l’intention des personnes inscrites dans le bassin de candidats pour ensuite nommer les candidats les plus qualifiés ou, subsidiairement, tenir un processus annoncé. Décision Le simple fait pour l’intimé d’avoir eu recours à des processus de nomination non annoncés ne constitue pas un abus de pouvoir. La LEFP n’accorde aucune préférence aux processus annoncés par rapport aux processus non annoncés. L’intimé n’était pas tenu de prendre en considération plus d’une personne pour les postes en cause et il n’y a pas de droit d’accès garanti à toutes les possibilités d’emploi sous le régime de la LEFP. Selon les conclusions du Tribunal, en dépit du fait que les justifications écrites auraient dû être plus détaillées et qu’elles n’étaient pas tout à fait conformes aux politiques et lignes directrices applicables, cela ne démontrait pas une négligence ou une insouciance constitutive d’un abus de pouvoir. D’autre part, le Tribunal a jugé qu’il y avait insuffisance de preuve de favoritisme personnel. Le fait pour l’intimé d’utiliser ses connaissances personnelles pour évaluer les qualifications de l’une des personnes nommées ne constituait pas un abus de pouvoir. Enfin, le Tribunal a noté qu’il y avait un retard d’affichage des avis de nomination intérimaire; il a toutefois estimé qu’un tel retard ne permettait pas de conclure à un abus de pouvoir en l’espèce. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers :
2010-0352 et 2010-0353
Rendue à :
Ottawa, le 22 janvier 2013

FRANCINE BÉRUBÉ-SAVOIE
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE RESSOURCES HUMAINES ET DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d'abus de pouvoir en vertu des articles 77(1)(a)
et 77(1)(b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par :
Lyette Babin-MacKay, membre
Langue de la décision :
Français
Répertoriée :
Bérubé-Savoie c. le sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada
Référence neutre :
2013 TDFP 2

Motifs de décision


Introduction

1 La plaignante, Francine Bérubé-Savoie, allègue que l’intimé, le sous-ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada (RHDCC), a abusé de son pouvoir dans des processus de nomination non annoncés utilisés pour doter, à titre intérimaire, un poste de conseiller, assurance de la qualité, et un poste de chef d’équipe, au Centre d’appels  SC‑RPC/SV (Service Canada‑Régime de pension du Canada/Sécurité de la vieillesse), à Bathurst, au Nouveau‑Brunswick (N.‑B.). Ces postes sont de groupe et niveau PM‑03. Plus particulièrement, la plaignante soutient que l’intimé n’aurait pas dû opter pour des processus de nomination non annoncés et que la justification du choix d’un processus non annoncé n’appuie pas le choix d’une des personnes nommées. Elle soutient de plus que l’intimé a fait preuve de favoritisme lorsque la gestionnaire déléguée a nommé deux employées de sa section à ces postes, qu’il n’a pas choisi les personnes les plus qualifiées et qu’aucune évaluation écrite n’appuie la nomination d’une des personnes nommées. Elle allègue aussi que les notifications de nominations intérimaires n’ont pas été affichées en temps opportun.

2 L’intimé nie toutes ces allégations.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas présente à l’audience, mais elle a fourni des observations écrites et décrit ses lignes directrices pertinentes concernant, notamment, le choix du processus de nomination, l’évaluation, la sélection et la nomination. La CFP ne s’est pas prononcée sur le bien‑fondé des plaintes.

4 Pour les motifs énoncés ci‑après, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) conclut que la plaignante n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir dans ces processus non annoncés.

Contexte

5 En 2008, l’intimé a tenu un processus de nomination interne annoncé pour doter des postes de conseiller, assurance de la qualité, et des postes de chef d’équipe, aux groupe et niveau PM‑03, au Centre d’appels SC‑RPC/SV (le Centre d’appels) à Bathurst. Ce centre d’appels de Service Canada traite les appels téléphoniques qui ont rapport au Régime de pension du Canada et à la Sécurité de la vieillesse. À l’issue de ce processus, un bassin de personnes qualifiées (le bassin de 2008), valide jusqu’au 17 février 2010, a été établi pour chaque type de poste. Le nom de la plaignante et celui de Nathalie Paulin, une des personnes nommées, figuraient à ce bassin.

6 En novembre 2009, à cause d’une vacance dans un poste de conseiller, assurance de la qualité, l’intimé a eu recours à un processus de nomination interne non annoncé pour nommer Rachelle Goral à titre intérimaire pour la période du 9 novembre au 31 décembre 2009. Mme Goral était une agente de services aux citoyens (PM‑01) du Centre d’appels.

7 Le 22 décembre 2009, l’intimé a lancé deux processus de nomination interne annoncés pour doter l’un, des postes de conseiller, assurance de la qualité, et l’autre, des postes de chef d’équipe, pour des périodes indéterminées, déterminées ou intérimaires.

8 Le processus de nomination interne annoncé pour les postes de conseiller, assurance de la qualité, n’était pas encore terminé lorsque l’intimé a prolongé la nomination intérimaire de Mme Goral pour la période du 1er janvier 2010 au 31 mars 2010, puis une dernière fois du 1er au 30 avril 2010, toujours par processus non annoncé.

9 En janvier 2010, à la suite de l’affectation intérimaire d’un chef d’équipe ailleurs dans l’organisation, l’intimé a nommé Nathalie Paulin, elle aussi agente de services aux citoyens (PM‑01) du Centre d’appels, à un poste de chef d’équipe intérimaire pour la période du 25 janvier au 26 mars 2010. Cette nomination a été faite à partir du bassin de 2008. À la fin mars 2010, l’intimé a eu recours à un processus non annoncé pour prolonger la nomination intérimaire de Mme Paulin jusqu’au 25 juin 2010.

10 Le 3 juin 2010, l’intimé a publié un Avis de nomination intérimaire pour la nomination de Mme Goral pour la période du 9 novembre 2009 au 30 avril 2010, et un autre pour celle de Mme Paulin pour la période du 25 janvier 2010 au 25 juin 2010.

11 Le 17 juin 2010, la plaignante a déposé deux plaintes en vertu des articles 77(1)a) et 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 33, arts. 12 et 13 (la LEFP), concernant ces nominations intérimaires.

Question en litige

12 Le Tribunal doit décider si l’intimé a abusé de son pouvoir dans ces processus de nomination intérimaire non annoncés.

Analyse

L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans ces processus de nomination intérimaire non annoncés?

13 Margot Payne était la gestionnaire déléguée de ces processus de nomination. Elle a expliqué que de 2003 à 2010, elle était la gestionnaire principale de trois centres d’appels à Bathurst (N.‑B.) : le Centre d’appels de l’assurance-emploi, le Centre d’appels du Régime de pension du Canada et de la Sécurité de la vieillesse (le centre d’appels dont il est question en l’espèce) et le Centre d’appels des employeurs. Des centres d’appels similaires existent ailleurs au pays. Les centres d’appels sous la responsabilité de Mme Payne comptaient environ 250 employés, dont 14 conseillers, assurance de la qualité et 14 chefs d’équipe. Chaque équipe comptait 15 agents de services aux citoyens, qui traitaient les appels reçus. Les conseillers, assurance de la qualité, effectuaient la vérification de tous les appels traités par les agents de services aux citoyens et compilaient leurs constatations dans des rapports trimestriels à l’intention des chefs d’équipe, pour une rétroaction appropriée à leurs agents.

14 La plaignante est agente d’évaluation des régimes, programme de réduction des taux de cotisation de l’assurance-emploi (PM‑01), à RHDCC à Bathurst, et occupe actuellement un poste de chef d’équipe, rentes sur l’état (PM‑03) à titre intérimaire. Elle ne travaille pas dans un centre d’appels et n’a jamais travaillé pour Mme Payne. Elle a relaté les diverses démarches qu’elle a faites auprès de Mme Payne en 2009, pour l’informer de son intérêt continu pour un poste au Centre d’appels.

Le choix de processus non annoncés

15 La plaignante soutient que pour doter les postes en litige, l’intimé devait faire un appel d’intérêt parmi les personnes au bassin de 2008 et y choisir les personnes les plus qualifiées, ou subsidiairement, tenir un processus annoncé. À son avis, en optant pour des processus non annoncés, l’intimé a abusé de son pouvoir, et n’a pas respecté le principe du mérite et les valeurs fondamentales d’équité et de transparence de la LEFP.

a. Le poste de conseiller, assurance de la qualité

16 Mme Payne a déclaré qu’en novembre 2009, à cause de l’absence d’un employé, elle a dû doter un poste de conseiller, assurance de la qualité, au Centre d’appels à Bathurst.

17 Mme Payne a expliqué que les besoins opérationnels et les exigences du programme d’assurance de la qualité ne lui permettaient pas de laisser ce poste vacant. Il devait être doté dès que possible. En effet, des modifications importantes avaient été apportées au programme d’assurance de la qualité et depuis l’été 2009, tous les appels traités par les agents de services aux citoyens étaient sujets à des vérifications par les conseillers, assurance de la qualité. Cela avait eu un impact majeur sur les opérations des centres d’appels et sur les qualifications essentielles pour les postes de conseiller, lesquels exigeaient maintenant une connaissance approfondie des programmes du Régime de pension du Canada et de la Sécurité de la vieillesse et une connaissance accrue des procédures et des outils en ligne. Mme Payne ne voulait pas utiliser le bassin de 2008 parce que les qualifications avaient changé. Par conséquent, s’il y avait encore des personnes qualifiées pour un poste de conseiller, assurance de la qualité dans le bassin de 2008, elles n’avaient pas été évaluées en fonction des nouvelles qualifications du poste. De même, pour cette raison, Mme Payne ne voulait pas prolonger la durée du bassin de 2008 lorsqu’il expirerait en février 2010.

18 Mme Payne a affirmé que comme le besoin était urgent, elle ne pouvait prendre le temps de faire un appel d’intérêt ou de tenir un processus annoncé. Elle a indiqué qu’elle croyait fermement qu’elle devait mettre en place une personne d’expérience, à cause du programme de contrôle de la qualité maintenant en vigueur. Elle a donc choisi d’utiliser un processus non annoncé pour nommer au poste Mme Goral, une agente de services aux citoyens du Centre d’appels qui avait beaucoup d’expérience et qui avait démontré qu’elle connaissait très bien les programmes et les outils en ligne. Mme Goral était intéressée par le poste. Mme Payne l’a nommée à titre intérimaire du 9 novembre 2009 au 31 décembre 2009. Mme Payne a affirmé qu’elle croyait que le besoin serait de courte durée et que le processus interne annoncé commencé le 22 décembre 2009  serait terminé rapidement, mais ce ne fut pas le cas. C’est pourquoi elle a dû prolonger la nomination intérimaire de Mme Goral jusqu’au 31 mars 2010, puis jusqu’au 30 avril 2010.

b. Le poste de chef d’équipe

19 Payne a indiqué qu’en janvier 2010, elle a aussi dû remplacer un chef d’équipe qui avait reçu une nomination intérimaire ailleurs dans l’organisation.

20 Pour doter le poste durant cette absence, elle a demandé aux Ressources humaines (RH) d’effectuer une recherche dans le bassin de 2008 pour lui trouver la personne qui satisfaisait le mieux aux critères particuliers qu’elle recherchait. Toutefois, lors de l’audience, Mme Payne a affirmé ne pas se rappeler exactement quels critères elle a fournis aux RH pour cette recherche. Les RH lui ont fourni le nom de Mme Paulin, une agente de services aux citoyens du Centre d’appels. Mme Payne l’a nommée chef d’équipe par intérim, du 25 janvier 2010 au 26 mars 2010. À la fin de mars 2010, la personne que Mme Paulin remplaçait n’était pas encore de retour mais le bassin de 2008 était maintenant expiré et le processus de nomination commencé le 22 décembre 2009 n’était pas encore terminé. Pour ce besoin à court terme, Mme Payne a jugé qu’il était plus rapide et efficace de simplement prolonger la nomination de Mme Paulin jusqu’au 25 juin 2010 au moyen d’un processus non annoncé, en attendant le résultat du processus annoncé lancé en décembre 2009 ou le retour du titulaire du poste.

21  Mme Payne a relevé ce qui suit quant aux considérations et aux critères des Lignes directrices en matière des critères applicables aux processus de nomination non annoncés de RHDCC qu’elle a utilisés pour justifier les nominations non annoncées de Mme Goral et de Mme Paulin :

CONSIDÉRATION :

La nature du travail, l’urgence et la courte durée de la nomination fait en sorte qu’il serait improbable de doter le poste en temps voulu pour répondre au besoin.

CRITÈRE :

Nominations intérimaires de plus de quatre mois ou une nomination intérimaire pour une période inférieure à quatre mois lorsque la même personne est nommée au même poste à titre intérimaire dans les 30 jours civils.

22 Mme Payne a reconnu que la première nomination intérimaire de Mme Goral était déjà terminée et que celle de Mme Paulin allait prendre fin sous peu quand elle a signé, le 2 juin 2010, les documents de justifications du choix de processus non annoncés. Mme Payne a expliqué que ce retard était dû au fait que durant ces périodes, elle travaillait sur un autre projet et qu’une autre personne la remplaçait. Il y avait aussi eu un changement de consultant aux RH. Elle a précisé qu’il y avait tout de même eu de nombreuses discussions avant l’approbation de ces nominations.

23 Pour qu’une plainte en vertu de l’article 77(1)b) de la LEFP soit accueillie, la plaignante doit démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, le choix d’utiliser un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir. Voir Jarvo c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 0006, para. 7.

24 Le simple fait que l’intimé ait eu recours à des processus de nomination non annoncés pour doter ces postes ne constitue pas un abus de pouvoir en soi. La LEFP n’accorde aucune préférence aux processus annoncés par rapport aux processus non annoncés. L’article 33 de la LEFP énonce clairement qu’en tant que délégataire de la CFP, l’administrateur général dispose du pouvoir discrétionnaire qui lui permet de choisir entre ces deux types de processus.

25 Mme Payne a bien expliqué ce qui l’a menée à choisir des processus non annoncés pour ces nominations intérimaires. Les besoins opérationnels et les exigences du programme d’assurance de la qualité l’obligeaient à doter le poste vacant de conseiller, assurance de la qualité, le plus rapidement possible et un appel d’intérêt ou un processus annoncé aurait pris trop de temps. Pour le poste de chef d’équipe le bassin de 2008 était expiré et Mme Payne a décidé de prolonger la nomination intérimaire de Mme Paulin pour ce besoin de courte durée.

26 La plaignante allègue que la justification du choix d’un processus non annoncé pour le poste de conseiller, assurance de la qualité, n’appuie pas la décision de l’intimé d’y nommer Mme Goral, et qu’une évaluation écrite de cette personne était requise.

27 Les Lignes directrices en matière des critères applicables aux processus de nomination non annoncés de RHDCC précisent qu’une justification écrite est requise pour chaque processus de nomination non annoncé. Cette justification doit démontrer en quoi le processus de nomination non annoncé satisfait aux critères établis et respecte les valeurs de nomination. Cette exigence est clairement énoncée dans les Lignes directrices en matière de choix de processus de nomination de la CFP, auxquelles l’administrateur général est tenu de se conformer en vertu de l’article 16 de la LEFP.

28 Le Tribunal a examiné les justifications de ces processus non annoncés. Aucune n’indique en quoi ces nominations satisfont aux critères établis ni de quelle façon elles sont conformes aux valeurs de nomination et aux valeurs directrices. Cependant, il demeure que des justifications ont été soumises – quoiqu’en retard – et que Mme Payne a bien expliqué dans son témoignage à quels critères de RHDCC  correspondaient ces nominations.

29 Le Tribunal a déjà établi que le fait qu’une erreur ou une omission constitue ou non un abus de pouvoir dépend de sa nature et de sa gravité. Voir, par exemple, Tibbs c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008. En l’espèce, quoique les justifications écrites auraient dû être plus détaillées et qu’elles ne sont pas tout à fait conformes aux exigences des lignes directrices ministérielles et celles de la CFP, le Tribunal estime que cela ne démontre pas une négligence ou une insouciance telle que cela pourrait constituer un abus de pouvoir.

30 La plaignante n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir quand il a choisi des processus non annoncés pour ces nominations intérimaires.

Favoritisme envers les employés de la section de Mme Payne

31 La plaignante prétend que la gestionnaire déléguée a favorisé des employées de sa section dans le choix des personnes pour ces postes.

32 La plaignante affirme qu’à l’automne 2009, en tant que déléguée syndicale, elle a assisté à une réunion patronale-syndicale où Mme Payne a indiqué qu’elle choisirait parmi le personnel de sa section quand elle doterait différents postes. La plaignante a déposé en preuve des documents qui, selon elle, indiquent que plusieurs nominations effectuées par Payne ont été accordées à des employés de sa section.

33 Payne a affirmé ne pas se rappeler avoir déjà fait un tel commentaire et que si elle l’a fait, cela a peut-être été pris hors contexte. Elle a affirmé qu’elle ne choisirait pas seulement quelqu’un de sa propre section, sauf peut-être pour un besoin à court terme.

34 L’article 2(4) de la LEFP est libellé comme suit : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par "abus de pouvoir" la mauvaise foi et le favoritisme personnel ». Comme le Tribunal l’a indiqué dans Glasgow c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007, para. 39, c’est le favoritisme personnel, non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir.

35 Quoiqu’il soit vrai que Mmes Goral et Paulin travaillaient toutes deux dans la section de Payne, ceci n’établit pas qu’il y a eu favoritisme personnel envers elles. De fait, il n’est pas déraisonnable qu’un gestionnaire se tourne vers le personnel de sa propre unité lorsqu’il faut doter un poste à titre intérimaire, surtout quand ce besoin est urgent ou de courte durée. Payne a bien expliqué comment et pourquoi elle a choisi Mmes Goral et Paulin.

36 La preuve de la plaignante n’est pas suffisante pour permettre de conclure qu’il y a eu favoritisme personnel en l’espèce. Ainsi, elle n’a pas démontré que Mme Payne a abusé de son pouvoir ou fait preuve de favoritisme personnel envers Mmes Goral et Paulin quand elle les a choisies pour ces nominations intérimaires.

Les qualifications et l’évaluation des personnes nommées

37 La plaignante allègue que l’intimé s’est fondé sur des éléments insuffisants lorsqu’il a évalué Mmes Goral et Paulin pour prolonger leurs nominations intérimaires. Elle soutient que l’intimé n’a pas démontré que Mme Goral était plus qualifiée que les personnes dans la zone de recours ou que Mme Paulin était plus qualifiée que les autres personnes au bassin de 2008. Tous auraient dû avoir eu la chance d’être pris en considération et évalués. Ces processus non annoncés ont empêché les personnes au bassin et les autres candidats potentiels d’acquérir de l’expérience.

38 Le Tribunal ne souscrit pas à l’argumentation de la plaignante. L’intimé n’avait pas à prendre en considération plus d’une personne pour ces postes. L’article 30(4) de la LEFP stipule bien que la CFP n’est pas tenue de prendre en compte plus d’une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite. Le fait de ne prendre en considération qu’une seule candidature relève du pouvoir discrétionnaire autorisé expressément dans cet article. De même, dans la décision Jarvo, para. 32, le Tribunal a bien noté qu’il n’y a pas de droit d’accès garanti à toutes les possibilités d’emploi.

39 L’intimé n’avait pas non plus à nommer la personne la plus qualifiée parmi les personnes au bassin. Il est bien établi que l’ancien système de mérite relatif n’existe plus. Voir par exemple Clout c. le Sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 TDFP 0022, para. 32.

40 La plaignante soutient de plus qu’aucune évaluation écrite n’appuie la nomination de Mme Goral et qu’elle n’a pas été évaluée de façon acceptable. Elle affirme que l’évaluation de Mme Goral n’est basée que sur les connaissances personnelles que Mme Payne avait d’elle et sur le fait que Mme Goral était intéressée par le poste.

41 La plaignante fait valoir que l’évaluation de Mme Goral n’a été complétée qu’après la fin de sa nomination intérimaire, soit le 30 avril 2010.

42 L’intimé a déposé en preuve un document qu’il dit être l’évaluation écrite des qualifications de Mme Goral. Il s’agit de l’énoncé des critères de mérite (ECM) pour le poste en question. La déclaration suivante, signée par Mme Payne le 2 juin 2010 en sa capacité de gestionnaire principale, Centres d’appels de Service Canada, apparaît au bas du document : « Je certifie que Rachelle Goral satisfait aux qualifications essentielles pour ce poste. » [traduction].

43 Selon la plaignante, ce document n’est pas une évaluation écrite conforme aux Lignes directrices en matière de sélection et de nomination de la CFP.

44 Payne a expliqué que Mme Goral était intéressée par le poste de conseiller, assurance de la qualité, mais qu’elle l’a surtout choisie à cause de sa grande expérience. Se référant aux qualifications indiquées sur l’ECM et les conditions d’emploi pour le poste de conseiller, assurance de la qualité, Mme Payne a expliqué comment elle a conclu que Mme Goral répondait aux exigences du poste. Mme Goral occupait déjà un poste du groupe PM et les normes de qualification de ce groupe exigent un diplôme d’études secondaires. Elle avait démontré, de par son travail d’agent de services aux citoyens au Centre d’appels, qu’elle possédait l’expérience et les connaissances nécessaires; elle participait au travail de la section, connaissait bien les programmes et utilisait les outils de soutien en ligne tous les jours. Mme Goral avait aussi démontré, de par son rendement au travail, qu’elle satisfaisait aux critères de capacités et de qualités personnelles.

45 Mme Payne a reconnu qu’elle avait signé le document d’évaluation de Mme Goral le 2 juin 2010. Elle a expliqué qu’elle travaillait à un autre projet et que quelqu’un d’autre la remplaçait dans son poste de gestionnaire principale au moment de la nomination. De plus, il y avait eu un changement de conseiller aux RH. Mme Payne affirme qu’il y avait tout de même eu beaucoup de discussions sur cette question avant que la nomination intérimaire de Mme Goral ne soit prolongée le 1er janvier 2010.

46 L’article 36 de la LEFP permet à la CFP ou à l’autorité déléguée d’utiliser toute méthode d’évaluation qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède une qualification. Le Tribunal a déjà jugé que le recours à la connaissance personnelle d’un candidat est un outil d’évaluation légitime. Voir les décisions Visca c. Sous‑ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024 et Kitchen c. Sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration, 2008 TDFP 0028.

47 Le Tribunal estime qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir quand Mme a utilisé ses connaissances personnelles pour évaluer les qualifications de Mme Goral.

48 L’évaluation de Mme Goral a été enregistrée en retard, le 2 juin 2010, plusieurs mois après la date d’effet de la nomination intérimaire et plus d’un mois après son expiration.

49 Les Lignes directrices en matière de sélection et de nomination de la CFP exigent clairement que l’administrateur général s’assure, entre autres, que les personnes nommées possèdent toutes les qualifications essentielles et que les raisons justifiant la décision relative à la nomination sont notées. Avant de faire une nomination, l’intimé doit donc être en mesure de confirmer qu’une personne satisfait aux qualifications essentielles pour un poste, et il doit en consigner les raisons. Le manquement à ces obligations peut remettre en question l’équité et la transparence du processus de nomination.

50 Il aurait été préférable que Mme Payne justifie avec plus de détails pourquoi elle a conclu que Mme Goral satisfaisait aux exigences du poste. Néanmoins, Mme Payne a expliqué les raisons du retard de l’enregistrement de l’évaluation et cette nomination n’a pas été renouvelée après le 30 avril 2010.

51 De plus, quoique a plaignante n’ait pas soulevé d'allégation particulière concernant l’évaluation de Mme Paulin et que, comme il l’a indiqué plus haut, le Tribunal soit aussi soucieux du fait que Mme Payne n’a pu indiquer et n’a pas enregistré les critères qu’elle a fournis aux RH et qui l’ont menée au choix de Mme Paulin dans le bassin, il demeure que Mme Paulin s’était qualifiée à la suite d’un processus de nomination interne annoncé.

52 Le Tribunal estime que ces manquements ne sont pas assez sérieux pour constituer un abus de pouvoir.

Notifications tardives des nominations intérimaires

53 La plaignante soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir et contrevenu à la LEFP en ne publiant pas les Avis de nomination intérimaire en temps opportun.

54 Mme Goral a d’abord été nommée au poste de conseiller, assurance de la qualité, à titre intérimaire pour une période de moins de quatre mois, du 9 novembre 2009 au 31 décembre 2009. La nomination a ensuite été prolongée jusqu’au 31 mars 2010, ce qui amenait cette nomination intérimaire à une période de plus de quatre mois, puis jusqu’au 30 avril 2010. Toutefois, l’intimé n’a publié qu’un seul Avis de nomination intérimaire, le 2 juin 2010, pour toute la période du 9 novembre 2009 au 30 avril 2010.

55 Quant à Mme Paulin, elle a d’abord été nommée au poste de chef d’équipe pour une période de moins de quatre mois, du 25 janvier au 26 mars 2010, puis sa nomination a été prolongée jusqu’au 25 juin 2010. Ici encore, ce n’est que le 2 juin 2010 que l’intimé a publié le seul Avis de nomination intérimaire pour ces nominations.

56 L’article 13 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334 (le REFP) stipule clairement que la notification des nominations intérimaires dont la durée est égale ou supérieure à quatre mois doit être fournie lorsque les nominations sont faites ou proposées. Chaque prolongation constitue une nomination en soi et est assujettie aux exigences de la LEFP et du REFP. Voir Wylie c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2006 TDFP 0007, para. 20. Il est important d’aviser les personnes dans la zone de recours le plus tôt possible après une nomination intérimaire et non pas des mois plus tard ou une fois que la période de nomination intérimaire a pris fin, comme ce fut le cas pour la nomination intérimaire de Mme Goral. Les notifications de nomination intérimaire devaient être publiées dès qu’ont été prises les décisions de prolonger ces nominations intérimaires pour quatre mois et plus.

57 Le Tribunal a conclu dans Robert et Sabourin c. le Sous-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 TDFP 0024, que le fait de ne pas avoir notifié les personnes faisant partie de la zone de recours en temps opportun constituait une omission. Dans les faits, en diffusant les notifications de nomination intérimaire après la fin ou vers la fin des nominations intérimaires, l’intimé empêchait les employés se trouvant dans la zone de sélection d’exercer leur droit de recours relativement à ces nominations de façon rapide et efficace, ce qui va à l’encontre de l’essence même de ces droits de recours.

58 Quoique Mme Payne ait expliqué la raison du retard, le Tribunal tient à noter que peu importe les changements de personnel, l’intimé conserve l'entière responsabilité de s’assurer que les notifications sont publiées en temps opportun. Cependant, un tel retard n’entraîne pas nécessairement une constatation d’abus de pouvoir.

59 Les nominations intérimaires n’ont pas été prolongées à nouveau. Le Tribunal juge que dans le cas présent, les retards dans la publication des notifications ne constituent pas un abus de pouvoir.

Décision

60 Le Tribunal estime que ces processus n’ont pas été bien consignés dès le début. L’intimé aurait dû préparer une justification plus détaillée au moment de chaque prolongation des nominations intérimaires de Mmes Goral et Paulin. De plus, les évaluations des personnes nommées auraient dû être plus explicites et démontrer comment ces dernières satisfaisaient aux qualifications requises. De même, les notifications des nominations intérimaires auraient dû être publiées dès la prolongation des nominations de Mmes Goral et Paulin. Cependant, lors de l’audience, l’intimé a fourni les détails concernant les justifications, les évaluations et les notifications et démontré que les nominations de Mmes Goral et Paulin étaient justifiées. Dans leur ensemble, les faits et la preuve ne démontrent pas d’abus de pouvoir.

61 Pour tous ces motifs, le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir dans ces processus de nomination. Les plaintes sont donc rejetées.

Lyette Babin-MacKay
Membre

Parties aux dossiers


Dossiers du Tribunal
2010-0352 et 2010-0353
Intitulé de la cause
Francine Bérubé-Savoie et le sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada
Audience
Les 24 et 25 octobre 2012
Bathurst (Nouveau-Brunswick)
Date des motifs
Le 22 janvier 2013

COMPARUTIONS :

Pour la plaignante
Sylvain Archambault
Pour l’intimé
Léa Bou Karam
Pour la Commission
de la fonction publique
Représentations écrites
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