Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Un processus de nomination interne annoncé a eu lieu afin de doter des postes de surintendant et de chef d’équipe. Le plaignant était le titulaire du poste de chef d’équipe à Halifax. Il a posé sa candidature pour le poste de surintendant et a été jugé qualifié; il a alors été inscrit dans le bassin des candidats qualifiés. Toutefois, l’intimé a déterminé qu’une autre personne (M. W) était la bonne personne pour le poste de surintendant. Le plaignant a affirmé notamment que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a pris en considération la candidature de M. W et qu’il a déterminé, au bout du compte, que ce dernier était qualifié pour le poste de surintendant. L’intimé a soutenu que M. W était un bon candidat et qu’il avait fait l’objet d’une évaluation complète à l’issue de laquelle il a été déterminé qu’il possédait les qualifications essentielles pour le poste. Décision Le Tribunal a déterminé que le fondement de la plainte consistait à savoir si, compte tenu du fait que M. W n’avait pas postulé, l’intimé pouvait le prendre en considération pour le poste de surintendant. L’annonce de possibilité d’emploi comportait une date de clôture pour la présentation des candidatures. À cette date, M. W avait posé sa candidature uniquement pour le poste de chef d’équipe, et non pour le poste de surintendant. En fait, l’intimé a secrètement rouvert le processus sept mois après la date de clôture afin de lui permettre de devenir candidat pour le poste de surintendant. Aucun élément de preuve ne montre que la même possibilité a été offerte à d’autres candidats dans le processus. En rouvrant le processus seulement pour M. W sept mois après la date de clôture, l’intimé a commis une erreur grave, laquelle constitue un abus de pouvoir. Dans l’annonce de la possibilité d’emploi, il était demandé aux candidats d’indiquer clairement le ou les postes pour lesquels ils souhaitaient poser leur candidature. Dans sa demande, M. W n’a indiqué que le poste de chef d’équipe, ce qu’il a confirmé lors de l’entrevue. Il a fait l’objet d’une évaluation pour le poste de chef d’équipe. L’intimé ne pouvait pas, des mois plus tard, et en agissant de son propre chef, communiquer seulement avec M. W, lui demander s’il souhaitait que sa candidature soit prise en considération pour l’autre poste, puis l’intégrer au processus pour le poste de surintendant. Le Tribunal a déterminé que les mesures prises par l’intimé vont à l’encontre des valeurs de dotation que sont l’équité et la transparence. Le Tribunal a également déterminé que, du fait que l’intimé avait demandé aux candidats d’indiquer le ou les postes pour lesquels ils souhaitaient poser leur candidature, il était inapproprié de sa part d’effectuer la présélection de tous les candidats comme s’ils avaient posé leur candidature pour les deux postes. Enfin, le Tribunal a déterminé que l’intimé a commis une erreur en interprétant une des qualifications essentielles d’une façon qui ne correspond pas au sens habituel du mot anglais « both », qui se trouvait dans la formulation de la qualification en question. Ce faisant, l’intimé a déterminé que M. W était qualifié pour le poste de surintendant alors qu’il ne possédait pas le nombre d’années d’expérience requis. L’intimé a donc commis une erreur grave lorsqu’il a déterminé que M. W était qualifié pour le poste de surintendant. La plainte est accueillie. Mesure corrective : Le Tribunal a ordonné à l’administrateur général de révoquer la nomination de M. W dans les 60 jours suivant la présente décision.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier :
2012-0814
Rendue à :
Ottawa, le 19 août 2013

WAYNE RENAUD
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de article 77(1)(a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est accueillie
Décision rendue par :
Nathalie Daigle, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Renaud c. Sous-ministre de la Défense nationale
Référence neutre :
2013 TDFP 26

Motifs de décision


Introduction

1 Le plaignant, Wayne Renaud, a déposé une plainte d’abus de pouvoir concernant la nomination de Darryl Williams à un poste EG‑07 de surintendant du Bureau des services hydrographiques (le poste EG-07) au sein du Service de cartographie du ministère de la Défense nationale (MDN), à Halifax, en Nouvelle‑Écosse.

2 Selon le plaignant, l’intimé, le sous-ministre de la Défense nationale, a abusé de son pouvoir : (1) en examinant la candidature de M. Williams pour le poste EG‑07; (2) en déterminant que M. Williams possédait les qualifications nécessaires pour le poste EG‑07; (3) en exerçant son pouvoir discrétionnaire afin de déterminer que M. Williams était la bonne personne pour le poste; (4) en n’évaluant pas tous les candidats dans les mêmes conditions; (5) en ne s’assurant pas que les personnes chargées de l’évaluation possédaient les compétences nécessaires; et (6) en faisant preuve de partialité envers lui.

3 L’intimé nie tout abus de pouvoir. L’intimé soutient (1) que le candidat nommé était un candidat approprié pour le poste EG-07; (2) qu’à l’issue d’une évaluation complète, il a été déterminé que le candidat nommé possédait les qualifications essentielles pour le poste; (3) qu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée lorsqu’il a déterminé qu’il s’agissait de la bonne personne pour le poste; (4) qu’il a évalué tous les candidats dans les mêmes conditions; (5) qu’il s’est assuré que les personnes chargées de l’évaluation possédaient les compétences nécessaires; et (6) qu’il n’a pas fait preuve de partialité à l’encontre du plaignant.

4 La Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas comparu à l’audience. Elle a toutefois présenté des observations écrites dans lesquelles elle décrit ses politiques et lignes directrices pertinentes. Elle n’a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

5 Pour les motifs exposés ci-dessous, la plainte est accueillie. Il a été établi que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans le processus de nomination en examinant la candidature de M. Williams, puis en le nommant au poste EG-07.

Contexte

6 Le plaignant et la personne nommée occupent tous les deux un poste au sein du Service de cartographie du Bureau des services hydrographiques du MDN, à Halifax, en Nouvelle‑Écosse. En mars 2011, l’intimé a lancé un processus de nomination interne annoncé afin de doter deux postes, à savoir surintendant (EG‑07) et chef d’équipe (EG‑06), au Bureau des services hydrographiques du Service de cartographie.

7 Le processus a donné lieu à la création d’un bassin comprenant cinq candidats qualifiés : deux candidats qualifiés pour les postes à Esquimalt, en Colombie‑Britannique, et trois candidats qualifiés pour les postes à Halifax.

8 Le plaignant était le titulaire du poste EG-06 à Halifax. Il a posé sa candidature pour le poste EG-07 à Halifax et a été jugé qualifié; il a alors été placé dans le bassin des candidats qualifiés. L’intimé a toutefois déterminé que M. Williams était la bonne personne pour le poste EG-07 à Halifax.

9 La notification de nomination ou de proposition de nomination pour la nomination de M. Williams a été affichée le 21 mars 2012.

10 Le 3 avril 2012, le plaignant a déposé une plainte d’abus de pouvoir auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (LEFP).

Question en litige

11 Le Tribunal doit trancher la question suivante :

L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en examinant la candidature de M. Williams pour le poste EG-07, puis en le nommant dans ce poste?

Analyse

12 En vertu de l’article 77(1) de la LEFP, une personne qui est dans la zone de recours peut présenter au Tribunal une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou elle n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir de la part de la CFP ou de l’administrateur général dans le processus de nomination. La LEFP ne définit pas l’abus de pouvoir; toutefois, l’article 2(4) prévoit ce qui suit : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

13 Dans ses décisions, le Tribunal a établi que la LEFP exige que l’abus de pouvoir soit interprété au sens large. Les erreurs graves constituent un abus de pouvoir, même s’il n’y a pas mauvaise foi ni intention illégitime. Voir la décision Tibbs c.  Sous‑ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, para. 56 à 74. Cette interprétation au sens large a d’ailleurs été confirmée en révision judiciaire. Voir les décisions Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601 et Kane c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 19, para. 56 à 67, infirmée pour d’autres motifs, Canada (Procureur général) c. Kane, 2012 CSC 64.

14 Dans une plainte d’abus de pouvoir, c’est au plaignant qu’incombe le fardeau de la preuve. Voir la décision Tibbs, para. 48 à 55.

Examen de la candidature de M. Williams pour le poste EG-07

15 Selon le plaignant, l’intimé n’aurait pas dû examiner la candidature de M. Williams pour le poste EG-07 parce que celui-ci n’avait pas posé sa candidature pour ce poste.

16 L’annonce de possibilité d’emploi publiée le 11 mars 2011 concernait la dotation de postes EG-06 et EG-07 à Esquimalt et à Halifax de même que la création d’un bassin de candidats qualifiés en vue de la dotation de postes similaires. L’annonce contenait la note suivante : « Veuillez identifier clairement sur votre demande d’emploi le ou les postes pour lequel (lesquels) vous postulez. » [traduction]

17 M. Williams a soumis sa demande le 23 mars 2011 et a précisé, au début de sa lettre de présentation, qu’il posait sa candidature pour le poste de chef d’équipe (le poste EG‑06). Dans son curriculum vitæ, il a également indiqué que son objectif consistait à poursuivre « une carrière permanente à temps plein à titre de chef d’équipe des interventions opérationnelles au Bureau des services hydrographiques de Halifax. » [traduction]

18 Le Major Travis Maxwell, commandant de l’Escadron de l’information et des services géospatiaux au sein du Service de cartographie, était le président du comité d’évaluation pour le processus de nomination annoncé en cause. Le Major Maxwell a effectué la présélection des candidats pour ce processus en compagnie de Glenn Cornect, commandant de l’Escadron de production numérique du Service de cartographie. MM. Maxwell et Cornect ont tous deux indiqué qu’ils avaient effectué la présélection de tous les participants au processus comme si ces derniers avaient posé leur candidature à la fois pour les postes EG‑06 et EG-07.

19 M. Williams a été retenu à la présélection, puis a été informé qu’il serait convoqué à une entrevue. Au début de l’entrevue, le 11 mai 2011, M. Williams a dû préciser le poste pour lequel il posait sa candidature. Il a alors confirmé qu’il s’agissait du poste EG‑06. À ce moment-là, il n’a donc été évalué qu’en fonction du poste EG‑06, pour lequel il a obtenu de bons résultats.

20 M. Williams a expliqué que, le 31 octobre 2011, M. Cornect a communiqué avec lui pour lui demander s’il souhaitait poser sa candidature pour le poste EG‑07.

21 Après y avoir réfléchi, M. Williams a confirmé que le poste EG‑07 l’intéressait. Dans son témoignage, M. Williams a précisé que M. Cornect lui avait également téléphoné en novembre pour lui demander de fournir des renseignements supplémentaires au sujet de son expérience de la navigation maritime. M. Williams a fourni une copie du sommaire de son dossier de membre du personnel militaire. Il n’en est pas certain, mais il croit se rappeler avoir parlé à M. Maxwell au téléphone environ à la même période.

22 Le comité d’évaluation a décidé d’inscrire M. Williams comme candidat pour le poste EG‑07. M. Maxwell a expliqué que l’une des raisons pour lesquelles le comité d’évaluation a décidé d’examiner la candidature de M. Williams pour le poste EG-07 est qu’il s’est rendu compte lors des entrevues que le plaignant avait peut‑être influencé M. Williams afin qu’il pose sa candidature uniquement pour le poste EG‑06.

23 M. Williams a fait l’objet d’une évaluation postérieure à l’entrevue quelques semaines plus tard. Au cours d’une conférence téléphonique, le comité d’évaluation a posé à M. Williams quelques questions supplémentaires relativement au poste EG‑07. L’Énoncé des critères de mérite (ÉCM) pour les postes EG-06 et EG‑07 énumérait quelques qualifications essentielles communes aux deux postes. D’autres qualifications avaient été établies uniquement pour le poste EG‑06 ou le poste EG‑07. Pour le poste EG‑06, il était exigé des candidats qu’ils possèdent un « minimum de trois ans d’expérience dans la navigation maritime utilisant à la fois des chartes numériques et papier » [traduction], tandis que le poste EG‑07 exigeait des candidats qu’ils possèdent un « minimum de cinq ans d’expérience dans la navigation maritime utilisant à la fois des chartes numériques et papier » [traduction]. Le poste EG‑07 exigeait également une « connaissance des règlements financiers du gouvernement fédéral (art. 32 et 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques) » [traduction].

24 M. Williams a été jugé qualifié pour le poste EG‑07 et a été choisi comme la bonne personne pour le poste.

25 À la lumière des éléments de preuve qui lui ont été présentés, le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas influencé M. Williams de façon inappropriée afin qu’il pose sa candidature uniquement pour le poste EG‑06. Le plaignant a informé M. Williams du processus de nomination et l’a aidé à soumettre sa demande. Le plaignant a expliqué pourquoi il avait aidé M. Williams à soumettre sa demande et comment il l’avait fait. Il a expliqué qu’au moment de la parution de l’annonce de possibilité d’emploi pour les postes EG‑06 et EG‑07, il a communiqué avec M. Williams pour l’informer de la dotation du poste EG‑06. Les deux hommes se connaissent depuis 30 ans et ils sont amis (M. Williams a également travaillé pour le plaignant par le passé). Le plaignant a informé M. Williams qu’il posait sa candidature pour le poste EG‑07 et a indiqué à ce dernier que le poste EG‑06 lui conviendrait parfaitement.

26 Le plaignant et M. Williams ont ensuite discuté des qualifications essentielles pour ces postes. Selon leur compréhension du critère d’expérience applicable au poste EG‑07, ils croyaient que les candidats devaient posséder cinq années d’expérience de la navigation maritime à l’aide de chartes papier ainsi que cinq années d’expérience de l’utilisation de chartes numériques. Tous deux croyaient que M. Williams ne possédait pas cinq années d’expérience de la navigation maritime à l’aide de chartes numériques, mais qu’il en possédait au moins trois. Selon le plaignant, il s’agit de la raison pour laquelle M. Williams a posé sa candidature pour le poste EG‑06.

27 M. Williams a confirmé les propos du plaignant lors de l’audience. Il a expliqué avoir pris connaissance des qualifications essentielles pour le poste EG‑07, qui exigeait un « minimum de cinq ans d’expérience dans la navigation maritime utilisant à la fois des chartes numériques et papier » [traduction], et être arrivé à la conclusion qu’il avait besoin de cinq années d’expérience de la navigation maritime à l’aide de chartes numériques ainsi que de la navigation maritime à l’aide de chartes papier. Comme il ne pensait pas posséder cinq années d’expérience de la navigation maritime à l’aide de chartes numériques, il a présumé qu’il ne pouvait pas poser sa candidature pour le poste EG‑07.

28 Le plaignant a également expliqué que M. Williams lui a demandé d’examiner sa demande avant qu’il ne l’envoie, ce que le plaignant a fait. Le plaignant a ensuite fait faire une visite de son bureau à M. Williams.

29 Contrairement à ce que l’intimé affirme, le Tribunal estime qu’il n’était pas inapproprié de la part du plaignant d’informer M. Williams de l’annonce pour le poste EG‑06 et de l’aider à soumettre sa demande pour ce poste. M. Williams avait accès à l’annonce de possibilité d’emploi, laquelle décrivait les postes EG‑06 et EG‑07, et il a décidé de poser sa candidature uniquement pour le poste EG‑06.

30 La question consiste essentiellement à déterminer si l’intimé pouvait examiner la candidature de M. Williams pour le poste EG‑07 alors que celui‑ci n’avait pas posé sa candidature pour le poste en question. En d’autres termes, l’intimé pouvait‑il rouvrir le processus seulement pour M. Williams?

31 Dans l’annonce de possibilité d’emploi, il était indiqué que la date de clôture pour la présentation des candidatures était fixée au 24 mars 2011. À cette date, M. Williams avait posé sa candidature uniquement pour le poste EG‑06, et non pour le poste EG‑07. En fait, l’intimé a secrètement rouvert le processus sept mois après la date de clôture afin de permettre à M. Williams de devenir candidat pour le poste EG‑07. Aucun élément de preuve ne montre que la même possibilité a été offerte à d’autres candidats dans le processus.

32 Tel qu’il est indiqué dans la décision Tibbs, il faut plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir. Pour qu’une plainte d’abus de pouvoir soit considérée comme fondée en vertu de la LEFP, il doit y avoir eu conduite inappropriée ou encore erreur ou omission grave.

33 En rouvrant le processus seulement pour M. Williams sept mois après la date de clôture, l’intimé a commis une erreur grave dans le processus de nomination, erreur qui constitue un abus de pouvoir. Dans l’annonce de la possibilité d’emploi, il était demandé aux candidats d’indiquer clairement pour quel(s) poste(s) ils souhaitaient poser leur candidature. Dans sa demande, M. Williams a indiqué seulement le poste EG‑06. Au début de son entrevue, il a confirmé qu’il posait sa candidature pour le poste EG‑06. Il a ensuite été évalué en fonction du poste EG‑06. L’intimé ne pouvait pas, des mois plus tard, et en agissant de son propre chef, communiquer seulement avec M. Williams, lui demander s’il souhaitait que sa candidature soit prise en considération pour un autre poste, puis l’intégrer au processus pour le poste EG‑07. La démarche de l’intimé était contraire aux valeurs de nomination de la LEFP que sont l’équité et la transparence.

34 Tel qu’il est énoncé dans le préambule de la LEFP, l’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de dotation au sein de la fonction publique doit être caractérisé par des pratiques d’emploi équitables et transparentes (voir Tibbs, para. 64). Les valeurs de nomination que sont l’équité et la transparence sont également énoncées dans les Lignes directrices de la CFP en matière de nomination – Généralités.

35 En l’espèce, il n’était pas équitable de rouvrir le processus seulement pour un candidat. En outre, l’intimé ne pouvait pas rouvrir le processus en secret, sans en parler à quiconque. Une telle façon de faire est contraire à la valeur qu’est la transparence.

36 Par conséquent, le Tribunal conclut qu’en rouvrant le processus seulement pour M. Williams après la date de clôture, l’intimé a commis une erreur grave qui constitue un abus de pouvoir.

37 Enfin, comme l’intimé avait demandé aux candidats d’indiquer pour quel(s) poste(s) ils souhaitaient poser leur candidature, il était inapproprié de sa part d’effectuer la présélection de tous les candidats dans le processus comme s’ils avaient posé leur candidature pour les deux postes. Tel qu’il est mentionné ci‑dessus, les qualifications exigées pour ces deux postes n’étaient pas identiques.

Qualifications de M. Williams pour le poste EG‑07

38 De plus, le Tribunal estime qu’il y avait une erreur dans la formulation de l’une des qualifications essentielles pour le poste EG‑07. La formulation de cette qualification prêtait à confusion. Dans la version anglaise de l’annonce de possibilité d’emploi, cette qualification essentielle était formulée de la façon suivante : « [a] minimum of 5 years experience in marine navigation using both digital and paper charts » (italique ajouté). La version française de l’annonce n’a pas été déposée en preuve.

39 M. Maxwell a expliqué que, lorsqu’il a rédigé cette qualification, il voulait que les candidats aient accumulé au moins cinq années d’expérience de la navigation maritime en combinant l’utilisation de chartes numériques et de chartes papier. M. Maxwell a expliqué que, lors de la présélection, le comité d’évaluation avait ainsi cherché à savoir si les candidats possédaient au moins une certaine expérience de la navigation maritime à l’aide de chartes numériques. Une telle expérience pouvait être combinée à l’expérience de la navigation maritime à l’aide de chartes papier pour autant que les deux types d’expérience totalisent, ensemble, au moins cinq ans. Comme M. Williams possédait une certaine expérience de la navigation maritime à l’aide de chartes numériques (même si son expérience était de moins de cinq ans), le comité d’évaluation a déterminé que cette expérience pouvait être combinée à son expérience de l’utilisation de chartes papier; de cette façon, M. Williams cumulait plus de cinq années d’expérience.

40 À première vue, toutefois, compte tenu du sens habituel du mot anglais « both », les candidats éventuels pouvaient très bien croire que la qualification exigeait cinq années d’expérience de la navigation maritime à l’aide de chartes numériques ainsi que cinq années d’expérience de l’utilisation de chartes papier.

41 Le plaignant et M. Williams ont tous deux indiqué que c’est ainsi qu’ils ont interprété cette qualification. En fait, M. Williams n’a pas posé sa candidature pour le poste EG‑07 parce qu’il croyait ne pas posséder cinq années d’expérience de la navigation maritime à l’aide de chartes numériques.

42 Si la qualification avait été formulée de façon à mieux correspondre à ce que l’intimé avait en tête pour le poste EG‑07 (c’est‑à‑dire un total de cinq années d’expérience de la navigation maritime combinant l’utilisation de chartes numériques et de chartes papier), alors M. Williams et d’autres candidats éventuels auraient peut‑être postulé. Comme le Tribunal l’a expliqué dans la décision Henry c. Administrateur général de Service Canada, 2008 TDFP 0010, au paragraphe 49, ce qui est exigé des candidats devrait être décrit de façon claire, précise et transparente dans l’annonce de possibilité d’emploi et l’ÉCM.

43 En l’espèce, toutefois, en se fondant sur le sens habituel du mot anglais « both », le Tribunal estime que la qualification exigeait cinq ans d’expérience de la navigation maritime à l’aide de chartes numériques ainsi que cinq ans d’expérience de la navigation maritime à l’aide de chartes papier. Ainsi, selon le Tribunal, il était inapproprié de la part de l’intimé d’interpréter cette qualification d’une façon qui soit contraire au sens habituel du mot anglais « both ». En agissant de la sorte, l’intimé a déterminé que M. Williams était qualifié pour le poste EG‑07 alors qu’il ne possédait pas cinq années d’expérience de l’utilisation de chartes numériques. L’intimé a donc enfreint l’article 30(2) de la LEFP, qui exige que les nominations soient fondées sur le mérite.

44 Par conséquent, le Tribunal conclut que l’intimé a commis une erreur grave en déterminant que M. Williams était qualifié pour le poste EG‑07, erreur qui constitue un abus de pouvoir.

Autres questions en litige

45 Le plaignant affirme que l’intimé a abusé de son pouvoir de plusieurs autres façons, notamment en déterminant que la personne nommée était la bonne personne pour le poste et en n’évaluant pas tous les candidats dans les mêmes conditions. Toutefois, puisqu’il a déterminé que l’intimé avait abusé de son pouvoir en examinant la candidature de M. Williams pour le poste EG‑07, le Tribunal n’a pas à se pencher sur ces autres questions. Le Tribunal note que la mesure corrective demandée par le plaignant est la révocation de la nomination de M. Williams.

Décision

46 Pour tous les motifs énoncés ci‑dessus, la plainte est accueillie.

Ordonnance

47 Le Tribunal ordonne à l’administrateur général de révoquer la nomination de Darryl Williams dans les 60 jours suivant la présente décision.


Nathalie Daigle
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2012-0814
Intitulé de la cause :
Wayne Renaud et le sous-ministre de la Défense nationale
Audience :
Les 6, 7 et 26 juin 2013
Halifax (N.-É.)
Date des motifs :
Le 19 août 2013

COMPARUTIONS :

Pour les plaignants :
Louis Bisson
Pour l’intimé :
Allison Sephton
Pour la Commission
de la fonction publique :
Karyne Mongrain
(observations écrites)
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