Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que l’intimé s’était fondé sur des éléments insuffisants pour le sélectionner aux fins de mise en disponibilité. Les employés devaient remplir un bilan des réalisations qui devait ensuite être validé par leur directeur. Le directeur qui devait valider le bilan des réalisations du plaignant ne le connaissait pas, donc il a mandaté la Chef de la Division de la gestion de l’information de lui fournir des informations. À son tour, la Chef ne connaissait pas beaucoup le plaignant donc elle a consulté le superviseur du plaignant afin d’obtenir l’information. Le plaignant avait appris par la suite qu’il avait échoué à deux qualifications – fiabilité et rigueur. En ce qui a trait à l’exemple de fiabilité fourni par le plaignant, le superviseur avait avoué ne pas avoir pris la peine de se rafraîchir la mémoire quant à cet exemple. Pour l’exemple de rigueur, le superviseur avait inscrit le commentaire que l’exemple fourni était exagéré. Le superviseur avait avoué ne pas avoir pris la peine de vérifier si le plaignant avait fait la tâche indiquée dans son exemple. Il avait donc concédé s’être trompé. Le Tribunal a jugé que les commentaires de validation étaient non crédibles et inexacts. L’intimé avait indiqué que les deux exemples donnés par le plaignant n’étaient pas représentatifs de son travail habituel de CR–04 et qu’il ne s’était donc pas conformé aux instructions données. Ses notes dans le processus de SMPMD avaient donc été réduites à cause de cela. Toutefois, le superviseur du plaignant avait confirmé que le plaignant accomplissait régulièrement des tâches de GS–04 en plus de des tâches de CR–04. Décision La preuve a démontré que les commentaires de validation non fiables et erronés avaient servi à évaluer le plaignant. De plus, l’intimé avait omis de tenir compte du fait que le plaignant décrivait des tâches régulières, habituelles et continues. Le Tribunal a donc conclu que l’intimé s’étaient fondé sur des éléments insuffisants et inexacts pour sélectionner le plaignant aux fins de mise en disponibilité et qu’il s’agissait d’une erreur grave qui constituait un abus de pouvoir. Plainte accueillie. Ordonnance Le Tribunal a annulé la décision de mettre le plaignant en disponibilité.

Contenu de la décision

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Dossier :
2012-0997
Rendue à :
Ottawa, le 9 juillet 2013

JEAN-JACQUES RAYMOND
Plaignant
ET
LE STATISTICIEN EN CHEF DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de article 65(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est accueillie
Décision rendue par :
Nathalie Daigle, membre
Langue de la décision :
Français
Répertoriée :
Raymond c. Statisticien en chef du Canada
Référence neutre :
2013 TDFP 25

Motifs de décision


Introduction

1 Le plaignant, Jean-Jacques Raymond, allègue que l’intimé, le Statisticien en chef du Canada, a abusé de son pouvoir en le sélectionnant aux fins de mise en disponibilité. Le plaignant occupe un poste de commis à l’entrepôt (CR‑04) au sein de la Division de la gestion de l’information, à Ottawa. Selon lui, l’intimé s’est fondé sur des éléments insuffisants pour le mettre en disponibilité et est d’avis que ceci constitue une omission importante et une erreur grave qui équivalent à un abus de pouvoir.

2 L’intimé affirme avoir mené un processus rigoureux, juste et transparent afin de sélectionner les employés qui seraient mis en disponibilité et ceux qui seraient maintenus dans leur poste. Selon lui, les qualifications que sont l’entregent, la fiabilité et la rigueur qui s’appliquent au travail des CR-04 ont été évaluées avec impartialité et ouverture d’esprit.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) a participé à cette audience par le biais d’observations écrites résumant ses politiques et lignes directrices relatives à la sélection d’employés pour le maintien en poste ou la mise en disponibilité (SMPMD).

4 Pour les motifs énoncés ci-après, la plainte est accueillie. Le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) conclut que la preuve démontre que l’intimé s’est fondé sur des éléments insuffisants et inexacts et qu’il a omis de prendre certaines informations en considération lorsqu’il a sélectionné le plaignant aux fins de mise en disponibilité et que ceci constitue des erreurs graves qui constituent un abus de pouvoir.

Contexte

5 En 2012, les budgets et les effectifs de l’ensemble du gouvernement fédéral ont été touchés par d’importantes réductions. Des réductions de postes ont été annoncées. Un grand nombre d’employés (1 688) de Statistique Canada ont été affectés lorsque 25 processus de SMPMD ont été lancés. Statistique Canada a, suite à ces processus, réduit ses effectifs de 660 postes.

6 En particulier, Statistique Canada a lancé un processus de SMPMD le 28 mai 2012 visant le groupe et le niveau CR-04 auquel le plaignant a participé. Le processus s’étendait aux 212 employés du groupe et du niveau CR-04 travaillant à Ottawa.

7 Deux documents ont servis à évaluer les participants : (1) le bilan des réalisations de l’employé dans lequel l’employé devait montrer comment il satisfaisait à chacun des trois critères de mérite essentiels établis pour le processus de SMPMD; et (2) la validation par le directeur de l’employé. L’intimé a établi un ordre inverse du mérite ainsi qu’un point de coupure. Les candidats dont la note globale était inférieure au point de coupure ont été sélectionnés pour la mise en disponibilité.

8 Le plaignant a préparé et soumis son bilan des réalisations, qui a ensuite été validé par son directeur. Le comité d’évaluation a examiné les réponses du plaignant et les commentaires de validation de son directeur au regard des critères d’évaluation établis et lui a attribué une note pour chaque qualification. Le plaignant a obtenu une note globale inférieure au point de coupure établi et a, par conséquent, été sélectionné pour la mise en disponibilité.

9 Le 11 juillet 2012, le plaignant a été avisé par écrit des résultats du processus de SMPMD et de sa sélection pour la mise en disponibilité. L’avis de mise en disponibilité mentionnait que le candidat pouvait exercer son droit de recours auprès du Tribunal dans les 15 jours suivant la réception de l’avis. Le 26 juillet 2012, le plaignant a soumis au Tribunal une plainte dans laquelle il allègue que l’intimé a abusé de son pouvoir en le sélectionnant pour la mise en disponibilité.

Questions en litige

10 Le Tribunal doit statuer sur les questions suivantes :

  1. L’intimé s’est-il fondé sur des éléments insuffisants ou inexacts pour sélectionner le plaignant aux fins de mise en disponibilité?
  2. Dans son évaluation, l’intimé a-t-il omis de tenir compte du fait que le plaignant décrivait des tâches régulières, habituelles et continues?

Abus de pouvoir et fardeau de la preuve

11 La plainte a été présentée en vertu de l’article 65(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (LEFP), qui stipule qu’un fonctionnaire sélectionné aux fins de mise en disponibilité peut déposer auprès du Tribunal une plainte selon laquelle la décision de le mettre en disponibilité constitue un abus de pouvoir.

12 La LEFP ne définit pas l’abus de pouvoir; toutefois, l’article 2(4) stipule ce qui suit : « [i]l est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

13 Dans la LEFP, rien ne donne à penser qu’une plainte d’abus de pouvoir au titre de l’article 65(1) devrait être interprétée différemment d’une plainte déposée en vertu de l’article 77. Voir Tran c. le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, 2012 TDFP 0033. Dans de nombreuses décisions rendues suite à des plaintes déposées en vertu de l’article 77, y compris la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008 aux para. 56 à 74, le Tribunal a examiné ce qui constitue un abus de pouvoir au sens de la LEFP et y a donné un sens large qui inclut l’erreur grave, et ce, malgré l’absence de mauvaise foi ou d’intention. Ainsi, il peut y avoir abus de pouvoir lorsqu’un délégué se fonde sur des éléments insuffisants (notamment lorsqu’il ne tient pas compte d’éléments pertinents), lorsque le résultat est inéquitable ou que des mesures déraisonnables sont prises.

14 La Cour d’appel fédérale (CAF) a, de même, jugé (majorité et juge dissident) dans l’affaire Kane c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 19, que le Tribunal ne saurait être limité par une définition d’abus de pouvoir nécessitant un élément d’intention. Toutefois, la majorité de la CAF a accueilli l’appel pour d’autres motifs et retourné la décision au Tribunal. La décision de la CAF a été portée en appel à la Cour suprême, qui a confirmé la décision du Tribunal et infirmé la décision des juges majoritaires de la CAF, et ce pour quatre raisons. Aucune de ces raisons ne porte sur la conclusion de la CAF que l’abus de pouvoir ne nécessite pas un élément d’intention. La Cour suprême n’a simplement pas abordé la question d’interprétation de l’abus de pouvoir. En conséquence, le Tribunal estime que la conclusion de la CAF que l’abus de pouvoir ne nécessite pas un élément d’intention lie le Tribunal.

15 Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601, la Cour fédérale confirme aussi, aux paragraphes 21 et 38, que la définition d’abus de pouvoir que l’on retrouve à l’article 2(4) de la LEFP comprend, en plus de la mauvaise foi et du favoritisme personnel, d’autres formes de conduite inappropriée. La Cour note que « … la jurisprudence du Tribunal n’établit pas qu’une erreur ou une omission peut constituer un abus de pouvoir seulement s’il y a eu incurie ou insouciance grave à tel point qu’il est possible de présumer la mauvaise foi [italique ajouté] ». La Cour confirme donc, dans cette affaire, qu’il est déraisonnable pour un comité d’évaluation de ne pas tenir compte d’éléments pertinents et que ceci constitue un abus de pouvoir.

16 Afin de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir en l’espèce, le Tribunal examinera donc la décision de l’intimé de sélectionner le plaignant aux fins de mise en disponibilité afin de voir s’il y a eu erreur grave ou s’il s’agit d’une décision déraisonnable. Enfin, il incombe au plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir (voir Tran, au paragraphe 14).

17 Les articles 64 et 65 de la LEFP sont pertinents au regard de la plainte en l’espèce. L’article 64(2) de la LEFP s’applique. L’intimé a déterminé qu’une partie, mais non l’ensemble, des employés de Statistique Canada seraient mis en disponibilité. Ainsi, il devait sélectionner les employés qui seraient mis en disponibilité conformément au Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334 (REFP).

18 L’article 21(1) du REFP stipule que lorsque les fonctionnaires d’un secteur de l’administration où des mises en disponibilité seront effectuées occupent des postes semblables ou exercent des fonctions semblables des mêmes groupe et niveau professionnels, ces fonctionnaires doivent être évalués, et la sélection de ceux qui seront maintenus en poste et de ceux qui seront mis en disponibilité doit être effectuée en fonction du mérite.

Question I :  L’intimé s’est-il fondé sur des éléments insuffisants ou inexacts pour sélectionner le plaignant aux fins de mise en disponibilité?

Le processus de SMPMD

19 L’intimé a décidé d’évaluer en fonction du mérite les employés inclus dans le processus de SMPMD afin de sélectionner ceux qui seraient maintenus en poste et ceux qui seraient mis en disponibilité. Gabrielle Beaudoin, Directrice générale des communications à Statistique Canada, a décrit la stratégie adoptée par l’intimé afin de mettre en œuvre les processus de SMPMD. Il a été décidé que les évaluations des SMPMD seraient fondées sur des bilans des réalisations des employés dans lesquels les employés fourniraient des exemples récents, concrets et liés à leur travail démontrant qu’ils satisfont à des qualifications précises. Par la suite, un processus de validation assurerait que les employés ont décrit avec précision comment ils satisfont à chacune des qualifications.

20 Des équipes de directeurs ont été mises en place en vue de déterminer les qualifications à évaluer dans le cadre de chaque processus de SMPMD. Chaque équipe de directeurs a présenté les qualifications retenues pour chaque groupe de postes et expliqué les raisons de ce choix au Comité de planification du Cadre de gestion des ressources humaines pour approbation. Les résultats ont ensuite été présentés et approuvés par le Comité des ressources humaines.

21 Les employés touchés, dont les 212 employés qui occupaient un poste de CR‑04, ont eu à remplir et soumettre leur bilan des réalisations. En ce qui concerne les CR‑04, les qualifications qui ont été évaluées étaient l’entregent, la fiabilité et la rigueur.

22 Lorsque le processus de SMPMD auquel le plaignant a participé a été terminé, ce dernier a été informé qu’il n’avait pas été sélectionné aux fins de maintien en poste et que ses services ne seraient plus nécessaires après la fin de la période d’option. L’intimé a aussi informé le plaignant qu’il ne serait pas possible de lui garantir une offre d’emploi raisonnable dans l’environnement actuel de la fonction publique.

23 Au cours de l’audience, il a été établi que dans le cadre du processus de SMPMD effectué pour les CR-04, les employés qui ont obtenu une note de 26 ou plus sur 60 ont été retenus. Par contre, ceux qui ont obtenu une note de 25 ou moins ont été mis en disponibilité. Le plaignant a obtenu une note globale de 22.

Le bilan des réalisations

24 Le plaignant a rempli son bilan des réalisations et l’a soumis à l’intimé. Dans l’exemple qu’il a donné pour démontrer qu’il satisfaisait à la qualification de la fiabilité au travail, il a expliqué qu’à la suite du congédiement d’un collègue de son unité en septembre 2010 et avant l’arrivée de son remplaçant, Patrick Leonard, il s’était retrouvé seul pendant une semaine au cours de laquelle il avait exercé deux fonctions, c’est‑à‑dire son travail de CR et le travail de l’employé du groupe GS qui avait été congédié. Il a cherché à démontrer qu’il est fiable du fait qu’il a travaillé très fort pour que les services qui sont normalement offerts à la clientèle de son unité puissent continuer d’être offerts. Il a nommé les tâches additionnelles qu’il a accomplies en plus de ses fonctions habituelles. Son intention était de démontrer qu’il avait fait preuve de débrouillardise, qu’il s’était adapté rapidement à la situation et que son expérience et sa polyvalence lui avaient permis de bien relever ce défi. Il a aussi écrit : « Ce type d’action m’a valu la chance de remplacer mon superviseur lors de ces [sic] absences, ou vacances car il sait que je suis une personne fiable pouvant exécuter différentes tâches. » En somme, il a déclaré qu’il avait travaillé plus tard au cours de cette semaine et qu’il avait fait du mieux qu’il avait pu dans les circonstances. Il n’a, par la suite, eu connaissance d’aucune plainte de la part de la clientèle suite à la pénurie de personnel. Il en a tiré la conclusion qu’il avait bien travaillé et que cela démontrait sa fiabilité.

25 Dans l’exemple que le plaignant a donné pour démontrer qu’il satisfaisait à la qualification de la rigueur au travail, il a expliqué qu’à une certaine occasion, il a reçu une demande urgente de la division des Finances. La cliente, une gestionnaire à Statistique Canada, l’avait informé que sa section était assujettie à une vérification interne. Elle lui avait alors demandé de lui faire parvenir une soixantaine de boîtes car elle n’était pas certaine dans laquelle se trouvait l’information requise. Étant donné l’urgence de la demande et la quantité de boîtes à fournir, le plaignant a expliqué les mesures qu’il avait prises pour accomplir cette tâche. Son exemple cherchait à démontrer qu’il avait accompli cette tâche avec succès et il résumait la rétroaction positive qu’il avait reçue de la part de la cliente gestionnaire. Dans son témoignage, le plaignant a indiqué qu’un étudiant avait commencé le travail mais que ce dernier avait eu recours aux services du plaignant étant donné l’ampleur et la complexité de la tâche. Le plaignant a aussi affirmé qu’en réalité, il avait fait le travail nécessaire pour obtenir et livrer une centaine de boîtes à la cliente gestionnaire. Toutefois, par modestie, il avait jugé préférable de s’en tenir dans son exemple à une soixantaine de boîtes de crainte que son exemple ne soit considéré exagéré.

La validation du directeur

26 Une fois que le plaignant a soumis son bilan des réalisations, celui-ci a été validé par son directeur.

27 Un document de formation intitulé « La validation du directeur du bilan des réalisations de l’employé [traduction] » qui date du mois de mai 2012 a été utilisé afin d’informer les directeurs de quelle façon les bilans des réalisations devaient être validés. Les instructions suivantes ont été données aux directeurs :

Validation des bilans des réalisations des employés

  • Confirmer l’exactitude de l’exemple
  • Si nécessaire, commenter les exemples où les employés se sont surévalués ou sous‑évalués…
  • [Traduction]

28 Dans un autre document intitulé « Foire aux questions – Processus de SMPMD », l’intimé précisait également ce qui suit, en ce qui concerne une question couramment posée par rapport à la validation:

18. Le directeur pourra-t-il inscrire des commentaires dans le bilan des réalisations d’un employé ou y fournir un complément d’information?

On demandera au directeur de confirmer que les renseignements fournis dans le bilan des réalisations de l’employé sont exacts et complets. Si le directeur estime que l’employé a fait preuve d’exagération ou de trop de modestie dans la description de ses réalisations, il inscrira un commentaire à cet effet dans le bilan.

(Italic ajouté, gras dans l’original)

29 Le document intitulé « La validation du directeur du bilan des réalisations de l’employé [traduction]» comportait aussi la ligne directrice suivante:

Lignes directrices pour la validation

À faire :

Consulter le chef de l’employé ou son supérieur, si  nécessaire …

[Traduction]

30 Dans le document intitulé « Foire aux questions – Processus de SMPMD », l’intimé prévoyait également cette mesure de protection (c’est-à-dire de consulter au besoin le chef ou le superviseur). Ce qui suit y était précisé:

15. Mon directeur n’est pas vraiment au courant de mon travail quotidien. Comment pourrait-il valider mon exemple?

Le directeur peut communiquer avec votre chef, votre supérieur immédiat ou encore des clients pour obtenir l’information qui lui permettra de valider votre exemple. En fin de compte, c’est à lui qu’il incombera de valider votre bilan de réalisations.

31 En l’espèce, le directeur qui devait valider le bilan des réalisations du plaignant ne le connaissait pas. Le directeur a donc mandaté Vicky Ross, Chef de la Division de la gestion de l’information, de lui fournir des informations. À son tour, Mme Ross ne connaissait pas beaucoup le plaignant, elle a alors consulté Jacques Scott, le superviseur du plaignant afin d’obtenir des informations. En se basant sur les commentaires fournis par M. Scott au sujet du plaignant, Mme Ross a inscrit ce qui suit dans le document intitulé « Validation par le directeur » au sujet des exemples de fiabilité et de rigueur donnés par le plaignant dans son bilan des réalisations :

Qualification 2 [fiabilité]

Personne ne se souvient de la situation décrite dans l’exemple.

Il ne remplace pas son superviseur pendant ses absences, tel qu’indiqué,

Sa fiabilité en général est bonne mais pas excellente.

[Traduction]

Qualification 3 [rigueur]

Exemple fourni est exagéré. Plutôt que 60 boîtes, il y avait en réalité 10-15 boîtes.

Sa rigueur en général est bonne mais pas excellente.

 

[Traduction]

 

Philip Giles, le directeur du plaignant, a par la suite apposé sa signature sur la validation du directeur.

L’évaluation par le comité d’évaluation

32 Un comité d’évaluation a, plus tard, examiné les exemples du plaignant et les commentaires de validation de son directeur au regard de critères d’évaluation préétablis et lui a attribué une note pour chaque qualification.

33 Tel qu’indiqué dans un document intitulé « Session de formation pour les comités d’évaluation [traduction] », la première étape du travail de correction consistait à déterminer si les exemples donnés dans les bilans des réalisations étaient exagérés, exacts ou sous-estimés. La deuxième étape du travail de correction consistait à accorder une note aux bilans des réalisations en fonction d’une grille de correction. Cette grille de correction suggérait des pointages entre 0 et 20 pour chaque qualification. En haut de l’échelle, le pointage suggéré était de 18-20 lorsque l'exemple illustrait la plupart des critères et qu’il y avait peu ou pas de manquements constatés dans l'exemple. Au bas de l’échelle, le pointage suggéré était de 0-4 lorsque l’exemple illustrait peu ou pas de critères et qu’il y avait plusieurs lacunes identifiées avec l'exemple.

34 En fait, dans le document intitulé « Session de formation pour les comités d’évaluation [traduction] », une situation hypothétique y est décrite dans laquelle un employé fictif décrit, pour démontrer sa fiabilité, son travail quotidien au cours duquel il doit tenir compte de multiples tâches avec des échéances concurrentes. Il est conseillé dans ce document de référence d’accorder une note différente au candidat selon que le directeur a indiqué que l’exemple est exagéré, exact ou sous-estimé. Le pointage recommandé dans cette situation hypothétique est de 8/20 dans le cas où le directeur a indiqué que l’exemple est exagéré, de 18/20 dans le cas où le directeur a indiqué que l’exemple est exact et de 12/20 dans le cas où le directeur a indiqué que l’exemple est sous-estimé.

35 Il a également été précisé au cours de l’audience que les comités d’évaluation n’avaient en main, lors des évaluations, que les bilans de réalisations des employés et les validations des directeurs. Les membres des comités d’évaluation ne connaissaient pas la plupart des employés participant au processus. Les comités se fiaient donc uniquement sur ces documents pour compléter leur évaluation.

36 Le comité d’évaluation qui a examiné le bilan des réalisations du plaignant et la validation de son directeur, a documenté ses décisions. Tel que le démontre le document intitulé « Feuille de cotation finale », le comité a donné au plaignant les notes suivantes : une note de 13/20 pour la qualification  « entregent » (cette note n’est pas contestée), une note de 4/20 pour la qualification « fiabilité » et une note de 5/20 pour la qualification « rigueur ». Le comité a inséré les commentaires suivants pour justifier ces deux dernières notes :

Fiabilité

Comments/Commentaires

À peu près aucun critère n’est démontré.

La note reflète aussi les observations formulées dans la validation du directeur.

[Traduction]

Score/Note: 4/20

Rigueur

Comments/Commentaires

L’exemple fourni ne contient que quelques détails pertinents à la rigueur. La description fournie est plutôt celle d'un processus au lieu de détails sur ce que l'employé a initié à l'égard de la rigueur. La note reflète aussi les observations formulées dans la validation du directeur.

[Traduction]

Score/Note: 5/20

37 La note de 13/20 accordée au plaignant pour la qualification « entregent » n’est pas contestée. Cependant, les commentaires du comité d’évaluation incluaient la note suivante : « directeur indiquait que l’exemple était solide (en l’absence de ceci, j’aurais donné une note de 10 ou 11) [traduction] »

Analyse

38 Selon le plaignant, l’intimé s’est fondé sur des éléments insuffisants pour le sélectionner aux fins de mise en disponibilité. Il allègue que ceci équivaut à un abus de pouvoir. Il soutient que la décision Tibbs appuie son argument. Au paragraphe 73 de l’affaire Tibbs, le Tribunal a déterminé que l’abus de pouvoir constitue plus que simplement des erreurs ou omissions. Cependant, le Tribunal note que le fait que le délégué de pouvoir se fonde sur des éléments insuffisants pour prendre une décision peut constituer une erreur grave ou une omission importante qui équivalent à un abus de pouvoir. Le Tribunal doit donc déterminer si l’intimé s’est fondé sur des éléments insuffisants ou inexacts pour sélectionner le plaignant aux fins de mise en disponibilité.

39 M. Scott, Johanne Denis et Josée Bégin ont expliqué plus précisément comment s’est déroulée l’évaluation du plaignant. Mme Ross n’a pas été invitée à témoigner.

Le témoignage de M. Scott

40 M. Scott et Mme Ross sont ceux qui ont rempli la fiche de validation du directeur. M. Scott était, de janvier 2010 à janvier 2013, le superviseur de l’Unité de la préservation, rétention et disposition au Centre de gestion des documents à Statistique Canada. En 2010, il supervisait quatre employés, trois employés du groupe GS et un du groupe CR. En 2012, il a expliqué qu’il ne restait qu’un GS permanent, soit M. Leonard et un CR-04, le plaignant. M. Scott a indiqué qu’un GS a été démis de ses fonctions en 2010, qu’un autre est parti en 2011 et qu’un troisième a quitté avant l’arrivée de M. Leonard.

41 La supérieure immédiate de M. Scott est Mme Ross. C’est elle qui a inséré les commentaires dans le document de validation du directeur au même moment où elle a consulté son subalterne, M. Scott.

42 En ce qui concerne la validation du bilan des réalisations du plaignant, M. Scott a expliqué qu’il a été appelé par Mme Ross et qu’ils ont regardé ensemble le bilan du plaignant. Le but était de vérifier l’exactitude des exemples donnés par le plaignant et de les commenter.

Exemple de fiabilité

43 D’abord, en ce qui concerne l’exemple donné par le plaignant pour démontrer sa fiabilité, M. Scott a dit à Mme Ross, après avoir lu l’exemple qui résumait le travail additionnel effectué par le plaignant après le congédiement de son collègue du groupe GS en 2010, qu’il ne se rappelait pas qu’un de ses employés du groupe GS avait été congédié en 2010 et qu’il n’était pas en vacances à ce moment-là. Il a aussi précisé à Mme Ross que le plaignant ne le remplaçait pas sur une base intérimaire lorsqu’il prenait ses vacances. Selon lui, cela n’était pas nécessaire puisque le plaignant prenait déjà les appels et que ce dernier pouvait, en cas de besoin, consulter sa chef, Mme Ross. Mme Ross était d’accord avec ceci. C’est pourquoi elle a inscrit les commentaires mentionnés auparavant qui apparaissent dans la validation du directeur.

44 M. Scott a avoué en contre-interrogatoire ne pas avoir pris la peine de vérifier si, au cours du mois de septembre 2010, le plaignant s’était retrouvé seul pendant une semaine au cours de laquelle il avait exercé deux fonctions. M. Scott a concédé ne pas avoir pris la peine de se rafraîchir la mémoire à ce sujet. Il a toutefois maintenu que le plaignant ne le remplace pas sur une base intérimaire lorsqu’il est en vacances. Il a admis, cependant, que ses deux employés travaillent alors un peu plus fort pour répondre aux différentes demandes de la clientèle.

45 Par ailleurs, le plaignant a expliqué pourquoi il mentionnait dans son exemple « remplacer, à l’occasion, son superviseur ». Il a expliqué que lorsque son superviseur est en vacances, il ne le remplace pas sur une base intérimaire, mais étant donné qu’il est sur place et que son bureau est près de celui de son superviseur, c’est lui qui s’occupe de répondre aux demandes de renseignements de la clientèle et qui effectue au besoin des recherches spéciales dans le logiciel de recherche, tâche qui incombe normalement à M. Scott.

Exemple de rigueur au travail

46 M. Scott et Mme Ross ont également regardé ensemble l’exemple du plaignant concernant sa rigueur au travail. Le but était, encore une fois, de vérifier l’exactitude de l’exemple donné et de le commenter.

47 En ce qui concerne cet exemple qui résumait le travail de manutention d’une soixantaine de boîtes fait par le plaignant pour la cliente gestionnaire, M. Scott a dit à Mme Ross que le plaignant avait en fait manipulé de 10 à 15 boîtes seulement, et non 60 boîtes.

48 Dans son témoignage, le plaignant a affirmé se souvenir clairement du travail qu’il a effectué pour la cliente gestionnaire et qui est décrit dans son exemple. Il se souvient particulièrement du fait qu’il lui a, en réalité, apporté bien plus qu’une soixantaine de boîtes. Il lui en a apporté une centaine. D’ailleurs, la cliente gestionnaire devait témoigner à cet effet lors de l’audience mais cela n’a pas été nécessaire puisque l’intimé a concédé ne pas contester le fait que la cliente gestionnaire a effectivement demandé et reçu une centaine de boîtes de la part du plaignant dans le but de trouver l’information qu’elle cherchait.

49 M. Scott a avoué ne pas avoir pris la peine de vérifier si le plaignant avait manipulé une soixantaine de boîtes tel qu’indiqué dans son exemple. Lorsqu’il a été informé que la cliente gestionnaire était prête à confirmer dans son témoignage que le plaignant avait effectivement manipulé une centaine de boîtes à sa demande, il a dit avoir répondu au meilleur de sa connaissance et a concédé s’être trompé.

50 Afin d’approfondir la question de savoir si M. Scott avait eu l’intention de communiquer à Mme Ross que les exemples du plaignant étaient exacts ou non exacts, le plaignant a déposé en preuve ses dernières évaluations de rendement. Quelques mois avant que ne commence le processus de SMPMD, le plaignant avait reçu une évaluation de rendement très positive de la part de son superviseur, M. Scott. Cette évaluation couvrait la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2012. Dans celle-ci, M. Scott émettait les commentaires suivants au sujet des réalisations du plaignant :

Réalisation pour 2011-2012 incluant les activités d’apprentissage

S’assure du bon fonctionnement de l’Unité du UCDD pendant l’absence du superviseur

Résumé :
Tu es fiable et je peux compter sur toi pour la distribution des demandes de SRM. Tu es bien organisé et tu n’as pas peur d’aider qui que ce soit, tu as un bon esprit d’équipe. Tu fais beaucoup de corrections dans le système (RPDU). Tu communiques avec les clients et tu en (sic) mesure de régler un bon nombre de leur (sic) problèmes. Tu as une bonne relation avec nos clients internes et nos partenaires externes. Tu es un atout pour nous ici et tu es bien respecté de tous (sic) le monde.

51 M. Scott a été interrogé au sujet de cette évaluation de rendement du plaignant qu’il avait complétée environ trois mois avant sa rencontre avec Mme Ross. Il a confirmé avoir préparé cette évaluation. Il a affirmé que le plaignant est un très bon employé avec qui il a toujours entretenu une très bonne relation. Il a réitéré que le plaignant fait du bon travail et que c’est pourquoi, en plus d’exprimer à Mme Ross les autres commentaires déjà mentionnés auparavant, il a tenté d’informer Mme Ross du fait que le plaignant est fiable et rigoureux dans son travail et que ses exemples le confirmaient. Pour démontrer ceci, il a indiqué que c’est à cause de ses commentaires positifs à l’égard des exemples du plaignant que Mme Ross a inscrit une note selon laquelle la fiabilité et la rigueur au travail du plaignant, dans l’ensemble, sont bonnes mais pas excellentes.

52 Le Tribunal constate que bien que M. Scott voulait communiquer à Mme Ross que les exemples du plaignant reflétaient sa grande fiabilité et sa grande rigueur au travail, il n’a pas pris la peine de vérifier la nature des faits relatés dans les exemples. Il a plutôt minimisé l’importance des faits relatés dans les exemples et leur exactitude. Il a, par la même occasion, miné la crédibilité du plaignant.

53 En bref, le Tribunal juge qu’en ce qui concerne l’exemple de fiabilité, les commentaires de validation sont non crédibles puisque personne n’a pris la peine de vérifier si les événements relatés dans l’exemple s’étaient produits. Surtout, en ce qui concerne l’exemple de rigueur au travail, les commentaires de validation sont clairement inexacts puisqu’ils qualifient erronément l’exemple donné par le plaignant comme étant exagéré. Ainsi, les commentaires vagues et inexacts de M. Scott ont été transcrits par Mme Ross et ont, par la suite, été retenus par le directeur. Tel qu’il sera démontré, ceci a porté à conséquence.

Les témoignages de Mmes Bégin et Denis

54 Mmes Bégin et Denis faisaient partie des comités d’évaluation qui ont corrigé le bilan des réalisations du plaignant. Elles ont expliqué que les comités d’évaluation étaient constitués de directeurs qui avaient le mandat de corriger, en équipes de trois, les bilans des réalisations des employés touchés par les processus de SMPMD. Tous les directeurs ont reçu une formation spécifique à cet effet en mai 2012.

55 Mme Denis est la directrice de la Démographie à Statistique Canada depuis 2008. Dans le cadre du processus touchant les groupe et niveau CR-04, c’est son équipe qui a corrigé la qualification « fiabilité » pour les 212 employés touchés. Mme Denis a expliqué que dans son équipe de trois directeurs, un premier directeur faisait une première évaluation du dossier, un deuxième directeur faisait une deuxième évaluation et un troisième directeur réévaluait le tout s’il n’y avait pas eu consensus entre les deux premiers directeurs.

56 En ce qui concerne l’exemple donné par le plaignant pour démontrer sa fiabilité, Mme Denis a affirmé que l’exemple ne valait pas plus que 4/20 au motif que le plaignant a décrit une situation ponctuelle, c’est-à-dire sur une période très courte, et qu’il a décrit un travail de GS plutôt que celui d’un CR. Elle a donc soutenu qu’il avait été difficile d’évaluer son comportement sur une base plus régulière et d’y retrouver les critères de fiabilité recherchés qui étaient les suivants :

  • Exécuter des tâches sous une supervision réduite au strict minimum et dans les délais impartis.
  • Peut gérer la charge de travail assignée et demande de l’aide au besoin.
  • Est disposé à accepter du travail supplémentaire quand il le faut.
  • Prendre des décisions réfléchies et conformes à l’éthique.
  • Porter attention aux détails.
  • Faire preuve de ponctualité et de constance.
  • Faire preuve d’assiduité.
  • Autres réponses acceptables.

57 Mme Denis a affirmé que même si les commentaires de validation faits par le directeur étaient peu fiables, cela ne changeait pas son opinion selon laquelle l’exemple ne valait pas plus de 4/20. Elle a dit se souvenir, en fait, qu’après avoir lu l’exemple, elle n’avait pas jugé bon de réduire la note de 4/20 qu’elle accordait au plaignant à cause de la validation négative du directeur puisque cette note était déjà très basse.

58  Mme Denis a, par ailleurs, expliqué que son groupe d’évaluation avait comme méthode de travail de séparer en trois piles les bilans des réalisations. Dans une première pile, il y avait les exemples qui étaient considérés exagérés. Dans une deuxième pile, il y avait les exemples qui étaient considérés exacts. Dans une troisième pile, il y avait les exemples qui étaient considérés sous-estimés.

59 Le Tribunal juge qu’il est plus probable que non que le bilan des réalisations du plaignant se soit retrouvé dans la pile des exemples considérés surestimés ou exagérés. En fait, le groupe d’évaluation de Mme Denis a inscrit le commentaire suivant dans la feuille de cotation finale pour documenter sa décision d’accorder une note de 4/20 au plaignant pour sa fiabilité au travail: « La note reflète aussi les observations formulées dans la validation du directeur [traduction] ».

60 Enfin, Mme Denis a concédé que pour l’ensemble des bilans, lorsque les exemples étaient considérés « sous-estimés », la note initiale était majorée de quelques points, de sorte qu’une note de quatre, par exemple, serait passée, selon la grille de correction, du palier 0-4 au palier 5-9. De même, elle a concédé que lorsque les exemples étaient considérés « exagérés », quelques points étaient soustraits de la note initiale. Ainsi, une note initiale de cinq, par exemple, aurait été diminuée de quelques points et serait passée à une note comprise dans le palier inférieur.

61 Mme Bégin était en 2012 la directrice de la Division du tourisme et du centre de la statistique de l’éducation. Dans le cadre du processus touchant le groupe et le niveau CR-04, c’est son équipe qui a corrigé la qualification « rigueur » pour les 212 employés touchés. Mme Bégin a expliqué que dans son équipe de trois directeurs, un premier donnait la note, un deuxième inscrivait les commentaires s’il était d’accord avec la note proposée par le premier directeur et le troisième était consulté s’il y avait désaccord au sujet de la note entre les deux premiers directeurs.

62 En ce qui concerne l’exemple donné par le plaignant pour démontrer sa rigueur au travail, Mme Bégin a affirmé que l’exemple ne valait pas plus que 5/20 au motif que le plaignant décrivait simplement dans son exemple un processus en place qui ne démontre pas sa rigueur au travail. Il avait donc été difficile, selon elle, d’y retrouver les critères de rigueur recherchés qui étaient les suivants :

  • S’assure que le travail est effectué correctement et complètement.
  • Fournit des résultats de haute qualité dans son travail.
  • S’assure que toute l’information pertinente à ses tâches est documentée de façon appropriée.
  • Exécuter le travail avec précision et porter attention aux détails.
  • Travailler de façon équitable, efficiente et économique.
  • Exécuter dans les détails chacun des volets des tâches confiées.
  • Autres réponses acceptables.

63 Mme Bégin a affirmé que même si les commentaires de validation du directeur du plaignant étaient inexacts, cela ne changeait pas son opinion selon laquelle l’exemple ne valait pas plus de 5/20. Elle a expliqué que dans son groupe d’évaluation, la validation du directeur n’avait pas beaucoup d’impact.

64 Il a été porté à son attention, toutefois, que son groupe d’évaluation avait spécifiquement inscrit dans la feuille de cotation que la note de 5/20 donnée au plaignant reflétait aussi les observations négatives formulées dans la validation du directeur. Elle a alors concédé que c’était un autre membre du comité d’évaluation qui avait écrit ceci.

65 Lorsqu’il a été porté à l’attention de Mme Bégin que les instructions données aux comités d’évaluation comportaient l’obligation de tenir compte de l’avis du directeur à savoir si les exemples étaient considérés exagérés, exacts ou sous-estimés, Mme Bégin a concédé que cela s’avérait vrai. Elle a donc convenu que quelques points de plus auraient, en général, été accordés aux employés dont les exemples n’avaient pas été considérés exagérés.

Des omissions importantes qui constituent des erreurs graves

66 Les valeurs de la LEFP que sont l’équité et la transparence doivent guider les gestionnaires dans les processus de SMPMD. Il était important en l’espèce que le directeur du plaignant, M. Giles, obtienne des informations justes concernant le plaignant de la part de ses superviseurs étant donné qu’il n’était pas, lui-même, au courant de son travail quotidien.

67 M. Giles a consulté la chef du plaignant, qui a elle-même consulté le superviseur du plaignant. Toutefois, les informations qui ont été transmises par le biais de M. Scott et de Mme Ross à M. Giles se sont avérées peu fiables et non véridiques.

68 D’abord, le plaignant a démontré qu’en ce qui concerne son exemple de fiabilité, personne n’a pris la peine de vérifier si les événements relatés dans son exemple s’étaient produits. Les commentaires de validation n’étaient, en somme, pas fiables pour cet exemple.

69 De même, en ce qui concerne l’exemple de rigueur au travail du plaignant, ce dernier a démontré que les commentaires de validation étaient en fait inexacts - ils qualifiaient erronément son exemple comme étant exagéré. Les commentaires de validation n’étaient, en somme, pas véridiques et erronés pour cet exemple.

70 La preuve démontre que ces commentaires de validation non fiables et erronés ont servi à évaluer le plaignant. Ces commentaires négatifs ont influencé les notes de 4/20 et de 5/20 qui lui ont été données pour ses exemples de fiabilité et de rigueur. Enfin, le comité d’évaluation s’est fondé, en partie, sur ces commentaires non fiables et non véridiques pour lui accorder une note globale de 22 sur 60.

71 Le Tribunal estime donc que le plaignant a démontré que l’intimé s’est fondé sur des éléments insuffisants et inexacts pour le sélectionner aux fins de mise en disponibilité et qu’il s’agit d’une erreur grave qui constitue un abus de pouvoir.

Question II :  Dans son évaluation, l’intimé a-t-il omis de tenir compte du fait que le plaignant décrivait des tâches régulières, habituelles et continues?

72 L’intimé a indiqué que les deux exemples donnés par le plaignant n’étaient pas représentatifs de son travail habituel de CR-04 et qu’il ne s’était donc pas conformé aux instructions données. Ses notes dans le processus de SMPMD ont donc été réduites à cause de ceci.

73 Dans les directives envoyées aux employés qui devaient remplir un bilan des réalisations, l’intimé donnait comme instruction de fournir des exemples qui reflètent « votre rendement représentatif du travail quotidien ». De façon semblable, lors de la session d’information donnée aux employés touchés par les processus de SMPMD, l’intimé donnait comme instruction aux employés inclus dans le processus de fournir des exemples qui reflètent votre « travail habituel et continu ». Enfin, le formulaire donné aux employés qui devaient remplir un bilan des réalisations exigeait que ces derniers donnent un exemple qui est « représentatif de votre travail habituel ».

74 Le plaignant affirme que les exemples qu’il a donnés contiennent des références à des tâches de GS-04 (c’est-à-dire à des tâches de manutention de boîtes) puisqu’il accomplit régulièrement de telles tâches en plus de ses tâches de CR-04. Son exemple de fiabilité décrit le travail additionnel de manutention de boîtes qu’il a effectué pendant une semaine à la suite du départ d’un de ses collègues et son exemple de rigueur au travail décrit le travail de manutention de boîtes qu’il a fait pour une gestionnaire cliente. Il soutient qu’il effectue régulièrement et répétitivement ce genre de tâches (de la manutention de boîtes) et qu’il n’aurait pas dû être pénalisé dans ce processus pour avoir fait référence à ce genre de travail.

75 Au cours de l’audience, le plaignant a expliqué qu’il occupe un poste de commis à l’entrepôt (CR-04) au sein de la Division de la gestion de l’information, qu’il fait principalement du travail de bureau, mais qu’il lui arrive régulièrement de prêter main forte à son collègue, M. Leonard, qui occupe un poste de GS-04 au sein de la même division. Le plaignant a précisé qu’en général, comme CR-04, son travail consiste à prendre les appels, répondre aux courriels, rencontrer les clients, faire de l’entrée de données, préparer des étiquettes pour l’entreposage des documents et s’occuper des formulaires à remplir pour l’entreposage. Il est la première ligne de communication de l’unité de préservation, rétention et disposition du Centre de gestion des documents. Son collègue, M. Leonard, est celui qui s’occupe principalement de la manutention des boîtes, c’est-à-dire qu’il va chercher les boîtes dans l’entrepôt, les livre au client, les reprend et les entrepose. Ce dernier fait aussi périodiquement l’inventaire des boîtes dans l’entrepôt qui contient environ 26 000 boîtes.

76 Le plaignant et M. Leonard ont tous les deux indiqué lors de leur témoignage que, depuis deux ans, leur section est constituée de seulement trois membres, leur superviseur, M. Scott, et eux. Le plaignant et M. Leonard ont expliqué qu’il arrive ainsi fréquemment que M. Leonard demande de l’aide au plaignant lorsqu’il y a beaucoup de boîtes à déplacer dans un cours laps de temps. Le plaignant détient un permis de conduire un chariot élévateur et il s’en sert régulièrement pour aider son confrère à transporter des boîtes. M. Scott, le superviseur du plaignant, a confirmé ceci et le fait que le plaignant effectue sur une base régulière des tâches de GS. Il a mentionné que cela arrive de deux à trois fois par semaine. Cette preuve n’a pas été contestée lors de l’audience.

77 Le Tribunal juge que la décision de l’intimé de ne pas prendre en considération cette expérience de manutention de boîtes par le plaignant, bien qu’il s’agisse d’une expérience habituelle et continue, est déraisonnable. La preuve du plaignant et le témoignage de M. Scott confirment, et ceci est valable tant dans le cas de l’exemple de rigueur que dans l’exemple de fiabilité, que le plaignant effectuait des tâches de manutention de boîtes d’une façon régulière deux à trois fois par semaine depuis des années.

78 Or, dans la mesure où le plaignant décrivait son travail habituel et continu (selon les instructions), il n’était pas approprié de le pénaliser au motif qu’il décrivait des tâches autres que celles qui incombent spécifiquement aux CR-04. Comme les instructions données aux employés étaient claires, ces derniers, en s’y conformant, ne pouvaient prévoir qu’ils seraient pénalisés s’ils décrivaient un travail qui diffère des tâches habituelles des CR-04.

79 Le Tribunal conclut donc que l’intimé a abusé de son pouvoir en omettant de tenir compte du fait que le plaignant décrivait dans son bilan des réalisations des tâches qu’il effectuait de façon régulière, habituelle et continue.

Autre question

80 Après avoir appris qu’il était mis en disponibilité, le plaignant a rencontré son superviseur, M. Scott, dans son bureau et lui a demandé s’il avait été consulté au sujet de la validation de ses exemples. Selon la preuve, M. Scott a répondu par la négative et a indiqué ne pas être au courant de la situation. Le plaignant a dit avoir reposé sa question au moins à deux autres reprises au cours du même entretien et avoir obtenu la même réponse négative de la part de M. Scott.

81 M. Leonard, dont le bureau est situé près de celui de M. Scott, a confirmé avoir entendu le plaignant poser quelques fois la question à M. Scott, à savoir si M. Scott avait eu l’occasion de valider les exemples du plaignant. Il a confirmé que M. Scott a répondu à chaque fois ne pas avoir été consulté à ce sujet.

82 Au cours des mois précédents l’annonce des résultats de mises à pied, l’intimé avait donné l’assurance aux employés participants aux processus que leurs directeurs seraient consultés au sujet de la validation de leurs exemples. Lorsqu’un directeur ne connaissait pas un employé, il était entendu que le directeur communiquerait avec le chef, ou le supérieur immédiat de l’employé. Toutefois, pour le plaignant, bien que son directeur ne le connaissait pas, il lui semblait que personne n’avait pris la peine de consulter son supérieur immédiat, M. Scott, puisque ce dernier affirmait ne pas avoir été consulté. Selon le plaignant, sa mise en disponibilité lui semblait donc complètement injuste et sans fondement.

83 M. Scott a confirmé qu’après l’annonce des résultats, le plaignant lui a demandé s’il avait été contacté au sujet de son bilan des réalisations. Comme il ne savait pas s’il avait le droit de parler ou non de la rencontre qu’il y avait eu entre lui et Mme Ross, il a dit qu’il n’avait pas été consulté. Il a soutenu, lors de l’audience, qu’il n’avait pas reçu de formation au sujet des processus de SMPMD et que par prudence, il avait jugé préférable de dire au plaignant qu’il n’avait pas été contacté au sujet de son bilan des réalisations. Suite à son entretien avec le plaignant, M. Scott a dit être allé voir Mme Ross pour lui demander s’il pouvait informer le plaignant qu’il avait effectivement été consulté au sujet de son bilan. Selon M. Scott, cette dernière lui a conseillé de ne rien dire au plaignant.

84 Le Tribunal note que le Guide de sélection des fonctionnaires aux fins de maintien en poste ou de mise en disponibilité en vigueur au moment où le processus de SMPMD a eu lieu précisait que tout au long du processus de réaménagement des effectifs, il était important d’informer tous les fonctionnaires des décisions importantes qui les concernaient. Ces processus, et tout ce qui s’ensuit, s’avèrent en général très stressants aussi bien pour les fonctionnaires que pour les gestionnaires. Ces processus doivent donc être menés avec respect et sensibilité, et ils doivent refléter les valeurs directrices mentionnées plus haut.

85 Le Tribunal conclut que le plaignant a été induit en erreur au sujet du processus de SMPMD par son superviseur. Ce dernier a choisi de conserver le secret au sujet de sa consultation concernant le bilan des réalisations du plaignant par loyauté envers son employeur. Cependant, il l’a fait au détriment de la transparence qui est essentielle au cours d’un tel processus. Il s’agit d’une erreur regrettable dans le cadre du présent processus et d’un manque de transparence de la part de l’intimé qui est contraire aux valeurs de la LEFP que sont l’équité et la transparence.

Conclusion

86 Le Tribunal conclut, en l’espèce, que l’intimé s’est fondé sur des éléments insuffisants et inexacts pour sélectionner le plaignant aux fins de mise en disponibilité et qu’il a omis de prendre en considération certaines de ses tâches habituelles dans son évaluation. Il s’agit d’erreurs graves qui constituent un abus de pouvoir.

Décision

87 Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est accueillie.

Ordonnance

88 L’article 65(4) de la LEFP accorde au Tribunal le pouvoir d’annuler la décision de mettre le plaignant en disponibilité et d’ordonner des mesures correctives. Cet article se lit comme suit:

S’il juge la plainte fondée, le Tribunal peut annuler la décision de mettre le plaignant en disponibilité et ordonner à l’administrateur général de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées; il ne peut toutefois ordonner la mise en disponibilité d’un fonctionnaire.

89 Le Tribunal annule la décision de mettre le plaignant en disponibilité.


Nathalie Daigle
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2012-0997
Intitulé de la cause :
Jean-Jacques Raymond et le Statisticien en chef du Canada
Audience :
Le 24-26 avril, 2013
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 9 juillet 2013

COMPARUTIONS :

Pour le plaignant :
James Cameron et
Wassim Garzouzi
Pour l’intimé :
Martin Desmeules
Pour la Commission
de la fonction publique :
Claude Zaor
(Observations écrites)
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