Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a allégué que l’intimé avait mal évalué ses qualifications en omettant de considérer des facteurs pertinents, en ne respectant pas les lignes directrices de la Commission de la fonction publique (CFP) et en ne respectant pas le principe d’équité. L’intimé a nié toutes ces allégations. Étant donné l’état de santé de la plaignante, le Tribunal a décidé d’instruire la plainte sur le dossier. Le Tribunal a donc fourni aux parties un échéancier pour les observations écrites. Le Tribunal avait reçu les observations écrites de l’intimé et de la CFP, mais n’en avait pas reçu de la part de la plaignante. En vertu du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, le Tribunal a décidé de statuer sur la plainte même si la plaignante n’avait pas fourni d’observations écrites, en examinant les documents fournis par les parties. Décision La plaignante avait allégué que l’intimé n’avait pas respecté les lignes directrices de la CFP sur la vérification des références. Le Tribunal a noté que le Guide des pratiques exemplaires – Vérification structurée des références de la CFP ne constituait pas des lignes directrices, mais plutôt un guide pratique qui ne liait pas l’intimé. En ce qui est du principe d’équité, le Tribunal a indiqué que choisir un candidat comme répondant n’était pas idéal. Toutefois, ce fait en soi, en l’absence de toute autre preuve, n’établissait pas un abus de pouvoir. Selon la plaignante, le comité d’évaluation aurait dû avoir pris en considération ses évaluations de rendement. Le Tribunal a conclu que cette allégation n’était pas fondée puisque que la Loi sur l’emploi dans la fonction publique laisse au gestionnaire délégataire une grande marge de manœuvre concernant le choix des méthodes d’évaluation. Le comité d’évaluation pouvait donc choisir de ne pas prendre en considération les évaluations de rendement de la plaignante. Le Tribunal a conclu que la plaignante n’avait pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’évaluation de ses qualifications. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier :
2008-0661
Rendue à :
Ottawa, le 29 mai 2013

MYRIAM MONTPETIT
Plaignante
ET
LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de article 77(1)(a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
John Mooney, vice-président
Langue de la décision :
Français
Répertoriée :
Montpetit c. le président de l’Agence des services frontaliers du Canada
Référence neutre :
2013 TDFP 0017

Motifs de décision


Introduction

1 Myriam Montpetit, la plaignante, a participé à un processus de nomination interne annoncé pour doter des postes de gestionnaire des programmes régionaux aux groupe et niveau FB-06 à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Sa candidature a été rejetée parce que, selon le président de l’ASFC, l'intimé, elle ne satisfaisait pas à deux qualifications essentielles établies pour ce poste.

2 La plaignante allègue que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite dans ce processus de nomination. Plus spécifiquement, elle soutient qu’il a mal évalué ses qualifications en omettant de considérer des facteurs pertinents, en ne respectant pas les lignes directrices de la Commission de la fonction publique (CFP) portant sur la vérification des références, et en ne respectant pas le principe d’équité. L’intimé nie toutes ces allégations.

3 La CFP soutient qu’aucun élément de preuve n’indique que l’intimé a abusé de son pouvoir ou qu’il n’a pas respecté les lignes directrices de la CFP. Selon elle, la plainte devrait donc être rejetée.

4 Pour les raisons qui suivent, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) juge que la plaignante n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir dans ce processus de nomination.

Contexte

5 En octobre 2007, l’intimé a affiché une Annonce de possibilité d’emploi sur Publiservice, le site Web du gouvernement fédéral, pour doter divers postes à l’ASFC, dont le poste susmentionné, pour une période indéterminée.

6 L’intimé a présélectionné les candidats en fonction de leurs études et leur expérience de travail. Les autres qualifications étaient évaluées par un examen écrit normalisé, une simulation et une vérification des références.

7 La plaignante n’a pas satisfait à deux qualifications essentielles : le leadership et les relations interpersonnelles.

8 Le 19 septembre 2008, l’intimé a affiché la Notification de nomination ou de proposition de nomination pour la nomination de cinq personnes au poste susmentionné.

9 Le 6 octobre 2008, la plaignante a présenté au Tribunal une plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (LEFP).

10 Le 26 janvier 2009 la représentante de la plaignante a fait parvenir au Tribunal les allégations de la plaignante.

11 Le 10 février 2009, l’intimé a fourni sa réponse à ces allégations.

12 Le 18 février 2009, la CFP a fourni au Tribunal ses observations préliminaires.

13 Une conférence préparatoire devait avoir lieu le 2 novembre 2009 et l’audience de la plainte devait se tenir les 8 et 9 décembre 2009 à Montréal. La plaignante a demandé au Tribunal de reporter la conférence préparatoire et l’audience parce qu’elle était en congé de maladie. Le Tribunal a accordé cette requête le 30 octobre 2009.

14 À partir de la fin de 2009 jusqu’à la fin de 2012, le Tribunal a demandé à la représentante de la plaignante de lui fournir un suivi au sujet de la santé de la plaignante. La représentante de la plaignante a informé le Tribunal à plusieurs reprises pendant cette période que la plaignante était en congé de maladie pour une période indéterminée.

15 L’article 98(1) de la LEFP prévoit que le Tribunal devrait, dans la mesure du possible, instruire les plaintes avec célérité. Dans ce cas-ci, la plainte avait été présentée le 6 octobre 2008, c’est-à-dire il y a près de quatre ans et demi. Le Tribunal a jugé qu’il était temps d’entendre la plainte et il a avisé les parties le 31 juillet 2012 que l’audience de cette plainte aurait lieu les 11 et 12 décembre 2012.

16 Le Tribunal a avisé toutes les parties le 22 octobre 2012 qu’une conférence préparatoire pour préparer l’audience de la plainte aurait lieu le 20 novembre 2012 par téléconférence.

17 Le 20 novembre 2012, la représentante de l’intimé et le représentant de la CFP ont joint la téléconférence, mais pas la plaignante ni sa représentante. Le Tribunal a conséquemment mis fin à cette conférence téléphonique sans aborder les sujets reliés à la plainte.

18 Afin de faciliter la participation de la plaignante à l’audience de la plainte, le Tribunal a décidé de procéder par voie de téléconférence. Il a informé les parties le 22 novembre 2012 que cette téléconférence se tiendrait le 19 décembre 2012.

19 Le 28 novembre 2012, la représentante de la plaignante a fait parvenir au Tribunal un certificat médical dans lequel le médecin de la plaignante affirme que celle‑ci n’était pas apte à participer à une audience. La représentante ajoute qu’elle n’a pas pu obtenir de la plaignante plus d’information au sujet de cette plainte.

20 Vu l’état de santé de la plaignante, le Tribunal a informé les parties le 29 novembre 2012 que l’audience du 19 décembre 2012 par conférence téléphonique était annulée. Le Tribunal a alors décidé d’instruire la plainte sur le dossier, c’est-à-dire par voie d’observations écrites, conformément à l’article 99(3) de la LEFP qui permet au Tribunal d’instruire une plainte sans tenir d’audience. Le Tribunal a fourni aux parties un échéancier pour les observations écrites.

21 Le Tribunal a reçu par la suite des observations écrites de l’intimé et de la CFP, mais n’en n’a pas reçu de la part de la plaignante. La plaignante n’a pas demandé au Tribunal de prolonger le délai pour présenter ses observations écrites.

22 L’article 29 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, modifié par DORS/2011-116, prévoit que si une partie omet de comparaître à l’audience, le Tribunal peut, s’il est convaincu que l’avis d’audience a bien été donné, statuer sur la plainte sans autre avis. Le Tribunal estime que cette disposition s’applique aussi aux plaintes instruites sur dossier. Le Tribunal a décidé de statuer sur la plainte même si la plaignante n’avait pas fourni d’observations écrites, tel que demandé, en examinant les documents fournis par les parties, dont la plainte de la plaignante, ses allégations, la réponse de l’intimé aux allégations de la plaignante et les observations écrites de l'intimé et de la CFP.

Question en litige

23 Le Tribunal doit déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications de la plaignante.

Analyse

24 L’article 77(1) de la LEFP stipule qu’une personne qui est dans la zone de recours peut présenter une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination au motif que la CFP ou l’administrateur général a abusé de son pouvoir dans le processus de nomination. La LEFP ne définit pas ce qu’est un abus de pouvoir, mais l’article 2(4) indique qu’« [i]l est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

25 Comme le Tribunal l’a affirmé dans nombre de décisions, il incombe au plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le processus de nomination est entaché d’abus de pouvoir. Voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008 aux paras. 49 et 55.

Question :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications de la plaignante?

26 Le comité d’évaluation avait décidé que la plaignante ne satisfaisait pas à deux qualifications essentielles : le leadership et les relations interpersonnelles. Chacune de ces qualifications avait été évaluée par une simulation et des références. Une note globale résultant des deux méthodes d’évaluation était assignée pour chaque qualification. La plaignante a fait bonne figure lors de la simulation, mais elle n’a pas satisfait à ces deux qualifications à cause des références défavorables des répondants.

27 Le Tribunal a jugé dans nombre de décisions que son rôle consiste à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir, et non pas à réévaluer les candidats. Voir, par exemple, la décision Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2007 TDFP 0020.

28 La plaignante soutient que l’intimé n’a pas respecté les lignes directrices de la CFP sur la vérification des références. Le Guide des pratiques exemplaires – Vérification structurée des références de la CFP, auquel la CFP a référé, suggère d’utiliser des répondants qui ont travaillé avec le candidat au moins six mois au cours des cinq dernières années. Le Tribunal note que ce document ne constitue pas des lignes directrices, mais plutôt un guide pratique qui, comme le souligne la CFP, ne lie pas l’intimé.

29 La plaignante avait suggéré trois répondants : sa gestionnaire, et deux autres personnes. Ces deux autres personnes ont refusé d’agir à titre de répondant. Le comité d’évaluation a donc contacté deux autres personnes qui avaient supervisé la plaignante, dont un gestionnaire intérimaire. La plaignante affirme que sa gestionnaire et le gestionnaire intérimaire ne connaissaient pas suffisamment son travail pour agir en tant que répondant. Sa gestionnaire s’absentait souvent du bureau et le gestionnaire intérimaire ne l’avait pas supervisée pendant une période assez longue. Lorsque le gestionnaire intérimaire la supervisait, elle a dû prendre un congé.

30 Le Tribunal estime que la plaignante n’a pas établi que la gestionnaire et le gestionnaire intérimaire n’avaient pas une connaissance suffisante de ses qualifications pour agir à titre de répondants. Sa gestionnaire avait supervisé la plaignante pendant dix mois au moment du processus de nomination. Elle avait eu donc amplement le temps de se familiariser avec le travail accompli par la plaignante. La plaignante elle‑même l’avait suggérée comme répondante. Le Tribunal estime que la plaignante n’a pas établi que le fait que sa gestionnaire se soit absentée du bureau à plusieurs reprises l’ait empêchée de prendre connaissance de son travail.

31 Pour ce qui est du gestionnaire intérimaire, il a supervisé la plaignante pendant plus d’un an, ce qui est une période amplement suffisante pour pouvoir formuler des observations sur les qualifications de la plaignante, même si elle a dû prendre un congé pendant cette période. La plaignante n’indique d’ailleurs pas la durée de ce congé.

32 Le troisième répondant avait supervisé la plaignante pendant cinq mois, c'est‑à‑dire un mois de moins que suggéré dans le guide de la CFP susmentionné. Puisque la plaignante n’a fait aucun commentaire à son sujet, outre le fait que ce répondant a pris sa retraite, le Tribunal ne tirera pas de conclusion au sujet de la compétence de cette personne d’agir à titre de répondant.

33 La plaignante allègue également que l’intimé n’a pas respecté le principe d’équité parce que le gestionnaire intérimaire qui a agi en tant que répondant, était aussi un candidat dans le processus de nomination mené pour doter le poste. L’intimé a admis ce fait dans sa réponse aux allégations de la plaignante. Le Tribunal estime que choisir un candidat comme répondant n’est pas idéal puisque cela pourrait placer le répondant dans une situation de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts, affectant ainsi l’impartialité de ses observations à titre de répondant. Toutefois, ce fait en soi, en l’absence de toute autre preuve, n’établit pas un abus de pouvoir.

34 La plaignante allègue également que le comité d’évaluation a omis de prendre en considération des facteurs pertinents dans l’évaluation des deux qualifications susmentionnées. Selon elle, le comité d’évaluation aurait dû prendre en considération ses évaluations de rendement. Le Tribunal estime que cette allégation n’est pas fondée. L’article 36 de la LEFP laisse au gestionnaire délégataire une grande marge de manœuvre concernant le choix des méthodes d’évaluation. Ils peuvent utiliser toute méthode d’évaluation qu’ils jugent appropriée, pourvu qu’elle permette d’évaluer correctement les qualifications établies dans l’énoncé de critères de mérite. Voir, par exemple, les décisions Jolin c. Administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 0011, et Ouellet c. le président de l’Agence canadienne de Développement international, 2009 TDFP 0026. Le comité d’évaluation pouvait donc choisir de ne pas prendre en considération les évaluations de rendement de la plaignante.

35 Le Tribunal conclut donc que la plaignante n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’évaluation de ses qualifications.

Décision

36 Pour les motifs énoncés ci-haut, la plainte est rejetée.


John Mooney
Vice-président

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2008-0661
Intitulé de la cause :
Myriam Montpetit et le président de l’Agence des services frontaliers du Canada
Audience :
Dernières observations écrites
reçues le 19 février 2013
Date des motifs :
Le 29 mai 2013

COMPARUTIONS :

Pour les plaignants :
Diane Lacombe
(Observations écrites)
Pour l’intimé :
Nathalie Pruneau
(Observations écrites)
Pour la Commission
de la fonction publique :
Me Marc Séguin
(Observations écrites)
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.