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Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a formulé une allégation d’abus de pouvoir à l’encontre de l’intimé par rapport à la nomination intérimaire et à la nomination à durée indéterminée, par la suite, de la même personne. Décision En guise de règlement d’une question préliminaire, le Tribunal a jugé que la plainte relative à la nomination à durée indéterminée avait été déposée plus de six semaines après la date limite. Le Tribunal a estimé que l’affichage de la nomination en question sur le site Web Publiservice équivalait à un avis public et que le plaignant n’a pas réussi à démontrer que des circonstances exceptionnelles justifiaient la prolongation du délai de présentation de la plainte au-delà des 15 jours suivant la date de l’avis de nomination. Pour ce qui concerne la nomination intérimaire, le Tribunal a conclu que le plaignant n’avait pas établi la preuve d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé dans le choix de processus au motif que celui-ci aurait fait preuve de favoritisme personnel envers la personne nommée. En particulier, le plaignant n’avait pas démontré que les nominations intérimaires offertes antérieurement à la personne nommée étaient plus prestigieuses que la sienne. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

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Dossiers :
2012-0007 et 2012-0924
Rendue à :
Ottawa, le 21 mars 2013

BLAIR WINGER
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plaintes d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par :
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Winger c. le sous-ministre de la Défense nationale
Référence neutre :
2013 TDFP 0009

Motifs de décision


Introduction

1 Le plaignant, Blair Winger, a déposé deux plaintes d’abus de pouvoir concernant la nomination intérimaire et la nomination à durée indéterminée de Darcy Maier au poste de chef de peloton (FR‑03) au sein du ministère de la Défense nationale, plus précisément à la base des Forces canadiennes Suffield (BFC Suffield), en Alberta.

2 Le sous-ministre de la Défense nationale (l’intimé) nie tout abus de pouvoir dans ces nominations.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas représentée à l’audience, mais elle a présenté des observations écrites concernant ses politiques et ses lignes directrices applicables. La CFP n’a pas pris position sur le bien‑fondé des plaintes.

4 Pour les motifs énoncés ci‑après, les plaintes sont rejetées.

Question préliminaire au sujet de la plainte visant la nomination à durée indéterminée

5 S’agissant de la plainte visant la nomination à durée indéterminée de M. Maier, l’intimé a déposé, au début de l’audience, une requête visant à faire rejeter la plainte, au motif qu’elle avait été présentée plus de 15 jours après la publication de l’avis de nomination, ce qui est contraire à l’article 10 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, modifié par DORS/2011‑116 (Règlement du TDFP). Le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) a reçu cette requête pour la première fois le 21 juin 2012. Le 29 juin 2012, le Tribunal a fait parvenir aux parties une décision-lettre les informant du rejet de la requête, ce qui n’empêchait toutefois pas l’intimé de soulever la question à un moment ultérieur.

6 Ainsi, l’intimé a renouvelé sa requête à l’audience en vue du rejet de la plainte visant la nomination à durée indéterminée.

7 Selon le plaignant, si le Tribunal juge qu’il a présenté sa plainte en retard, alors le Tribunal devrait envisager de prolonger le délai dont il disposait pour présenter sa plainte en raison de circonstances exceptionnelles.

8 Pour les motifs énoncés ci‑après, le Tribunal conclut que la plainte n’a pas été présentée dans le délai prescrit et que la prolongation du délai en question n’est pas justifiée en l’espèce. Par conséquent, il rejette la plainte concernant la nomination à durée indéterminée.

9 En 2010, le plaignant et M. Maier ont participé à un processus de nomination interne annoncé pour le poste FR‑03 et ont été jugés qualifiés. Le plaignant affirme avoir vu, le 30 mars 2012, une notification de candidature retenue qui avait été publiée relativement à la nomination à durée indéterminée de M. Maier. Selon cette notification, M. Maier avait été nommé à partir du bassin de candidats qualifiés créé à l’issue du processus de nomination interne annoncé.

10 Le plaignant affirme avoir rencontré le major Sylvain Neveu le 11 avril 2012. Le major Neveu était alors officier du Génie construction à la base à la BFC Suffield et gestionnaire d’embauche pour le poste FR‑03. Au cours de la rencontre, le plaignant a exprimé ses préoccupations au sujet de la nomination. Au terme de la rencontre, le plaignant tenait pour acquis que M. Maier serait effectivement nommé au poste.

11 Le plaignant a précisé avoir reçu, le 2 avril 2012, un courriel destiné à tout le personnel et indiquant qu’à partir de ce moment‑là, les avis de dotation ne seraient affichés que sur Publiservice et ne seraient plus ni distribués en copie papier, ni affichés sur les babillards. Publiservice est le portail en ligne du gouvernement du Canada pour la consultation des avis de dotation.

12 Le 11 avril 2012, le plaignant s’est inscrit à Carrière à l’écoute, un service qui informe les fonctionnaires fédéraux des avis de dotation affichés sur Publiservice. Lors de son inscription, il a donné son adresse électronique personnelle. Le plaignant a indiqué avoir reçu un premier avis de Carrière à l’écoute le 26 avril 2012 concernant un autre poste.

13 Le plaignant s’est absenté du travail du 12 avril au 7 mai 2012. À son retour, il a examiné les babillards à la recherche d’une notification de nomination ou de proposition de nomination concernant M. Maier, mais il n’en a trouvé aucune. Le plaignant a également demandé à des collègues s’ils avaient vu une notification affichée sur un babillard dans la caserne de pompiers, mais ils ont répondu qu’ils n’en avaient vu aucune.

14 Le 12 juin 2012, soit la veille du dépôt de sa plainte, le plaignant a demandé à M. Maier s’il avait été nommé pour une période indéterminée au poste FR‑03, et M. Maier a confirmé que la nomination avait été effectuée plusieurs mois auparavant. Le 13 juin 2012, le plaignant a déposé sa plainte.

15 Le plaignant affirme ne jamais avoir reçu d’avis de Carrière à l’écoute l’informant de la nomination à durée indéterminée de M. Maier. Toutefois, le plaignant n’a pas précisé qu’il avait consulté le site Web Publiservice pour vérifier si une notification avait été affichée avant de déposer sa plainte le 13 juin 2012.

16 Parmi les éléments de preuve présentés au Tribunal figure une copie imprimée de la notification de nomination ou de proposition de nomination, qui montre que sa date d’affichage sur Publiservice est le 12 avril 2012 et que la date limite de présentation d’une plainte est le 27 avril 2012.

17 Jacqueline White, adjointe en ressources humaines (RH) à la BFC Suffield, a décrit son expérience relativement à la publication d’avis sur Publiservice. Elle a indiqué que la date de notification, le 12 avril 2012 en l’espèce, représente la date à laquelle la notification a été publiée. Lorsqu’une notification est publiée, le système Publiservice fixe automatiquement la date limite de présentation d’une plainte, soit le 27 avril 2012 en l’espèce.

18 Par conséquent, la plainte est hors délai; le Tribunal juge que le plaignant n’a pas démontré que des circonstances exceptionnelles justifiaient la prolongation du délai de présentation de sa plainte.

19 Dans la décision MacDonald c. L’administrateur général de Service Canada, 2006 TDFP 0002, le Tribunal a considéré que le délai relatif à la présentation d’une plainte est un délai de rigueur. L’article  5 du Règlement du TDFP stipule toutefois que le Tribunal peut prolonger le délai de présentation d’une plainte par souci d’équité.

20 En l’espèce, le plaignant affirme que la non‑transmission d’un avis par Carrière à l’écoute constitue une circonstance exceptionnelle.

21 Le Tribunal a déjà examiné l’utilisation de Publiservice pour la publication des documents de dotation. En vertu de l’article 10(1)b) du Règlement du TDFP, toute plainte doit être reçue dans les 15 jours suivant la date figurant sur l’avis public de nomination. Dans la décision Tennant c. Président de l’Agence canadienne de développement international, 2007 TDFP 0006, para. 18, le Tribunal a déclaré qu’une notification affichée sur Publiservice constitue un avis public. Par conséquent, il incombe au plaignant de déposer une plainte à l’intérieur de ce délai de 15 jours.

22 Lorsqu’un plaignant demande la prolongation du délai de présentation de sa plainte, il doit prouver que des circonstances exceptionnelles justifient la prolongation du délai de rigueur. Voir la décision Casper c. Sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2006 TDFP 0010, para. 22. En l’espèce, le plaignant ne s’est pas acquitté de ce fardeau.

23 Selon les éléments de preuve présentés par Mme White au sujet des dates figurant dans la notification affichée sur Publiservice, l’avis public concernant la nomination à durée indéterminée de M. Maier a été affiché sur Publiservice le 12 avril 2012, et le délai de 15 jours pour la présentation d’une plainte prenait fin le 27 avril 2012. Ces éléments de preuve n’ont pas été contestés.

24 Le Tribunal estime que la non‑transmission d’un avis par Carrière à l’écoute ne constitue pas une circonstance exceptionnelle justifiant la prolongation du délai de présentation de la plainte. Carrière à l’écoute ne remplace pas Publiservice. Comme le plaignant l’a indiqué dans ses éléments de preuve, Carrière à l’écoute est un service qui informe les personnes inscrites que Publiservice a fait paraître un avis public concernant une question de dotation. Le fait que le plaignant se soit fié à Carrière à l’écoute n’invalide pas l’avis affiché sur Publiservice.

25 Par conséquent, le Tribunal rejette la plainte visant la nomination à durée indéterminée de M. Maier, effectuée à partir du bassin de candidats qualifiés dans le processus de nomination 10‑DND‑IA‑SUFLD‑345423, car la plainte a été présentée après la date limite indiquée dans la notification affichée sur Publiservice.

26 Le Tribunal souligne que le plaignant a donné avis à la Commission canadienne des droits de la personne, conformément à l’article 78 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (LEFP), de son intention de soulever une question liée à l’interprétation ou à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6. Puisque la plainte concernant la nomination à durée indéterminée a été rejetée au motif qu’elle n’avait pas été présentée dans le délai prescrit, la question de la discrimination n’a pas été examinée plus en profondeur.

Plainte visant la nomination intérimaire

27 Le 22 décembre 2011, Charles Donnelly, chef de la prévention des incendies à la BFC Suffield, a envoyé un courriel à ses employés afin d’annoncer que M. Maier occuperait à titre intérimaire le poste de chef du peloton 1 à compter du 9 janvier 2012 et que le plaignant occuperait à titre intérimaire le poste de chef du peloton 2 à compter du 2 janvier 2012. Lance Purcell, chef adjoint du service d’incendie à la BFC Suffield, a précisé que pendant la période des Fêtes en 2011, un nouveau système prévoyant des quarts de travail de 24 heures pour les pompiers devait être mis en place dans la caserne. Dans ce contexte, le courriel du 22 décembre 2011 indiquait des changements à l’horaire des titulaires de postes FR‑03.

28 Le 4 janvier 2012, le plaignant a déposé une plainte concernant la nomination intérimaire proposée de M. Maier à un poste FR‑03. Selon le plaignant, M. Maier occupait de façon continue le même poste FR‑03 à titre intérimaire depuis juin 2011, et l’occupait toujours à titre intérimaire au moment où le courriel a été envoyé, le 22 décembre 2011. L’intimé n’a pas réfuté le témoignage du plaignant à ce sujet. En tout, la nomination intérimaire de M. Maier s’est échelonnée sur plus de quatre mois. Le Tribunal a donc compétence en l’espèce, conformément à l’article 14 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334.

29 Au départ, le plaignant a affirmé qu’il y avait eu abus de pouvoir dans l’application du mérite et abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé. Au cours de l’audience, le représentant du plaignant a indiqué au Tribunal que le plaignant ne remettait pas en question le mérite de la nomination de M. Maier. Par conséquent, la seule question dont le Tribunal est saisi consiste à déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé pour la nomination intérimaire.

30 Selon le plaignant, les nominations successives de M. Maier à titre intérimaire, dont celle qui a été annoncée le 22 décembre 2011, visaient généralement le même peloton, tandis que lui‑même a occupé à titre intérimaire des postes dans différents pelotons, à différents moments. Toujours selon lui, la prolongation de la nomination intérimaire de M. Maier en janvier 2012 était plus prestigieuse que la sienne et donnait l’impression que M. Maier et lui n’étaient pas traités de façon égale.

31 M. Purcell a affirmé qu’il se rappelait que M. Winger était venu lui parler pour connaître son opinion concernant la nomination annoncée de M. Maier. M. Purcell a alors discuté de la question avec le personnel des RH et un autre FR‑03, et il a été déterminé que la décision de prolonger la nomination de M. Maier risquait de donner une impression de favoritisme à son endroit. Ainsi, la nomination proposée de M. Maier a été annulée, et un autre employé a été choisi pour occuper le poste intérimaire.

32 Les dossiers des RH confirment que M. Maier n’a pas été nommé à titre intérimaire à un poste FR‑03 à aucun moment en janvier 2012.

33 Dans son témoignage, M. Purcell a également précisé que lorsque les nominations intérimaires ont été annoncées en décembre 2011, la BFC Suffield attendait l’autorisation d’effectuer des nominations à durée indéterminée à partir du bassin de candidats qualifiés FR‑03 créé à l’issue du processus de nomination interne annoncé de 2010. À titre de gestionnaire d’embauche, le major Neveu aurait préféré effectuer des nominations à durée indéterminée à ce moment‑là, mais les nominations intérimaires s’avéraient nécessaires parce qu’il fallait attendre l’autorisation pour pouvoir effectuer des nominations à durée indéterminée et qu’il fallait satisfaire aux besoins opérationnels en assurant une dotation minimale en cas d’urgence.

34 Le plaignant soutient que le retrait, par l’intimé, de la nomination intérimaire de M. Maier doit être considéré comme un aveu selon lequel il a abusé de son pouvoir dans le choix du processus de nomination.

35 Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas établi que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans le choix du processus de nomination. Le plaignant avait l’impression que sa propre nomination était moins prestigieuse ou qu’il n’était pas traité de façon équitable, mais les éléments de preuve montrent que M. Maier n’a pas été nommé. En outre, le Tribunal remarque que les rapports des RH pour la période de janvier 2011 à mars 2012 indiquent qu’en tout, le plaignant a occupé à titre intérimaire un poste FR‑03 pendant 1 410 heures, tandis que M. Maier n’a accumulé que 1 265 heures.

36 Selon l’article 2(4) de la LEFP, l’abus de pouvoir comprend le favoritisme personnel, lequel se distingue des autres types de favoritisme. Voir la décision Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007, para. 39. Le plaignant n’a pas établi que la nomination intérimaire de M. Maier était plus prestigieuse et, si c’était le cas, en quoi il s’agirait d’un cas de favoritisme personnel et d’abus de pouvoir dans le choix du processus. Le retrait de la nomination intérimaire de M. Maier au poste FR‑03 en janvier 2012 peut indiquer que l’intimé a pris au sérieux les préoccupations du plaignant. Sans autre information à cet égard, le Tribunal ne peut toutefois pas considérer une telle décision comme un aveu d’abus de pouvoir.

37 Selon les éléments de preuve présentés, le Tribunal conclut qu’il n’y a eu aucun abus de pouvoir dans le choix du processus.

Décision

38 Pour ces motifs, les plaintes sont rejetées.


Joanne B. Archibald
Membre

Parties au dossier


Dossiers du Tribunal :
2012-0007 et 2012-0924
Intitulé de la cause :
Blair Winger et le sous-ministre de la Défense nationale
Audience :
Les 24 et 25 janvier 2013
Medicine Hat (Alberta)
Date des motifs :
Le 21 mars 2013

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Louis Bisson
Pour l’intimé :
Martin Desmeules
Pour la Commission
de la fonction publique :
Trish Heffernan
(observations écrites)
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